Mercredi 26 février 2014

- Présidence conjointe de M. Raymond Vall, président, et de Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication -

La réunion est ouverte à 10 h 30

Audition de MM. Antoine Dulin et Allain Bougrain Dubourg, auteurs d'un avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur « L'éducation à l'environnement et au développement durable tout au long de la vie, pour la transition écologique », accompagnés de Mme Anne-Marie Ducroux, présidente de la section de l'Environnement du CESE

La commission procède à l'audition, en commun avec la commission de la culture, de MM. Allain Bougrain Dubourg et Antoine Dulin, membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE), et de Mme Anne-Marie Ducroux, présidente de la section de l'environnement, sur l'avis relatif à « L'éducation à l'environnement et au développement durable tout au long de la vie, pour la transition écologique ».

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Nous sommes réunis avec la commission du développement durable pour procéder à l'audition de MM. Antoine Dulin et Allain Bougrain-Dubourg, auteurs d'un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur l'éducation à l'environnement et au développement durable tout au long de la vie pour la transition écologique. Ils sont accompagnés de Mme Anne-Marie Ducroux, présidente de la section de l'environnement du CESE.

Le 25 mars 2013, en application des articles 69 et 70 de la Constitution, nous avions procédé à l'audition de M. Xavier Nau, rapporteur du CESE, sur le projet de loi relatif à la refondation de l'école de la République. Lors de la discussion de ce texte, l'éducation à l'environnement et au développement durable a été introduite, à notre initiative, dans le code de l'éducation et elle doit commencer dès l'école primaire afin d'éveiller les enfants aux enjeux environnementaux. Elle comporte également une sensibilisation à la nature et à la compréhension de l'impact des activités humaines sur les ressources naturelles. Nous avons souhaité que les enfants, dès leur plus jeune âge, prennent conscience que les ressources environnementales sont des biens dont ils doivent prendre soin. Cette dimension ne constitue qu'un des éléments que vous avez abordé dans votre rapport. Elle témoigne néanmoins d'une démarche globale à laquelle nous sommes tous sensibles et qui comporte des implications citoyennes, professionnelles et associatives, que vous avez prises en compte.

En outre, le Sénat devrait examiner d'ici quelques mois deux projets de loi qui concernent nos deux commissions, l'un relatif au patrimoine, l'autre à la biodiversité. Les contours précis de ces textes ne sont pas encore connus. S'agissant de celui sur le patrimoine, seul l'objectif de simplification des régimes de protection a déjà été mis en avant par la ministre de la culture et de la communication. Quoiqu'il en soit, il nous paraît important que cette audition permette de mieux connaître la position du CESE sur la prise en compte du patrimoine naturel dans ce futur projet de loi.

M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. - Les membres de la commission du développement durable et moi-même sommes ravis de participer à cette réunion. Régulièrement, nous regrettons que le développement durable ne soit pas suffisamment pris en compte de façon transversale et c'est pourquoi nous allons vous écouter avec grande attention. On ne pourra pas lutter contre le changement climatique sans prise de conscience. Or, celle-ci passe par l'éducation.

Dans ma ville de 7 000 habitants, nous avons créé un centre pédagogique du développement durable et nous sommes l'un des trois départements à avoir signé une convention avec l'éducation nationale pour renforcer la formation des enseignants en ce domaine mais aussi pour accompagner les écoles et les collèges.

Je forme le voeu que cette audition permette à tous nos collègues de prendre connaissance d'initiatives concrètes en faveur de la sauvegarde de la planète.

Mme Anne-Marie Ducroux, présidente de la section de l'environnement du CESE. - Nous avions déjà rencontré la commission du développement durable et la commission de l'économie mais c'est la première fois que nous sommes reçus par la commission de la culture et nous nous félicitons de cette audition commune qui démontre votre capacité à travailler de façon transversale, ce qui est l'essence même du développement durable.

La section de l'environnement du CESE est récente et son but est de protéger et de valoriser l'environnement, de se préoccuper du changement climatique, de la biodiversité, de la transition énergétique, de la mer et des océans, de la gestion des risques environnementaux et de la qualité de l'habitat. Elle a déjà rendu divers avis sur la biodiversité, un sur la transition énergétique et elle sera consultée sur le futur projet de loi.

L'éducation à l'environnement et au développement durable est le fil conducteur de nos travaux puisque dans tous nos avis, nous faisons des recommandations de ce type.

En ce qui concerne ce rapport, nous avons répondu à une saisine du Gouvernement qui ne demandait pas, initialement, de nous préoccuper de la formation initiale, mais nous avons tenu à traiter cette problématique. Ce thème a d'ailleurs été abordé lors de la conférence environnementale de cet automne. Le ministre de l'écologie a assisté à la séance de présentation et il a retenu certaines de nos propositions ce qui nous a fait plaisir. Cet avis a été très largement adopté par les membres du CESE : 168 voix pour sur 176 votants.

M. Allain Bougrain-Dubourg, co-rapporteur du CESE. - Nous sommes sensibles à votre présence alors que pendant trop longtemps, l'éducation à l'environnement et au développement durable a été le parent pauvre de l'éducation nationale, qui avait d'ailleurs brillé par son absence lors du Grenelle de l'environnement.

« L'éducation est l'arme la plus puissante que l'on puisse utiliser pour changer le monde » a dit Nelson Mandela. En ce début du XXIe siècle, le changement s'impose à nous avec les dérèglements climatiques, l'érosion de la biodiversité, les 9 milliards d'habitants sur terre d'ici 2050. Ces changements complexes doivent être compris de tous.

Nous avons pris le terme « éducation » au sens large, notamment en incluant l'information et la sensibilisation. L'éducation à l'environnement et au développement durable est une éducation à la complexité, à la solidarité et à la citoyenneté. Elle doit permettre à chacun de devenir un acteur responsable, capable de faire des choix pour inventer un nouveau mode de relation entre les hommes, et entre les hommes et la nature, et ainsi de dépasser une vision anthropomorphique de la planète.

L'éducation à l'environnement et au développement durable a planté ses racines hors du champ de l'école : les associations d'éducation populaire, les associations savantes, celles de protection de la nature et les mouvements de scoutisme furent les premiers à tenter de faire passer le message. De la sensibilisation à la nature, le périmètre s'est ensuite élargi aux enjeux environnementaux. En 1992, au sommet de la terre à Rio, on a mondialement mobilisé les énergies. J'avais à l'époque la naïveté de croire qu'aujourd'hui les problèmes seraient réglés, alors que nous n'en sommes qu'aux balbutiements.

Désormais, les différents acteurs se rassemblent à l'occasion d'assises territoriales et nationales. La dernière conférence environnementale qui a retenu le thème de l'éducation à l'environnement et au développement durable démontre l'importance de cette question.

Nous avons identifié trois obstacles à surmonter : le premier est de considérer que l'éducation à l'environnement et au développement durable s'adresse exclusivement aux enfants. Nous croyons en la formation tout au long de la vie. Le deuxième frein est de croire que les gestes simples ne répondent pas à la situation. Interrogeons-nous plutôt sur le sens à donner à ces actions ! Il faut favoriser le sens de l'émotion et de l'émerveillement. Nous devons réveiller nos sens et apprendre à toucher, caresser, sentir, écouter, que l'on soit riche ou pauvre. Enfin, nous devons prendre en compte les intérêts, parfois contradictoires, du fait de l'interdépendance des enjeux.

Nous avons rédigé notre avis comme une boîte à outils permettant une action volontariste de l'État, des collectivités territoriales, des entreprises, des associations, des élus et du ministère de l'éducation nationale.

M. Antoine Dulin, co-rapporteur du CESE. - Il s'agit de ma première audition devant le Sénat. Je fais partie des jeunes de moins de trente ans qui siègent au CESE.

En matière d'éducation à l'environnement et au développement durable, nous nous sommes interrogés sur la formation initiale, en nous appuyant sur les travaux de Jacques Moret, recteur de l'académie de Poitiers, qui a travaillé sur l'éducation à la biodiversité. La formation initiale détermine l'entrée dans la vie active. Dans notre avis, nous avons distingué éducation formelle et éducation non formelle, portée par les mouvements associatifs.

L'éducation à l'environnement bénéficie du soutien de l'administration et elle pourrait s'épanouir dans le cadre du service civique.

En juin 2013, le Parlement a ajouté dans la loi de refondation de l'école une partie relative à l'éducation à l'environnement et au développement durable. Il était temps.

Nous avons émis plusieurs recommandations.

Nous estimons d'abord que l'éducation à l'environnement et au développement durable ne doit pas être une matière supplémentaire mais une discipline transversale partagée par les différents professeurs. Des enseignants que nous avons auditionnés nous ont indiqué avoir réussi à apprendre à compter à certains élèves en difficulté grâce au potager installé dans la cour de l'école.

Nous voulons que la thématique de l'environnement et du développement durable soit enseignée de la maternelle au lycée. Pourquoi ne pas revoir l'évaluation du brevet et du baccalauréat ? Une épreuve environnement et développement durable pourrait intégrer d'autres disciplines comme le français ou les mathématiques.

Les sorties nature et les classes découvertes devraient être systématisées afin que chaque élève fasse l'expérience du contact avec la nature, sans que le financement ni qu'une réglementation tatillonne empêchent ces sorties : les enseignants et les animateurs ne doivent pas les percevoir comme des risques potentiels.

Nous devrions aussi respecter un certain nombre de principes pédagogiques et déontologiques dans les classes en adhérant à une charte nationale qui mobiliserait les différents acteurs, associations et entreprises. Il faudra utiliser les projets éducatifs dans les territoires et le temps périscolaire au profit de l'éducation à l'environnement et au développement durable.

L'enseignement supérieur devra se renforcer autour du plan vert et l'éducation à l'environnement et au développement durable devra être au coeur de tous les cursus, notamment pour les formations d'ingénieurs et dans les écoles de commerce.

Nous avons également longuement réfléchi à la formation de nos élites qui doit se tourner vers l'éducation à l'environnement et au développement durable.

Cette dynamique doit être inscrite dans la formation initiale et continue des enseignants, notamment dans les nouvelles écoles qui se mettent en place.

Enfin, un effort spécifique doit porter sur l'outre-mer dont les richesses doivent être protégées et mises en valeur.

M. Allain Bougrain-Dubourg. - Au-delà de la formation initiale, l'éducation à l'environnement et au développement durable doit également toucher le monde du travail. Elle doit nourrir et accompagner les mutations de notre appareil productif. Cette éducation pourrait passer par son intégration dans les rapports de développement durable réalisés par bon nombre d'entreprises. Dans notre section, les représentants des entreprises sont sensibles à cette thématique, même si les PME y sont plus réticentes.

Les citoyens et les consommateurs doivent être des acteurs avertis tout au long de leur vie. À ce titre, l'affichage environnemental doit être multicritères. L'institut national de la consommation y est d'ailleurs très favorable.

Les médias sont un des leviers essentiels et notre section a apprécié les efforts faits par le service public mais peu d'émissions dédiées portent ce message. Quant à la presse écrite, quelques quotidiens régionaux proposent des pages environnement remarquables, mais la page planète du Monde est en train de disparaître tandis que Libération, en crise, est en retrait sur la thématique environnementale. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) aurait un rôle à jouer en ce domaine.

Les initiatives individuelles et citoyennes sont remarquables et elles doivent être valorisées. Nous souhaitons qu'un répertoire des initiatives soit créé afin d'inciter le plus grand nombre à participer. Enfin le CESE avait déjà dit que notre patrimoine naturel ne pouvait se limiter à la seule culture. Conformément à la notion de patrimoine mondial de l'humanité initié dans les années 1960 par l'UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture), la nature doit être accolée à la culture car le patrimoine français n'est pas que la Joconde, mais aussi le Gers ou le marais poitevin.

Nous sommes convaincus que l'éducation à l'environnement et au développement durable peut contribuer à redonner un sens en cette période de crise. Le renard disait au petit prince : « Tu es responsable de ce que tu as apprivoisé ». Nous avons apprivoisé la planète : à nous d'en être responsables.

M. Antoine Dulin. - Tous les acteurs, qu'ils soient publics ou privés, doivent se mobiliser pour faire de l'éducation à l'environnement et au développement durable un projet collectif, porteur de sens et de changement, tant au niveau des territoires, qu'au niveau national et européen. Aujourd'hui, un volet éducation à l'environnement et au développement durable doit être inséré dans tous les plans des politiques publiques.

Nous avons besoin d'une connaissance et d'une reconnaissance des actions portées par les acteurs de l'éducation à l'environnement et au développement durable et nous devons les inclure dans les projets éducatifs de territoires. Cette reconnaissance passe aussi par le monde de la recherche, notamment en éco-sociologie et en éco-psychologie.

Enfin, des crédits sont nécessaires, mais ce secteur a connu une baisse notable de ses moyens : ainsi, le budget de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) consacré à l'éducation à l'environnement a baissé de 70 % entre 2009 et 2013 et les subventions attribuées aux associations par le ministère de l'écologie ont diminué de moitié en dix ans.

Tous ces acteurs devraient bénéficier de budgets pluriannuels inscrits dans des conventions d'objectifs. Nous avons encouragé la mise en oeuvre de dispositifs multi-acteurs pour associer partenaires publics et privés et nous souhaitons la création d'un fonds régional en faveur de l'éducation à l'environnement et au développement durable, comme il en existe pour les déchets. Facteur d'innovation, de cohérence et d'accompagnement, ce fonds serait abondé par l'État, par les collectivités territoriales et par l'Europe. Enfin, l'État doit être exemplaire en ce domaine.

L'éducation à l'environnement et au développement durable est non pas une contrainte mais une opportunité qui fera du citoyen un éco-citoyen. Elle participe au mieux-être et au mieux vivre. Elle est source d'émotions multiples. Combien d'entre nous sont-ils capables d'identifier dix arbres, dix plantes ou dix oiseaux ? (Mouvements divers) Combien de personnes savent-elles lire le livre de la nature ? Ceux qui ont cette capacité disposent d'une richesse toute particulière qui leur permet de s'émerveiller et donc de protéger notre environnement.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Vous avez chatouillé l'ego des sénateurs qui sont des femmes et des hommes de terrain. Vous avez face à vous de fins connaisseurs du terroir. Au Sénat, la profession la plus représentée, ce sont les vétérinaires !

M. Michel Teston. - L'éducation à l'environnement et au développement durable devrait être mieux intégrée dans le cursus scolaire des élèves du primaire et du secondaire. Quelles sont les difficultés pédagogiques ou financières qui pénalisent cette matière ? Pourquoi ne pas prévoir une expérimentation dans des écoles pilotes ? Cette éducation ne peut pas concerner la seule formation initiale. Vous faites un certain nombre de propositions intéressantes, mais comment les concrétiser ?

Mme Corinne Bouchoux. - Je me félicite de cette audition. L'inscription dans la loi de refondation de l'école de cette thématique n'a pas été aisée : je me réjouis du consensus a posteriori. La présence des consommateurs dans les conseils d'administration des médias va renforcer l'information éclairée sur le sujet.

Comment voyez-vous la formation des futurs enseignants de ce pays ? Quelle pourrait être la place de l'éducation à l'environnement et au développement durable pour ces adultes qui sont pour les trois-quarts des littéraires ?

Enfin, j'espère que cette éducation ne subira le même sort que l'éducation sexuelle, obligatoire depuis dix ans et pourtant quasiment absente des écoles.

Mme Dominique Gillot. - Ce sujet est d'actualité : la semaine dernière, nous participions à un colloque de la conférence des présidents d'université qui a introduit dans ses réflexions le défi de la biodiversité. La pluridisciplinarité est essentielle.

Vous estimez que l'éducation à l'environnement et au développement durable ne doit pas se concentrer sur les enfants, mais ils sont un très bon vecteur de changement du comportement des adultes. Il faut redonner toute sa place à l'observation, mais en luttant contre les idées reçues qui empêchent les classes de découverte de se multiplier. J'ai réussi la semaine dernière à installer un poulailler dans un centre de loisirs, mais il a fallu déployer des trésors de persuasion pour y parvenir !

Faire de l'éducation à l'environnement une discipline transversale est contradictoire avec l'idée de l'introduire dans les examens.

Enfin, l'éducation au travail permet de développer l'esprit d'entreprise et de valoriser les personnels qui atteignent les objectifs fixés.

J'insiste sur la place des sociétés savantes, des associations d'éducation populaire dans l'éducation non formelle mais aussi dans l'éducation formelle.

M. Ronan Dantec. - Nous parlons ici de deux enseignements différents : le premier a trait à la citoyenneté et il passe par l'éducation civique et le second pose le problème de la réforme des sciences naturelles.

L'enfant dans le primaire est assez prescripteur sur ses parents mais à l'adolescence, les choses se dégradent : l'enjeu majeur est donc celui du collège.

La réforme des rythmes scolaires permettra d'intégrer l'éducation à l'environnement et au développement durable. Qui, au sein du ministère de l'éducation nationale, est capable de coordonner et d'écrire un programme cohérent en la matière ?

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - N'oubliez pas le conseil supérieur des programmes où siègent MM. Legendre, Magner et moi-même, monsieur Dantec ! Les questions que vous posez auront toute leur place dans le futur socle commun de connaissances, de compétences et de culture.

Mme Évelyne Didier. - J'ai été enseignante dans le primaire et dans le secondaire : ce sont deux métiers différents, car l'instituteur est dans une seule et même classe toute la journée alors que dans le secondaire, le professeur enseigne une seule matière.

Aujourd'hui, l'éducation initiale va de l'enfant aux jeunes adultes. Il faut donc tenir compte de l'âge de ceux à qui l'on s'adresse sur ces thématiques essentielles du développement durable.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Je me félicite de cet avis car nous sommes dépositaires de notre planète. Les défis et difficultés auxquels nous sommes confrontés résultent pour une bonne part de l'activité humaine. Comment penser un développement durable sans un développement solidaire ? Sinon, nous appliquerons un cataplasme sur une jambe de bois. Nous devrons réfléchir à nos choix de production.

M. Antoine Dulin. - Nous avons mis en place une plateforme pour inviter tous ceux qui le souhaitent à présenter leurs initiatives. Plus de 250 messages nous ont été envoyés qui figurent à la fin du rapport. Vous y trouverez la multiplicité des actions concrètes menées sur le terrain par différents acteurs publics et privés. L'éducation à l'environnement et au développement durable manque en revanche cruellement de moyens financiers.

En outre, ces acteurs travaillent beaucoup en silo et la puissance publique ne coordonne pas ces actions.

La pédagogie est au coeur de l'éducation à l'environnement et au développement durable. Les enseignants doivent enseigner non seulement leur discipline mais d'autres aussi. Nous en reparlerons lorsque nous rencontrerons le conseil supérieur des programmes.

Nous avons demandé une évaluation des travaux personnels encadrés (TPE) qui se déroulent en 1re et en terminale. Les jeunes travaillent en groupe souvent sur des problématiques environnementales. Comment réhabiliter cette pédagogie du projet ? Comment mettre en oeuvre cette dynamique participative ? Autant de questions que nous devons régler.

Enfin, l'école doit se décloisonner pour apporter des savoirs, des savoirs-être et des savoirs-faire. La question de l'environnement et du développement durable pourrait être un terrain d'expérimentation.

Les examens doivent permettre de valider plusieurs disciplines à la fois et non pas une seule. Pourquoi ne pas mobiliser plusieurs types de connaissances autour d'une seule épreuve ?

M. Allain Bougrain-Dubourg. - De plus en plus d'écoles d'agriculture intègrent l'éducation à l'environnement et au développement durable de façon remarquable.

Le CESE n'a pas vocation à compter les petites cuillers : nous laissons le soin à d'autres instances de proposer des exemples précis. La plateforme participative a été extrêmement éclairante sur les réalités d'aujourd'hui. Nous avons préféré donner des orientations mais nous disposons de multiples exemples.

Je regrette que le rapport du recteur Moret ait été en partie tronqué : il souhaitait installer partout où cela était possible des espaces nature dans les écoles pour disposer d'un laboratoire à ciel ouvert pour intéresser les enfants.

Mme Gillot a raison de rappeler l'importance des relations entre la société civile et les chercheurs. Certains s'en inquiètent, mais jamais dans l'histoire les chercheurs sont autant sortis de leur laboratoire pour s'exprimer devant micros et caméras : la question environnementale est très présente dans tous les médias.

Les sorties nature sont en souffrance à cause d'une circulaire qui les freine, de peur que les enfants n'attrapent la grippe aviaire en regardant les oiseaux à la jumelle. Le développement durable est une question qui ne peut être hexagonale, mais mondiale et solidaire. La France n'est pas au rendez-vous concernant les handicapés : l'État et les collectivités n'ont pas rempli leurs engagements. La ligue pour la protection des oiseaux s'est lancée dans un travail de trois ans pour faciliter l'accès des handicapés aux espaces naturels ; j'espère qu'il deviendra référent au niveau européen. Mais le processus n'est toujours pas dans les tuyaux administratifs... Heureusement, nous l'avons déjà mis en oeuvre dans les espaces que nous gérons.

M. Antoine Dulin. - Les enfants et les jeunes sont des vecteurs importants, mais n'oublions pas les adultes. Les jeunes adultes, sensibilisés à ces questions dès leur jeune âge, ne comprennent pas pourquoi des principes comme le tri ne sont pas mis en oeuvre dans les administrations ou les entreprises. C'est une vraie responsabilité.

M. Allain Bougrain-Dubourg. - On me demande souvent ce qu'un gouvernement parfait selon moi ferait en priorité. Je réponds simplement : respecter le droit. Cela nous ferait faire déjà un bon tiers du chemin !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - En lien avec la future loi sur le patrimoine, que dire du patrimoine naturel ? Certes il sera présent cette année dans les Journées du patrimoine, mais est-il dans les têtes ? Notre commission a demandé à la division de législation comparée une étude sur cette question.

Mme Anne-Marie Ducroux. - Nous n'avons pas été saisis formellement de cette question. Mais nous avions mis en lumière la notion de patrimoine naturel, et même de capital naturel dont la valeur doit être prise en compte, dès le premier avis sur la biodiversité en 2011, dans le second en 2013, et dans l'avis qui nous réunit aujourd'hui.

M. Allain Bougrain-Dubourg. - Ce fut un véritable parcours du combattant ! Je croyais qu'il serait facile de transmettre cette idée simple, consensuelle, qui ne coûte rien à un gouvernement, et est au contraire valorisante, puisqu'elle suscite l'enthousiasme des acteurs nature tels que les parcs naturels régionaux ou la fédération des réserves. J'en ai parlé au Président Hollande huit jours avant la conférence environnementale en septembre dernier ; c'était dans le discours écrit qu'on m'a fait lire, mais je ne l'ai pas entendu dans le discours prononcé. Cela prouve que la cohabitation avec la culture, qui se sent peut-être mise en danger, avec son budget serré, est difficile. Hier, une réunion interministérielle sur la question a été annulée car Philippe Martin devait se rendre au salon de l'agriculture...

Il est déjà formidable que le Président de la République ait choisi d'inclure le patrimoine naturel dans les journées du patrimoine de cette année. On nous avait proposé une journée spécifique : non ! Il faut que les Français soient fiers de leur France dans son aspect culturel et naturel.

Mme Anne-Marie Ducroux. - L'État, exemplaire, devrait procéder à l'inventaire et à la valorisation de son patrimoine naturel dans les grands comptes de la Nation.

M. Allain Bougrain-Dubourg. - Nous connaissons en effet parfaitement notre patrimoine culturel, de la Joconde à la moindre ruine ; ce n'est pas le cas pour le patrimoine naturel. Des associations mettent en place des collaborations formidables avec le ministère de la défense sur les terrains militaires, des administrations reçoivent des legs de territoires remarquables, dont l'Office national des forêts (ONF) ou le Conservatoire du littoral regorgent, mais aucune synthèse n'est jamais faite. L'État demande souvent des comptes aux citoyens sur tel ou tel point, mais le citoyen ne peut demander à l'État des comptes sur son administration du patrimoine naturel, plutôt bonne au demeurant. Nous demandons un état des lieux tous les trois ans, avec des indicateurs pas très compliqués. C'est essentiel.

M. Raymond Vall, président. - Vous avez porté votre intérêt sur des initiatives dans les territoires. Il serait bon, dans la mesure de vos possibilités, que vous en fassiez l'inventaire. Généralement, tout vient des associations, des bénévoles pour faire émerger un mouvement de prise de conscience, de changement de comportement. Dans le Gers, Hubert Reeves nous aide depuis vingt-trois ans à faire découvrir l'astronomie ; un jour, il nous a demandé de retourner la lunette pour observer l'état dans lequel nous mettions la terre. Trois régions bénéficient d'expériences à travers une maison de la culture scientifique. Connaissez-vous la subvention de l'éducation nationale pour le complément de formation des professeurs des écoles pendant une année scolaire ? Elle n'est que de 3 000 euros, pour une association de 14 salariés...

Une initiative que nous avons prise est de créer dans chaque école et chaque collège un espace de biodiversité ; il suffit de l'ajouter dans les cahiers des charges à chaque construction ou extension. Hubert Reeves l'a fait avec les oasis nature. Le Sénat a voté l'interdiction des pesticides dans les espaces publics ; il pourrait aussi prévoir dans chaque établissement scolaire un carré de communion avec la planète, un carré d'espoir pour l'humanité.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Merci à tous.

La réunion est levée à 11 h 45