Mardi 9 juin 2009

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Caisses d'épargne et banques populaires - Examen des amendements au texte de la commission

La commission a procédé à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 424 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires, dans le texte n° 445 (2008-2009) adopté par la commission le 27 mai 2009 sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur.

L'avis de la commission sur ces amendements figure dans le tableau ci-après :

Article ou division

Objet de l'article

Numéro d'amendement

Auteur de l'amendement

Avis de la commission

Articles additionnels avant l'article 1er 

 

36 rect.

M. Vera

Défavorable

24 rect.

M. Vera

Défavorable

26

M. Vera

Défavorable

37 rect.

M. Vera

Défavorable

Article 1er 

Création de l'organe central du groupe des caisses d'épargne et des banques populaires

12

M. Vera

Défavorable

25

M. Vera

Défavorable

21

M. Vera

Défavorable

13

M. Vera

Défavorable

14

M. Vera

Défavorable

1

Mme Bricq

Défavorable

18

M. Vera

Défavorable

22

M. Vera

Défavorable

27

M. Vera

Défavorable

10 rect.

M. Collin

Défavorable

2

Mme Bricq

Défavorable

6

Mme Bricq

Défavorable

28

M. Vera

Défavorable

4

Mme Bricq

Défavorable

40

M. Vera

Défavorable

3

Mme Bricq

Défavorable

29

M. Vera

Défavorable

19

M. Vera

Défavorable

5

Mme Bricq

Défavorable

9 rect.

M. Collin

Défavorable

8 rect. bis

M. Collin

Défavorable

20

M. Vera

Défavorable

30

M. Vera

Défavorable

Article 2

Dispositions de coordination

31

M. Vera

Défavorable

Article 3

Agrément de l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires

15

M. Vera

Défavorable

Article 4

Transferts du patrimoine, des moyens, des droits et obligations des deux organes centraux actuels vers le nouvel organe central

16

M. Vera

Défavorable

 

33

M. Vera

Défavorable

 

34

M. Vera

Défavorable

Article 5

Conditions d'applicabilité des conventions de branche et organisation du dialogue social

17

M. Vera

Défavorable

7

Mme Bricq

Défavorable

35

M. Vera

Défavorable

11

M. Vera

Défavorable

32

M. Vera

Défavorable

Intitulé du projet de loi

 

39

M. Vera

Défavorable

Accès au crédit des petites et moyennes entreprises - Examen d'un amendement du Gouvernement au texte de la commission

Puis la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 15 du Gouvernement portant article additionnel après l'article 7, déposé sur la proposition de loi n° 288 (2008-2009) tendant à favoriser l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises, dans le texte n° 443 (2008-2009) adopté par la commission le 27 mai 2009 sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur.

Mercredi 10 juin 2009

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Réforme des finances locales et de la taxe professionnelle : péréquation - Audition de M. Gilles Carrez, président du comité des finances locales

La commission a procédé à l'audition de M. Gilles Carrez, président du comité des finances locales, rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale, sur la réforme des finances locales et de la taxe professionnelle.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué en préambule que le cycle d'auditions et d'échanges de vues entamé par la commission des finances sur les finances locales et la taxe professionnelle l'amenait à étudier la question de la péréquation financière entre collectivités territoriales, enjeu central de la réforme.

Il est important pour la commission d'avoir connaissance des résultats des travaux conduits en ce domaine par le comité des finances locales (CFL), dans la perspective de l'examen du projet de loi de finances pour 2010.

Plus précisément, trois thèmes peuvent être abordés :

- le bilan du rôle du CFL en ce qui concerne la péréquation et ses marges de manoeuvre ;

- la conciliation des deux principes constitutionnels de péréquation et d'autonomie financière et fiscale ;

- les conséquences prévisibles sur la péréquation de la réforme de la taxe professionnelle.

M. Gilles Carrez, président du comité des finances locales, rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale, s'est félicité de pouvoir présenter les travaux du comité des finances locales rappelant qu'ils avaient très largement inspiré la réforme de la péréquation de 2004.

Ayant défini la péréquation comme la correction des disparités, en termes de ressources et en termes de charges, entre les collectivités territoriales, il a présenté un état des lieux des mécanismes existants.

La péréquation comprend, d'une part, des mécanismes de correction verticale, passant par des dotations de l'Etat et principalement la dotation globale de fonctionnement (DGF) et, d'autre part, des mécanismes de correction horizontale, sous la forme de transferts de recettes fiscales entre les collectivités, à l'exemple des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) ou du fonds de solidarité de la région Ile-de-France (FSRIF).

Il a exposé ensuite les composantes de la péréquation verticale qui sont, s'agissant des communes et des intercommunalités :

- la dotation nationale de péréquation (DNP), historiquement la plus ancienne, directement liée à la richesse fiscale, notamment en termes de taxe professionnelle qui est le principal discriminant de ressources entre les collectivités territoriales. Cette dotation représente 700 millions d'euros pour 2009 et sa faiblesse tient à son saupoudrage puisqu'elle bénéficie à plus de 20 000 communes ;

- la dotation de solidarité rurale (DSR) et la dotation de solidarité urbaine (DSU) qui s'élèvent respectivement à 760 millions et 1,163 milliard d'euros en 2009 ;

- la dotation d'intercommunalité des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), répartie pour près de 70 % en fonction des disparités de ressources, qui représente 2,4 milliards d'euros. Cette dotation a un caractère péréquateur, car l'intercommunalité conduit à la mutualisation des ressources.

S'agissant des départements, la péréquation passe par la dotation de fonctionnement minimale (DFM) qui n'a été longtemps attribuée qu'à vingt-quatre départements et, depuis la création de nouveaux instruments de péréquation en 2004, par la dotation de péréquation urbaine (DPU). Ces dotations représentent respectivement 784 millions et 554 millions d'euros en 2009. Elles ont connu depuis 2005 une très forte progression, de 27 % pour la DPU et 39 % pour la DFM.

Concernant enfin les régions, la dotation de péréquation s'élève à 170 millions d'euros, en hausse de 78 % de 2005 à 2009.

Les montants en jeu pour la péréquation horizontale sont respectivement de 863 millions d'euros pour les FDPTP et de 173 millions d'euros pour le FSRIF.

M. Gilles Carrez a fait observer l'importance des montants des dotations de péréquation et leur progression au fil du temps qui a conduit à un quasi doublement en l'espace de six à sept années.

Il a ensuite rappelé les conditions dans lesquelles le CFL est amené à intervenir dans la fixation des montants annuels de ces dotations. Le comité décide ainsi chaque année de faire évoluer plus ou moins vite, par rapport à l'enveloppe globale de la DGF, la partie forfaitaire et l'enveloppe de péréquation, sur la base de choix de fourchettes de taux qui lui sont présentés par l'administration. En faisant évoluer moins vite la partie forfaitaire, le CFL dégage des marges de manoeuvre pour la péréquation. Il a ainsi contribué à faire progresser de 760 millions à 1,163 milliard d'euros la DSU entre 2005 et 2009 et à faire évoluer, selon un rythme identique, la DSR de 503 millions à 757 millions d'euros au cours de la même période. En ce qui concerne la part de la DGF destinée aux communes et intercommunalités, le CFL est ainsi amené successivement à fixer les montants des dotations forfaitaires, puis des dotations spécifiques de péréquation et, in fine, de la DNP.

Cette dernière dotation ayant toujours évolué à un rythme un peu plus élevé que l'inflation, l'effort de compression a donc porté sur la partie forfaitaire de la DGF. En 2009, cette tension s'est accrue du fait de la prise en compte des résultats du recensement et elle a abouti à une diminution de 2 % de la garantie forfaitaire.

Si la loi a étendu progressivement les marges de manoeuvre du CFL, celui-ci se heurte à la difficulté de ne pouvoir « enlever aux uns pour donner aux autres ». Il a donc agi, dans les années passées, en affectant à la péréquation le surplus annuel de la masse des dotations, issu des règles de progression garantie de la DGF. Cette situation favorable ne se représentera plus dans les prochaines années, ce qui rend le problème plus difficile à résoudre, même si une solution a été trouvée en 2009 en affectant des ressources externes, comme une partie du produit des amendes de police, en complément de la DGF.

M. Gilles Carrez a indiqué qu'il existe au sein du CFL un consensus pour améliorer les mécanismes et l'efficacité de la péréquation. Trois groupes de travail ont été constitués, sur la DSU, les dotations de péréquation départementales et la péréquation régionale. Après l'échec de la réforme de la DSU en 2008, dont les conséquences auraient été trop rudes pour certaines collectivités, le travail du CFL a repris et des propositions seront présentées dans les prochaines semaines.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, il a souligné la difficulté à combiner, dans le cadre d'une réforme globale, les objectifs de compensation et de péréquation, prenant l'exemple de la réforme de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle. Lorsque la suppression d'une recette fiscale est compensée par une dotation d'Etat, il est logique que s'applique le principe de péréquation par des écrêtements. Mais il convient de prévoir des étapes successives pour éviter les trop fortes oppositions.

Abordant ensuite les liens entre autonomie financière et péréquation, il a considéré que ces questions sont connexes mais qu'il est impossible d'imaginer un pouvoir fiscal accordé au niveau d'administration le plus bas, compte tenu de l'éclatement des structures communales en France. Il y aurait un risque de disparités trop importantes. Mais si la rédaction des textes constitutionnels et organiques est satisfaisante au regard des principes, il existe une grande incertitude du fait des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle. Cette réforme va remettre en cause les mécanismes de péréquation horizontale et aussi les mécanismes de répartition verticale fondés sur la notion de potentiel financier, qui perdra sa signification avec la quasi-suppression de la taxe professionnelle.

Il a estimé que la question de la péréquation devra être abordée en même temps que la réforme de la taxe professionnelle, soulignant par ailleurs le fort attachement des élus au mécanisme des FDPTP. La mise en place de mécanismes de péréquation horizontale inspirés de ce système doit être engagée très rapidement.

Un large débat s'est ouvert.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est félicité de la concertation entamée entre les commissions des deux assemblées sur ce sujet important. Il a jugé antinomiques les deux notions de péréquation et d'autonomie financière. Opposant une « école allemande », fondée sur le transfert de produits de fiscalité nationale, à une « école sénatoriale » défendant la liberté de fixation des taux par les collectivités, il s'est prononcé en faveur de la seconde qui retient la conception la plus exigeante de l'autonomie.

Concernant la réforme de la taxe professionnelle, il a estimé qu'elle doit respecter quatre principes :

- le lissage dans le temps des effets de la réforme ;

- le vote des taux par les collectivités territoriales ;

- le maintien du lien avec le territoire ;

- la neutralité globale pour l'équilibre des finances publiques.

Il s'est inquiété enfin des conséquences de la réforme sur les intercommunalités à taxe professionnelle unique.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité disposer de précisions s'agissant des propositions débattues sur ce sujet lors de la réunion de la commission des finances de l'Assemblée nationale le 9 juin 2009.

M. Gilles Carrez a indiqué que ces orientations constituent des pistes de travail et qu'elles n'ont pas été définitivement arbitrées.

Le seul scénario existant est celui présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi qui prévoit la suppression de la part de la taxe professionnelle fondée sur les équipements et biens mobiliers (EBM), soit 20 milliards d'euros sur un total de 26 milliards d'euros, le solde étant assis sur la valeur foncière. Cette suppression de la part EBM était en réalité en suspens depuis la réforme de 1999 qui a supprimé la part salaires.

Envisagée sans contreparties, cette suppression est déraisonnable pour trois motifs :

- le lien territorial subsistant entre entreprises et collectivités est trop faible ;

- les finances publiques ne peuvent supporter une mesure dont le coût est de 20 milliards d'euros et il est hors de question de financer par la dette cette réforme ;

- la charge ne peut pas être reportée massivement sur les ménages.

En conséquence, les propositions formulées par la commission des finances de l'Assemblée nationale visent à appuyer la réforme de la taxe professionnelle, d'une part, sur l'impôt foncier et, d'autre part, sur une contribution sur la valeur ajoutée (CVA). La valeur ajoutée est l'agrégat le plus neutre pour les entreprises. Il serait possible de dégager par une CVA des ressources de 12 milliards d'euros qui s'ajouteraient aux 6 milliards d'euros d'imposition sur le foncier. Le gain pour les entreprises en termes d'allègement de leur fiscalité serait donc de 8 milliards d'euros.

Les recettes de la part foncière seraient attribuées aux communes et intercommunalités et celles de la CVA aux départements et régions. On éviterait ainsi de donner un supplément de taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) aux départements en compensation de la suppression des recettes de taxe professionnelle.

Le coût pour les finances publiques pourrait être diminué de 1 milliard d'euros en augmentant les taxes sectorielles payées par de grandes entreprises, notamment dans le domaine de l'énergie, et il serait atténué par l'effet mécanique de l'augmentation du produit de l'impôt sur les sociétés résultant de la suppression de la taxe professionnelle. Au total, le coût net du scénario proposé par la commission des finances de l'Assemblée nationale avoisinerait 4 à 5 milliards d'euros. Ce coût est plus raisonnable que celui envisagé par le scénario du ministère de l'économie et il permet de réaliser la réforme dans son intégralité dès 2010. A l'exemple de la « surtaxe Juppé » de 1996 ou « Strauss-Kahn » de 1998, son financement s'appuierait sur une surtaxe d'impôt sur les sociétés (IS), qui aurait un caractère provisoire, dans l'attente de l'institution d'une taxe carbone.

En outre, la commission des finances de l'Assemblée nationale n'est pas favorable à une imputation de l'impôt foncier sur la CVA comme le suggère le scénario du Gouvernement. Elle propose le découplage de ces deux impositions sous réserve de trois « sûretés » pour les entreprises :

- l'application du principe d'une liaison totale des taux sur le foncier ;

- la fixation d'un taux national pour la CVA ;

- un plafonnement global de l'imposition du foncier et de la CVA de l'ordre de 3 à 3,5 % de la valeur ajoutée, au moins pour le démarrage du nouveau système. M. .Gilles Carrez a souligné sur ce point le souhait de la commission de ne pas compenser ce plafonnement par voie de dégrèvement, mais par un mécanisme interne aux finances de l'Etat, mettant en oeuvre, au profit des entreprises, un crédit d'impôt sur l'impôt sur les sociétés (IS) ou sur l'impôt sur le revenu (IR) égal au montant du dépassement. Il a enfin indiqué que ce scénario implique un assujettissement à la CVA des entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 7,6 millions d'euros, limite actuelle de l'éligibilité à la cotisation minimale de taxe professionnelle.

M. François Marc a estimé que la révision constitutionnelle de 2003 était « boiteuse » : les modalités de l'autonomie financière des collectivités territoriales ont été déterminées par une loi organique alors que l'objectif de péréquation n'a fait l'objet que de retouches successives. Il a regretté que les dotations de compensations figent des situations existantes et déploré la faiblesse de la péréquation, qui ne permet pas à toutes les communes d'offrir les mêmes services à l'ensemble des citoyens, notamment dans le domaine scolaire. Enfin, il a demandé à M. Gilles Carrez si la mise en place de la contribution sur la valeur ajoutée serait assortie d'un dispositif de péréquation horizontale entre les départements.

M. Aymeri de Montesquiou a jugé que les objectifs actuels de la péréquation restent trop flous. Il conviendrait en premier lieu de s'assurer que les communes disposent d'une réelle liberté de gestion, c'est-à-dire puissent faire face aux dépenses obligatoires que l'Etat leur impose.

M. Jean-Pierre Fourcade a proposé que la part garantie de la DGF soit progressivement réduite, pour augmenter parallèlement la part proportionnelle au nombre d'habitants, ce qui favoriserait une plus grande équité. Il a par ailleurs mis en garde contre le saupoudrage des dotations de péréquation.

Mme Marie-France Beaufils a regretté que les charges réellement supportées par les collectivités territoriales, qui résultent du nombre d'habitants et de la composition des populations, ne soient pas davantage prises en compte dans les dispositifs de péréquation et s'est interrogée sur les initiatives du CFL sur cette question. Elle a proposé la création d'un fonds national de péréquation alimenté par un impôt national.

Mme Nicole Bricq a demandé à M. Gilles Carrez si les conséquences sur le FSRIF du scénario étudié par la commission des finances de l'Assemblée nationale ont été examinées. Elle a jugé sage de reporter la mise en place de la taxe carbone qui n'est pas adaptée au remplacement d'une partie de la taxe professionnelle. En effet, la taxe carbone doit être comprise comme un impôt à pouvoir dissuasif et constitue donc un mauvais outil de compensation des pertes de recettes de taxe professionnelle subies par les collectivités territoriales.

M. Michel Charasse a estimé que les problèmes de la DGF résultent du « bricolage » initial dont elle a fait l'objet. Il a par ailleurs jugé impossible de mettre en place une péréquation efficace sans diminuer les ressources de certaines collectivités territoriales lorsque c'est justifié, notamment suite aux recensements de population. Il a rappelé que la mise en place d'un dispositif de récupération sur succession de l'allocation personnalisée d'autonomie permettrait de dégager 2 milliards d'euros de ressources supplémentaires pour la DGF.

Selon lui, la réforme de la taxe professionnelle se heurte à trois problèmes : le respect du principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités territoriales, la situation budgétaire de l'Etat, aggravée par les dégrèvements de fiscalité locale, et le risque politique que la réforme ne produise ses pleins effets qu'en 2012, année d'élection présidentielle.

M. Gérard Longuet a insisté sur trois points :

- le caractère injuste des dégrèvements de fiscalité locale, qui conduisent à faire payer les contribuables des collectivités qui ne bénéficient pas de bases fiscales à la place de ceux des collectivités où se trouvent ces bases ;

- « l'absurdité » de l'enracinement des bases fiscales au niveau communal, au regard de la mobilité croissante des contribuables ;

- le caractère « illusoire » d'une réforme de la taxe professionnelle qui n'augmenterait pas la charge fiscale pesant sur les ménages. Qu'elle soit remplacée par une taxe carbone ou par une contribution sur la valeur ajoutée, il a estimé que les ménages paieront davantage, in fine.

M. Philippe Adnot a rappelé que la localisation de l'impôt est nécessaire à la responsabilisation des acteurs locaux. Il a jugé qu'un impôt économique est juste et que le principal problème de la taxe professionnelle est celui de sa répartition entre les différents secteurs d'activité. Concernant l'autonomie des collectivités territoriales, il s'est déclaré plus favorable à un encadrement qu'à une liaison des taux ; il faudrait envisager un taux minimum permettant notamment d'éviter le cas des communes qui n'imposent pas leur base fiscale mais bénéficient pourtant de dotations de l'Etat. Enfin, il a mis en garde contre les conséquences pour les finances locales de la mise en place du revenu de solidarité active (RSA).

M. Gilles Carrez a apporté les précisions suivantes :

- la réforme de la taxe professionnelle de 1999, en créant des dotations non indexées, a permis de dégager des marges de manoeuvre supplémentaires pour la péréquation. Dans le scénario étudié par la commission des finances de l'Assemblée nationale, les ressources des fonds de péréquation départementaux seraient maintenues et à ce dispositif pourrait se greffer un mécanisme de péréquation national ;

- le problème du FSRIF est réel dans le cadre de la réforme à venir : une dotation comprise dans la DGF paraît la seule solution pour compenser les pertes de recettes ;

- il conviendrait de revenir aux critères de répartition de base des dotations, que sont la population et la superficie ;

- l'obsolescence des critères initiaux de détermination de la DGF, notamment la prise en compte de la taxe locale supprimée en 1968, est réelle et il est nécessaire de prendre davantage en compte le critère de la population. Afin d'éviter un saupoudrage des dotations, un processus de reconcentration progressive des dotations, sur une durée de quatre à cinq ans, doit être envisagé ;

- la constitutionnalité de la réforme paraît certaine, les calculs de Bercy indiquant qu'un montant supplémentaire de 6 milliards d'euros de dotations préserverait l'autonomie financière des collectivités territoriales ; le scénario proposé par la commission des finances de l'Assemblée nationale réduit ce montant de 3 milliards d'euros. Mais ce qui est vrai au niveau macro-économique, par grande catégorie de collectivités, n'est pas nécessairement exact au niveau micro-économique. En outre, le Conseil constitutionnel n'assimile pas l'autonomie fiscale à la liberté de fixer l'assiette ni à celle de fixer le taux ;

- le lien entre la fiscalité et les territoires est nécessaire. La contribution sur la valeur ajoutée pourrait d'ailleurs être répartie en fonction de critères locaux, déterminés par établissement. Le scénario étudié par la commission des finances de l'Assemblée nationale permettrait donc de préserver ce lien tout en opérant une spécialisation bienvenue de la fiscalité locale entre les strates de collectivités territoriales ;

- il est difficile de mettre en oeuvre une péréquation en prenant en compte les charges des collectivités territoriales, celles-ci étant plus complexes à déterminer que leurs ressources. Ainsi, le logement social de fait est exclu du critère « logements sociaux ». La réforme envisagée conduirait naturellement à « dégonfler » la notion de potentiel fiscal et il faudrait probablement étudier d'autres critères de répartition.

M. Adrien Gouteyron s'est inquiété du risque que, en l'absence de ressources de taxe professionnelle, les communes ne soient plus incitées à poursuivre leur rôle, actuellement majeur, en matière de développement économique. M. Gilles Carrez a rappelé que, dans le scénario étudié par la commission des finances de l'Assemblée nationale, l'imposition foncière maintiendrait un lien entre la commune et les entreprises. M. Jean Arthuis, président, a également estimé que, en dehors des recettes fiscales, les communes conservent un intérêt à développer l'activité économique pour attirer la population sur leur territoire.

Réforme des finances locales et de la taxe professionnelle : péréquation - Audition de M. Yves Fréville, professeur d'université

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Yves Fréville, ancien sénateur, professeur d'université, sur la réforme des finances locales et de la taxe professionnelle.

A l'invitation de M. Jean Arthuis, président, M. Yves Fréville a répondu aux trois questions suivantes :

- quelle est la plus efficace des péréquations : la péréquation horizontale ou la péréquation verticale, et quel est le bon périmètre pour la péréquation horizontale ?

- quels sont les erreurs à ne pas commettre dans la mise en place de mécanismes de péréquation ?

- enfin, à quelles conditions la péréquation peut-elle conduire plus efficacement à la réduction des inégalités entre collectivités ?

Procédant à l'aide d'une vidéoprojection, il a exposé l'exemple extrême du Royaume-Uni, où la péréquation est exclusivement verticale et où les dotations de l'Etat sont déterminées après une étude fine des coûts supportés par chaque collectivité territoriale. Cette méthode pourrait être transposée en France - c'était la volonté de la délégation à l'aménagement du territoire du Sénat - mais elle nécessiterait de trouver des critères pertinents d'évaluation des besoins. Par ailleurs, il a relevé qu'il pourrait être opportun d'intégrer dans la DGF un critère relatif à l'évolution de la population, dans la mesure où l'on constate que le montant de la DGF par habitant tend à diminuer avec l'augmentation de la population au sein d'une collectivité territoriale.

Concernant la péréquation horizontale, il a rappelé qu'elle avait existé en France au niveau national jusqu'en 1968, et reposait sur un prélèvement de 25 % de la taxe locale, dont le taux était fixé au niveau national. Il a jugé que, si la contribution sur la valeur ajoutée étudiée par la commission des finances de l'Assemblée nationale était mise en place, le « glissement » de l'imposition locale vers les services et les zones urbaines qu'elle entraînerait rendrait indispensable un mécanisme de péréquation similaire. Il serait toutefois complexe d'allier les fonctions compensatrices et péréquatrices du nouveau dispositif. Il a par ailleurs évoqué les pays d'Europe du Nord qui ont mis en place une péréquation horizontale fondée à la fois sur les ressources et sur les dépenses.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur la possibilité, d'une part, de réduire le montant de la DGF des collectivités dont la population baisse et, d'autre part, de diminuer la composante de la DGF correspondant au montant de la taxe locale antérieure à 1968.

En réponse, M. Yves Fréville a rappelé la tentative de mise en place, au début des années 1990, d'un fonds interdépartemental de péréquation de la taxe professionnelle. Cette initiative avait permis de réduire les ressources de certains départements mais avait échoué pour deux raisons : la décision de faire bénéficier du produit dégagé les départements de montagne, et non les départements à faibles ressources de taxe professionnelle, et l'incorporation de cette dotation au sein de la DGF, qui avait conduit à sa disparition.

Il a par ailleurs regretté que la notion de potentiel fiscal, qui était pertinente en 1979, lors de sa mise en place, soit devenue obsolète en raison de deux évolutions :

- la hausse des compensations de fiscalité locale, qui pose la question de leur intégration au sein de la notion de potentiel fiscal ;

- le développement des intercommunalités qui, en raison de l'hétérogénéité de leurs statuts et de leurs compétences fiscales, ne peuvent se soumettre à un système uniforme de définition du potentiel fiscal ;

Evoquant les effets ambigus du coefficient d'intégration fiscale (CIF), il a en outre souligné la difficulté de répartir également les charges sur le territoire, indépendamment des structures administratives.

Puis, M. Yves Fréville, en s'appuyant sur des études chiffrées qu'il a réalisées, a souhaité mettre en exergue plusieurs points :

- l'étude de la dotation nationale de péréquation montre que l'effort redistributif porte principalement sur les communes situées aux extrêmes, au détriment de la grande majorité des communes qui se situent autour de la moyenne du potentiel fiscal, dans un écart de un à trois ;

- la mise en place d'une DGF commune aux établissements publics de coopération intercommunale et aux communes qui les composent réduirait de manière significative les disparités ;

- l'étude de l'évolution de la DGF en fonction de la population montre que plus les communes ont connu des hausses démographiques, plus leur DGF par habitant s'est réduite ;

- en raison de modes de calcul déterminés par voie réglementaire, des différences injustifiées et non conformes à l'esprit des lois créant les systèmes de péréquation peuvent apparaître : ainsi, si le montant de la dotation de fonctionnement minimal est proportionnel au potentiel fiscal du département, celui de la dotation de péréquation urbaine ne lui est pas strictement proportionnel, d'où il résulte que même les départements urbains les plus riches reçoivent une part de dotation de péréquation urbaine ;

- l'étude de la corrélation entre les indices de charges servant de critères de répartition de la dotation de solidarité urbaine montre qu'ils sont tous convergents et que, par conséquent, réduire le nombre de ces critères de répartition pourrait, sans préjudice, simplifier le système. A l'inverse, les indices de ressources servant de critères de répartition apparaissent réellement complémentaires et sont donc plus pertinents ;

- l'examen des effets, sur le montant de la dotation de solidarité urbaine, du critère d'appartenance des communes à une zone urbaine sensible ou à une zone franche urbaine montre que leur application a pour conséquence d'annuler les effets des autres critères de répartition. Comme pour d'autres dotations de péréquation, M. Yves Fréville s'est interrogé sur la pertinence de systèmes visant principalement à régler des cas extrêmes et souhaité que soit étudiée la possibilité de mettre en place, parallèlement au dispositif classique de péréquation, un dispositif spécifique pour les collectivités territoriales qui se trouvent dans des situations extrêmes.

Enfin, il a regretté que l'on attache aujourd'hui trop d'importance aux simulations et que l'on refuse de voir diminuer les dotations de certaines collectivités. Il a rappelé que la mise en place, en 1966, du versement représentatif de la taxe sur les salaires (VRTS) s'était faite progressivement, certaines collectivités voyant leur montant de dotation diminuer de 5 % par an. Il a reconnu toutefois que l'application de la réforme avait été facilitée par de forts taux d'inflation.

En conclusion, M. Jean Arthuis, président, a rappelé les deux principaux obstacles identifiés par M. Yves Fréville pour une réforme des finances locales : le fait de concentrer les dispositifs de péréquation sur les collectivités se trouvant dans les situations les plus extrêmes et le conservatisme amenant à ce qu'aucune collectivité ne soit perdante à l'issue d'une réforme.

Jeudi 11 juin 2009

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Investissements internationaux - Audition de M. David Appia, président de l'Agence française pour les investissements internationaux

La commission a procédé à l'audition de M. David Appia, président de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) et ambassadeur délégué aux investissements internationaux.

M. Jean Arthuis, président, a évoqué la parution récente du rapport de l'AFII sur la contribution à l'emploi des investissements étrangers en France en 2008 et de l'étude du cabinet Ernst & Young portant sur l'attractivité de la France en 2009. Ces documents soulignent l'excellente position de la France, qui se situe au deuxième rang derrière les Etats-Unis d'Amérique et devant le Royaume-Uni, en matière d'investissements directs étrangers et donnent ainsi à penser que notre territoire est attractif alors même que le niveau des prélèvements obligatoires y est parmi les plus élevés au monde. Si le flux des investissements étrangers réalisés en France s'est maintenu, malgré la crise, à 114,3 milliards de dollars en 2008, contre 158 milliards de dollars en 2007, il convient de s'interroger sur la part réelle des investissements réalisés dans l'économie productive, en déduisant de la masse globale les placements fonciers et financiers qui n'ont pas d'impact sur l'emploi.

Par ailleurs, il a rappelé que la communication faite en 2006 devant la commission des finances par M. Philippe Marini, rapporteur général, intitulée « L'agence française pour les investissements internationaux, pour quoi faire ? », a porté un regard critique sur le rôle et l'efficacité de l'AFII et notamment sur la question de savoir si elle contribue effectivement à créer des emplois en France, ou si elle ne fait qu'accompagner des opérations qui auraient eu lieu sans son intervention.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, M. David Appia, président de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), a tout d'abord confirmé que l'évaluation des investissements directs étrangers (IDE) élaborée par la conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) sur la base des données fournies par la Banque de France, porte sur l'ensemble des flux entrants, qu'il s'agisse d'investissements industriels mais aussi de placements fonciers ou financiers. Malgré l'imprécision de cet indicateur, celui-ci contribue toutefois à mesurer le rang de la France en matière d'attractivité des investissements étrangers sur une base de calcul comparable à celle appliquée dans les autres pays européens. A cet égard, il a souligné que la France se situe dans une position très favorable en matière d'accueil des IDE, dans un contexte international particulièrement exigeant, non seulement en raison de la crise mais aussi de la concurrence des autres pays européens.

Il a mis en lumière le choix effectué par l'AFII de privilégier l'analyse des seuls projets qui contribuent à créer ou à maintenir des emplois en France. Ainsi, il a noté que le nombre de nouveaux projets continue à augmenter malgré la crise, s'élevant à 641 en 2008 contre 624 en 2007. Toutefois, la contribution de chaque projet en termes d'emplois est orientée à la baisse, suivant en cela une tendance générale observée à l'échelle européenne. Ainsi, les projets d'implantation enregistrés en 2008 ont permis la création ou le maintien de 32 000 emplois, contre 34 500 en 2007. En réponse à M. Jean Arthuis, président, il a reconnu qu'il n'est pas en mesure d'évaluer l'enveloppe financière dédiée spécifiquement aux projets créateurs d'emplois, ces données n'étant pas communiquées de manière systématique par les entreprises.

M. Jean Arthuis, président, a relevé qu'il convient de dissocier de l'investissement étranger la part des flux financiers destinés à l'achat de bons du trésor. Ceux-ci financent la dette de l'État et n'ont aucun lien avec la notion d'attractivité du territoire.

M. Jean-Jacques Jégou a appuyé ce constat par le fait que plus la dette augmente, plus les achats de bons du trésor destinés à la financer contribuent à accroître le montant affiché des investissements étrangers. Il a émis, comme hypothèse de travail, l'idée de ne retenir qu'un chiffrage « hors dette » des IDE.

M. David Appia a souligné que l'image attractive de la France repose sur des éléments objectifs, mesurés par sondage sur un panel d'entreprises européennes dans le cadre de l'étude menée par le cabinet Ernst & Young : la qualité des infrastructures, la compétence et la productivité horaire de la main d'oeuvre, la politique d'innovation et la capacité à réformer les cadres juridiques et administratifs. A cet égard, il a mis en exergue le rôle positif du crédit d'impôt recherche et du régime des impatriés adopté dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie. En outre, il a précisé que, si 75 % des chefs d'entreprises étrangers expriment leur confiance dans la capacité de la France à relever les défis de la crise économique, cette bonne perception est liée à la capacité du pays à réagir à la crise et à l'image de dynamisme donnée par les décideurs politiques.

Revenant sur les chiffres d'implantation d'entreprises étrangères en France, M. David Appia a indiqué que douze projets d'implantation ou d'extension de sites existants sont décidés en moyenne par semaine, ce qui démontre la confiance persistante des entrepreneurs étrangers dans l'attractivité du territoire français. Les quelque 22 000 entreprises étrangères présentes en France emploient 2,5 millions de personnes. D'autre part, 22,5 % des crédits privés de recherche et de développement ainsi que 35 % à 40 % des exportations des produits manufacturés sont issus de filiales de sociétés internationales.

Il a exposé les trois missions principales de l'AFII. L'agence a pour tâche d'assurer le développement des IDE, mais aussi l'image de la France à l'étranger et l'élaboration de propositions d'amélioration de la réglementation et des pratiques administratives dans le sens d'un meilleur accueil des investisseurs. A ce titre, il a attiré l'attention sur la nécessité de mettre en oeuvre des dispositifs simples et pragmatiques et d'effectuer des comparaisons internationales afin d'identifier les domaines dans lesquels la France dispose de marges de progression.

Pour effectuer ses missions, l'AFII dispose de 80 chargés d'affaires dont 70 sont basés dans 21 bureaux situés à l'étranger. Sur les 7 000 contacts directs noués en 2008, 1 000 projets ont été transmis aux agences régionales de développement. Afin de prospecter de nouveaux investisseurs, M. David Appia a fixé comme nouvel objectif que 60 % des nouveaux contacts établis par l'agence concernent des entreprises qui projettent de s'installer en Europe mais qui n'ont pas encore d'implantation en France.

En application des instructions données par ses deux ministères de tutelle, le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, l'AFII s'est engagée à valoriser des secteurs prioritaires, notamment les pôles de compétitivité qui constituent des « produits d'appel » sans équivalent dans le monde en matière de facilitation d'implantation, et les sites militaires en reconversion, qu'il s'agisse de casernes ou de terrains. En raison de la crise, M. David Appia a indiqué que l'agence oriente dorénavant ses travaux vers la recherche de repreneurs potentiels étrangers pour le rachat d'entreprises en difficulté, citant en exemple la reprise de l'ancienne usine Ford de Blanquefort. En outre, il a souhaité que le rapprochement de l'AFII avec les agences régionales de développement, qui correspond à sa mission première, se renforce non seulement en direction de l'accompagnement des entrepreneurs étrangers en France mais aussi de la prospection internationale de nouveaux investisseurs potentiels.

M. Jean Arthuis, président, a exprimé sa crainte que le malentendu entretenu par une communication sur des investissements étrangers présentés comme massifs ne conduise la France à réduire ses efforts en matière de réformes.

M. David Appia a confirmé l'écart de perception qu'ont les étrangers de l'attractivité de la France avec la réalité. Il a relevé que la France peine à démontrer sa compétitivité en raison de clichés encore très vivaces tels qu'une fiscalité pesante et un droit du travail trop rigide. Même si l'on peut reconnaître que les données attestant la bonne position de la France en matière d'investissements directs étrangers sont partiellement trompeuses, dans la mesure où elles ne correspondent pas nécessairement à des implantations industrielles, il convient tout de même d'être satisfait du nombre de projets accueillis en 2008.

M. Jean Arthuis, président, s'est élevé contre toute promotion excessive de chiffres qui n'ont pas d'impact réel sur la création d'emplois et qui tendent à accréditer l'idée que les réformes ne sont pas nécessaires.

A cet égard, M. Jean-Pierre Fourcade a précisé que 63 % des emprunts contractés par la France pour financer la dette publique sont souscrits par des non-résidents.

M. Jean-Jacques Jégou a souhaité que les investissements directs étrangers puissent être identifiés par secteurs d'activité concernés, qu'il s'agisse de services, d'industries ou de placements financiers effectués par des fonds de pension. En outre, il s'est interrogé sur le véritable coût du travail en France. Si cet élément demeure important dans le choix des décideurs étrangers, il convient de mieux l'évaluer par comparaison avec les autres pays, en prenant également en compte la compétence de la main d'oeuvre et les infrastructures fournies par les territoires. Il a apporté un éclairage sur la forte implantation des entreprises étrangères dans l'industrie du médicament et a indiqué que celle-ci revendique une fiscalité plus stable et plus adaptée. En effet, de tels investissements s'étalent sur trois à cinq ans alors que, chaque année, de nouvelles dispositions sont adoptées dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale, au risque parfois de supprimer les bénéfices escomptés de l'implantation en France.

M. Marc Massion a noté que le discours sur l'attractivité de la France s'inscrit dans un « grand écart ». D'une part, le Gouvernement se félicite des chiffres très positifs en matière d'accueil des investissements étrangers, alors que, d'autre part, il continue à présenter le maintien de charges sociales à un niveau élevé et les 35 heures comme des freins à la compétitivité du pays. Les bons résultats de la France en matière d'accueil de capitaux étrangers ne signifient pas que l'économie française est plus compétitive que l'économie allemande. En effet, l'Allemagne conserve une balance commerciale excédentaire en dépit d'une faible attractivité à l'égard des capitaux étrangers. Par ailleurs, il a demandé que soit précisée la méthodologie de calcul des emplois créés ou maintenus, donnant en exemple le cas où un investissement direct étranger aurait créé un structure de production de 50 emplois, alors que, parallèlement, le même investisseur aurait supprimé une autre unité qui employait 300 personnes, le solde net s'établissant à 250 postes supprimés nets.

M. Aymeri de Montesquiou a souhaité que les flux d'investissements soient identifiés par catégories afin que la fraction correspondant aux seuls investissements industriels, hors bons du trésor et investissements immobiliers, soit clairement évaluée. Il s'est par ailleurs déclaré surpris que 40 % des exportations soient attribuées à des implantations françaises de groupes étrangers alors qu'il est établi que 80 % des exportations de la France proviennent d'entreprises appartenant à des groupes cotés au CAC 40. Enfin, il s'est interrogé sur l'intérêt qu'aurait l'AFII à approfondir ses relations avec les décideurs politiques locaux qui interviennent dans la définition des offres d'implantation.

M. Jean-Pierre Fourcade a demandé des précisions sur la véritable cause de la perception négative de la fiscalité française, s'interrogeant sur l'impact spécifique de la taxe professionnelle dans le choix des décideurs étrangers. Par ailleurs, il a souhaité que les stratégies des agences régionales de développement, notamment celle d'Ile-de-France, soient plus clairement définies.

M. André Ferrand a relevé que l'étude du Cabinet Ernst & Young ne présente pas un tableau aussi favorable de la compétitivité de la France. Ainsi, le nombre de nouveaux projets a reculé de 3 % alors que l'Allemagne a enregistré 28 % de nouvelles implantations. La contribution à l'emploi des investissements étrangers place le Royaume-Uni en tête avec 20 000 créations d'emplois, la Pologne en seconde position, avec un chiffre de 15 500 et, ensuite, la France avec 13 000 créations. Par ailleurs, il s'est interrogé sur le profil de formation des 70 chargés de missions implantés à l'étranger, considérant que ce critère est fondamental dans la prospection des nouveaux investisseurs. A cet égard, il a indiqué qu'Ubifrance a dû récemment adapter la formation de ses agents aux nouvelles pratiques de la compétition internationale. Revenant sur les mauvais résultats du commerce extérieur, dus à une inadaptation de la production nationale à la demande mondiale, il a souhaité savoir si l'AFII procède à la prospection des marchés nouveaux.

M. Gérard Longuet a souhaité des éclaircissements sur la déontologie à mettre en oeuvre dans les relations qu'entretient l'agence avec les institutions locales de développement dans la mesure où tous les échelons administratifs, qu'ils soient régionaux, départementaux ou municipaux, tendent à intégrer dans leur action des compétences économiques. De plus, cette réflexion doit prendre en compte la part croissante que prennent les cabinets de conseils anglo-saxons dans la localisation des sites d'implantations. Outre une analyse plus fine des investissements étrangers, il a appelé de ses voeux l'élaboration par l'AFII d'un véritable « benchmarking » de l'attractivité des 150 régions européennes.

M. Jean Arthuis, président, s'est félicité que l'AFII mette l'accent sur les investissements étrangers créateurs d'emplois, mais s'est inquiété du devenir des implantations qui, à court et moyen termes, peuvent être délocalisées dans des pays à moindre coût de main-d'oeuvre.

En réponse à l'ensemble des questions posées, M. David Appia a tout d'abord précisé que l'AFII a ouvert un bureau à Abu Dhabi pour étudier précisément les nouvelles pratiques des investisseurs, gestionnaires de fonds souverains. S'agissant du coût du travail, il a considéré que si le bureau international du travail (BIT) estime que la France se situe parmi les pays dans lesquels la main-d'oeuvre est la plus coûteuse, celle-ci se caractérise pourtant par trois éléments positifs : la qualité, la disponibilité et, en particulier, la productivité horaire pour laquelle la France est en troisième position, après la Norvège et les Etats-Unis.

Revenant sur l'industrie pharmaceutique, il a précisé qu'il s'agit d'un secteur particulièrement dynamique et attractif en raison notamment de la taille du marché français et de son système de santé. A ce titre, il a relevé l'attrait tout particulier que revêt le pôle de compétitivité « Lyon biopôle » pour lequel de nouveaux projets d'implantation sont en cours d'étude.

En réponse à M. Marc Massion, il a précisé que le discours de l'AFII doit non seulement présenter sous un jour favorable la compétitivité de la France, mais aussi constamment en défendre l'image, parfois brouillée par certains événements tels que les séquestrations de chefs d'entreprises ou les émeutes dans les banlieues. Toutefois, il a rappelé que les investisseurs fondent leurs choix sur une vision à moyen et long termes - le temps de l'investissement étant un temps long - et que, par conséquent, ces événements sporadiques interviennent pour une moindre part dans la décision d'implantation que les perspectives de réformes économiques et administratives.

M. David Appia a regretté que la mauvaise perception à l'étranger du système fiscal français soit souvent due à des malentendus. Ainsi, le mauvais classement de la France au « tax misery index » édité par le magazine Forbes est lié à une lecture de la valeur faciale des taux d'impositions. Or, si le taux marginal de l'impôt sur les sociétés est élevé, son mode de calcul le situe dans la moyenne internationale.

Développant une analyse comparative de l'attractivité des principaux pays européens, il a indiqué que l'agence consacre un effort tout particulier en direction de l'Allemagne, ce pays étant le premier investisseur européen en France et le deuxième pourvoyeur d'emploi.

Revenant sur le recensement des emplois créés ou maintenus, il a reconnu que la méthodologie employée par l'AFII, identique à celle des agences des principaux pays européens, ne prend pas en compte les suppressions de postes et ne fournit donc pas le nombre des créations nettes d'emplois.

En réponse à M. Aymeri de Montesquiou, il a regretté que la demande tendant à « ventiler » par types d'investissements le montant global des IDE ne puisse être satisfaite pour le moment. En effet, une présentation affinée des IDE nécessite le lancement d'une réflexion commune avec la Banque de France et le ministère des finances, de l'industrie et de l'emploi. Ensuite, s'appuyant sur la propension plus forte des entreprises étrangères à exporter, il a confirmé que la part de 35 % à 40 % que celles-ci prennent dans les exportations françaises ne concerne que les produits manufacturés. A titre d'illustration, il a évoqué le cas de la société Bombardier Transport dont 85 % de la production française est vendue à l'étranger.

En réponse à M. Jean-Pierre Fourcade, M. David Appia a précisé que l'attractivité de la France résulte pour l'investisseur étranger d'une appréciation globale. Ainsi, une éventuelle suppression de la taxe professionnelle, effectivement perçue comme un frein à l'investissement productif, représenterait certes une « bonne nouvelle », mais serait appréciée à l'aune des dispositifs de substitution.

M. Jean Arthuis, président, a souligné la difficulté à convaincre des décideurs étrangers d'engager des investissements industriels qui auraient à subir, au titre de la taxe professionnelle, une charge de production supplémentaire. Il a émis l'hypothèse qu'un changement d'imputation de ce prélèvement, sur les bénéfices et non plus sur l'outil productif, serait un encouragement à l'investissement créateur d'emploi.

M. David Appia a rappelé que les agences régionales de développement sont les interlocuteurs de « premier rang » de l'AFII, en vertu de la loi n°2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, pour élaborer les offres d'implantations, en collaboration avec la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) et la direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE). Il a précisé que ces échanges d'informations demandent à être développés et étendus à tous les acteurs économiques locaux.

En réponse à M. André Ferrand, il a expliqué que la place moins favorable de la France vis-à-vis de l'Allemagne, en progression du nombre de projets d'implantation, résulte de la méthodologie employée par le cabinet Ernst & Young qui ne retient que la provenance des investissements de 57 pays étrangers pour élaborer son « baromètre de l'attractivité de la France ». Celui-ci ne comptabilise donc que 524 projets d'implantation alors que le bilan 2008 dressé par l'AFII retient 641 projets. Néanmoins, l'étude publiée par Ernst & Young place, d'une part, la France au deuxième rang, derrière l'Allemagne et devant le Royaume-Uni, des pays européens qui ont le plus d'atouts pour sortir de la crise, et indique, d'autre part, qu'il s'agit d'un pays perçu comme influent, réactif à la crise et dynamique.

S'agissant du profil des agents de l'AFII, M. David Appia a précisé que le doublement de leur nombre en moins de deux ans rend aujourd'hui nécessaire le lancement d'un plan de formation qui prévoit, notamment, un accueil des chargés d'affaires de nationalités étrangères, au sein des agences régionales de développement, afin d'approfondir leur connaissance de la France. En revanche, il a indiqué que, si le potentiel à l'exportation des investisseurs n'est pas en soi un critère de sélection, les décisions d'implantation en France sont souvent motivées par la situation centrale du territoire national au sein de l'Europe occidentale.

En réponse à M. Gérard Longuet, il a confirmé que la relation de travail instituée avec les agences régionales de développement n'est pas exclusive. En particulier, la déontologie de coopération locale de l'AFII inclut les organismes départementaux et, le cas échéant, municipaux. En outre, le « club AFII » réunit une quinzaine de sociétés (banques, cabinets de conseil) afin de mutualiser les retours d'expériences. Plusieurs axes de développement de partenariats sont explorés en direction des chambres de commerce françaises à l'étranger et du réseau des conseillers du commerce extérieur.

M. David Appia a indiqué qu'il ne dispose pas de l'instrument d'étalonnage concurrentiel (« benchmarking ») européen évoqué par M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet a souligné toute l'importance de disposer d'informations fiables sur les offres élaborées par les autres régions européennes qui, parfois, s'appuient sur des études comparatives, mais ne négligent pas, dans certains cas, des éléments de désinformation pour emporter la décision des investisseurs. Ce contexte de concurrence européenne accrue doit inciter l'AFII à élaborer une base d'analyse comparative à l'échelle européenne.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, M. David Appia a indiqué que l'AFII s'engagera dans un processus de vérification a posteriori de l'évolution de l'emploi des projets engagés depuis trois à quatre ans afin, notamment, de mesurer la pérennité des opérations de rachat ou d'extension de sites. Il a reconnu que même si le haut niveau des investissements directs étrangers ne suffit pas, à lui seul, à décrire la bonne santé économique d'un pays, il apparaît important de dissocier les débats internes de la communication internationale qui doit s'attacher à présenter la France sous son meilleur jour.

M. Jean Arthuis s'est félicité de l'orientation retenue par l'AFII, considérant que la véritable portée des investissements étrangers doit se mesurer en termes d'emplois créés. Il a exprimé la conviction que les investissements réellement productifs ne représentent que quelques milliards de dollars, parmi les 114 milliards d'investissement directs étrangers comptabilisés par la CNUCED. Il s'est élevé contre un excès de communication sur des chiffres qui ne correspondent pas à une contribution effective à l'emploi, et qui aurait pour effet de conforter les conservatismes.