M. Alain JOYANDET, rapporteur spécial

SECONDE PARTIE
LES PRINCIPALES ÉVOLUTIONS DE LA MISSION SANTÉ EN 2018

I. UNE MISE À CONTRIBUTION DES OPÉRATEURS SANITAIRES QUI SE POURSUIT

A. UNE STABILISATION DES SUBVENTIONS POUR CHARGES DE SERVICE PUBLIC, MAIS UNE DIMINUTION DES EFFECTIFS DES OPÉRATEURS SANITAIRES

1. Un recentrage de la participation de l'État au financement des opérateurs sanitaires

Le montant total des subventions pour charges de service public porté par le programme s'élève à 326 millions d'euros à périmètre courant, soit une baisse de 6 % par rapport à 2017.

À périmètre constant, les subventions pour charges de service public augmentent de 1 % par rapport au montant inscrit en loi de finances pour 2017.

En raison de la création de l'Agence nationale de santé publique, instituée le 1 er mai 2016 et fusionnant trois opérateurs préexistants et de la mesure de périmètre pour 2018 présentée supra , le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » ne finance plus que quatre opérateurs de l'État participant à la mise en oeuvre des politiques nationales de prévention et de sécurité sanitaire en 2018, contre six lors de l'exercice précédent et huit en 2016 3 ( * ) .

Parmi les quatre opérateurs, deux sont concernés par l'augmentation de leur subvention (cf. tableau infra ) : l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et la nouvelle Agence nationale de santé publique (ANSP).

L'Institut national du cancer (INCa) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Ansés) enregistrent une légère diminution de leur subvention.

Subventions pour charges de service public versées aux opérateurs

(en millions d'euros)

Opérateur

Exécution 2015

Exécution 2016

LFI 2017

PLF 2018

Variation 2018/2017

Agence de biomédecine (ABM)

12,7

13

13,8

Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

113,2

111,8

112,7

118,1

+5 %

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Ansés)

14,5

12,7

14,3

14,16

-1%

École des hautes études en santé publique (EHESP)

9,7

7,1

9,2

Institut national du cancer (INCa)

38,8

31,4

44,5

42,4

-5%

Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus)

ANSP

8,4

3,9

48,9

150,5

151,3

1%

Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes)

22,3

8,9

Périmètre constant : +1%

Institut de veille sanitaire (INVS)

53,3

21,5

Total

272,9

259,2

345,0

326,0

- 6 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du projet annuel de performances de la mission Santé pour 2017)

Dans le sillage d'une diminution du montant global de subventions pour charges de service public opérée lors des exercices précédents, les fonds de roulement des opérateurs se stabilisent , pour la plupart d'entre eux, au niveau prudentiel .

Après une diminution de près de 39 % entre 2015 et 2016, ils diminuent de 36 % entre 2016 et 2017, comme le montre le tableau ci-après.

Niveaux des fonds de roulement des opérateurs du programme 204

(en millions d'euros)

Opérateurs

Au 31/12/2016

Au 31/12/2017

Estimation du nombre de mois de fonctionnement

Variation 2017/2016

Agence de biomédecine (ABM)

11 224

6 876

33

-39%

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Ansés)

23 926

20 046

50

-16%

Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

20 013

13 046

40

-35%

École des hautes études en santé publique (EHESP)

15 241

12 458

75

-18%

Institut national du cancer (INCa)

16 596

12 596

42

-24%

Agence nationale de santé publique (ANSP)

86 868

45 848

93

-47%

Total

173 868

110 870

-

-36%

Source : réponse du ministère de la santé et des solidarités au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

2. Un schéma d'emploi concernant tous les opérateurs sanitaires

À périmètre courant, le plafond d'emplois global des opérateurs de la mission s'établit à 1 658 équivalents temps plein travaillé (ETPT), contre 2 253 en 2017.

À périmètre constant, le plafond d'autorisation d'emplois diminue . Le schéma d'emploi pour 2018 est établi sur la base d'une diminution de 39 équivalents temps pleins travaillés (ETPT), contre 40 ETPT en 2017 .

Après une réduction de 20 ETPT en 2017, au titre de la réduction des effectifs de 10 % sur trois ans prévue par les lettres plafond de 2016 et 2017, la nouvelle ANSP connaît une diminution de 15 ETPT en 2018.

Observation n° 4 : les subventions pour charges de service public des opérateurs sanitaires diminuent de 6 % par rapport à 2017 à périmètre courant, mais augmentent de 1 % à périmètre constant. En regard, les fonds de roulement des agences se rapprochent de leur niveau prudentiel.

Emplois des opérateurs rémunérés par le programme 204

(en ETPT)

Opérateurs

Réalisation 2016

LFI 2017

PLF 2018

Variation 2018/2017

Agence de biomédecine (ABM)

Emplois sous plafond

241

243

Emplois hors plafond

13

16

Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

Emplois sous plafond

956

955

935

-2 %

Emplois hors plafond

8

19

19

École des hautes études en santé publique (EHESP)

Emplois sous plafond

320

313

Emplois hors plafond

36

32

Institut national du cancer (INCa)

Emplois sous plafond

147

145

141

-2,8 %

Emplois hors plafond

11

12

12

Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS)

10

1

386

10

597

14

Emplois sous plafond

39

2

Emplois hors plafond

ANSP

582

19

-2,5 %

Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES)

Emplois sous plafond

Emplois hors plafond

125

3

Institut de veille sanitaire (INVS)

Emplois sous plafond

Emplois hors plafond

Total sous plafond

2 234

2 253

1 658

-26,4 %

Total emplois hors plafond

84

93

50

Source : projet annuel de performances de la mission « Santé » pour 2018

B. DES MUTUALISATIONS AU SEIN DES AGENCES SANITAIRES À APPROFONDIR

1. L'Agence nationale de santé publique : des économies en suspens

L'Agence nationale de santé publique (ANSP), prévue par la loi de modernisation de notre système de santé du 21 janvier 2016, a été instituée le 1 er mai 2016. L'ordonnance du 14 avril 2016 prévoyant sa création a fait l'objet d'une ratification législative au début de l'année 2017 4 ( * ) .

Elle fusionne trois opérateurs portés par le programme 204 : l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) et l'Institut national de veille sanitaire (InVS). L'ANSP regroupe en ce sens l'ensemble des compétences sanitaires de la veille sanitaire à l'action d'urgence, en passant par la prévention.

Les conséquences financières réelles demeurent toujours incertaines, un an et demi après la mise en place de l'agence.

L'ANSP bénéficie d'une légère augmentation de la subvention pour charges de service public versée par l'État mais contribue à la réduction des plafonds d'emplois en 2018. Alors que « les gains en personnels à attendre du fait de ce regroupement se produiront progressivement, au cours des exercices 2017, 2018 et 2019, notamment par la mutualisation des fonctions support » 5 ( * ) , l'ANSP a enregistré une baisse de 7 ETPT en 2017, et le plafond d'emplois fixé à 582 ETPT pour 2018 entraînera une diminution de 15 ETPT.

D'après le projet annuel de performance, « cette diminution permet à l'ANSP d'atteindre le gain attendu de -10 % de ses emplois post fusion ».

En outre, le contrat d'objectifs et de performances, en cours d'élaboration, devra permettre de définir les économies attendues sur les fonctions supports.

Au total, les gains d'efficience ne produiront leur effet qu'à moyen terme , après une progression temporaire des charges de l'agence.

Le regroupement sur un même site, à Saint-Maurice (94), de l'ensemble des services des trois agences fusionnées, impliquera la construction d'un nouveau bâtiment dont la livraison n'est prévue qu'au troisième trimestre 2018 . En attendant, les personnels seront hébergés dans des locaux temporaires.

2. Les mutualisations entre agences sanitaires constituent une piste d'économies plus sérieuse que les rabots successifs

Depuis 2008, la direction générale de la santé (DGS) a développé le concept de « système d'agences » en vue d'assurer un déploiement coordonné de la politique de prévention et de sécurité sanitaire qu'elle mène avec l'appui des opérateurs sanitaires placés sous sa tutelle. Dans ce cadre, un comité d'animation du système d'agences (CASA) , regroupant de façon régulière le directeur général de la santé et les directeurs généraux des agences, avait été institué. Rénové en 2014, le CASA réunit actuellement l'ABM, l'ANSM, l'Ansés, l'ASN, l'EFS, la HAS, l'INCa, l'INSERM, l'IRSN ainsi que l'ANSP.

L'ordonnance du 19 janvier 2017 6 ( * ) prévoit la mutualisation de « tout ou partie des fonctions d'appui et de soutien » des organismes visés, « comprenant les fonctions comptables, logistiques, informatiques, immobilières ainsi que les fonctions de paiement ou de commande, d'expertise juridique, de communication ou de relations internationales » 7 ( * ) .) Un décret en Conseil d'État devra préciser les « organismes et les fonctions » faisant l'objet de la mutualisation ainsi que ses modalités.

Parallèlement à l'exercice d'une tutelle coordonnée par la direction générale de la santé, une optimisation des fonctions supports des agences sanitaires a été recherchée tardivement dans le cadre du comité des secrétaires généraux (CSG) .

Dans ce cadre, une opération de mutualisation des fonctions financières et comptables a été lancée en 2014 : le projet SIFAS 8 ( * ) , agrégeant cinq opérateurs 9 ( * ) , dans la perspective de la mise en oeuvre de la nouvelle gestion budgétaire et comptable publique (GBCP 10 ( * ) ) à partir du 1 er janvier 2016. Il s'agit du premier exemple de mutualisation entre agences sanitaires.

La logique de mutualisation semble se mettre en marche, et constitue une piste plus sérieuse de recherche d'efficience que les rabots successifs sur les subventions pour charges de service public . Toutefois, si cette recherche doit être poursuivie et approfondie, seule une réflexion appréhendant les déterminants de la dépense du programme 183 « Protection maladie » sera à même d'assurer la soutenabilité de la mission « Santé ».


* 3 Le mouvement de réduction du nombre d'opérateurs sanitaires financés par le programme 204 se poursuit : en 2015, le programme finançait dix opérateurs, puis huit en 2016 à la suite du transfert du financement intégral du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) et de l'agence technique de l'information et de l'hospitalisation (Atih) par l'assurance maladie et 6 en 2016 avec la fusion des trois opérateurs constituant l'ANSP : l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus), l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) et l'Institut de veille sanitaire (Invs).

* 4 Loi n° 2017-228 du 24 février 2017 ratifiant l'ordonnance n° 2016-462 du 14 avril 2016 portant création de l'Agence nationale de santé publique et modifiant l'article 166 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 5 Réponse au questionnaire du rapporteur spécial.

* 6 Ordonnance n° 2017-45 du 19 janvier 2017 relative aux conditions d'accès aux données couvertes par le secret médical ou le secret industriel et commercial pour le compte de l'Autorité de sûreté nucléaire et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et à la mutualisation de certaines fonctions d'agences sanitaires nationales.

* 7 Nouvel article L.1411-5-3 du code de la santé publique.

* 8 Système d'information finance des agences sanitaires.

* 9 ANSM, INCa, EPRUS, INPES et InVS.

* 10 Décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.