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Mardi 25 mars 2003

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Politique de lutte contre le cancer - Audition de M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, sur la politique de lutte contre le cancer.

M. Nicolas About, président,
s'est réjoui que M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, ait accepté de venir présenter, devant la commission, le détail du « plan de mobilisation nationale contre le cancer » dès le lendemain de son annonce par M. le président de la République.

Il s'est félicité que deux des trois « grands chantiers » du quinquennat, la lutte contre le cancer et la compensation du handicap, aient pu faire l'objet d'un travail récent et approfondi de la commission.

Il a rappelé à cet égard l'important rapport publié en juin 2001 par M. Lucien Neuwirth au nom de la mission d'information présidée par M. Claude Huriet sur la politique de lutte contre le cancer. Il lui a semblé que les orientations et les propositions retenues alors par la commission s'inscrivaient pleinement dans la logique des mesures annoncées par le Gouvernement.

Après avoir également tenu à rendre hommage au travail de précurseur réalisé par MM. Lucien Neuwirth et Claude Huriet, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a présenté les enjeux du programme stratégique de grande ampleur que constitue le plan cancer, dont il a souhaité qu'il porte des « résultats visibles » d'ici cinq ans.

Le président de la République a souhaité faire de ce plan un chantier prioritaire de son quinquennat et cette volonté est justifiée par la nécessité de prendre la mesure d'un problème dont l'aggravation trouve son origine dans la faiblesse de notre culture de santé publique et l'insuffisance de la prévention, dans les retards qui se sont accumulés pour la mise à niveau des moyens techniques mis à la disposition des hôpitaux et dans la nécessité de mettre en oeuvre, à destination des malades et des familles, une médecine plus humaine et plus proche.

Ce plan est animé par des principes d'efficacité, de cohérence, d'ouverture et de réalisme :

- un principe d'efficacité, avec une meilleure exploitation des moyens disponibles ;

- un principe de cohérence, car son ambition est de changer l'image sociale du cancer ;

- un principe d'ouverture, car son ambition est de mettre en oeuvre des mesures novatrices qui associent les patients, les professionnels, les associations et les services publics dans des actions communes ;

- un principe de réalisme, que traduit un effort budgétaire supplémentaire sans précédent, qui atteindra 1.640 millions d'euros sur cinq ans.

Dans le cadre de son propos liminaire, M. Jean-François Mattei a souhaité mettre un accent particulier sur certaines des mesures d'un plan qui n'en comporte pas moins de 70. Il a fait état, en premier lieu, de sa volonté de rééquilibrer la place de la prévention dans notre système de santé, trop souvent centré sur le curatif ; il a souligné l'importance de « mesures relativement simples » mais qui doivent être « fortes » : elles concerneront le tabagisme, qui doit être réduit de 30 % chez les jeunes et 20 % chez les adultes, ainsi que les cancers professionnels et le risque environnemental ; elles s'accompagneront d'actions d'éducation à la santé, en particulier en milieu scolaire.

Ces premières mesures ne négligeront pas la nécessité de renforcer la politique de dépistage, avec une priorité sur quatre cancers : sein, colon, col de l'utérus et mélanome.

Dans le domaine des soins, le ministre a insisté sur sa volonté, avant toute chose, de répondre aux attentes des patients : une plus grande écoute, un plus grand respect de la personne, un accompagnement qui aille au-delà des soins techniques et une qualité égale de la prise en charge partout sur le territoire.

Il a fait part, à cet égard, de sa volonté de modifier l'organisation, les moyens mais également la culture de notre système de soins dont les trois « mots clés » doivent être la coordination, l'accompagnement et l'accès à l'innovation ; il a souligné la nécessité de développer les lieux d'information pour les patients et le public, le système de prise en charge devant devenir transparent et chacun devant avoir accès aux informations pouvant l'aider à être partenaire de sa prise en charge.

Le ministre a indiqué que le plan serait incomplet sans un volet recherche ambitieux, car l'espoir de vaincre le cancer est suspendu à la qualité de cette recherche. Ce volet se traduira notamment par le développement d'une « stratégie nationale de recherche » en cancérologie appuyée sur des programmes « coordonnés, pilotés et financés » et l'émergence au niveau régional de « cancéropôles » qui associeront hôpitaux de référence et unités de recherche fondamentale.

Enfin, afin d'assurer une visibilité et une cohérence globales de la lutte contre le cancer, le ministre a annoncé la mise en place d'un Institut national du cancer qui définira et financera les programmes de recherche, établira des référentiels de qualité des pratiques médicales de soins, observera la mise en place de l'examen du plan cancer et assurera l'information du public.

Il a, en outre, fait part de son souci de développer, d'une part une méthode de « pilotage par projets » susceptible d'éviter les trop fréquents conflits de compétences, et de systématiser, d'autre part, l'évaluation de chacune des actions du plan par la mise en place d'un dispositif spécifique visant à mesurer les effets du plan sur la maladie, mais aussi sur la satisfaction des patients et des professionnels.

M. Gilbert Chabroux a salué la clarté de l'exposé du ministre. Il a souligné le consensus qui peut exister en faveur d'une politique de lutte contre le tabagisme et constaté que, lors de l'adoption par le Sénat de la proposition de loi visant à interdire la vente de tabac aux mineurs de 16 ans, chacun avait souligné la nécessité d'une politique d'ensemble.

Il a regretté qu'un tel consensus ne se dessine pas pour la mise en oeuvre d'un plan de lutte contre l'alcoolisme.

Il a souhaité avoir des informations complémentaires sur la part des revenus de la fiscalité du tabac affectée au financement du plan cancer. Il a, enfin, souligné les difficultés actuelles du budget de la recherche et l'impact potentiel des restrictions budgétaires qui affecte le financement du plan cancer.

M. Francis Giraud s'est félicité de la volonté du ministre de faire du renforcement de la prévention un axe fort du plan cancer, et plus généralement, de la prochaine loi de programmation de santé publique.

Il a insisté sur la nécessité d'intégrer cette préoccupation dans les programmes de l'éducation nationale. Il a souhaité connaître les conditions dans lesquelles les missions de l'Institut national du cancer seront harmonisées avec celles des organismes de recherche existants.

M. Guy Fischer a observé que la part prépondérante accordée à la recherche dans le plan cancer était en contradiction avec le gel des crédits de la recherche décidé par le ministre du budget. Il a souhaité connaître le montant des crédits nouveaux qui seront consacrés au plan cancer.

Il a également rappelé l'importance de la prévention, notamment pour les cancers professionnels, et a souligné qu'une médecine scolaire mieux dotée serait un moyen de diffusion de l'information important en direction de la jeunesse.

M. Michel Esneu a souligné également l'importance de la prévention. Il s'est interrogé sur les moyens pédagogiques disponibles susceptibles d'amener vers des consultations préventives les populations qui ne s'y rendent pas spontanément.

M. Louis Souvet a fait part de son approbation de l'objectif « école sans tabac » affiché par le plan cancer. Il a interrogé le ministre sur l'éventualité d'un plan d'aide à la reconversion des planteurs de tabac.

M. Dominique Leclerc a fait part de son inquiétude face à la recrudescence des agents agressifs présents dans l'environnement et sur les conséquences d'une telle situation en matière de santé publique.

Il a, par ailleurs, souligné que, sans action sur la démographie médicale, la pénurie de spécialistes sera de nature à altérer la mise en oeuvre et l'efficacité du plan cancer.

M. Jean-Louis Lorrain s'est interrogé sur la possibilité, pour les collectivités locales, d'assister l'Etat, notamment au niveau régional, dans le développement d'une politique de prévention.

Mme Nelly Olin a souligné l'importance et le rôle de la prévention dans les différents domaines, qu'il s'agisse du plan cancer ou de la lutte contre les drogues illicites.

Elle a souligné le message d'espoir que le plan cancer adresse aux malades et à leurs familles qui avaient le sentiment d'être délaissés par les politiques de santé publique.

Mme Valérie Létard a souhaité qu'une réflexion particulière soit menée sur le traitement, puis le suivi, des enfants atteints d'un cancer.

M. Gérard Dériot a souhaité connaître les modalités d'organisation d'une consultation de dépistage obligatoire, dans le cadre d'une politique de maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Il a souligné le rôle joué par certains conseils généraux dans le domaine du dépistage. Il s'est inquiété, par ailleurs, des inégalités pouvant exister dans la qualité et la prise en charge des soins.

M. Nicolas About, président, a souhaité savoir si la hausse des droits sur les tabacs votée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 sous la forme d'une majoration du « minimum de perception » avait répondu aux attentes du Gouvernement quant au niveau des prix publics.

En réponse aux intervenants, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a souligné qu'il n'y avait aucune ambiguïté dans sa volonté de lutter contre l'alcoolisme, et qu'il attendait du président de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie qu'il propose les structures qui, sur le terrain, seraient les plus efficaces. Il a rappelé toutefois que l'alcool soulevait d'autres problèmes que le tabac, et surtout qu'il était responsable de bien d'autres pathologies que le cancer. Il a indiqué à cette occasion être favorable à un étiquetage visant à mettre en garde les consommateurs contre l'excès d'alcool.

Le ministre s'est ensuite félicité du consensus qui entoure la loi Evin, il a insisté sur la nécessité de l'appliquer effectivement et, en premier lieu, dans les écoles et a évoqué l'éventualité de créer un label entreprise sans tabac.

Le ministre a confirmé que la récente augmentation de la fiscalité sur le tabac n'avait effectivement pas eu les répercussions escomptées sur les prix du tabac et que de nouvelles hausses seraient proposées jusqu'à l'obtention d'un prix réellement dissuasif.

En réponse aux doutes exprimés par M. Guy Fischer, il a souligné que les 1.640 millions d'euros affectés au plan cancer pour la période 2003-2007 seraient des crédits supplémentaires, qui s'additionneraient à ceux déjà consacrés à la lutte contre le cancer. Leur prise en charge serait répartie entre l'Etat et l'assurance maladie, à raison de 40 % pour l'Etat et de 60 % pour l'assurance maladie les deux premières années, puis à raison de, respectivement, 20 et 80 % les années suivantes.

Abordant ensuite la question des crédits accordés à la recherche, M. Jean-François Mattei a minimisé les risques de restriction budgétaire et a précisé que l'Institut national du cancer n'avait pas vocation à devenir un nouvel établissement public de recherche, son rôle serait en revanche d'inciter, de labelliser, de financer.

En réponse aux questions relatives à l'inégalité des soins et à la régionalisation, le ministre a rappelé sa volonté de mettre en place des collaborations qui couvrent un champ d'intervention allant des réseaux locaux aux pôles régionaux. La création de ces réseaux, la définition de protocoles thérapeutiques, le développement des procédures d'accréditation, seraient des facteurs de réduction des inégalités.

Des compétences seront reconnues aux conseils régionaux qui auront la possibilité de définir des objectifs prioritaires de santé publique sur leur territoire, afin, précisément, de tenir compte des spécificités de chaque région au regard des objectifs nationaux.

Des partenariats pourront être conclus entre l'Etat et des partenaires locaux, notamment dans le domaine du dépistage, car une source d'inégalité majeure trouve sa source dans l'accès au dépistage, particulièrement pour les femmes. Le plan cancer prévoit à cet effet que les femmes âgées de 55 à 74 ans pourront bénéficier de mammographies régulières.

Cet exemple illustre l'ambition du plan de rechercher un juste milieu entre un consumérisme médical injustifié et les nécessités d'une politique active de prévention. Le ministre a indiqué à cette occasion qu'un rôle d'agent public de prévention pourrait être proposé aux médecins dans le cadre d'une contractualisation de cette activité.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a précisé que, pour répondre à un problème de démographie médicale préoccupant, une attention particulière serait accordée à la formation des cancérologues. Il a souhaité, à cet égard, que la formation des étudiants en médecine comporte un stage obligatoire, même court, dans un service de cancérologie et fait part de sa conviction que le plan de mobilisation nationale rendrait cette spécialité plus attractive par la perspective de débouchés et de véritables projets professionnels.

Il a indiqué que l'accréditation des structures et des professionnels et la recherche constante de la qualité des soins, étaient la meilleure façon d'aller dans le sens d'une maîtrise médicalisée des dépenses et donnaient la mesure de l'importance du rôle de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES).

En conclusion, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a réitéré son ambition de faire du plan de mobilisation contre le cancer une action exemplaire qui pourra bénéficier à l'ensemble de l'organisation sanitaire et de la recherche médicale pour toutes les pathologies et tous les patients.