Mercredi 14 mars 2007

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

TVA sociale - Première table ronde relative à la TVA sociale comme alternative au mode de financement de la sécurité sociale

La commission a organisé une première table ronde relative à la TVA sociale comme alternative au mode de financement de la sécurité sociale.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que la commission s'intéressait depuis longtemps au mode de financement de la sécurité sociale compte tenu de l'importance de cette question pour les finances publiques. Il a relevé que le mode actuel de financement de la sécurité sociale, en pesant sur le facteur travail, était souvent perçu comme pénalisant la compétitivité de l'économie française.

Il a souligné l'intérêt de la TVA sociale qui consiste à diminuer les cotisations sociales et, en contrepartie, à affecter au financement de la sécurité sociale des points de TVA supplémentaires. Il a mis en évidence la volonté de la commission d'accroître ainsi la compétitivité de l'économie française et de favoriser la croissance et l'emploi.

M. Julien Damon, chef du département des questions sociales du Centre d'analyse stratégique, a noté que de nombreux rapports étaient déjà parus sur le thème de la réforme du mode de financement de la sécurité sociale. Il a rappelé que, à la suite du souhait exprimé par le Président de la République, lors de ses voeux aux forces vives de la Nation le 4 janvier 2006, de voir le financement de la protection sociale assuré par un prélèvement reposant sur une assiette plus juste et plus favorable à l'emploi, cinq pistes de réforme du mode de financement de la protection sociale avaient fait l'objet d'analyses de la part d'un groupe de travail ad hoc, du Conseil d'orientation pour l'emploi, du Conseil d'analyse économique et du Centre d'analyse stratégique : la création d'une cotisation sur la valeur ajoutée, la modulation des cotisations sociales en fonction de la valeur ajoutée, la mise en place d'une TVA sociale, la création d'un coefficient emploi-activité et, enfin, l'institution d'une contribution patronale généralisée.

Il a indiqué qu'aucune de ces pistes de réforme n'avait fait l'unanimité au sein des différents conseils, mais a mis en évidence quelques traits communs à leurs analyses : la satisfaction que le débat sur le mode de financement de la sécurité sociale soit ouvert ; une analyse convergente sur le fait que toute réforme des ressources doit s'accompagner d'une réflexion sur les dépenses ; la nécessité, pour toute réforme, de s'inscrire dans un processus cohérent et prévisible garantissant l'équilibre financier des régimes sociaux et la compétitivité de l'économie française ; enfin, le fait qu'aucune des cinq voies de réforme étudiées ne s'imposait de manière certaine.

M. Julien Damon a relevé que le Conseil d'analyse économique était réticent à l'idée d'instaurer une cotisation sur la valeur ajoutée ou une contribution patronale généralisée, et qu'il privilégiait l'affectation à la sécurité sociale d'une part supplémentaire de CSG ou d'impôt sur les sociétés ou la voie de la TVA sociale. Il a noté que le Conseil d'orientation pour l'emploi avait, de son côté, retenu plus particulièrement trois pistes de réforme : la modulation des cotisations sociales en fonction de la valeur ajoutée, l'institution d'une contribution patronale généralisée et la mise en place d'une TVA sociale, tout en relevant le risque inflationniste de cette dernière.

Il a indiqué que le Centre d'analyse stratégique avait, pour sa part, mis en évidence le processus d'universalisation et de fiscalisation du mode de financement de la sécurité sociale, estimant qu'il convenait de poursuivre ce mouvement. Il a relevé que le coût du travail constituait un problème réel et a estimé qu'il serait souhaitable de transférer, au moins partiellement, le financement de la sécurité sociale sur d'autres bases taxables. Il a jugé que la TVA sociale représentait une voie intéressante mais a souligné que le taux normal de la TVA était déjà élevé en France par rapport à celui en vigueur dans d'autres Etats européens, notamment l'Allemagne, où venait d'être mis en place un système de TVA sociale.

M. Jean Arthuis, président, a précisé que seul un point sur les trois points de hausse du taux de TVA décidé par l'Allemagne pouvait s'apparenter à de la TVA sociale, dans la mesure où il s'accompagnait d'une diminution des cotisations chômage, alors que les deux autres points de TVA supplémentaires étaient, eux, destinés à réduire le déficit public.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a également estimé que seul un tiers de la réforme menée en Allemagne pouvait s'apparenter à de la TVA sociale.

M. Julien Damon a indiqué que l'on pouvait interpréter la notion de TVA sociale de manière plus ou moins large. Puis il a présenté certains arguments avancés contre la TVA sociale : risque inflationniste, utilisation de la fiscalité dans un sens non-coopératif, crainte que la fiscalisation croissante n'entraîne une remise en cause du paritarisme et qu'elle ne résulte en une hausse globale des prélèvements obligatoires.

Puis il a énuméré certains arguments en faveur de la TVA sociale, notant, en particulier, que cette ressource de substitution aux cotisations sociales, en mettant la consommation à contribution, s'appliquait également aux produits importés. Il a également indiqué qu'il pourrait en résulter une simplification du bulletin de paie.

M. Jean Arthuis, président, a observé que les taxes étaient toujours, en définitive, supportées par le consommateur.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a relevé qu'il pouvait apparaître paradoxal, en première analyse, de vouloir accoler le terme « sociale » à celui de « TVA » mais a précisé que ceci était totalement justifié, dans la mesure où, d'une part, ce dispositif permettait d'assurer la pérennité des systèmes sociaux, et où, d'autre part, il renforçait la compétitivité des entreprises et, partant, l'emploi en France, ce qui constituait bien sa finalité.

Il s'est étonné que la concurrence fiscale soit considérée comme un argument défavorable à la TVA sociale, alors qu'il s'agissait, au contraire, d'un aspect positif de cette mesure.

M. Jean-Paul Fitoussi, président de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), a noté que la mondialisation actuellement à l'oeuvre s'opérait dans le cadre d'un monde composé d'Etats-nations et qu'il convenait de distinguer le protectionnisme de la protection, notamment sociale, opérée par ces Etats. Il a jugé que le mode de financement de la protection sociale constituait une question essentielle et complexe.

Il a estimé que, dans le cadre d'une monnaie unique, la concurrence fiscale pouvait déboucher sur une perte globale pour les Etats membres et a souligné la nécessité d'une coordination des politiques économiques à l'échelon européen. Il a, à cet égard, jugé qu'un projet tendant à mettre en place une TVA sociale devrait être soumis au Conseil européen. Notant qu'une telle mesure pourrait entraîner une dépréciation de l'euro, il s'est demandé si une politique de change n'aurait pas un effet équivalent.

M. Jean-Paul Fitoussi a noté que la TVA sociale conduisait à une modification des prix relatifs en faveur des entreprises fortement intensives en travail et en défaveur des entreprises fortement intensives en capital. Il a précisé qu'une telle mesure bénéficiait au facteur travail dans son ensemble, et pas seulement au travail peu qualifié. Il a estimé que le degré de complémentarité entre le capital immatériel et le travail était une donnée importante pour apprécier l'effet d'une telle mesure. Au total, il s'est déclaré favorable à un changement de la base de financement de la protection sociale et a mis en évidence le manque de gouvernance dont souffrait l'Europe.

M. Jean Arthuis, président, a observé que la cotisation sur la valeur ajoutée, qui s'apparentait à la taxe professionnelle, constituait une incitation aux délocalisations.

M. Christian Saint-Etienne, membre du Conseil d'analyse économique, a remarqué que les citoyens accédaient à la protection sociale, et notamment aux prestations relatives à la maladie et à la famille, sans contrepartie de travail, ce qui ouvrait deux possibilités pour les financer : la contribution sociale généralisée (CSG) et la TVA sociale. Il a noté que la TVA permettait d'imposer les produits étrangers comme les produits français. Il a également noté que l'économie française devait parvenir à créer 3 millions d'emplois dans les dix prochaines années, ce qui impliquait un allègement du coût du travail sans pour autant baisser le niveau des prestations, renforçant ainsi la pertinence de l'idée de TVA sociale. Il a rappelé que le droit communautaire permettait de définir trois taux de TVA différents, cette restriction impliquant de réfléchir à la consolidation de ces taux, avec par exemple un taux réduit de 8 %, un taux supérieur de 23 %, et un taux intermédiaire qui pourrait s'appliquer sur les produits ou les services menacés par les délocalisations.

M. Pascal Salin, professeur à l'Université Paris-Dauphine, s'est déclaré hostile à l'idée de TVA sociale, estimant qu'elle n'était pas un impôt sur la consommation mais, in fine, un impôt sur le revenu. Il a souligné qu'il était nécessaire de passer d'un système de répartition à un système d'assurance qui préserverait les incitations des agents économiques. Par ailleurs, il a mis en garde contre l'idée de faire peser le poids de la protection sociale sur le capital, l'accumulation de ce dernier constituant une condition nécessaire de la croissance.

M. Michel Taly, avocat, a précisé que la mise en oeuvre pratique de la TVA sociale ne devrait pas poser de difficultés, que ce soit pour l'administration ou au regard des engagements juridiques de la France, le droit communautaire ne fixant pas de taux maximum en matière de TVA. Il a fait état de deux problèmes possibles :

- d'une part, la structure actuelle des taux, notant qu'il existait déjà un écart excessif entre le taux normal de 19,6 % et le taux réduit de 5,5 %, qu'il convenait donc de ne pas creuser davantage ;

- d'autre part, les risques de fraude, cette dernière étant d'autant plus « rentable » par définition que le taux de l'impôt est élevé.

Il a mis en lumière l'impact possible de la mise en oeuvre de la TVA sociale au regard des transferts entre les agents, indiquant que l'on pouvait choisir de ne pas être neutre pour les consommateurs en modifiant le prix relatif des biens produits en France et des biens importés. Cependant, il a remarqué que cela revenait à établir un droit de douane de quelques points en changeant l'imposition pesant sur toute la consommation.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué qu'une telle réforme était, en effet, de nature plus politique que technique.

Après avoir rappelé le nombre important d'emplois créés par les très petites entreprises (TPE), malgré des charges sociales lourdes et une législation non appropriée aux petites structures, M. Alain Estival, membre du comité directeur de l'Union professionnelle artisanale (UPA), a indiqué que l'UPA était assez favorable à l'instauration d'une TVA sociale. Il a souligné, néanmoins, que celle-ci n'était pas suffisante, précisant qu'il convenait, notamment, de distinguer ce qui, dans le financement de la sécurité sociale, devait reposer sur les cotisations sociales, de ce qui devait être financé par l'impôt.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé sur les conséquences de l'instauration d'une TVA sociale sur la politique de change européenne, et, notamment, sur la capacité de la Banque centrale européenne et des Etats membres de la zone euro à dégager, rapidement, un consensus sur la politique à mener en cas d'effets de change induits par une telle mesure.

Il a observé que la place croissante de la fiscalité dans le financement de la sécurité sociale rendait nécessaire une réflexion sur l'évolution du mode de gouvernance de la sécurité sociale, précisant, cependant, que la fiscalisation progressive des recettes de la sécurité sociale ne signifiait aucunement une remise en cause du rôle des partenaires sociaux.

M. Jean-Paul Fitoussi a indiqué que la capacité de la zone euro à mener une politique efficace face aux effets induits par la TVA sociale dépendait de la volonté politique des gouvernements européens.

M. Christian Saint-Etienne a indiqué qu'il convenait de distinguer deux types de système de sécurité sociale :

- la protection sociale individuelle, d'une part, recouvrant les régimes de retraite et des accidents du travail, ainsi que l'assurance chômage, qui devait être financée par les cotisations sociales et continuer à être cogérée par les partenaires sociaux ;

- la protection sociale collective et citoyenne, d'autre part, incluant les prestations relatives à la maladie et la famille, qui devait, elle, être financée par l'impôt et dont le mode de gestion devait évoluer.

M. Julien Damon a précisé que l'instauration de la TVA sociale était souvent associée à une remise en cause du rôle des partenaires sociaux dans la gestion de la sécurité sociale et que, dès lors, la mise en oeuvre d'une telle réforme nécessitait une consultation préalable de ces derniers.

M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité connaître l'impact de l'instauration de la TVA sociale sur les prix à la consommation, les prix de l'immobilier ainsi que les conséquences de la mise en place d'un système, similaire à la TVA sociale, mais portant sur la taxe professionnelle.

M. Pascal Salin a rappelé que la mise en place d'une TVA sociale aurait un impact nul sur les prix, dans la mesure où ces derniers étaient fixés en fonction de la loi de l'offre et de la demande de biens et de monnaie.

M. Jean-Paul Fitoussi a insisté sur le fait que l'instauration d'une TVA sociale n'aurait pas d'effet sur l'inflation, mais qu'en revanche, l'anticipation d'un tel risque pouvait être prise en compte par la Banque centrale européenne dans la fixation de ses taux d'intérêt.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné que les risques économiques susceptibles d'être engendrés par l'instauration d'une TVA sociale ne pouvaient se justifier que si la TVA sociale permettait, en contrepartie, une relance suffisante de l'emploi et de la croissance.

Mme Nicole Bricq a rappelé que la TVA sociale n'était qu'une réforme, parmi d'autres, du financement de la sécurité sociale, et que, de ce point de vue, le parti politique auquel elle appartenait était favorable à la mise en place d'une cotisation sur la valeur ajoutée. Elle a souhaité connaître, ensuite, les conséquences de l'instauration d'une TVA sociale sur la compétitivité des entreprises et sur l'investissement privé. Elle s'est également interrogée sur l'équité d'une telle mesure, précisant que rien ne garantissait une répercussion des marges dégagées par les entreprises sur les salaires.

M. Jean-Paul Fitoussi a indiqué que l'instauration d'une TVA sociale aurait pour conséquence une amélioration de la compétitivité des entreprises, qui permettrait à celles-ci d'augmenter leurs marges ainsi que les salaires, enclenchant un cercle vertueux d'accroissement de la compétitivité par la hausse du pouvoir d'achat.

M. Pascal Salin a réfuté cet argument, observant, d'une part, que l'instauration d'une TVA sociale ne changeait pas l'assiette de cet impôt, et que, d'autre part, la compétitivité des entreprises dépendait essentiellement de la croissance économique d'un pays.

M. Joël Bourdin a insisté sur les conséquences extérieures et intérieures de la TVA sociale, soulignant les distorsions commerciales que celle-ci risquait d'introduire entre les économies européennes, ainsi que ses répercussions sur les prix. Il a indiqué que la diminution des cotisations patronales, induites par la TVA sociale, ne permettrait pas forcément d'éviter un risque d'inflation. Il a souhaité connaître, enfin, les conséquences de la TVA sociale sur le pouvoir d'achat des Français.

M. Yves Fréville s'est interrogé sur l'impact de l'instauration d'une TVA sociale sur la fluctuation des taux de change, les prix relatifs et le niveau absolu des prix. Il a souhaité savoir, par ailleurs, si l'instauration de la TVA sociale ne risquait pas d'entraîner une augmentation des traitements des fonctionnaires.

M. Serge Dassault a indiqué que la mise en place d'une TVA sociale ne suffisait pas, à elle seule, à résoudre le problème du financement de la sécurité sociale. Il a précisé, par ailleurs, qu'il convenait d'asseoir la contribution des entreprises au financement de la sécurité sociale, à la fois sur les salaires et sur le chiffre d'affaires de celles-ci.

Mme Marie-France Beaufils a souligné que les difficultés de financement de la sécurité sociale étaient, avant tout, liées au faible niveau des salaires et des emplois en France. Elle a indiqué, ensuite, que le bon fonctionnement du système de protection sociale était un élément essentiel permettant d'améliorer la productivité des salariés.

M. Alain Vasselle a rappelé que le thème de la TVA sociale était au coeur des réflexions menées par la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) et la commission des affaires sociales. Il s'est interrogé, ensuite, sur l'impact de l'instauration de la TVA sociale sur l'emploi, le pouvoir d'achat et la consommation, ainsi que sur le niveau global des prélèvements obligatoires. Il a exprimé le voeu que la fiscalisation des recettes de la protection sociale, induite par l'instauration de la TVA sociale, n'engendre pas une fusion des budgets de l'Etat et de la sécurité sociale.

M. Jean Arthuis, président, a insisté sur le fait qu'il n'était pas question de remettre en cause le paritarisme, ni de fusionner les budgets de l'Etat et de la sécurité sociale.

TVA sociale - Seconde table ronde relative à l'impact de la TVA sociale sur l'économie et l'emploi en France

La commission a ensuite organisé une seconde table ronde sur l'impact de la TVA sociale sur l'économie et l'emploi en France.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que cette table ronde portait sur les aspects de « faisabilité » de la TVA sociale.

M. Jean-François Bayard, secrétaire général adjoint de la FNSEA, a tout d'abord exprimé les préoccupations de son organisation quant à la préservation d'une protection sociale efficace, dans un contexte économique et social difficile. Il a rappelé que l'agriculture avait longtemps bénéficié, grâce à la politique agricole commune (PAC), d'un régime favorable. Il a estimé que cette période, dans une situation de marché de plus en plus ouvert, était révolue, compte tenu de nombreuses distorsions de concurrence, résultant notamment de l'arrivée de nouveaux pays au sein de l'Union européenne. Dans ce cadre, il a souligné la nécessité de préserver la compétitivité et les emplois de l'agriculture française. D'une part, il a considéré que le maintien de la compétitivité imposait non seulement de développer la recherche et l'innovation, mais également de mettre en oeuvre une réglementation adéquate. D'autre part, il a fait observer que le foncier n'étant pas « délocalisable », les emplois en lien direct avec la terre apparaissaient comme naturellement préservés des délocalisations.

S'agissant de la TVA sociale, il a indiqué que la FNSEA, depuis une dizaine d'années, soutenait la piste d'une réforme en ce sens, quelle que soit la terminologie employée pour la désigner. Il a défendu le principe d'une taxation plus orientée sur les produits, frappant en particulier les biens importés, que sur la production, qui renchérit, elle, le coût du travail. Il a appelé de ses voeux le « choc de confiance » qui résulterait, à ses yeux, d'une telle initiative.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que l'ancien budget annexe des prestations sociales agricole (BAPSA) était financé, en partie, par une fraction du produit de la TVA. M. Jean-François Bayard a souligné que ce mode de financement du BAPSA n'avait pas affecté la gouvernance du régime agricole.

M. Jacques Creyssel, directeur général du MEDEF, a salué la volonté de la commission de défendre la TVA sociale. Il a estimé que les différents travaux réalisés dans ce cadre clarifiaient utilement les enjeux du débat. Dans la mesure où le bénéfice de la protection sociale ne se trouvait plus réservé aux seuls salariés, compte tenu d'innovations législatives telles que la couverture maladie universelle (CMU), il a estimé pertinente une fiscalisation de son financement.

Il a alors présenté différentes hypothèses de réforme du financement de la protection sociale, en vue d'abaisser le coût du travail, parmi lesquelles la TVA sociale. Sur ce point, toutefois, il a fait part de réserves, tenant notamment aux effets que la mesure aurait en termes d'inflation.

M. Jean Arthuis, président, a fait observer que la hausse de 2 points de TVA, décidée en 1995, n'avait pas été suivie d'une inflation correspondante.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé sur le rôle que pouvaient jouer les divergences d'opinions, au sein du MEDEF, dans l'approche de la TVA sociale qui venait d'être présentée.

M. Jacques Creyssel a fait valoir que les études réalisées tendaient à montrer que la TVA sociale ne serait pas créatrice d'emplois. Il s'est défendu d'ignorer ces travaux, mais, au contraire, a indiqué qu'il se demandait dans quelle mesure la TVA sociale pouvait améliorer la compétitivité française grâce à un allègement du coût du travail. Il a donc souhaité que cette réflexion se poursuive, et soulevé deux questions. D'une part, il s'est interrogé sur la compatibilité entre une hausse de la TVA et les mécanismes d'indexation, voire de « coup de pouce », existant en faveur du SMIC. D'autre part, il a considéré que le financement du niveau actuel des dépenses de protection sociale impliquait une hausse des prélèvements obligatoires.

M. Jean Arthuis, président, en écho aux interrogations de M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité savoir si différentes approches coexistaient, sur ce thème, au sein du MEDEF, d'une fédération à l'autre.

M. Jacques Creyssel a confirmé que, selon les secteurs professionnels, des opinions tantôt favorables, tantôt circonspectes, s'étaient exprimées sur la proposition de la TVA sociale.

M. Jean-François Roubaud, président de la CGPME, a souligné que la totalité du financement de la protection sociale ne pouvait être assise sur les seuls salaires. Il a insisté, en outre, sur la nécessité de réduire les dépenses sociales.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a fait observer que la charge liée au vieillissement de la population et à la dépendance du grand âge irait, de manière inéluctable, en s'accroissant.

M. Jean-François Roubaud, cependant, a estimé indispensable d'abaisser le niveau des charges supportées par les entreprises. Il a interrogé M. Philippe Marini, rapporteur général, sur la validité, aujourd'hui, des simulations qu'il avait présentées en novembre 2004 dans son rapport d'information n° 52 (2004-2005) sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, intitulé « Pour une fiscalité plus compétitive ». Selon celles-ci, une baisse des cotisations employeurs de 15 milliards d'euros, soit 1 % du PIB environ, augmenterait le PIB de 0,6 point et réduirait le taux de chômage de 1,8 point, tout en étant neutre pour le solde public à partir de la quatrième année.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a précisé que cette étude avait été réalisée par le Centre d'observation économique (COE) de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris. Il a considéré que ses résultats, selon toute vraisemblance, demeuraient valides. Toutefois, il a indiqué qu'une baisse des cotisations employeurs à hauteur de 30 milliards d'euros, soit un peu moins de 2 % du PIB, aurait désormais sa préférence. En effet, il a estimé que les effets vertueux attendus d'une telle réforme ne pourraient être que renforcés par une opération plus massive que celle qui avait été retenue, en 2004, à titre d'hypothèse de travail.

M. Nasser Mansouri-Guilani, directeur du Centre d'études économiques et sociales de la Confédération générale des travailleurs (CGT), a indiqué que la TVA sociale n'était un atout ni pour l'emploi ni pour la croissance. Il a précisé que, du point de vue des salariés, la baisse des cotisations sociales s'apparentait à une réduction du salaire. Par ailleurs, il a souligné le risque inflationniste lié à toute augmentation de la TVA.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur les moyens à mettre en oeuvre pour lutter contre le phénomène des délocalisations si la solution de la TVA sociale n'était pas retenue.

M. Nasser Mansouri-Guilani a estimé qu'il convenait de distinguer les emplois délocalisables de ceux qui ne l'étaient pas. Il a affirmé que le problème de l'emploi en France ne renvoyait pas à un problème de coût du travail et qu'il s'agissait, en réalité, de comparer les salaires entre pays ayant le même niveau de développement et non avec ceux des pays en voie de développement. En outre, il a rappelé l'importance de la notion de productivité du travail afin d'établir une telle comparaison.

Il a regretté que le système fiscal et social actuel ne prenne pas en compte l'intensité capitalistique différente selon les secteurs d'activité et que, dans le contexte actuel, les entreprises aient intérêt à réduire leur masse salariale pour maximiser leurs profits.

Partant de ce constat, il a proposé une modulation des cotisations sociales en fonction des secteurs et a suggéré d'intégrer trois variables dans la politique à mettre en oeuvre pour la croissance et l'emploi : le comportement des entreprises, la responsabilité des choix publics et le rôle du système financier.

Enfin, il a estimé que la TVA sociale ne permettrait pas d'améliorer le solde de la balance extérieure, ni de lutter contre la fermeture des sites industriels.

M. Joachim Hacker, ministre conseiller, responsable du service des affaires économiques de l'ambassade d'Allemagne, a expliqué que la récente augmentation de trois points de la TVA en Allemagne avait essentiellement pour objectif l'assainissement des finances publiques. Il a souligné que le déficit public allemand passerait de 30 milliards d'euros en 2006 à 20 milliards d'euros en 2007 et que la hausse de la TVA n'avait eu qu'un faible effet de ralentissement de l'économie. A cet égard, il a précisé que les prévisions en matière de croissance pour 2007 avaient été estimées, en début d'année, à + 1,7 %, mais qu'elles venaient d'être révisées à la hausse à + 2,5 %, voire + 2,8 %.

Il a ajouté que le relèvement de la TVA n'avait eu qu'un impact minime sur la compétitivité allemande, mais avait, en revanche, permis de poursuivre l'assainissement des comptes publics, dans le prolongement de l'Agenda 2010 et du dialogue entre partenaires sociaux ayant abouti à un large consensus.

M. Jean Arthuis, président, a ainsi relevé que la hausse en Allemagne de la TVA n'avait pas constitué un handicap pour la compétitivité extérieure, dès lors que celle-ci avait pu être améliorée grâce à des réformes structurelles mises en oeuvre depuis plusieurs années.

M. Henri Sterdyniak, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), a déploré que le financement de la protection sociale, pour les branches famille et maladie, pèse sur l'activité économique et a insisté sur la nécessité de lutter contre les délocalisations. Il a écarté, toutefois, la TVA sociale comme moyen de remédier à ces difficultés.

Il a affirmé que ce type de TVA ne favoriserait pas les secteurs à forte densité de main-d'oeuvre, dans la mesure où elle était remboursée sur les investissements en capital. Il a ajouté que cette taxe n'offrait pas de réelle augmentation des salaires et qu'elle serait à l'origine de transferts au profit des entreprises exportatrices et au détriment des entreprises importatrices, avec pour effet une hausse des prix sur le marché national.

Il a estimé que, face à cette hausse prévisible des prix, seules deux réponses étaient envisageables : une indexation des prix et des salaires, avec pour conséquence une perte rapide des gains de productivité réalisés, ou un blocage des salaires, comme en Allemagne. Il a souligné que, dans ce second cas, les gains de compétitivité s'accompagnaient d'une baisse corrélative du pouvoir d'achat des actifs et des retraités. Il a insisté, en outre, sur la possibilité de ne recourir qu'une seule fois à cette stratégie économique, dès lors que l'ensemble des principaux partenaires de la France aurait tendance à s'aligner sur cette politique, comme cela avait été le cas au Danemark ou en Allemagne.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que le raisonnement fondé sur une équivalence entre les cotisations sociales et la TVA sociale trouvait sa limite dans le contexte actuel d'augmentation du nombre des inactifs qui faisait évoluer de façon dissymétrique l'assiette respective de ces deux types de prélèvements. Il a rappelé, en effet, que la TVA était payée par les consommateurs, dont seule une partie était des actifs.

Il s'est ensuite interrogé sur la répartition de la marge dégagée grâce à une baisse des charges sociales entre la hausse des prix, le financement des investissements et du capital, et la rémunération du travail. Dans cette perspective, il a estimé que le capitaliste français ne devait pas être stigmatisé pour un comportement prétendument anti-social.

M. Henri Sterdyniak a considéré que l'instauration de la TVA sociale ne produirait aucun effet si elle était assortie d'un objectif de maintien du pouvoir d'achat. Rappelant que le coût de cette réforme devait être supporté par les acteurs économiques, il a expliqué que le passage d'un prélèvement assis sur les salaires à un prélèvement sous forme de TVA ne laisserait aucun gain à partager s'il ne s'accompagnait pas d'une hausse de l'inflation et d'une baisse corrélative du pouvoir d'achat des actifs et des retraités.

M. Paul Raoult a contesté cette approche en observant que la TVA sur les investissements faisait l'objet d'une récupération. M. Jean Arthuis, président, a indiqué que le transfert de la charge fiscale des salaires vers la consommation n'était pas neutre mais permettait d'accroître la compétitivité.

M. Marc Touati, président de l'Association pour la connaissance et le dynamisme économiques (ACDE), a rappelé que la période récente avait vu l'augmentation sensible du nombre de destructions d'emplois en France et que le secteur manufacturier n'en avait créé aucun. Citant l'exemple des importantes réformes structurelles menées par l'Allemagne, il a fait valoir que la France devait, prioritairement, maîtriser ses dépenses publiques et abaisser son taux de prélèvements obligatoires.

M. Marc Touati a douté que l'augmentation du taux de TVA génère de l'inflation dans un contexte de demande atone et estimé que l'absence d'augmentation des prix de vente dégraderait les marges des entreprises et pèserait sur la création d'emplois. Il a donc appelé de ses voeux une baisse préalable de la pression fiscale et des dépenses publiques destinée à restituer du pouvoir d'achat aux ménages et à encourager l'investissement des entreprises.

MM. Jean Arthuis, président, et Philippe Marini, rapporteur général, sont convenus que la TVA sociale ne saurait constituer une solution unique au problème français de compétitivité et de croissance et que son instauration devait s'accompagner de réformes structurelles.

M. Alain Vasselle s'est interrogé sur le niveau optimal de substitution de TVA aux cotisations sociales afin de ne pénaliser ni le pouvoir d'achat ni la consommation. Il a également fait valoir que l'ensemble des experts s'accordait à reconnaître que le contexte démographique laissait envisager une croissance continue des dépenses sociales.

M. Alain Vasselle a enfin exprimé le voeu que la fiscalisation des recettes de protection sociale engendrée par l'instauration de la TVA sociale ne bouleverse pas l'équilibre de la gestion paritaire avec les partenaires sociaux et que le projet de loi de financement de la sécurité sociale demeure le cadre privilégié du débat sur les finances sociales.

M. Yves Fréville a déclaré approuver l'analyse de M. Henri Sterdyniak sur l'équivalence globale entre la TVA et les cotisations sociales, point de vue que M. Jean Arthuis, président, a tenu à nuancer en rappelant les contraintes pesant désormais sur les économies globalisées.

M. Yves Fréville a fait valoir, en outre, que l'instauration d'une TVA sociale pouvait produire un effet de change immédiat mais probablement non pérenne au sein de la zone euro, avant d'insister sur le caractère potentiellement pénalisant d'un tel dispositif pour les secteurs à forte intensité capitalistique.

M. Yves Fréville a ajouté que la croissance des dépenses sociales à un rythme plus élevé que le revenu national rendait l'outil fiscal insuffisant à terme et qu'une réflexion devait donc s'engager sur le financement d'une partie de ces dépenses sur la base d'un mécanisme assurantiel.

M. Henri Sterdyniak est revenu sur la nécessité de réformes structurelles profondes en rappelant que l'Allemagne n'avait augmenté son taux de TVA qu'au terme de plusieurs années d'une politique de compétitivité ayant fortement pesé sur les salaires et fortement accru la concurrence avec ses partenaires européens.

Doutant qu'une TVA sociale puisse avoir des effets sectoriels différenciés, il a fait valoir qu'une contribution sur la valeur ajoutée permettrait de taxer davantage les secteurs capitalistiques au profit des secteurs à forte intensité de main-d'oeuvre.

M. Jean Arthuis, président, a jugé qu'une contribution sur la valeur ajoutée inciterait, au même titre que la taxe professionnelle, les entreprises à produire cette valeur ajoutée hors du territoire national. Il a conclu en estimant que, dans l'attente de réformes structurelles d'ampleur et de l'élaboration d'un consensus européen à long terme sur la fiscalité, la TVA sociale constituait, pour les responsables politiques en charge de la cohésion sociale, une piste à explorer afin de restaurer la compétitivité de l'économie française.