M. Francis DELATTRE, rapporteur spécial

II. DES CRÉDITS EN HAUSSE DE 4,7 % EN 2016, DÉPASSANT LE PLAFOND DU TRIENNAL 2015-2017

A. UNE NOUVELLE AUGMENTATION DES DÉPENSES EN 2016

Le montant global des crédits de la mission « Santé » s'élève à 1 256 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 1 257 millions d'euros en crédits de paiement (CP) pour l'exercice 2016 .

À périmètre courant, c'est-à-dire sans tenir compte des effets des mesures de transfert présentées précédemment, les crédits de paiement augmenteraient donc de 4,7 %, soit 56 millions d'euros , par rapport au montant inscrit en loi de finances pour 2015. En tenant compte des mesures de transfert ayant un impact à la hausse d'environ 1 million d'euros sur les crédits du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », les crédits de paiement progressent de 4,6 % par rapport à 2015.

La comparaison des crédits proposés pour 2016 avec l'exécution 2014 présente un intérêt plus limité, dans la mesure où le périmètre de la mission a été réduit en 2015, à la suite du transfert de certaines dépenses vers l'assurance maladie. Les crédits de la mission diminuent ainsi de 2,9 % en 2016 par rapport au résultat constaté au titre de l'exercice 2014 .

Il convient par ailleurs de rappeler les difficultés de maîtrise des dépenses de la mission « Santé » observées l'année passée. En 2014, les crédits de paiement effectivement consommés ont dépassé de 7,3 % la prévision en loi de finances initiale et de 0,8 % l'exécution constatée en 2013.

Observation n° 1 : le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une augmentation de 4,7 % des crédits de la mission « Santé » à périmètre courant et de 4,6 % à périmètre constant. Les crédits de paiement de la mission s'élèveront ainsi à 1 257 millions d'euros en crédits de paiement . Comme l'année passée, la mission ne respecte pas la norme « zéro valeur » , selon laquelle les dépenses du budget général de l'État doivent être stabilisées en valeur à périmètre constant.

Évolution des crédits de la mission « Santé » à périmètre courant en 2016

(en euros)

LFI 2015

PLF 2016

Évolution

2016/2015

Programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins »

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 11 : Pilotage de la politique de santé publique

91 312 076

91 312 076

91 451 632

91 451 632

0,2 %

0,2 %

Action 12 : Accès à la santé et éducation à la santé

25 844 900

25 844 900

24 603 305

24 603 305

-4,8 %

-4,8 %

Action 13 : Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins

7 970 984

7 970 984

6 885 700

6 885 700

-13,6 %

-13,6 %

Action 14: Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades

62 662 340

62 662 340

54 351 796

54 351 796

-13,3 %

-13,3 %

Action 15 : Prévention des risques liés à l'environnement, au travail et à l'alimentation

18 211 266

18 211 266

19 208 187

19 208 187

5,5 %

5,5 %

Action 16 : Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires

11 561 045

11 561 045

11 300 197

11 300 197

-2,3 %

-2,3 %

Action 17 : Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain

138 622 075

138 622 075

134 628 290

134 628 290

-2,9 %

-2,9 %

Action 18 : Projets régionaux de santé

124 235 758

124 235 758

124 543 886

124 543 886

0,2 %

0,2 %

Action 19 : Modernisation de l'offre de soins

34 650 000

34 650 000

34 682 500

35 982 500

0,1 %

3,8 %

Total programme 204

515 070 444

515 070 444

501 655 493

502 955 493

-2,6 %

-2,4 %

Programme 183
« Protection maladie »

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 2 : Aide médicale de l'État

676 425 230

676 425 230

744 530 028

744 530 028

10,1 %

10,1 %

Action 3 : Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

0,0%

0,0%

Total programme 183

686 425 230

686 425 230

754 530 028

754 530 028

9,9 %

9,9 %

TOTAL MISSION « SANTE »

1 201 495 674

1 201 495 674

1 256 185 521

1 257 485 521

4,6 %

4,7 %

Effet des mesures de transfert

1 081 596

1 081 596

4,5 %

4,6 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des réponses du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes au questionnaire de votre rapporteur spécial)

B. LE NON-RESPECT DU PLAFOND DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

La loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2014 à 2019 1 ( * ) a fixé le plafond des crédits de la mission « Santé » à 1 220 millions d'euros 2 ( * ) pour l'année 2016, en hausse de 1,2 % par rapport au montant prévu en 2015, abandonnant ainsi l'objectif de stabilisation prévu par la programmation précédente.

Cependant, le montant inscrit en projet de loi de finances pour 2016 dépasse de 37 millions d'euros - soit 3 % - le plafond fixé dans le cadre du budget triennal 2015-2017 . À l'occasion de l'examen de du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2014, votre rapporteur spécial avait relevé que l'objectif d'évolution de la dépense de 2,2 % au cours de la période 2015-2017 semblait difficile à atteindre, compte tenu du rythme de progression des dépenses d'AME.

Plafonds des crédits de la mission « Santé » dans le cadre du budget triennal 2015-2017 (1)

(en millions d'euros)

2015

2016

2017

Plafonds inscrits en LPFP (1)

1 203

1 220

1 228

Montants inscrits en LFI ou PLF au format 2016 (2)

1 203

1 257

-

(1) Les plafonds de la mission « Santé » sont présentés hors contribution directe de l'État au compte d'affectation spéciale « Pensions » et au format du projet de loi de finances pour 2016.

(2) Le format 2016 de la mission tient compte des mesures de périmètre et des transferts ayant un impact sur la mission « Santé » en 2015.

Source : PAP de la mission « Santé » pour 2016

Pour mémoire, dans le cadre de l'exécution 2014, un dépassement de 6 % du plafond fixé par la programmation triennale 2013-2015 3 ( * ) avait déjà été constaté, ce qui correspondait à 84 millions d'euros, en tenant compte des modifications de périmètre.

Observation n° 2 : le montant des crédits inscrits pour 2016 dépasse de 3 % le plafond, fixé à 1 220 millions d'euros , par la loi de programmation des finances publiques 2014-2019.

C. DEUX PROGRAMMES AUX DYNAMIQUES CONTRAIRES

Le rythme de progression, relativement modéré, des crédits de la mission « Santé » en 2016 résulte de l'évolution opposée des deux programmes qui la constituent :

- les crédits du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » diminuent de 2,4 % à périmètre courant et de 2,6 % à périmètre constant. Une baisse de 5,8 % avait déjà été prévue en loi de finances initiale pour 2015. En tenant compte des transferts de dépenses opérés vers l'assurance maladie, les crédits du programme ont diminué de 20,8 % entre l'exécution 2013 et la prévision pour 2016 . Sont plus particulièrement touchés par cette baisse de crédits en 2016 l'action 14 « Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins » et l'action 17 « Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain », dont les dotations diminuent respectivement de 8,3 millions d'euros et de 4 millions d'euros à périmètre constant. En revanche, la participation de l'État au financement des actions de prévention du Fonds d'intervention régional (FIR) demeure stable avec 124,5 millions d'euro (action 18 « projets régionaux de santé ») ;

- les crédits du programme 183 « Protection maladie » augmentent, quant à eux, de près de 10 % . Si la dotation de l'État au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) demeure stabilisée à 10 millions d'euros, les crédits consacrés à l'AME progressent à nouveau de 10,1 %. Cette hausse doit toutefois être nuancée : entre l'exécution 2013 et la prévision 2016, les crédits relatifs à l'AME n'augmentent que de 1,4 % . La forte hausse constatée chaque année en projet de loi de finances reflète donc principalement la sous-budgétisation chronique de cette prestation qui, certes, progresse, mais pas au rythme auquel le laisse supposer chaque année le projet de loi de finances. Concernant la dotation au FIVA, l'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, une majoration de 3,4 millions d'euros de son montant, gagée par une baisse à due concurrence des crédits relatifs à la prévention du programme 204, afin de financer la remise de créances en faveur de victimes de l'amiante, prévue par le Gouvernement 4 ( * ) .

Évolution des crédits de la mission « Santé » par type de dépenses
à périmètre courant

(crédits de paiement en millions d'euros)

Exécution 2013

Exécution 2014

LFI 2015

PLF 2016

Évolution 2015/2016

Évolution 2013/2016

Programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins »

Titre 3. Dépenses de fonctionnement

305,2

289,3

325,7

307,4

-5,6%

0,7%

Titre 6. Dépenses d'intervention

329,8

340,6

189,4

195,5

3,2%

-40,7%

Total

635,0

630,0

515,1

503,0

-2,4%

-20,8%

Programme 183 « Protection maladie »

Titre 3. Dépenses de fonctionnement

0,2

0,3

-

-

-

-

Titre 6. Dépenses d'intervention

743,8

759,6

686,4

754,5

9,9%

1,4%

Total

744,0

759,9

686,4

754,5

9,9%

1,4%

Mission « Santé »

Titre 3. Dépenses de fonctionnement

305,4

289,6

325,7

307,4

-5,6%

0,7%

Titre 6. Dépenses d'intervention

1073,6

1100,2

875,8

950,1

8,5%

-11,5%

Total

1379,0

1295,5

1201,5

1257,5

4,7%

-8,8%

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du rapport annuel de performances pour 2014 et des projets annuels de performances pour 2015 et 2016 de la mission « Santé »)

Les deux programmes de la mission « Santé » se distinguent également par la différence de nature de leurs dépenses. Le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » est composé à 61 % de crédits de titre 3 (dépenses de fonctionnement) et à 49 % de crédits de titre 6 (dépenses d'intervention), tandis que le programme 183 « Protection maladie » regroupe exclusivement des dépenses d'intervention. Globalement, on observe une baisse de 5,6 % des dépenses de fonctionnement par rapport à la loi de finances pour 2015, tandis que les dépenses d'intervention augmentent de 8,5 % . La diminution des dépenses de fonctionnement s'explique principalement par la baisse des subventions pour charges de service public versées aux opérateurs sanitaires (cf. infra ).

Observation n° 3 : les deux programmes de la mission « Santé » évoluent de façon opposée en 2016 : les crédits du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » diminuent de 2,4 % par rapport à la prévision pour 2015, tandis que ceux du programme 183 « Protection maladie » augmentent de 9,9 % . Cette évolution contrastée s'explique par le dynamisme variable des dépenses de fonctionnement et des dépenses d'intervention, en particulier des dépenses d'aide médicale d'État (AME).


* 1 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 2 Au format du projet de loi de finances pour 2016. Le montant initialement inscrit en LPFP s'élevant à 1 224 millions d'euros pour l'année 2016.

* 3 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

* 4 Cf. commentaire de l'article 62 quinquies infra .