M. Marc Laménie, rapporteur spécial

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » s'établit à 2,46 milliards d'euros en crédits de paiement.

2. De son côté, l'effort de la Nation vis-à-vis de ses anciens combattants peut être évalué à 3,33 milliards d'euros (3,21 milliards d'euros hors soutiens en provenance des programmes de la mission « Défense » principalement destinés à la journée « défense et citoyenneté ») lorsqu'on intègre les transferts liés à certaines dépenses fiscales dont bénéficient les anciens combattants.

3. Les dotations proprement budgétaires baissent de 3,1 % en crédits de paiement (77,1 millions d'euros) contre 2,6 % l'an dernier, cette réduction étant attribuable en totalité au programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ».

4. La trajectoire des charges publiques portées par la mission rejoindrait la tendance naturelle à la baisse du nombre de bénéficiaires des prestations assurées par ce programme (par exemple, - 4,8 % pour la pension militaire d'invalidité et - 5,2 % pour la retraite du combattant) se prolongerait en 2018. Seule, ou peu s'en faut (voir infra pour les mesures réellement nouvelles) l'extension en année pleine de mesures acquises maintiendrait un écart entre les profils d'évolution du budget et de sa démographie. Elle atténuerait les économies traditionnellement fortes sur les dépenses de la mission liées à ces dynamiques démographiques mais nettement moins que l'an dernier.

5. En effet, en contraste avec l'an dernier, la programmation budgétaire pour 2018 reflète l'absence de revalorisation significative des prestations du programme 169, et au-delà, de la considération due aux anciens combattants, tendance que, malheureusement, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 vient confirmer et ancrer dans le moyen terme .

6. Pour l'exercice à venir, il faut certes signaler, en premier lieu , les mesures proposées dans les deux articles rattachés à la mission mais, pour importantes qu'elles soient, leur poids budgétaire serait marginal (6,55 millions d'euros en 2018) et, en second lieu , l'impact de l'extension en année pleine de la revalorisation de la retraite du combattant (2 points en septembre 2017 après 2 points en janvier de la même année) qui représenterait, couplée avec l'augmentation de la valeur du point de pension militaire d'invalidité (PMI) acquise en 2017, une charge supplémentaire de 32,6 millions d'euros .

7. De son côté, à l'inverse, le « rapport constant » qui, ces deux dernières années, avait entraîné un alourdissement des dépenses de la mission dans le contexte de l'augmentation de la valeur du point d'indice de la grille de la fonction publique annoncée en 2016 (0,6 % en juillet 2016 puis 0,6 % en février 2017, avec une date d'effet au 1 er janvier pour les PMI) ne jouerait aucun rôle en 2018 en l'absence de toute perspective de la valeur du point d'indice de la fonction publique.

8. Les revalorisations comparativement importantes mises en oeuvre en 2017, au regard des pratiques passées et de celles prévalant pour les pensions du régime général, n'avaient pas réussi à effacer les pertes de pouvoir d'achat observées ces dernières années du fait des pratiques d'indexation suivies. Hors effet en année pleine des mesures acquises, celles-ci viendraient à nouveau affecter l'ensemble des prestations versées aux anciens combattants dont les perspectives de pouvoir d'achat annoncées par le projet de budget pour 2018 et confirmées par le projet de loi de programmation des finances publiques, du moins jusqu'en 2020, sont très défavorablement orientées.

9. En dépit des observations de la Cour des comptes et des rapports sur l'exécution budgétaire en 2015 et en 2016 présentés par le rapporteur général de la commission des finances du Sénat , le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2018 continue de ne pas recenser la totalité des dépenses fiscales (et sociales) résultant de dispositifs au bénéfice de certaines catégories d'anciens combattants alors même que leur poids relatif dans l'effort de la Nation au profit des anciens combattants ne cesse de s'alourdir de sorte que par un effet de ciseaux entre la trajectoire baissière des charges de la mission et celle plutôt haussière des dépenses fiscales, celles-ci représentent désormais plus de 30 % des dépenses d'intervention des programmes 169 et 158 de la mission . Sur ce point, la perspective d'une augmentation de la CSG dont sont exonérées la plupart des prestations versées aux anciens combattants devrait encore augmenter la valeur relative des transferts aux anciens combattants prenant la forme d'allègements propres à ceux-ci des prélèvements obligatoires .

10. Combinée avec l'alourdissement du poids des dépenses fiscales et sociales dans l'effort de la Nation au profit des anciens combattants, la déformation des prestations financées sur dépenses publiques vers un renforcement relatif des mesures sélectives comme la majoration des rentes mutualistes altère le rôle des prestations plus universelles que sont les PMI et la retraite du combattant.

11. Votre rapporteur spécial insiste pour que des situations mal couvertes, comme celle des forces participant aux opérations de sécurité conduites dans le cadre de la protection des Français contre les actions terroristes ou celle des personnes en charge, ou l'ayant été, de grands invalides de guerre soient mieux prises en compte. Par ailleurs, il convient de faciliter l'existence des invalides de guerre en améliorant les conditions générales de révision des PMI.

12. Dans ce contexte, il importe tout particulièrement que la restructuration des deux opérateurs de la mission (l'Institution nationale des Invalides et l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre), qui est en cours, soit vigoureusement poursuivie et qu'elle donne toute son ampleur à la vocation de ces deux établissements de répondre aux besoins des anciens combattants, sur le plan médical et sur le plan social .

13. Les recommandations formulées par votre commission des finances dans son rapport sur la journée défense et citoyenneté (JDC) doivent recevoir une application plus complète dans l'attente d'une rénovation en profondeur annoncée par le Président de la République. Compte tenu du format du service national obligatoire envisagé, dont la durée serait d'un mois, les coûts du nouveau rendez-vous citoyen seraient sans commune mesure avec ceux qu'occasionne la JDC. Le projet de loi de programmation des finances publiques en cours de discussion ne les prend nullement en compte .

14. La politique de mémoire financée par la mission voit ses moyens renforcés mais principalement du fait des célébrations exceptionnelles de la fin de la Grande Guerre. En revanche, le programme de rénovation et d'entretien des lieux de mémoire et des sépultures rencontre des difficultés d'exécution qui touchent aussi l'érection très attendue d'un monument aux combattants des opérations extérieures (OPEX). Il convient de surmonter au plus vite ces difficultés et de ne pas négliger la participation active des bénévoles et des porte-drapeaux aux commémorations régulières qui sont l'un des éléments forts de la politique de mémoire. De même, l'effort des collectivités territoriales pour ancrer dans les territoires la mémoire et l'histoire combattantes doit être soutenu.

15. L'activité d'indemnisation des spoliations, qui fait l'objet d'un rapport en cours d'élaboration par votre rapporteur spécial, mérite de recevoir un nouvel élan notamment pour que la commission d'indemnisation des victimes de spoliations puisse pleinement agir en vue de la restitution des objets d'art spoliés et pour que les indemnisations déjà accordées puissent être pleinement honorées .

Au 10 octobre 2017, date limite fixée par la LOLF, 100 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues à votre rapporteur spécial .

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA MISSION

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est une mission interministérielle qui regroupe trois programmes :

• le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » , dont l'objectif est de promouvoir l'esprit de défense et de citoyenneté au sein de la population ;

• le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » , dont l'objectif est de témoigner la reconnaissance de la Nation à l'égard des anciens combattants et des victimes de guerre.

Ces deux programmes sont placés sous la responsabilité du ministre de la défense .

• le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale » , qui porte les trois dispositifs d'indemnisation en faveur les victimes de la Seconde Guerre mondiale et leurs ayants-cause, et relève du Premier ministre .

Un petit élargissement du périmètre de la mission

La mission connaît un petit élargissement de son périmètre. Le programme 169 intègre la subvention pour charges de service public du Conseil national des communes - « Compagnon de la Libération » (CNCCL) dont le transfert est intervenu en 2017 depuis le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental ». Cette évolution se traduit par un transfert de 1,3 million d'euros.

A. AMORTIE DU FAIT DE MESURES ACQUISES, LA BAISSE DES CRÉDITS DE LA MISSION REJOINT SA TRAJECTOIRE NATURELLE

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » connaît une diminution régulière de ses crédits , dégageant ainsi des économies spontanées, qu'on pourrait aussi qualifier de passives, sur les dépenses publiques de l'État.

Malgré un certain ralentissement de la décrue des dotations résultant principalement de mesures acquises, qui jouent en année pleine, la baisse des dotations programmées cette année confirme cette tendance.

1. Les économies programmées atteignent environ 77 millions d'euros soit 3,1 % des dotations de l'exercice précédent

Les crédits programmés pour 2018 s'élèvent à 2 461,4 millions d'euros contre 2 537,5 millions d'euros l'an dernier faisant ressortir une économie de 76 millions d'euros 1 ( * ) . Elle emporte un repli des dotations budgétaires de l'ordre de 3 % d'une année à l'autre.

Évolution par programme des crédits de paiement de la mission
entre 2017 et 2018

(en millions d'euros)

2017

2018

Écart
2018/2017

Programme 167

38,3

42,8

4,5

Programme 169

2 398,4

2 317,8

- 80,6

Programme 158

100,8

100,8

0,0

Total

2 537,5

2 461,4

- 76,1

Source : commission des finances du Sénat

La totalité des économies prévues est attribuable au programme 169 qui est, pour l'essentiel, un « programme de guichet » correspondant à la vocation de la mission de regrouper principalement des dépenses de prestations (de titre 6) ainsi que le montre le graphique ci-dessous.

Ses dotations sont en repli de 3,4 %.

Les dépenses programmées au titre du programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » connaissent une expansion non négligeable puisqu'elle atteint 11,7 %. Ce ressaut, dû à des événements commémoratifs à caractère exceptionnel, doit être considéré comme tel.

Quant au programme 158, les crédits programmés pour 2018 sont sans notable changement par rapport à l'an dernier.

Composition des crédits de la mission
(en crédits de paiement ; 2013-2018)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données des rapports annuels de performances et des projets annuels de performances de la mission

NB : les dépenses de personnel de la mission ont été transférées presque intégralement à la mission « Défense » si bien que, désormais très résiduelles (1,7 million d'euros pour 2018), elles n'apparaissent plus même à l'échelle du graphique.

2. Si la mission dégage structurellement des économies, celles-ci connaissent un certain ralentissement sans que celui-ci provienne d'une politique active en faveur des anciens combattants de sorte que, sur le fond, le projet de budget pour 2018 rapproche la mission de sa trajectoire baissière tendancielle

Le ralentissement de la réduction des dépenses de la mission relevé en 2017 se poursuit mais dans une moindre mesure.

Évolution du budget de la mission
depuis 2012

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données des rapports annuels de performances et des projets annuels de performances pour 2017 et 2018

Compte tenu de la place occupée par les dépenses de transferts sociaux dans la mission, dont une des variables majeures tient dans la démographie des bénéficiaires, celle-ci, qui a pour particularité, en lien avec l'historique des conflits, de se contracter inexorablement, comme le montre le graphique ci-dessous, est un déterminant premier de la dynamique des dépenses de la mission (voir infra les développements propres au programme 169).

Évolution du nombre des bénéficiaires des pensions militaires d'invalidité (PMI)
et de la retraite du combattant (RC) (2006-2018)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du projet annuel de performances pour 2018

Cependant, d'autres facteurs peuvent influer sur le niveau des dépenses. Pour s'en tenir aux prestations financées par la mission, l'extension des droits ouverts et les choix portant sur la valeur de chacune des prestations doivent bien entendu être prises en compte.

Or, ce dernier facteur joue encore un rôle significatif sur la programmation budgétaire pour 2018, non tant du fait de mesures nouvelles, globalement trop marginales, que du fait de l'extension en année pleine de mesures acquises (voir infra ).

Par ailleurs, il faut tenir compte de quelques éléments qui tendent à gonfler les dotations pour 2018 de façon non récurrente.

Il en va ainsi de l'élargissement du périmètre de la mission mentionné plus haut mais aussi des besoins ponctuels créés par les célébrations de la fin de la Seconde Guerre mondiale et du transfert à l'ONAV-VG du service central des rapatriés.

L'ensemble de ces besoins exceptionnels entraîne un supplément de dépenses de l'ordre de 8 millions d'euros, soit davantage que l'impact sur le budget des deux mesures nouvelles correspondant aux articles rattachés à la mission (+ 6,55 millions d'euros).

En dehors de ces différents facteurs, essentiellement non récurrents (extension des mesures acquises en année pleine, besoins exceptionnels, et, plus marginalement, mesures nouvelles), le repli des dotations atteindrait un montant de l'ordre de 120 millions d'euros.

3. Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 confirme, à ce stade, les tendances de fond du projet de loi de finances pour 2018

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, en cours d'examen par le Parlement dessine une trajectoire de repli tendanciel des crédits de paiement consacrés à la mission « Anciens combattants » dans la droite ligne des dynamiques fondamentales du projet de budget pour 2018.

Évolution des crédits de la mission dans le projet de loi de programmation
des finances publiques (2018-2022)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

Au total, les crédits de la mission seraient réduits de 11,4 % entre 2017 et 2020 soit un recul annuel moyen de l'ordre de 3,9 % .

Cette programmation semble reposer sur des hypothèses de non revalorisation de la valeur du point de pension militaire d'invalidité, dans le cadre plus global d'une absence de toute amélioration des différentes prestations financées par la mission (en particulier, par le programme 169), d'autant que celui-ci devrait assumer des charges exceptionnelles en lien avec la rénovation de l'Institution nationale des Invalides. Elle ne fait que traduire la diminution des contingents de bénéficiaires des prestations financées par la mission.

Dans ce contexte, les programmes 167 et 158 subiraient, de leur côté, une stagnation de leurs dotations.

Le tableau ci-dessous détaille, s'agissant du seul programme 169, les équilibres sur lesquels la programmation pluriannuelle repose et vient illustrer ce jeu d'hypothèses.

Évolution triennale prévisionnelle des crédits du programme 169
par catégorie de dépense

( en millions d'euros)

Dispositif

PLF 2018

2019

2020

Écart entre 2020 et 2018

PMI

1 074,00

1 003,70

938

- 12,70 %

Retraite du combattant

743,9

704,5

665,1

- 10,60 %

Soins médicaux gratuits, appareillage, expertises

52,4

49,6

48,4

- 7,60 %

Remboursement réductions de transport

2,7

2,5

2,3

- 14,80 %

Remboursement prestations sécurité sociale

80,9

76,3

71,9

-11,10 %

Majoration des rentes mutualistes

247,4

246,1

244,8

-1,10 %

Institution nationale des invalides

12,1

12,1

12,1

0

Institution nationale des invalides Investissement

0,8

2,7

15

NS

TOTAL

2 214,20

2 097,50

1 997,60

- 9,80 %

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Votre rapporteur spécial est conduit à regretter une forme d'irréalisme de la programmation à moyen terme des crédits de la mission. Non seulement traduit-elle une érosion du pouvoir d'achat des différents prestations par lesquelles la Nation témoigne sa reconnaissance à ses anciens combattants - et a fortiori n'intégrerait aucune amélioration des prestations (en particulier pour ceux - c'est le plus grand nombre - qui ne perçoivent aucun avantage au titre des rentes mutualistes) -, mais encore ne reflète-t-elle pas différentes orientations, déjà arrêtées ou en cours de précision, concernant les politiques publiques financées par la mission (service national obligatoire, politique proactive de gestion des indemnisations des victimes de la période d'Occupation).

B. UN EFFORT DE LA NATION AU PROFIT DES ANCIENS COMBATTANTS QUI DÉPASSE LARGEMENT LE CADRE DES DOTATIONS DE LA MISSION

Il convient de compléter la présentation des moyens de la mission par la prise en compte de transferts que ses crédits ne retracent pas, soit qu'ils soient financés à partir d'autres missions budgétaires, soit, c'est l'essentiel, qu'ils résultent d'avantages fiscaux ou sociaux attribués à tout ou partie des anciens combattants.

La prise en compte de ces transferts « hors-mission » conduit à rehausser l'effort de la Nation envers les anciens combattants de quelque 872 millions d'euros pour aboutir à un effort de 3 333 millions d'euros, supérieur de plus d'un tiers au niveau des crédits demandés dans le cadre de la mission. Encore faut-il observer que le périmètre des avantages liés à des régimes particuliers en matière de prélèvements obligatoires demeure insuffisamment détaillé et, ainsi, fait l'objet d'informations qui en sous-estiment la portée.

1. Les déversements de crédits à partir d'autres missions abondent particulièrement les moyens consacrés à la Journée défense et citoyenneté

Les politiques publiques financées par la mission sollicitent des moyens qui sont loin d'être exhaustivement retracés par les dotations ouvertes en loi de finances au titre de la mission elle-même.

Une partie, au demeurant très majoritaire, du coût de la Journée défense et citoyenneté (JDC) est prise en charge par la mission « Défense » tandis que la mission « Direction de l'action du Gouvernement » contribue à la politique de réparation en faveur des victimes de l'Occupation couverts par le programme 158. Ces deux missions apportent en 2018 un financement de 112,6 millions d'euros aux actions correspondantes retracées dans le projet de budget de la mission.

Il conviendrait d'ailleurs de compléter la présentation de ces déversements telle qu'elle figure dans le projet annuel de performances pour prendre en compte le financement versé par le ministère de la santé au profit de l'Institution nationale des Invalides (INI).

2. Les transferts au profit des anciens combattants passent de plus en plus massivement par des dépenses fiscales et sociales non retracées dans les crédits de la mission
a) 751 millions d'euros de dépenses fiscales

Mais, ce sont principalement les différents transferts au bénéfice des anciens combattants , financés par les dotations budgétaires du programme 169 , qui font l'objet de compléments par des interventions non retracées en crédits .

Celles-ci passent par une série de dépenses fiscales mais aussi de dépenses sociales dont seules certaines sont mentionnées dans les documents annexés aux différents projets de loi de finances examinés par le Parlement.

Les dépenses fiscales s'analysent comme des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en oeuvre entraîne pour l'État une perte de recettes et donc, pour le contribuable, un allégement de la charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l'application des principes généraux du droit fiscal français.

Si une disposition applicable à la grande majorité des contribuables n'est pas considérée comme une dépense fiscale, à l'inverse, l'avantage accordé à une catégorie particulière de contribuables ou d'opérations économiques constitue une dépense fiscale.

Pouvant être assimilée à une dépense publique (il y a équivalence entre un prélèvement obligatoire suivi d'une dépense de même montant et l'abstention dudit prélèvement lorsqu'on analyse les relations entre les administrations publiques et les autres agents économiques), les dépenses fiscales doivent figurer dans les documents budgétaires, projets et rapports annuels de performances (PAP et RAP) conformément aux prescriptions de l'article 51 de la loi organique relative aux lois de finances.

On a pu relever que l'effort de la Nation en faveur des anciens combattants tendait à se déformer, le poids relatif des dépenses fiscales dans le total des transferts qui leur sont destinés ne cessant de se renforcer.

Ce processus résulte d'un effet de ciseaux entre les dépenses directes de transferts financées sur les crédits de la mission , qui suivent une trajectoire baissière, et les transferts assis sur les régimes fiscaux et sociaux réservant aux anciens combattants qui en réunissent les conditions des avantages. Comme l'indique le graphique ci-dessous ceux-ci représentent des masses financières, qui, pour apparaître stabilisées ces dernières années (toutefois, elles ne se réduisent pas), ont connu une forte hausse depuis la fin des années 2000.

Évolution du montant des dépenses fiscales associées à la mission
dans les documents budgétaires (2004-2018)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du sénat d'après les données des rapports annuels de performances et des programmes annuels de performances pour 2017 et 2018

b) Des dépenses fiscales et sociales toujours mal recensées

Encore faut-il observer que seules trois des six dépenses fiscales recensées dans le rapport annuel de performances sont évaluées tandis que l'inventaire des transferts alloués aux anciens combattants et à leurs ayants droits par la Cour des comptes conduit à constater que le recensement proposé par la documentation budgétaire continue d'être incomplet.

Recensement par la Cour des comptes des dépenses fiscales et sociales
non mentionnées par les documents budgétaires

L'impôt sur le revenu (IR)

Le projet annuel de performances (PAP) ne fait pas figurer :

- la part des dépenses fiscales découlant des dispositifs prévus par le programme 158 qui correspondrait à 3,5 % de la dépense n° 120126 ; le ministère de la défense, la direction du budget et le Secrétariat général du Gouvernement ont indiqué qu'ils étaient disposés à répartir la dépense fiscale qui figure aujourd'hui au titre du programme 169 entre les deux programmes 158 et 169 et à rattacher les montants correspondants dans le PAP. Des travaux seront entrepris à ce sujet ;

- l'exonération d'impôt sur le revenu des PMI reversées aux ayants droit des militaires et anciens combattants décédés, en vertu des dispositions du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) ;

- pour le programme 158, les indemnités versées aux ayants droit des victimes de spoliation qui sont exonérées d'impôt sur le revenu (IR).

Les droits de mutation

Le PAP ne mentionne pas l'exonération dont bénéficie le capital versé aux victimes de spoliations qui serait soumis au droit d'enregistrement (programme 158).

Les droits de succession

Le PAP ne mentionne pas que :

- la transmission du capital de la rente mutualiste, lorsqu'il a été opté pour le régime réservé viagèrement, se fait hors droit de succession dans la limite de la fiscalité actuelle ;

- pour les ayants droit des victimes de spoliations, les indemnités versées postérieurement au décès du bénéficiaire ne constituent pas un patrimoine taxable.

Les prélèvements sociaux

Certaines aides bénéficient d'exonérations de prélèvements sociaux :

- les PMI, la retraite du combattant, la retraite mutualiste des anciens combattants (dans la mesure où elle bénéficie de la majoration de l'État) et les allocations de reconnaissance servies aux anciens membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie et leurs veuves sont exonérées de CSG et de CRDS. Cette exonération est d'ailleurs codifiée par l'article L. 136-2-III-3° du code de la sécurité sociale ; sur ce sujet, lors de différents échanges, le coût de l'exonération pour les retraites mutualistes a été estimé, en 2013, à 80 millions d'euros ; quant à la retraite du combattant, l'exonération est estimée à 67 millions d'euros ;

- les sommes perçues par les orphelins des victimes de la barbarie, les orphelins des victimes d'actes d'antisémitisme pendant la Seconde Guerre mondiale et par les victimes de spoliations ne sont pas soumis à prélèvements sociaux.

Bien que ces deux exonérations ne relèvent pas de la loi de finances initiale stricto sensu, et ne doivent pas figurer dans le PAP à ce titre, mais du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les montants correspondants viennent augmenter le coût global de cette politique. Ils pourraient donc être mentionnés dans les documents budgétaires pour porter à la connaissance de la représentation nationale le coût de cette politique.

L'impôt sur la fortune (ISF)

Le PAP ne fait pas figurer les dispositifs suivant qui sont exonérés d'ISF :

- l'exonération des sommes allouées aux ayants droit des victimes de persécutions antisémites en vertu de l'article 885 K du code général des impôts ;

- la rente mutualiste, sa valeur de capitalisation n'est pas imposable ;

- l'ensemble des aides financières versées aux orphelins et aux victimes de spoliations n'entrent pas dans le champ de l'ISF. Lorsque ces indemnités sont versées aux ayants droit des victimes elles sont également exonérées d'ISF.

Source : note d'analyse budgétaire 2015. Cour des comptes

La montée en puissance des transferts fiscaux et sociaux dans le total des expressions de la reconnaissance de la Nation aux anciens combattants, que l'alourdissement du taux de CSG prévu pour 2018 devrait encore alourdir, conjointe avec celle des majorations accordées aux rentes mutualistes conduit à une concentration des manifestations de soutien de la Nation à ses anciens combattants dans un contexte où les allocations les plus « universelles » ne bénéficient qu'exceptionnellement et de façon très irrégulière de revalorisations significatives.

3. Un suivi de la performance qui pourrait être plus... performant

Le suivi de la performance pourrait être complété pour mieux tenir compte de la vocation principale de la mission d'assurer des transferts au bénéfice des anciens combattants.

En l'état, la maquette de performances de la mission est centrée sur des éléments de gestion, centrés sur des processus administratifs portant sur la productivité des services. Les indicateurs en cause apportent une information bienvenue, mais ils sont loin de traduire les enjeux sociaux et sociétaux auxquels entendent répondre les transferts au bénéfice des anciens combattants.

Pour la mission, la maquette de performance est organisée comme suit :

- un objectif et trois indicateurs pour le programme 167 ;

- quatre objectifs et quatre indicateurs pour le programme 169 ;

- un objectif et deux indicateurs pour le programme 158.

Le dispositif de performance du programme 169 illustre la polarisation du suivi de la performance sur des indicateurs de gestion.

Le suivi de la performance du programme est structuré par quatre objectifs accompagnés de quatre indicateurs.

Objectif

2017

N° Indicateur

Libellé indicateur

2017

Prévision

2018

1. Liquider les dossiers avec la meilleure efficacité et la meilleure qualité possibles

1.1

Délai moyen de traitement du flux de dossiers de pension militaire d'invalidité

230 jours

2. Régler les prestations de soins médicaux gratuits avec la meilleure efficacité possible

2.1

Nombre moyen de dossiers de soins médicaux gratuits traités par agent

19 000

3. Fournir les prestations de l'ONAC-VG avec la meilleure efficacité possible

3.1

Nombre moyen de dossiers de cartes et titres traités par agent

1 100

4. Coût de la journée d'un pensionnaire de l'INI

4.1

Coût de la journée d'un pensionnaire de l'INI

410 €

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Si les délais de liquidation des dossiers de pensions militaires d'activité importent naturellement aux demandeurs, les autres indicateurs ne concernent vraiment que les gestionnaires du programme. Pour autant, les bénéficiaires des dispositifs financés par le programme sont médiocrement concernés alors même que celui-ci correspond à des politiques dont ils doivent être les premiers bénéficiaires. Quant aux parlementaires, leur attention aux coûts et aux avantages de ces dispositifs ne sauraient se borner à un chiffre de production par agent, qui, par ailleurs n'informe en rien sur la qualité des décisions prises.

L'impact social des choix budgétaires devrait être intégré à la maquette de performance du programme.

Par ailleurs, en restant dans le cadre de l'actuel suivi de la performance, force est de constater que les résultats, pour s'être légèrement redressés, demeurent inférieurs aux cibles.

Sur ce point, le délai de traitement des dossiers de PMI apparaît excessivement élevé et il ne faudrait pas que la modification de l'indicateur mise en oeuvre en 2018 (qui réduit l'assiette des dossiers pris en compte aux seuls flux, à l'exclusion de nombre de demandes en stock), vienne affadir l'objectif d'une forte réduction des délais de traitement de l'ensemble des dossiers.


* 1 Compte tenu de la modification du périmètre de la mission, la réduction des dépenses programmées atteint 77,3 millions d'euros.