AFFAIRES SOCIALES

Table des matières


Mardi 19 janvier 1999

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Ordre de la Libération - Création du Conseil national des communes " Compagnon de la Libération " - Examen du rapport

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Lucien Neuwirth sur le projet de loi n° 142 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, créant le Conseil national des communes " Compagnon de la Libération ".

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a observé que ce projet de loi, loin d'avoir une portée exclusivement symbolique, était un texte important car il associait le législateur au devoir de mémoire sur l'une des heures les plus tragiques, mais aussi paradoxalement peut-être les plus glorieuses, de l'histoire de France. Il a indiqué que ce texte visait à assurer la pérennité de l'Ordre de la Libération au moment où la disparition progressive et inexorable des Compagnons de la Libération menaçait l'existence même de l'Ordre.

Il a estimé que l'extinction de l'Ordre apparaissait inconcevable car celui-ci incarnait la mémoire de la Libération et l'esprit de la Résistance. Il a rappelé que l'Ordre de la Libération avait été créé le 16 novembre 1940 à Brazzaville par une ordonnance du Général de Gaulle. Il a précisé que la Croix de la Libération, destinée selon les termes de l'ordonnance à " récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se seront signalées de manière exceptionnelle dans l'oeuvre de libération de la France et de son empire ", avait été décernée entre 1941 et 1946 à 1.036 personnes physiques, à 18 unités militaires et à 5 communes françaises (Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors et l'Ile-de-Sein).

Il a également rappelé les circonstances de la création de l'Ordre, observant que le Général de Gaulle avait jugé nécessaire la création d'une récompense particulière pour tous ceux qui, au prix d'immenses sacrifices, avaient tout abandonné et risqué leur vie pour la Libération de la France.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a indiqué que la Libération n'avait pas signifié une quelconque mise en sommeil de l'Ordre, car deux ordonnances du 26 août 1944 et du 10 août 1945 avaient assuré sa pérennité et confirmé ses missions. Il a indiqué que cette architecture était très largement celle qui existait encore aujourd'hui.

Il a ensuite précisé que l'Ordre de la Libération, deuxième ordre national après celui de la Légion d'Honneur, était doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière et qu'il était financé par un budget annexe à celui du ministère de la justice, ses crédits s'élevant à un peu plus de 5 millions de francs en loi de finances initiale pour 1999.

S'agissant de l'organisation actuelle de l'Ordre, il a rappelé qu'elle reposait sur deux piliers complémentaires. Il a précisé que le Conseil de l'Ordre, composé actuellement de 16 membres tous Compagnons de la Libération, était chargé de veiller à la discipline de l'Ordre et d'élaborer les grandes lignes de son action. Il a observé que le Chancelier, nommé par décret du Président de la République, après avis du Conseil de l'Ordre, pour un mandat de 4 ans renouvelable, assurait la direction et l'administration de l'Ordre, le Chancelier en exercice étant depuis 1978 le Général d'Armée Jean Simon.

S'agissant des missions actuelles de l'Ordre, M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a estimé qu'elles étaient très diversifiées. Il a indiqué que la première d'entre elles était bien évidemment la politique de la mémoire : organisation de cérémonies commémoratives dont celle du 18 juin au Mont Valérien, administration du musée de l'Ordre de la Libération, conservation des archives de l'Ordre, maintien de la discipline des membres afin de préserver la tradition et l'idéal issus de la Résistance. Il a également observé que l'Ordre était aussi chargé d'assurer le service de la médaille de la Résistance française, cette médaille, créée le 9 février 1943, ayant vocation à " reconnaître les actes remarquables de foi et de courage qui, en France, dans l'empire et à l'étranger, auront contribué à la résistance du peuple français contre l'ennemi et ses complices depuis le 18 juin 1940 " et ayant été attribuée à près de 43.000 résistants, mais aussi à 17 communes et au Territoire de Nouvelle-Calédonie.

Il a enfin précisé que l'Ordre avait pour mission, depuis l'ordonnance du 26 août 1944, d'apporter un secours exceptionnel aux Compagnons de la Libération, aux Médaillés de la Résistance française et à leur famille.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a estimé que c'était parce que l'Ordre correspondait à une mémoire glorieuse et exemplaire, mais aussi à une réalité concrète, qu'il importait d'assurer sa pérennité pour l'avenir.

Il a indiqué que le projet de loi proposait la création d'un établissement public national à caractère administratif, le Conseil national des communes " Compagnon de la Libération ", qui serait appelé à succéder à l'actuel Conseil de l'Ordre. Il a estimé que ce projet reposait sur une logique limpide : fonder l'avenir de l'Ordre sur les seuls Compagnons de la Libération dont la permanence serait assurée, c'est-à-dire les 5 communes.

Il a ensuite rappelé les grandes étapes de préparation de ce projet de loi, estimant qu'elles soulignaient le caractère très consensuel de ce texte. Il a ainsi précisé que le projet de loi était l'aboutissement d'une démarche engagée depuis plusieurs années par l'Ordre de la Libération. Il a ainsi indiqué qu'en avril 1996 la Chancellerie de l'Ordre avait présenté au Gouvernement un avant-projet et qu'à la demande du Président de la République, le Gouvernement avait déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, le 16 avril 1997, un projet de loi très proche de l'avant-projet initial. Il a rappelé qu'après la dissolution de l'Assemblée nationale, le nouveau Gouvernement avait redéposé un projet de loi identique le 19 juin 1997, adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 17 décembre 1998.

S'agissant de l'architecture institutionnelle proposée pour assurer la pérennité de l'Ordre de la Libération, M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a indiqué que le présent projet de loi déterminait les missions, l'organisation, le fonctionnement et les conditions de mise en place du futur Conseil national des communes " Compagnon de la Libération ".

Concernant les missions du futur Conseil national, le rapporteur a observé que les missions énumérées à l'article 2 du projet de loi correspondaient aux missions actuellement assurées par le Conseil de l'Ordre : garantir la pérennité des traditions de l'Ordre et porter témoignage devant les générations futures, mettre en oeuvre des initiatives pédagogiques ou culturelles afin de préserver la mémoire de l'Ordre, veiller sur le musée et les archives de l'Ordre, organiser les cérémonies commémoratives, participer à l'aide morale et matérielle aux Compagnons et à leur famille. Il a indiqué que l'article 7 du projet de loi précisait que le Conseil national assurait également le service de la Médaille de la Résistance française.

A cet égard, il a rappelé que l'Assemblée nationale avait adopté un amendement permettant aux médaillés de la Résistance française de bénéficier de l'aide morale et matérielle du Conseil national. Il a indiqué qu'il proposerait à la commission, dans un souci d'équilibre, un amendement étendant aux médaillés de la Résistance française la mission de mémoire du futur Conseil national.

S'agissant de l'organisation et du fonctionnement du futur Conseil national, il a observé que le texte prévoyait un conseil d'administration du Conseil national, composé des personnes physiques titulaires de la Croix de la Libération, des maires en exercice des 5 communes " Compagnon de la Libération " et d'un délégué national, ce délégué national devant succéder à l'actuel Chancelier. Il a précisé que la présidence du Conseil national serait assurée conjointement par l'un des maires, ceux-ci se succédant chaque année, et par le délégué national. Il a considéré qu'il était difficile d'intégrer les unités combattantes " Compagnon de la Libération " dans le futur Conseil national car leur pérennité n'était pas assurée mais il a observé que ces unités seraient toutefois associées à la mission de mémoire du Conseil national.

M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a estimé que ce nouveau mécanisme institutionnel n'était pas une création ex nihilo, car les communes " Compagnon de la Libération ", actuellement regroupées au sein d'une association, étaient déjà très actives.

S'agissant des conditions de mise en place du futur Conseil national, il a indiqué que la loi entrerait en vigueur au moment où l'actuel Conseil de l'Ordre ne pourrait plus réunir 15 compagnons de la Libération, personnes physiques.

En conclusion, M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a jugé que ce projet de loi permettrait d'assurer la pérennité de l'Ordre en le fondant sur une nouvelle architecture institutionnelle ; il a déclaré qu'il aurait souhaité pouvoir proposer d'adopter conforme ce projet de loi mais il a estimé nécessaire de présenter quelques amendements visant essentiellement à corriger certaines erreurs matérielles, à apporter des éclaircissements rédactionnels mais aussi, en accord avec la Chancellerie de l'Ordre de la Libération, à étendre la mission de mémoire du futur Conseil national aux Médaillés de la Résistance française.

M. Guy Fischer a déclaré, au nom de son groupe, approuver ce projet de loi, même s'il pouvait se poser des problèmes de moyens. Il a souligné l'importance du devoir de mémoire et la nécessité de transmettre l'esprit de Résistance aux jeunes générations.

M. Jean Chérioux a également insisté sur l'importance de ce texte sur le double plan de la mémoire et du consensus. Il a indiqué l'adhésion et la satisfaction de son groupe en précisant que la question de l'avenir de l'Ordre de la Libération avait souvent été abordée au Conseil de Paris. Il a enfin tenu à rappeler le rôle majeur qu'avait joué M. Lucien Neuwirth dans la Libération de la France.

Mme Gisèle Printz a également estimé qu'il était important d'assurer la pérennité de l'Ordre de la Libération au-delà de la disparition des Compagnons, personnes physiques. Elle a indiqué que son groupe approuvait totalement ce projet de loi.

En réponse à M. Guy Fischer, M. Lucien Neuwirth, rapporteur, a précisé que le budget de l'Ordre de la Libération était rattaché à celui du ministère de la justice et que la loi de finances initiale pour 1999 prévoyait une augmentation substantielle des crédits, de près d'un million de francs.

Puis la commission a abordé l'examen des articles.

A l'article 2 (missions du Conseil national des communes " Compagnon de la Libération "), elle a adopté un amendement visant à étendre aux Médaillés de la Résistance française la mission de mémoire de l'Ordre de la Libération ainsi qu'un amendement rédactionnel.

A l'article 4 (présidence du Conseil national), la commission a adopté un amendement précisant que la présidence visée par cet article était celle du conseil d'administration du Conseil national.

A l'article 7 (service de la Médaille de la Résistance française), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 10 (entrée en vigueur de la loi), elle a également adopté un amendement rédactionnel.

Puis la commission a approuvé à l'unanimité le projet de loi ainsi amendé.

M. Jean Delaneau, président, a insisté sur le caractère très consensuel de ce texte et il a fait part de son souhait que l'Assemblée nationale puisse, en deuxième lecture, adopter conforme le projet voté par le Sénat.

Santé - Prise en charge des personnes atteintes de démence sénile et, en particulier, de la maladie d'Alzheimer - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Alain Vasselle sur sa proposition de loi n° 210 (1997-1998) relative à l'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de démence sénile et, en particulier, de lamaladie d'Alzheimer.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a déclaré que la maladie d'Alzheimer et les troubles qui lui sont apparentés constituaient un problème majeur de santé publique.

Rappelant qu'elle était la première cause de démence et de perte d'autonomie sévère du sujet âgé, M. Alain Vasselle, rapporteur, a expliqué que la maladie d'Alzheimer était une démence dégénérative et irréversible dont l'origine était encore inconnue. Il a précisé que le diagnostic en était particulièrement difficile et qu'il n'existait actuellement aucun médicament permettant de la guérir.

Il a indiqué que la maladie d'Alzheimer touchait, selon certaines estimations, environ 350.000 personnes dans notre pays, tandis que 60 à 70.000 nouveaux cas se manifestaient chaque année. En outre, la maladie concernait 2 millions de personnes aux Etats-Unis, 1 million au Japon et 3 millions en Europe.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souligné que la maladie d'Alzheimer était une affection frappant essentiellement les personnes âgées et dont la fréquence augmentait très fortement avec l'âge. Il a observé toutefois que des personnes jeunes étaient également touchées. Il a considéré que le vieillissement prévisible de la population des pays industrialisés allait s'accompagner, dans les prochaines années, d'une augmentation sensible du nombre des personnes malades.

Soulignant que la maladie d'Alzheimer constituait également un véritable fléau social, M. Alain Vasselle, rapporteur, a expliqué que cette affection plaçait en effet les personnes qu'elle frappait en situation de grande dépendance, imposait une prise en charge lourde et rendait difficile, sinon impossible, le maintien à domicile à moyen terme. Dramatique pour le malade, cette maladie affectait également tout l'environnement familial, le plongeant dans la détresse morale, l'épuisement et une solitude extrême.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a fait observer que la maladie d'Alzheimer nécessitait, à un stade avancé, une surveillance constante du malade et se traduisait par une prise en charge très coûteuse. Ce coût financier, largement supérieur à celui qu'engendraient les autres formes de dépendance, reposait bien souvent sur les seules familles.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a précisé que le coût de cette prise en charge était généralement compris entre 10.000 et 20.000 francs mensuels en établissement et que la nécessité d'assurer une surveillance constante de la personne malade engendrait également des coûts très élevés à domicile.

Il a considéré que le maintien à domicile des personnes malades trouvait vite ses limites : la charge -croissante et permanente- qui pesait sur les familles conduisait souvent ces dernières à l'épuisement. Il a ajouté que la prise en charge en établissement n'apparaissait pas toujours adaptée : la cohabitation avec les autres personnes âgées se révélait impossible, l'architecture des structures intégrait rarement les contraintes propres à l'hébergement de ces malades.

Partageant la conviction exprimée par M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, selon lequel " notre pays ne fait pas face à cette affection, qui engendre bien des malheurs dans les familles et suscite un désarroi très profond ", M. Alain Vasselle, rapporteur, a expliqué qu'il avait été amené à déposer la proposition de loi n° 210 relative à l'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de démence sénile et, en particulier, de la maladie d'Alzheimer.

Il a jugé que les pouvoirs publics ne pouvaient, au moment où commençait l'année 1999, année internationale des personnes âgées, se désintéresser des problèmes soulevés par la prise en charge des personnes atteintes de ces pathologies.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souligné que cette proposition de loi avait pour objet d'élaborer un dispositif d'ensemble cohérent, bien que modeste, afin d'apporter une première réponse aux besoins croissants qu'engendrait le nombre, toujours plus important, des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés. Il a fait valoir que les travaux qu'il avait effectués sur ce sujet en tant que rapporteur de la proposition de loi l'avaient amené à formuler un certain nombre de propositions qui dépassaient le cadre de ce texte et qui pouvaient constituer les axes d'une véritable politique publique. Il a choisi d'évoquer tout d'abord ces propositions avant d'analyser le contenu de la proposition de loi.

Considérant qu'il convenait tout d'abord de reconnaître l'enjeu épidémiologique et social que représentaient ces maladies, M. Alain Vasselle, rapporteur, a suggéré de faire figurer la maladie d'Alzheimer et les troubles apparentés dans la liste des 30 maladies " comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse " répertoriées par l'article D. 322-1 du code de la sécurité sociale. Il a en outre jugé indispensable que le Gouvernement établisse dans les deux ans un rapport au Parlement relatif aux modalités de prise en charge de ces affections.

Après avoir souhaité que l'on améliore la formation des intervenants auprès des malades (médecins, infirmières et aides à domicile), M. Alain Vasselle, rapporteur, a estimé que la maladie d'Alzheimer et les troubles apparentés devaient constituer un thème de la formation initiale et continue des médecins. Il a jugé qu'il serait également utile de mieux sensibiliser l'opinion publique aux spécificités de ces maladies et à l'enjeu qu'elles représentaient pour la collectivité.

Il a souligné qu'il convenait de favoriser le dépistage précoce de la maladie en développant dans les hôpitaux des unités de consultation à visée diagnostique ; il a préconisé un soutien psychologique aux familles par l'intermédiaire de programmes d'aide aux aidants.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a affirmé qu'il convenait de favoriser le maintien à domicile des personnes malades par le développement des centres d'accueil de jour ou d'accueil temporaire. Jugeant nécessaire d'adapter les structures d'hébergement aux spécificités de ces maladies, il a estimé que les petites structures adaptées, de proximité, du type " Cantou ", pouvaient constituer la formule d'hébergement la plus adéquate pour ces personnes.

Enfin, M. Alain Vasselle, rapporteur, s'est dit convaincu de la nécessité d'améliorer la prise en charge financière de ces pathologies. Il a ajouté que seules certaines des propositions qu'il venait de formuler revêtaient un caractère explicitement législatif et étaient donc reprises dans le texte de la proposition de loi.

Après avoir précisé qu'il avait choisi d'élargir le champ d'application de cette proposition de loi aux troubles apparentés à la maladie d'Alzheimer (dégénérescences frontotemporales et démence à corps de Lewy, notamment), M. Alain Vasselle, rapporteur, a souligné que le texte qu'il proposait ne visait nullement à morceler la politique en faveur des personnes âgées ou à introduire un traitement privilégié de certaines pathologies et de certains malades, mais simplement à mieux répondre aux difficultés particulières que soulevaient la maladie d'Alzheimer et les troubles apparentés.

Il a précisé que la proposition de loi comportait trois titres : évaluer l'enjeu de santé publique et de politique sociale que représentaient la maladie d'Alzheimer et les troubles apparentés (titre premier), améliorer la formation des personnes intervenant auprès des malades (titre II) et adapter certaines dispositions financières et fiscales à la situation particulière des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer (titre III).

M. Jean Delaneau, président, a considéré que la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer allait bientôt constituer un véritable problème de société dont le Sénat ne pouvait se désintéresser.

Après avoir indiqué qu'elle partageait les analyses formulées par le rapporteur, Mme Marie-Madeleine Dieulangard a souligné que les efforts de prévention et les avancées de la recherche médicale permettraient sans doute d'éviter une trop forte croissance du nombre de personnes atteintes de ces pathologies à l'horizon 2050. Elle a fait valoir qu'une prise en charge adaptée pouvait parfois faciliter la stabilisation, voire la régression, de la maladie.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a considéré que la prestation spécifique dépendance (PSD) apparaissait manifestement inadaptée à la prise en charge de ces personnes. Elle s'est demandé si cette proposition de loi ne risquait pas d'engendrer une multiplication des demandes émanant de personnes atteintes d'autres pathologies. Evoquant les travaux actuellement menés par le Gouvernement sur la professionnalisation de l'aide à domicile, elle s'est interrogée sur la possibilité de différer de quelque temps l'adoption de cette proposition de loi.

M. Jean Chérioux s'est félicité de cette proposition de loi qui témoignait de la volonté du législateur d'agir sur un sujet très douloureux. Il a demandé au rapporteur quelles dispositions du texte proposé permettaient de répondre au problème spécifique soulevé par les jeunes malades.

M. Francis Giraud a souligné que cette proposition de loi constituait la première étape d'une nécessaire politique de santé publique en faveur des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Il a rappelé que le diagnostic de cette pathologie était difficile et constituait avant tout une affaire d'appréciation de la part du médecin. Il a souhaité savoir qui serait chargé d'établir ce diagnostic dans le cadre des dispositions prévues par le présent texte.

M. Guy Fischer a déclaré qu'il accueillait favorablement cette proposition de loi destinée à apporter une première réponse à un problème majeur de santé publique. Après avoir souligné que la PSD était insuffisante à faire face au problème de la prise en charge de ces personnes malades, il a considéré qu'il fallait aller plus loin encore, en augmentant les moyens financiers disponibles et en facilitant la création de structures adaptées du type " Cantou ".

M. Bernard Cazeau a souligné qu'il convenait de ne pas confondre démence sénile et maladie d'Alzheimer, contrairement à ce que semblait faire le texte de la proposition de loi initiale. Il s'est inquiété de l'impact éventuel, sur les budgets des départements, des dispositions financières que comportait le texte.

En réponse aux orateurs, M. Alain Vasselle, rapporteur, s'est félicité de l'intérêt que portaient ses collègues à cette proposition de loi. Il a expliqué que la rencontre avec des familles touchées par la maladie l'avait convaincu de la nécessité de prendre une initiative parlementaire.

En réponse à Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. Alain Vasselle, rapporteur, a précisé que les prévisions du nombre des personnes malades n'intégraient naturellement pas les progrès futurs de la recherche médicale. Evoquant la réflexion sur les métiers de l'aide à domicile, il a souligné que l'article 16 de la loi du 24 janvier 1997 instituant la PSD prévoyait une formation pour ces personnes selon des modalités définies par décret : il a déploré que ce décret ne soit toujours pas paru, deux ans après la promulgation de la loi.

S'agissant des risques de " précédent " que pouvait susciter cette proposition de loi, M. Alain Vasselle, rapporteur, a rappelé que le Parlement avait adopté deux ans auparavant une proposition de loi sur l'autisme, ce qui n'avait pas pour autant déclenché les revendications de personnes atteintes d'autres formes de handicap. Il a considéré que la situation actuelle ne permettait pas de différer plus longtemps l'adoption de la proposition de loi.

En réponse à M. Jean Chérioux, M. Alain Vasselle, rapporteur, a souligné que les jeunes malades avaient vocation à bénéficier de l'ensemble des dispositions fiscales et financières figurant dans la proposition de loi. Il a précisé que l'article 5, qui supprimait la condition d'âge pour bénéficier de la réduction d'impôt au titre des dépenses d'hébergement, leur était particulièrement destiné.

En réponse à M. Bernard Cazeau, M. Alain Vasselle, rapporteur, a précisé que la proposition de loi qu'il soumettait à la commission ne faisait plus référence à la démence sénile et privilégiait la dénomination de maladie d'Alzheimer et troubles apparentés. Il a expliqué que le doublement du plafond des dépenses autres que de personnel prises en charge par la PSD permettrait une meilleure utilisation de cette prestation pour les personnes malades sans toutefois augmenter le montant de la prestation versée et donc les charges des départements.

En réponse à M. Guy Fischer, M. Alain Vasselle, rapporteur, a considéré que les structures d'hébergement de type " Cantou " constituaient vraisemblablement la formule la plus adaptée à la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles. Elle a adopté successivement, sur proposition du rapporteur, l'article premier (présentation d'un rapport au Parlement relatif aux modalités de prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés), l'article 2 (inscription de la maladie d'Alzheimer et des troubles apparentés parmi les thèmes nationaux prioritaires arrêtés par le Conseil national de la formation médicale continue), l'article 3 (introduction dans la formation des intervenants à domicile d'une partie consacrée à la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés), l'article 4 (doublement du plafond des dépenses autres que celles de personnel pour lesquelles la prestation spécifique dépendance peut être utilisée par les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés), l'article 5 (extension aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés du bénéfice de la réduction d'impôt au titre de l'hébergement dans un établissement de long séjour ou une section de cure médicale), l'article 6 (maintien, pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et de troubles apparentés, du plafond de 90.000 francs pour les dépenses ouvrant droit à une réduction d'impôt effectuées pour l'emploi d'un salarié à domicile) et l'article 7 (financement des dispositions fiscales de la proposition de loi).

Elle a adopté enfin un intitulé cohérent avec le dispositif retenu.

La commission a adopté l'ensemble du texte ainsi rédigé qui constitue les conclusions de la commission sur la proposition de loi.

Mercredi 20 janvier 1999

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Libertés publiques - Droit de grève - Service minimum en cas de grève dans les services et entreprises publics - Auditions

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé aux auditions publiques sur la proposition de loi n° 491 (1997-1998) tendant à assurer unservice minimum en cas de grève dans les services et entreprises publics.

M. Jean Delaneau, président
, a précisé que le compte rendu intégral des auditions publiques auxquelles la commission avait souhaité procéder serait publié en annexe du rapport de M. Claude Huriet.

M. Claude Huriet, rapporteur, a indiqué qu'il n'entendait pas limiter sa réflexion à la notion de service minimum, et qu'il convenait d'envisager comment prévenir l'apparition de conflits collectifs du travail dans les services publics, afin de garantir effectivement le respect de principe de continuité.

Mme Michelle Biaggi, secrétaire confédérale de la Confédération générale du travail Force Ouvrière (CGT-FO), accompagnée par M. Yves Vérier, secrétaire général de la Fédération FO de l'équipement, des transports et des services, M. Guy Tourneau de la Fédération générale des fonctionnaires FO, M. Vincent Charbonnier, trésorier fédéral de la Fédération syndicaliste des cheminots FO, M. Raymond Perrot, secrétaire général adjoint de la Fédération des services publics et de santé FO, M. Robert Pougis, trésorier général de la Fédération des services publics et de santé FO, M. Gérard Apruzzeze de la Fédération des transports FO, M. Louis Seigneur de la Fédération électricité et gaz FO, a souligné que l'instauration d'un service minimum remettrait en cause l'exercice du droit de grève et ne permettrait pas d'assurer les services publics auprès des usagers dans des conditions de sécurité acceptables. Elle a souhaité que l'accent soit mis sur l'obligation de négocier durant la période de préavis.

M. Yves Missaire, secrétaire général de la Fédération générale des fonctionnaires CFTC et M. Philippe Gauthier, secrétaire général du Syndicat CFTC-RATP, se sont déclarés favorables au développement des solutions de médiation et de conciliation afin de renforcer l'obligation de négocier et de permettre qu'il ne soit fait recours à la grève qu'en cas d'échec de toutes les recherches de solutions négociées.

M. Christian Chapuis, secrétaire national de la Confédération française de l'encadrement CGC, accompagné par M. Dominique Laboure, président du Syndicat des services centraux d'EDF, M. Alain Sequeval, délégué national de la Fédération d'encadrement des chemins de fer et des activités connexes, et parMme Anne Bernard, adjoint au directeur des études et de la prospective de la CGC, a rappelé que le droit de grève était imprescriptible et que l'accès au service public devait être garanti pour le citoyen. Il a souligné que la période de préavis devait retrouver sa dimension " d'espace de dialogue social " en mettant l'accent sur le caractère primordial du respect d'un code de bonne conduite par les partenaires sociaux.

M. Michel Jalmain, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), accompagné par M. Lionel Pailhé, secrétaire confédéral, a considéré que le droit de grève devait se concilier avec la continuité du service public et a fait part de sa méfiance à l'égard des interventions législatives en soulignant qu'il importait de privilégier la négociation collective afin de garantir l'adhésion des syndicats aux dispositifs proposés.

M. Jacques Pichot, directeur général adjoint, chargé des ressources humaines, du Groupe Air France, accompagné de M. Yorik Pelhate, chargé des relations avec le Parlement et de Mme Pairault-Meyzer, directeur des relations du travail, a souligné que, dans un contexte de concurrence économique forte, le client ne souhaitait pas un " service minimum ", mais était à la recherche d'un " service maximum " en termes de diversité de l'offre, de qualité des services et de ponctualité, et qu'en quelque sorte le " service minimum " était d'ores et déjà assuré aux dépens de l'entreprise par la concurrence.

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, M. Pierre Vieu, directeur des ressources humaines et membre du comité exécutif à la SNCF, accompagné par Mme Madeleine Le Page, responsable du département des relations institutionnelles, après avoir fait le point sur l'évolution des conflits à la SNCF et rappelé que la SNCF s'efforçait de mettre en place des programmes minimums de circulation, a indiqué que l'entreprise allait s'efforcer d'améliorer le dispositif d'alarme sociale à l'occasion des négociations sur la réduction du temps de travail.

M. Pierre Carlier, directeur général, délégué industrie d'EDF, accompagné de Mme Marie-Hélène Poinsot, directeur adjoint, a remarqué que l'électricité était maintenant considérée comme un besoin vital et a présenté le dispositif mis en place depuis dix ans par des circulaires internes à EDF afin de permettre que les grèves des agents n'aient pas pour effet d'entraîner des coupures de courant.

M. Jean-Paul Bailly, président directeur général de la RATP, rappelant que la qualité du service public incluait la continuité, a présenté le dispositif d'alarme sociale mis en place à la RATP et a mis l'accent sur l'utilité d'améliorer le dispositif législatif en matière de procédure de prévention des conflits dans les services publics.

M. Georges Lefebvre, directeur des ressources humaines de la Poste, a présenté les mesures prises par la Poste en matière de régulation de la distribution du courrier ainsi que les mesures préventives, mises en place, de manière concertée avec les partenaires sociaux, pour prévenir les conflits.

M. Jean-Claude Delarue, président de l'Association pour la défense des usagers de l'administration (ADUA), a estimé que les personnels des services publics pouvaient recourir à d'autres moyens que la grève pour soutenir leurs revendications. Il a souligné que, dans le domaine essentiel du transport de voyageurs, les grèves longues étaient devenues insupportables pour les usagers et il s'est prononcé en faveur du service minimum, à défaut d'autres moyens, pour faire respecter les droits des usagers.

M. Denis Kessler, vice-président délégué du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), accompagné de Mme Anne Mounolou, chef du service des études législatives, a rappelé que l'essentiel des conflits sociaux émanaient, en France, des salariés du secteur public et il a souligné que le service minimum risquait d'être considéré comme la norme de référence pour définir le niveau du service public " normal ", alors que le secteur marchand était toujours en attente d'un niveau de " service public optimal ". Il a souhaité que le service public s'inscrive dans le mouvement actuellement observé dans les entreprises d'une " certification " sur la base de normes de qualité. Il a regretté que l'Etat, dans son rôle d'employeur ou de tutelle, n'ait pas fait preuve de sa capacité à empêcher que les conflits sociaux ne se multiplient ou ne dégénèrent.