Mardi 6 novembre 2012

- Présidence de M. Philippe Marini, président, puis de Mme Frédérique Espagnac, vice-présidente, puis de Mme Michèle André, vice-présidente -

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 - Examen du rapport pour avis

La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 103 (2012-2013), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2013.

M. Philippe Marini, président. - Ce rapport pour avis est d'une grande importance, compte tenu du poids financier et des enjeux attachés aux lois de financement de la sécurité sociale (LFSS).

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - Quel est l'état des lieux ? Le déficit cumulé des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui avait atteint le niveau historique de 29,6 milliards d'euros en 2010, a été ramené à 22,6 milliards d'euros en 2011. Le solde prévisionnel pour 2012 établi par la Commission des comptes de la sécurité sociale tient compte des effets de la loi de finances rectificative (LFR) adoptée en juillet dernier ; le solde tendanciel pour 2013 simule ses effets en année pleine. Dans les deux cas, ils traduisent une situation encore très dégradée, puisque le déficit avoisinera les 20 milliards d'euros - 19,3 milliards d'euros en 2012 et 22,3 milliards d'euros en 2013.

Les régimes autres que le régime général, qui relèvent également du champ des LFSS, sont dans une situation tout aussi détériorée. La Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), d'une part, voit son déficit, apparu en 2010, augmenter de 767 millions d'euros en 2012 à 1,25 milliard d'euros en 2013 ; d'autre part, le déficit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), également apparu en 2010, doublera presque pour atteindre 220 millions d'euros l'année prochaine. Hors champ des LFSS, le déficit des régimes complémentaires obligatoires de retraite (AGIRC et ARRCO), avant prélèvement sur leurs réserves, augmentera pour se situer dans une fourchette comprise entre 3,5 et 4 milliards d'euros. Quant au déficit de l'Unédic, il devrait se dégrader fortement pour atteindre 3 milliards d'euros en 2012.

Le déficit cumulé depuis dix ans du régime général et du FSV s'élève à 160 milliards d'euros : 70 milliards entre 2002 et 2008, puis 90 milliards sur la période 2009-2012. Le décrochage semble dû à la crise : en réalité, même avant celle-ci, la situation financière des régimes de sécurité sociale était préoccupante puisque leur déficit moyen avoisinait les 10 milliards d'euros par an.

Les mesures adoptées dans le cadre de la loi de finances rectificative d'août dernier représentent 1,6 milliard d'euros. Destinées à corriger le dérapage de 2 milliards d'euros signalé par la Commission des comptes de la sécurité sociale par rapport au solde prévisionnel de la LFSS pour 2012, elles comprenaient notamment une hausse du forfait social et le relèvement de 2 points du prélèvement social sur les revenus du patrimoine. S'y ajoutaient 200 millions d'euros de hausse des cotisations patronales et salariales par voie réglementaire, destinés à financer l'élargissement du dispositif « carrière longue ». En année pleine, les dispositions législatives devraient rapporter un peu plus de 4 milliards d'euros en 2013, et la hausse des cotisations légèrement moins d'un milliard. Grâce à ces mesures nouvelles, l'objectif de solde fixé par la loi de financement pour 2012 sera respecté.

Le PLFSS pour 2013 prévoit 3,4 milliards d'euros d'efforts en recettes et 2,2  milliards d'euros en dépenses. Le solde prévisionnel du régime général et du FSV serait ainsi ramené de 19,7 milliards d'euros, son tendanciel, à 14 milliards d'euros. Un effort considérable est en particulier fourni par les travailleurs indépendants. Le déplafonnement de leurs cotisations maladie s'accompagnant d'une « ristourne » pour les revenus les plus faibles, 850 000 indépendants paieront davantage et 450 000 paieront moins qu'actuellement, pour un rendement de près d'un milliard d'euros. En outre, l'assiette de la taxe sur les salaires est élargie et une nouvelle tranche créée pour toucher davantage le secteur financier ; une contribution additionnelle de solidarité sur les pensions de retraite est introduite, que l'Assemblée nationale a amendée pour n'y assujettir que les retraités imposés au taux maximum de CSG de 6,6 % ; la fiscalité comportementale sur le tabac et l'alcool est renforcée.

M. Roger Karoutchi. - La bière...

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - Cinq centimes sur le demi... De plus, l'Assemblée nationale a exonéré les petits brasseurs, dont la production n'excède pas 200 000 hectolitres par an. En outre, s'agissant de la CNRACL et de la CNAVPL, il est prévu d'augmenter le taux des cotisations patronales par voie réglementaire.

Les efforts en dépenses portent essentiellement sur la branche maladie. 2,4 milliards d'euros d'économies sont réalisées sur l'ensemble des régimes obligatoires de base, dont 2 milliards sur le seul régime général. L'évolution de l'ONDAM, tendanciellement de 4,1 %, est ramenée à 2,7 % grâce à une série de mesures portant sur les soins de ville ainsi que sur le secteur hospitalier. Dans la première catégorie, les mesures d'efficience (baisse des tarifs de certaines spécialités médicales, mesures relatives au transport des patients), les mesures sur les produits de santé et le renforcement de la lutte contre la fraude rapporteront ensemble 1,7 milliard d'euros ; dans le secteur hospitalier, 657 millions d'euros seront dégagés grâce au renforcement de l'efficience interne des établissements (rationalisation de leur politique d'achat et des pharmacies hospitalières), aux mesures relatives aux produits de santé et à l'amélioration de la prise en charge.

Qu'en sera-t-il après 2013 ? La trajectoire de redressement que le Gouvernement s'est imposée, suppose remplies certaines hypothèses, identiques à celles qui ont servi à l'élaboration du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 : sur la base d'une croissance du PIB de 0,8 % en 2013 puis de 2 % les années suivantes, et d'une croissance de la masse salariale de 2,3 % en 2013 puis de 4 %, les dépenses des régimes obligatoires de base devraient passer de 454 milliards d'euros en 2012 à 530 milliards d'euros environ en 2017, et leur solde être alors ramené à quelque 9 milliards d'euros contre 15,2 milliards en 2012.

Nous avons reconstitué l'évolution tendancielle du solde des régimes obligatoires de base. Si l'on prend pour hypothèse une croissance des dépenses en volume de 1,8 % et une élasticité des recettes à la croissance du PIB de 0,9 % en valeur, le déficit évoluerait spontanément vers 30 milliards d'euros à l'horizon 2017. Deux éléments rendent crédible la trajectoire retenue par le Gouvernement : d'une part, le respect de l'ONDAM de 2,6 % l'année prochaine puis de 2,5 % ensuite permettrait une dizaine de milliards d'euros d'économies à l'échéance 2017 ; d'autre part, l'évolution tendancielle des mesures en recettes adoptées dans le cadre de la LFR de juillet 2012 et de celles prévues dans la présente loi de financement laisse entrevoir un rendement de près de 9 milliards d'euros en 2017. Additionnées, ces mesures en recettes et en dépenses correspondent bien à la différence entre l'objectif de solde retenu dans la programmation pluriannuelle et le solde tendanciel des régimes obligatoires de base à l'horizon 2017, soit près de 19 milliards d'euros.

Que se passerait-il si les hypothèses de croissance n'étaient pas réalisées ? Nous avons simulé un scenario gris de persistance de la crise économique dans lequel la croissance n'est que de 1,5 % par an à partir de 2014, et un scenario plutôt rose de rattrapage rapide caractérisé par une croissance de 2,5 % par an. L'écart entre les soldes obtenus s'élève à 9 milliards d'euros : c'est le montant de l'effort supplémentaire nécessaire pour atteindre les objectifs fixés pour 2017 si le scenario pessimiste se réalise, ou, dans l'autre cas, le signe que l'effort à consentir pour atteindre ces objectifs sera allégé d'autant. Par ailleurs, en cas de croissance favorable, les mesures de recettes prévues pour 2013 permettront un retour à l'équilibre des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale en 2017.

Comment financer les nouvelles reprises de dette par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) ? Le schéma de reprise de dette décidée en 2010 prévoyait, d'une part, la reprise des déficits 2009 et 2010 du régime général et du FSV et 2011 des branches « Maladie » et « Famille » dans la limite de 68 milliards d'euros et, d'autre part, la reprise des déficits à venir (2011 à 2018) de la branche « Vieillesse » dans la limite de 62 milliards d'euros sur la période et de 10 milliards d'euros par an. En revanche, la question du déficit des autres branches « Maladie » et « Famille » 2012 à 2017 n'est pas tranchée. Je rappelle que tout transfert de dette nouvelle à la CADES doit s'accompagner de ressources complémentaires.

Ensuite, quel mode de financement choisir pour notre système de protection sociale ? La réflexion sur ce sujet a été amorcée par le Haut conseil du financement de la protection sociale. J'ignore ce que le rapport de Louis Gallois proposera à cet égard.

Enfin, quelles réformes apporter à chacun des risques de la sécurité sociale ? Un certain nombre d'organismes doivent se réunir prochainement et formuler des propositions.

M. Joël Bourdin. - Quand aurons-nous le détail des mesures concernant les régimes autres que le régime général, notamment le régime agricole ?

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - L'ensemble des régimes obligatoires de base, dont le régime agricole, relève du champ des lois de financement de la sécurité sociale.

M. Philippe Marini, président. - Je ne résisterai pas à la tentation de vous demander si les annonces de ce matin modifient substantiellement les chiffres que vous avez présentés.

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - Je n'en ai pas eu connaissance.

M. Philippe Marini, président. - Nous en sommes tous au même point, mis à part les journalistes d'un excellent quotidien du soir...

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - J'ai cru comprendre que ces annonces concernaient davantage la fiscalité des entreprises.

M. Philippe Marini, président. - Nous entendrons demain M. Gallois. Nous pourrons alors nous faire une idée à ce sujet.

M. François Trucy. - Mes compliments au rapporteur pour avis de la qualité de sa présentation, même si beaucoup des prévisions qu'il analyse sont trop optimistes. L'ONDAM est porté à 2,7 % : avez-vous des exemples des mesures d'économies ainsi réalisées ? Tant pour les soins de ville que dans le secteur hospitalier, public et privé confondus, en quoi consistent les mesures d'efficience annoncées ?

M. Serge Dassault. - Prévoir une croissance de 2,5 % par an pendant cinq ans, c'est croire au Père Noël. La situation ne va pas s'arranger.

La CADES est un fourre-tout. Les déficits accumulés sont de plus en plus colossaux, et il est illusoire de croire qu'on les remboursera. Les 35 heures ne permettent pas seulement de travailler moins, elles coûtent aussi à l'État 21 milliards d'euros. Quel est votre avis sur la CADES ?

M. Éric Doligé. - Les évolutions tendancielles prennent-elles en compte un éventuel changement d'âge de la retraite ? En outre, il est sans doute trop tôt pour s'interroger sur les conséquences du rapport Gallois, même si vous l'avez mentionné.

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - Pour mémoire seulement !

M. Éric Doligé. - Enfin, où en est la réflexion sur l'allocation personnalisée pour l'autonomie (APA), en partie financée par les départements ? L'échéance de 2014 est-elle maintenue ?

M. Albéric de Montgolfier. - Pouvez-nous donner des précisions sur le régime social des travailleurs indépendants ? Le nombre de personnes dont les cotisations augmenteront égalerait quasiment le nombre de bénéficiaires de la mesure...

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - Non, 850 000 paieront davantage, 450 000 paieront moins.

M. Albéric de Montgolfier. - L'augmentation de cotisation ne profitera-t-elle qu'au régime des travailleurs indépendants ?

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - Pour sa majeure partie.

M. Albéric de Montgolfier. - Qu'implique le relèvement des bornes législatives de la contribution tarifaire d'acheminement ? S'agit-il d'une contribution destinée à financer le régime spécial des anciens agents des industries électriques et gazières ?

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - C'est exactement cela.

M. Albéric de Montgolfier. - Cela signifie que l'ensemble des salariés vont payer pour financer les retraites des électriciens et des gaziers ?

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - Oui, le dispositif avait été créé par la loi 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. Il représente 160 millions d'euros, de mémoire.

M. Roland du Luart. - Je félicite le rapporteur pour avis pour la clarté de son exposé. La crédibilité des mesures d'économies repose sur un ONDAM à 2,7 %. Où trouve-t-on les 314 millions de mesures de renforcement de l'efficience interne des établissements hospitaliers ? Tous sont en très grande difficulté et doivent faire face à un effet de ciseau dramatique entre la hausse de leur masse salariale et la baisse de leurs dotations.

M. Jean Arthuis. - Puisque le rapporteur nous apporte la lumière, voici un quatrième élément de réflexion : la durée du temps de travail dans le secteur sanitaire et social.

J'attire votre attention sur l'adéquation entre l'offre et la demande de compétences. En effet, je constate dans mon département un développement significatif de prestations de services internationales, qui se traduit par l'emploi d'un nombre croissant d'agents étrangers et par la substitution d'entreprises européennes aux agents français. Cette situation n'est pas neutre pour le budget de la sécurité sociale. Des réformes structurelles de compétitivité doivent enrayer une évolution préoccupante, repérable dans la location à l'année de gîtes ruraux par des sociétés, notamment polonaises et d'Europe centrale.

M. Philippe Marini, président. - ...grâce à des sites Internet opportunément localisés...

M. Jean Arthuis. - Ne tardons pas à mettre en oeuvre le choc de compétitivité préconisé par Louis Gallois.

M. Vincent Delahaye. - Les mesures que vous avez exposées ne sont pas à la hauteur des problèmes que nous rencontrons. Pourquoi n'y a-t-il rien sur les régimes spéciaux de retraite ? On fait contribuer les travailleurs indépendants, les employeurs particuliers, le secteur financier, les élus locaux et les collectivités locales - la cotisation à la CNRACL ne me semble d'ailleurs pas du tout justifiée. Pendant ce temps, les régimes spéciaux sont occultés. On nous dit que le problème sera abordé en 2013, j'espère que ce sera le cas. Ces régimes nous coûtent très cher, pourquoi subsistent-ils ?

M. François Marc, rapporteur général. - Le déficit cumulé ces dernières années a suivi trois grandes étapes. Entre 1999 et 2001, la situation est plutôt satisfaisante ; entre 2002 et 2008, le déficit cumulé atteint 70 milliards d'euros ; ces quatre dernières années enfin, son augmentation est importante. Quels sont les déterminants de ces évolutions ? La dégradation observée en 2009 est certainement liée à la crise. Y a-t-il une corrélation certaine avec la croissance économique et quels sont les autres déterminants ? Le taux de croissance n'était pas significativement différent de 2001 à 2008 et sur la période 2009-2012. Dès lors, pourquoi ne pas avoir anticipé la situation ?

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - Entre 2002 et 2008, la croissance n'était certes pas considérable, mais elle s'est maintenue. Et pourtant, le déficit s'est élevé à 10 milliards d'euros par an en moyenne. Le solde des régimes de sécurité sociale est donc sensible à la croissance, à l'emploi, à l'évolution de la masse salariale, mais aussi à des déterminants structurels. Ceux-ci proviennent principalement du fonctionnement de l'assurance maladie, l'ONDAM ayant été dépassé pendant de nombreuses années, avant d'être mieux maîtrisé depuis 2010. Cet effort très récent, doit être maintenu, sous peine de nous exposer à des surprises désagréables.

La CADES a repris une dette dont le montant cumulé depuis 1996 atteindra 217 milliards d'euros l'année prochaine. Heureusement, 84 milliards d'euros ont déjà été amortis. Il reste 132 milliards d'euros. Sa durée de vie a été bornée par le législateur à l'année 2024, ce qui est peu raisonnable. Nous savons qu'il faudra lui transférer les déficits de la période 2012-2018 hors branche vieillesse et FSV, pour lesquels la loi ne dit pas quand ni comment ils seront repris par la CADES. Des ressources supplémentaires pour amortir cette dette nouvelle seront nécessaires.

Les projections que j'ai exposées sont faites à législation constante. Cela dit, le conseil d'orientation des retraites (COR) se réunira bientôt et publiera ses observations au mois de janvier. Nous savons déjà que les hypothèses macroéconomiques retenues par la dernière réforme des retraites étaient trop optimistes. Le COR reviendra sur celles-ci.

Du rapport Gallois, je n'ai entendu que des commentaires de presse. J'ignore par conséquent l'impact qu'il pourrait avoir sur la loi de financement.

La réforme de l'APA reste à venir. J'ignore si l'échéance de 2014 sera maintenue. Certaines mesures ont déjà été prises : j'ai entendu que le Gouvernement allait débloquer 170 millions d'euros pour les départements en difficulté ; le PLFSS créé une contribution à laquelle seront assujettis les retraités qui supportent le taux de CSG le plus élevé. Cette contribution sera affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

Le PLFSS ne prévoit ni déremboursements, ni franchises. Les 400 millions d'euros qui résultent de la fixation de l'évolution de l'ONDAM à 2,7 % au lieu de 2,5 %, iront à l'investissement hospitalier ainsi qu'à la médicalisation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et au plan Alzheimer. Le détail des économies donne souvent lieu, de la part du ministère de la santé, à l'utilisation d'un jargon abscons. On comprend toutefois qu'en matière de soins de ville, les mesures d'économies sur les produits de santé représentent 876 millions d'euros, dont 600 millions d'euros de baisses de prix de médicaments et de dispositifs médicaux ; dans le secteur hospitalier, les mesures annoncées prévoient la réorganisation de la politique d'achat des établissements et la rationalisation de leurs pharmacies à hauteur, respectivement, de 250 millions d'euros et 60 millions d'euros.

La question soulevée par Jean Arthuis pourrait être traitée à l'occasion des travaux qui seront menés par le Haut conseil pour l'assurance maladie, par exemple.

M. Delahaye le sait bien, la réforme des régimes spéciaux est délicate. Le débat relève davantage de la mission budgétaire « Régimes sociaux et de retraite » de notre collègue Francis Delattre, qui retrace les subventions d'équilibre versées par l'Etat à ces régimes.

M. Philippe Marini, président. - Proposez-vous des amendements ? 

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - Après mûre réflexion, non.

M. Philippe Marini, président. - L'expérience montre que c'est prudent. Quel est votre avis sur le texte ?

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. - Vous n'en serez pas étonné, il est favorable.

La commission des finances émet un avis favorable à l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, par 21 voix pour, 19 voix contre et 2 abstentions, après prise en compte des délégations de vote.

Loi de finances pour 2013 - Mission « Immigration, asile et intégration » - Examen du rapport spécial

Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, sur la mission « Immigration, asile et intégration ».

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. - Avant d'en venir à l'examen du projet lui-même, je voudrais faire deux remarques liminaires. La première est que je suis assez embarrassé par ce projet de budget, parce qu'il est examiné alors que de fortes incertitudes existent sur l'évolution de l'asile et des naturalisations notamment. Beaucoup d'annonces sont faites, mais qui n'ont pas de traduction budgétaire immédiate dans le budget qui nous est proposé.

La seconde remarque liminaire a trait au maintien d'une mission spécifique, dédiée à l'immigration, l'asile et l'intégration, ce dont nous devons tous nous féliciter. Cela permet en effet un suivi unique, global et pluriannuel, de cette politique. Mieux encore, est conservé le pilotage unique de la mission par le Secrétariat général à l'immigration et à l'intégration, désormais placé sous l'autorité du ministre de l'intérieur.

J'en viens maintenant au projet de budget lui-même. Tout d'abord, le projet de loi de finances pour 2013 est marqué par une forte hausse des crédits de la mission « Immigration ». En effet, ces dotations augmentent globalement de 13 % par rapport à 2012, et atteignent 670 millions d'euros en crédits de paiement, contre 593,5 millions d'euros en 2012. Pourtant, l'année 2012 avait elle-même vu une forte augmentation des dotations initiales : sur deux ans, la hausse s'établit, à périmètre constant, à plus de 30 % ! Cette augmentation est prise en compte dans le plafond de la loi de programmation triennale pour 2013-2015.

En réalité, l'augmentation des crédits est portée par une seule action : les dépenses liées à l'asile, c'est-à-dire le traitement des demandes et le soutien aux demandeurs d'asile. Ces dépenses représentent désormais 75 % des dépenses totales de la mission.

Je l'avais dit lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, l'an passé : les crédits étaient insuffisants sur cette action. En particulier, il semblait nécessaire d'avoir davantage de places en centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) et d'améliorer les délais de traitement des demandes d'asile, qui s'étaient considérablement allongés, auprès de l'office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA). De même, les crédits proposés pour l'hébergement d'urgence et l'allocation temporaire d'attente (ATA) étaient insuffisants pour faire face à la demande croissante.

C'est pourquoi le projet de budget propose une augmentation des crédits sur l'ensemble de ces actions. On augmente de mille places le parc en CADA, qui atteint ainsi 22 410 unités, ce qui est une bonne chose. On accroît également, en parallèle, les crédits de l'hébergement d'urgence, qui augmentent de 37 % ; pour l'ATA, l'augmentation est de 56 % par rapport à 2012.

Pour autant, en considération du nombre de demandeurs d'asile, il n'est pas dit que cette majoration des crédits soit suffisante. Il faut prendre en compte la légère hausse, de l'ordre de 2 % en 2012, par rapport aux 58 000 demandes en 2011 - par définition, la hausse en 2013 est inconnue. En tout état de cause, face à cette progression des demandes d'asile, je pense qu'il conviendrait, au-delà des clivages politiques, d'opérer une redéfinition de ce qu'est la demande d'asile, car certains requérants proviennent de pays dont la situation politique ne justifie pas nécessairement l'octroi du statut de réfugié.

Il convient par ailleurs de prendre en compte deux éléments. D'une part, le retrait de deux pays de la liste des pays d'origine sûrs, l'Albanie et le Kosovo, pourrait allonger les délais de traitements. D'autre part, une décision de la Cour de justice de l'Union européenne, en date du 27 septembre 2012, oblige la France à verser l'ATA aux demandeurs d'asile dit « Dublinés », c'est-à-dire ceux qui sont renvoyés par la France à un autre État membre. Cela représente une dépense supplémentaire estimée à 4 millions d'euros.

A coté de cette hausse conséquente des dépenses d'asile, toutes les autres actions de la mission sont en baisse.

Tout d'abord, la lutte contre l'immigration irrégulière, qui ne disposait certes pas de crédits très importants, connaît une baisse de 11 % par rapport à 2012. Cette contraction est portée principalement par les frais des centres de rétention administrative, dont le taux d'occupation est, en effet, très faible : plus de 80 % en Ile de France, mais beaucoup moins partout ailleurs. La baisse concerne aussi les frais d'éloignement des migrants, ce qui n'est pas cohérent avec les déclarations du ministre selon lesquelles le Gouvernement compte poursuivre la politique de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière.

Deuxième et principale source de préoccupation : les crédits destinés aux actions d'intégration sont en baisse significative, de 7,5 % soit 5 millions d'euros. J'ai présenté, il y a quelques jours, un rapport de contrôle sur l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Tous les sénateurs présents étaient d'accord avec la conclusion selon laquelle il est nécessaire de renforcer le format et d'accroître les moyens des actions d'intégration menées par l'OFII. C'est notamment le cas pour la formation linguistique, où le niveau visé par les cours de langue - mais non exigé, puisqu'il n'existe pas une obligation d'obtenir le niveau en question - est le niveau A1.1 du cadre européen de référence, soit un niveau de fin de maternelle. Le rapport préconisait de relever progressivement ce niveau à A2 ou B1, comme c'est le cas chez nos principaux partenaires, notamment en Allemagne. De même la formation civique, qui s'effectue sur une seule journée, est insuffisante. Il y a donc un constat partagé d'une nécessité d'allouer des moyens supplémentaires pour permettre une vraie intégration des étrangers.

Pourtant, ce budget prévoit la diminution non seulement de la subvention de l'État, de l'ordre de 1,7 millions d'euros, mais aussi de son plafond d'emplois (-15 ETPT) et du plafond des taxes affectées pour 10 millions d'euros supplémentaires dans le cadre de l'article 26 de la première partie. Ce n'est pas un bon signal pour la politique d'intégration française. C'est pourquoi je propose un amendement à cet article pour limiter la baisse du plafond des taxes affectée à l'OFII.

Dernier sujet : les naturalisations. Le ministre de l'intérieur a annoncé une révision de la politique d'accès à la nationalité française, afin de revenir au nombre de 100 000 naturalisations par an, contre 66 000 en 2011 mais environ 90 000 les années précédentes. L'objectif en lui-même n'est pas en cause, mais il pose deux questions. Tout d'abord, la sous-direction des naturalisations, dont les crédits sont en baisse, saura-t-elle y faire face ? Je reste en effet sceptique quant à l'idée selon laquelle l'augmentation du nombre de naturalisations n'impacterait pas les charges de fonctionnement de l'administration en question. Par ailleurs, il y a un manque de cohérence à vouloir à la fois une augmentation du nombre de naturalisations et une réduction des crédits destinés à l'intégration des étrangers, qui en est le préalable.

Sous le bénéfice de ces observations, et à condition que mon amendement à l'article 26 soit adopté, je vous propose de voter les crédits de la mission. Si, en revanche, la baisse des crédits d'intégration est maintenue, je ne voterai pas, personnellement, ces crédits, car c'est une erreur de faire un effort sur l'asile mais non sur l'intégration.

M. Philippe Marini, président. - L'amendement que vous proposez est à l'article 26, c'est-à-dire en première partie du projet de loi de finances.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. - En effet. Il s'agit de limiter la baisse du plafond de taxes affectées à l'OFII. Au-delà des clivages politiques, on ne peut pas découpler le soutien aux demandes d'asile et le traitement des naturalisations d'un côté, et les moyens donnés à l'opérateur en charge de l'intégration, de l'autre côté. Sans les moyens, l'OFII fera encore moins de formation linguistique, encore moins de formation civique, à tel point que l'utilité même de ce parcours d'intégration sera remise en cause.

M. François Marc, rapporteur général. - L'amendement du rapporteur spécial représenterait une perte de recettes pour l'État entre 2 et 3 millions d'euros. Dans le contexte budgétaire actuel, ce n'est pas rien. Nous l'étudierons donc attentivement dans le cadre de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, mais je ne peux pas m'engager aujourd'hui.

Mme Hélène Lipietz, rapporteure pour avis de la commission des lois. - Au cours des auditions effectuées, j'ai été particulièrement frappée par les coûts induits par les refus de naturalisation et de régularisation. En effet, cela augmente le nombre de dossiers devant les tribunaux administratifs, qui font face à un problème général de surcharge. Il faudrait également prendre en compte les dépenses en matière d'escorte policière. Ce sont là des dépenses réelles, qui ne sont pas visibles dans le bleu budgétaire. Il convient donc de tenir compte de l'ensemble de ces coûts liés à une politique restrictive d'accès aux titres de séjour. Comme l'indique le rapporteur spécial, c'est un budget qui s'inscrit dans une politique en mal d'orientation, alors que les annonces n'ont pas encore permis d'engager les réformes, notamment celle du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. Serge Dassault- Je souhaiterais que soient redéfinis les objectifs en matière d'immigration : qu'est-ce que le droit d'asile ? qu'est-ce qu'un migrant en situation irrégulière ? quelle politique doit-on avoir s'agissant des populations Roms ? Dans le contexte budgétaire actuel, nous n'avons plus les moyens d'accueillir les personnes concernées dans les mêmes proportions, sauf lorsqu'il s'agit, bien sûr, de techniciens ou de main d'oeuvre qualifiée. Je ne dis pas qu'il faille réduire ce budget, mais il faut réfléchir à la politique d'immigration que nous voulons et pouvons avoir avec nos moyens budgétaires limités.

M. Jean Arthuis. - Ma question porte sur la situation des étrangers mineurs isolés. Ces derniers, qui sont de plus en plus nombreux, sont confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE) des conseils généraux. L'une des difficultés est de déterminer l'âge véritable de ces personnes, qui affirment généralement avoir 17 ans ; les radiologies parfois pratiquées semblent indiquer qu'ils sont, souvent, plus âgés que ce qu'ils prétendent, mais, au bénéfice du doute, ils sont confiés à l'ASE et placés dans des foyers pour mineurs, dans des conditions contestables et préjudiciables. J'aimerais que l'on dépose un amendement, au moins d'appel, pour aborder la question de la prise en charge et de l'orientation des étrangers mineurs isolés.

M. Charles Guené. - Dans le cadre du programme n° 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives », je constate qu'une partie des crédits est réservée au traitement de la demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Il semble que l'augmentation des crédits et des effectifs ces dernières années ait permis de réduire les délais de traitement, qui sont passés d'environ 15 mois en 2010 à environ 7 mois en 2011. Selon les magistrats administratifs, le goulot d'étranglement se situe au niveau des avocats, qui, en nombre trop restreint, ne peuvent assister à toutes les audiences. Avec un million d'euros supplémentaire sur les UV des avocats, on estime que l'on pourrait gagner un mois de délai de traitement, soit une économie globale de 15 millions d'euros. On le voit, trois budgets sont concernés par cette problématique (Justice, Conseil d'État et Immigration), et il serait utile de croiser nos analyses.

Mme Michèle André. - Lors de l'examen du rapport de contrôle budgétaire du rapporteur spécial, nous avions en effet posé la question des missions de l'OFII. S'agissant de votre amendement, je pense qu'il serait utile d'attendre le résultat de ces réflexions et de redéfinir le champ de compétences de l'OFII, avant d'envisager une modification de ses ressources.

S'agissant des naturalisations, nous sommes saisis dans nos circonscriptions de cas de refus de dossiers qui posent question, par exemple de personnes nées en Algérie dont toute la famille a obtenu la nationalité française. Je pense que ces dossiers, avec les recours engagés devant les tribunaux, pèsent sur les coûts de la mission. Par ailleurs, comme le rapporteur spécial l'a souligné, l'accueil des demandeurs d'asile avait besoin de crédits supplémentaires, et il n'est pas utile d'accompagner cette discussion d'amalgames sur la situation des immigrés. S'agissant des mineurs isolés, c'est un sujet qui est présent depuis près de dix ans, et qui s'est peut-être récemment amplifié.

M. Richard Yung. - Je partage la position de Michèle André sur la nécessité d'avoir une politique d'asile. Sans rappeler la tradition française de l'asile, il est normal qu'un pays comme la France accueille des demandeurs d'asile dans une telle situation. Il ne s'agit pas d'une quelconque « invasion ».

25 postes sont créés dans le réseau consulaire pour la délivrance des visas. A-t-on chiffré l'impact de ces créations en termes de produit des taxes pour l'OFII et l'État ?

Par ailleurs, les prestations fournies par les associations dans les centres de rétention administratives (CRA) font l'objet depuis peu d'une mise en concurrence. Quel est l'impact de cette évolution pour les finances publiques ?

Enfin, s'agissant des taxes affectées à l'OFII, j'ai déjà eu l'occasion de dire que je suis opposé, pour des raisons de principe, à leur augmentation, d'autant plus que certaines sont déjà très élevées, de l'ordre de plusieurs centaines d'euros, alors qu'elles s'appliquent à un public plutôt démuni. Dans votre amendement, vous visez deux taxes : la taxe de primo-délivrance, à l'augmentation de laquelle je suis opposé, et la taxe acquittée par les employeurs, pour laquelle on peut en effet réfléchir à une hausse, puisqu'elle n'est pas payée par ce public défavorisé.

M. Philippe Marini, président. - Pour la clarté du débat, j'attire l'attention sur le fait que l'amendement du rapporteur spécial à l'article 26 ne consiste pas en une augmentation des taxes, mais en une modification de l'affectation de leur produit. Il s'agit de réserver leur produit à l'OFII.

M. Éric Doligé. - Je voudrais revenir sur le problème des mineurs étrangers isolés. On constate une réelle augmentation du nombre de cas : dans le département du Loiret, ils étaient 30 en 2011, mais 170 aujourd'hui, soit un coût de près de 7 millions d'euros pour l'ASE. En matière d'assurance maladie, ils sont certes couverts par la CMU, mais ce sont le plus souvent les départements qui assurent le financement durant les premiers mois. Je rappelle que Claude Bartolone, alors président de conseil général, avait indiqué à Michel Mercier, alors ministre de la Justice, que la prise en charge de ces mineurs relevait de sa responsabilité. De plus, leur âge exact n'étant pas connu, ces mineurs restent souvent dans le dispositif ASE au-delà de leur majorité. Enfin, certains départements, n'ayant pas la possibilité matérielle de les accueillir, placent des mineurs isolés auprès des structures des départements voisins, ce qui représente non seulement une charge supplémentaire, mais aussi une responsabilité pour ces derniers. Il s'agit de sommes considérables pour certains conseils généraux : il convient donc de définir des systèmes de répartition ou de péréquation entre les départements.

M. Albéric de Montgolfier. - Lors d'une rencontre des présidents de conseils généraux avec l'État, il a été reconnu que la prise en charge des mineurs étrangers isolés était une mission nationale. Elle devrait donc être rattachée à la mission « Immigration ». En conséquence, je demande au rapporteur spécial d'évoquer cette question en séance, et me rallie à la proposition de Jean Arthuis que soit déposé un amendement d'appel à ce sujet.

Mme Marie-France Beaufils. - La question des mineurs étrangers n'est pas un sujet nouveau. Par exemple, en Indre-et-Loire, il existe un site de la mairie de Paris pour accueillir les mineurs étrangers, qui, souvent, sont ensuite recueillis par le département à la majorité et au-delà. Peut-être le phénomène a-t-il cependant pris de l'ampleur récemment, avec des mineurs qui viennent de pays en guerre, notamment du Sud de la Méditerranée, mais aussi d'Europe, d'Espagne, de Grèce ou du Portugal, en raison de la situation économique.

S'agissant des recours, je constate que leur nombre, pour les décisions d'asile et de régularisation, augmente : il convient de veiller à ce que la réduction des délais de traitement ne se fasse pas au prix de la qualité et du soin apporté aux décisions en première instance. Il convient donc que les personnels chargés du suivi de ces dossiers soient correctement formés pour les instruire au mieux ; cela nous permettrait d'accélérer la résolution de situations difficiles, et d'économiser sur certaines dépenses.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. - En réponse à Hélène Lipietz et à Charles Guené, je voudrais souligner qu'il y a, en effet, beaucoup de dépenses réalisées dans le cadre de la politique d'immigration et non retracées par la présente mission : les forces de police dédiées, les magistrats, etc. S'agissant des délais, en effet, toute réduction d'un mois en moyenne du délai de traitement permet d'économiser globalement 15 millions d'euros sur les dispositifs de soutien aux demandeurs d'asile. Pour l'OFPRA, le délai est encore, en moyenne, de 179 jours à la mi-2012. Il y a un effort indéniable à faire sur ce poste, et nous pourrons en mesurer l'efficacité à long terme, en fonction de l'évolution de la demande d'asile.

S'agissant des mineurs isolés, je suis prêt à évoquer la question en séance, voire à déposer un amendement d'appel, par exemple pour demander un système de péréquation entre les départements. C'est un sujet qui est évoqué depuis plusieurs années mais qui n'a pas été traité, expliquant les disparités de situations entre les départements.

S'agissant de l'OFII, Michèle André conseille d'attendre la redéfinition des missions de l'opérateur. Il ne s'agit pas pour nous d'augmenter les taxes, mais de faire en sorte qu'une plus grande partie de leur produit aille vers l'intégration. Je considère que ce serait un mauvais signal si, en attendant une redéfinition des missions et du niveau des prestations de l'opérateur, on réduisait son budget et ses moyens d'intervention.

Enfin, concernant les recours formés contre les décisions d'asile ou de titres de séjour, il n'y aura réduction des coûts que s'il y a diminution du nombre de demandes d'asile, mais il y a sans doute des efforts à faire en matière de présence des avocats.

M. Philippe Marini. - Si vous en êtes d'accord, et avec l'accord du rapporteur général, je propose donc de réserver l'avis de la commission sur les crédits de la mission, dans l'attente de l'examen des amendements à l'article 26 du projet de loi.

A l'issue de ce débat, la commission décide de réserver sa position sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Loi de finances pour 2013 - Mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » Examen du rapport spécial

- Présidence de Mme Frédérique Espagnac, vice-présidente -

La commission procède ensuite à l'examen du rapport de Mme Michèle André, rapporteure spéciale, sur la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - La mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » (AGTE) bénéficiera, en 2013, d'une enveloppe de 2,546 milliards d'euros de crédits de paiement (hors fonds de concours). Ce budget se situe en retrait de 7,9 % par rapport à 2012. Cette baisse trouve son explication dans l'évolution du programme « Vie politique, cultuelle et associative ». En effet, la mission « AGTE » présente la particularité d'être sensible au cycle électoral. Or, comme vous le savez mes chers collègues, celui-ci sera beaucoup moins chargé en 2013 qu'en 2012.

Hors compte d'affectation spéciale « Pensions », la mission respecte quasiment les plafonds alloués par l'article 10 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

Le budget du programme « Administration territoriale » comprend 1,713 milliard d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 3,4 %. Les dépenses de fonctionnement baissent de 6,3 %, en conformité avec l'objectif de réduction fixé par le Gouvernement.

Entre 2009 et 2012, 2 582 emplois équivalent temps plein (ETP) ont été supprimés sur ce programme dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Pour 2013, le « mandat RGPP » fixait comme objectif une nouvelle réduction à hauteur de 475 ETP. Les suppressions prévues par le nouveau Gouvernement en 2013 se situent en deçà de cette cible (450 ETP). Il faut en prendre note. Mais on peut penser que les préfectures et les sous-préfectures auront quand même du mal à tenir cet engagement.

L'avenir même de la représentation territoriale de l'Etat pose question. Quel rôle les sous-préfectures, confrontées à la réduction de leurs personnels de catégorie A, peuvent-elles désormais jouer ? Le débat sera éclairé par les conclusions, attendues pour le printemps 2013, de la mission de réflexion lancée par le ministre de l'intérieur, le 1er octobre dernier.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, il était apparu un fond de roulement pléthorique pour l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). Tel n'est plus le cas en cette fin d'année : ce fond de roulement se situera à 57 millions d'euros au 31 décembre 2012 et à 28,84 millions d'euros à la fin de l'année prochaine.

Les crédits du programme « Vie politique, cultuelle et associative » enregistrent un recul de 65,9 % en 2013, et s'établissent à 143 millions d'euros.

Au sein de ce programme, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) occupe une place essentielle dans le processus électoral. En 2011 cette commission a déménagé et il faut saluer le bilan financier positif de cette opération : une économie de loyer d'environ 150 000 euros par an a pu être réalisée.

Le projet annuel de performances de ce programme permet de mesurer le coût moyen, de chaque élection, par électeur inscrit : 4,54 euros pour les élections présidentielles et 3,90 euros pour les élections législatives. Pour mémoire, l'élection sénatoriale présente le coût le plus réduit : 0,13 euro.

Le budget du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » s'appuie sur 690,2 millions d'euros en crédits de paiement.

Pour 2012, les dépenses liées au contentieux devraient atteindre 120 millions d'euros. Or, l'enveloppe prévue pour couvrir ces frais en 2013 ne s'élève qu'à 82 millions d'euros. On peut donc s'inquiéter de la sous-évaluation de ce poste pour l'année prochaine.

Ce problème, malheureusement récurrent, pourrait toutefois trouver une solution dans les mois à venir. En effet, à la demande du Premier ministre, Jean Marc Ayrault, une mission conjointe de l'inspection générale de l'administration (IGA) et de l'inspection générale des finances (IGF) est menée afin de poursuivre l'effort de rationalisation de ces dépenses. Cette mission devrait rendre ses conclusions au premier semestre de l'année 2013.

En conclusion, je propose à la commission d'adopter les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » et de chacun de ses programmes.

M. Éric Bocquet. - Je voudrais revenir sur la continuité dans la réduction des effectifs de la mission. A maintes reprises, et notamment à l'occasion des états généraux de la démocratie territoriale, les communes ont exprimé une attente de conseil, d'ingénierie technique et de sécurité juridique. C'est notamment vrai pour les petites communes. Il est donc dommage que 450 ETP disparaissent à nouveau de la mission. Cette mesure va à contre-sens des inquiétudes des communes.

M. Albéric de Montgolfier. - Qu'en est-il des crédits d'entretien du patrimoine du ministère de l'intérieur ? Il semblerait qu'il y a une très forte diminution de ces crédits, avec parfois des conséquences sur les implantations de l'Etat sur le territoire.

M. Vincent Delahaye. - Pour 2013, des crédits sont prévus en vue de l'organisation d'élections. De quelles élections s'agit-il ?

J'aimerais également savoir quel est le bon niveau du fonds de roulement pour l'ANTS. Le montant de 29 millions d'euros me parait encore très important pour une agence.

M. Pierre Jarlier. - Nous sommes soucieux de la baisse des effectifs. Elle va finir par remettre en cause la présence de l'Etat sur les territoires, alors qu'un minimum de service de proximité est requis. On voit bien le recentrage progressif des services d'abord sur les départements, puis sur les préfectures de régions. Mais cette tendance est incompatible avec un souci de bon aménagement du territoire. Dans les secteurs ruraux, la présence de l'Etat doit être maintenue et il faut veiller à un maillage territorial. Cela concerne les territoires les plus en difficulté et qui ont le plus besoin de l'accompagnement de l'Etat.

Quel est le coût réel de la délivrance d'un passeport ? Des études ont été menées, montrant l'inadéquation de la dotation de l'Etat avec la charge réelle pour les communes. A-t-on progressé sur ce sujet ?

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - Concernant l'évolution de l'emploi dans les préfectures et la perte de soutien en matière d'ingénierie technique, je rappelle que le programme « Administration territoriale » renvoie certes à du conseil, mais à du conseil de légalité. Il n'est donc pas question d'une ingénierie technique dans le cadre de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

L'inquiétude pour certaines sous-préfectures porte sur le fait qu'on n'y trouve plus qu'un seul fonctionnaire de catégorie A. On se tourne donc vers la préfecture pour obtenir des conseils. Le contrôle de légalité se resserre sur certains domaines prioritaires : les marchés publics, l'urbanisme et parfois les finances de telle ou telle collectivité territoriale.

Sur l'avenir des préfectures, j'ai pris acte que des décisions seraient prises après que la mission d'audit actuellement en cours aura rendu ses conclusions. Le problème n'est pas nouveau. Il renvoie au bon niveau d'administration des territoires. Parfois les nouveaux ministres s'engagent avec plein d'enthousiasme dans cette question, ils connaissent par la suite quelques déceptions. Les inspecteurs menant cet audit ont demandé à me rencontrer, ce que je ferai bien volontiers. Ma préoccupation consiste à éviter un découpage « à la hache » du territoire, comme ce fut le cas par exemple lors de la réforme de la carte judiciaire.

En 2013, les frais de fonctionnement des préfectures baisseront de 6,3 % conformément aux engagements du Gouvernement dans ce domaine. Si la réorganisation de l'administration territoriale de l'Etat (RéATE) a débouché sur des économies, elle a aussi suscité de nouvelles dépenses (notamment immobilières).

Les dépenses électorales pour 2013 permettront de couvrir les élections en Polynésie française, ainsi que des élections partielles.

M. Vincent Delahaye. - Il y a quand même 60 millions d'euros, c'est beaucoup...

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - Le ministère conserve toujours une marge de précaution.

M. Vincent Delahaye. - On pourra quand même amender.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. - Concernant l'ANTS, on avait découvert l'année dernière que le fonds de roulement de cette agence était disproportionné. Il avait donc été décidé de le ramener à un plus juste niveau. A l'époque, la carte nationale d'identité électronique était encore à l'ordre du jour, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Il convient donc d'être attentif au bon niveau du fonds de roulement désormais.

M. Vincent Delahaye. - Est-il possible de le connaître ?

Mme Michèle André, rapporteur spécial. - J'espère pouvoir vous le donner dans l'année. L'ANTS a trouvé sa place et a démontré son savoir-faire depuis sa création. Elle est parvenue à mener à bien le projet de réforme des cartes grises, alors qu'elle n'était pas associée dès l'origine à ce chantier. Le délai de délivrance des passeports est aujourd'hui convenable. La seule exception réside dans la situation des grandes villes, où il est nécessaire de prendre rendez-vous. Cette prise de rendez-vous représente un délai supplémentaire, dont les statistiques ne tiennent pas compte.

A la demande de la commission des finances, la Cour des comptes a travaillé sur le coût réel du passeport, en comparaison avec le montant du timbre fiscal. De ce point de vue, aucune modification n'est intervenue depuis et on peut supposer que rien ne bougera avant plusieurs années. Seule la mise en application de la future carte nationale d'identité pourrait en effet faire évoluer les choses.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».

Loi de finances pour 2013 - Participation de la France au budget de l'Union européenne - Examen du rapport spécial

Puis la commission procède à l'examen du rapport de MM. Marc Massion et Jean Arthuis, rapporteurs spéciaux, sur la participation de la France au budget de l'Union européenne (article 44).

M. Marc Massion, rapporteur spécial. - C'est avec un grand plaisir que je rapporte devant vous, avec Jean Arthuis, et pour la seconde année, la contribution française au budget communautaire dans le projet de loi de finances pour 2013, contribution qui prend la forme d'un prélèvement sur les recettes de l'Etat. Vos rapporteurs spéciaux ont en commun certaines analyses qui figurent dans le rapport, mais les appréciations spécifiques de l'un ou de l'autre sont explicitement mentionnées, j'en veux pour exemple le Pacte pour la croissance et l'emploi.

L'article 44 du projet de loi de finances pour 2013 évalue ainsi ce prélèvement, voté chaque année en loi de finances, à 19,6 milliards d'euros, soit une augmentation assez marquée par rapport à celui voté pour 2012, avec une hausse de 720 millions d'euros, soit 3,8 %. Je voudrais commencer cette présentation en évoquant la négociation budgétaire communautaire pour l'année 2013, qui est toujours en cours et, hasard du calendrier, je note qu'un comité de conciliation se tiendra à la fin de cette semaine, ce vendredi 9 novembre.

L'avant-projet de budget a été présenté par la Commission européenne le 25 avril 2012. Cette dernière a proposé une augmentation de 2 % des crédits d'engagement par rapport à 2012, soit 150,9 milliards d'euros. Les majorations concernent surtout la rubrique 1a « Compétitivité » (+ 5 %). Les crédits de paiement (CP) affichent quant à eux une hausse de 6,8 % pour atteindre 137,9 milliards d'euros.

Le projet de budget adopté par le Conseil en juillet 2012 se veut plus rigoureux, ce qui prend tout son sens dans le contexte des efforts exigés en matière d'assainissement des finances publiques nationales et de stratégies de retour à l'équilibre budgétaire. Ainsi, des coupes importantes sont réalisées en crédits d'engagement, 1,2 milliard d'euros, ce qui conduirait tout de même à une augmentation de 2,8 % par rapport à 2012, et, surtout, en crédits de paiement, 5,2 milliards d'euros, ramenant la hausse pour 2013 à 2,8 % également. Ces coupes ont principalement pour origine la préoccupation exprimée par de nombreux Etats membres, dont la France, d'une discipline budgétaire renforcée. Le Conseil de juillet dernier a en effet été l'occasion pour huit Etats membres dont la France de rendre publique une déclaration demandant l'absence toute hausse supplémentaire dans le budget 2013.

Enfin, je souligne que le Parlement européen a voté en séance plénière, le 23 octobre 2012, un budget assez éloigné du projet du Conseil mais très proche des propositions initiales de la Commission. Il propose ainsi, pour 2013, une hausse de 2,2 % des crédits d'engagement et de 6,8 % des crédits de paiement.

Il va sans dire que la proposition d'augmentation des crédits formulée par nos collègues députés européens rendra difficiles les négociations entre les deux branches de l'autorité budgétaire, lors de la phase de conciliation prévue par le traité de Lisbonne et qui devrait aboutir prochainement. Ces difficultés quant au budget 2013 sont aggravées par les négociations qui se poursuivent depuis plus d'un an sur la future programmation 2014-2020. C'est à ce sujet que les tensions entre les Etats membres, la Commission et le Parlement européen sont les plus grandes et que des compromis devront rapidement être trouvés. A défaut, une grave crise politique pourrait paralyser l'UE. Jean Arthuis parlera de manière plus détaillée de la future programmation mais je tiens à souligner que je déplore, dans ce futur cadre qui couvre la période 2014-2020, l'absence de base juridique pour le programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD). J'observe que pour 2012 et 2013, les crédits de ce dernier sont reconduits mais en diminution.

Avant d'en arriver à ma conclusion, je voudrais formuler quelques remarques sur le montant du prélèvement qui est l'objet de notre débat ainsi que sur l'évolution de notre solde net.

Le projet de loi de finances pour 2013 évalue le prélèvement sur recettes au profit du budget de l'Union européenne à 19,6 milliards d'euros, soit une hausse de 3,8 % en un an. En vingt ans ce montant a été multiplié par cinq. Au terme de l'exécution 2013, des ouvertures nouvelles en CP seront intervenues, créant des écarts, favorables ou défavorables au demeurant, entre le montant du prélèvement affiché dans le projet de loi de finances (PLF) et la somme effectivement appelée. Ces dernières années, des écarts importants ont été constatés entre la prévision et l'exécution du prélèvement :

- en 2007, le prélèvement inscrit en loi de finances initiale avait ainsi été surestimé de plus de 1,5 milliard d'euros ;

- en 2008, est apparue au contraire une sous-estimation de 300 millions d'euros ;

- pour 2009, la sous-estimation à nouveau du prélèvement est nettement plus importante : plus d'un milliard d'euros, 20 milliards d'euros en exécution alors que le vote du Parlement portait sur 18,9 milliards ;

- en 2010, le prélèvement a été à l'inverse surestimé de 556 millions d'euros ;

- en 2011, on a assisté à une exécution plus conforme aux prévisions, avec une légère sur-estimation, de l'ordre de 5 millions d'euros ;

- en 2012, la sous-estimation du prélèvement devrait être assez élevée. L'annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au PLF 2013 l'estime à 170 millions d'euros mais nous avons appris lors d'un déplacement récent à Bruxelles, de la part du directeur du budget de la Commission européenne, qu'un budget rectificatif pour 2012 devrait demander l'ouverture de près de 10 milliards d'euros de CP supplémentaires, ce qui pourrait conduire pour la France à un écart en exécution de 1,5 milliard d'euros par rapport à la prévision votée en loi de finances pour 2012. L'estimation du prélèvement soumise au vote du Parlement doit être plus précise et plus fiable. J'en viens à quelques remarques sur l'évolution de notre solde net.

La France devrait demeurer en 2013 le deuxième contributeur au budget communautaire derrière l'Allemagne et devant l'Italie, le Royaume-Uni et l'Espagne, la part de sa contribution représentant 16,7 % du total des ressources de l'UE, part qui semble, enfin, se stabiliser. La France reste premier pays bénéficiaire en recevant 12 % des dépenses de l'UE, mais cette situation qui se dégrade est très fragile puisqu'elle ne résulte que du poids de la Politique agricole commune (PAC). 75 % des crédits européens dépensés en France sont en effet des dépenses agricoles. Si l'on rapporte notre contribution aux dépenses, l'évolution de la situation est préoccupante. Mes chers collègues, notre solde net ne cesse de se dégrader et a été multiplié par 16 en dix ans. Notre solde net dépasse la barre des 6 milliards d'euros par an, faisant de notre pays le vingtième bénéficiaire des dépenses de l'UE en retours par habitant.

En conclusion, et sous réserve de ces différentes observations, je recommande à la commission de proposer l'adoption sans modification de l'article 44 du projet de loi de finances pour 2013. Notre pays n'a pas besoin d'ajouter à la confusion dans les négociations difficiles qui sont en cours.

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial. - Je remercie Marc Massion de nous avoir fourni ces éléments riches d'enseignements sur la négociation budgétaire communautaire pour l'année 2013, sur le montant du prélèvement qui est l'objet de notre débat aujourd'hui ainsi que sur l'évolution de notre solde net. J'indique que je partage nombre de ses analyses et que dans le rapport qui vous a été distribué, en cas de divergences d'appréciation, la position spécifique de l'un ou de l'autre de nous deux est explicitement mentionnée. Je n'en arriverai pas à la même conclusion que lui, mais je veux tenter de vous en donner les raisons :

D'abord une remarque sur la structure du budget communautaire. Il s'agit pour caricaturer et comme nous l'a indiqué, lors d'un récent déplacement à Bruxelles, le président de la commission des budgets du Parlement européen, Alain Lamassoure, de la même structure d'ensemble depuis trente ans, en recettes comme en dépenses. Et le pire est que l'on compte pour la programmation 2014-2020 continuer cette « partie de poker », avec la PAC, les fonds structurels, les rabais et les corrections, chaque Etat membre défendant ses positions habituelles en fonction de ses intérêts financiers bien compris. Au moment où la dépense publique doit plus que jamais répondre de son efficacité, une telle inertie est contestable et c'est de mon point de vue une folie. Le budget européen est devenu une cagnotte mais distribuer de l'argent ne suffit pas à faire une politique. Se rend-on bien compte que les subventions versées au titre de la PAC tendent à transformer certains de nos agriculteurs en « rentiers de la terre », au détriment de la cohérence entre les différentes filières de nos productions agricoles ? Se rend-on bien compte que les fonds structurels sont des « activateurs de dépense publique » en raison de leur fonctionnement par cofinancement des Etats membres ? La politique de cohésion a contribué au surendettement de nombreux Etats-membres, dont la Grèce et l'Espagne, ce qui est une démarche absurde. Se rend-on bien compte que le système actuel des ressources propres n'est pas que complexe, il est opaque et injuste, avec le rabais britannique, les rabais sur ce rabais, les corrections sur la ressource propre TVA et, enfin, les chèques forfaitaires annuels ? Ce système perpétue des logiques nationales au détriment de toute démarche d'intégration politique.

S'agissant ensuite de la future programmation 2014-2020, je rappelle qu'elle est encore en débat et que le Conseil européen des 22 et 23 novembre prochains sera, à cet égard, décisif puisqu'il a pour objectif d'aboutir à un accord. J'indique que les propositions de la Commission européenne sont d'après moi inacceptables. Elles étaient, il y a un an, de 972 milliards d'euros de CP sur sept ans. Une actualisation en date du 6 juillet 2012 visant notamment à tenir compte de l'adhésion de la Croatie porte ce montant à 988 milliards d'euros en CP et 1 025 milliards d'euros en en crédits d'engagement. Mais ces propositions ne sont pas sincères : par un premier artifice dans sa présentation, la Commission minore les crédits qui seront mobilisés. Sa communication est en effet réalisée en euros constants, alors que seule une présentation en euros courants permettrait d'apprécier l'impact réel des propositions sur les contributions nationales : la réalité de l'augmentation de la dépense qui devra être réévaluée chaque année de l'inflation est masquée. J'ajoute que par un second artifice, la Commission dissimule les tensions que sa programmation exercera sur les finances des Etats membres, en multipliant les débudgétisations qui dégonflent artificiellement son projet : non seulement sont maintenus, hors budget et hors cadre financier, le fonds européen de développement (FED) et les mécanismes de stabilisation financière, mais surtout passeraient hors budget des politiques pourtant communautaires et financées sous plafond dans le cadre actuel. En euros courants, avec le périmètre classique de financement de l'UE auquel on ajouterait le FED et d'autres politiques débudgétisées, le total de dépense serait de 1 191 milliards d'euros en CP et 1 231 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit environ 200 milliards d'euros de plus que le projet initial de la Commission.

Au total, par ces artifices de présentation et ces débudgétisations inacceptables, la Commission européenne formule un projet de programmation pour 2014-2020 qui représente une entorse au principe de sincérité budgétaire. En outre, le niveau de dépenses proposé est tout simplement insoutenable et contredit notre stratégie de retour à l'équilibre. Contrairement à ce que laisse penser le travail de la Commission, l'Europe ne peut pas se placer en-dehors des efforts exigés en matière d'assainissement des finances publiques. Elle doit plus que jamais dépenser mieux. Et à cet égard, je recommande un renforcement de la mise en oeuvre vigilante du principe de subsidiarité, au regard duquel devraient être systématiquement examinés le budget, le fonctionnement et les politiques de l'Union européenne.

Pour finir de vous convaincre, je souhaite élargir mon propos en parlant de la gouvernance de la zone euro. Dire que le pire est passé, c'est crier victoire un peu trop vite ! Le mécanisme européen de stabilité (MES) n'est pas un dispositif suffisant, il appelle une gouvernance appropriée, qui jusqu'aujourd'hui fait défaut. Je pense comme Marc Massion que l'union bancaire représente un progrès. Mais au moment où la Banque centrale européenne (BCE) se comporte de plus en plus comme une banque fédérale, elle attend son interlocuteur politique.

J'ai remis le 6 mars 2012 un rapport au Premier ministre, intitulé « Avenir de la zone Euro : l'intégration politique ou le chaos », dans lequel j'ai formulé quelques propositions que j'avais eu l'honneur de présenter alors devant vous, mes chers collègues. J'y préconisais notamment la création d'un ministre de l'économie et des finances de la zone euro appuyé sur un véritable Trésor public européen, ainsi que la mise en place d'une capacité budgétaire idoine. Nous ne pouvons plus nous contenter d'habillage de fenêtre ou « window dressing », à l'image du plan de 120 milliards d'euros du Pacte pour la croissance et l'emploi annoncé par le Conseil européen le 29 juin 2012, qui n'apporte rien de nouveau puisqu'il s'agit de dispositions déjà adoptées. L'euro a été jusqu'aujourd'hui un anesthésiant, mais une monnaie ne suffit pas à faire un projet politique. Jusqu'à quand allons-nous continuer à entretenir une illusion d'Europe ? Nous devons sérieusement reprendre en main le projet politique européen.

Pour conclure mon intervention je plaide en faveur du rôle des parlements nationaux. Dans le système communautaire actuel, les parlementaires nationaux se limitent à autoriser un prélèvement sans en discuter ni le montant, ni l'usage qui en sera fait à travers les dépenses de l'Union européenne. Une telle situation n'est pas satisfaisante. Un budget dont les dépenses sont arrêtées par les autorités communautaires, mais dont la plupart des ressources restent dépendantes de décisions des parlements nationaux, porte atteinte au principe du consentement à l'impôt, essentiel dans une démocratie. Une plus grande reconnaissance du rôle des parlements nationaux parait donc nécessaire. Nous devons prendre toute notre place dans la réflexion en cours sur la réforme du budget communautaire et dans la coordination des finances publiques des Etats membres. Je propose par exemple que nous votions en loi de finances initiale non seulement notre contribution au budget communautaire mais aussi la totalité de nos engagements à l'égard de la zone euro, à l'instar de notre contribution au MES. Et je suggère, enfin, une représentation des parlementaires nationaux de la zone euro, qui serait l'amorce d'une seconde chambre dans l'UE et jouerait le rôle d'une commission de surveillance exerçant des prérogatives de contrôle.

Il vient un moment où il faut savoir dire non et interpeller les gouvernements, et bien, mes chers collègues, je crois que ce moment est venu et je vous recommande, donc, de voter contre l'article 44 du projet de loi de finances pour 2013. Au moment où l'Europe reçoit le prix Nobel de la Paix, elle devient le maillon faible de la croissance mondiale. Son budget et sa gouvernance doivent lui permettre d'assurer un rôle stratégique dans la guerre économique et d'assurer la protection de tous les Européens. Puis-je rappeler, citant Sénèque, que la crainte de la guerre est encore pire que la guerre elle-même ?

M. Yannick Botrel. - Je relève la constance des analyses de Jean Arthuis qui a repris certaines de ses argumentations étayées et déjà présentées devant nous. Il propose une refondation de l'Union européenne, voire du processus même de construction du projet communautaire, notamment sur le plan monétaire. C'est un sujet sur lequel il y aurait beaucoup à dire. Son analyse de la structure du budget communautaire que je partage en partie m'amène à formuler deux remarques :

- la stabilité de la structure de ce budget pourrait nous inciter à penser que les critiques émises valaient pour les années, voire les décennies précédentes ;

- la PAC est appliquée au niveau des Etats membres et je reprends son expression de « rentiers de la terre ». Nous avons en France privilégié les cultures céréalières et, plus largement, les productions végétales, et ce au détriment des filières animales. Cela relève de notre responsabilité. Il nous appartient de revisiter nos politiques agricoles.

Par ailleurs, je partage l'idée selon laquelle le budget communautaire a pu faciliter l'endettement de certains Etats membres, ce qui est un problème, notamment dans le cas de la Grèce et de l'Espagne. De même, le chèque britannique constitue un héritage historique contestable.

Pour ce qui concerne l'intervention de Marc Massion, je le rejoins sur le PEAD. C'est un point sur lequel nous sommes régulièrement interpelés en tant qu'élus locaux. Le désengagement de l'Europe à ce sujet alors qu'il s'agit d'enjeux financiers modestes est une chose désastreuse, pour les publics concernés comme pour les associations qui assurent l'aide sur le terrain.

M. Jean-Paul Emorine. - Je dois avouer que je suis déchiré entre les recommandations des deux rapporteurs spéciaux. Les critiques du budget communautaire sont toujours possibles, mais dans le contexte de crise que nous traversons, nous avons besoin de plus d'Europe. Si nous n'avions pas l'euro aujourd'hui, des pertes encore plus importantes de pouvoir d'achat seraient constatées. Dans les années 1930, on a tenté de surmonter la crise avec des dévaluations, ce qui a conduit à des pertes de pouvoir d'achat. Ensuite, sur le montant du prélèvement versé par la France, il convient d'observer qu'il est relativement stable depuis dix ans. Certes, nous sommes contributeurs nets, mais nous bénéficions de retours non négligeables pour notre agriculture, surtout dans certains territoires. Enfin, s'agissant des rabais, je souligne que je me suis toujours opposé au chèque britannique. En son temps, le général de Gaulle avait constamment plaidé pour un maintien du Royaume-Uni hors du projet communautaire. Au total, pour ne pas déplaire aux deux rapporteurs spéciaux, ma position personnelle sera de m'abstenir lors du vote.

M. Éric Bocquet. - Sans esprit polémique, je m'interroge sur les propos de Jean Arthuis. Celui-ci semble estimer que l'Europe ne fournit pas suffisamment d'efforts dans le sens du rétablissement de l'équilibre des finances publiques, je voudrais qu'il confirme ce point. Pourtant, nous avons récemment examiné trois textes qui vont dans ce sens : le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques et, enfin, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

Sur votre proposition de création d'une commission de surveillance permettant d'améliorer la gouvernance de la zone euro, le Haut Conseil des finances publiques ne répond-il pas déjà partiellement à votre demande ? Quant au PEAD, il n'est effectivement garanti que jusqu'à l'année prochaine et c'est une question importante à laquelle il faudra apporter une réponse. Cette aide est en effet devenue indispensable.

M. Marc Massion, rapporteur spécial. - A propos du PEAD, j'indique que les négociations sont en cours sur les perspectives financières 2014-2020, il conviendra donc d'interpeller le ministre pour qu'il pèse dans ces négociations afin de ne pas abandonner ce dispositif. La question qui se pose quant à l'article 44 du présent PLF est de savoir si voter contre cet article est un signe pour avancer. Je ne le crois pas. Mieux vaut, comme chaque année, voter la participation de la France au budget communautaire. Imaginez que la France ne vote pas ce prélèvement...

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial. - En réponse à Yannick Botrel, je confirme que j'exprimais déjà les mêmes analyses précédemment. Il n'y avait, d'ailleurs, dans le rapport que j'ai rendu au Premier ministre, aucune aménité de ma part à l'égard de ceux qui pilotaient la zone euro : on a fait n'importe quoi ! Ainsi, on a admis la Grèce alors qu'elle n'en avait pas la capacité et, ensuite, au lieu de la surveiller comme le lait sur le feu, on l'a laissée tricher, trop contents de lui vendre des équipements et des armes, notamment contre d'hypothétiques attaques de la Turquie. Les agences de notation ne nous ont pas tout de suite sanctionné parce qu'elles ont cru que la zone euro était un espace fédéral. Du jour au lendemain, grâce à leur intégration dans la zone euro, les titres de la dette grecque se sont retrouvés quasiment au même taux que les obligations allemandes. Les spreads n'ont pris corps qu'à la fin de l'année 2009, c'est dire dans quel égarement collectif nous étions. A Jean-Paul Emorine, je précise que je crois à l'euro et à ses vertus, mais l'adoption d'une monnaie unique doit conduire à une gouvernance appropriée puisqu'il s'agit de partager une partie de notre souveraineté. La solidarité financière s'exerce à 17, pas à 27, il faut en tirer les conséquences en termes de gouvernance. Un exemple, Jean-Claude Juncker, Premier ministre du Luxembourg, est-il le plus légitime pour animer l'Eurogroupe ? Je ne le crois pas, le matin il nous rappelle nos obligations d'équilibre des finances publiques et l'après-midi il nous « fait les poches » grâce au régime luxembourgeois sur la fiscalité et le secret bancaire. Nous devons mettre un terme à ces incohérences.

Sur la PAC, oui je suis critique. Dans le contexte de la flambée du prix des céréales, on ne change rien au fonctionnement des règles d'allocation des aides, cela montre qu'il y a quelque chose qui ne marche pas bien, alors que nous importons 40 % de notre consommation de viande de volaille. Cela souligne l'étendue du problème.

Pourtant, nous nous apprêtons sans réflexion à reconduire pour 2014-2020 le même système. Chaque Etat membre va mettre un tas d'argent sur la table et ensuite chercher à en récupérer le plus possible. Et la Commission européenne, tel un croupier, va en récupérer une partie pour faire vivre l'administration. Or, moi, j'attends de l'Europe qu'elle offre des régulations plus que des interventions financières. C'est cela que je veux dire. La taxe sur les transactions financières ira dans le bon sens, mais à condition que sa mise en place se fasse au niveau de l'ensemble de la zone euro.

Rejeter l'article 44 du PLF aura peu d'effet puisque c'est une obligation qui découle des traités, mais il faut savoir manifester son désaccord quand il le faut, de manière à changer les choses et à mettre un terme à un certain nombre d'incohérences.

M. François Patriat. - J'ai relevé vos propos sur les incohérences de la gouvernance de l'Europe entre 2002 et 2012. Chacun en cherchera les responsabilités, moi je ne tiens pas à le faire maintenant. Maintenant, nous avons besoin d'instruments de régulation. Je voudrais prendre le cas de l'agriculture et du secteur agroalimentaire : ils ne se portent pas si mal que cela, surtout en comparaison d'autres filières. Ils nous apportent des emplois et des devises. C'est vrai que les prix des céréales flambent en ce moment, mais on assiste à un phénomène de volatilité des cours : les céréaliers ont connu des situations difficiles où les prix en France étaient inférieurs aux cours mondiaux. Il faut donc maintenir les dispositifs existants et le niveau de la PAC. Cette dernière peut toutefois être orientée davantage vers les régions intermédiaires ou en difficulté ainsi que vers le soutien au développement rural. Il ne faut pas utiliser des arguments qui auraient pour conséquence de réduire les crédits de la PAC, ce qui serait gravement préjudiciable à l'activité économique.

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial. - Ce dont je rêve, c'est que la PAC permette de mieux réguler, que les aides ne soient pas versées automatiquement, indépendamment même de la conjoncture. Et pour répondre à François Patriat, je précise que notre balance commerciale dans l'agroalimentaire n'est excédentaire qu'à la faveur de nos exportations de vins et de boissons. C'est un vrai sujet. Nous avons besoin d'un débat européen pour ajuster nos politiques. Ce que je crains, c'est que pour arranger tout le monde, on ne finisse par poursuivre avec le même système sans rien changer, avec une Europe qui ne peut que décevoir nos concitoyens.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 44 du projet de loi de finances pour 2013.

Loi de finances pour 2013 - Mission « Médias, livre et industries culturelles », compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » - Examen du rapport spécial

- Présidence de Mme Michèle André, vice-présidente -

La commission procède enfin à l'examen du rapport de M. Claude Belot, rapporteur spécial, sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » et sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

M. Claude Belot, rapporteur spécial. - Le budget des médias et de l'audiovisuel disposera en 2013 de 4,65 milliards d'euros, montant en légère hausse par rapport à l'année dernière.

La mission « Médias, livre et industries culturelles » sera dotée de 1,2 milliard d'euros. A périmètre constant, les crédits diminuent de 5,4 %, mais cette évolution est contrastée selon les programmes.

De plus, dans le cadre de la nouvelle programmation triennale 2013-2015, les crédits de la mission accuseront une baisse de 20,7 %, objectif qui me paraît louable mais peut-être un peu ambitieux. Cette évolution est conforme aux voeux de ceux d'entre nous, dont je fais partie, qui souhaitent redresser les comptes publics de notre pays.

Dans le détail, le programme 180 « Presse », doté de 516 millions d'euros, bénéficie d'une hausse apparente, s'expliquant par une mesure de périmètre, avec le transfert de 143 millions d'euros de crédits dédiés au transport postal, en provenance du programme 134 « Développement des entreprises et de l'emploi » de la mission « Economie ». Ce rapatriement me paraît positif, car il renforcera la clarté et garantira un meilleur suivi de la politique publique de soutien à la presse, en favorisant sa lisibilité. Une fois neutralisée cette mesure de périmètre, les crédits du programme baissent de 5 % par rapport à 2012. Là encore, les évolutions sont contrastées selon les actions : alors que la dotation de l'Agence France Presse progresse de près de 2 %, celle des aides directes à la presse régresse de 4,4 %. Sur l'AFP, je voudrais insister sur la réforme du statut, en suspens depuis bien trop longtemps. Cette entreprise, qui est en fait dépourvue de statut clair, est finalement administrée par ses clients et ses journalistes. Elle vit avec les aides publiques et les bénéfices qu'elle peut engranger. En tout cas, elle honore notre pays par la qualité de son travail sur le terrain.

Sur les aides à la presse, je mentionnerai l'efficacité de l'aide au portage, dont la dotation est stabilisée.

J'en viens maintenant au programme 334 « Livre et industries culturelles », dont les crédits sont stables, à hauteur de 268 millions d'euros, avec des disparités entre les deux actions : - 3 % pour la politique du livre et + 7% pour les industries culturelles.

Je souhaite attirer votre attention sur la rénovation du site de la Bibliothèque nationale de France, des éléments récents pouvant laisser craindre un retard dans les travaux, et donc des risques de dépassement du budget, pour le moment fixé à 212,8 millions d'euros.

Le Centre national du livre a fait l'objet de plusieurs contrôles en 2012, qui ont notamment critiqué le manque d'efficience de ses dispositifs de soutien.

En ce qui concerne les industries culturelles, je voudrais insister sur un sujet qui fait débat, celui de la HADOPI et de la politique de lutte contre le téléchargement illégal. Le dispositif de réponse graduée s'avère réellement pédagogique, et a permis de réduire le nombre d'infractions constatées. Toutefois, la HADOPI ne peut agir que sur un périmètre très restreint, celui du peer-to-peer, qui est loin de couvrir l'intégralité des pratiques de téléchargement illégal. A l'heure où d'autres pays, tels les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, parviennent à ériger des systèmes qui leur permettent de poursuivre des internautes français pour avoir téléchargé des oeuvres américaines ou anglaises, je me demande s'il est réellement opportun de diminuer la dotation de la HADOPI de près de 30 %. Dans tous les cas, ce choix me paraît peu judicieux : soit on assume son existence et, dans ce cas, on lui donne les moyens de fonctionner, soit on supprime ses crédits parce qu'on ne veut pas qu'elle existe. Il me semble important en tout cas de ne pas adopter une vision franco-française dans ce domaine.

Le programme 313 « Contribution à l'audiovisuel public et à la diversité radiophonique » regroupe les crédits dédiés au soutien des radios associatives, celles qui ne font pas de publicité, les autres n'étant pas éligibles à ces aides. Ce programme reste constant à hauteur de 29 millions d'euros. Il regroupe également les crédits destinés à France Télévisions au titre de la compensation de la perte de recettes liée à la suppression de la publicité entre 20 heures et 6 heures depuis le 1er janvier 2009.

J'en viens donc maintenant à France Télévisions, dont l'aide publique globale atteindra 2,5 milliards d'euros en 2013, en baisse de 3,8 % par rapport à 2012. Cette régression est imputable aux crédits budgétaires précités, qui diminuent de 39,5 %, tandis que la dotation au titre de la contribution à l'audiovisuel public, portée par le programme 841 du compte de concours financiers, progresse de 5,2 %.

Cette évolution contraste avec la tendance observée les années précédentes et intervient après une année 2012 difficile pour l'entreprise, marquée par des moyens inférieurs aux prévisions, qu'il s'agisse des ressources publiques ou des ressources publicitaires. A cet égard, d'après les chiffres dont je dispose, le marché publicitaire s'est effondré de 50 % en septembre, ce qui suscite une grande inquiétude dans l'univers des médias, qu'il s'agisse de la presse écrite ou de l'audiovisuel public.

Des progrès demeurent à faire dans la mise en oeuvre de l'entreprise unique et des mutualisations. La réforme s'avère difficile et achoppe notamment sur la question de France 3 et, dans une moindre mesure, de Réseau France Outre-mer (RFO). Je citerai à cet égard un exemple concret. J'ai reçu la semaine dernière le président de l'INA, organisme qui fonctionne bien et qui représente l'un des grands archivistes du monde. L'INA dispose d'une technique qui lui permettrait de basculer immédiatement dans ses archives les images de France Télévisions. Or, cette dernière ne veut pas en entendre parler, car elle est propriétaire de ses images pendant un an. Cette situation aboutit à des doublons, puisque nous avons donc, dans chaque région, un archiviste de l'INA et un archiviste de France Télévisions...

Je voudrais également faire part de ma surprise concernant la contribution à l'audiovisuel public. En effet, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit une progression de 4 euros du montant de celle-ci par rapport à 2012, du fait d'un ajustement sur la prévision d'inflation 2013 et d'une hausse supplémentaire de deux euros. Or, j'ai lu dans la presse que certains parlementaires comptaient déposer un amendement visant à accroître encore le montant de la redevance audiovisuelle, et que la ministre avait d'ores et déjà manifesté son approbation. Je m'étonne de ce procédé qui rend notre débat parlementaire inutile, si les choses sont décidées à l'avance ! J'estime par ailleurs que cela entache d'une certaine insincérité les chiffres qui nous sont présentés dans le projet annuel de performances.

J'en viens maintenant à l'audiovisuel extérieur de la France (AEF). Sa dotation est globalement stable par rapport à 2012, à hauteur de 317,6 millions d'euros. Je fais partie de ceux qui ont soutenu la création de la holding et le regroupement des différents fleurons de l'audiovisuel français, qui n'avaient aucun contact entre eux. J'avoue que France 24 m'a beaucoup déçu et j'estime qu'il faut impérativement mettre fin à des pratiques nuisibles consistant à faire de la surenchère auprès des opérateurs de bouquets satellitaires pour déjouer la concurrence. Cela aboutit à ce que nous nous retrouvions finalement sans chaîne française dans certains pays, et cela n'est pas souhaitable. Pour finir sur ce point, je souhaite bonne chance à Marie-Christine Saragosse, la nouvelle présidente de l'AEF.

J'en termine avec le reste du compte de concours financiers. Les dotations des différents organismes audiovisuels publics diminueront toutes d'un montant certes symbolique : - 0,3 % pour Arte, dont j'ai rencontré la présidente, qui m'a paru très responsable, en indiquant qu'elle s'efforcerait de mener à bien ses différentes missions malgré la baisse des crédits. L'audience d'Arte est en progrès, et l'année 2013 pourrait être difficile avec les conséquences de l'arrivée de six nouvelles chaînes sur la télévision numérique terrestre (TNT) à partir de décembre.

La dotation de Radio France régressera de 0,5 % par rapport à 2012. Il faudra surveiller la poursuite du chantier de la maison de la Radio, véritable « arlésienne » qui constitue un point noir du programme 842. Je ne reviens pas sur l'INA, dont j'ai parlé tout à l'heure. Ses crédits baisseront également de 0,5 %.

Pour conclure, je précise que l'Assemblée nationale a examiné et adopté sans modification, le 31 octobre dernier, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

M. François Trucy. - Les aides à la presse sont-elles bien vues par l'Europe ? De plus, je m'interroge sur l'avenir des bibliothèques et leur nécessité, à partir du moment où la consultation en ligne des livres est de plus en plus importante.

M. Claude Belot, rapporteur spécial. - A ma connaissance, les aides à la presse ne posent pas de problème au niveau européen. En revanche, l'AFP est considérée attentivement par la Commission européenne, qui a déposé une plainte contre les abonnements de l'Etat à l'agence, qu'elle considère comme des subventions déguisées. Les discussions sont en cours.

Sur la numérisation, je peux témoigner que, dans mon département, le développement de l'offre numérique n'a pas porté atteinte à la fréquentation des bibliothèques, bien au contraire. C'est une bonne nouvelle.

M. Albéric de Montgolfier. - Je vais être un peu provocateur : rend-on véritablement service à France Télévisions en augmentant la redevance ? Ne faudrait-il pas, au contraire, réduire drastiquement ses ressources publiques afin de la forcer à mener à bien sa réforme ?

M. Claude Belot, rapporteur spécial. - La France est le pays d'Europe où la redevance audiovisuelle est la moins élevée, mais les chaînes des autres pays ne disposent pas de la publicité. Notre système est donc « bâtard ». L'entreprise doit être réformée, à commencer par France 3. La proximité constitue sa raison d'être, mais elle est de plus en plus concurrencée, notamment par les chaînes qui se développement sur internet. J'en viens à me demander si France 3 a encore une justification d'intérêt général...

M. Pierre Jarlier. - Comment peut-on se retrouver dans une situation où l'on déplore les difficultés financières de France Télévisions, tout en refusant de remettre de la publicité après 20 heures ? C'est quelque chose que je ne comprends pas. S'il faut augmenter la redevance, augmentons-la, mais il existe certainement aussi d'autres pistes. Je pense qu'il y a un réel problème de lisibilité dans l'identité des chaînes de France Télévisions. Les journaux télévisés de France 2 et de France 3 ne sont pas très différents de ceux de TF 1 ou M6, alors que France 3 a vocation à être une chaîne régionale forte. Le téléspectateur ne s'y retrouve pas. Tout cela coûte cher, et je ne suis pas sûr que l'on puisse encore se le permettre.

M. Claude Belot, rapporteur spécial. - M6 coûte dix fois moins cher que France 3, et elle est pourtant passée devant la chaîne publique en termes d'audience. De plus, elle effectue des décrochages locaux.

M. Jean-Claude Frécon. - Je confirme la position de M. Belot sur la « concurrence » nuisible entre les différents outils de notre audiovisuel extérieur. En effet j'ai pu constater avec regret, lors de missions réalisées dans le cadre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, que France 24 et TV5 Monde sont absentes dans certains pays européens. De fait, les chaînes se font tellement concurrence sur les tarifs qu'elles finissent par disparaître des offres proposées à l'étranger !

M. Jean Arthuis. - A l'occasion d'un récent déplacement à Bruxelles, j'ai été sensibilisé aux discussions en cours avec la Commission européenne sur l'AFP. En ce qui concerne le livre numérique, il faut faire très attention à se positionner, sous peine de perdre totalement le marché au profit de pays comme le Luxembourg. Enfin, je trouve quelque peu hypocrite la présence de messages pour du mécénat sur France 2 et France 3. N'est-ce pas finalement de la publicité déguisée ?

Mme Michèle André, présidente. - Passons au vote. Je relève douze voix pour, quatre absentions et trois voix contre, après prise en compte des délégations de vote.

A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Médias, livres et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

Mercredi 7 novembre 2012

- Présidence de Mme Frédérique Espagnac,
vice-présidente -

Nomination d'un rapporteur

Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission désigne tout d'abord M. François Marc rapporteur sur la proposition de résolution européenne n° 87 (2012-2013), présentée par M. Richard Yung, au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur l'Union bancaire (E 5512, E 7417, E 7684 et E 7685).

Programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 - Examen des amendements

La commission procède ensuite à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 69 (2012-2013) de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (M. François Marc, rapporteur).

Article 6

M. François Marc, rapporteur. - Alors que l'article 6 du projet de loi prévoit une stabilisation du plafond d'emplois de l'Etat et de ses opérateurs, l'amendement n° 3 prévoit à l'inverse que le plafond d'emplois soit supérieur ou égal à son niveau initial, au début de la période de programmation. Cet amendement est incompatible avec l'objectif poursuivi par le projet de loi, qui est de stabiliser les emplois de l'Etat et de ses opérateurs, en gageant ainsi les créations d'emplois dans les domaines prioritaires par des suppressions d'emplois dans les autres domaines. L'avis est défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

Article 7

M. François Marc, rapporteur. - L'avis est défavorable pour l'amendement n° 4 qui est incompatible avec l'objectif poursuivi par le projet de loi, soit la réduction du déficit public.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.

Article 8

M. François Marc, rapporteur. - L'amendement n° 5 propose de supprimer l'article 8, qui prévoit l'association des collectivités territoriales à l'effort de redressement des finances publiques. L'avis est défavorable, de même que pour l'amendement n° 9.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n°s 5 et 9.

Article 9

M. François Marc, rapporteur. - On comprend la logique de l'article 9, tel qu'il est actuellement rédigé : dès lors que les caisses d'assurance maladie contrôlent, dans une certaine mesure, leurs dotations, c'est en pratique ces éléments de l'ONDAM qui sont le plus susceptibles d'être mis en réserve. Toutefois l'amendement n° 1 de la commission des affaires sociales semble pertinent : soit il n'est pas possible en pratique de mettre en réserve autre chose que des dotations, et alors il ne change rien ; soit cela est possible, et alors cet amendement instaure une nouvelle possibilité. Je propose que nous demandions l'avis du Gouvernement.

La commission décide de demander l'avis du gouvernement sur l'amendement n° 1.

Article 12

M. François Marc, rapporteur. - En supprimant tout chiffrage de l'évolution de l'enveloppe normée, l'amendement n° 6 vide de son sens l'article 12 du projet de loi et exclut de l'effort de redressement des finances publiques les collectivités territoriales. L'avis est défavorable.

Mme Marie-France Beaufils. - Nos amendements aux articles 8 et 12 visent le même objectif. Selon nous, toute décision sur le financement des collectivités territoriales ou sur leur participation à la réduction du déficit public doit se faire en collaboration avec elles et non à partir d'une définition de principe.

M. François Marc, rapporteur général. - Je propose une demande de retrait de l'amendement n° 11 qui propose de préciser que les modalités de répartition de l'enveloppe normée ont pour objectif de favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales, à travers des dispositifs de péréquation. Cet amendement n'a pas de portée pratique.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6 et décide de demander le retrait de l'amendement n° 11.

Article 14

M. François Marc, rapporteur. - L'avis est défavorable pour l'amendement n° 7 : il n'y a pas lieu de supprimer cet article, qui indique clairement comment il conviendra d'appliquer, pendant la période de programmation, le 10° de l'article 34 de la LOLF.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7.

Article 16

M. François Marc, rapporteur. - L'article 16 propose une évaluation des projets d'investissements publics (dont ceux des hôpitaux) en deux temps : une évaluation socio-économique préalable pour tous les projets et une contre-expertise indépendante pour les projets les plus importants. L'amendement n° 2 de la commission des affaires sociales propose de supprimer la première phase pour les investissements hospitaliers, considérant que cette procédure existe déjà. Il maintient en revanche la contre-expertise. L'amendement de la commission des affaires sociales soulève l'une des difficultés pratiques que pose cet article : comment s'articule la nouvelle procédure introduite avec celles qui existent déjà aujourd'hui dans différents secteurs (transport, culture,...) ? Cet amendement pourrait être l'occasion de demander au Gouvernement des précisions sur ce point. Je suggère donc de demander son avis.

L'amendement n° 10 propose de supprimer, lui, la seconde phase de l'évaluation des investissements publics, à savoir la contre-expertise indépendante. La contre-expertise peut être importante dans certains cas ; c'est même l'un des apports de l'article qui suit une préconisation de la Cour des comptes. Mais, cet amendement pointe également certaines questions pratiques posées par ce dispositif : comment interviendra le commissariat général à l'investissement en la matière, est-il « outillé » pour... Je propose de demander l'avis du Gouvernement. Suite aux explications de ce dernier, nous pourrons, sans doute, demander le retrait.

L'amendement n° 12 propose de préciser que les évaluations préalables sont non seulement socio-économiques, mais aussi environnementales. Il n'est, sans doute, pas facile de mesurer l'impact environnemental d'un investissement public... On peut, là aussi, demander au Gouvernement s'il dispose de la « boîte à outils » nécessaire...

La commission décide de demander l'avis du gouvernement sur les amendements n°s 2, 10 et 12.

Article 20

M. François Marc, rapporteur. - L'avis est défavorable à l'amendement n° 8 qui propose de soustraire du champ d'application de ce rapport les réseaux consulaires, c'est-à-dire les trois réseaux relevant des chambres de commerce et d'industrie, des métiers et de l'artisanat et, enfin, de l'agriculture.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.

Compétitivité de l'industrie française - Audition de M. Louis Gallois, commissaire général à l'investissement

La commission procède ensuite, lors d'une réunion conjointe avec la commission des affaires économiques, à l'audition de M. Louis Gallois, commissaire général à l'investissement, à l'occasion de la remise de son rapport sur la compétitivité de l'industrie française.

- Présidence de M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, et de M. Philippe Marini, président de la commission des finances -

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économique. - Les deux commissions, des affaires économiques et des finances, entendent aujourd'hui M. le commissaire général à l'investissement, sur le rapport qu'il a remis lundi au Premier ministre. Au « Pacte pour la compétitivité de l'industrie française » que propose M. Louis Gallois, le gouvernement a déjà réagi en annonçant 35 mesures regroupées en 8 catégories.

M. Louis Gallois, votre parcours professionnel a fait de vous un véritable capitaine d'industrie : vous avez été président de la Snecma entre 1989 et 1992, président-directeur général de L'Aérospatiale pendant quatre ans, puis président de la SNCF de 1996 à 2006, où vous avez accompli un travail remarquable avec les partenaires sociaux. Enfin, vous avez présidé EADS entre 2006 et 2012. Votre rapport puise sans nul doute à l'expérience ainsi accumulée et aux nombreux travaux de réflexion sur la croissance et l'industrie française auxquels vous avez participé. Nous souhaitons avoir un éclairage sur les éléments qui ont structuré vos propositions et entendre vos réactions aux annonces faites hier au cours du séminaire gouvernemental.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Nous avons en effet le plaisir d'auditionner M. le commissaire général, que nous avions déjà accueilli en juillet dernier. C'est aujourd'hui en sa qualité de missionnaire de la compétitivité qu'il s'adresse à nos deux commissions - ce qui est en soi un premier succès, car nos périmètres respectifs semblent difficiles à réconcilier : tandis que l'économie a trait aux cycles de moyen terme, les finances s'attachent à l'immédiateté des choses, au rythme des marchés, aux résultats d'un exercice budgétaire. Or, votre réflexion s'efforce de tracer des pistes pour réconcilier court, moyen, et long termes. Nous sommes en outre sensibles au fait qu'il s'agit de votre première audition publique depuis la remise de votre rapport et les annonces, inattendues, du Premier ministre hier. Cet après-midi en séance publique, nous examinerons le projet de loi de programmation des finances publiques que les annonces d'hier modifient substantiellement.

Y a-t-il un problème de compétitivité-prix en France ? Nous avons entendu sur ce sujet de nombreuses thèses ces derniers mois. Comment vous situez-vous dans ce débat ?

Ensuite, vous préconisez un transfert de 30 milliards d'euros. Comment êtes-vous parvenu à ce chiffre ? Sous le mandat précédent, j'en étais venu à considérer que la TVA sociale n'aurait d'impact significatif qu'à partir d'un transfert de 30 milliards d'euros également, mais je souhaiterais savoir sur quelles données ou analyses macroéconomiques ou empiriques vous vous fondez pour calculer les effets de ce transfert sur la croissance, le commerce extérieur, l'emploi. Que ce transfert ait lieu à partir des cotisations patronales, salariales, ou les deux, et qu'il aille vers la fiscalité indirecte ou la CSG : en quoi cela constitue-t-il le meilleur choix possible pour l'intérêt général - qui reste notre objectif commun ?

M. Louis Gallois, commissaire général à l'investissement. - Je suis honoré d'être entendu par vos deux commissions réunies. L'exercice auquel je me livre n'est pas facile : j'ai remis mon rapport avant-hier, le gouvernement a pris des décisions hier. J'essaierai par conséquent de naviguer, aussi adroitement que possible, entre les deux...

La logique d'ensemble du rapport est fondée sur un diagnostic sévère : le décrochage industriel de notre pays est non seulement avéré, mais il s'accélère depuis une dizaine d'année. Les 22 mesures principales que je propose visent d'abord à stopper ce dérapage. Soutenir l'investissement est le plus urgent ; il y faut un choc de compétitivité, autrement dit un choc de confiance. Il s'agit ensuite de procéder à une reconquête industrielle. Celle-ci demandera du temps, de la persévérance, et l'appui indispensable des Français, puisque ce magnifique projet collectif porte sur notre modèle économique et social. Ce rapport a au moins le mérite de faire naître un débat. Personne ne conteste plus la réalité, ni la nécessité d'agir. Engager les efforts nécessaires imposera enfin de renouveler le dialogue social à tous les niveaux : celui des entreprises, des branches, comme au niveau régional et national. Nous devons rebâtir un pacte social analogue à celui que les Français ont su nouer à la sortie de la seconde guerre mondiale, mais qui est aujourd'hui à bout de souffle.

L'industrie française, sauf exceptions, n'a pas réussi sa montée en gamme. Par conséquent, elle se trouve prise en étau entre d'une part les industries qui sont parvenues, par leur montée en gamme, à se dégager de la pression mortifère des prix - Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Danemark, Suède, Italie du Nord - et d'autre part celles qui bénéficient d'une structure de coûts plus avantageuse, dans les pays émergents ainsi qu'en Europe de l'Est, ou en Espagne. Celle-ci devient en effet un pays à bas coût, comme en témoigne l'amélioration rapide de sa balance commerciale.

M. Philippe Marini, président. - L'Espagne, ce n'est pas un modèle !

M. Louis Gallois. - Il n'y a pas de modèle. J'observe toutefois que l'industrie automobile s'installe en Espagne, pas en France...

M. Philippe Marini, président. - Nous ne souhaitons pas connaître le niveau de chômage espagnol...

M. Louis Gallois. - Le modèle allemand ne serait pas non plus applicable en France. Le problème de l'industrie française, c'est qu'elle est confrontée à ces divers compétiteurs. Pour continuer à exporter, nos entreprises ont dû baisser leurs prix. Cet alignement vers le bas a rogné leurs marges, qui ont chuté de manière catastrophique ces dix dernières années, passant, dans le cas de l'industrie manufacturière, de 30 % à 21 %, contre une hausse de 7 points en Allemagne. L'écart de taux de marge entre nos deux pays atteint 15 %, soit 105 milliards d'euros. Par conséquent, la capacité d'autofinancement des entreprises françaises a plongé : à 64 %, elle se situe à un niveau historiquement bas depuis une trentaine d'années.

M. Philippe Marini, président. - Soulignons le paradoxe, selon ce schéma, qui veut que l'Italie gagne en compétitivité par rapport à nous, alors qu'elle est en détresse financière. Cette contradiction apparente souligne, s'il en était besoin, la différence entre le financier et l'économique.

M. Daniel Raoul, président. - Laissons M. Louis Gallois aller au bout de son exposé.

M. Louis Gallois. - L'Italie est compétitive sur le plan industriel. Elle connaît un excédent primaire de son budget et un excédent de sa balance industrielle. En valeur absolue, l'industrie italienne est plus importante que l'industrie française. L'Italie du Nord est la première région industrielle d'Europe ! Mais la dette contractée depuis de nombreuses années l'a placée dans une situation financière dégradée.

M. Philippe Marini, président. - Pourquoi alors être solidaire financièrement avec ce pays ?

M. Louis Gallois. - Cette question dépasse mes compétences. La baisse de notre capacité d'autofinancement empêche le décollage de l'investissement en France : celui-ci stagne depuis dix ans, nuisant à la montée en gamme. Cette situation est due à de nombreuses faiblesses structurelles. D'abord, le niveau élevé des dépenses publiques alourdit la fiscalité qui pèse sur nos entreprises.

M. Philippe Marini, président. - Aussi bien les grandes que les petites ?

M. Louis Gallois. - Oui, d'une manière générale. Ensuite, l'empilement administratif, la sur-réglementation, l'instabilité réglementaire brouillent l'horizon des entreprises. Ce point a été analysé par la commission Attali, mon rapport ne le détaille donc pas. Notre appareil de recherche et de formation n'est pas assez articulé avec le secteur industriel. L'épargne des Français n'est pas suffisamment dirigée vers le financement de celui-ci. Notre tissu industriel est trop éclaté, avec de nombreuses PME, mais trop peu d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) : si nous en avions une proportion équivalente à celle de l'Allemagne ou de l'Italie, elles seraient deux fois plus nombreuses ! Ajoutons à cela que la solidarité de notre tissu industriel est insuffisante : interrogez nos équipementiers sur les rapports qu'ils entretiennent avec les entreprises françaises et allemandes, ils vous confirmeront le manque de solidarité dont font preuve les donneurs d'ordre français avec leur chaîne de fournisseurs.

Notre dialogue social est peu productif et le marché du travail fonctionne mal. Dans 80% des embauches, le contrat à durée déterminée (CDD) ou l'intérim sont préférés au contrat à durée indéterminée (CDI), jugé trop rigide. Le marché du travail accuse alors une dualité qui oppose les salariés protégés sous CDI à des salariés à statut précaire dont les liens avec leur entreprise se distendent. Pôle emploi, malgré tous ses mérites, est submergé par la masse des demandeurs d'emploi qu'il ne peut accompagner correctement, et cette institution demeure trop éloignée d'un appareil de formation dont ne bénéficient que 9 % des chômeurs.

Le fatalisme n'est cependant nullement de mise car notre industrie a de nombreux atouts. De nombreux pays ont montré leur capacité à redresser une situation difficile : la Suède ; l'Italie, dont on pouvait croire l'industrie perdue en 2008-2009 ; le Canada, quoique la présence d'importantes ressources naturelles ait contribué au rétablissement. Nous avons des atouts sectoriels de premier plan : l'aéronautique, le luxe, la pharmacie, le nucléaire...

M. Philippe Marini, président. - Le nucléaire ? Je n'ai pas vu M. Placé...

M. Louis Gallois. - Je vois de nombreuses pépites dans tous ces secteurs. Nous avons des groupes mondiaux puissants, plus nombreux, en proportion, qu'en Allemagne ou en Italie : l'Air Liquide, Safran, Total, Danone... En matière de recherche, nous faisons partie des quatre ou cinq nations au monde présentes sur l'ensemble du spectre, bien que notre recherche soit insuffisamment articulée avec le secteur industriel. Notre productivité du travail est forte, mais croît à un rythme insuffisant ; et la productivité globale des facteurs de production, elle, stagne. Nous avons 35 000 robots, lorsque l'Italie en a 62 000, l'Allemagne 150 000. La génération des robots français est plus ancienne que celle des robots italiens. Le robot n'est pas l'ennemi de l'emploi, il contribue au contraire à le fixer en France.

Nous bénéficions de prix de l'énergie compétitifs, c'est un atout à préserver. L'Allemagne nous montre la voie : en dépit d'une facture énergétique plus élevée que celle de la France, elle assure aux industries électro-intensives des prix inférieurs à ceux pratiqués en France.

M. Philippe Marini, président. - Mais avec un prix de revient de l'énergie plus élevé !

M. Louis Gallois. - Oui. Enfin, nous avons des infrastructures et services publics de qualité, à l'exception de nos ports.

M. Philippe Marini, président. - La CGT est passée par là...

M. Louis Gallois. - Notre ambition industrielle est claire : il faut monter en gamme. Nous ne gagnerons pas la bataille des coûts contre la Chine. Nous devons parier sur l'innovation, la compétitivité, les secteurs d'avenir, en nous appuyant sur ce qui marche. Il nous faut reconstituer le club France. C'est un véritable appel au patriotisme. Nous n'y parviendrons pas sans développer les liens entre l'appareil de recherche et l'industrie, entre les grandes entreprises et les PME, entre les territoires. Voici le principal avantage comparatif allemand : le soutien inconditionnel à son industrie, quelles que soient les positions sur l'échiquier politique ou syndical.

M. Philippe Marini, président. - Est-ce une leçon pour le personnel politique français ?

M. Louis Gallois. - Pas du tout. Je dis que nous avons besoin de ce type de cohésion. Il nous faut avancer de manière ordonnée et cadencée et nous attaquer à la question cruciale, celle de l'investissement. C'est pourquoi je plaide pour une politique de l'offre. En tant que vieux keynésien, j'ai quelques difficultés à l'admettre, mais une politique de demande n'est plus en mesure de fonctionner sans mettre en péril notre commerce extérieur. En effet, lorsque la demande intérieure augmente de 1 %, nos importations augmentent de 1,4 %, et même 1,6 % à court terme...

Pour relancer la machine, il faut que les industriels aient envie d'investir. Or, ce sont les chefs d'entreprise qui prennent de telles décisions. Pour restaurer un écosystème favorable à l'investissement, mes préconisations tiennent en trois mots : reconnaissance, stabilité et visibilité.

Reconnaissance d'abord : les entrepreneurs doivent être reconnus comme des acteurs économiques essentiels, ils le méritent au même titre que les salariés. Stabilité ensuite : sur le plan réglementaire...

M. Philippe Marini, président. - Fiscal également ?

M. Louis Gallois. - Oui, aussi. Sur les huit premiers mois de l'année 2012, 41 textes relatifs à la gestion des déchets sont entrés en vigueur. Je connais une entreprise de taille intermédiaire qui a mis en place une cellule spéciale d'étude de la réglementation applicable...

M. Philippe Marini, président. - Elle pourrait vendre son savoir-faire...

M. Louis Gallois. - Je le lui souhaite ! La stabilité suppose également que les actionnaires n'entraînent pas les industriels dans la recherche de performance à court terme. Je propose deux mesures pour y faire obstacle : d'une part, un double droit de vote au bout de deux ans de détention des actions, sauf opposition de l'assemblée générale à la majorité des deux tiers ; d'autre part, l'entrée avec voix délibérative de quatre représentants du personnel aux conseils d'administration des entreprises de plus de 5 000 salariés, afin d'y équilibrer les points de vue.

La prévisibilité, enfin : l'État doit donner des repères aux entreprises, leur fournir des horizons de développement. Je propose la création d'un commissariat à la prospective pour coordonner les différents conseils existants, tels la conférence nationale de l'industrie...

M. Philippe Marini, président. - Ne pourrait-on en supprimer quelques uns ?

M. Louis Gallois. - Justement, je propose aussi que toute création d'une administration s'accompagne de la suppression d'une autre. Ce dont nous avons besoin, c'est d'une structure permettant aux acteurs de se parler, hors négociations formelles. Le commissariat général du plan avait le mérite de permettre aux gens de dialoguer sans enjeu, sans négocier.

J'ai proposé, pour créer ce choc de compétitivité, un transfert des charges sociales sur la fiscalité. Les charges sociales financent en partie un système assurantiel : il est normal qu'elles reposent sur le travail. Une telle assise se justifie moins s'il s'agit de financer des dépenses de solidarité. La fiscalité doit prendre le relai du financement des allocations familiales, d'une partie de la CMU, etc. Même si le plan du Gouvernement ne s'engage pas dans ce sens, pour des raisons compréhensibles, la réflexion devra être conduite par le Haut conseil du financement de la protection sociale. La France est l'un des rares pays européens qui fait supporter l'essentiel du financement de sa protection sociale sur le facteur travail dans les entreprises. Ce n'est bon ni pour l'emploi, ni pour les entreprises elles-mêmes.

Au risque de décevoir le président Philippe Marini, j'ai obtenu ces 30 milliards en additionnant en quelque sorte des choux et des carottes. Les 20 milliards de cotisations patronales sont un véritable transfert de nature à soulager les entreprises.

M. Philippe Marini, président. - Est-ce suffisant ?

M. Louis Gallois. - J'y viens. Les 10 autres milliards, des cotisations salariales, sont destinées à diminuer l'impact sur le pouvoir d'achat des mesures fiscales que je propose. Ces 30 milliards représentent la moitié de la perte de marge des entreprises depuis 2001 et le tiers de l'écart avec l'Allemagne. Nous faisons, de la sorte, la moitié du chemin. Est-ce suffisant ? Qu'il s'agisse des 20 milliards que propose le gouvernement ou de mes 20 milliards de transfert de charges sociales - seul le mécanisme diffère -, l'important est de créer un choc de confiance. Nous disons aux entreprises : voilà ce que la collectivité fait pour vous, le climat vous est favorable, la balle est dans votre camp.

Ce transfert est partiellement financé par l'augmentation du taux intermédiaire de TVA, qui rapporte environ 6 milliards d'euros. Je n'ai pas proposé de toucher au taux normal, sachant que le gouvernement y était hostile. J'ai retenu la CSG en raison de son caractère modulable, qui peut épargner les plus démunis. Je ne suis pas hostile à la TVA, qui présente l'avantage de s'appliquer aux importations, mais elle ne présente pas la même souplesse que la CSG. Soit dit en passant, je sais que je rends la CSG indisponible pour financer la sécurité sociale. Le gouvernement semble l'avoir anticipé : le relais sera pris par la réduction de la dépense publique.

M. Philippe Marini, président. - Il l'a annoncé... Mais entre les annonces et la réalisation, il y a parfois un monde.

M. Louis Gallois. - Je connais votre vigilance, monsieur le président, je ne doute pas qu'elle s'exercera. L'intention du gouvernement reste louable, et à ce stade, je m'en satisfais.

Je trouve le dispositif du gouvernement assez astucieux, et à certains égards, meilleur que le mien. Il n'est pas absurde de laisser la question des charges sociales à la négociation. Mais sur les 20 milliards, une partie revient à l'État par l'intermédiaire de l'imposition des bénéfices des entreprises. Or, les entreprises peuvent mettre à profit ces 20 milliards pour réduire leurs prix, embaucher ou encore investir. Je raisonnais donc sur 20 milliards bruts. Dans le dispositif du gouvernement, il s'agit de 20 milliards après impôt. Quoi qu'il en soit, les entreprises peuvent inclure ces montants dans leurs comptes pour 2013 et bénéficier d'un effet en trésorerie, renvoyant l'impact le plus important sur la fiscalité de 2014-2015.

M. Philippe Marini, président. - Dans l'immédiat, on adopte un budget pour 2013 qui fait l'inverse !

M. Louis Gallois. - Je propose également des mesures sur l'énergie. Je ne parle pas du coût du travail, non car je pense qu'il n'existe pas, mais parce qu'il faut regarder l'ensemble des coûts supportés par les entreprises. Or les coûts de l'énergie sont un atout français qu'il est indispensable de préserver. Les énergies renouvelables doivent être encouragées - et le commissariat général à l'investissement s'y emploie - mais nous devons veiller à ce qu'elles n'entraînent pas de hausse de la facture énergétique à moyen et long termes - nous savons que ce sera le cas à court terme. S'agissant du parc nucléaire, c'est à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) de décider si une centrale doit fermer ou non, en fonction du danger que son exploitation représente. Si une centrale, même vieillissante, n'est pas dangereuse, pourquoi s'en priver ?

M. Philippe Marini, président. - Autrement dit, 50 %, ce n'est pas raisonnable ?

M. Alain Fauconnier. - C'est insupportable ! Nous sommes venus pour entendre M. Gallois et il est sans cesse interrompu !

M. Louis Gallois. - Cela dépendra entièrement de l'évolution de la consommation d'énergie dans les prochaines années.

M. Philippe Marini, président. - Il ne fallait pas le promettre...

M. Louis Gallois. - Mon rapport est en outre favorable à la poursuite de la recherche relative aux techniques d'exploitation des gaz de schiste. Actuellement, la fracturation hydraulique telle que pratiquée aux Etats-Unis présente des risques. Des programmes de recherche sur les techniques sont engagés par les Américains, par les Anglais également. L'Allemagne a pris une décision en ce sens : la France pourrait s'associer à ce projet, voire proposer un programme européen !

La montée en gamme requiert aussi de l'innovation. Nous devons améliorer l'articulation entre l'appareil de recherche et l'industrie. Il ne s'agit pas de mettre celui-là à la remorque de celle-ci - ayant été directeur de cabinet du ministre de la recherche, je connais la sensibilité des chercheurs à ce sujet - mais d'ouvrir le dialogue avec l'industrie. Le mouvement est en train de s'engager, nous devons l'accélérer. L'innovation nécessite une forte collaboration entre les différents acteurs, pôles de compétitivité, instituts de recherche technologique, sociétés d'accélération des transferts technologiques...

J'en viens aux solidarités du tissu industriel. Il n'y a pas de miracle pour faire grandir les entreprises. Les obstacles à leur croissance sont nombreux. Mon rapport ne fournit pas une liste exhaustive des mesures pour les lever, mais donne des pistes, montre la direction. Transmission d'entreprise, financement des entreprises innovantes, lissage des seuils sociaux et fiscaux, soutien aux chefs d'entreprises par leurs pairs ou par des organismes dédiés... J'ai proposé que tout ceci fasse l'objet d'un small business act.

M. Philippe Marini, président. - Une idée qui figure dans les programmes de tous les candidats depuis dix ans ! Small is beautiful...

M. Louis Gallois. - Non, small doit grandir !

Deuxième aspect : les filières. L'État ne peut pas tout. Aux entreprises de prendre leurs responsabilités. Je propose que l'État accorde son soutien à des programmes de recherche lorsqu'ils sont menés par une grande entreprise en lien avec ses sous-traitants. Le soutien de l'État doit engager les filières dans leur ensemble. Le commissariat général à l'investissement applique déjà ce principe. Il faut en outre faire appel au patriotisme des chefs de grandes entreprises françaises : au-delà de leur engagement citoyen, il est dans leur intérêt d'avoir en France une chaîne de fournisseurs compétitive.

J'ai proposé que les grandes entreprises élaborent des chartes relatives aux relations avec leurs fournisseurs. L'expérience de l'industrie aéronautique est assez remarquable, bien qu'un peu isolée en France : elle est due au Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas), syndicat professionnel actif, qui réunit tous ses patrons une fois par mois. La conférence nationale de l'industrie est utile, mais les syndicats professionnels doivent néanmoins se structurer, ce qui implique que les entreprises leur versent davantage de cotisations. Les solidarités régionales sont essentielles. L'engagement croissant des régions dans le soutien à l'appareil productif est positif : celles-ci ont en effet une vision plus concrète et plus proche des entreprises de taille moyenne et intermédiaire.

La formation initiale est insuffisamment valorisée dans les métiers techniques, mal articulée avec les besoins de l'industrie. Je propose que les entreprises soient présentes dans la gouvernance du système éducatif technique et professionnel, et à l'inverse, que les entreprises s'engagent dans les formations en alternance. J'ai proposé le doublement de celles-ci sur cinq ans.

La formation continue représente, elle, 31 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien. Un audit de l'efficacité du système serait du reste le bienvenu. Les durées de formation se réduisent. L'accent est davantage mis sur l'adaptation au poste de travail que sur l'employabilité globale des salariés. Au surplus, les moins qualifiés sont ceux qui bénéficient le moins de la formation continue. J'ai donc proposé la création d'un compte individuel de formation sur toute la vie active, avec un droit quantifié. Chaque salarié devrait gagner au moins une qualification durant l'ensemble de sa carrière.

Le crédit interentreprises pose un vrai problème : il représente en volume cinq fois le crédit bancaire. Il est utilisé par les grands donneurs d'ordre comme un outil de pression sur les fournisseurs. La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 (LME) n'est pas respectée. Le fournisseur produit sur simple engagement de commande. La commande proprement dite est passée au dernier moment, juste avant réception des produits, afin de retarder le déclenchement du délai de paiement de soixante jours. Des sanctions administratives doivent être prises, car aucune entreprise n'ira se plaindre devant les tribunaux des agissements d'un gros client.

M. Philippe Marini, président. - Il faut donc multiplier les contrôles ?

M. Louis Gallois. - Depuis la LME, les commissaires aux comptes doivent rédiger un rapport sur les crédits clients et fournisseurs, mais ils ne le font jamais. Les chambres de commerce et d'industrie devront imposer aux commissaires aux comptes de procéder à ce contrôle.

M. Philippe Marini, président. - Bon courage ! Elisabeth Lamure et moi avons été rapporteurs de la LME. Déjà en 1978, jeune inspecteur des finances au commissariat au plan, j'avais rapporté sur le crédit interentreprises...

M. Louis Gallois. - Si on ne règle pas la question, notre industrie agro-alimentaire, soumise à la dictature des grandes centrales d'achat, continuera à péricliter.

L'épargne de long terme devra être placée dans les entreprises.

M. Philippe Marini, président. - Et la fiscalité ?

M. Louis Gallois. - Elle devra encourager ces placements. Il serait normal que les contrats d'assurance-vie en unités de compte aient une fiscalité plus favorable puisqu'il s'agit de contrats en actions, non en obligations.

La future banque publique d'investissement (BPI) est intéressante pour son effet de levier sur le financement de l'économie, en une période où l'argent va se faire rare pour les entreprises, du fait des contraintes prudentielles, Bâle III notamment.

M. Philippe Marini, président. - La BPI ne sera pas soumise à Bâle III ?

M. Louis Gallois. - Si, elle le sera, mais elle conservera un effet de levier. France Investissement a soutenu le capital investissement, qui s'est effondré depuis 2008, passant de 12,5 à 6 milliards d'encours. Le commissariat général à l'industrie devrait faire travailler tous les acteurs ensemble, sur l'innovation et les technologies génériques, la santé, les sciences du vivant et la transition énergétique.

La politique industrielle européenne reste trop générale. Au moins l'Union européenne a-t-elle une stratégie industrielle, mise à jour en août dernier. Malheureusement, celle-ci n'est pas déclinée dans des politiques, à l'exception de la politique du marché intérieur et de la politique de recherche. Le budget européen de la recherche va considérablement augmenter lors du prochain programme-cadre de recherche et de développement (PCRD). En revanche, l'Union européenne n'a aucune politique en matière d'énergie ou de matières premières. Cela me paraît très grave, d'autant que les choix énergétiques de l'Allemagne auront pour conséquence de relever le prix de l'énergie dans toute l'Europe. Pour les matières premières, la Chine, les Etats-Unis et certains pays émergents mènent une politique extrêmement affirmée. Si l'Europe ne se mobilise pas, elle sera bientôt dans la main de ses fournisseurs.

M. Philippe Marini, président. - Faut-il acheter des mines de métaux rares ?

M. Louis Gallois. - Quelques entreprises européennes en possèdent, mais elles ne travaillent pas de manière coordonnée.

Enfin, la politique monétaire extérieure, la politique de la concurrence et la politique du commerce extérieur posent problème. L'euro fort renforce les forts et affaiblit les faibles, ce qui accroît les inégalités entre les pays membres.

M. Philippe Marini, président. - Donc, vous êtes pour un euro ni fort ni faible.

M. Alain Fauconnier. - Arrêtez d'interrompre l'orateur ! Quel Zébulon !

M. Philippe Marini, président. - Cela soutient votre intérêt !

M. Alain Fauconnier. - Vous n'êtes pas mon professeur. Cessez donc d'intervenir sans cesse, ce n'est pas vous que nous sommes venus entendre !

M. Louis Gallois. - Je suis pour un euro qui soit à sa parité de pouvoir d'achat, soit 1,15 euro pour un dollar.

J'en viens au pacte social. Nous sommes dans une période qui peut devenir historique : trois négociations sont en cours, l'une sur le financement de la protection sociale, l'autre sur les instances représentatives du personnel et la dernière sur la sécurisation de l'emploi. Sécurité sociale, représentation syndicale et contrat de travail, tous trois créés par le Conseil national de la Résistance ! Il convient de renouveler le pacte social de 1946 qui est à bout de souffle, ce qui implique une vision large pour aboutir à des compromis d'ensemble. Les chefs d'entreprise recherchent souplesse, capacité d'adaptation et sécurité juridique. Les personnels veulent pouvoir s'exprimer, avoir du poids dans les décisions et être mieux protégés face à un monde instable. Voilà les composantes de l'équilibre à trouver. Et aucune politique de compétitivité ne réussira si la nation ne se rassemble pas autour des objectifs de la reconquête industrielle. (Applaudissements)

M. François Marc, rapporteur général. - Je remercie M. Louis Gallois pour la qualité de son exposé et son rapport synthétique, 60 pages seulement mais qui fourmillent de propositions fort utiles. Je rends hommage à son expérience de chef d'entreprise, à sa hauteur de vue : ses propositions sont ambitieuses, pragmatiques. Il a établi un diagnostic sans fard concernant l'industrie française. Il a su s'affranchir des querelles d'écoles et insister sur l'urgence à agir. Le gouvernement envisage déjà des dispositions sur lesquelles nous reviendrons cet après-midi. Ce qu'il propose ne modifie pas la trajectoire de redressement des finances publiques.

La mesure phare consiste en 30 milliards d'euros d'allègements de cotisations sociales. Quel en sera l'impact économique ? Comment en mesurer les effets ? Selon les simulations disponibles, si l'on veut créer des emplois, il faut plutôt concentrer les baisses de charges sur les bas salaires ; si l'on veut améliorer la compétitivité, il faut plutôt les concentrer sur des salaires plus élevés, comme ceux versés dans l'industrie. Pourquoi avoir proposé que les transferts de charge portent sur les salaires jusqu'à 3,5 fois le smic ? Quel serait l'effet de cette mesure sur le PIB et sur la balance commerciale ? En outre, son impact macro-économique sur les investissements dépendra de la manière dont les entreprises répercuteront la baisse des cotisations sur les prix, les investissements ou la distribution des bénéfices. Pourquoi ne pas avoir conditionné le bénéfice des allègements de cotisations aux investissements réalisés ?

Des fiscalités alternatives ont été évoquées : que faut-il entendre par fiscalité écologique ? Quel dynamisme en attendre ?

Dans son rapport de septembre 2012 sur la sécurité sociale, la Cour des comptes proposait d'intégrer les allègements généraux de charges dans le barème des cotisations sociales - cela aurait pour vertu de mettre fin à l'affichage d'une forte ponction sur les salaires bruts, qui fausse l'appréciation des coûts et noircit le tableau...

Votre rapport préconise de ne pas modifier le crédit d'impôt recherche (CIR), qui bénéficie pour les deux tiers à l'industrie alors que les allègements de cotisations sociales que vous proposez ne lui profitent que pour un tiers. Pourquoi dès lors avoir écarté une réforme du CIR ? N'aurait-on pu le renforcer ?

Vous souhaitez que l'on recherche de nouvelles techniques d'exploitation des gaz de schiste. Mais l'Amérique du Nord dispose de 60 % des réserves connues, l'Europe de seulement 3%. Cela provient sans doute en partie d'une moindre prospection en Europe, mais est-on sûr que les réserves en Europe aient une importance analogue ?

Parmi les causes structurelles de décrochage de l'industrie française, vous dénoncez une mauvaise articulation entre la recherche, l'innovation, la formation et l'industrie. Les investissements d'avenir n'ont-ils pas amélioré la situation ? Une part de ceux-ci n'a pas encore été engagée : pourquoi un tel retard quand on clamait, en 2009, l'urgence de la situation ? L'enveloppe résiduelle sera-t-elle réservée aux filières industrielles ? Si oui, sous quelle forme ?

M. Martial Bourquin. - Je remercie également M. Louis Gallois pour la qualité de ses propos et de son rapport, qui ne doit pas rester lettre morte. Je me suis réjoui que le gouvernement, sur la base de ce rapport, présente dès hier ses mesures pour améliorer la compétitivité. Mais ne nous y trompons pas, ce sont avant tout les mentalités qui provoquent l'échec français. Pourquoi un tel échec ? Nous avons rédigé, Alain Chatillon et moi-même, un rapport sur la désindustrialisation et les chiffres que vous citez révèlent une nette aggravation de la situation. L'idéologie post-industrielle a été funeste : à chaque fois qu'une société fermait, on croyait qu'une entreprise de service prendrait le relais. L'industrie était présentée comme une nuisance avec son cortège de pollutions, jamais comme un atout essentiel. Les pays qui ont surmonté la crise de 2008-2009 sont ceux qui avaient une véritable politique industrielle.

Vous sonnez le tocsin et vous avez raison. Les relations entre donneurs d'ordre et sous-traitants sont malsaines. Les PME de l'agro-alimentaire sont presque dans une situation d'esclaves par rapport à leurs maîtres de la grande distribution. M. Jean-Claude Volot a accompli un travail extraordinaire lui aussi. Il faudra une évolution législative pour simplifier la loi LME et pour que les commissaires aux comptes soient contraints de mettre en relief les problèmes rencontrés avec les sous-traitants.

Vous proposez un choc de compétitivité : le glissement de la fiscalité des entreprises vers les ménages pouvait provoquer un choc de récession. Du reste les Etats-Unis et le FMI craignent que l'Europe ne s'enlise dans la récession en menant des politiques presque déflationnistes. Ne faudrait-il pas restaurer une taxe carbone ? Les propositions du gouvernement contournent le problème, mais ne faudrait-il pas encourager une fiscalité européenne sur le carbone, ce qui ne serait ni une mesure frileuse, ni une marque de défiance à l'égard de l'Asie ?

M. Philippe Marini, président. - Elle pèserait sur l'industrie !

M. Martial Bourquin. - Essayez d'écouter, M. le Président, et arrêtez d'intervenir à tout propos. Pendant une heure, vous avez gêné M. Louis Gallois.

M. Philippe Marini, président. - Je l'ai gêné ? La prochaine fois, j'éviterai de vous gêner et il n'y aura plus d'audition conjointe avec la commission de l'économie. Ce sera plus simple. Vous serez ainsi entre vous : il y a quatre socialistes à la tribune, je suis différent et vous avez du mal à l'accepter !

M. Louis Gallois. - Vous n'avez pas le droit de me classer ainsi ! Je n'ai la carte d'aucun parti et je ne peux accepter ces propos ! (Applaudissements sur divers bancs)

M. Martial Bourquin. - L'avenir de l'industrie française devrait transcender les courants.

M. Philippe Marini, président. - Et vous parlez d'une taxe carbone qui ne pèserait que sur l'industrie : bravo !

M. Alain Fauconnier. - Arrêtez, Zébulon !

M. Martial Bourquin. - En Allemagne, l'industrie est une priorité, quelles que soient les alternances politiques.

Le pays bénéficie également d'un facteur de compétitivité important à travers le prix des logements. Le prix du mètre carré construit y est de 1 300 euros, contre 3 500 euros en France, ce qui pèse terriblement sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Une question demeure : un allègement de charge induira-t-il systématiquement de l'investissement productif ? Dans la restauration, certaines entreprises ont tiré parti de la baisse de la TVA pour investir, d'autres n'ont fait qu'engranger des bénéficies supplémentaires. Comment faire pour traduire ces allègements de charge en investissements ?

M. Louis Gallois. - M. François Marc m'a demandé comment centrer sur l'industrie les 30 milliards d'euros. Il n'y a pas de miracle. J'ai proposé d'aller jusqu'à 3,5 smic, car plus on monte dans les salaires, plus la mesure profite à l'industrie et aux services à haute valeur ajoutée - l'industrie est bénéficiaire de 35% de la mesure. En y ajoutant les services de transport, de nettoyage, de gardiennage, on arrive à 50%. Le dégrèvement sur les charges sociales que je propose, comme le CIR, ne cible pas uniquement l'industrie mais il a un impact direct ou indirect sur elle.

Le rapporteur général m'a également interrogé sur l'impact macro-économique de mes propositions. J'ai été très déçu par les modèles économiques que nous avons fait tourner car... ils n'intègrent pas l'investissement ! Celui-ci n'est pris en compte que par le biais des consommations intermédiaires qu'il engendre. Quand l'investissement a diminué de 14% dans les entreprises en 2009, la perte de PNB a été de 1,5%. Quoi qu'il en soit, il faudrait rebâtir une modélisation, en incluant l'investissement. Les modèles actuels, je n'y crois pas, ils sont trop frustes.

Si j'ai proposé 30 milliards d'allègements de charges, c'est que nous risquons d'assister à l'effondrement de l'investissement industriel dès 2013 et l'impact sur la croissance en serait aussi important qu'en 2009. C'est un changement de climat qu'il faut créer.

M. Philippe Marini, président. - Ces réformes s'appliqueront-elles dès 2013 ?

M. Louis Gallois. - Elles se retrouveront dès cette année dans les comptes des entreprises, comme pour le CIR.

M. Philippe Marini, président. - Mais en 2013, ce seront aussi 10 milliards d'impôt supplémentaires !

M. Louis Gallois. - Pour évaluer l'impact macroéconomique, il faut faire tourner les modèles, je ne suis pas capable de me prononcer.

J'ai manqué de courage sur la fiscalité écologique : j'ai parlé de taxe carbone, mais il aurait fallu s'attaquer au diesel. Faut-il maintenir les avantages fiscaux ? Cela me démangeait d'en proposer la suppression. Cependant, 80 % du parc français d'automobiles roule au diesel et le coût de l'essence est déterminant pour de nombreuses personnes qui travaillent...

Il n'est pas sûr que les allègements de charges bénéficient aux investissements. D'abord, il faudra que les financements externes - notamment la BPI et l'épargne longue - viennent relayer les investissements internes. Mais si le climat est favorable, l'investissement repartira. Tous les chefs d'entreprise disent vouloir investir en France.

Noircir le tableau sur les coûts salariaux ? Pour ma part je ne parle pas du coût du travail, mais des marges, qui prennent en compte tous les coûts et les prix, orientés à la baisse sous la pression internationale. A 20 % de marge, les entreprises n'investissent pas, faute d'autofinancement.

Le CIR est un bon instrument et ses effets sont globalement positifs : c'est pourquoi je propose de ne pas y toucher, même s'il peut être amélioré.

Personne ne sait ce qu'il en est des réserves de gaz de schiste : j'entends dire tout et son contraire, mais seuls trois pays européens semblent avoir un potentiel : la Grande-Bretagne, la France et la Pologne. Le seul moyen de le confirmer est de procéder à des forages, mais nous n'en sommes pas là : les techniques d'exploitation devront s'améliorer, ce qui n'exige d'ailleurs pas des investissements particulièrement importants. Les Américains surestiment probablement les réserves françaises pour obtenir des permis d'exploration.

Je veux rendre hommage à mon prédécesseur au commissariat général à l'investissement, René Ricol, dont le travail a été remarquable et qui a déjà débloqué 27 milliards d'euros sur les 35 milliards prévus pour les investissements d'avenir. Nous ne sommes pas encore au niveau de l'Allemagne avec les instituts Fraunhofer, un appareil de formation professionnelle performant et un apprentissage extrêmement développé, mais un mouvement se dessine : à nous de l'encourager.

Je partage l'avis de M. Martial Bourquin sur les mentalités : les Français ne croient plus suffisamment aux progrès techniques parce qu'on ne leur en montre que les aspects négatifs, jamais les potentialités. Le principal risque pour notre pays n'est pas de prendre des risques, mais de n'en prendre aucun. Pour les sous-traitants, je me suis largement inspiré du rapport Volot dont les remarques sur le crédit interentreprises sont pertinentes : si l'on ne parvient pas à un accord entre les centrales d'achat des grandes surfaces et l'industrie alimentaire, cette dernière sera laminée. J'ai proposé un choc de compétitivité sur deux ans, à raison de 10 milliards par an. Le gouvernement reporte ce choc.

M. Philippe Marini, président. - Avec 10 milliards de plus ou de moins, il ne se passera rien.

M. Louis Gallois. - Je ne suis pas un spécialiste de l'immobilier, mais je sais que le coût du logement induit une pression considérable à la fois sur le revenu et sur la mobilité des ménages.

M. Jean Arthuis. - Je salue votre rapport, M. Louis Gallois : peut-être vivons-nous un moment historique. Vous nous invitez à sortir du déni de réalité et à lever un certain nombre de tabous. Il est de notre responsabilité collective d'aller au bout de cette logique. Il y a quelques années, M. Michel Camdessus, chargé d'une commission de réflexion sur la croissance...

M. Louis Gallois. - J'en étais membre !

M. Jean Arthuis. - ...avait parlé d'un risque de décrochage sous anesthésie. Il semble qu'on soit enfin sorti de l'anesthésie et que l'on constate le risque de décrochage.

Vous n'hésitez pas à parler d'un choc de compétitivité et vous soulignez l'urgence d'agir. Cependant, vous n'allez pas toujours au bout de votre démarche : les cotisations destinées à financer la politique familiale, pas plus que les cotisations maladie ne doivent reposer sur les entreprises. Mais êtes-vous sûr que 30 milliards suffiront ? Ne faudrait-il pas aller au-delà ? Puisqu'il faut privilégier l'offre, pour créer de l'emploi, l'heure n'est-elle pas venue de taxer la consommation, avec l'accompagnement pédagogique nécessaire, pour mettre un terme à ces débats enflammés qui nous condamnent à ne rien faire et à nous rendre complices du déclin ?

M. Michel Teston. - Comment faire pour que les allègements de charges servent bien à réduire le coût des produits et à créer des emplois, non à augmenter les marges des entreprises ?

M. Serge Dassault. - Il n'y a pas que des manchots en France : certaines entreprises marchent bien, notamment dans les secteurs aéronautique, spatial, électronique, informatique. Vous avez passé sous silence les 35 heures qui plombent la compétitivité et qui coûtent chaque année à la France 21 milliards d'euros. La participation est essentielle au dialogue social, elle sert à faire la paix : les chefs d'entreprise et les syndicats ne sont pas des ennemis, ils doivent travailler ensemble.

M. Jean-Claude Lenoir. - Votre rapport rappelle la place essentielle de l'énergie, notamment nucléaire. La demande d'électricité va s'accroître, du fait des nouveaux appareils et des véhicules électriques qui vont se multiplier. Les coûts de l'électricité pourraient s'accroître, en raison de certaines pesanteurs que notre commission d'enquête sur les prix de l'électricité avait soulignées. Notre avantage compétitif risque de disparaître. La transition énergétique voulue par le gouvernement ne risque-t-elle pas de nous dépouiller de l'un de nos atouts majeurs ?

Vous estimez à juste titre qu'il faut renforcer le lien entre industrie et recherche. Le gouvernement ne devrait-il pas regrouper sous un même ministère ces deux domaines ? En 40 ans, seulement deux ministres se sont montrés très volontaristes : Michel d'Ornano avec l'électronucléaire entre 1974 et 1978 et Jean-Pierre Chevènement dont le directeur de cabinet était un certain Louis Gallois...

Enfin, si la question vous était posée dans les quatre ans qui viennent, accepteriez-vous d'être Premier ministre ?

Mme Marie-France Beaufils. - Votre exposé était très intéressant, même si nous ne partageons pas toutes vos conclusions. Vous préférez parler des marges des entreprises plutôt que du coût du travail. Parlons d'un autre facteur : la rémunération des actionnaires, qui a vertigineusement augmenté. Vous avez dénoncé les objectifs à court terme des actionnaires. Pensiez-vous aux leveraged buy-out (LBO) ? Pour bénéficier du CIR, certaines grandes entreprises ont opportunément divisé leurs activités en petites unités filialisées. Les entreprises consacrent-elles suffisamment d'argent à la recherche ?

Mme Élisabeth Lamure. - Notre pays ne devrait-il pas s'appuyer davantage sur ses grands groupes pour développer ses exportations, sachant que les 200 premières entreprises françaises réalisent 50% du total de nos exportations ?

Vous n'avez pas parlé de la durée du travail : une heure de plus dans la semaine serait indolore. Le gouvernement n'aime pas les chocs mais le Premier ministre a ouvert la boîte de Pandore.

M. Louis Gallois. - Trente milliards, est-ce assez, demande M. Jean Arthuis ? Je crois que nous sommes parvenus à un point d'équilibre pour provoquer un vrai choc tout en prenant en compte la situation financière et économique de notre pays. Lorsque M. Gerhard Schröder a présenté le programme Hartz, la croissance européenne était proche de 3% et l'euro se négociait à moins de 1 dollar. Aujourd'hui, la croissance européenne est nulle et l'euro est à 1,30 dollar alors que sa parité de pouvoir d'achat avec le dollar se situe à 1,15.

Nous n'avons pas d'assurance sur l'utilisation des marges, M. Michel Teston. M. Arnaud Montebourg a beaucoup réfléchi à d'éventuelles conditionnalités, mais la mécanique aurait été infernale : les systèmes trop complexes sont sans impact. J'ai proposé un avantage fiscal aux bénéfices réinvestis, contre une taxation plus lourde des rachats d'actions. Espérons que le climat général portera les entreprises vers l'investissement : la balle est désormais dans le camp des entreprises et des syndicats. A chacun de prendre ses responsabilités.

M. Serge Dassault a raison de le souligner, beaucoup d'entreprises marchent bien. Mais quand on regarde la part de l'industrie dans le PNB, la France est en quinzième position dans la zone euro, avec derrière elle, la Grèce, Chypre, et le Luxembourg ; la part de l'industrie dans notre PNB s'est effondrée.

Je n'ai jamais été fanatique des 35 heures, mais il s'agit désormais d'un fait social établi. Le problème principal est ailleurs, il tient au taux d'emploi de nos concitoyens, qui rentrent particulièrement tard - 28 ans - sur le marché du travail et en sortent tôt - 58 ans - en moyenne. La population active est plus petite qu'ailleurs et les charges sociales qui pèsent sur elle, plus lourdes.

J'ai regretté les mesures fiscales qui ont touché la participation.

M. Serge Dassault. - La participation, c'est fondamental !

M. Louis Gallois. - M. Jean-Claude Lenoir, je ne crois pas, moi non plus, à une réduction de la consommation d'électricité : il faudra essayer de conserver un prix aussi bas que possible. Dans les 25 prochaines années, le gaz restera une énergie essentielle, mais il s'agit de savoir si on l'achètera à M. Bouteflika, à M. Poutine ou si l'on essayera de trouver d'autres sources d'approvisionnement. La principale énergie renouvelable, c'est l'économie d'énergie : elle est propre, rapporte immédiatement et ne provoque pas d'effets induits.

Un seul ministère pour l'industrie et la recherche ? Je ne peux être contre, mais je ne voudrais pas peiner Mme Fioraso ! Je ne répondrai pas non plus à la dernière question de M. Lenoir. Il oublie que je suis à la retraite.

M. Jean-Claude Lenoir. - Vous êtes donc disponible.

M. Philippe Marini, président. - Il faut continuer à travailler !

M. Louis Gallois. - Pour ceux qui n'ont pas connu des conditions de travail difficiles, pourquoi effectivement ne pas leur permettre de travailler plus tard ?

Mme Marie-France Beaufils a raison : les distributions de dividendes ont été généreuses ces dernières années, du moins dans les grandes entreprises françaises, car cela est moins vrai dans les PME. C'est pourquoi je souhaite favoriser le réinvestissement des bénéfices.

Il ne s'agit pas d'encourager les LBO, mais d'apporter aux entreprises de taille moyenne innovantes les fonds propres dont elles ont besoin pour innover. J'ai proposé de créer des actions sans droit de vote mais avec un dividende préférentiel que puisse accorder la BPI pour éviter de modifier la propriété de l'entreprise. J'ai également proposé que 2% des investissements des compagnies d'assurance soient orientés vers des entreprises non cotées. Il faut avantager ceux qui prennent des risques : la rente immobilière en France existe !

Certaines grandes entreprises ont contourné le plafonnement par la technique du saucissonnage, créant des filiales pour engranger plus de CIR. Il faudra y mettre un terme. La part de la R&D financée par les entreprises n'est pas particulièrement basse par rapport à nos voisins. En revanche, la part de soutien public à l'effort de recherche des entreprises est plus faible qu'en Allemagne, 1,4 % contre 5 %. En France, on privilégie la recherche publique et moins la recherche industrielle. L'objectif européen de 3 % pour la recherche à l'échelle de l'Union européenne doit être tenu : nous sommes à 2,2 % et les Allemands à 2,6 %.

Certes, Mme Elisabeth Lamure, les grands groupes doivent entraîner les entreprises de taille moyenne à exporter : certaines le font très bien, comme Michelin ou Safran.

Vous voulez augmenter la durée du travail, est-ce à rémunération constante ?

Mme Élisabeth Lamure. - Oui !

M. Louis Gallois. - Vous risquez de vous heurter à certaines résistances. (Applaudissements)

M. Philippe Marini, président. - Merci pour ces propositions, monsieur Gallois.

M. Daniel Raoul, président. - Nous vous remercions.

Loi de finances pour 2013 - Tome I du rapport général - Examen des principaux éléments de l'équilibre

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

La commission procède enfin à l'examen des principaux éléments de l'équilibre sur le projet de loi de finances pour 2013 - Tome I du rapport général (M. François Marc, rapporteur général).

M. François Marc, rapporteur général. - Comme l'année dernière, la discussion budgétaire s'ouvre au Sénat alors que des éléments nouveaux et significatifs ont fait leur apparition dans le débat public. L'an passé, la présentation des grands équilibres du projet de loi de finances, le 2 novembre, était intervenue après l'annonce par le Président de la République, le 27 octobre, d'un effort supplémentaire compris entre 6 et 8 milliards d'euros, dont les modalités avaient ensuite été précisées le 7 novembre. Cette année, la discussion en commission d'un projet de loi de finances et en séance d'une loi de programmation intervient à la suite de l'annonce par le Gouvernement d'une importante réforme des prélèvements obligatoires, devant être mise en oeuvre dès l'année prochaine. Toutefois, en l'état actuel de mes connaissances, les mesures annoncées ne devraient pas avoir, cette année, d'incidence significative sur le solde budgétaire de l'exercice 2013, ni sur le partage de l'effort entre recettes et dépenses pour cette même année.

S'agissant tout d'abord du contexte économique et de la programmation des finances publiques, je serai bref, dans la mesure où nous avons déjà largement évoqué ces questions au sein de notre commission des finances.

Le projet de loi de finances pour 2013 repose sur une hypothèse de croissance de 0,8 %. Si l'on peut débattre de cette prévision, l'écart avec le consensus des conjoncturistes est comparable à celui des années passées. Par ailleurs, je rappelle que nous avons modifié au Sénat la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques pour prévoir que, lorsque le Haut Conseil des finances publiques se prononcera sur l'hypothèse de croissance, il se positionne en fonction des prévisions des conjoncturistes, afin de rendre encore plus difficile le recourt à des hypothèses trop optimistes.

La répartition de l'effort entre les recettes et les dépenses dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2012-2017 prévoit un retour progressif à un solde structurel nul, en raison notamment d'une réduction du déficit structurel de 2 points de PIB en 2013.

L'effort structurel correspondant, de 1,9 point de PIB, est de 38 milliards d'euros si l'on considère qu'un point de PIB représente 20 milliards d'euros. Le montant des mesures sur les recettes et les dépenses s'établit, quant à lui, à 37 milliards d'euros en 2013 selon le Gouvernement. Ces mesures proviennent, à hauteur de 32,5 milliards d'euros, du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (répartis entre 10 milliards d'euros d'économies sur les dépenses de l'Etat, 2,5 milliards d'euros d'économies sur les dépenses d'assurance maladie, 10 milliards d'euros de prélèvements sur les entreprises et 10 milliards d'euros de prélèvements sur les ménages), et de 4,4 milliards d'euros d'effets en 2013 des mesures de la loi de finances rectificative de l'été 2012.

J'en viens maintenant à la présentation des grands équilibres du projet de loi de finances pour 2013, suivant une analyse classique des dépenses, puis des recettes et enfin du déficit et de son financement.

Les recettes du budget général enregistrent une progression de plus de 10 %, soit 28,9 milliards d'euros pour s'établir à 299,3 milliards d'euros, à périmètre constant, en 2013. Cette progression s'explique par l'évolution spontanée des recettes fiscales (en hausse de 8,4 milliards d'euros), par l'effet des mesures antérieures à 2013 (lesquelles majorent les recettes de 6,9 milliards d'euros) et enfin par les mesures nouvelles du projet de loi de finances pour 2013, dont l'impact à hauteur de 13,6 milliards d'euros représente près de la moitié de la hausse des recettes.

La présentation détaillée des mesures nouvelles du projet de loi de finances pour 2013 montre que celles-ci proviennent principalement de la réforme de la fiscalité du patrimoine et de l'impôt sur les sociétés. Pour tenir compte de l'ensemble des dispositions fiscales et sociales sur lesquelles se fonde l'équilibre du budget, il faut par ailleurs tenir compte des recettes supplémentaires attendues de la lutte contre la fraude (soit 1 milliard d'euros), du durcissement et de la prorogation du malus automobile (dont l'impact s'élève à + 0,2 milliard d'euros) et des mesures nouvelles figurant au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, soit 4,7 milliards d'euros. Au total, le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoient 19,6 milliards d'euros de recettes supplémentaires.

Il en résulte une amélioration du taux de couverture des dépenses du budget de l'Etat par ses recettes, lequel atteindrait 79,5 % en 2013. Après avoir chuté à seulement 53,3 % en 2010, ce taux retrouverait son niveau de 2008, et serait assez proche de celui des années antérieures, alors qu'il était compris entre 84 % et 85 % jusqu'en 2007.

En ce qui concerne les concours de l'Etat aux collectivités territoriales, ceux-ci sont stabilisés en 2013, alors qu'ils avaient diminué de 200 millions d'euros en 2012. Un effort sera toutefois demandé pour les années 2014 et 2015. Le projet de budget 2013 est fondé sur le strict respect de l'objectif de gel en valeur, pour l'ensemble des transferts financiers de l'Etat aux collectivités territoriales. Par ailleurs, les différents engagements pris sont respectés, puisque le périmètre de l'enveloppe normée exclut le fonds de compensation de la TVA, la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle et la dotation de garantie de reversement des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. L'année 2013 constitue donc bien une période transitoire qui doit être mise à profit pour établir un nouveau pacte entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Le projet de loi de finances pour 2013 augmente de 238 millions d'euros les masses financières de la péréquation verticale, cette hausse s'effectuant parmi l'ensemble des concours de l'Etat, soit entre les diverses composantes de la dotation globale de fonctionnement, soit au sein de l'enveloppe normée par une baisse des variables d'ajustement. La péréquation horizontale est également confortée. Sur ce point, les modifications des règles de fonctionnement du Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) sont bienvenues, en introduisant notamment un critère de charges dans les prélèvements.

Les dépenses du budget général respectent tant la norme « zéro volume », laquelle prévoit une progression au plus égale au rythme de l'inflation, que la norme « zéro valeur » qui exclut les dépenses de pensions et la charge de la dette, sur lesquelles le Gouvernement n'a qu'une marge de manoeuvre limitée. Il faut saluer l'extension du périmètre de la norme de dépenses au plafond des impositions et ressources affectées aux opérateurs de l'Etat et à divers autres organismes. L'assiette du plafonnement des taxes affectées est par ailleurs élargie dans le présent projet de loi de finances, puisqu'elle porte sur des taxes dont le produit est de 4,4 milliards d'euros, contre 3 milliards dans la loi de finances initiale pour 2012.

L'effort d'économies sur les dépenses est évalué à 10 milliards d'euros. Il se répartit entre une économie par rapport à l'évolution spontanée des dépenses de 9 milliards d'euros, et 1 milliard d'euros supplémentaires pour financer les priorités du Gouvernement. Cet effort à hauteur de 10 milliards d'euros permet de respecter la norme « zéro valeur ». Ces économies se répartissent entre les crédits de fonctionnement des ministères, y compris leurs dépenses salariales (2,8 milliards d'euros), les crédits d'intervention (2 milliards d'euros), le report de programmes d'équipement du ministère de la défense (2,2 milliards d'euros), les investissements civils (1,2 milliard d'euros) et la stabilisation en valeur des concours de l'Etat aux collectivités territoriales (1,8 milliard d'euros).

Le schéma d'emplois 2013 fait apparaître les priorités du Gouvernement. Les créations d'emplois dans l'éducation nationale, la justice et la sécurité sont gagées par des suppressions de postes dans les autres ministères. Le schéma d'emplois 2013 est toutefois légèrement négatif (- 2 416 postes), le Gouvernement ayant indiqué que l'objectif de stabilisation des emplois visait l'ensemble du quinquennat. Par ailleurs, il faut tenir compte des 4 278 créations de postes décidées dans la seconde loi de finances rectificative pour 2012. Au total, les effectifs de l'Etat doivent s'élever à 1 915 313 emplois équivalent temps plein travaillé en 2013. La masse salariale de l'Etat est également stabilisée : elle s'établit à 81,1 milliards d'euros dans le projet de loi de finances, en hausse de seulement 0,2 milliard d'euros par rapport à 2012.

La charge des intérêts de la dette s'élève à 46,9 milliards d'euros, en augmentation de 0,2 milliard d'euros par rapport à l'estimation révisée pour 2012, et en baisse de 1,9 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2012. La baisse de la charge de la dette s'explique par des conditions très favorables de taux d'émission : entre mi-septembre 2011 et mi-septembre 2012, les taux moyens d'émission ont baissé respectivement de 0,81 % à 0,11 % pour les titres à court terme, et de 2,80 % à 1,99 % pour les titres à moyen et long termes. Dans un contexte toutefois de remontée attendue des taux d'intérêt, la charge de la dette négociable devrait à nouveau augmenter en 2014 et en 2015 pour atteindre, à cette date, 59,9 milliards d'euros.

J'en viens à présent au déficit budgétaire et à son financement.

L'amélioration du solde budgétaire, de 83,6 milliards à 61,6 milliards d'euros, est l'une des plus fortes jamais enregistrées. Certes, un rétablissement spectaculaire avait été constaté entre 2010 et 2011 à hauteur de 50 milliards d'euros, mais il tenait à des facteurs exceptionnels : les investissements d'avenir, la non-reconduction des dépenses liées au plan Campus, le plan de relance et le contrecoup de la réforme de la taxe professionnelle.

Le solde général s'améliore ainsi de 22 milliards d'euros par rapport à 2012. Les facteurs de dégradation résident principalement dans la dynamique spontanée des dépenses et des événements exceptionnels, tels que l'augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement et les dépenses de contentieux. Les facteurs d'amélioration portent sur les dépenses, à hauteur de 10 milliards d'euros d'économies, et surtout sur les recettes, qui progressent spontanément et enregistrent l'effet des mesures antérieures à 2013 et des mesures nouvelles du projet de loi de finances.

En 2013, le solde primaire, c'est-à-dire le solde budgétaire hors charge des intérêts de la dette, devrait atteindre - 14,7 milliards d'euros, en amélioration de 22,2 milliards d'euros par rapport au révisé 2012 (- 36,9 milliards d'euros), soit une réduction de 60 % du déficit primaire. Sauf pour l'année 2011 où les dépenses exceptionnelles ne permettent pas des comparaisons d'une année sur l'autre, il s'agit de la plus forte réduction du déficit primaire depuis 2000, ce qui illustre l'ampleur de l'effort à consentir pour ramener le déficit sous le seuil des 3 % du PIB en 2013. En 2014, selon la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques, le solde primaire devrait redevenir positif (+ 0,8 milliard d'euros), puis s'élever à + 17 milliards d'euros en 2015.

Le besoin de financement de l'Etat atteindra 171,1 milliards d'euros en 2013, soit une diminution de 6,4 % par rapport au révisé 2012. En 2013, l'Etat empruntera pour un tiers afin de financer son nouveau déficit et pour deux tiers afin de refinancer les déficits passés. L'encours de la dette de l'Etat passerait de 1 387 milliards d'euros à 1 452,4 milliards d'euros (+ 4,7 %). Rappelons que l'encours total en valeur actualisée était de 921 milliards d'euros fin 2007. Il aura donc connu une augmentation de 51 % au cours de la période 2007-2012 correspondant à la précédente législature. La part de l'endettement à court terme continue ainsi à refluer. Après avoir atteint un pic fin 2009 (ils représentaient alors 18,6 % de l'encours total), les bons du Trésor à taux fixe (167,1 milliards d'euros) devraient représenter 11,5 % du stock de dette à fin 2013. Cette évolution diminue l'exposition de la France à un retournement des taux courts.

Pour couvrir le besoin de financement de l'Etat en 2013, les ressources proviennent principalement des émissions nouvelles de dettes à moyen et long termes nettes des rachats, soit 170 milliards d'euros. Il est prévu une variation en baisse des dépôts des correspondants (à hauteur de - 3,6 milliards d'euros), en raison des décaissements anticipés au titre des investissements d'avenir. L'encours des bons du Trésor à taux fixe se réduirait légèrement sur l'année (de - 0,7 milliard d'euros), illustrant la diminution de la part de la dette à court terme dans le total de l'encours.

M. Jean Arthuis. - La Commission européenne va très prochainement rendre publiques ses prévisions de croissance, lesquelles pourraient être ramenées à 0,4 % s'agissant de la France. Cette information est-elle de nature à modifier l'équilibre du budget général de l'Etat, la perte de recettes pour les administrations publiques pouvant être évaluée à 4 ou 5 milliards d'euros ?

Par ailleurs, la diminution des investissements conduira-t-elle l'Etat à recourir éventuellement aux partenariats public-privé et à la conclusion de baux emphytéotiques ?

M. Vincent Delahaye. - J'avais préconisé l'an dernier de retenir une hypothèse de croissance inférieure de 0,5 point au consensus des conjoncturistes, par mesure de prudence. Des hypothèses prudentes de croissance permettent d'enregistrer ensuite des bonnes plutôt que des mauvaises nouvelles.

Pour ma part, je suis partisan d'efforts portant davantage sur les dépenses que sur les recettes, et je ne comprends pas que la progression spontanée des recettes fiscales dépasse aussi nettement l'évolution de la consommation des ménages, même s'il faut tenir compte du gel du barème de l'impôt sur le revenu.

S'agissant de la fiscalité des entreprises, celle-ci augmente de 10 milliards d'euros en 2013, après une augmentation analogue en 2012, ce qui est équivalent aux 20 milliards d'euros d'allègements annoncés par le Gouvernement pour renforcer la compétitivité. Cette analyse est-elle correcte ?

En ce qui concerne les transferts de l'Etat aux collectivités territoriales, il n'est pas tenu compte du fait que celles-ci reversent à l'Etat, notamment en TVA, une part des dotations qu'elles perçoivent. Alors que j'ai entendu de nombreuses critiques à l'encontre du Gouvernement l'an dernier quand un effort de 200 millions d'euros avait été demandé aux collectivités territoriales, ce sont 750 millions d'euros qui doivent être demandés en 2014, puis en 2015. L'Etat tend à leur demander d'appliquer des règles plus contraignantes que celles qu'il s'impose à lui-même.

M. Serge Dassault. - Comment voulez-vous que nous puissions travailler dans des conditions satisfaisantes, quand nous ne disposons des informations qui nous sont présentées qu'à l'ouverture de la réunion de commission ? Dans les conseils d'administration des entreprises, ces éléments sont transmis à l'avance...

M. Philippe Marini, président. - Les données qui nous sont fournies proviennent essentiellement de la présentation du projet de loi de finances, déposé par le Gouvernement il y a plus d'un mois.

M. Serge Dassault. - Vous prétendez réduire les dépenses de fonctionnement, mais sans préciser lesquelles. L'augmentation de la pression fiscale va entraîner le départ du contribuable.

En augmentant les impôts, le Gouvernement diminue les possibilités d'investissement des entreprises et réduit la croissance. Je ne crois pas au Père Noël et je vous donne rendez-vous dans trois ou quatre mois, alors même que le niveau actuel des taux d'intérêt est très favorable.

M. Philippe Marini, président. - Tout serait possible si nous pouvions encore croire au Père Noël !

M. Albéric de Montgolfier. - Quelle est l'articulation entre le projet de loi de finances, le projet de loi de financement de la sécurité sociale et les annonces du Gouvernement ? Le rapporteur général a-t-il pris en compte l'annonce faite hier par le Gouvernement d'économies supplémentaires à hauteur de 10 milliards d'euros, et de mise en place d'un nouveau crédit d'impôt de 20 milliards d'euros ?

Quel sera l'impact de ces annonces sur le solde budgétaire ? Doit-on d'ores et déjà considérer que les hypothèses de construction du projet de loi de finances ne sont plus valides, et que s'annonce un nouveau collectif budgétaire ?

M. Jean-Paul Emorine. - Je suis très interrogatif sur les évolutions de recettes, qui ont toujours tendance à être surestimées par le Gouvernement, quel qu'il soit.

Compte tenu du nombre plus élevé de fonctionnaires d'Etat en France par rapport à d'autres pays, un effort devrait pouvoir être accompli sur les effectifs de la fonction publique.

S'agissant de la charge de la dette, si elle est globalement stabilisée dans les prévisions de la loi de finances initiale pour 2013, elle dépassera 50 milliards d'euros à l'horizon 2015, ce qui n'est pas sans m'inquiéter.

M. Aymeri de Montesquiou. - La hausse des taux d'intérêt pour rembourser la dette sera-t-elle propre à notre pays, ou s'inscrit-elle dans un mouvement général ? Quelles sont les hypothèses d'augmentation ? Ces évolutions auront forcément une incidence sur nos prévisions budgétaires.

M. Eric Doligé. - Je partage l'observation selon laquelle la tendance naturelle est de surestimer les recettes et de sous-évaluer les dépenses.

Par ailleurs, si les transferts de recettes aux collectivités territoriales sont stabilisés par rapport à 2012, en revanche les transferts des collectivités territoriales vers l'Etat ne cessent d'augmenter. Il aurait été bon de présenter ces deux mouvements financiers, et le solde qui en résulte.

M. Philippe Marini, président. - On pourrait ajouter les charges indues. Certaines compétences sont transférées mais ne sont pas intégralement compensées, par exemple en ce qui concerne les opérations relatives aux titres d'identité réalisées pour l'Etat, dont la prise en charge n'est que partielle.

Mme Marie-France Beaufils. - Il y a longtemps que les collectivités territoriales sont mises à contribution, et j'aurais aimé que des mesures soient prises pour enrayer cette évolution. Par ailleurs, il faut se donner les atouts nécessaires pour que les dépenses publiques aient une pleine efficacité dans la mise en oeuvre des choix politiques.

Nous avons un rendez-vous prochainement avec le Premier ministre pour voir s'il existe des ouvertures, ce qui nous conduira à rediscuter avec le rapporteur général.

M. Jean-Paul Emorine. - L'encours de la dette négociable progresse de 65,4 milliards d'euros, alors que le déficit budgétaire n'augmente que de 61,6 milliards d'euros. Pouvez-vous nous expliquer cette différence ?

M. Philippe Marini, président. - L'évaluation des recettes fiscales est toujours un exercice délicat au stade de l'élaboration du projet de loi de finances, puisqu'elle dépend des hypothèses de croissance et du contexte macro-économique, tout en présumant, pour le chiffrage des mesures nouvelles, une certaine stabilité des comportements des agents économiques. Or l'administration fiscale britannique m'a donné cet exemple : l'augmentation de la tranche marginale supérieure d'impôt sur le revenu n'a eu que le tiers du rendement escompté. S'agissant de l'impact des mesures fiscales nouvelles du projet de loi de finances pour 2013, le rapporteur général a-t-il pu l'expertiser ? Je pense notamment aux mesures dont l'impact est le plus élevé, comme la limitation de la déductibilité des charges financières, qui doit entraîner un surcroît de recettes estimé à 4 milliards d'euros. Enfin, ne faut-il pas prendre en compte d'éventuels changements de comportement des entreprises ?

M. Jean Arthuis. - Les entreprises vont bénéficier d'un allègement de charges sociales sur les salaires versés en 2013, mais le crédit d'impôt annoncé ne produira ses effets qu'en 2014. Constatera-t-on une dette de l'Etat sur les entreprises à due concurrence, à hauteur de 10 milliards d'euros, augmentant d'autant le déficit budgétaire de l'année 2013 ?

M. Philippe Marini, président. - Il y aura bien une créance dans le bilan des entreprises, laquelle doit être retracée en termes de dette dans le compte général de l'Etat. Cette opération patrimoniale affectera-t-elle le déficit ?

Les entreprises paieront leurs charges par un prélèvement sur leur trésorerie, et bénéficieront d'un crédit d'impôt qui ne sera remboursable qu'en 2014 sous certaines conditions. Cette pratique est innovante.

M. Yves Krattinger. - Il convient de saluer la réduction du déficit budgétaire de 22 milliards d'euros, grâce à un effort qui engage non seulement l'Etat, mais aussi ses opérateurs et les collectivités territoriales. Le chemin suivi est raisonnable, et je m'inscris dans l'avenir en soutenant le projet de budget qui nous est soumis pour parvenir à l'équilibre budgétaire.

M. François Fortassin. - L'opposition devrait faire preuve de davantage de modestie dans son analyse très sourcilleuse de notre dette publique, qui a augmenté de 51 % entre fin 2007 et fin 2012, alors qu'elle était au pouvoir...

M. Francis Delattre. - Pouvez-vous détailler l'évolution du besoin de financement de l'Etat ? Quelle sont les ressources assurant ce financement, et quelles sont les hypothèses d'évolution des taux d'intérêt à long terme ? Je crains malheureusement l'impact récessif des nouveaux prélèvements obligatoires sur la croissance de notre économie.

M. Jean Arthuis. - Quand les taux d'intérêt de la charge de la dette sont négatifs, l'Etat constate-t-il le gain en produits financiers ou considère-t-il qu'il s'agit d'une moindre charge de la dette ?

M. Michel Berson. - Je voudrais revenir sur le crédit d'impôt recherche (CIR) et le crédit impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

En 2013, le CIR représentera une créance de plus de 5 milliards d'euros qui sera remboursée en 2014 pour les PME, et entre 2014 et 2017 pour les entreprises de taille intermédiaire et les grands groupes. Le préfinancement de cette créance est possible et a d'ailleurs été évoqué pour la première fois par le Premier ministre, mais la loi est trop restrictive. J'envisage de déposer un amendement pour faciliter ce préfinancement.

Un dispositif similaire pourrait être envisagé pour le CICE, dont le montant prévu s'élève à 10 milliards d'euros en 2014, et qui constitue également un crédit d'impôt au titre de l'impôt sur les sociétés. Ce levier fiscal pourrait ainsi être utilisé dès 2013.

M. Philippe Marini, président. - Si un tel préfinancement avait un coût budgétaire, il faudrait en tenir compte dans la loi de finances.

M. François Marc, rapporteur général. - Nous avons actuellement à examiner en même temps quatre textes financiers : le projet de loi de programmation des finances publiques, le projet de loi organique, le projet de loi de finances pour 2013 et la création de la Banque publique d'investissement. Certaines des questions abordées entrent dans le champ de compétences des rapporteurs spéciaux et pourront être soulevées à nouveau lors de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances, notamment en ce qui concerne les conditions de financement de la dette, sur laquelle le rapport spécial de la mission « Engagements financiers de l'Etat » apportera des éclairages complémentaires.

En réponse à Jean Arthuis, il est en effet vraisemblable que la Commission européenne propose d'autres estimations de croissance. Je rappelle toutefois que le projet de loi organique, sur l'initiative de notre commission des finances, prévoit que le Haut Conseil des finances publiques, s'appuyant sur les différentes prévisions de croissance, exprime un avis sur celles du Gouvernement. Il s'agit donc d'un changement de pratique qui entrera très prochainement en vigueur.

S'il est retenu une hypothèse de croissance de 0,4 % en 2013, la différence entre le consensus des économistes et la prévision du Gouvernement associée au projet de loi de finances (soit un différentiel de 0,4 %) s'inscrit dans la continuité des écarts moyens observés jusqu'à présent. Si l'estimation de la Commission européenne s'avérait exacte, je conviens que l'effort à accomplir serait différent.

Sur les partenariats public-privé et les baux emphytéotiques, la loi organique apportera, à l'avenir, des informations supplémentaires.

Les dépenses d'investissement dans les ministères civils diminuent de 1,2 milliard d'euros par rapport à leur évolution tendancielle, ce qui conduit à l'abandon ou au report de plusieurs projets dans les domaines des transports et de la culture, ainsi qu'à une diminution du programme de construction de prisons, dans le cadre d'un changement de cap de la politique judiciaire qui vise à réduire le nombre d'incarcérations.

Un différentiel de croissance de 0,5 point représente effectivement un accroissement des administrations publiques de l'ordre de 5 milliards d'euros.

Les éclaircissements que demandera le Haut Conseil des finances publiques sur les écarts entre les prévisions du Gouvernement et celles des conjoncturistes sont de nature à répondre aux interrogations de Vincent Delahaye. Le Parlement disposera d'éléments d'information supplémentaires lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2014, et le Gouvernement aura à s'expliquer sur ses choix.

La croissance spontanée des recettes, de l'ordre de 9 milliards d'euros, est dans la continuité des évolutions observées depuis 2007, toutes choses égales par ailleurs, c'est-à-dire en retenant un taux de croissance économique donné.

Il y a une temporalité différente entre la mise en oeuvre des mesures annoncées pour renforcer la compétitivité de l'économie française et l'objectif premier de redressement des finances publiques. Les mesures nouvelles du projet de loi de finances pour 2013 relatives à la fiscalité des entreprises concentrent les efforts sur les grands groupes pour tenir l'objectif de déficit fin 2013. Puis le pacte de compétitivité, dont l'un des instruments est le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, a vocation à s'exercer dès 2013, tout en n'ayant un impact sur le solde budgétaire qu'à partir de 2014. Il y aura donc bien une inscription dans le bilan de l'Etat, mais sans incidence sur le déficit budgétaire annuel.

M. Philippe Marini, président. - C'est contraire à la réalité économique, mais comptablement correct.

M. Jean Arthuis. - Lorsque les parlementaires ont adopté la révision constitutionnelle en 2008, ils ont institué une exigence de sincérité des comptes publics !

M. François Marc, rapporteur général. - Dans le compte général de l'Etat, les produits fiscaux sont estimés en tenant compte des obligations fiscales et des décisions fiscales.

M. Philippe Marini, président. - A la place de la Commission européenne, je regarderais cela de près...

M. François Marc, rapporteur général. - S'agissant du CICE, le traitement comptable est identique à celui du crédit d'impôt recherche, qui n'avait alors guère soulevé d'objections dans les rangs de l'actuelle opposition.

Pour répondre à Serge Dassault et à plusieurs de nos collègues, j'indique un certain nombre d'économies de fonctionnement : le recentrage du rôle des sous-préfectures, la rationalisation des moyens de fonctionnement du ministère de l'intérieur, l'adaptation du réseau du Quai d'Orsay, notamment par une meilleure valorisation de son patrimoine immobilier à l'étranger, la réduction des crédits de fonctionnement de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR), la diminution des subventions versées aux opérateurs pour charge de service public, la mise à contribution des opérateurs culturels comme le Louvre ou le Grand Palais, ou encore le prélèvement sur le fonds de roulement du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC)...

En ce qui concerne le plan d'économies supplémentaires du Gouvernement évoqué par Albéric de Montgolfier, ces mesures ne concernent que pas ou peu l'année 2013. Mais le débat en séance publique cet après-midi offrira au ministre l'occasion d'apporter des explications complémentaires sur les incidences de ces mesures sur la programmation budgétaire en 2014 et 2015. La trajectoire du solde reste confirmée.

M. Philippe Marini, président. - Nous partageons certes le même objectif, mais en empruntant un chemin un peu différent...

M. François Marc, rapporteur général. - Le chemin peut varier. Cet après-midi, le Gouvernement présentera un amendement au projet de loi de programmation des finances publiques pour en tirer les conséquences.

M. Philippe Marini, président. - Voilà une information importante !

M. François Marc, rapporteur général. - Je ne manquerai pas de demander la réunion de la commission pour examiner cet amendement.

M. Philippe Marini, président. - Est-il conforme à la Constitution de modifier aussi substantiellement un projet de loi, cette mesure n'étant pas introduite en premier lieu devant l'Assemblée nationale ?

M. François Marc, rapporteur général. - L'adjectif « substantiellement » est de trop, car la mesure ne porte que sur des ajustements en recettes et en dépenses.

Je tiens à rassurer Aymeri de Montesquiou sur les hypothèses de taux d'intérêt retenues : celles-ci sont prudentes et le Gouvernement anticipe une remontée des taux dans un contexte de financement de notre dette qui reste pourtant favorable.

Au sein de la zone euro, pour faire suite aux observations d'Eric Doligé, la politique française est considérée comme crédible. La question se pose de la participation des collectivités territoriales. Le 22 octobre, une déclaration commune entre l'Etat et les départements, lors d'une réunion à laquelle Eric Doligé et d'autres étaient présents...

M. Albéric de Montgolfier. - Nous étions présents, mais nous n'avons rien signé !

M. François Marc, rapporteur général. - ... a conduit à l'engagement suivant lequel, à partir de 2014, les collectivités territoriales disposeraient de ressources pérennes et suffisantes. Des travaux en cours sont également engagés sur les normes. Par ailleurs, le Haut Conseil des territoires aura vocation à examiner cette question.

Pour répondre au président Philippe Marini, ce sera au Haut Conseil des finances publiques d'apprécier le rendement constaté des mesures nouvelles sur les recettes au regard des prévisions, quitte à en tirer les conséquences sur nos outils de simulation en cas de mauvaises surprises trop fréquentes. Louis Gallois a évoqué, lors de la présentation de son rapport, les défauts de nos instruments de modélisation économique.

Les chiffrages dont nous disposons sont établis à partir des comportements observés des acteurs économiques. Quel sera l'impact des mesures nouvelles sur l'investissement des entreprises ? Il convient d'être prudent dans la réponse à cette interrogation. C'est vrai notamment de la limitation de la déductibilité des charges, qui répond à des choix économiques ayant une forte inertie. Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2013 procède à une réévaluation à la hausse de certaines mesures : adoptée dans le cadre de la seconde loi de finances rectificative pour 2012, la contribution de 3 % sur le versement de dividendes a un rendement réévalué de + 0,8 milliard d'euros lors de la préparation du présent projet de loi de finances.

S'agissant du préfinancement des crédits d'impôt évoqué par Michel Berson, de telles mesures coûtent cher, même lorsqu'elles sont limitées aux PME, et doivent ainsi donner lieu à une évaluation précise avant toute modification législative.

En réponse à Francis Delattre sur le besoin de financement de l'Etat qui s'élève à 171,1 milliards d'euros, celui-ci sera principalement assuré par des émissions nouvelles de dettes à moyen et long termes à hauteur de 170 milliards d'euros. Concernant l'évolution des taux, le taux à 10 ans des obligations assimilables du Trésor (OAT) s'établit à 2,9 % dans les prévisions du projet de loi de finances pour 2013, lequel envisage par ailleurs une remontée progressive jusqu'en 2015.

La commission donne acte à M. François Marc, rapporteur général, de sa communication.

Programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 - Examen d'un amendement portant article additionnel

Au cours d'une seconde réunion tenue lors d'une suspension de séance l'après-midi, la commission procède à l'examen de l'amendement n° 13 du Gouvernement portant article additionnel après l'article 15 du projet de loi n° 69 (2012-2013) de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (M. François Marc, rapporteur).

M. Philippe Marini, président. - Mes chers collègues, nous nous réunissons afin d'examiner l'amendement déposé par le Gouvernement en séance publique sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017. Cet amendement a pour objet d'intégrer les conclusions du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, présenté par le Gouvernement, hier, mardi 6 novembre.

M. François Marc, rapporteur. - L'amendement propose de poser le principe d'une modification des articles 2, 2 bis, 3, 5, 9, 10, 11, 12 et 13 du projet de loi de programmation afin de prendre en compte les incidences du pacte de croissance du Gouvernement. Il est indispensable d'être en mesure de préparer rapidement ces nécessaires ajustements, dans mon esprit d'ici la réunion d'une éventuelle commission mixte paritaire, étant entendu que ces dispositions s'inscrivent dans la préoccupation gouvernementale d'une trajectoire globale des finances publiques maintenue.

Tous ceux qui siègent à la commission des finances depuis plusieurs années conservent un souvenir douloureux de la première loi de programmation des finances publiques. Nous l'avions examinée à l'automne 2008 et elle avait été promulguée en février 2009.

Cette loi de programmation reposait sur des hypothèses économiques que la crise de septembre 2008 avait fait voler en éclat. Elle était donc périmée avant même son entrée en vigueur.

Aujourd'hui, nous avons un Gouvernement qui prend la peine d'indiquer dès le lendemain de ses annonces quelles conséquences pourront en être tirées sur les volets dépenses et recettes de la programmation.

Je fais cette précision car il est évident que l'objectif de solde structurel, qui est notre engagement au titre du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG), ne sera pas modifié par les annonces d'hier, de même que notre objectif de solde effectif de 2013, qui correspond à l'obligation qui nous a été fixée dans le cadre de la procédure pour déficit excessif dont fait l'objet la France.

Je vous rappelle qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, les dispositions programmatiques figurant dans les lois de programmation ont valeur d'objectifs et ne sont pas juridiquement contraignantes. Elles ne s'imposent pas aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.

Dès lors, un gouvernement qui profite de la lecture au Sénat pour préciser ses objectifs ne fait que se conformer à l'exigence de sincérité à laquelle il doit toujours s'astreindre.

Pour ma part, il me parait impensable que puisse être promulguée une loi de programmation qui ne prendrait pas en compte l'ensemble des mesures envisagées et publiquement annoncées hier.

Donc je remercie le Gouvernement d'avoir montré son respect du Parlement en déposant cet amendement.

M. Philippe Marini, président. - Monsieur le rapporteur général, on ne peut que louer votre à-propos face à une réalité originale. Nous sommes en effet réunis afin d'adopter un amendement qui ne prescrit rien. Il nous est demandé d'introduire dans le projet de loi une « cheville » qui permettrait de réaliser des rectifications ultérieurement.

M. Albéric de Montgolfier. - Cet amendement constitue une lapalissade. Des chiffres figurent dans son objet : pourquoi ne pas modifier directement les articles du projet de loi visés plutôt que d'introduire la possibilité de futures modifications ? Ce procédé s'explique t-il par un risque de censure par le Conseil constitutionnel ?

M. Edmond Hervé. - Monsieur le Président, cette « cheville », ne s'apparente-t-elle pas à une « clause de revoyure » ? ...

M. Philippe Marini, président. - Il n'en reste pas moins que nos lois sont envahies par des dispositions qui ne prescrivent rien...

M. Éric Doligé. - Je souhaite poser une question pratique : pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas proposé de poser une « cheville » sur l'ensemble des articles du texte ?

M. Dominique de Legge. - Pourquoi le Gouvernement a-t-il déclaré l'urgence sur le projet de loi de programmation puisqu'il dépose par la suite un tel amendement ?

M. Jean Arthuis. - En ce qui me concerne, je proposerai un sous-amendement qui permettrait, en plus de prendre en considération les mesures du pacte de croissance, d'actualiser les hypothèses macroéconomiques retenues dans le cadre du projet de loi.

Je tiens par ailleurs à indiquer combien il apparaît surréaliste de demander à des parlementaires d'examiner un texte de loi qui présente le risque d'être sensiblement modifié.

M. Jean-Claude Frécon. - Il faut souligner que le Gouvernement annonce le changement et en donne le cadre. Il me semble difficile de lui adresser des reproches alors qu'il fournit au Sénat toutes les informations nécessaires au débat parlementaire, conformément aux voeux de l'opposition...

M. Éric Bocquet. - Cet amendement ne modifie en rien la philosophie du texte que nous sommes amenés à discuter. Je regrette par ailleurs que ne soit pas mieux explicitée dans l'objet de l'amendement la méthode qui, selon le Gouvernement, permettrait de réaliser des économies importantes tout en préservant et en modernisant notre modèle social...

M. Philippe Marini, président. - Ceci ressemble à la RGPP...

M. Albéric de Montgolfier. - Monsieur le Président, ne pourriez vous pas évoquer, lors de la réunion de la Conférence des Présidents qui a lieu ce soir, les difficultés auxquelles sont confrontés les parlementaires à propos de ce projet de loi, notamment la question de la gestion du temps de son examen ?

M. Philippe Marini, président. - J'aborderai cette question sous l'angle de la procédure parlementaire car nous nous acheminons vers un texte qui sera en réalité mis au point à l'étape de la commission mixte paritaire, en dehors de la séance publique et sans les nécessaires travaux préparatoires qui permettent l'examen serein des textes de loi.

Il me semble que l'adoption de l'amendement du Gouvernement est à la limite des procédures acceptables sur le plan constitutionnel...

M. Jean Arthuis. - Mes chers collègues, attendez vous à voir diminuer l'enveloppe des dotations allouées aux collectivités territoriales...

M. Philippe Marini, président. - Pour ma part, je m'interroge sur la nécessité de rejeter ou de s'abstenir sur cet amendement car on peut estimer que ceci relève d'un débat interne au Gouvernement...

Mme Michèle André. - Je tiens à préciser la notion de RGPP. Il faut en effet distinguer la nécessaire modernisation de l'Etat de la simple règle suivie par le précédent Gouvernement de baisse des effectifs de la fonction publique.

M. Richard Yung. - Chers collègues, nos débats se résument en réalité à un problème de méthodologie. Il n'était pas possible d'intégrer un tel amendement dans le texte initial puisque les mesures qui le rendent nécessaire ont été annoncées hier... Il s'agit de bon sens.

M. Jean-Claude Frécon. - En réponse à Jean Arthuis, la réduction de l'enveloppe des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales aura lieu en 2014 et non en 2013, conformément à ce qui a été annoncé par le Gouvernement.

M. François Marc, rapporteur. - Je suis conscient du malaise de l'opposition qui est en accord avec la quasi intégralité des mesures figurant dans ce projet de loi de programmation.

La dégradation de l'économie française implique des annonces graves et oblige le Gouvernement à prendre des mesures pour rétablir la confiance, remédier au manque de compétitivité de notre pays et à la mauvaise situation de l'emploi.

Nous n'avons d'autre solution que de prendre acte de cette réalité et des conséquences du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi en termes d'allègement des prélèvements obligatoires et de baisse de la dépense publique. Le Gouvernement fait en sorte d'informer le Parlement de ce changement de paramètres de la trajectoire.

Il s'agit là de la meilleure des solutions, je suis par conséquent favorable au vote de cet amendement.

M. Charles Guené. - Si nous sommes en accord avec beaucoup de choses sur le fond, il n'en reste pas moins que, sur la forme, nous observons que c'est l'annonce du « rapport Gallois » qui empêche le débat parlementaire de se dérouler dans de bonnes conditions.

M. Philippe Marini, président. - Il est vrai que l'on aurait pu imaginer une révision qui intervienne au moment du vote d'une loi de finances rectificative. En tout état de cause, le Gouvernement est responsable de la méthode utilisée...

La commission des finances émet un avis favorable à l'adoption de l'amendement n°13 du gouvernement portant article additionnel après l'article 15 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, par 12 voix pour, 11 voix contre et 2 abstentions.