Jeudi 12 novembre 2015

- Présidence de M. Jean Claude Lenoir, président -

La réunion est ouverte à 11 h 45.

Désignation d'un rapporteur

Mme Élisabeth Lamure est désignée rapporteure sur la proposition de loi n° 453 (2014-2015), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à instaurer une dérogation aux délais de paiement interentreprises pour les activités de « grand export ».

Loi de finances pour 2016 - Audition de Mme George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Nous accueillons Mme George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer, qui vient nous présenter les crédits de son ministère pour 2016. Notre rapporteur, M. Serge Larcher, de retour de Martinique, a vu son vol dérouté sur Lille en raison du brouillard. Je vous prie d'excuser son retard, ainsi que l'absence de plusieurs collègues, bloqués dans des aéroports pour les mêmes raisons. Néanmoins, nombreux sont les commissaires venus assister à votre audition ! Parmi eux, je salue notamment M. Magras, qui préside la délégation sénatoriale à l'Outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer. - J'arrive moi-même ce matin de Mayotte ! Merci de votre accueil et de votre intérêt pour le développement des Outre-mer. Le budget pour 2016 s'inscrit dans l'engagement de long terme pris par notre pays envers eux et formulé par le Président de la République et le Premier ministre. Stable par rapport à 2015, en dépit du contexte budgétaire, il montre la priorité que nous leur accordons. L'aide à l'investissement et la politique de l'emploi sont les deux axes centraux de mon budget.

La défiscalisation, qui concerne plus de 2 milliards d'euros d'investissements, est plébiscitée par les élus et les organisations patronales. M. Gattaz, que j'ai croisé à l'aéroport, a tenu à m'en entretenir... Nous avons prolongé jusqu'à fin 2017 les dispositifs existants et je précise que tout dossier présenté jusqu'à cette échéance aura une suite. À partir de 2018, des modalités modernisées seront introduites, pour plus d'efficacité. Le secteur du logement social bénéficiera d'un crédit d'impôt, comme l'investissement productif. Pour les territoires dotés de l'autonomie fiscale, comme la Polynésie, la défiscalisation sera maintenue - ainsi que pour les petits investissements dans les DOM. Ainsi, nous assurons une visibilité à cinq ans. On nous demande de la prolonger après 2020. Mais nous n'avons pas toutes les données nécessaires, et notre démarche est calée sur le calendrier des cadres communautaires pour les régions ultrapériphériques (RUP). Je vous rappelle aussi le principe d'annualité budgétaire... J'ai d'ailleurs reçu une lettre de la Fédération des entreprises d'Outre-mer (Fedom) réclamant un bilan du crédit d'impôt avant toute décision nouvelle.

Les acteurs du BTP sollicitent un soutien plus massif à la construction de logements sociaux, qui est en effet l'une de nos priorités. Aussi avons-nous étendu le crédit d'impôt aux opérations de réhabilitation dans les périmètres relevant de la politique de la ville. Le 2 novembre dernier, le groupe de travail réunissant l'État et les bailleurs sociaux a tenu sa première réunion. Il formulera des propositions opérationnelles pour fluidifier la délivrance d'agréments. L'obligation de présenter un permis de construire purgé de tout recours sera supprimée, par exemple. Nous abrogeons également en 2016 l'obligation de 5 % de subventions publiques pour la défiscalisation des opérations en prêt locatif social. Cela consommait inutilement de la ligne budgétaire unique (LBU) et compliquait la constitution des dossiers. Pour 2015, nous débloquons les crédits nécessaires pour libérer le maximum d'opérations.

Nous préservons les crédits principaux de soutien à l'activité outre-mer : la LBU est maintenue à 247 millions d'euros, 160 millions d'euros de crédits de paiement sont affectés aux contrats de développement et le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) ou le troisième instrument financier en Polynésie conservent intégralement leurs dotations. La commande publique joue en effet un rôle important pour l'activité économique dans ces territoires. Ainsi, l'emploi sera sauvegardé dans les Outre-mer.

Le Programme 138 « emploi outre-mer » demeure le plus important, avec 1,2 milliard d'euros - soit plus de 50 % de notre budget - essentiellement consacrés à la compensation des réductions de charges sociales patronales. Plus de 97 % de ses crédits sont préservés en 2016, ce qui est remarquable. Nous faisons porter l'effort sur l'allégement des charges pesant sur le travail peu qualifié. Le dispositif demeurera inchangé pour plus de 70 % des salariés en dessous de 1,6 Smic. En le réformant, nous avons souhaité préserver le réseau des TPE et des PME : les entreprises de moins de onze salariés jouiront toujours d'une exonération complète jusqu'à 1,4 Smic. Pour renforcer la compétitivité des entreprises dans les secteurs stratégiques comme le tourisme, l'hôtellerie, l'agro-nutrition, la recherche ou les nouvelles technologies, les exonérations seront renforcées le 1er janvier 2016 - nous n'avions pu les aider l'an dernier avec le CICE en raison des contraintes européennes. Le passage du CICE au taux de 9 % et l'extension du champ d'application des exonérations de cotisations familiales constituent des allègements supplémentaires de 200 millions d'euros.

Les crédits consacrés à la formation atteindront 36 millions d'euros : ils ne baissent donc pas, non plus que ceux du service militaire adapté (SMA), qui seront de 57 millions d'euros en crédits de paiement, afin que l'objectif de 6 000 soit atteint en 2017. Les crédits de continuité territoriale sont également maintenus, en faveur des étudiants, des personnes en formation, des familles ; une aide aux familles endeuillées est créée, pour le rapatriement d'un corps ou le déplacement pour assister à des funérailles.

Bref, ce budget est satisfaisant. Avec 2,18 milliards d'euros de crédits de paiement contre 2,17 milliards d'euros en 2015, il témoigne du respect des engagements pris par le Président de la République en faveur des Outre-mer sans méconnaître la solidarité nationale, indispensable en temps de crise. Il accompagne une démarche cohérente en faveur de la croissance, de l'emploi, du logement, de la jeunesse et de la santé outre-mer. Je suis déterminée à réaffirmer toujours la solidarité entre notre géographie lointaine et l'hexagone et à mettre en lumière les apports inestimables des Outre-mer à la communauté nationale.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Notre rapporteur voulait vous poser les questions suivantes. Comme vous l'avez souligné, les crédits de paiement de la mission « Outre-mer » pour 2016 sont préservés. Mais les autorisations d'engagement diminuent de 3,1 %. Ces diminutions portent principalement sur les allègements de charges salariales, comme un certain nombre d'acteurs économiques n'ont pas manqué de le faire observer. Il faut offrir des perspectives salariales attrayantes aux jeunes diplômés ultra-marins dans le secteur marchand. Or la concentration des allègements de charges sur les bas salaires favorise l'augmentation du nombre de salariés payés au salaire minimum, ce qui les incite à se diriger vers le secteur public ou à s'exiler, notamment aux États-Unis, au Canada ou en Amérique du Sud. En somme, ce budget est-il suffisamment offensif pour favoriser la création d'emplois et de richesse par le secteur marchand ultra-marin ?

Dès 2009, la délégation sénatoriale à l'outre-mer a annoncé l'achèvement d'un cycle économique. Notre pays a connu de nombreux chocs économiques et, depuis 30 ans, c'est l'emploi public qui a servi d'amortisseur, tant outre-mer que dans un certain nombre de territoires de l'hexagone. Ce qui caractérise la crise actuelle, c'est avant tout l'impossibilité d'appliquer ce remède traditionnel. Il faut donc désormais mobiliser l'épargne productive pour financer la création de richesses. Or les investisseurs ont avant tout besoin de lisibilité et de stabilité fiscale et réglementaire. C'est pourquoi j'approuve pleinement le principe de la clarification du cadre fiscal applicable aux investissements outre-mer avec la visibilité la plus étendue possible : vous avez évoqué une prorogation jusqu'au 31 décembre 2020.

À la différence des départements d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les collectivités d'outre-mer ne sont pas soumises à la réglementation européenne. De plus, ces collectivités sont dotées de l'autonomie fiscale et ne peuvent donc pas bénéficier de crédits d'impôts comme le CICE. Dans ces conditions, Madame la Ministre, que pensez-vous d'une prorogation en leur faveur, jusqu'en 2025, des dispositifs d'aide à l'investissement existants ?

La simplification des normes, des procédures administratives et des contraintes de certification ne concerne pas seulement les entreprises ultramarines du secteur privé. En particulier, les opérateurs du logement social doivent se concentrer sur leur coeur de métier qui est de construire. Ils sont soumis à un cadre législatif et réglementaire à juste titre assez contraignant, mais il faut que le temps consacré à remplir des dossiers soit contenu dans des limites raisonnables.

Fin 2015, la Martinique et la Guyane vont se doter d'une collectivité unique exerçant les compétences départementales et régionales. Les fusions d'entités publiques ou privées dégagent des économies à moyen terme mais elles s'accompagnent toujours de surcoûts initiaux. Il est donc légitime de se poser la question du financement de la période transitoire. Aussi soutenons-nous l'idée d'une dotation spéciale d'amorçage.

Notre première préoccupation est le taux de chômage des jeunes, qui s'élève à 50 % et conduit souvent à leur exil. Le développement d'un territoire ne nécessite pas forcément de gros investissements, comme le montrent bien quelques exemples en France ou dans le Nord de l'Italie, où quelques petites entreprises suffisent à créer de nombreux emplois. Face à ces enjeux, le projet de loi de finances pour 2016 préserve l'essentiel. Vous proposez également, Madame la Ministre, des mesures permettant de clarifier le cadre de l'aide fiscale aux investissements outre-mer au-delà de leur terme légal actuel, c'est-à-dire le 31 décembre 2017, en offrant une visibilité aux investisseurs jusqu'en 2020.

M. Michel Magras, président de la délégation sénatoriale à l'Outre-mer. - Merci de l'énergie que vous mettez à défendre les intérêts de l'Outre-mer, surtout lors du vote du budget, que vous parvenez à préserver dans un contexte difficile. Votre effort pour la sauvegarde de l'emploi et pour la formation est notable. Le CICE continue sa progression : le recentrage des allègements de charges sociales patronales nous semble nécessaire, en compensation. Je remercie le Gouvernement d'avoir compris ma demande que Saint-Barthélémy, qui ne bénéficie pas du CICE, puisse conserver les dispositifs ailleurs menacés. J'espère que l'Assemblée nationale respectera ce choix.

Les économies d'outre-mer souffrent d'une faiblesse en capital et d'un déficit de visibilité. Le Gouvernement a annoncé le prolongement de la défiscalisation jusqu'à 2020, ce qui est accueilli avec soulagement par le monde économique, qui aurait toutefois souhaité qu'il soit plus long. En effet, la limite de 2020 est liée aux contraintes européennes, et plus particulièrement au règlement général d'exemption par catégorie (RGEC). Ce RGEC doit être renégocié en 2020, mais il durera. Surtout, si la COM de Saint-Martin est une RUP, donc soumise au RGEC, il n'en va pas de même d'autres COM. L'échéance de 2020 se comprend pour les RUP mais pas pour les pays et territoires d'outre-mer (PTOM), associés à l'Europe mais non soumis au RGEC. Certes, à Saint-Barth, c'est la collectivité qui choisit les domaines dans lesquels peut s'appliquer la défiscalisation. Mais les collectivités territoriales de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie sont attachées à la défiscalisation car elles souhaitent bénéficier d'une visibilité à plus long terme, appropriée aux investissements lourds. Pourquoi le Gouvernement ne recule-t-il pas l'échéance, pour les PTOM, jusqu'en 2025 ?

M. Ladislas Poniatowski. - Vous ne vous étonnerez pas de m'entendre parler d'énergie... Le programme de remplacement de toutes les centrales électriques outre-mer est bien avancé : une nouvelle centrale a été mise en marche en 2012 à La Réunion, une autre l'a été en Martinique en 2013, et une autre en Guadeloupe en deux tranches, en 2014 et 2015. En Guyane en revanche, ce programme est bloqué, à la fois pour des raisons techniques et des problèmes fonciers. Le ministère refuse d'y installer une centrale à fioul, pour une raison inconnue, et alors qu'ailleurs des centrales à fioul de nouvelle génération, peu polluantes et au rendement excellent, ont été acceptées. La centrale actuelle, de 80 mégawatts, toussote, pollue et a un mauvais rendement. La nouvelle centrale produirait 100 mégawatts. L'économie en a besoin, sans parler des populations. Il y aura de surcroît des problèmes fonciers si EDF doit changer d'emplacement. Une centrale à biomasse, 5 à 10 mégawatts, ne répondra jamais aux besoins couverts par une centrale à fioul. Comment débloquer la situation ?

M. Joël Labbé. - Merci pour cette présentation. Bravo d'avoir réussi à maintenir votre budget. Qu'entendez-vous par agro-nutrition ? L'industrie de la pêche est-elle comprise dedans ? Le soutien aux projets alimentaires territoriaux est-il inclus dans votre budget ?

Mme Delphine Bataille. - Je souligne, au nom de mon groupe, la stabilité de vos crédits, dans une période de forte contrainte budgétaire : cela prouve que l'outre-mer est une priorité gouvernementale. Pour favoriser l'emploi et encourager le développement économique, une action déterminée est nécessaire. Le programme dédié aux conditions de vie et à la lutte contre la vie chère est en hausse de 12 millions d'euros. Les crédits consacrés au logement social, au soutien à l'investissement public et aux collectivités territoriales sont préservés. Je salue aussi la création d'une mesure d'aide aux familles endeuillées. Le fort soutien au SMA favorisera l'insertion des jeunes.

Près de 80 % de la biodiversité française est localisée outre-mer, grâce à un domaine maritime immense. Le Gouvernement est engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique. Vous souhaitez préserver cette biodiversité et développer l'énergie renouvelable. Les outre-mer cumulent les risques environnementaux, ce qui les place en première ligne face au changement climatique. Bénéficieront-ils d'un accompagnement financier spécifique ? La recherche peut aider à prévenir certains phénomènes, comme la prolifération des algues sargasses, qui envahissent les côtes antillaises. La loi sur la transition énergétique a fixé des objectifs ambitieux aux outre-mer, qui doivent atteindre l'autonomie énergétique en 2030, avec un objectif intermédiaire de 50 % dans cinq ans. Quels financements sont prévus par l'État pour les y aider ? Les conseils départementaux de la Guadeloupe et de la Martinique ont financé des études de géothermie dans le cadre d'un projet avec la Dominique. Or il semble qu'il y ait quelques difficultés dans les relations avec EDF. Comment comptez-vous y remédier ?

Le droit à la terre est l'un des derniers qui restent à conquérir pour les populations. C'est un problème complexe. Un rapport, signé par plusieurs de nos collègues, dont M. Serge Larcher, formule des propositions concrètes pour dépasser les blocages historiques. Comptez-vous les mettre en oeuvre ?

Mme George Pau-Langevin, ministre. - Merci pour vos compliments. Vous avez signalé que le recentrement sur les bas salaires des allégements de cotisations sociales posait problème pour les jeunes diplômés. J'en suis consciente, mais ce n'est pas la seule cause de chômage des jeunes. Il existe en effet un hiatus entre le moment où le jeune rentre après une formation et celui où le chef d'entreprise recherche un employé qualifié. Conséquence, les jeunes quittent le territoire, tandis que les chefs d'entreprise embauchent plus cher des personnes à l'extérieur. Il convient donc d'organiser une gestion prévisionnelle des emplois, surtout dans la commande publique, où les chantiers s'étalent sur plusieurs années et où les besoins sont donc connus à l'avance. Je le sais pour avoir dirigé l'Agence nationale de promotion et d'insertion des travailleurs d'outre-mer (ANT). De surcroît, l'ordonnance de l'an dernier sur les marchés publics mentionne la nécessité pour les entreprises de faire appel aux compétences locales.

Sur le crédit d'impôt, nous avons entendu vos inquiétudes : un amendement du Gouvernement accroîtra la visibilité par rapport à la rédaction initiale. Jusqu'au 31 décembre 2017, le dispositif est stabilisé, rien ne change. Pour la suite, nous proposerons l'extension au logement social du crédit d'impôt - que Bercy préfère à la défiscalisation, car cela évite le problème du préfinancement. Le crédit d'impôt productif sera aussi progressivement étendu aux entreprises dont le chiffre d'affaires est de 15 millions d'euros, puis 10 millions d'euros, puis 5 millions d'euros. Il convient d'abord de voir si le système marche bien - certains chefs d'entreprise le contestent. Quoi qu'il en soit, le crédit d'impôt ne fonctionnera que s'il est préfinancé. L'intervention de la Banque publique d'investissement (BPI) avait soulevé de grands espoirs, parfois déçus.

Dans les DOM comme dans les COM, pour les plus petites entreprises, la défiscalisation n'est pas modifiée, puisque le crédit d'impôt ne s'applique pas. Nous avions proposé de fixer son terme à 2020 par référence aux échéances européennes. Les incertitudes, notamment en Nouvelle-Calédonie, ont d'autres sources que l'instabilité du régime fiscal. Il y a la consultation sur les institutions, la situation sur le nickel,...

Vous demandez une dotation d'amorçage pour la nouvelle collectivité unique. Mais nombre de modifications ont affecté d'autres collectivités - je pense aux nouvelles métropoles - sans que la question budgétaire ait été posée.

Avec l'Agence départementale d'insertion et la Caisse des dépôts et consignations, nous épaulons les très petites entreprises, notamment pour le premier emploi qu'elles créent.

Merci, Monsieur Magras, pour vos propos. La collectivité unique pose surtout une question, celle de la compensation du RSA - devenue un sujet complexe dans les petites collectivités comme Saint-Martin. Nous avons pu régler des problèmes épineux et qui restaient en suspens pour Saint-Barth. La défiscalisation dans les COM jusqu'en 2025 : nous verrons cela dans le débat parlementaire. Mon souci est de travailler utilement. Mais c'est le Parlement qui vote la loi, nous ne nous opposerons pas à ce qu'il décidera, même si nous estimons ne pas avoir aujourd'hui tous les éléments pour y voir clair jusqu'à cette échéance.

Monsieur Poniatowski, je comprends vos arguments contre les capacités de la biomasse ; mais s'il y a une forêt importante en France, elle est bien en Guyane. Importer du fioul dans un département doté de larges fleuves, de beaucoup de soleil et de bois n'est pas une solution. Nous devons obéir aux nécessités environnementales ; la loi prévoit ainsi une programmation pluriannuelle de l'énergie dans laquelle des objectifs ambitieux sont fixés aux Outre-mer...

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Bienvenue à notre rapporteur pour avis, M. Serge Larcher.

Mme George Pau-Langevin, ministre. - Qu'il soit remercié d'avoir fait son possible pour nous rejoindre.

Monsieur Labbé, les exonérations concernant l'agro-nutrition sont préservées ; la pêche en fait effectivement partie, elle est très soutenue, notamment via les fonds européens. Madame Bataille, vous avez raison de souligner que 80 % de la biodiversité est outre-mer. J'ai visité récemment les îles Glorieuses, situées dans un parc naturel marin, véritable sanctuaire de la biodiversité dans l'Océan Indien. Il n'y a pas de réunion spécifiquement consacrée aux Outre-mer dans la COP21, mais j'ai organisé un séminaire le 15 octobre dernier pour aborder ces sujets ; et de nombreux événements les mettront en valeur. Nous avons pris l'initiative d'une rencontre sur les petits États insulaires. Les territoires français du Pacifique seront en première ligne dans la coopération avec eux.

Les sargasses empoisonnent la vie des Antilles depuis deux ans. Nous avons mis en place un plan d'action pour aider les communes à organiser le ramassage et pour financer un programme de recherches sur les perturbations écologiques, peut-être lointaines, qui sont la cause du phénomène. Lequel affecte, massivement, tous les États de la Caraïbe. Nous avons ouvert des prêts bonifiés pour les collectivités touchées.

Sur le foncier, un rapport parlementaire au titre combattif se promettait de mettre fin à « une gestion par l'État jalouse et stérile »... Il avait en tout cas le mérite de poser un certain nombre de questions sur le foncier outre-mer. Ainsi dans la zone des cinquante pas géométriques, les habitants ne peuvent devenir propriétaires ; autre problème, dans de nombreux cas, il n'est pas possible de construire des équipements publics parce que la propriété du foncier est incertaine. Il faudra nous pencher sur ces sujets. Déjà, la loi a transféré aux régions la gestion des cinquante pas géométriques et des équipements ont été créés pour aménager certaines zones.

Le projet de géothermie avec la Dominique est ancien. Hélas, on a observé la défection de partenaires. Et après le violent cyclone qu'elle a subi, cette île aura peut-être d'autres priorités - reconstruire tout ce qui a été dévasté. C'est dommage, car le projet avait bien avancé ; mais il n'est pas totalement abandonné.

M. Serge Larcher, rapporteur pour avis. - Notre partenaire EDF est-il prêt à bouger enfin ? Aux dernières nouvelles, son président-directeur général nous opposait un niet sans appel.

On trouve des sargasses partout dans la Caraïbe. Une précision s'impose : elles ne viennent pas de la mer du même nom, où Christophe Colomb, dont les bateaux n'avançaient pas, avait dû faire face à une mutinerie... Plus sérieusement, ce phénomène pose un problème pour le tourisme ; ne pourrait-on pas en trouver un usage agricole ?

Nous, départements français, devons participer à l'effort de redressement des comptes publics. Mais encore faut-il choisir les cibles : avec 1,4 Smic, ce sont les diplômés qui sont visés ! Notre délégation a montré dans une étude que deux diplômés sur trois originaires des DOM vivent en métropole. Par un effet de trappe pernicieux, les employeurs proposent des salaires très bas qui incitent les jeunes à partir ou à préférer la fonction publique territoriale. Les élites sont condamnées à l'exil.

La France est championne des normes ; il faudra pourtant les simplifier pour que les logements sortent de terre : la demande est énorme !

Nous, les outre-mer, souffrons d'un manque de visibilité sur les aides aux entreprises. Pas un budget sans qu'elles subissent un coup de rabot ! Selon les années, c'est le rabot du charpentier ou celui de l'ébéniste, aux copeaux plus ou moins épais... Mais petit ou gros, c'est toujours un rabot. La date de 2020 pour l'horizon de la défiscalisation est acceptable. Mais je vois mal le rapport avec le RGE ! Nous aurions préféré 2025 ou au-delà pour les COM, toujours par souci de stabilité.

En Guyane, en Guadeloupe et en Martinique, la collectivité unique n'ira pas sans difficultés. Il aurait fallu l'accompagner d'une dotation...

Mme George Pau-Langevin, ministre. - D'amorçage ?

M. Serge Larcher, rapporteur pour avis. - C'est cela. Elle aurait pu prendre la forme d'une absence de coup de rabot, d'un gel des dotations toujours à la baisse. Nous avions déposé des amendements en ce sens lors de l'examen de la loi en 2011 : « nous verrons cela lors de la mise en place », nous avait-il été répondu à l'époque. Or nous y sommes, et, Anne, ma soeur Anne, je ne vois rien venir !

Mme George Pau-Langevin, ministre. - Les difficultés du projet de géothermie ne tiennent pas seulement à EDF, mais aussi au cyclone qu'a subi la Dominique. EDF semble traîner les pieds, mais nous ne pouvons pas décider à sa place.

Cela fait cinq ans que nous préparons le rapprochement des collectivités. Les contrats de plan prévoient des moyens pour faire face à cette situation ; n'oublions pas que l'objectif était aussi de rationaliser.

Avec Mme Lebranchu, nous travaillons sur la compensation du RSA ; nous avons aussi prévu des avances de trésorerie.

Les exonérations vont jusqu'à 2,3 Smic, voire 3,5 Smic, soit de 2 500 à 4 000 euros dans les secteurs les plus exposés. Je connais bien des jeunes diplômés qui aimeraient retourner en Martinique s'ils y étaient payés à ce niveau, celui auquel ils peuvent prétendre s'ils entrent dans la fonction publique. L'anomalie, c'est qu'il n'existe pas de structure qui les rapproche des employeurs lorsqu'ils reviennent : pas d'Apec dans les Outre-mer ! J'ai rencontré le directeur de Pôle Emploi pour le mobiliser sur cette question. L'État paye à grand frais des formations, la région ajoute au pot, mais après ? Les jeunes s'exilent et leurs enfants naissent canadiens ou américains, pendant que la population de nos îles vieillit. Je le répète, ils s'en vont non parce que les salaires sont trop faibles mais parce que les offres d'emplois sont trop rares. J'en appelle aux entreprises pour qu'elles embauchent, en entreprises citoyennes.

Les communes sont aidées à hauteur de 2 millions d'euros pour le ramassage des sargasses, ce qui doit être fait rapidement pour éviter les mauvaises odeurs. Qu'en faire une fois qu'elles sont séchées ? Engrais, cosmétiques, les pistes sont nombreuses. Nous avons lancé des appels à projets pour les recenser. J'ai vu en Martinique l'expérimentation d'une machine de ramassage américaine. C'est intéressant. Nous réunirons un sommet pour en discuter avec les autres États de la Caraïbe. Pour que les communes recrutent du personnel supplémentaire affecté à ces opérations, nous avons mis des crédits à leur disposition. Je les encourage à les utiliser ! Nous sommes déjà début novembre ; il serait regrettable qu'ils ne soient pas consommés.

M. Serge Larcher, rapporteur pour avis. - L'école de la République réussit plutôt bien outre-mer. Nous avons ainsi beaucoup de candidats heureux aux concours de la fonction publique, notamment à l'agrégation - du moins à l'admissibilité, car il y a beaucoup d'échecs à l'oral. Les universités n'y préparent pas. Or pour passer cette épreuve avec succès, il faut en connaître les codes. Des conventions avec des universités en métropole pourraient y remédier.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Vous connaissez le sujet, Madame la ministre, ayant été chargée de la réussite éducative. Je vous remercie.

La réunion est levée à 13 h 05.