AFFAIRES SOCIALES

Table des matières


Mardi 13 octobre 1998

- Présidence de M. Jean Delaneau, président

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 : nomination de rapporteurs

- La commission a désigné en qualité de rapporteurs sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale :

- M. Charles Descours (équilibres financiers généraux de la sécurité sociale et assurance maladie) ;

- M. Jacques Machet (famille) ;

- M. Alain Vasselle (assurance vieillesse).

Projet de loi de finances pour 1999 : nomination de rapporteurs pour avis

Puis la commission a désigné en qualité de rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 1999 :

- M. Jean Chérioux (solidarité) ;

- M. Louis Boyer (santé) ;

- M. Paul Blanc (ville) ;

- M. Louis Souvet (travail, emploi) et Mme Annick Bocandé (formation professionnelle) ;

- M. Louis Boyer (budget annexe des prestations sociales agricoles) ;

- M. Marcel Lesbros (anciens combattants) ;

- M. Jean-Louis Lorrain (départements et territoires d'outre-mer : aspects sociaux) ;

- M. Jacques Bimbenet (logement social).

Office parlementaire d'évaluation de la législation et d'évaluation des politiques publiques : désignation d'un membre de droit

Puis la commission a désigné Mme Annick Bocandé, en application de l'article 6 quater de l'ordonnance n° 58-1100 du 1er novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, comme membre de droit de la Délégation du Sénat de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation (loi n° 96-516 du 14 juin 1996) et M. Charles Descours, en application de l'article 6 quinquies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, comme membre de droit de la Délégation du Sénat de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques (loi n° 96-517 du 14 juin 1996).

Programme de travail : communications diverses

M. Louis Souvet s'est interrogé sur l'inscription, à l'ordre du jour du Sénat, des conclusions de la commission sur la proposition de loi n° 533 (1997-1998) de MM. Jean-Paul Delevoye et lui-même, tendant à mieux réglementer les pratiques du merchandisage afin d'éviter certaines activités abusives constatées dans le secteur de la grande distribution.

M. Paul Blanc a évoqué la perspective du dépôt, par le Gouvernement, d'un projet de loi modifiant la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.

M. Charles Descours a indiqué que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 comportait une disposition relative aux dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 : audition de M. Edmond Malinvaud, Professeur honoraire au collège de France

Puis la commission a entamé son programme d'auditions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Elle a tout d'abord entendu M. Edmond Malinvaud, Professeur honoraire au collège de France, sur son rapport au Premier ministre consacré aux cotisations sociales à la charge des employeurs. M. Edmond Malinvaud a tenu à préciser que son étude, qualifiée d'analyse économique, avait eu pour objet de donner des repères et non de proposer une réforme particulière. Il a insisté sur le fait qu'elle s'adressait aux effets à long terme (10 ans et plus) à attendre de réformes adoptées immédiatement et considérées comme devant être maintenues durablement sans changement.

M. Edmond Malinvaud a indiqué que l'arrière-plan scientifique du travail accompli n'était pas aussi robuste qu'il l'aurait souhaité, évoquant les obstacles constitués par les interdépendances complexes entre prix et quantités, les substitutions entre facteurs de production ou encore les incertitudes concernant les effets à attendre d'une réforme des cotisations patronales sur la croissance.

M. Edmond Malinvaud a déclaré que son étude visait à éclairer les réponses à trois questions : la première tendant à valider l'intuition consistant à penser qu'une réforme des cotisations patronales, s'appliquant à tous les niveaux de qualification, stimulerait assez l'emploi pour justifier ses difficultés pratiques de mise en oeuvre ; la deuxième ayant pour objet de déterminer quelles seraient les modalités des réformes de ce type les plus favorables à l'emploi ; la troisième essayant de prendre position sur l'intérêt de la pérennisation, voire du renforcement, d'une différenciation des taux de cotisation en faveur des bas salaires.

M. Edmond Malinvaud a déclaré qu'il avait pensé, dans un premier temps, ne pouvoir donner que des indications qualitatives en réponse à ces questions. Il a observé qu'il lui avait été finalement possible d'introduire des éléments de quantification.

Concernant les principales conclusions de son étude, M. Edmond Malinvaud a considéré que les réformes de la fiscalité et de la parafiscalité qui concerneraient indistinctement toutes les qualifications auraient beaucoup moins d'effet sur le coût réel du travail que leurs impacts directs ne conduisaient à le faire penser. S'agissant d'un traitement différentiel des bas salaires, M. Edmond Malinvaud a estimé que la conclusion serait autre en raison d'un déséquilibre plus marqué et plus durable entre offre et demande de travail et du fait également de l'existence d'un salaire minimal légal. Il a plaidé en faveur de l'introduction, à titre définitif, d'un barème des cotisations patronales comportant de faibles taux en bas de l'échelle.

M. Edmond Malinvaud a ensuite fait part des résultats qui pouvaient être escomptés d'une diminution des charges sociales pesant sur les salaires compensée, à due concurrence, par un prélèvement reposant respectivement sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), l'ensemble des revenus (contribution sociale généralisée), les résultats des entreprises (impôts sur les sociétés) ou encore à travers l'introduction d'une nouvelle assiette " valeur ajoutée ".

Dans le cas d'une baisse du taux des cotisations patronales de trois points, compensée par une hausse de la TVA, M. Edmond Malinvaud a estimé qu'il en résulterait une baisse du coût du travail de 3 %, qui se traduirait en termes d'emploi par la création de 70.000 postes au bout de dix ans. Dans l'hypothèse d'une baisse des cotisations accompagnée de l'introduction d'une nouvelle assiette sur la valeur ajoutée,M. Edmond Malinvaud a déclaré que les résultats en termes d'emploi resteraient comparables à ceux induits par un basculement sur la TVA, c'est-à-dire un gain d'environ 70.000 emplois. Il a toutefois mis en évidence les difficultés créées par une telle assiette qui taxerait les amortissements ainsi que le profit pur ; celui-ci rémunérant le risque, il pourrait en résulter une moindre incitation au développement d'activités nouvelles dans les hautes technologies par exemple.

Evoquant l'intérêt d'un traitement différentiel des bas salaires, M. Edmond Malinvaud a estimé qu'il pourrait être justifié par le fait que l'on pouvait diagnostiquer, pour les années à venir, des difficultés d'emploi particulières pour les salariés les moins bien rémunérés. Il a par ailleurs considéré que les bas salaires, étant fortement liés au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), étaient assez peu sensibles à l'état du marché du travail, ce qui constituait un facteur de chômage pouvant justifier des allégements particuliers sous la forme d'un barème progressif.

M. Edmond Malinvaud a estimé que le barème actuel était trop progressif, entre 1 et 1,3 fois le SMIC.

Il a déclaré qu'un employeur qui souhaitait augmenter de 100 francs le salaire d'un de ses employés payé au SMIC devrait en fait payer 300 francs compte tenu des charges sociales.

M. Edmond Malinvaud a fait part de sa préférence pour un barème moins progressif, qui s'appliquerait à l'ensemble des salaires compris entre une et deux fois le SMIC.

Afin de financer un tel dispositif, M. Edmond Malinvaud a envisagé trois possibilités, l'une d'entre elles consistant à augmenter d'environ 2 % les cotisations sur les plus hautes rémunérations. Il a estimé qu'une telle réforme pourrait se traduire par la création de 300.000 emplois à l'horizon de 10 ans.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a souhaité savoir si le rapport présenté était un rapport demandé par le Premier ministre dans le cadre du Conseil d'analyse économique ou s'il devait être considéré comme étant le rapport du Gouvernement au Parlement prévu par l'article 6 de la loi de financement pour 1998, rapport " analysant les conséquences sur le financement de la sécurité sociale et sur la situation des entreprises d'une modification de l'assiette des cotisations sociales à la charge des employeurs, notamment appuyée sur la valeur ajoutée ".

M. Edmond Malinvaud a répondu que son rapport n'avait pas un tel objet et qu'il devait être considéré comme un rapport réalisé dans le cadre du Conseil d'analyse économique.

M. Charles Descours, rapporteur, a demandé ensuite si le diagnostic d'une évolution plus favorable que par le passé de la masse salariale tenait compte de la modération en termes de hausse des salaires observée depuis l'annonce de la loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail.

M. Edmond Malinvaud a répondu que son étude ne prenait pas en compte l'impact de la loi sur les 35 heures. Il a par ailleurs observé qu'une distinction devrait être faite entre le taux de salaire horaire, qui continuerait à croître, et la rémunération globale qui pourrait effectivement évoluer en fonction de la durée du travail.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est enfin interrogé sur le risque qu'une surcotisation imposée aux salaires les plus élevés puisse avoir un effet de " fuite des cerveaux ", notamment dans le domaine des nouvelles technologies.

En réponse, M. Edmond Malinvaud a considéré que les emplois les plus rémunérés étaient les moins sensibles à une augmentation du coût du travail. Il a par ailleurs observé qu'il avait proposé d'autres pistes de réforme.

M. Jean Delaneau, président, a souhaité savoir si les considérations contenues dans le rapport, relatives au SMIC en tant que facteur de rigidité par rapport aux évolutions du marché du travail devaient être considérées comme une critique d'une rémunération minimale fixée par voie administrative.

En réponse, M. Edmond Malinvaud a indiqué qu'il avait considéré la question des coûts salariaux et qu'il avait retenu l'hypothèse d'un abaissement des charges sur les bas salaires pour obtenir une réduction de ces coûts.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard et M. François Autain se sont interrogés sur le nombre de créations d'emplois qui pourrait être attendu d'un transfert plus important de cotisations patronales sur la cotisation sociale généralisée (CSG) d'une part, et sur la TVA d'autre part.

M. Edmond Malinvaud leur a répondu que les résultats en termes d'emplois seraient du même ordre, que le transfert ait lieu sur la CSG ou sur la TVA. Afin de donner un ordre de grandeur, il a rappelé qu'un transfert de trois points des cotisations patronales permettrait la création de 70.000 emplois et qu'un transfert plus important permettrait la création d'un supplément d'emplois proportionnellement plus élevé.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est interrogée sur l'intérêt qu'il pourrait y avoir à exonérer de cotisations sociales les premiers 1.000 francs de l'ensemble des salaires.

M. Edmond Malinvaud a considéré que ce système avait des vertus à long terme, notamment du fait de sa simplicité, mais il a estimé qu'il créerait moins d'emplois que d'autres dispositifs envisagés.

Mme Nicole Borvo s'est interrogée, quant à elle, sur l'intérêt de baisser le coût du travail après avoir constaté que la baisse observée ces dernières années avait été sans effet sur l'emploi.

M. Edmond Malinvaud a déclaré que le coût du travail n'avait pas baissé mais qu'on avait simplement assisté au développement des inégalités notamment au détriment des jeunes qui devaient faire face à une plus grande précarité des emplois. Il a considéré par ailleurs que de nombreuses études avaient mis en évidence l'existence d'un lien entre le coût du travail et la demande d'emploi.

Enfin, M. André Jourdain a demandé à M. Edmond Malinvaud de donner son avis sur l'intérêt d'une cotisation assise sur la valeur ajoutée.

M. Edmond Malinvaud a souhaité simplement souligner qu'il s'agirait d'un impôt nouveau difficile à mettre en oeuvre notamment du fait des obstacles pouvant apparaître dans le contrôle de son recouvrement.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 : auditions de M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), accompagné par M. Jean-Paul Phélippeau, directeur délégué

Puis elle a entendu M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), accompagné par M. Jean-Paul Phélippeau, directeur délégué.

M. Jean-Marie Spaeth
a présenté l'avis du conseil d'administration de la CNAMTS sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Après avoir rappelé qu'il n'appartenait pas à ce conseil d'administration de se prononcer pour ou contre un projet de loi, mais de formuler un avis, il a indiqué que la progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) de 2,6 % n'était justifiée que si les marges qui en découlaient étaient utilisées pour favoriser la restructuration du système de soins.

Evoquant le plan d'orientations stratégiques adopté le matin même, M. Jean-Marie Spaeth a aussi affirmé que le conseil d'administration de la CNAMTS avait confirmé l'existence d'une responsabilité économique des professionnels de santé à côté de celles des assurés sociaux et des financeurs et qu'il ne souhaitait pas que les dispositions de la loi du 25 juillet 1994, prévoyant la compensation intégrale par l'Etat des exonérations de charges qu'il institue, soient remises en cause à l'occasion de la mise en oeuvre de la loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a demandé à M. Jean-Marie Spaeth des précisions sur la répartition de l'ONDAM. Il s'est également interrogé sur l'ampleur des mesures de restructuration au projet de loi de financement de la sécurité sociale et il a observé qu'aucune de ses dispositions ne concernait l'hôpital. Il a fait siens les propos de M. Jean-Marie Spaeth sur la nécessité d'une compensation, par l'Etat, des exonérations de charges liées à la mise en oeuvre de l'abaissement de la durée légale du travail. Il a enfin interrogé le président du conseil d'administration de la CNAMTS sur la prise en compte des observations formulées l'an dernier par la Cour des Comptes au sujet de l'activité du contrôle médical, sur la vente des immeubles appartenant à la CNAMTS, ainsi que sur l'éventuelle expérimentation de projets tels que ceux qui avaient été présentés par la société AXA assurances ou des groupements mutualistes.

En réponse, M. Jean-Marie Spaeth a indiqué qu'en l'état, le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne remettait pas en cause l'application de la loi de 1994 sur la compensation des exonérations de charges, mais qu'il conviendrait d'être vigilant lors des débats en séance publique, un amendement pouvant toujours être déposé. Il a affirmé que, conformément aux dispositions de la convention d'objectifs et de gestion, la CNAMTS serait consultée sur la répartition de l'ONDAM et que cette dernière comptait jouer un rôle actif, au sein du comité économique du médicament, dont elle est désormais membre.

M. Jean-Marie Spaeth a énuméré quelques dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui allaient dans le sens d'une restructuration du système de soins : l'institution d'un fonds pour la qualité des soins en médecine de ville, les mesures concernant les réseaux de soins ou les nouvelles perspectives ouvertes en matière de mode de rémunération des professionnels de santé. A l'inverse, il a souligné les insuffisances de la loi dans le domaine sanitaire et il a souhaité que soient périodiquement votées des lois d'orientation sanitaire définissant une véritable politique de santé publique. Il a estimé que le niveau régional était pertinent pour mettre en oeuvre une politique d'adaptation aux besoins du tissu hospitalier, mais il a fait part de son impatience afin que les procédures d'accréditation et de contractualisation hospitalières prévues par les ordonnances soient rapidement mises en place. Après avoir indiqué que la vente d'immeubles de la CNAMTS était en cours, il a enfin évoqué les propositions formulées par un assureur privé, la société AXA assurances. Observant qu'aucun projet n'avait été déposé devant la commission présidée par M. Raymond Soubie et estimant qu'une intervention du législateur serait nécessaire pour mettre en oeuvre un plan qui apparaissait contraire aux dispositions du code de la sécurité sociale en vigueur, il a affirmé que les assureurs avaient évolué : rejetant la sélection des malades, ils ont compris que la maîtrise des dépenses de santé reposait sur une maîtrise de l'offre et ils proposent désormais la sélection des offreurs de soins. A cet égard, il a fermement déclaré que, si la CNAMTS disposait de la faculté de sélectionner les offreurs de soins, l'assurance maladie coûterait moins cher à la collectivité. Ainsi, il a estimé que la formation médicale ne devait pas être organisée en fonction de besoins hospitaliers à court terme et qu'elle devait répondre aux besoins de santé de la population ; il a également regretté que les pouvoirs publics aient mis en place des systèmes de préretraite pour les médecins qui n'étaient sélectifs, ni en fonction de critères géographiques, ni en fonction des spécialités médicales, et que le numerus clausus soit relevé. Il a aussi fait part du souhait de la CNAMTS de disposer d'une carte des besoins médicaux en médecine de ville.

M. Jean-Paul Phélippeau a indiqué qu'à la suite du constat fait par la Cour des Comptes sur l'activité du contrôle médical, de nouvelles orientations avaient été officialisées au mois de juin 1998. Il a affirmé que cette activité, largement centrée sur la délivrance d'avis individuels, souvent prévus par la réglementation, et qui, dans certains cas, étaient obsolètes ou peu efficaces, allait diminuer. En contrepartie, les activités de santé publique et d'évaluation, notamment en matière de pratiques collectives, progresseront.

M. Dominique Leclerc s'est prononcé en faveur d'une réforme rapide de l'internat.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a demandé à M. Jean-Marie Spaeth si le ministère de l'emploi et de la solidarité soutenait sa proposition d'adoption périodique de lois d'orientation sanitaire, et si le travail des observatoires régionaux de la santé ne pouvait pas en constituer la base.

M. Gilbert Chabroux a rappelé que la situation financière de l'assurance maladie était en voie d'amélioration. Il a interrogé le président du conseil d'administration de la CNAMTS sur les méthodes de mise en oeuvre de la responsabilité économique des professionnels de santé.

Mme Nicole Borvo a affirmé que la définition d'une politique de prévention, comme la mise en oeuvre d'une couverture maladie universelle, appelaient l'attribution de moyens supplémentaires et elle a souhaité que le fonctionnement de la CNAMTS comporte une composante démocratique accrue, notamment grâce au rôle des usagers.

Répondant aux intervenants, M. Jean-Marie Spaeth a affirmé qu'à ce stade, la mise en oeuvre d'une véritable politique de prévention n'était pas une question de moyens et qu'il convenait avant tout de savoir comment utiliser l'argent disponible. Il a estimé qu'il en était de même pour la politique d'accès aux soins, dont le succès reposait sur une meilleure organisation du système de soins, plutôt que sur l'attribution de moyens supplémentaires. Evoquant d'éventuelles lois d'orientation sanitaire, il a rappelé que la définition d'une politique de santé publique relevait du législateur et non de l'assurance maladie. Il a fait siens les propos de M. Dominique Leclerc sur la réforme de l'internat et il a déclaré avoir du mal à accepter que le ministère de l'éducation nationale, en fixant le numerus clausus, définisse l'offre de soins de demain.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 : audition de M. Jean-François Chadelat, inspecteur général des affaires sociales

Enfin, la commission a entendu M. Jean-François Chadelat, inspecteur général des affaires sociales.

M. Jean-François Chadelat
a tout d'abord tenu à rappeler les conditions d'élaboration du rapport dont il avait été chargé par une lettre de mission de M. Alain Juppé, alors Premier ministre, en date du 24 décembre 1996.

Il a relevé que M. Alain Juppé reprenait, dans cette lettre, les termes de son discours du 15 novembre 1995 sur la réforme de la sécurité sociale dans lequel il déclarait vouloir mener à bien l'élargissement de l'assiette de la contribution sociale généralisée (CSG), le basculement progressif des cotisations salariales vers une CSG élargie et enfin, une réforme des cotisations patronales " dont l'assiette devrait être diversifiée en intégrant par exemple des éléments fondés sur la valeur ajoutée ".

M. Jean-François Chadelat a souligné que son rapport ne portait donc pas sur la lutte contre le chômage mais d'abord sur la réforme du financement de la protection sociale.

Puis, il a indiqué que le rapport posait d'abord la question de savoir s'il était nécessaire de modifier l'assiette des cotisations patronales et qu'il avançait cinq raisons pour répondre positivement à cette question.

En premier lieu, M. Jean-François Chadelat a souligné qu'il fallait déterminer l'assiette la plus dynamique possible pour assurer le financement de la sécurité sociale.

Il a constaté, à cet égard, que la part de la masse salariale dans la valeur ajoutée se réduisait constamment sur les quinze dernières années. Ainsi, de 1980 à 1997, l'écart en moyenne annuelle entre l'augmentation du produit intérieur brut (PIB) et celle de la masse salariale a été de 0,7 %, soit un manque à gagner de 7 milliards de francs par an qui se cumulent.

En second lieu, M. Jean-François Chadelat a observé que notre système de sécurité sociale restait majoritairement financé par des cotisations assises sur les revenus du travail et principalement sur les salaires, qu'il pesait donc sur le coût du travail et pénalisait l'emploi.

Il a précisé qu'il avait choisi volontairement de ne pas mettre l'accent en premier lieu sur cet argument, dans la mesure où le rapport qui lui était demandé portait prioritairement sur le financement de la sécurité sociale.

En troisième lieu, M. Jean-François Chadelat a souligné le caractère positif d'une diversification des ressources de la sécurité sociale : remarquant, à cet égard, que la France était dans une situation " atypique " par rapport à ses principaux partenaires, dans la mesure où elle accordait la première place aux cotisations sociales assises sur les salaires, ceci malgré l'effort que représentait la mise en place de la CSG, il s'est demandé si notre pays ne courait pas un risque à " mettre tous ses oeufs dans le même panier ".

En quatrième lieu, il a insisté sur la nécessité d'engager en matière de cotisations patronales une réforme parallèle à celle conduite pour élargir l'assiette de la cotisation salariale par la mise en place de la CSG qui tient compte du fait que les revenus des ménages n'étaient pas composés uniquement de revenus salariaux.

Il a estimé qu'il serait paradoxal de ne pas suivre, pour les cotisations patronales, le même raisonnement que pour les cotisations salariales et de ne pas tenir compte de tous les éléments qui " font la richesse des entreprises ".

Enfin, tout en reconnaissant le caractère quelque peu caricatural de la formule, il a déclaré ne pas comprendre pourquoi, du point de vue de l'égalité de traitement, une entreprise " employant 100 salariés et utilisant 10 machines ne verserait pas la même contribution que l'entreprise employant 10 salariés et utilisant 100 machines ".

Puis, M. Jean-François Chadelat a indiqué que la seconde partie de son rapport examinait comment réformer les cotisations patronales de sécurité sociale.

Tout d'abord, il a relevé que, compte tenu de la masse financière en cause, il était nécessaire de recourir à une assiette de cotisation la plus large possible, supérieure ou au moins égale à l'assiette constituée par la masse salariale.

Il a souligné, en effet, qu'il serait déraisonnable d'instituer des taux nominaux de prélèvements excessifs ainsi que de se fonder sur une assiette trop fluctuante en raison de son étroitesse.

Dans ces conditions, M. Jean-François Chadelat a constaté qu'il n'existait que deux possibilités pour asseoir la contribution sociale des entreprises, soit une assiette fondée sur le chiffre d'affaires, soit celle fondée sur la valeur ajoutée.

Concernant le chiffre d'affaires, il a estimé que cette notion, apparemment séduisante, qui était déjà utilisée, à un taux très faible, pour financer la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S) présentait des inconvénients car elle induisait une taxation en cascade sur les intermédiaires d'un même circuit de production et elle avantageait donc les circuits commerciaux courts au détriment du petit commerce de détail. Sur ce point, il a rappelé que, statistiquement, la somme des chiffres d'affaires des entreprises était deux fois supérieure au montant du PIB.

Considérant donc comme inévitable le recours à une assiette fondée sur la valeur ajoutée, il a précisé que, dans son rapport, il examinait la question de la " faisabilité " du transfert en remarquant que ce problème n'avait pas été franchement abordé dans les multiples rapports précédents.

Il a noté, à cet égard, que dans les travaux antérieurs, les conséquences macro-économiques du passage à des cotisations patronales assises sur la valeur ajoutée avaient été largement analysées.

Il a ainsi été démontré que les secteurs qui utilisent peu de capital et emploient beaucoup de salariés (textile, bâtiment) seraient avantagés par la réforme et qu'en revanche seraient pénalisés les secteurs dans lesquels la masse salariale est faible et le montant des investissements importants en capital (pétrochimie, informatique).

M. Jean-François Chadelat a noté, non sans ironie, que les analyses économétriques ne faisaient sur ce point que confirmer les conclusions auxquelles permettaient d'aboutir un raisonnement économique relativement simple.

Concernant en revanche la question plus complexe des modalités de mise en oeuvre du passage à la nouvelle assiette, il a souligné qu'aucun problème ne serait insoluble dès lors qu'un groupe restreint de décideurs seraient habilités à résoudre les difficultés subsistantes avec une obligation de résultat, nonobstant les réticences des administrations concernées.

Concernant la définition de la valeur ajoutée, M. Jean-François Chadelat a préconisé le recours à la notion de valeur ajoutée comptable déjà utilisée par le code général des impôts dans le dispositif de plafonnement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée.

S'agissant du champ d'application, il a émis des doutes sur l'opportunité de l'introduction de la valeur ajoutée dans le secteur non marchand. A cet égard, il a remarqué que la notion de valeur ajoutée d'une administration publique ou d'une association à but non lucratif avait peu de sens et qu'elle serait largement identifiée, par des biais comptables, aux charges de personnel, ce qui entraînerait des distorsions par rapport au secteur marchand.

En outre, il a mis l'accent sur la nécessité d'éviter des effets pervers au détriment des travailleurs indépendants. Constatant que le changement avantagerait en moyenne les entreprises comptant entre 5 et 400 salariés, il a estimé nécessaire de définir un seuil minimum d'assujettissement qui permettrait d'exclure les plus petites entreprises.

Enfin, il a considéré qu'un sort particulier devrait être réservé au secteur agricole caractérisé par une forte proportion d'entreprises individuelles et dans lequel la majorité des exploitants cotise au forfait.

En matière de contrôle de recouvrement, M. Jean-François Chadelat a souligné l'effort à accomplir en matière d'information des entreprises ainsi que la vigilance nécessaire à l'égard des évasions et fraudes possibles.

Administrativement, il a estimé envisageable que les opérations matérielles de recouvrement soient effectuées par les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), tout en soulignant que seuls les services fiscaux bénéficiaient du savoir-faire et de la compétence nécessaire pour assurer les tâches de contrôle des entreprises.

En définitive, M. Jean-François Chadelat a souligné que son rapport faisait apparaître que l'introduction progressive de la notion de valeur ajoutée dans le financement de la sécurité sociale était inéluctable et souhaitable et qu'aucune difficulté technique ne semblait insoluble en ce domaine.

Il a souhaité ne pas porter de jugement sur le rapport de juillet 1988 remis au Premier ministre sur l'analyse économique des cotisations sociales à la charge des employeurs.

Il a relevé toutefois que, dans ce rapport, il lui était reproché de ne pas envisager le basculement immédiat des 12,8 points de cotisations patronales d'assurance maladie sur une nouvelle cotisation assise sur la valeur ajoutée et que cette prudence était interprétée comme un manque de conviction.

Evoquant le principe statistique selon lequel " la nature n'agissait pas par saut ", il a souligné qu'une réforme brutale, " en marche d'escalier ", provoquerait inévitablement une catastrophe.

En revanche, il a souligné la pertinence d'une réforme progressive et lente, en rappelant que le déplafonnement des cotisations de sécurité sociale, engagé depuis 1978 et poursuivi pendant quatorze ans, avait entraîné des transferts considérables entre secteurs et entreprises, de l'ordre de 200 milliards de francs, sans difficulté particulière.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a remercié l'intervenant, a souligné qu'il avait répondu dans ses propos liminaires aux questions qu'il lui avait adressées et il s'est interrogé sur l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale relatif à la C3S.

M. Jean-François Chadelat a indiqué que cette disposition constituait en fait la suite d'un article de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 prévoyant que les excédents de CSG, dégagés à l'occasion du basculement des cotisations salariales d'assurance maladie, devaient être affectés en priorité pour combler le déficit de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et, le cas échéant, de la Caisse nationale d'assurance maladie maternité des professions indépendantes (CANAM).

Il était également prévu que les excédents de C3S étaient affectés à la Caisse autonome nationale de compensation de l'assurance vieillesse des artisans (CANCAVA) et à l'organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce (ORGANIC). Le projet de loi prévoit donc que les excédents éventuellement restants soient affectés au financement du fonds de solidarité vieillesse.

M. Jean-François Chadelat a admis que des excédents pourraient effectivement être dégagés en 1999 sur la C3S en considérant qu'il était difficile de se prononcer au-delà dans un tel dispositif.

M. André Jourdain s'est interrogé sur la situation des grandes entreprises au regard de la valeur ajoutée.

M. Jean-François Chadelat a remarqué que les entreprises, de plus de 400 salariés, utilisaient également beaucoup de capital ce qui expliquait qu'elles ne trouvaient pas toujours avantage au passage à une contribution assise sur la valeur ajoutée.

Il a constaté à cet égard que, statistiquement, la réforme avantageait les entreprises pour lesquelles la masse salariale intervient pour plus de deux tiers dans la formation de leur valeur ajoutée.

M. François Autain a estimé que le problème essentiel était celui de la création d'emplois et il s'est interrogé sur l'opportunité d'un changement d'assiette des cotisations patronales dès lors que certains avançaient que le passage à la valeur ajoutée ne créerait qu'un faible nombre d'emplois.

M. Jean-François Chadelat a indiqué que les simulations demandées pour la préparation de son rapport présentaient des fourchettes d'estimations extrêmement larges variant de 40.000 à 400.000 emplois supplémentaires. Il a souligné, de manière générale, la difficulté et les aléas des chiffrages en matière de création d'emplois. Il lui a semblé clair, en revanche, qu'une réduction des charges sociales pesant sur les salaires allait dans un sens favorable à l'emploi.

Se demandant si ce gain justifiait un changement aussi considérable, il a constaté que la France avait poussé la logique bismarckienne de la protection sociale à un niveau caricatural, en finançant la sécurité sociale de manière quasi exclusive par l'assiette des revenus du travail.

Soulignant que, sur le plan économique, une entreprise avait toujours intérêt à maximiser ses profits et à minimiser ses coûts et en particulier les salaires qui constituent les dépenses les plus importantes, il a considéré qu'il serait absurde de continuer à financer la sécurité sociale à partir d'une assiette que les entrepreneurs cherchent à réduire.

M. Guy Fischer s'est demandé si le maintien du statu quo actuel ne pourrait pas entraîner un sentiment d'injustice de la part des Français ainsi qu'un fort taux de chômage.

En réponse, M. Jean-François Chadelat a estimé que certaines entreprises pouvaient effectivement considérer que le maintien du régime actuel les pénaliserait injustement.

Mercredi 14 octobre 1998

- Présidence de M. Louis Souvet, vice-président

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 : auditions de M. François de Paillerets, président de la Conférence nationale de santé, accompagné par MM. Louis Serfaty et Jacques Vleminckx, membres du bureau

- La commission a poursuivi ses auditions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Elle a tout d'abord entendu M. François de Paillerets, président de la Conférence nationale de santé, accompagné par MM. Louis Serfaty et Jacques Vleminckx, membres du bureau.

M. François de Paillerets a d'abord indiqué que les travaux de la Conférence nationale de santé, en 1998, s'étaient inscrits dans la continuité des années précédentes. Il a ainsi observé que les trois thèmes étudiés cette année figuraient parmi les dix thèmes retenus dès la première conférence nationale de santé.

M. Jacques Vleminckx a évoqué le premier de ces trois thèmes, la réduction des inégalités inter et infra-régionales d'accès aux soins de santé. A cet égard, la Conférence nationale de santé a formulé quatre propositions : passer d'un dispositif centré sur l'offre de soins à une démarche partant des besoins en prestations sanitaires et créer une enveloppe financière spécifique complémentaire aux autres enveloppes relatives aux soins, promouvoir le niveau régional, adapter le fonctionnement des établissements de santé et les pratiques des professionnels de santé, notamment en établissant une régulation géographique de leur installation et favoriser les plus démunis. A cet égard, M. Jacques Vleminckx a souhaité l'adoption d'une nouvelle loi sur l'allocation autonomie des personnes âgées, ainsi que celle d'une loi sur la couverture maladie universelle.

M. François de Paillerets a ensuite évoqué le second thème étudié, la prévention et le traitement du diabète. Il a indiqué que les propositions formulées par la Conférence nationale de santé pour cette maladie étaient exemplaires de ce qui pourrait être fait pour améliorer la prise en charge d'autres maladies chroniques. La Conférence nationale de santé propose d'abord un dépistage simple, ciblé et rentable du diabète. 100.000 glycémies par an pourraient être ainsi réalisées en fonction de considérations liées à l'âge et aux antécédents familiaux : ce chiffre doit être confronté aux 25 millions de glycémies effectuées chaque année en France et qui n'ont pas toujours d'utilité réelle. La Conférence nationale de santé propose également une meilleure prise en charge du diabète, trop de diabétiques légers étant soignés à l'hôpital et, inversement, trop de diabétiques lourds étant traités exclusivement en ville. Enfin, elle souhaite une meilleure éducation du patient, le traitement du diabète nécessitant une adhésion du malade.

M. François de Paillerets a enfin brièvement évoqué le troisième thème d'études de la Conférence nationale de santé, la réduction des accidents iatrogéniques. Il a estimé que le tiers de ces accidents était évitable et il a rappelé que mieux prescrire, c'était souvent moins prescrire. M. Louis Serfaty a estimé que les questions liées à la iatrogénie pouvaient être entendues de manière très large, englobant par exemple celles de l'indemnisation de l'aléa thérapeutique.

Après avoir indiqué que la prochaine Conférence nationale de santé se tiendrait au printemps prochain afin que ses recommandations puissent être prises en compte dès la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale, M. François de Paillerets a fait part d'observations personnelles sur les travaux de la Conférence. Il a reconnu que, si la Conférence n'était pas du tout en mesure, aujourd'hui, de proposer au Parlement un taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), peut-être pourrait-elle bientôt fournir des éléments pour définir le panier de biens et services médicaux remboursables. Il a observé que, d'ores et déjà, plusieurs propositions formulées par la Conférence nationale de santé avaient été mises en oeuvre. Il a ainsi cité la mise en place de 20 heures d'éducation à la santé à l'école et celle du réseau en cancérologie et il a constaté qu'aucune dérogation à l'interdiction de la publicité en faveur de l'alcool n'avait été accordée lors de la coupe du monde de football. Au-delà, il a affirmé que les travaux de la Conférence nationale de santé contribuaient à l'émergence d'une culture de santé publique dans notre pays.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a souligné le rôle très positif de la Conférence nationale de santé, mais il a regretté l'insuffisante articulation de ses travaux avec ceux du Parlement. Evoquant les propositions formulées par la conférence, il a rappelé que toutes ne relevaient pas du domaine législatif. Après s'être déclaré favorable à l'adoption d'une loi sur la couverture maladie universelle et observé que le Gouvernement n'avait toujours pas déposé ce projet de loi très attendu, il a demandé aux représentants de la Conférence nationale de santé s'ils souhaitaient instituer une cinquième branche de la sécurité sociale pour couvrir le risque de la dépendance. Il a observé l'absence de consensus sur la nécessité d'une loi sur l'aléa thérapeutique et surtout sur la question de son financement. Il a enfin demandé à M. François de Paillerets si, parallèlement à des actions de santé publique prioritaires, la Conférence nationale de santé était en mesure d'énumérer des dépenses peu efficaces ou inutiles afin que le Parlement soit mieux en mesure de définir une politique de santé publique et de la financer.

M. Jean-Louis Lorrain a évoqué la question du dépistage du cancer et il a demandé à M. François de Paillerets comment s'articuleraient les prochains travaux de la Conférence nationale de santé avec ceux des " Etats généraux de la santé " organisés par le Gouvernement.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a abordé la proposition formulée par M. Jean-Marie Spaeth, président de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), d'adopter des lois d'orientation sanitaire et elle a regretté que les observatoires régionaux de la santé manquent de moyens et voient leurs travaux insuffisamment reconnus.

M. Guy Fischer a souligné l'importance des difficultés d'accès aux soins actuellement ressenties par les plus démunis et leurs conséquences sur le fonctionnement des établissements de santé.

M. Francis Giraud, après avoir évoqué la question du dépistage du diabète, a déclaré que si les programmes de vaccination avaient eu une influence très positive sur l'état de santé des Français, il convenait d'apprécier scrupuleusement le rapport bénéfices/risques de toutes les vaccinations nouvelles.

Mme Gisèle Printz a enfin regretté que les travaux de la Conférence nationale de santé n'aient pas abordé la question des dépistages bucco-dentaire et ophtalmologique.

Répondant aux orateurs, M. François de Paillerets a affirmé que les représentants de la Conférence nationale de santé étaient à la disposition du Parlement pour organiser une meilleure coordination de leurs travaux respectifs. Il a indiqué qu'en raison de la tenue des Etats généraux de la santé, les Conférences régionales de santé ne seraient pas réunies cette année. Il a regretté que la Conférence nationale de santé ne soit pas encore en mesure d'énumérer des dépenses qui pourraient être évitées mais il a souhaité qu'elle puisse le faire dans un proche avenir. Il a reconnu que la question de la prestation autonomie n'était pas évoquée suffisamment dans le détail dans le rapport de la Conférence, mais il a indiqué que le thème central de ses travaux, l'an prochain, serait consacré au vieillissement de la population. Il s'est déclaré favorable à des lois d'orientation sanitaire, mais il a estimé qu'il conviendrait de prendre garde au risque de séparation encore accru entre le curatif et le préventif dans notre système de santé. Il a estimé indispensable de soutenir les observatoires régionaux de la santé et de leur donner les moyens suffisants et il a rappelé que la Conférence nationale de santé souhaitait qu'ils constituent le pivot de l'organisation des banques de données en santé publique proposée dans ses rapports.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 : audition de M. Pierre-Louis Rémy, délégué interministériel à la famille

Puis, elle a entendu M. Pierre-Louis Rémy, délégué interministériel à la famille.

M. Pierre-Louis Rémy
a tout d'abord fait valoir que toutes les familles étaient utiles à la société et que la famille constituait un espace de solidarité et de construction des repères pour l'enfant. Il était par conséquent de la responsabilité de la collectivité d'apporter son appui aux familles.

Evoquant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, M. Pierre-Louis Rémy a indiqué que le volet famille de ce texte comportait trois éléments : tout d'abord, le retour à l'universalité des allocations familiales, ensuite un souci de justice qui se traduisait par des mesures diverses (relèvement de 19 à 20 ans de l'âge limite d'ouverture du droit aux prestations familiales, extension du bénéfice de l'allocation de rentrée scolaire aux familles d'un enfant, exclusion des majorations pour âge des allocations familiales des ressources prises en compte pour calculer le revenu minimum d'insertion (RMI) et diminution du plafond du quotient familial), enfin la volonté d'aider les parents dans leur fonction parentale.

M. Pierre-Louis Rémy a précisé que la volonté d'aider les parents dans leur fonction parentale se manifestait par une augmentation des crédits du Fonds national d'action sociale de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), le financement d'un réseau d'appui, d'écoute et de soutien aux parents, et des actions visant à favoriser une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie familiale.

S'agissant de la conciliation entre vies professionnelle et familiale, M. Pierre-Louis Rémy a considéré qu'il convenait à la fois de renforcer les services d'accueil aux petits enfants et de prendre de nouvelles initiatives dans le contexte créé par la réduction du temps de travail.

Evoquant la nécessité d'aider les parents dans leur vie quotidienne, le délégué interministériel à la famille a mis particulièrement l'accent sur les actions menées dans le domaine du logement, notamment sur l'augmentation des aides.

Enonçant les axes de travail de la délégation interministérielle à la famille, M. Pierre-Louis Rémy a souligné qu'il convenait de mener un effort particulier en faveur des jeunes adultes, qui appartenaient à une tranche d'âge pour laquelle il était parfois difficile de concilier le besoin d'aide et le respect du désir légitime d'autonomie. Après avoir relevé la part croissante qu'occupaient les personnes âgées dans notre société et le rôle des solidarités inter-générationnelles, il s'est dit convaincu de la nécessité d'imaginer des mécanismes permettant une meilleure articulation entre solidarité collective et solidarité familiale.

M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille, a interrogé M. Pierre-Louis Rémy sur les actions que ce dernier entendait mener concrètement, les propositions qu'il comptait formuler au Gouvernement et les moyens dont il disposait. Il a souhaité savoir quelle serait véritablement la mission du comité interministériel de la famille, et selon quelle fréquence celui-ci se réunirait.

M. Jacques Machet s'est également interrogé sur l'utilisation qui pourrait être faite des excédents structurels que devrait connaître la branche famille en 1999, 2000 et 2001. Il s'est demandé, au regard de ces excédents, quelle pouvait être la justification de la mise sous conditions de ressources des allocations familiales et de la diminution du quotient familial.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a dénoncé le manque de transparence qui caractérisait la gestion des fonds sociaux par les caisses d'allocations familiales. Evoquant le développement des structures d'accueil pour jeunes enfants, elle s'est demandé si l'on n'avait pas atteint un niveau exagéré de médicalisation des équipements collectifs. S'agissant de l'allocation parentale d'éducation, elle a préconisé que cette prestation familiale soit calculée proportionnellement au dernier salaire.

M. Alain Gournac s'est élevé contre les modifications successives du régime des allocations familiales. Après avoir déclaré que les familles avaient aujourd'hui le sentiment d'être quelque peu abandonnées, il a souhaité une clarification des intentions réelles du Gouvernement à leur égard. Il a également suggéré une simplification des prestations familiales et de la répartition des compétences entre les différents acteurs de la politique familiale. Enfin, il s'est inquiété de la multiplication et de la complexité des normes régissant les structures d'accueil des jeunes enfants et le statut des assistantes maternelles.

M. Guy Fischer a souligné l'opacité qui caractérisait les actions menées par les caisses d'allocations familiales en matière de financement des équipements et des centres sociaux. Il a fait valoir que les politiques menées par les caisses d'allocations familiales différaient sensiblement selon les départements et aboutissaient souvent à des transferts de financement aux dépens des collectivités locales.

Après avoir affirmé le rôle essentiel de la structure familiale, M. Guy Fischer a souligné que les familles connaissant des difficultés se heurtaient à la multiplicité des interlocuteurs, ce qui accroissait encore leur désarroi. Il a exprimé le souhait que le délégué interministériel à la famille puisse jouer véritablement un rôle de fédérateur des actions menées par les différents intervenants.

M. Jean-Louis Lorrain s'est félicité du caractère résolument transversal des missions du délégué interministériel à la famille. Il a souhaité que celui-ci puisse faire entendre les demandes des familles. Evoquant la question de la violence dans les familles et les problèmes de délinquance que connaissaient certains jeunes adolescents, M. Jean-Louis Lorrain a considéré qu'il convenait d'apporter une réponse globale à ces situations et non de multiples réponses parcellaires comme c'était encore le cas aujourd'hui.

En réponse à M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille, M. Pierre-Louis Rémy a fait observer que la délégation interministérielle de la famille, créée le 28 juillet dernier, était encore jeune. Il a affirmé son intention d'oeuvrer en faveur d'améliorations concrètes dans la vie des familles et s'est déclaré désireux de développer les contacts avec les acteurs de terrain, notamment les élus locaux et les associations familiales.

Evoquant le programme à la fois ambitieux et modeste qu'il s'était fixé, M. Pierre-Louis Rémy a indiqué que la délégation agirait à trois niveaux : la participation à la réflexion en amont sur la politique familiale, la préparation et le suivi des mesures décidées par le comité interministériel à la famille, et, enfin, une action sur le terrain en faveur de micro-améliorations pour les familles. Il a souhaité profiter du caractère interministériel de sa mission pour obtenir davantage d'améliorations concrètes.

M. Pierre-Louis Rémy a fait valoir qu'il avait refusé la création d'une nouvelle direction de la famille et il a privilégié, au contraire, la constitution d'une équipe de taille restreinte, apte à faire travailler ensemble les directions des différents ministères.

En réponse à Mme Marie-Madeleine Dieulangard et à M. Guy Fischer, M. Pierre-Louis Rémy a convenu qu'il fallait sans doute introduire plus de transparence et de cohérence dans la politique d'action sociale de la branche famille. Il s'est dit favorable à la définition d'une véritable stratégie reposant sur des priorités nationales et un système de suivi interne.

Répondant à M. Alain Gournac, il a souligné qu'il fallait naturellement un minimum de normes mais que trop de normes tuaient la capacité d'agir. Il a cité l'exemple des crèches parentales, moins prisonnières des normes que les crèches traditionnelles et qui menaient par conséquent une action plus innovante.

En réponse à M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille, M. Pierre-Louis Rémy a estimé qu'il était probablement prématuré de décider aujourd'hui de l'utilisation des excédents futurs de la branche famille. Il a considéré que cette question devrait être évoquée en 1999. Il a indiqué que sa démarche consistait à répondre aux besoins des familles tout en gardant à l'esprit le souci de bien utiliser l'argent public.

M. Pierre-Louis Rémy a également rappelé que la mise sous conditions de ressources des allocations familiales avait été décidée en 1997, dans un contexte fort différent, car caractérisé par un déficit important de la branche famille. Il a considéré que la diminution du plafond du quotient familial répondait à la fois à une nécessité financière, pour financer la prise en charge, par l'Etat, de l'allocation de parent isolé, et à un souci de justice, puisque cette mesure allait concerner uniquement les familles aux revenus les plus élevés.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 : auditions de M. Bernard Caron, président de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et M. Jean-Louis Buhl, directeur

Enfin, elle a entendu M. Bernard Caron, président de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et M. Jean-Louis Buhl, directeur.

M. Bernard Caron
, après avoir précisé qu'il s'exprimait sur cette question à titre personnel, a souligné la complexité des lois de financement de la sécurité sociale. Il a rappelé que le champ des recettes par catégorie n'était pas identique au champ des dépenses par branche. Il a indiqué que la comparaison forcément ambiguë des objectifs de recettes et de dépenses montrait un " excédent " prévu en 1999 de 10,3 milliards de francs, après un " déficit " de 8,3 milliards de francs en 1998.

Tout en reconnaissant que les prévisions macro-économiques pour 1998 s'étaient vérifiées, il a souligné la fragilité des hypothèses retenues pour 1999, dépendant de la conjoncture internationale.

M. Bernard Caron a souhaité attirer l'attention sur l'évolution des cotisations fictives, qui à la différence des cotisations effectives, continuaient à progresser. Il a considéré qu'elles représentaient en fait une subvention importante de l'Etat aux régimes spéciaux.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est interrogé sur l'absence, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, de dispositions relatives à la non-compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales accordées dans le cadre de la loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail, sur la fixation par le projet de loi d'un plafond d'avances pour le régime général de 24 milliards de francs, sur les relations financières entre l'Etat et l'ACOSS et sur les développements du rapport 1998 de la Cour des Comptes concernant l'agence centrale.

M. Bernard Caron a rappelé le principe de la compensation intégrale des mesures d'exonération posé par la loi du 25 juillet 1994. Il a souligné combien le dispositif complexe envisagé par l'exposé des motifs du projet de loi sur les trente-cinq heures ne reposait sur aucune démonstration mathématique.

M. Jean-Louis Buhl a précisé qu'en l'absence de disposition expresse dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le principe de la compensation intégrale lui semblait maintenu.

S'agissant du plafond d'avances pour le régime général, MM. Bernard Caron et Jean-Louis Buhl ont indiqué que le plafond de 24 milliards de francs prévu par le projet de loi n'intégrait pas l'hypothèse d'une majoration de l'allocation de rentrée scolaire. M. Bernard Caron a estimé que ce plafond lui semblait insuffisant. M. Jean-Louis Buhl a expliqué que le plafond prévu par le projet de loi était supérieur au plafond prévu par la loi de financement pour 1998, malgré une amélioration des comptes du régime général, en raison d'une variation de trésorerie en 1999 fondamentalement différente de celle de 1998, ce qui s'explique par la reprise de dette intervenue le 1er janvier 1998.

Concernant les relations financières entre l'Etat et l'ACOSS, M. Bernard Caron a estimé que si l'assiette de la masse salariale du secteur privé était soumise à un strict contrôle, l'Etat employeur ne s'acquittait pas convenablement de ses obligations, alors même que les unions régionales pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) n'avaient pas les moyens d'agir. Il a rappelé le problème posé par les primes des fonctionnaires et par les différents avantages en nature des employeurs du secteur public, qui échappent aux cotisations sociales.

M. Jean-Louis Buhl a précisé que les URSSAF souhaitaient une amélioration de la qualité des documents transmis par les employeurs publics.

S'agissant des compensations d'exonération et des versements effectués par les régimes de sécurité sociale pour le compte de l'Etat, il a rappelé que la convention annuelle conclue entre l'Etat et l'ACOSS en 1994 tendant à la neutralité en trésorerie de ces opérations avait représenté un grand progrès. Il a précisé que si certaines opérations échappaient encore à la convention, l'un des engagements de l'Etat dans la convention d'objectifs et de gestion de 1998-2001 concernait précisément une extension du champ d'action de la convention de trésorerie. Il a estimé qu'en raison d'erreurs de prévision, certaines mesures d'exonération étaient sous-estimées en loi de finances.

Concernant le rapport 1998 de la Cour des Comptes, M. Jean-Louis Buhl a observé que les critiques adressées à l'ACOSS étaient relatives à l'année 1997, avant la mise en place au 1er janvier 1998 du projet RACINE, qui permet de ventiler à la source et par branche les encaissements comptables.

M. Charles Descours, rapporteur, a demandé à M. Bernard Caron de préciser les orientations du Conseil national du patronat français (CNPF) concernant sa participation à la gestion des organismes de Sécurité sociale.

M. Bernard Caron, après avoir rappelé qu'il s'exprimait à titre personnel, a estimé que la position des employeurs en tant que co-gestionnaires était délicate, alors même que les pouvoirs publics fixaient les différents paramètres. Il a observé que la question d'une participation des employeurs ne se posait pas dans les mêmes termes selon les branches. Il a indiqué ainsi que la branche famille ne lui paraissait plus relever de la compétence du CNPF.

A M. Guy Fischer, l'interrogeant sur les raisons de l'avis négatif de l'ACOSS sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, M. Bernard Caron a répondu que la délégation patronale avait tout d'abord souhaité attirer l'attention sur les difficultés de compréhension des lois de financement, sur l'affectation contestable des excédents de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et sur les conditions de mise en place d'un fonds de réserve ne répondant pas aux enjeux de financement de la branche vieillesse dans les années à venir. M. Jean-Louis Buhl a souligné deux autres aspects : l'un relatif à la fragilité des prévisions macro-économiques, l'autre à l'absence de compensation des mesures d'exonération concernant l'embauche du premier salarié, dont les conditions sont modifiées par le projet de loi.

A M. André Jourdain, l'interrogeant sur la réforme des cotisations patronales, M. Bernard Caron a répondu qu'il ne lui paraissait pas envisageable d'entamer une réforme de l'assiette des cotisations patronales, de même qu'une surcotisation des salaires les plus élevés, tant qu'une réflexion n'était pas menée sur la manière d'optimiser l'utilisation des prélèvements très lourds affectant l'économie française. Citant le taux de prélèvements obligatoires, en France, en 1998, M. Bernard Caron a estimé que l'objectif essentiel était de maintenir la compétitivité de l'économie.

M. Jean-Louis Buhl a précisé qu'il lui apparaissait nécessaire de ne pas augmenter la complexité des mesures législatives et réglementaires en vigueur, qui affectait à la fois les cotisants et les organismes gestionnaires.

Jeudi 15 octobre 1998

- Présidence de M. Jean Delaneau, président

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 : auditions de M. Pierre Joxe, Premier Président de la Cour des Comptes, accompagné de M. Gabriel Mignot, président de la VIe chambre et Mme Anne-Marie Boutin, rapporteur général de cette chambre

- La commission a entendu M. Pierre Joxe, Premier Président de la Cour des Comptes, accompagné de M. Gabriel Mignot, président de la VIe chambre et Mme Anne-Marie Boutin, rapporteur général de cette chambre, sur le rapport annuel de la Cour des Comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

M. Jean Delaneau, président, a tout d'abord souligné l'importance de cette audition pour la commission, la Cour des Comptes étant chargée par l'article 47-1 de la Constitution d'assister le Parlement dans le contrôle de l'application des lois de financement. Il a indiqué que le rapport déposé par la Cour le 13 octobre 1998 était le premier rapport permettant de disposer du bilan d'une loi de financement, à savoir celle de 1997.

Puis, M. Jean Delaneau a souhaité formuler trois observations liminaires. Il a tout d'abord fait part de l'irritation des parlementaires face aux nombreuses " fuites " dont est l'objet chaque année le rapport qui, selon la loi organique, doit être remis au Parlement " sitôt son arrêt par la Cour des Comptes ". Il s'est interrogé sur la part relativement réduite du rapport consacrée spécifiquement à l'application de la loi de financement pour 1997 ; il a enfin souhaité savoir s'il était possible pour la Cour d'avancer la date de remise de son rapport.

M. Pierre Joxe a tout d'abord considéré que les finances sociales demandaient un certain degré de spécialisation, en raison de la complexité des dispositions législatives et réglementaires et de l'organisation même des régimes sociaux. Il a estimé que le choix par le Sénat d'une commission réservée aux affaires sociales, ainsi que le mode de renouvellement triennal, donnaient à la Haute Assemblée des atouts intéressants dans le cadre de l'examen des lois de financement.

M. Pierre Joxe, en réponse aux interrogations de M. Jean Delaneau, a indiqué que si la Cour avait parfois le moyen de prouver l'origine des fuites dont ses rapports étaient l'objet, elle n'en était pas moins désarmée, en raison de la procédure contradictoire et de l'envoi de tout ou partie du rapport à un grand nombre de ministères et d'organismes. Il a rappelé l'origine du rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, provenant d'un amendement sénatorial, et il a indiqué que l'ensemble du rapport contribuait -au moins de façon indirecte- à l'éclairage du Parlement dans son contrôle de l'application des lois de financement. Il a souligné le manque d'expérience dont dispose la Cour vis-à-vis du contrôle des finances sociales, à la différence de celui effectué sur le budget de l'Etat. Il a observé que la sixième chambre de la Cour, consacrée spécifiquement à la sécurité sociale, s'était constituée depuis seulement l'année dernière. Il a indiqué que ne lui paraissait pas fondée la distinction faite habituellement entre des lois de finances contraignantes et des lois de financement moins normatives. En recettes, comme en dépenses, il lui a semblé que les lois de financement étaient véritablement un " budget-bis ".

Il a observé que la Cour n'avait été destinataire des comptes des régimes sociaux qu'à la mi-septembre 1998. Il a rappelé que le rapport de la Cour des Comptes sur l'exécution des finances était désormais disponible en juillet, parce que les données de l'Etat étaient disponibles dès le mois de mai, en raison de la normalisation et de l'homogénéisation des comptes. Il a souligné le manque d'homogénéité et de rigueur des comptes sociaux. Il s'est montré soucieux que l'utilisation par les commissions parlementaires compétentes du rapport de la Cour des Comptes sur la sécurité sociale valorise le travail effectué par la haute juridiction.

M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre, a présenté l'articulation du rapport de la Cour. Il a observé que si un seul chapitre reprenait effectivement les articles de la loi elle-même, les développements des première et deuxième parties permettaient de mieux apprécier l'application de la loi de financement pour 1997. Il a remarqué que des développements avaient été consacrés dans les troisième (branche maladie), quatrième (branche famille) et cinquième parties (branche vieillesse) à la demande des commissions parlementaires compétentes. Il a indiqué que la sixième partie du rapport était relative à la gestion des branches et des organismes et que la septième partie du rapport était consacrée à l'activité des comités départementaux d'examen des comptes des organismes de sécurité sociale (CODEC). Il a insisté sur l'importance et l'originalité de la huitième partie qui établit un bilan des propositions faites par la Cour dans ses trois premiers rapports.

M. Gabriel Mignot a observé que l'accélération des délais de remise des comptes serait un processus qui demanderait quelques années.

Abordant la réalisation des objectifs de dépenses et de recettes pour 1997, il a indiqué que ces objectifs avaient été atteints ce qui était tout à fait remarquable, eu égard aux masses financières.

Il a précisé que la Cour critiquait le concept de plafond d'avances, adapté à une comptabilité en encaissements/décaissements mais non à une comptabilité en créances et dettes, ainsi que le processus d'affectation de recettes provenant de la contribution sociale généralisée, qui d'une part intervient très tardivement et d'autre part se révèle d'une complexité redoutable.

Il a observé que la structure de financement de la sécurité sociale évoluait et qu'elle se caractérisait par une augmentation de la part des impôts et des taxes et une diminution de la part des cotisations sociales.

Concernant les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, il a indiqué que la Cour souhaitait un traitement comptable différent des exonérations de cotisations. Abordant les questions de trésorerie, il a relevé la complication entre les dispositions relatives à l'unité de caisse du régime général, gérée par l'ACOSS, et celles relatives à la séparation comptable des branches. Il a indiqué que l'unité de caisse paraissait favorable à la Cour, de même que la gestion par l'ACOSS ou par la Caisse des Dépôts et Consignations d'un compte unique centralisant les établissements publics de santé, leur principal financeur étant la sécurité sociale.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a tenu tout d'abord à féliciter la Cour des Comptes pour le travail réalisé. Il s'est interrogé sur la manière de mieux définir la notion de branche et sur la pertinence d'avoir choisi de mettre en oeuvre la réforme -par ailleurs nécessaire- des droits constatés avant de disposer d'un plan unique de comptabilité pour les organismes sociaux et d'une hiérarchisation des agents comptables entre Caisses nationales et caisses de base. Il a demandé pourquoi le rapport 1998 de la Cour ne consacrait aucun développement au contrôle de l'assiette de la masse salariale du secteur public et si la Cour avait avancé dans ses réflexions sur la constitution d'un véritable régime spécial de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat. Il s'est interrogé sur les analyses de la Cour vis-à-vis de l'avenir général des régimes de retraite. Il a souhaité savoir si la fiabilité des statistiques d'assurance maladie ne posait pas problème, alors même qu'elles fondent le système de régulation des dépenses.

M. Gabriel Mignot a indiqué que le contrôle de l'assiette de la masse salariale du secteur public ferait partie du prochain programme de travail de la Cour des Comptes. Mme Anne-Marie Boutin a précisé que le rapport sur l'exécution des lois de finances abordait également cette question.

M. Pierre Joxe a rappelé qu'il avait demandé il y a quatre ans une étude approfondie sur les rémunérations du secteur public et que cette étude, selon l'expression consacrée, rencontrait quelques difficultés dans son déroulement mais que ces difficultés étaient surmontées.

Abordant la question des retraites, M. Gabriel Mignot a indiqué que le rapport de la Cour lui consacrait une présentation générale, en intégrant les régimes complémentaires. Il a précisé, à la demande de M. Charles Descours, qu'un magistrat de la sixième chambre était associé aux travaux du commissariat général du plan.

Mme Anne-Marie Boutin a reconnu que l'absence de définition de branche pour l'ensemble des régimes sociaux, à la différence du régime général, posait un grave problème. Elle a indiqué que la direction de la sécurité sociale souhaitait progresser sur ce point. Elle a observé que le projet de loi de financement pour 2000 serait l'occasion de mieux définir l'ensemble des concepts utilisés.

Abordant la question relative à la comptabilité des organismes de sécurité sociale, elle a reconnu que l'un des problèmes de fond était celui du statut juridique de l'ordonnateur et du comptable et de l'organisation entre les caisses centrales et les caisses de base.

Concernant les dépenses d'assurance maladie, Mme Anne-Marie Boutin a souligné combien leur suivi était handicapé par des lacunes fondamentales. Elle a observé que les données produites ou utilisées par l'assurance maladie ne permettaient pas de décrire les actes médicaux. Elle a estimé que les dépenses non encadrées, d'un montant global de 70 milliards de francs, étaient très peu connues, de même que la consommation de médicaments à l'hôpital.

M. Charles Descours, rapporteur, a observé qu'une disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 procédait désormais à l'encadrement des dépenses du secteur médico-social. Il a interrogé les représentants de la Cour des comptes sur l'ampleur d'une éventuelle externalisation des dépenses de l'hôpital dans le secteur privé et sur l'opportunité d'introduire une fongibilité des enveloppes de l'ONDAM.

Mme Anne-Marie Boutin a expliqué que les prescriptions d'un certain nombre de médecins, comme par exemple les médecins à la retraite, n'étaient pas encadrées. Elle a fait état de médicaments achetés en pharmacie, mais prescrits à l'hôpital. Elle a observé que les dépenses du secteur médico-social étaient mal connues, de même que leur répartition entre dépenses médicales et dépenses relevant de l'action sociale.

Mme Anne-Marie Boutin a aussi indiqué que les dépenses hospitalières étaient particulièrement mal suivies. Elle a observé que le travail d'élaboration de nouvelles références médicales opposables (RMO) avait été ralenti. Elle a précisé que les références de bonne pratique devraient également être applicables dans les hôpitaux. Concernant le tarif interministériel des prestations sanitaires (TIPS), elle a fait remarquer qu'il n'avait de sens que dans les cliniques privées et que -citant l'exemple des défibrillateurs cardiaques- les innovations médicales n'étaient que tardivement prises en considération par le TIPS en raison d'une procédure administrative particulièrement lourde. Elle a indiqué que les tarifs de remboursement variaient considérablement en fonction des prescripteurs et des prestataires de soins.

Mme Anne-Marie Boutin, faisant part d'une réflexion globale sur les outils d'une meilleure connaissance des dépenses médicales, a estimé que les objectifs variaient considérablement dans le temps, jusqu'à la contradiction. Prenant l'exemple de SESAM-VITALE, elle a observé que l'objectif premier d'une productivité accrue dans le traitement des feuilles de soins avait été relayé par un objectif de maîtrise médicalisée des soins. Elle a indiqué que la répartition des dépenses par prescripteur ou par région pouvait aboutir à des découpages n'ayant plus de sens. Abordant la question de la fongibilité des enveloppes, elle a estimé que les agences régionales d'hospitalisation étaient prêtes à en assumer les conséquences, mais qu'il convenait de tenir compte de la différence existant entre les règles de fonctionnement et de financement des établissements de santé publics et privés.

M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille, a relevé que la Cour des Comptes, dans son rapport, invitait à revoir l'ensemble des avantages vieillesse consentis aux personnes du fait qu'elles ont eu ou élevé des enfants. Il s'est enquis des éventuelles propositions que la Cour des Comptes serait en mesure de formuler sur ce point.

Mme Anne-Marie Boutin a estimé qu'il était nécessaire de clarifier les 70 milliards de francs constituant les différents avantages donnés aux personnes âgées ayant élevé des enfants. Elle a remarqué que la majoration de pension ne donnait pas lieu à cotisations sociales. Elle a observé que ces différentes allocations n'avaient pas toutes une finalité redistributive et que des solutions de plafonnement et de forfaitisation semblaient souhaitables.

M. Dominique Leclerc s'est interrogé sur les progrès récents réalisés en matière de comptabilité, sur la compensation par l'Etat des exonérations de cotisations sociales et sur la gestion déléguée aux mutuelles autres que celles du monde étudiant.

M. Gabriel Mignot a indiqué que si la Cour des Comptes s'était penchée cette année sur la gestion de la mutuelle étudiants, elle consacrerait l'année prochaine des investigations aux autres mutuelles d'assurance maladie.

M. Pierre Joxe a précisé que le programme de travail de la Cour n'était pas extensible, sa nouvelle mission ne s'étant accompagnée d'aucune création de postes. Il a observé que la chambre sociale ne comprenait qu'une quinzaine de magistrats.

Mme Anne-Marie Boutin a estimé que si la réforme des droits constatés avait été mise en place de façon correcte, l'harmonisation des pratiques comptables n'avait fait l'objet d'aucun progrès sur la dernière année.

En ce qui concerne les exonérations de cotisations, elle a observé que leur gestion posait problème, d'où une récente mission de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires sociales concernant l'ACOSS.

Abordant la question de la compensation démographique des régimes vieillesse, elle a fait état d'une mécanique très compliquée, avec des systèmes de calcul différents et parfaitement arbitraires selon les compensations. Elle a observé que même lorsque la comptabilité des organismes de sécurité sociale sera homogène, des problèmes de consolidation demeureront, en raison de transferts de compensation ne portant pas sur le même exercice.

A M. Louis Boyer, s'interrogeant sur la lecture par les cabinets ministériels des rapports de la Cour des Comptes, M. Pierre Joxe a indiqué que lorsqu'il était ministre, il était parfaitement attentif aux propositions effectuées par la Cour, mais qu'il n'était pas toujours en mesure de réformer lui-même ce qui était critiqué. Il a observé que dans le domaine nouveau des finances sociales, les propositions de la Cour faisaient l'objet d'un taux de réponse élevé.

M. Guy Fischer, faisant référence aux déclarations d'un directeur de caisse national, a demandé quelles étaient les économies à attendre en matière de protection sociale.

M. Pierre Joxe a indiqué que la fixation claire de grands choix de santé publique, comme une meilleure organisation économique pouvaient générer d'importantes économies.