MM. Yannick Botrel et Alain Houpert, rapporteurs spéciaux

PREMIÈRE PARTIE
LES CONCOURS BUDGÉTAIRES À L'AGRICULTURE

Le présent projet de loi de finances propose de doter la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR) 1 ( * ) , portée par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation (MAA) de 3,322 milliards d'euros en AE et 3,435 milliards d'euros en CP (hors fonds de concours).

Évolution 2017-2018 de la mission
« Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »

(en millions d'euros et en %)

Programmes

LFI 2017

Projet de loi de finances 2018

Évolution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture »

2 266,6

2 232,7

2 117,1

2 225,4

-6,6 %

- 0,3 %

206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation »

508,2

505,7

555,0

553,0

+10,8 %

+9,3 %

215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture »

653,6

652,7

650,2

656,2

-0,05 %

+0,05 %

Total mission

3 428,4

3 391,1

3 322,3

3 434,7

-3,1 %

+1,3 %

dont dépenses de personnel

868,5

868,5

887,1

887,1

+2,1 %

+2,1 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2018

Dans la présentation qui en est faite par le Gouvernement, le projet budgétaire de la mission renouerait avec l'exigence de sincérité. Toutes choses égales par ailleurs par rapport au précédent projet de loi de finances et si l'on considère que ce dernier était insincère, il n'est pas possible de qualifier de sincère ce projet de budget construit selon des logiques analogues de sous-budgétisation des dépenses. La sincérité du budget de la mission supposerait de pouvoir vérifier que les engagements liés aux choix qui structurent les politiques publiques financées par la mission sont convenablement couverts par la programmation budgétaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Par ailleurs, si un projet de budget doit respecter des principes élémentaires, il doit faire mieux en répondant, de façon conséquente, aux différents enjeux auxquels se trouve confrontées les politiques publiques qu'il accompagne.

De ce dernier point de vue, le projet de budget de la mission ne donne pas satisfaction.

I. UN BUDGET QUI CULTIVE LES APPARENCES

A. UN PROJET DE BUDGET INSCRIT DANS UN CONTEXTE CHAOTIQUE

1. Des dépenses non dotées, des dotations non dépensées

L'appréciation du budget de la loi de finances initiale destiné à notre politique agricole et de l'alimentation est perturbée ces dernières années par d'importants mouvements de crédits intervenant en cours de gestion.

Qu'ils concernent les crédits de l'année de base retracés dans la loi de finances en cours ou ceux de l'exercice couvert par le projet de loi de finances ils ont pour effet de modifier les équilibres budgétaires à un point tel que les choix budgétaires, sans être totalement illisibles, s'en trouvent pris dans une sorte de relativisme qui brouille une bonne partie des repères usuels.

Destinés à couvrir des besoins apparus en cours d'année en lien avec des événements de toutes sortes ou avec les affres de la gestion des interventions agricoles, ces ajustements traduisent aussi un défaut de crédibilité des lois de finances de l'année, que votre rapporteur spécial Alain Houpert a régulièrement dénoncé comme manifestant un manque de sincérité des différents « budgets agricoles » qu'il a eu l'honneur de rapporter.

Si cette appréciation , qui a reçu une forme de consécration dans les travaux sur la situation des finances publiques réalisés par la Cour des comptes à la suite de l'élection du nouveau Président de la République , a pu être nuancée , votre rapporteur spécial Yannick Botrel estimant difficile de provisionner des aléas se prêtant mal à la prévision , force est de reconnaître que les ajustements de grande ampleur des dotations budgétaires réservées au monde agricole ces dernières années traduisent l'existence d'engagements latents mal provisionnés un temps et qu'il faut bien se résoudre à budgéter quand leur manifestation ne peut plus être différée.

Plus techniquement, il convient de considérer, d'abord, que ces évolutions très heurtées viennent relativiser les observations qu'il est possible de porter sur les grandes évolutions de crédits des projets de loi de finances pour l'année à venir , du fait tant des révisions fréquentes qui les frappent en cours d'année que des difficultés à déterminer la solidité et la signification même de la base de comparaison qu'offrent les crédits de l'année en cours. En effet, il est fréquent que ceux-ci soient profondément remaniés par le collectif de fin d'année alors même qu'ils reflètent plus ou moins des facteurs exceptionnels, de peu de portée si l'on veut apprécier l'effort structurel du pays en faveur de son agriculture. Par ailleurs, il faut bien prendre en compte les incidences pratiques des errements budgétaires . Les impasses budgétaires sont également des impasses de gestion au fond desquelles les gestionnaires sont pris entre des injonctions contradictoires et quelque peu inconfortables : dépenser ce qu'ils n'ont pas ; économiser ce qu'ils devraient en dépenser.

L'exemple de l'exécution budgétaire en 2016

On rappelle que jusqu'en 2016, les interventions de l'actuel programme 149 étaient réparties en deux programmes : l'un concernant la politique forestière (ancien programme 149), l'autre correspondant aux diverses mesures de soutien aux exploitations agricoles (programme 154).

S'agissant du programme 149, un solde d'exécution avait pu être constaté. Le taux de consommation des crédits ouverts en loi de finances initiale s'était établi à 84,6 % en crédits de paiement tandis que le taux de consommation des crédits finalement ouverts avait été sensiblement supérieur à 96,5 %, compte tenu d'importantes annulations de crédits en cours d'année (plus de 34 millions d'euros, soit près de 12 % des dotations de la loi de finances initiale).

La situation avait été tout autre pour le programme 154 dont le taux d'exécution des crédits de la loi de finances initiale avait atteint 131,2 % (en crédits de paiement) alors que le taux d'exécution des dotations finalement ouvertes n'avait été de son côté que de 86 %. La loi de finances de l'année avait ouvert 1 279,6 millions d'euros de crédits de paiement mais ceux-ci avaient été augmentés de 671,4 millions d'euros en cours d'année, les 688,2 millions d'euros ouverts par la loi de finances rectificative de fin d'année ayant dépassé de beaucoup les annulations de crédits décidées en cours de gestion. Finalement, en contrepoint de dotations disponibles se montant à 1 951 millions d'euros, le solde d'exécution a été de 272,3 millions d'euros, 259,2 millions d'euros se trouvant gelés par précaution en fin de période en prévision des demandes de reports de crédits prévisibles compte tenu des retards de paiement concernant principalement l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN).

On relève également que tant les crédits destinés à verser l'ICHN que ceux devant financer le dispositif d'allègement de cotisations sociales des travailleurs occasionnels (TO/DE) ont été « surgelés » dans l'attente de crédits nouveaux pour financer d'autres dépenses urgentes. Ainsi, ce n'est qu'en toute fin d'année 2016 qu'a été versée à la CCMSA la compensation budgétaire due par l'État au titre des exonérations de cotisations sociales, en contravention avec la convention du 29 février 2008 qui en prévoit le règlement par trois versements (février, juin et novembre) contraignant la Caisse à demander à l'ACCOSS une majoration de ses concours financiers.

2. Un projet de budget pour 2018 sur lequel pèse l'épée de Damoclès de l'exécution 2017

Le projet de budget pour 2018 ne saurait être apprécié indépendamment des conditions de la programmation budgétaire de l'année en cours .

Sa crédibilité dépend de l'issue réservée aux difficultés qu'elle présente et qui témoignent d'une gestion existentielle du budget agricole confrontée à des impasses de financement récurrentes et recourant à des expédients au détriment de la sécurité financière des exploitations agricoles (et de certains organismes partenaires) et au prix de la crédibilité des objectifs poursuivis par la politique agricole, notamment pour les plus fragiles des acteurs de l'agriculture française.

Le projet de budget pour 2018 n'échappe pas à ces difficultés. On doit même signaler que, d'ores et déjà, çà et là, il les incarne et les consacre malgré une communication gouvernementale affirmant le contraire.

L'exécution 2017 n'est pas achevée mais elle témoigne d'enchaînements analogues à ceux survenus en 2016 (et est placée sous leur influence directe) et crée des problèmes de programmation financière aigus. On peut en suggérer un résumé en mentionnant l'avis défavorable rendu par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) sur la programmation des crédits pour 2017.

Les tableaux ci-dessous présentent ainsi les impasses de financement identifiées par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel sur le nouveau programme 149 tel qu'issu de la fusion des programmes 154 et 149 ancien.

Le total des impasses identifiées par le CBCM s'élève à 1 059,3 millions d'euros dont 414,6 millions d'euros au titre des refus d'apurement européens . Compte tenu du dégel intégral de la réserve de précaution (151,8 millions d'euros dont 105,9 millions sur des lignes considérées comme « à dégel obligatoire » par le CBCM, donnée qui conduit à relativiser considérablement la dimension opérationnelle de la réserve de précaution appliquée au crédits de la mission) et des reports massifs de crédits de l'exercice 2016 sur l'exercice 2017 (280,7 millions d'euros) en lien avec l'ouverture tardive réalisée dans la loi de finances rectificative de fin 2016, l'impasse nette de financement de l'exercice 2017 s'élève encore , selon le CBCM, à 626,8 millions d'euros , dont 212,2 millions d'euros de refus d'apurement européen . Il y aurait lieu de définir avec précision une méthodologie plus rigoureuse de chiffrage de la réserve de précaution qui aurait vocation à être appliquée sur le long terme.

Source : Rapport du contrôleur budgétaire et comptable ministériel sur la répartition des crédits pour 2017

Dans ces conditions, il y a tout lieu d'envisager des ouvertures complémentaires de fin d'année du même ordre que celle du « collectif » de fin 2016 .

Mais, dans l'état de l'information fournie au Parlement par le Gouvernement, rien ne permet d'en donner la garantie.

En toute hypothèse, en l'absence de corrections apportées au dispositif actuel de financement de la politique agricole pour 2017, le projet de budget pour 2018 devrait n'être considéré que comme purement virtuel.

Sans préjuger d'évolutions qui pourraient encore advenir au cours de cette fin d'année, il reste que, d'ores et déjà, le projet de budget pour 2018 entérine en partie le choix de ne pas couvrir toutes les impasses budgétaires de l'année en cours en 2017 . En effet, il comporte des crédits destinés à acquitter des dépenses qui auraient dû être payées (et donc budgétées) en 2017 (voir infra ), choix qui, loin d'être un motif de satisfaction, incarne une forme de cavalerie budgétaire (voir infra ) mise en oeuvre au détriment des agriculteurs.

En quelque sorte, le budget proposé pour 2018 vient consacrer les pratiques de l'exécution budgétaire de l'année en cours, pourtant dénoncées avec insistance par le gouvernement à la suite du rapport de la Cour des comptes du 29 juin 2017 et que ce dernier indiquait avoir corrigé.

Force est de conclure cette introduction par plusieurs observations.

En premier lieu, la base de comparaison des dotations demandées pour 2018 se trouve d'emblée très supérieure à celle qu'extériorise le projet annuel de performances pour 2018. Celui-ci ne récapitule que des crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2017. Or, ceux-ci sont inférieurs de plus d'un milliard aux besoins effectifs de l'exercice en cours, déficit considérable en termes relatifs puisqu'à mettre en rapport avec des ouvertures initiales de 2 232,7 millions d'euros.

En second lieu, une sorte de « cavalerie » semble de pratique courante dans la gestion des crédits de la mission. Les déficits consentis dans la programmation initiale des crédits, qui ne couvre pas l'ensemble des engagements certains à payer au cours de l'année, et, en particulier, le cumul des droits ouverts lors des exercices précédents et au titre de l'exercice en cours, conduisent à reporter les paiements relatifs à plusieurs dépenses retracées dans le budget de l'année, généralement de guichet, ou, à tout le moins, inéluctables, jusqu'en fin d'année dans l'attente de crédits complémentaires ouverts en loi de finances rectificative, dont certains ne seront consommés que lors de l'exercice ultérieur à partir des reports de crédits provenant du solde d'exécution budgétaire entre les crédits ouverts par l'ensemble des textes financiers de l'année (loi de finances initiale et lois de finances rectificatives) et les dépenses de l'exercice.

B. LA TRÈS RELATIVE STABILITÉ DES DOTATIONS DEMANDÉES POUR 2018

Face à une programmation financière semblant souvent creuser des trous budgétaires pour combler les trous budgétaires creusés l'année précédente, le projet de budget initial pour 2018 semble échapper, par son apparente stabilité, aux heurts d'une gestion budgétaire qualifiée de chaotique par la Cour des comptes. Au moins pour les crédits de paiement, la dotation demandée pour 2018 apparaît globalement stabilisée. Les crédits de paiement connaissent une progression de 1,3 % en ligne avec l'inflation prévisible si bien qu'en valeur réelle ils se trouvent stabilisés.

Mais, outre la très faible significativité des inscriptions budgétaires dans leur état actuel du fait des conditions hasardeuses de l'exécution budgétaire en 2017, il y a lieu, pour jauger d'une stabilisation, qui apparaît d'emblée très relative, de tenir compte de modifications de périmètre aux effets considérables et des très fortes incertitudes quant aux charges qui pourraient apparaître au cours de l'année 2018 (voir infra , les développements spécifiquement consacrés au programme 149).

Par ailleurs, les éléments de programmation budgétaire à moyen terme, qui ne laissent d'être préoccupants, doivent être pris en compte.

1. Une modification de structure de grande ampleur

Le projet de budget pour 2018 est tributaire d'une profonde restructuration du programme 149.

Les crédits destinés à financer la protection sociale des exploitants diminuent de 435,5 millions d'euros tandis que les crédits ouverts au titre de l'action 27 « Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques et gestion des interventions » de ce programme progressent de 306,2 millions d'euros, principalement sous l'effet de l'inscription d'une dotation provisionnelle de 300 millions d'euros .

Une partie importante de la solidarité nationale au bénéfice des exploitants agricoles se trouve ainsi transférée du budget de l'Etat vers l'architecture générale du financement de la protection sociale, qui relève des équilibres des lois de financement de la sécurité sociale.

Ce troc, qui pourrait se révéler désavantageux pour les exploitants agricoles du fait de la hausse de leur contribution au financement de la protection sociale (voir infra ) soulage considérablement les charges inscrites au budget.

En revanche, le niveau des charges publiques ne devraient pas ressortir diminué de cette évolution qui peut, sous cet angle, s'analyser comme un simple changement de périmètre comptable.

Cette économie budgétaire est partiellement compensée par l'inscription d'une dotation provisionnelle globale destinée à financer la survenance d'un certain nombre de sinistres sanitaires, environnementaux ou de gestion.

Vos rapporteurs spéciaux tendent à considérer cette inscription avec faveur, dans la mesure où elle pourrait rapprocher le projet de budget d'une plus grande sincérité.

Toutefois, hormis les réserves précisées ci-dessous sur ce point particulier du fait des inconnues portant sur les engagements latents du budget agricole, force est d'observer que la dotation dont s'agit n'a pas a priori vocation à être dépensée, en dehors de la survenance de dépenses imprévisibles. Elle constitue une réserve assurantielle appelée à financer les suites de sinistres dont la nature très diversifiée doit, au demeurant, être soulignée dans la mesure où les dépenses associées présenteraient des conséquences très inégales pour les agriculteurs. Dans l'hypothèse où cette cagnotte serait utilisée pour financer les impérities de la gestion par la France des interventions agricoles européennes, son emploi, consacré à régler les dettes de l'Etat, ne profiterait que de façon très indirecte aux exploitations.

Dans ces conditions, il n'est pas possible de compter, sans bénéfice d'inventaire, les 300 millions d'euros ouverts en 2018 au rang des dotations représentatives des concours à l'agriculture française.

2. Un premier pas vers un repli des soutiens aux exploitations

C'est encore par d'autres aperçus qu'il convient de nuancer l'apparente stabilité du budget agricole pour 2018. Outre les évolutions contrastées entre les programmes il y a lieu de constater qu'elle ne s'étend pas aux autorisations d'engagement, dont la programmation qui traduit les orientations budgétaires à plus long terme doivent être considérées comme d'autant plus négatives que la programmation pluriannuelle des finances publiques les ancrent dans le moyen terme.

a) Un programme 149 sous pression

Le programme 149 qui regroupe les interventions correspondant au renforcement des exploitations agricoles répondant à des choix structurels de politique de développement agricole et rural. Particulièrement significatif pour les exploitants, il subit une contraction de ses moyens. Déjà importante pour les seuls crédits de paiement (- 0,3 % en valeur et, ainsi plus de 1 % en volume), elle ressort comme tout à fait considérable pour les autorisations d'engagement. Celles-ci reculent de plus de 6 %.

Le programme 206 consacré à la sécurité sanitaire de l'alimentation connaît, de son côté, une forte progression de ses crédits (9,3 % en CP ; plus de 10 % en AE). Compte tenu de son poids relatif, cette dynamique n'alourdit les charges budgétées que de 47,3 millions d'euros contre une économie apparente de 7,3 millions d'euros associée au repli de 0,3 % des dotations du programme 149. Enfin, le programme de financement général de l'administration de l'agriculture (d'autres dépenses d'administration sont toutefois logées dans les deux autres programmes de la mission) connaît une légère augmentation de ses moyens.

b) Des orientations préoccupantes pour l'avenir

Même si elle résulte également d'autres déterminants, la forte baisse des autorisations d'engagement du programme 149 paraît préfigurer le choix d'inscrire les dépenses agricoles sur une trajectoire baissière au cours des années à venir tel que l'illustre le projet de loi de programmation des finances publiques en cours d'examen par le Parlement.

Évolution des crédits de paiement de la mission (2018-2020)

(en milliards d'euros)

2018

2019

2020

Écart 2020/2018

Crédits de paiement

3,19

2,88

2,84

-0,35

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

Les crédits de paiement dessinent une baisse de 350 millions d'euros en 2020 par rapport au projet de budget pour 2018.

Il s'agit d'une réduction (plus de 10 %) dont l'ampleur considérable doit être appréciée en fonction d'une série de paramètres.

Il convient d'abord de rappeler que la cible d'évolution des dépenses des administrations centrales suppose une croissance en volume de 1 % par an sur la période de programmation d'où le niveau de priorité accordée à l'agriculture se déduit aisément.

Encore faut-il considérer que la programmation budgétaire pour les deux années 2019 et 2020 est déjà préemptée par 588,3 millions d'euros correspondant à des dépenses engagées.

Enfin, et peut-être surtout, la programmation triennale intervient dans un contexte général de très fortes incertitudes .

Non seulement elle s'étalonne sur un projet de budget pour 2018 dont la consistance pourrait être très inférieure aux besoins (du fait des charges reportées et de la survenance de nouveaux risques ; voir infra ) mais encore paraît négliger un contexte européen offrant la perspective de nouveaux défis financiers et un contexte mondial de très fortes tensions.

Sur ce dernier point, il suffit de rappeler que le nombre des personnes souffrant de la faim dans le monde, qui avait reculé ces dernières années, devrait connaître une augmentation en 2017, la perspective d'une hausse de la demande mondiale de nourriture en lien notamment avec celle de la population mondiale posant bien les termes d'un défi alimentaire auquel il est de la responsabilité de la France, d'autant que de grands voisins y pourraient être particulièrement confrontés, d'apporter sa contribution.

Quant au cadre européen, la nouvelle programmation financière ne s'ouvre pas sur des perspectives particulièrement favorables si l'on en juge par la tonalité générale du débat budgétaire où la politique agricole commune n'apparaît plus comme une priorité offensive pouvant permettre à l'Europe d'assumer les responsabilités d'une puissance agricole mondiale mais comme un élément « à ne pas sacrifier », ou encore par les incertitudes liées au « Brexit » 2 ( * ) .

Dans ces conditions, vos rapporteurs spéciaux regrettent que le Gouvernement, par les orientations financières qu'il entend donner à notre politique agricole, ajoute au climat d'ensemble qui pèse sur l'environnement agricole un facteur d'alourdissement de ses perspectives.


* 1 Des évolutions ont influé sur la mission au cours des cinq dernières années, processus qui se prolonge pour 2018. En premier lieu, on peut rappeler que la mission s'appelait jusqu'au projet de loi de finances 2013 « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». Les crédits de la pêche qui avaient alors été transférés à la mission « Écologie, développement et aménagement durables », sont réintégrés cette année dans le périmètre de la mission sans que l'intitulé de la mission ne s'en trouve modifié. En second lieu, l'an dernier, les crédits de la forêt avaient été fondus avec ceux de la performance économique et environnementale des entreprises dans le programme 149. Pour mémoire, en 2016, le projet de loi de finances initiale proposait d'ouvrir 277,7 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 291,3 millions d'euros de crédits de paiement au titre du programme 149 alors consacré à la seule politique forestière.

* 2 Vos rapporteurs spéciaux ont abordé certains scenarios liés à cet événement dans leur rapport annexé au rapport général sur le projet de loi de finances pour 2017.