Table des matières


Mercredi 13 décembre 2000

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Emploi - Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes - Examen du rapport

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de Mme Annick Bocandé sur la proposition de loi n° 111 (2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Mme Annick Bocandé, rapporteur, a rappelé que l'Assemblée nationale avait examiné le 28 novembre dernier en seconde lecture la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle.

Elle a précisé que, sur les 22 articles restant en discussion après le passage au Sénat, seuls 5 avaient été adoptés conformes par l'Assemblée nationale. Elle a considéré, dans ces conditions, que le bilan de la navette était, pour l'instant, mince.

Elle a souligné qu'il importait toutefois de distinguer selon les deux volets du texte, car la situation était sensiblement différente.

S'agissant du volet relatif à la fonction publique, Mme Annick Bocandé a observé que, sur les 9 articles restant en discussion, trois avaient été supprimés ou adoptés conformes par l'Assemblée nationale, celle-ci revenant à son texte initial pour les six autres.

Elle a remarqué que, seuls, deux points de désaccord persistaient : l'un sur la " clause de sauvegarde " tendant à assurer exceptionnellement la mixité par la présence d'au moins un membre de chaque sexe, l'autre sur le rapport sur l'application du principe de l'égalité des sexes dans la fonction publique.

Sur ces deux points, considérant que les propositions du Sénat présentaient un intérêt substantiel, Mme Annick Bocandé a proposé de revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture.

S'agissant du volet relatif au droit du travail, Mme Annick Bocandé, rapporteur, a indiqué que, sur 13 articles restant en discussion, l'Assemblée nationale n'avait adopté conformes que deux articles, dont la portée était pour le moins mineure.

Elle a précisé que l'Assemblée nationale, après avoir supprimé ou substantiellement modifié les 6 articles introduits par le Sénat, était revenue à son texte initial pour 5 articles et avait en outre introduit 5 articles additionnels.

Mme Annick Bocandé a regretté que l'Assemblée nationale n'ait pas choisi de débattre en profondeur de la question de l'égalité professionnelle et ait préféré le plus souvent écarter d'un revers de la main les propositions du Sénat.

Elle a estimé que trois domaines auraient ainsi dû faire l'objet d'un débat plus approfondi.

Elle a observé que le premier touchait au contenu initial de la proposition de loi, à savoir la négociation collective sur l'égalité professionnelle.

Elle a considéré qu'il importait, sur ce point, de lever un malentendu. Elle a souligné que le Sénat, même s'il a pu émettre certaines réserves, ne s'opposait pas à l'institution d'obligations de négocier sur l'égalité professionnelle. Elle a en effet estimé que c'était par la négociation effective, et non par l'instauration de dispositions normatives contraignantes, que les inégalités se résorberaient.

Elle a convenu, en revanche, que c'était sur la forme de ces négociations que les positions respectives divergeaient. Elle a estimé que la mise en place d'obligations de négocier devait rester compatible avec la nécessaire autonomie des partenaires sociaux, soulignant notamment les risques d'une pénalisation excessive du droit de la négociation collective.

Aussi, sur ce volet, Mme Annick Bocandé a proposé de revenir largement au texte adopté par le Sénat en première lecture.

Abordant le deuxième domaine relatif à l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle, elle a déploré que la proposition de loi ignore totalement cette dimension pourtant essentielle. Elle a rappelé que les femmes restaient encore trop fréquemment dans l'obligation d'interrompre leur carrière professionnelle pour élever leurs enfants et se heurtaient à d'importantes difficultés pour réintégrer le marché du travail.

Elle a alors regretté que l'Assemblée nationale ait supprimé, sans avoir pris le temps de les examiner en détail, les propositions du Sénat en ce domaine ; elle a proposé en conséquence de les rétablir.

Evoquant le domaine de la représentation des femmes dans la vie professionnelle, elle a observé que la navette avait été beaucoup moins stérile sur ce troisième sujet, même si subsistaient encore des incompréhensions.

Elle a précisé que le Sénat avait fait deux séries de propositions sur ce sujet : la reconnaissance professionnelle des conjoints collaborateurs d'artisans et l'institution de la parité pour les élections professionnelles.

Mme Annick Bocandé s'est alors félicitée que ces initiatives aient été au moins partiellement retenues par l'Assemblée nationale.

Elle a indiqué que, pour les conjoints collaborateurs, l'Assemblée nationale avait accepté de leur permettre de se substituer au chef d'entreprise pour les élections prud'homales. Elle a souligné qu'il s'agissait d'un compromis très satisfaisant qui leur garantissait une reconnaissance professionnelle depuis longtemps attendue.

Mme Annick Bocandé, rapporteur, a observé que, pour les élections prud'homales, la rédaction proposée par l'Assemblée nationale prévoyant une réduction sensible des disparités actuelles pour le renouvellement de 2002 était acceptable, car respectueuse des engagements des partenaires sociaux. Elle s'est alors félicitée que les initiatives du Sénat aient permis de relancer le dialogue social sur ce thème.

Elle a constaté qu'en revanche, l'objectif d'une meilleure représentation des femmes au comité d'entreprise ou parmi les délégués du personnel restait lettre morte, les propositions de l'Assemblée nationale apparaissant très en retrait ou inadaptées.

Dans ces conditions, Mme Annick Bocandé a souhaité réitérer les propositions du Sénat, mais sous une forme aménagée prenant en compte les spécificités des entreprises et des branches, afin de relancer le dialogue social sur ce sujet.

Mme Annick Bocandé a ensuite rappelé que le texte qui revenait en deuxième lecture de l'Assemblée nationale avait été profondément modifié sur proposition du Gouvernement par l'introduction de nouvelles dispositions relatives au travail de nuit.

Elle a précisé que ces nouvelles dispositions levaient l'interdiction du travail de nuit des femmes dans l'industrie, toujours prévue par le code du travail, et posaient un nouveau cadre juridique pour le travail de nuit.

Elle a rappelé que ces nouvelles dispositions avaient déjà été proposées au Sénat en première lecture, la commission ayant alors choisi, sans enthousiasme, de ne pas s'opposer à l'adoption de l'amendement du Gouvernement, en dépit des conditions désastreuses dans lesquelles il était examiné, sous réserve de l'adoption de plusieurs sous-amendements, mais que le Sénat avait en définitive décidé, après avoir adopté ces sous-amendements, de ne pas voter l'amendement du Gouvernement.

Elle a estimé alors que la rédaction issue de l'Assemblée nationale était loin d'être satisfaisante. Elle a considéré qu'elle ne permettait ni d'assurer une réelle protection pour les salariés travaillant la nuit, ni de garantir aux entreprises la possibilité de recourir au travail de nuit dans de bonnes conditions.

Elle a alors considéré qu'il était nécessaire de présenter des amendements à ces dispositions afin de mieux prendre en compte ces deux impératifs.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles et des amendements proposés par le rapporteur.

Avant l'article premier, la commission a adopté un amendement de suppression du chapitre premier et de son intitulé.

A l'article premier (contenu du rapport de situation comparée), la commission a adopté un amendement prévoyant que les indicateurs sur lesquels se fonde le rapport de situation comparée sont prioritairement fixés par accord collectif.

A l'article 3 (négociation obligatoire dans l'entreprise), elle a adopté un amendement simplifiant le déroulement de la négociation spécifique sur l'égalité professionnelle.

A l'article 4 (sanctions pénales), elle a adopté un amendement remplaçant la sanction pénale, en cas de manquement de l'employeur à l'obligation de négocier sur l'égalité professionnelle, par une intégration automatique de cette négociation, dans le cadre de la négociation annuelle sur les salaires et le temps de travail.

A l'article 5 (négociation intégrée dans l'entreprise), la commission a adopté un amendement de cohérence.

A l'article 6 (négociation spécifique au niveau de la branche), elle a adopté un amendement modifiant la périodicité de la négociation et un amendement supprimant le rapport de situation comparée de branche.

Avant l'article 8 bis, elle a adopté un amendement de suppression du chapitre II et de son intitulé.

A l'article 8 ter (aide à la garde d'enfant des salariés), elle a adopté un amendement de rétablissement de cet article.

A l'article 8 quater (extension du temps partiel choisi), elle a également adopté un amendement de rétablissement de cet article.

A l'article 8 quinquies (parité pour les élections prud'homales), elle a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 8 sexies A (accord sur la composition des listes de candidats pour les élections au comité d'entreprise), la commission a adopté un amendement de suppression de cet article.

A l'article 8 sexies (parité pour les élections au comité d'entreprise), elle a adopté un amendement rétablissant cet article selon une rédaction légèrement modifiée par rapport au texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 8 septies A (création d'une commission de l'égalité professionnelle au sein du comité d'entreprise), elle a adopté un amendement de suppression de cet article.

A l'article 8 septies (parité pour les élections des délégués du personnel), elle a adopté un amendement rétablissant cet article selon une rédaction légèrement modifiée par rapport au texte adopté par le Sénat en première lecture.

A l'article 8 octies (rapport sur la place des femmes dans les élections professionnelles), elle a adopté un amendement de suppression de cet article.

Avant l'article 8 nonies, la commission a adopté un amendement supprimant le chapitre III et son intitulé.

A l'article 8 nonies (travail de nuit), elle a adopté plusieurs amendements.

Au paragraphe II, elle a adopté un amendement modifiant les conditions de recours au travail de nuit, un amendement tendant à prendre en compte la situation particulière des entreprises travaillant par cycles et un amendement supprimant le droit d'opposition pour les accords autorisant le recours au travail de nuit.

Au paragraphe III, elle a adopté deux amendements modifiant la définition du travail de nuit et un amendement précisant la procédure pour une éventuelle modification de la définition du travail nocturne dans l'entreprise.

Au paragraphe V, la commission a adopté deux amendements prévoyant une possibilité de dérogation, par accord d'entreprise, à la durée maximale du travail de nuit, et un amendement de précision visant à prendre en compte l'urgence comme cause de dérogation à la limitation de la durée quotidienne maximale du travail de nuit.

Au paragraphe VI, elle a adopté un amendement précisant la nature des contreparties applicables au travail de nuit et deux amendements simplifiant la procédure pour recourir au travail de nuit en l'absence d'accord.

Au paragraphe XI, elle a adopté un amendement supprimant ce paragraphe.

Au paragraphe XII, elle a adopté trois amendements visant à renforcer la protection des femmes enceintes ou venant d'accoucher travaillant la nuit.

Après le paragraphe XII, elle a adopté un amendement insérant un paragraphe additionnel visant à préciser les conditions des garanties de rémunération dont bénéficient les femmes travaillant de nuit inaptes à ce type de travail et n'ayant pu être reclassées sur un poste de jour.

Au paragraphe XIV, elle a adopté un amendement précisant la nature des contreparties à mettre en place dans les entreprises recourant actuellement au travail de nuit et un amendement rédactionnel.

A l'article 14 bis (rapport de situation comparée dans la fonction publique), la commission a adopté deux amendements tendant à modifier l'intitulé et le contenu du rapport.

A l'article 17 (mixité dans les jurys de concours de recrutement de la fonction publique d'Etat), elle a adopté un amendement rétablissant la clause de sauvegarde.

A l'article 18 (mixité dans les jurys d'avancement des fonctionnaires), elle a également adopté un amendement rétablissant la clause de sauvegarde.

A l'article 19 (mixité dans les jurys de la fonction publique territoriale), elle a adopté un amendement ayant le même objet.

A l'article 21 (mixité dans les jurys de concours de recrutement de la fonction publique hospitalière), elle a adopté un amendement ayant encore le même objet.

A l'article 22 (mixité dans les jurys des examens professionnels de la fonction publique hospitalière), elle a adopté un amendement à l'objet identique.

Puis la commission a adopté la proposition de loi ainsi amendée.

Santé publique - Politique de lutte contre le cancer - Echange de vues

Puis la commission a procédé à un échange de vues sur la création, en son sein, d'un groupe de travail sur la politique de lutte contre le cancer.

M. Jean Delaneau, Président, a rappelé que M. Lucien Neuwirth avait évoqué, lors de la réunion de la commission du 6 décembre, les observations et recommandations de la Cour des comptes, dans son rapport de septembre 2000, sur la mise en oeuvre de la politique de lutte contre le cancer. M. Lucien Neuwirth avait alors souhaité que la commission puisse s'assurer que les recommandations de la Cour soient suivies d'effet.

M. Lucien Neuwirth s'est dit alarmé des constats effectués par la Cour des comptes. Il a souligné le grand retard accumulé par notre pays en matière d'imagerie médicale. Il a considéré que, compte tenu de l'importance du sujet, une mission d'information serait préférable à un groupe de travail. Il a par conséquent suggéré que la commission décide de demander au Sénat l'autorisation de constituer en son sein une mission d'information sur la politique de lutte contre le cancer.

M. Charles Descours a fait valoir que la question de l'imagerie médicale était distincte de celle des politiques de lutte contre le cancer.

M. Jean Delaneau, président, a observé que la constitution d'une mission d'information obéissait à une procédure plus solennelle que la création d'un groupe de travail. Il a indiqué que cela supposait notamment l'approbation par le Bureau du Sénat, dont la prochaine réunion était prévue le 30 janvier 2001, puis une autorisation donnée par le Sénat. Il a souhaité qu'une telle mission puisse rendre son rapport avant la fin de la session et proposé qu'elle soit composée à la proportionnelle des groupes politiques.

La commission a décidé de demander au Sénat l'autorisation de créer en son sein une mission d'information sur la politique de lutte contre le cancer, composée de quatorze membres.

Jeudi 14 décembre 2000

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Emploi - Faire face aux pénuries de main-d'oeuvre et lever les obstacles à la poursuite de la croissance économique - Examen des amendements

La commission a procédé à l'examen des amendements aux conclusions de la commission sur la proposition de loi n° 44 (2000-2001), permettant defaire face aux pénuries de main-d'oeuvre et de lever les obstacles à la poursuite de lacroissance économique (M. Alain Gournac, rapporteur). La commission a examiné la motion n° 1, déposée par M. Roland Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à opposer à la question préalable aux conclusions de la commission.

M. Alain Gournac, rapporteur, a observé que le dépôt d'une motion tendant à opposer la question préalable signifiait de la part de leurs auteurs qu'il n'y avait pas lieu de débattre. Il a affirmé son désaccord avec cette position en estimant que le débat était au contraire indispensable et urgent sur cette question. Il a regretté le développement d'une querelle sémantique entre les tenants des " difficultés de recrutement " et ceux des " pénuries de main-d'oeuvre ", qui menaçait de renvoyer au second plan le problème que constitue l'inadéquation entre l'offre et la demande de travail dans un nombre croissant de secteurs d'activités. Il a considéré que le débat était d'autant plus nécessaire que plus de 2 millions de personnes demeuraient au chômage et qu'il convenait d'expliquer ce paradoxe et d'y apporter des réponses.

En conséquence, il a proposé à la commission d'émettre un avis défavorable à l'adoption de cette motion ayant pour objet d'opposer la question préalable.

M. Roland Muzeau a estimé qu'il existait un désaccord profond entre l'approche de la majorité et celle de l'opposition sénatoriale. Il a en particulier considéré que, parmi les 2 millions de chômeurs, on en trouvait plusieurs centaines de milliers susceptibles d'être directement recrutés.

En conséquence, il a affirmé qu'il était indécent de parler aujourd'hui de pénurie de main-d'oeuvre dans ce pays et a justifié, ce faisant, le dépôt d'une motion tendant à opposer la question préalable.

M. Dominique Leclerc a remarqué que la proposition de loi répondait à une réalité perceptible sur le terrain. Il a estimé que le débat était nécessaire et a regretté que le groupe socialiste ne soit pas représenté lors de cette séance de commission. Il a déploré une tendance à caricaturer les propos de la majorité sénatoriale.

M. Michel Esneu a jugé la proposition de loi tout à fait opportune en remarquant qu'elle mettait en perspective de réels blocages dans le fonctionnement du marché du travail. Il a évoqué l'action des collectivités locales pour essayer de favoriser l'insertion professionnelle des chômeurs, en citant l'exemple du conseil général d'Ile-et-Vilaine. Il a néanmoins considéré qu'un assouplissement des trente-cinq heures était souhaitable pour préserver la croissance de l'emploi.

M. Jean-Louis Lorrain a mis l'accent sur les problèmes propres aux travailleurs frontaliers en observant que les conditions plus favorables qui leur étaient réservées par des pays comme la Suisse accentuaient les pénuries de main-d'oeuvre dans certains secteurs d'activités comme les centres d'accueil en long séjour. Il a constaté que les difficultés de recrutement devenaient préoccupantes, notamment à Mulhouse, dans l'industrie automobile.

Il s'est interrogé également sur les raisons qui pouvaient expliquer que certaines entreprises continuaient à licencier, notamment dans l'industrie textile, qui est fortement concurrencée, et a évoqué le fait que les trente-cinq heures pouvaient en être une des causes.

M. Jean Delaneau, président, a remarqué que, si le terme " pénurie de main-d'oeuvre " était contesté, il n'en avait pas moins été utilisé partout et par tout le monde. Il a observé que le risque de délocalisation de certaines entreprises se trouvait aujourd'hui renforcé. Il a considéré que la proposition de loi constituait une solution intermédiaire propre à favoriser l'emploi en attendant la mise en place de formations spécifiques permettant de rapprocher l'offre de la demande de travail.

En réponse aux intervenants, M. Alain Gournac, rapporteur, a souligné que les déclarations du Gouvernement annonçant des mesures d'accompagnement des trente-cinq heures dans les petites et moyennes entreprises (PME) illustraient la réalité des difficultés d'application de cette mesure. Il a considéré que des assouplissements étaient indispensables pour ne pas les pénaliser.

La commission a, dans sa majorité, émis un avis défavorable à l'adoption de la motion tendant à opposer la question préalable.