AFFAIRES SOCIALES

Table des matières


Mardi 12 janvier 1999

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Agriculture - Loi d'orientation agricole - Examen du rapport pour avis

La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Dominique Leclerc sur le projet de loi n° 18 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, d'orientation agricole.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a tout d'abord précisé que la commission des affaires sociales s'était saisie pour avis du " volet social " du projet de loi d'orientation agricole, composé de l'article premier ter (nouveau), relatif à un rapport sur les retraites, et des chapitres III, IV et V du Titre II. Evoquant la genèse du projet de loi d'orientation, née de la volonté du Président de la République exprimée en 1996 de " redéfinir un nouveau contrat entre les agriculteurs et la société et de préparer l'entrée de l'agriculture française dans le XXIe siècle ", il a observé que le projet -malgré les phases d'élaboration successives et malgré les nombreuses consultations préalables- restait, de manière générale, très en retrait par rapport aux objectifs initialement affichés. Il a regretté une insuffisante prise en compte des dimensions européenne et internationale de la politique agricole, ainsi qu'une conception trop administrée de l'agriculture. Citant les propos du Président de la République, tenus le 2 octobre 1998 devant la Chambre d'agriculture d'Aurillac, il a rappelé qu'une agriculture performante avait besoin " d'un cadre législatif et réglementaire qui libère les énergies ".

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a décrit les trois principaux enjeux sociaux du monde agricole : montant des retraites, autonomie du régime de protection sociale et évolution de l'emploi.

Abordant la question des retraites agricoles, il a rappelé que la réforme des cotisations, intervenue en 1990, n'aurait d'effets sensibles que dans les prochaines années et que le montant des pensions de retraite versées aux agriculteurs apparaissait aujourd'hui inacceptable. Il a estimé que les différentes mesures de revalorisation déjà intervenues avaient pour effet pervers de compliquer de manière excessive le mode de calcul des pensions. Il a observé que ces mesures restaient de toute façon insuffisantes pour répondre aux attentes des retraités. Il a noté qu'un grand nombre d'agriculteurs ne demandaient pas à bénéficier du minimum vieillesse, en raison de la récupération sur succession de l'allocation supplémentaire dont le financement est assuré par le fonds de solidarité vieillesse. Il a rappelé en outre que cette allocation n'était versée qu'à partir de 65 ans.

Evoquant la situation du régime de protection sociale agricole, il a indiqué que le redressement de la Caisse centrale, affectée à l'été 1997 par une crise grave, était en cours. Il a estimé qu'il était important de conforter l'autonomie et l'avenir du régime agricole, tout en appuyant son effort de modernisation.

Il a établi un panorama de l'évolution de l'emploi agricole, en rappelant que la population active agricole avait fortement diminué, revenant de 1.870.000 personnes en 1980 à 950.000 en 1997. Il a précisé que cette diminution recouvrait des évolutions divergentes, la chute continue des actifs familiaux et des salariés permanents étant contrebalancée par l'augmentation régulière depuis 1991 des salariés occasionnels. Il a indiqué que le développement de la pluriactivité concernait également les exploitants : 28 % des chefs d'exploitation exerçaient une autre activité professionnelle en 1997, contre 18 % cinq ans plus tôt.

Il a constaté que le volet social du projet de loi initial du Gouvernement n'était pas à la hauteur de ces enjeux, en dépit de certains aspects positifs. Evoquant les aspects déclaratifs du projet, il a remarqué que la " fonction sociale " désormais reconnue à l'agriculture était particulièrement difficile à définir, en dehors de l'objectif de stabiliser la chute du nombre d'actifs agricoles. Concernant les dispositions normatives, il a indiqué qu'il s'agissait principalement d'instituer un nouveau statut pour les conjoints et de légaliser le titre emploi simplifié agricole. Il a observé que ces deux dispositions, constituant un indéniable progrès, étaient déjà présentes dans le projet de loi adopté par le Gouvernement précédent. Il a cependant constaté que le texte souffrait de deux absences regrettables, d'une part en ne prévoyant aucune disposition majeure relative à la revalorisation des retraites agricoles et, d'autre part, en n'abordant pas la question du statut fiscal et social des exploitants agricoles. Il a observé qu'à côté de dispositions témoignant d'une recherche de souplesse et d'écoute du terrain, d'autres articles relevaient d'une logique technocratique et ne faisaient que renforcer les contraintes existantes.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a estimé que l'Assemblée nationale avait, par certains côtés, enrichi le contenu social du projet de loi, mais avait également accentué l'incohérence de certaines dispositions.

Il a précisé que l'Assemblée nationale avait souhaité que le Gouvernement rédige deux rapports, l'un relatif aux retraites agricoles, l'autre sur l'adaptation de la fiscalité, des charges sociales et de la transmission des exploitations. Il a indiqué que l'Assemblée nationale avait adopté trois articles additionnels concernant les salariés agricoles, visant à développer les possibilités de formation professionnelle continue et cherchant à lutter contre le risque de précarisation de l'emploi salarié.

Il a rappelé que le Gouvernement avait déposé, une semaine avant le passage en séance publique à l'Assemblée nationale, cinq amendements relatifs au fonctionnement de la Mutualité sociale agricole. Il s'est étonné que ces amendements n'aient pas été inclus dans le texte du projet adopté en conseil des ministres le 10 juin 1998.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a précisé qu'il avait souhaité apporter une contribution à l'enrichissement et à la mise en cohérence du texte. Reconnaissant l'utilité des rapports demandés au Gouvernement, il a toutefois observé qu'il était du devoir du Parlement d'émettre un certain nombre de propositions, à partir du moment où le Gouvernement déposait un projet de loi d'orientation.

Présentant les grandes lignes du dispositif d'amendements, M. Dominique Leclerc a indiqué que l'objectif était d'adopter des dispositions à la fois plus cohérentes et plus pragmatiques.

Sur la question des retraites agricoles, il a estimé qu'il était désormais important d'inscrire dans la loi l'objectif de porter les pensions de retraite agricole les plus basses au montant du minimum vieillesse, sous réserve d'une carrière complète en agriculture.

Sur la question des charges sociales, il a proposé d'adopter une mesure visant à majorer le taux d'exonération de cotisations sociales pour les jeunes agriculteurs, afin qu'ils retrouvent l'avantage relatif dont ils bénéficiaient par rapport aux autres catégories d'exploitants avant la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

S'agissant des dispositions relatives aux salariés agricoles, il a considéré qu'il était nécessaire d'étendre le champ d'application du titre emploi simplifié agricole, afin d'accompagner le développement de l'emploi, et de redéfinir les dispositions supposées lutter contre la précarisation, qui risquent en réalité de freiner le développement de l'emploi salarié agricole.

Il a indiqué qu'il souhaitait favoriser l'adoption de dispositions permettant un meilleur fonctionnement de la tutelle sur la Mutualité sociale agricole, mais a jugé disproportionnée la création d'un commissaire du Gouvernement auprès de la caisse centrale.

M. Jean Delaneau, président, a observé que le texte transmis par l'Assemblée nationale renvoyait, au titre des mesures d'application, à 45 décrets, dont 35 en Conseil d'Etat, ce qui ajoutait au manque de lisibilité de dispositions déjà complexes.

M. Bernard Seillier a constaté que le rapport faisait preuve d'une critique équilibrée. Il a approuvé la proposition du rapporteur d'inscrire dans la loi l'objectif de porter au niveau du minimum vieillesse le montant des pensions de retraite agricole les plus basses.

M. Alain Vasselle a rappelé que l'agriculture française était dans une situation difficile en raison de la réforme de la politique agricole commune. Il s'est inquiété d'un alourdissement du poids des charges fiscales et sociales sur l'agriculture en raison de la création de nombreux comités. Il s'est interrogé sur la possibilité de revaloriser plus rapidement, et à un niveau minimum plus élevé, les pensions de retraite agricole.

M. Michel Souplet, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques et du plan, a déclaré qu'il s'agissait d'un projet de loi important, même si son contenu aurait pu être meilleur. Il a considéré que si l'Assemblée nationale avait procédé à une amélioration globale du texte, en ajoutant 40 articles nouveaux, le projet restait incomplet. Il a précisé que l'option de présenter un contre-projet sur un projet de loi d'orientation ne lui était pas apparue pertinente. Il a précisé que 70 des 91 amendements qu'il avait présentés à la commission des affaires économiques avaient été adoptés à la quasi-unanimité. Soulignant qu'il était nécessaire d'accompagner la transformation de l'agriculture d'exploitations familiales en agriculture d'entreprises, il a déploré l'absence de dispositions fiscales dans le texte initial. Il a remarqué que l'effort premier devait porter sur l'installation des jeunes agriculteurs, par l'adoption d'un système incitatif le plus simple possible.

M. Jean Delaneau, président, a déclaré partager l'option choisie par M. Michel Souplet, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, de ne pas bouleverser l'ensemble du projet de loi, mais de proposer une série d'amendements susceptibles d'être retenus dans le texte définitif.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a remercié M. Michel Souplet d'avoir situé le projet de loi d'orientation agricole dans son contexte.

M. André Jourdain a évoqué une expérience réalisée par la région de Franche-Comté, visant à accompagner la transmission des exploitations dans les zones de moyenne montagne, en prenant en charge pendant neuf mois la présence d'un jeune agriculteur sur une exploitation. Il a émis l'idée que cette expérience puisse être transposée sur le plan national, en utilisant le cadre juridique des emplois jeunes, sur une durée de deux ans.

M. Guy Fischer a déclaré que le mouvement de concentration des exploitations agricoles lui apparaissait inquiétant. Il a indiqué que le groupe communiste républicain et citoyen présenterait un certain nombre d'amendements sur le volet social du projet de loi. Il s'est déclaré en désaccord avec les options retenues par le rapporteur pour avis, notamment sur le titre emploi simplifié agricole (TESA).

M. Alain Gournac s'est interrogé sur l'article 53 du projet de loi, relatif aux lycées agricoles.

M. Jean Delaneau, président, a indiqué que la commission des affaires culturelles s'était saisie de ce volet du projet de loi.

M. Michel Souplet, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan, a précisé que M. Albert Vecten, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, avait proposé d'amender cet article, dans le sens d'une harmonisation des statuts des lycées professionnels agricoles.

M. Bernard Cazeau a indiqué que la méthode conduite depuis 1997 pour revaloriser les retraites agricoles lui paraissait judicieuse ; il a insisté sur la nécessité de réaliser un effort particulier en faveur des pensions les plus faibles.

En réponse aux différents intervenants, M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, a souhaité tout d'abord insister -au-delà de la question de la revalorisation- sur la nécessité de simplifier les règles d'attribution et les modes de calcul des pensions de retraite agricole, devenus peu lisibles pour les assurés et complexes à appliquer pour les caisses de mutualité sociale agricole. Il a considéré que la détermination d'un objectif plus ambitieux que le minimum vieillesse pour la revalorisation des retraites agricoles posait un problème d'équité vis-à-vis des autres catégories socioprofessionnelles.

Concernant les craintes de M. Alain Vasselle de voir alourdies les charges des agriculteurs par la création de différentes instances, il a précisé que les modalités de financement des comités d'action sociale et culturelle seraient déterminées par les conventions collectives. Il a observé en outre que le fonds national de prévention des accidents du travail disposait de réserves financières.

Très intéressé par la proposition de M. André Jourdain, il a estimé qu'elle entrait davantage dans le cadre du développement des emplois jeunes dans le secteur marchand, qui n'a pas été défini par le Gouvernement.

Répondant à M. Guy Fischer, il a souhaité que la discussion du projet de loi d'orientation agricole aborde le contexte européen et mondial de l'agriculture. Il a indiqué qu'il convenait d'accompagner le développement de l'emploi occasionnel agricole, à travers le TESA, plutôt que de le freiner.

Puis, la commission a abordé l'examen des articles.

Avant l'article premier ter, la commission, sur proposition du rapporteur pour avis, a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel prévoyant l'objectif de porter d'ici quatre ans les pensions de retraite du régime agricole les plus basses au montant du minimum vieillesse.

A l'article premier ter (rapport sur la revalorisation des retraites agricoles), elle a adopté un amendement prévoyant que le rapport du Gouvernement sur la revalorisation des retraites agricoles aborderait les questions de la simplification des modes de calcul des pensions, de la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire et des modalités de financement des différentes mesures de revalorisation.

A l'article 18 (création du statut de conjoint collaborateur), elle a adopté un amendement visant à compléter le terme de " conjoint collaborateur d'exploitation " par celui " d'entreprise ".

A l'article 22 (revalorisation des retraites), elle a adopté un amendement visant à corriger une ambiguïté dans une référence à un article du code rural.

Après l'article 22, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel visant à instaurer dans le régime agricole, comme dans le régime des salariés et les régimes alignés, un montant minimum pour les pensions de réversion.

Après l'article 24, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel visant à majorer le taux de l'exonération de charges sociales dont bénéficient les jeunes agriculteurs.

Après l'article 26, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel visant à étendre au régime agricole les limites apportées à la cessibilité et à la saisissabilité des pensions de retraite et d'invalidité.

Avant l'article 27, elle a adopté un amendement tendant à rédiger l'intitulé du chapitre IV du titre II du projet de loi en cohérence avec les intitulés des autres chapitres.

A l'article 27 (création du titre emploi simplifié agricole), la commission a adopté deux amendements : le premier supprimant une référence à un article abrogé du code du travail ; le second étendant le droit d'utilisation du titre emploi simplifié agricole aux coopératives agricoles employant moins de onze salariés permanents.

A l'article 27 bis (limitation des déplacements des salariés agricoles dans le cadre de travaux effectués par des groupements d'employeurs), la commission a adopté un amendement de suppression.

A l'article 28 (création au niveau des départements de comités d'oeuvres sociales et culturelles), elle a adopté un amendement visant à modifier les conditions de représentativité des représentants des organisations syndicales membres du comité des activités sociales et culturelles.

A l'article 29 (création au niveau des départements de commissions paritaires d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail), elle a adopté deux amendements : le premier visant à mettre en cohérence le texte proposé par le I de cet article avec le code du travail ; le second tendant à assurer une dénomination des commissions instituées par cet article conforme à leur fonction.

A l'article 29 ter (création d'un observatoire de l'emploi salarié en agriculture), la commission a adopté un amendement de suppression.

Après l'article 29 ter, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel visant à faire bénéficier les associations d'aide à domicile intervenant en milieu rural de l'exonération de charges sociales prévue pour les associations relevant du régime général.

Avant l'article 29 quater, elle a adopté un amendement tendant à remplacer le chapitre V par un titre additionnel après le titre II.

A l'article 29 quinquies (circonscription territoriale des organismes de MSA), elle a adopté un amendement de suppression.

A l'article 29 sexies (convention d'objectifs et de gestion au sein de la MSA - commissaire du Gouvernement), elle a adopté deux amendements : le premier de nature rédactionnelle ; le second supprimant l'institution d'un commissaire du Gouvernement auprès de la Caisse centrale de la MSA.

Après l'article 29 octies (actions menées par les organismes de MSA), la commission a adopté quatre articles additionnels :

- le premier visant à permettre l'exonération totale des droits fiscaux, et notamment des droits d'enregistrement et de timbre, à l'occasion d'une fusion entre caisses de MSA ;

- le second tendant à autoriser les caisses de MSA à recouvrer directement à leur profit les indemnités forfaitaires mises à la charge des tiers responsables d'un accident du travail ;

- le troisième visant à harmoniser le code rural avec les dispositions du code de la sécurité sociale, en prévoyant que la présidence du comité d'entreprise d'un organisme de mutualité sociale agricole est assurée par le directeur de l'organisme ;

- le quatrième tendant à confirmer l'affiliation au régime agricole des mandataires des sociétés ou caisses locales d'assurances mutuelles agricoles.

Sous réserve des amendements qu'elle propose, la commission a approuvé les dispositions du projet de loi d'orientation agricole dont elle s'est saisie pour avis.

Nomination de rapporteur

Puis, la commission a désigné M. Louis Souvet, rapporteur sur la proposition de loi n° 114 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans.