M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial

DEUXIÈME PARTIE
« REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS D'ÉTAT »

I. DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS D'ÉTAT EN HAUSSE CONTINUE MALGRÉ LA STABILITÉ DU PÉRIMÈTRE DU PROGRAMME

A. DES DÉPENSES QUI CONTINUENT À BÉNÉFICIER TRÈS MAJORITAIREMENT AUX ENTREPRISES

Le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » retrace les dépenses en atténuation de recettes relatives aux impôts d'État. Le montant global des crédits demandés pour 2018 s'élève à 100 milliards d'euros .

Il se compose de trois actions d'inégale importance en termes de volume budgétaire :

- les dépenses qui relèvent de la mécanique de l'impôt représentent plus de deux tiers des crédits du programme. Il s'agit principalement des restitutions d'excédents de versement d'acomptes d'impôt sur les sociétés et les remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ;

- les dépenses qui sont liées à des politiques publiques prennent en principe la forme de crédits d'impôt. Elles représentent 21 % des crédits du programme ;

- les autres dépenses représentent 11 % des crédits. Il s'agit des remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État, ce qui inclut les restitutions de sommes indûment perçues, les remises de débet et les admissions en non-valeur. C'est au sein de cette action que sont retracées les dépenses liés à des contentieux fiscaux.

Répartition des crédits des
« Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État »

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La part des remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques (action 12) au sein du programme a progressé de façon constante depuis 2013, à la faveur de la montée en puissance du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), alors que le niveau global des crédits d'impôts avait diminué de 2010 à 2013 en raison de la réduction des niches fiscales.

Évolution de la part relative des actions au sein du programme 200
« Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » depuis 2012

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les remboursements et dégrèvements continuent de bénéficier en majeure partie aux entreprises , près de 90 % des crédits étant des transferts à destination de celles-ci, soit 90 milliards d'euros en 2018. Ce constat est confirmé si l'on écarte les dépenses liées à la mécanique de l'impôt (action 11) qui comprennent en particulier les restitutions de crédits de TVA, par nature destinés aux entreprises, et de l'autre celles liées à la gestion des produits de l'État (action 13). 80 % des remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques bénéficient aux entreprises, à travers notamment des restitutions de créances au titre des crédits d'impôt sur les sociétés.

Cette réduction massive de l'imposition des entreprises , déjà soulignée les années précédentes par notre ancienne collègue Marie-France Beaufils, alors rapporteure spéciale sur la mission « Remboursements et dégrèvements », se trouve renforcée en 2018 et continue d'interroger sur les finalités de la politique fiscale, alors même que les effets semblent par ailleurs incertains (cf. infra , développements relatifs au crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi).

Évolution de la part des bénéficiaires des « Remboursements et dégrèvements
liés à des politiques publiques » entre 2013 et 2018

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. UNE RÉVISION LÉGÈREMENT À LA BAISSE DU MONTANT DES CRÉDITS POUR L'ANNÉE 2017

L'évaluation révisée des crédits nécessaires pour 2017 est inférieure d'un milliard d'euros au montant inscrit en loi de finances initiale (1,1 %). Cet écart est plus faible que pour les exercices précédents. Cette relative stabilité globale cache cependant des variations plus conséquentes si l'on étudie les montants révisés action par action. Les lignes budgétaires concernées par les plus nettes variations sont les restitutions d'excédents d'acomptes de l'impôt sur les sociétés (- 2 milliards d'euros) et les restitutions de crédits de TVA (- 1,8 milliard d'euros).

Par ailleurs, la prévision révisée pour 2017 fait subsister deux sous-actions qui avaient été votées avec un montant nul en loi de finances initiale, en conséquence de l'extinction des dispositifs fiscaux concernés. Il s'agissait du plafonnement des impositions indirectes qui retraçait les crédits restitués au titre du bouclier fiscal, supprimé à compter du 1 er janvier 2013, et d'autre part de la prime pour l'emploi, dispositif supprimé à compter des revenus de l'année 2015. Le présent projet de loi de finances prévoit que les restitutions seront nulles pour ces deux dispositifs à compter de l'année 2018.

Révision des estimations des crédits du programme 200 pour l'exercice 2017,

par action et sous-action

(en millions d'euros et en %)

2017 (LFI)

2017 (révisé)

Évolution 2017 LFI/révisé

Action 11 : mécanique de l'impôt

69 757

66 017

-3 740

-5,67%

IS

17 174

15 185

-1 989

-13,10%

TVA

52 419

50 650

-1 769

-3,49%

Bouclier fiscal

-

2

+2

-

Autres

164

180

+16

+8,89%

Action 12 : politiques publiques

15 785

16 883

+1 098

+6,50%

PPE

-

3

+3

-

IR

2 628

2 651

+23

+0,87%

IS

11 519

12 455

+936

+7,52%

TIPP

1 120

1 186

+66

+5,56%

TICGN

3

2

-1

-50,00%

CAP

515

586

+71

+12,12%

Action 13 : gestion des produits de l'État

11 421

12 972

+1 551

+11,96%

IR

2 348

2 103

-245

-11,65%

IS

1 317

2 306

+989

+42,89%

Autres impôts directs

1 627

2 075

+448

+21,59%

TVA

2 200

2 336

+136

+5,82%

Enregistrement, timbre, autres taxes indirectes

500

679

+179

+26,36%

Autres

716

760

+44

+5,79%

Admissions en non-valeur et créances liées aux impôts

2 200

2 063

-137

-6,64%

Dations en paiement, intérêts moratoires, remises de débets

513

650

+137

+21,08%

Total général

96 963

95 872

-1 091

-1,14%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

C. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS PRINCIPALEMENT DUE AUX DÉPENSES DE CICE ET D'IMPÔT SUR LE REVENU

Le montant des crédits du programme 200 est en hausse de 3,3 % par rapport au montant des crédits votés en LFI 2017 . La hausse est de 4,47 % si l'on se rapporte au montant révisé des prévisions de remboursements et dégrèvements pour 2017.

Évolution des crédits du programme 200 de 2013 à 2018, par action et sous-action

(en millions d'euros et en %)

2013

2014

2015

2016

2017 (LFI)

2017 (révisé)

2018 (PLF)

Évolution 2018/2017 révisé

Action 11 : mécanique de l'impôt

57 868

62 395

66 617

66 609

69 757

66 017

67 758

+1 741

+2,64%

IS

10 554

14 523

16 898

16 573

17 174

15 185

16 097

+912

+6,01%

TVA

47 008

47 607

49 532

50 148

52 419

50 650

51 481

+831

+1,64%

Bouclier fiscal

177

19

10

8

-

2

-

-2

-100,00%

Autres

129

246

177

180

164

180

180

0

-

Action 12 : politiques publiques

6 515

11 597

13 613

13 001

15 785

16 883

21 232

4 349

25,76%

PPE

1 882

1 951

1 962

37

-

3

-

-3

-100,00%

IR

1 459

2 108

2 372

2 696

2 628

2 651

3 691

+1 040

+39,23%

IS

1 894

6 267

8 058

8 891

11 519

12 455

15 521

+3 066

+24,62%

TIPP

787

760

706

758

1 120

1 186

1 423

+237

+19,98%

TICGN

3

3

1

2

3

2

3

+1

+50,00%

CAP

490

508

514

617

515

586

594

+8

+1,37%

Action 13 : gestion des produits de l'État

12 827

10 638

11 279

10 708

11 421

12 972

11 165

-1 807

-13,93%

IR

2 320

2 106

2 236

2 071

2 348

2 103

2 055

-48

-2,28%

IS

1 145

1 187

1 245

1 162

1 317

2 306

839

-1 467

-63,62%

Autres impôts directs

2 967

1 527

1 413

1 454

1 627

2 075

2 075

0

-

TVA

2 300

1 972

2 200

2 136

2 200

2 336

2 136

-200

-8,56%

Enregistrement, timbre, autres taxes indirectes

675

403

452

679

500

679

650

-29

-4,27%

Autres

578

702

729

660

716

760

710

-50

-6,58%

Admissions en non-valeur et créances liées aux impôts

1 970

2 296

2 513

2 063

2 200

2 063

2 050

-13

-0,63%

Dations en paiement, intérêts moratoires, remises de débets

872

445

491

483

513

650

650

0

-

Total général

77 210

84 630

91 509

90 618

96 963

95 872

100 155

+4 283

+4,47%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette augmentation s'explique tout d'abord par la croissance des recettes de TVA et de l'impôt sur les sociétés, qui entraînent mécaniquement davantage de restitutions. Celles-ci sont retracées dans l'action 11 « Remboursements et dégrèvements liés à la mécanique de l'impôt ».

Mais l'augmentation des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État est surtout la conséquence d'une hausse continue des restitutions de créances au titre du crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi (CICE), qui se traduit budgétairement dans la sous-action 12-03 (cf. infra ).

Évolution du montant de l'action 12-03 « Impôt sur les sociétés » depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La hausse globale du montant total des crédits du programme 200 est enfin portée par les restitutions de crédits d'impôts concernant l'impôt sur le revenu, parmi les remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques. Ces dépenses vont nettement augmenter en 2018 en raison de la modification du dispositif fiscal relatif aux services à la personne votée en loi de finances initiale pour 2017 . Le crédit d'impôt auquel donnait droit l'emploi d'un salarié à domicile était auparavant réservé aux seuls actifs ou personnes en recherche d'emploi. Les personnes inactives ne pouvaient bénéficier que d'une réduction d'impôt au titre de cette dépense. L'article 82 de la loi de finances initiale pour 2017 a supprimé cette condition relative à l'exercice d'une activité professionnelle et a ainsi « universalisé » le crédit d'impôt, ce qui permet en particulier aux retraités à revenus modestes d'en bénéficier. Le coût de cette mesure était évalué au cours des discussions budgétaires de l'automne 2016 à 1,1 milliard d'euros. Les crédits du programme 200 traduisent donc l'impact en 2018 de ce nouveau dispositif et la sous-action 12-02 intègre le montant annoncé de cette universalisation du crédit d'impôt. L'évaluation du coût budgétaire de la mesure est, selon le projet annuel de performances, maintenu à 1,1 milliard d'euros.

Évolution des remboursements et dégrèvements d'impôt sur le revenu liés à des politiques publiques depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Seuls les remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État (action 13) sont attendus en diminution en 2018, de 1,8 milliard d'euros, même si la prévision pour 2018 tient compte des prévisions de dépenses liées à des contentieux. Ainsi, la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 10 mai 2012 sur la non-conformité au droit européen du régime fiscal des « OPCVM » (organismes de placement collectifs en valeurs mobilières) continue de peser sur le programme 200 puisque la dépense prévue en 2018 à ce titre s'élève à 1 milliard d'euros.