Mardi 22 novembre 2016

- Présidence de M. Jean-Claude Lenoir, président -

Projet de loi de finances pour 2017 - Audition de Mme Emmanuelle Cosse, ministre du Logement et de l'Habitat durable

La réunion est ouverte à 17 h 50.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Nous sommes heureux d'accueillir Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, qui vient nous présenter son premier budget. Voilà qui dément les propos de ceux qui affirment que le Sénat n'examinera pas le budget.

MM. Martial Bourquin et  M. Yannick Vaugrenard. - C'est pourtant vrai !

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Non, puisque la commission des finances comme les commissions saisies pour avis auront bien procédé à cet examen.

M. Martial Bourquin. - Mais cela s'arrêtera là !

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Après plusieurs années de crise, le secteur du bâtiment semble connaître un regain de dynamisme.

Les crédits du projet de loi de finances pour 2017 consacrés à la mission « Égalité des territoires et logement » sont stables et atteignent 18 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter 12 milliards d'euros de dépenses fiscales, qui correspondent notamment à l'application de taux réduits de TVA, aux dispositifs d'investissement locatif comme le dispositif Pinel, ou encore au prêt à taux zéro.

Le programme 109, qui concerne les APL (aides personnalisées au logement), est le plus important sur le plan budgétaire de cette mission, puisque 15 milliards d'euros y sont consacrés. Le gouvernement a engagé l'année dernière plusieurs réformes : prise en compte du patrimoine, mise en place de seuils de dégressivité et de suppression ou encore, plus symboliquement, suppression des APL pour les enfants rattachés au foyer fiscal de leurs parents redevables de l'impôt sur la fortune (ISF). Vous nous en direz quelques mots.

L'année 2016 a vu la mise en oeuvre d'une autre réforme d'importance, celle des aides à la pierre, avec la création du Fonds national des aides à la pierre (FNAP). Vous pourrez utilement nous rappeler les modalités de sa mise en oeuvre et nous indiquer dans quelle mesure l'Etat compte poursuivre son engagement dans le financement des aides à la pierre.

L'année 2016 a également été marquée par la crise migratoire, qui a nécessairement eu des incidences sur le parc généraliste d'hébergement d'urgence. Peut-être pourrez-vous nous présenter les mesures que vous avez mises en oeuvre dans ce domaine ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. - Le budget pour 2017 du ministère du logement et de l'habitat durable s'inscrit dans une triple logique, avec le souci d'accompagner et accélérer la reprise de la construction, de pérenniser le financement du logement social tout en favorisant l'accès du plus grand nombre à un logement décent et de ne laisser personne, enfin, sur le bord de la route.

Il est utile de rappeler quelques chiffres. La dynamique de la construction se confirme, mois après mois, puisque de juillet à septembre, 432 300 autorisations ont été délivrées, soit une progression de 6,3 %, tandis que sur un an, 367 000 logements ont été mis en chantier, soit une progression de plus de 8 %. Ces chiffres, très satisfaisants, et qui concernent tant le logement collectif et individuel que les locaux d'activité, sont le résultat des mesures engagées depuis plusieurs années : le prêt à taux zéro (PTZ), remanié en janvier 2016 ; le dispositif d'investissement locatif dit « Pinel », prolongé en 2017, qui contribue au dynamisme du marché du neuf ; l'encouragement à la construction de logements sociaux, qui sera poursuivi en 2017, et dont l'objectif, avec 140 000 agréments en 2016, a été tenu, y compris pour les constructions en zones tendues ; le lancement d'un fonds d'investissement et de gestion, pour la construction de 13 000 logements locatifs intermédiaires en cinq ans ; les prêts de haut de bilan octroyés aux bailleurs sociaux, destinés à accélérer les programmes de réhabilitation et de construction ; le soutien à la rénovation énergétique des logements, via le programme « Habiter mieux » porté par l'Agence nationale de l'habitat (Anah).

Alors que la conjoncture économique est favorable, nous avons voulu assurer, en 2017, une continuité budgétaire et fiscale, sachant que les à-coups fiscaux peuvent avoir de fortes répercussions. L'augmentation sensible des crédits de paiement, de l'ordre de 183 millions d'euros, se concentre sur le programme 177, relatif aux politiques d'hébergement et d'accompagnement vers le logement. En matière d'hébergement d'urgence, nous avons entrepris d'augmenter le nombre de places pérennes, qui atteint 118 000 aujourd'hui dont 92 000 en Ile-de-France contre 82 000 en 2012, avec la volonté de réduire de moitié le recours, onéreux, à l'hébergement hôtelier. Il convient d'ajouter les centres d'accueil et d'orientation (CAO), dans lesquels 9 000 places ont été ouvertes pour répondre à la crise migratoire.

Nous entendons également améliorer l'efficacité de l'action de l'Etat, avec la mise en place d'un plan de prévention des expulsions locatives. Nous avons également mobilisé les territoires afin que les publics en hébergement d'urgence puissent accéder à un logement social.

En matière d'aide à la construction, outre la prolongation des dispositifs fiscaux, nous sécurisons la contribution de l'Etat aux aides à la pierre, grâce à la création du FNAP, où siègent des représentants de l'Etat, des organismes sociaux, des collectivités territoriales, et, pour les parlementaires, MM. Daniel Goldberg, député, et Daniel Dubois, sénateur. Si le budget est voté par le Parlement, c'est néanmoins le Fonds qui discute des programmations régionales, avec l'objectif de programmer, comme en 2016, 140 000 logements.

Outre les prêts dits de haut de bilan, il convient également de mentionner la réforme d'Action Logement, qui n'est pas sans répercussions sur la mobilisation de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) en faveur du logement, au travers d'actions comme les aides à l'accession à la propriété, la garantie Visale, les aides aux apprentis. A quoi s'ajoute l'effort de la Foncière logement, autour de l'objectif de diversification du logement dans certains quartiers en rénovation urbaine.

Enfin, les aides personnelles aux logements restent, ainsi que vous l'avez souligné, la dépense principale de ce budget. Lors de la discussion budgétaire de l'an passé, un certain nombre d'économies ciblées ont été décidées, pour tenter de rétablir de l'équité. Ainsi de la dégressivité des APL en fonction du loyer, voire de leur suppression en cas de loyer manifestement excessif  ou de l'obligation de déclaration de patrimoine, à compter du 1er octobre, pour les nouveaux demandeurs, afin que celui-ci soit pris en compte dans le calcul de l'APL - et je rappelle que les conditions retenues sont les mêmes que pour le revenu de solidarité active (RSA) et l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), qui ont été fixées par la loi. Je vous donnerai, si vous le souhaitez, des informations plus précises sur les premiers résultats de cette mesure. Autre disposition, la suppression des APL pour les enfants rattachés au foyer fiscal de leurs parents, lorsque ces derniers sont redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), sur les résultats de laquelle je pourrai vous donner plus d'éléments lorsque les caisses d'allocation familiale les auront fait remonter.

Nous voulons, au-delà, prendre le temps d'évaluer l'impact de ces mesures d'économie, et d'observer s'il y a eu des effets de seuil, des difficultés d'application, sur l'ensemble de l'année 2017. Je rappelle enfin que les personnes handicapées ne sont pas concernées par ces mesures, non plus que les personnes âgées logées en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), et que le projet de loi de finances rectificative apportera, à ce sujet, tous les éclaircissements requis.

L'Anah met en oeuvre plusieurs programmes comme « Habiter mieux » ou comme son programme en faveur des personnes en perte d'autonomie ou handicapées. La structure du budget de l'Anah est diverse. Une partie de son budget repose sur les quotas carbone qui connaissent des fluctuations tellement fortes que cela a des conséquences sur la prévisibilité de son budget. S'ajoutent à ces ressources la participation du Fonds de financement pour la transition énergétique, à hauteur de 70 millions d'euros - celle d'Action logement, et celle de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Les engagements pris dans le cadre du programme « Habiter mieux », pour la rénovation thermique de 100 000 logements - seront ainsi tenus. Asseoir le budget d'un tel organisme sur les quotas carbone est une idée intéressante, notamment pour développer des projets de rénovation énergétique en faveur des ménages les plus modestes et réduire ainsi la précarité énergétique, mais il faudra tenter de parer aux inconvénients que j'ai rappelés.

J'insiste sur le programme « Habiter mieux », qui permet d'aider les ménages les plus modestes à redonner valeur à leur patrimoine, à sortir de situations de grande précarité énergétique et à se maintenir à domicile. N'oublions pas que sans cette aide, bien des personnes âgées en situation précaire seraient obligées de quitter leur domicile pour un Ehpad, ce qui rendrait leur condition plus difficile encore. Il est pour nous essentiel de poursuivre cette action, et de la faire mieux connaître, comme je l'ai demandé aux préfets de région.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour la mission « Egalité des territoires et logement ». - Les crédits du programme 177 consacrés à l'hébergement d'urgence sont effectivement en augmentation, mais comment comprendre qu'ils restent inférieurs à ceux qui ont été consommés en 2016 ?

Pouvez-vous nous en dire plus sur l'accueil des réfugiés ? Combien de CAO ont-ils été ouverts ? Je sais que votre ministère et celui de l'Intérieur sont en discussion, pour trancher du programme dont devraient relever ces CAO. La question est-elle résolue ?

Pourquoi avoir imposé un marché public pour la création de places d'hébergement d'urgence, et quel en sera le coût ? La Cour des comptes, sur ce même programme, a relevé que les services intégrés d'accueil et d'orientation étaient très mal outillés et n'assuraient pas toutes leurs missions, alors que ces services, faits pour intervenir au plus près du territoire, sont indispensables. Comment entendez-vous y remédier ? Ces services semblent ne pas avoir été consultés sur la création de places en CAO. Le confirmez-vous ?

Les APL sont une dépense de guichet qui continue d'augmenter. Disposez-vous de chiffres provisoires sur les effets des réformes engagées ? Combien de personnes sont concernées par chacune de ces réformes ?

Quel sera l'engagement de l'Etat en matière d'aide à la pierre pour 2017 ? J'observe que c'est la première fois que le projet de loi de finances n'inscrit aucun objectif en termes de construction.

L'Etat opère de nouveau une ponction sur les fonds de la Caisse de garantie du logement locatif social. N'est-ce pas la mettre en difficulté ?

L'aide aux maires bâtisseurs devait atteindre 2000 euros par logement, or, il semblerait que l'on soit plus proche, aujourd'hui, de 1320 euros. Comment comptez-vous combler cet écart ?

Comment, enfin, assurer à l'Anah des ressources stables, sachant que sa ressource principale, ainsi que vous l'avez mentionné, est assise sur les quotas carbones ou les certificats d'économie d'énergie, extrêmement volatils. La rénovation de logements est une question cruciale pour les élus locaux que nous sommes. Vous avez annoncé une aide du Fonds de financement de la transition énergétique, mais alors que les moyens de l'Anah diminuent et que son budget n'est pas encore arrêté, on est en droit de s'inquiéter du financement d'actions indispensables et attendues sur l'ensemble du territoire.

M. Bruno Sido. - Une précision sur les enfants dont les parents sont assujettis à l'ISF. J'avais compris qu'ils ne toucheraient pas l'APL qu'ils soient ou non rattachés au foyer fiscal de leurs parents. Est-ce bien constitutionnel ?

Prise de remords, vous avez exempté des nouvelles règles relatives aux APL les adultes qui touchent l'allocation pour adultes handicapés (AAH). Pouvez-vous nous donner des précisions sur ce point ?

M. Henri Cabanel. - Je m'inquiète de la dévitalisation commerciale des centres-villes où les fermetures de magasins se multiplient, particulièrement dans les villes moyennes. Le taux des vacances commerciales a ainsi atteint 10 % en 2015, contre 6 % en 2001. Dans mon département, Béziers en offre un exemple probant : 24 % des locaux commerciaux ont baissé le rideau. Et la dévitalisation entraîne la paupérisation.

Il est aujourd'hui plus facile de consommer des terres agricoles et de construire en dehors des centres historiques que de rénover ces derniers. Or, il faut savoir allier construction de logements sociaux et rénovation des coeurs de ville. Au-delà des villes moyennes, ce phénomène - et c'est nouveau - sévit aussi dans les villages ruraux. Quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour lutter contre ce fléau dévastateur, sachant que le coût de la rénovation est plus élevé que le coût de la construction ?

Autre question. Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit la suppression du mécanisme d'allègement de la taxe foncière des propriétés bâties, qui contribue pourtant à produire des logements à loyer relativement bas. Ne craignez-vous pas que cette suppression ne ralentisse la construction de logements ?

M. Daniel Dubois. - La solution de continuité dans les crédits de l'Anah a créé un réel problème sur le terrain. Il faut savoir que dans les territoires ruraux, ce sont les relais opérationnels qui permettent aux opérations de se concrétiser. Chez moi, quand la vanne des crédits de l'Anah s'est fermée, le moteur a calé. Et l'on sait qu'il ne suffit pas qu'elle se rouvre pour qu'il reparte.

Sur la construction en milieu rural, au sujet de laquelle je vous avais interrogé, j'ai mené une enquête avec mon président de département, la Somme, qui compte 782 communes - ce qui nous classe, de ce point de vue, au troisième rang des départements français. Nous avons posé quatre questions aux maires : la commune dispose-t-elle d'un document d'urbanisme valide ? Rencontre-t-elle des difficultés pour obtenir, auprès des services de l'Etat, les accords de constructibilité qu'elle sollicite ? A-t-elle essuyé récemment un refus de certificat d'urbanisme ? Estimez-vous qu'il y a, de la part de l'Etat, une volonté d'empêcher la construction en milieu rural ? En trois semaines, 50 % des maires ont répondu et 59 % d'entre eux estiment qu'ils sont délibérément empêchés de construire dans leur commune. Cela pose un vrai problème de cohérence. On ne peut pas demander aux territoires ruraux de se mettre à l'heure du numérique, de créer des maisons de santé, si on ne leur laisse pas la possibilité de renouveler leur population. Or, c'est ce qui est en train de se produire dans de nombreux départements. Et cela, alors même que la consommation de terres agricoles n'est pas imputable aux communes rurales, mais aux villes qui se trouvent à proximité. Il y a là un vrai problème d'équité et de cohérence. La commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers de la Somme en est à interdire les lotissements de plus de trois lots : c'est porter atteinte à l'autonomie des collectivités !

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je rejoins cette préoccupation.

M. Michel Le Scouarnec. - Je m'inquiète, moi aussi, des ressources de l'Anah, qui manquent de stabilité et dont le niveau reste insuffisant.

S'agissant du logement social, où en sont les prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI), qui correspondent à une demande forte, alors que deux millions de logements manquent ?

Quelle est l'évolution des expulsions locatives ? Les familles expulsées se voient-elles proposer une solution pour ne pas rester à la rue ?

Les aides à la pierre ont décru au fil des ans, ce que nous déplorons, non seulement parce que les organismes HLM s'en trouvent pénalisés, mais parce que cela n'est pas sans effet sur le niveau des APL, qui aurait été moins élevé, puisque les loyers auraient été plus bas. J'observe que les niches fiscales représentent une dépense largement supérieure à celle des aides à la pierre, comme nous avons eu l'occasion de le relever, en déposant une proposition de loi sur la question. Nous militons en faveur de plus de mixité sociale, et le renouvellement urbain constituait, à cette fin, un atout majeur.

M. Martial Bourquin. - Merci de votre présentation, madame la ministre, qui permet de mesurer l'ampleur de ce budget, essentiel pour soutenir la croissance et l'emploi, notamment dans le bâtiment.

Une question sur l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Dans certains quartiers, si la rénovation a été réussie, il arrive, bien souvent, qu'un ou deux quartiers demeurent dégradés. Nous parvenons, parfois, à les rénover avec l'aide de crédits européens, ou de financements croisés. Mais il y faudrait une solution d'ensemble : on ne peut se contenter d'expédients, quand on sait la précarité de ceux qui vivent dans ces quartiers.

Deuxième observation, la reconduction du dispositif Pinel pour 2017 et du CITE me semble une bonne décision. C'est avec de tels dispositifs que l'on « fait de la ville ».

Sur la question de la ruralité, enfin, j'observe que la rénovation de l'habitat coûte beaucoup plus cher que la construction neuve. Comment trouver le moyen de rénover ces habitats dégradés, pour rendre vie à nos centres-villes ?

M. Daniel Gremillet. - La requalification de l'habitat en milieu rural représente un potentiel considérable ; comment comptez-vous l'exploiter ?

Vous avez évoqué les réductions significatives accordées pour les travaux de rénovation énergétique. Quel est le retour sur investissement pour les familles bénéficiaires, et pour les investisseurs, au regard des financements injectés dans cette économie ?

M. Yannick Vaugrenard. - Avez-vous des éléments sur les effets du crédit d'impôt transition énergétique (CITE) sur le prix des travaux, qui doit faire l'objet d'un rapport ?

Confirmez-vous que la possibilité de cumuler le CITE et l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) sera maintenue sous condition de ressources ? C'est à mes yeux indispensable.

118 000 places sont ouvertes tous les soirs dans le cadre de l'hébergement d'urgence ; le programme 177 a bénéficié d'une hausse de 15 % de ses crédits. Vous avez annoncé un plan triennal 2015-2017 de substitution de dispositifs alternatifs aux nuitées hôtelières : allez-vous tenir cet objectif ambitieux ?

Enfin, ce budget est marqué par la continuité avec l'exercice précédent. L'objectif fixé pour 2016 de 140 000 logements sociaux programmé va être atteint ; les permis de construire sur les logements neufs sont en augmentation de plus de 17 % sur un an. Incontestablement, le dispositif Pinel, qui a considérablement modifié le dispositif Duflot, a eu des effets positifs.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - L'Assemblée nationale a introduit une disposition autorisant les communes ayant atteint le seuil de 25 % de logements sociaux à décider des suppressions d'exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les organismes HLM. Le taux de 25 % n'est qu'un minimum... Or cette disposition aura des conséquences sur le prêt social location-accession (PSLA) qui est un élément essentiel de mixité sociale.

Les prêts de haut de bilan n'apparaissent pas dans ce budget, mais ils peuvent être considérés comme équivalant à une aide à la pierre. Il faut analyser l'aide à la pierre pour le logement social au regard de l'inscription budgétaire et de ces prêts de haut de bilan. Le mouvement HLM demandait quatre milliards d'euros pour ce dernier dispositif ; deux milliards ont été annoncés. Comment le Gouvernement souhaite-t-il inscrire cette initiative intéressante dans la durée ?

Pour ma part, je ne suis pas convaincue de la légitimité d'un nouveau prélèvement sur le fonds de roulement de la Caisse de garantie du logement locatif social, qui revient à ponctionner les organismes HLM.

Mme Annie Guillemot. - Merci de votre investissement en faveur des communes qui ont accueilli des migrants. L'hébergement en centres d'accueil et d'orientation (CAO), soulignons-le, se déroule bien.

Les mesures relatives à la mixité sociale du projet de loi Égalité et citoyenneté, en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, réservent 25 % des attributions des logements sociaux hors quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), aux demandeurs ayant les ressources les plus faibles, ainsi que la moitié des logements sociaux dans les QPV aux autres catégories de demandeurs. Sur les 370 000 logements construits, combien l'ont été grâce à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) ? J'ai recueilli le chiffre de 80 à 90 000.

Les suppressions d'exonérations de TFPB sont problématiques : le taux de compensation ne dépasse pas 40 %, et les offices HLM n'ont pas tous signé les conventions en contrepartie de l'abattement. Renoncer à la compensation serait dommageable aux offices, aux communes et à la politique du logement.

Je comprends les critères retenus pour la perception du RSA ; mais la prise en compte du livret A dans le calcul des droits à l'aide personnalisée au logement (APL) heurte certains élus et associations.

Mme Valérie Létard. - Merci de vos efforts menés en dépit des difficultés budgétaires. Comme Daniel Dubois l'a rappelé, l'effet stop and go de l'évolution des quotas carbone sur les ressources de l'Anah est désastreux. On passe d'un budget de 315 millions d'euros dans une bonne année où la tonne de carbone est à 7,70 euros à 45 % de moins l'année suivante, soit un manque à gagner de 100 millions d'euros. Cela oblige à stocker les dossiers, à modifier les critères d'éligibilité d'une année sur l'autre. Ainsi, l'abondance des ressources en 2015 avait incité le Gouvernement à fixer des objectifs ambitieux pour 2016 - après quoi les fluctuations à la baisse ont recommencé... La projection 2017 ne serait équilibrée qu'à un prix dont nous savons qu'il sera difficile à atteindre. Pour boucler l'année 2016, il manquait 50 millions d'euros. Il convient d'atténuer les effets de ce mécanisme pénalisant qui pourrait, à terme, tuer le système en dissuadant les bénéficiaires potentiels de déposer des dossiers.

Le budget des structures d'accueil et d'hébergement d'urgence et les efforts financiers du ministère de l'intérieur sur l'accueil sont-ils suffisants pour faire face à l'afflux de réfugiés sans opposer les publics ? Je songe notamment à l'accueil des femmes victimes de violence et aux personnes accueillies en centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS).

M. Alain Duran. - Je voudrais aborder la question du logement des travailleurs saisonniers. Certains territoires de montagne utilisent l'intermédiation locative sur le parc de résidences secondaires peu utilisées ou déclassées pour disposer rapidement des logements à des prix raisonnables. C'est un outil très utile, mais les agents communaux qui conduisent les états des lieux et gèrent les réservations n'ont pas l'habilitation nécessaire pour cela. Une modification du code de la construction et de l'habitat serait nécessaire pour que les agents publics puissent réaliser ces missions. Qu'en pensez-vous ?

Quelle est votre position sur l'amendement introduit par l'Assemblée nationale à la loi Montagne en cours de discussion, qui autorise dans l'article 20A la construction d'annexes de taille limitée en zone de montagne sans condition de continuité ?

M. Jean-Pierre Bosino. - L'exonération de TFPB représente 200 millions d'euros pour les organismes HLM. C'est très important, en particulier dans les QPV. Comment peut-on laisser aux maires le soin de voter l'exonération ? C'est scandaleux. Les compensations se sont amenuisées au fil du temps. Sur le plafond de ressources pour accéder à un logement social, j'ai vu dans l'Oise, au cours d'une commission d'attribution, un maire de petite commune rurale expliquer qu'il ne pouvait attribuer un logement à un couple de sa commune - tous deux travaillant, pour un salaire très modeste - parce qu'il se trouvait au-dessus du plafond de ressources. Il estimait que dans ces conditions, il ne construirait plus de logements HLM.

M. Marc Daunis. - Le système de quotas carbone est intelligent et nécessaire, mais c'est la première ressource de l'Anah. Il est inconcevable de soumettre l'Agence à des fluctuations pareilles. Dans tous nos territoires, nous connaissons cette situation. Prenons un engagement collectif en faveur d'un dispositif de compensation.

L'action de ce gouvernement pour l'accession à la propriété a été remarquable : en témoigne le succès du PTZ qui est maintenu en 2017 à l'ensemble du territoire. Avez-vous des éléments de bilan sur ce dispositif ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. - Merci de ces questions précises et pertinentes, qui témoignent de votre intérêt pour ce sujet essentiel.

L'augmentation du budget du programme 177 répond à une augmentation de la consommation des crédits : 1,6 milliard d'euros en 2015 et 1,75 milliard en 2016. C'est pourquoi nous avons obtenu que le budget pour 2017 soit porté à 1,73 milliard d'euros.

L'évolution de la consommation de crédits est liée à l'augmentation du nombre de prises en charge, mais aussi à une amélioration qualitative. Tout bénéficiaire du dispositif d'hébergement doit désormais faire l'objet d'une évaluation sociale ; plus personne n'est mis à la porte à huit heures du matin. Durant la période estivale, notamment pendant les périodes de forte chaleur, nous avons augmenté les maraudes sociales et ouvert l'accueil de jour.

Nous avons créé 450 CAO : une première vague de 160 CAO a permis d'ouvrir 3 000 places d'hébergement entre octobre 2015 et septembre 2016 ; la seconde vague a répondu au démantèlement de la jungle de Calais. À cela s'ajoutent les centres d'accueil et d'orientation pour les mineurs isolés (Caomi), dont le coût est provisoirement pris en charge par le programme 177.

Certes, ce dispositif a un coût ; mais les CAO, par nature, ne sont pas pérennes puisque les personnes hébergées passent, après le dépôt de leur demande d'asile, dans le dispositif relevant du programme 303 « Immigration et asile et intégration » affecté au ministère de l'intérieur. Il reste à déterminer si les CAO demeureront financés à long terme par le programme 177. Pour garantir la qualité de l'accueil et de l'encadrement, j'ai présidé à l'élaboration d'une charte de fonctionnement des PAO rendue nécessaire par la multiplicité des opérateurs de CAO qui sont spécialisés dans l'hébergement d'urgence, l'accueil des migrants ou encore la veille sociale ou l'accueil social.

Par conséquent, le budget des CAO, par nature transitoire, ne correspond pas au financement annuel de 9 000 places d'hébergement. Il m'est impossible, pour cette raison, de vous donner une estimation précise des dépenses, mais nous suivons leur évolution mois par mois.

Nous avons lancé un marché public pour accélérer la création de places d'hébergement d'urgence et arrêter ainsi le recours aux nuitées hôtelières qui est coûteux et peu propice à un suivi satisfaisant. Le volume de places à créer - 5 000 - nous obligeait à passer par cette procédure inhabituelle. Le marché est clos, et les résultats seront notifiés à la fin décembre. Dans les territoires où aucune offre ne sera présentée, il sera possible d'engager des discussions de gré à gré. À terme, ces rachats stabiliseront notre politique d'accueil.

Nous avons mis en place une évaluation harmonisée appliquée par les SIAO qui détermine notamment quel public est accueilli, d'où il vient, et quelles solutions sont trouvées à la fin de la prise en charge. Un logiciel de gestion lui aussi harmonisé a été mis en place et monte en puissance.

Le Parlement a voté en 2015 des mesures d'économies portant sur le dispositif d'APL, dont l'arrondi à l'euro inférieur de l'aide versée et une dégressivité à partir d'un seuil de loyer de 985 euros par mois à Paris pour une personne seule, puis une suppression pour les loyers supérieurs à 1 171 euros, à compter du 1er juillet.

Le volet relatif au patrimoine a été mis en oeuvre le 1er octobre 2016 : les allocataires doivent déclarer leur patrimoine mobilier et immobilier lorsque celui-ci n'apparaît pas dans le revenu fiscal de référence. Il est ainsi pris en compte dans le calcul des aides, comme pour le RSA, lorsqu'il dépasse 30 000 euros. Les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et les personnes hébergées en établissement d'hébergement pour personnes âgées et dépendantes (Ehpad) ne sont pas concernés par cette mesure.

Enfin, depuis le 1er octobre également, les personnes dont les parents sont soumis à l'impôt sur la fortune et rattachées à leur foyer fiscal voient leur APL supprimée. Ces mesures sont par conséquent dans la continuité du dispositif voté l'année dernière et validé, dans ses aspects réglementaires, par le Conseil d'État.

M. Bruno Sido. - Pouvez-vous confirmer que l'APL n'est supprimée pour les enfants de personnes soumises à l'ISF que s'ils sont rattachés à leur foyer fiscal ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. - Je le confirme. Nous avons demandé aux caisses d'allocations familiales de prévenir les allocataires concernés et de nous transmettre l'ensemble des réclamations. 1 590 réclamations ont été envoyées - pour 6,5 millions de bénéficiaires au total - et 666 dérogations accordées. Sans surprise, les régions les plus concernées étaient l'Île-de-France et la Provence-Alpes-Côte d'Azur. Des dérogations ont notamment été demandées pour les personnes ayant des enfants en résidence alternée, les situations d'isolement avec ou sans enfant à charge - en particulier les parents divorcés qui n'ont pas la garde de leur enfant mais qui ont besoin d'une ou plusieurs chambres pour accueillir leurs enfants - ainsi que les familles d'accueil et assistantes maternelles. On peut néanmoins se demander s'il est pertinent que cette dernière activité soit financée par les APL. Les CAF ont également été saisies de demandes de dérogation pour les allocataires hébergeant un parent ou un enfant handicapé : leur situation sera clarifiée dans la loi de finances rectificative.

Pour l'instant, nous n'avons aucune remontée du nombre de réclamations d'allocataires à propos du critère de patrimoine ; mais il est vrai que la mesure est récente.

Le taux moyen d'encours du livret A est de 4 000 euros. Faisons le bilan de ces mesures d'économie en toute transparence, en considérant leurs effets sur les nouveaux locataires et les locataires actuels. Les cas dont j'ai été saisie par les associations de locataires concernaient principalement des locataires aux revenus modestes mais ayant un patrimoine immobilier important - j'insiste sur ce dernier mot. On peut se demander si le patrimoine n'est pas un élément d'aggravation des inégalités... 600 000 bénéficiaires de l'APL pourraient être concernés par les mesures d'économie, mais ce n'est qu'une projection de la Caisse nationale d'allocations familiales sans éléments sur la situation patrimoniale des bénéficiaires. Je suis tout à fait disposée à transmettre les données pertinentes au Parlement.

La loi ne prévoit pas d'objectifs chiffrés de construction, mais nous comptons maintenir le même niveau qu'en 2016, soit 140 000 nouveaux logements. L'objectif sera tenu, tout comme celui de réhaussement dans les zones tendues et celui relatif aux prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI).

Nous nous sommes assurés que la ponction opérée sur la CGLLS ne la mettrait pas en difficulté ; les ratios prudentiels ont été préservés.

L'aide aux maires bâtisseurs, conçue en 2015, fait l'objet d'une enveloppe cible de 80 millions d'euros pour 2017. Avec la relance de la construction, le montant moyen s'établit à environ 1 300 euros par logement, contre 2 000 euros prévus au départ. Des communes sont entrées en masse dans le dispositif après le blocage de 2014. Nous nous efforçons de mieux la cibler, tout en maintenant un montant significatif pour aider les territoires.

La part principale du budget de l'Anah est financée par la recette des quotas carbone. Les quotas ont varié cette année entre 4 et 7,60 euros. Nous avons fixé le prix de référence à 6 euros, sur la base de la moyenne constatée jusqu'au mois d'octobre. Le cours est fortement remonté depuis. Afin que l'Agence soit soutenue dans ses objectifs de rénovation, la ressource carbone est complétée par d'autres éléments de recettes : le produit de la taxe sur les logements vacants, dont le déplafonnement a été discuté à l'Assemblée nationale ; la contribution de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ; la contribution d'Action Logement ; et enfin les certificats d'économie d'énergie qui sont en forte augmentation. La question de ressources plus pérenne est légitime, même s'il faut s'interroger plus largement sur l'utilisation des quotas carbone pour le financement de certaines missions.

Il est vrai que le stop and go a eu des effets très négatifs, concentrés sur la fin 2014, sur les programmes de l'Anah dans les territoires. J'ai pris mes fonctions en février 2016 ; nous avons annoncé dès la fin mars l'augmentation du budget et des objectifs de l'Anah. Nous n'avons pas toujours trouvé de répondant dans certain territoires. Après des changements de majorité, des collectivités ont ainsi mis plus d'un an à décider le maintien de leurs aides au programme Habiter mieux. Le stop and go n'est donc pas l'unique responsable. Nous avons des difficultés à engager une dynamique stable sur le terrain, peut-être parce que les publics modestes ont des difficultés à monter des dossiers et à obtenir des prêts. Notre priorité est de pérenniser l'action de l'Anah et de la rendre plus efficace. Nous avons d'ores et déjà mis en place la dématérialisation des dossiers. Nous essayons de mieux animer les territoires.

Vous m'alertez sur la dévitalisation commerciale et la construction en milieu rural, mais les permis de construire ne sont pas délivrés par le Gouvernement... Afin d'aider les territoires ruraux à établir leurs documents d'urbanisme, nous avons mis en place le club PLUi et des aides financières.

Le nombre de PTZ est passé de 40 000 en 2014 à plus de 60 000 aujourd'hui. La zone C est particulièrement représentée, ce qui n'était pas acquis au départ. La quotité de prêt a fortement augmenté. Le PTZ a aussi été ouvert dans l'ancien. Au 1er septembre, 77 051 PTZ avaient été accordés, pour un objectif de 120 000 à la fin de l'année qui devrait être tenu.

M. Jean-Claude Lenoir. - L'immense majorité des communes relèvent du règlement national d'urbanisme... Ce sont les services de l'État qui instruisent les demandes de permis de construire, et le maire les délivre ou les refuse au nom de l'État.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. - Nous avons encore eu ces débats, il y a peu de temps, au Sénat. Il faut doter ces territoires en pleine mutation institutionnelle de documents d'urbanisme leur garantissant davantage de stabilité. Le sujet de l'urbanisation des « dents creuses » que mentionne M. Le Scouarnec est intéressant. Les dispositions législatives sont d'autant plus difficiles à traduire dans les documents d'urbanisme qu'il existe des jurisprudences qui infirment ce qui a été dit dans le débat parlementaire, brouillant au final le sens de la loi. La solution de facilité consisterait à supprimer toutes les dispositions législatives. Cela ne résoudrait rien.

Il existe un lien entre la dévitalisation commerciale et la perte de qualité de l'habitat. D'où le développement des établissements publics fonciers d'Etat dans les territoires, et l'inscription de cette problématique dans leur programmation pluriannuelle. Dans certains territoires, les difficultés liées aux fermetures de commerces en cascade se cumulent avec le coût de la réhabilitation d'un habitat caractérisé par sa valeur patrimoniale. Nous attendons les conclusions du rapport d'Yves Dauge sur le sujet. À terme, il faudra moderniser les dispositifs Malraux. Devons-nous envisager d'étendre le dispositif à Pinel dans l'ancien ? Comment développer le dispositif du prêt social location-accession (PSLA) ? Vaut-il mieux réhabiliter ou démolir ce patrimoine ancien ? Ces enjeux sont prégnants dans des villes participant aux programmes nationaux de requalification de l'habitat dégradé, comme Annonay, où le patrimoine ancien qui était encore de qualité il y a deux siècles, est aujourd'hui dégradé. La requalification passe par une modulation fine entre réhabilitation et démolition. Rien ne serait possible sans les moyens financiers dégagés par les dispositifs fiscaux.

Sollicitée par l'Assemblée des communautés de France, je viens de lancer un réseau des collectivités pour la mobilisation contre la vacance de logements. Y figurent des collectivités locales de milieu urbain, périurbain et rural qui utilisent la taxe sur les logements vacants pour développer leur réflexion. Certains logements sont attachés aux commerces, de sorte que lorsque l'un s'en va, tout tombe. Le développement de l'urbanisme commercial en périphérie des villes a un coût social et politique pour les centres-bourgs, avec les enjeux d'aménagement qui s'ensuivent : comment relier la périphérie et le centre-bourg ? En Ile-de-France, les centres commerciaux sont pléthores. La politique du logement a toute sa pertinence dans les zones, dites détendues, qui se caractérisent par de petits volumes de logements sociaux, de résidences privées ou d'Ehpad. La planification territoriale en matière de logement est une nécessité absolue.

Le Gouvernement n'est pas à l'origine des dispositions sur la TFPB qui ont été votées à l'Assemblée nationale, vendredi dernier. J'ai repoussé plusieurs amendements à ce sujet, et j'ai encore écrit, hier, au Premier Ministre pour lui dire combien ces mesures étaient dangereuses pour la dynamique de la construction. On risque de perdre un levier efficace, puisque 50 000 logements sociaux seront concernés sur 140 000. Nous souhaitons revenir sur cette disposition.

Faudrait-il envisager un droit d'option sur l'abattement de 30 % dans les quartiers prioritaires de la ville ? Les élus demandent surtout plus de transparence sur les usages qui sont faits de cet abattement. Les conventions, le dialogue renforcé avec les territoires, une meilleure communication du ministère des Finances : tout cela devrait contribuer à ce que les élus locaux n'aient plus le sentiment de perdre quelque chose sans compensation aucune. Je suis très mobilisée sur ce sujet.

Les expulsions locatives sont exécutées pour moitié dans le parc social et pour l'autre dans le parc privé. D'après les données du ministère de l'Intérieur et du ministère de la Justice, le nombre des contentieux locatifs a diminué de 173 000 en 2014 à 167 000 en 2015, celui des décisions d'expulsion a augmenté de 132 016 à 132 196, et le nombre d'expulsions effectives avec concours de la force publique a considérablement augmenté de 11 000 à 14 127. Cette hausse de 22 % est liée à une augmentation notable des contentieux locatifs en 2014 (173 000 contre 159 000 en 2013). Désormais, chaque département doit mettre en place un plan national de prévention des expulsions.

Si le budget de l'Anru ne relève pas de mon ministère, le plan de rénovation urbaine prend en compte la question des propriétés dégradées. Nous avons développé les opérations de requalification des copropriétés dégradées d'intérêt national (ORCOD-IN), dispositif innovant issu de la loi Alur, à Clichy-sous-Bois, dans la copropriété du Chêne Pointu, confrontée à de graves difficultés urbaines et sociales, mais aussi à Grigny. Nous travaillons aussi en région parisienne et en Occitanie. Le rétablissement des copropriétés dégradées doit faire partie du programme de rénovation urbaine et bénéficier de financements particuliers, dont celui de l'Anah. Le registre des copropriétés devrait nous aider à suivre ce dossier.

Pour avoir suivi pendant six ans le dossier de Clichy-sous-Bois, je suis convaincue que rien ne serait possible sans des dispositifs comme celui des ORCOD-IN. Dans cette copropriété de 1 700 logements, un bâtiment a menacé péril au mois de mai dernier, alors qu'il n'était pas considéré comme problématique et qu'il est l'un des moins endetté de la copropriété. Il est en train de s'effondrer. On n'aurait rien pu faire sans les ORCOD-IN. Le cas n'est pas isolé. Ce genre de copropriété massive, datant des années 70, avec des difficultés de bâti, existe dans beaucoup de métropoles. Mobilisation de l'établissement public foncier, recours aux dispositifs du droit commun, mais aussi aux bailleurs sociaux qui relogent les propriétaires : telles sont les clefs de la réussite.

La définition des conditions de ressources applicables pour l'obtention du CITE ne relève pas de mon ministère. Si l'objectif est de massifier les rénovations pour répondre à des enjeux environnementaux et relancer la dynamique économique, mieux vaudrait élargir l'application du CITE. D'autres préfèrent réserver ce crédit d'impôt à un certain niveau de ressources pour cibler les ménages qui n'engageraient aucune rénovation sans cette aide. Les deux positions se tiennent. Rénover les logements les plus énergivores des ménages les plus modestes, mais aussi massifier le marché de la rénovation en rattrapant notre retard sur les autres pays européens, tels sont les deux objectifs à tenir. La ministre de l'Environnement et les députés Carrez et Goldberg ne sont pas d'accord sur l'encadrement du crédit d'impôt. Le débat mérite d'avoir lieu.

Quant à l'augmentation du CITE sur les prix des travaux, je vous communiquerai la réponse plus tard.

Monsieur Grémillet, sur le CITE, on a engagé 5 milliards d'euros de travaux pour un investissement fiscal d'1,4 milliard d'euros. Les certificats d'économies d'énergie ont un impact réel sur la facture des ménages.

Le plan pauvreté prévoyait la construction de logements très sociaux et mettait en place des prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) et des super PLAI. Il devait également contribuer à la diminution du recours aux nuitées hôtelières grâce au développement des places d'hébergement pérennes, des places d'intermédiation locative et des places d'hébergement en logement adapté. Nous avons enrayé l'augmentation du recours aux nuitées hôtelières. L'effort doit être poursuivi. Le plan de mobilisation contre la pauvreté, en fixant des objectifs à la politique du logement, nous a aidés à exercer une pression sur les territoires qui cédaient trop souvent à la facilité en recourant aux nuitées hôtelières.

Quant aux prêts de haut de bilan, nous avions engagé une enveloppe de 2 milliards d'euros bonifiée à parité par la Caisse des dépôts et consignations et par Action logement, et nous avons reçu une demande de 6,5 milliards d'euros. Sur l'enveloppe engagée, 1,8 milliard d'euros ont été notifiés au bénéfice de 312 organismes et les demandes de 55 autres organismes sont en cours d'expertise. Les prêts portent aux trois quarts sur la rénovation et pour un quart sur la construction. Ils concernent des programmes à mettre en oeuvre jusqu'en 2018. La Banque européenne d'investissement (BEI) oeuvre à la mise en place des fonds.

Le Premier Ministre et le président de la République ont souhaité débloquer une enveloppe supplémentaire d'un milliard d'euros pour répondre à la demande très forte. Avec la Caisse des dépôts et Action logement, nous travaillons à définir les critères d'attribution de ces nouveaux prêts, en veillant à ce qu'ils prennent en compte des enjeux tels que la question de l'Anru, la mobilisation de certains territoires qui ont des besoins particuliers, mais aussi les difficultés de certains opérateurs.

Ce dispositif, très attendu par les opérateurs de logement social, est intéressant. La BEI a félicité la France pour cette action en matière d'investissement et s'est déclarée prête à accompagner durablement ses efforts. Des discussions sont en cours dans le cadre du plan Juncker. Les institutions européennes ont un intérêt particulier à nous aider dans ce domaine.

- Présidence de M. Bruno Sido, secrétaire -

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. - Sur le logement des travailleurs saisonniers, votre collègue Joël Giraud m'a posé la même question à l'Assemblée nationale : peut-on agréer les CCAS en leur donnant la carte professionnelle d'agents immobiliers ? Je ne crois pas que ce soit possible en l'état. Je me suis engagée à trouver une solution dans le cadre de la loi Montagne. De bonnes pratiques existent dans des secteurs où il n'y a pas d'agence immobilière à vocation sociale. Cependant, il faut tenir compte de la loi Hoguet et le ministère de la Justice a son mot à dire.

Vous m'interrogez sur une autre partie du texte qui a été votée par amendement. Je préfère relire le texte avant de vous répondre.

Valérie Létard rappelait la nécessaire non concurrence des publics sur la question de l'hébergement. Il est clair que c'est la nette amélioration de nos capacités d'hébergement qui rend possible l'accueil des migrants. C'est en partie pour cette raison que le budget augmente. Nous avons établi des programmations régionales et départementales. Nous avons mis l'accent sur les zones tendues, mais aussi sur celles qui ne disposaient pas de centres d'hébergement pérennes. L'évolution des publics doit être prise en compte, car il faut parfois reloger des familles en urgence, ou bien des jeunes en rupture familiale, ou encore des travailleurs pauvres. Au moins 40 % du public hébergé en Ile-de-France répondent aux critères d'accès au logement social, sans pourtant y avoir accès. Il faut que les bailleurs sociaux s'investissent davantage dans la gestion de ce public.

Nous nous étions engagés à créer des places en foyer et des places d'urgence pour les femmes victimes de violences conjugales, et nous l'avons fait. Le plus souvent, ces femmes doivent quitter leur domicile, même quand le bail est à leur nom. Elles n'ont donc plus accès au logement, alors même qu'elles sont victimes. Une solution consiste à mobiliser le contingent de logements préfectoral pour les accueillir. Cependant, ces femmes souffrent davantage d'un problème de violence que d'un problème de logement. Il faudrait commencer par veiller à ce qu'elles conservent l'accès à leur logement. Il faut également renforcer la formation des représentants du logement social dans les commissions d'attribution : une femme victime de violence n'est pas forcément une femme à problèmes.

Mme Annie Guillemot. - Dans certains jugements, on fait obligation aux femmes de quitter le domicile conjugal. Or, tant que la décision de séparation n'est pas prononcée, l'office HLM refuse de les reloger. Cela dure parfois huit ou neuf mois.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. - Je partage votre point de vue. Le maintien dans les lieux est essentiel, en veillant à garantir la sécurité des femmes.

Mme Dominique Estrosi Sassone. - Le logement doit être un lieu de protection et de sécurité.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. - Quand la région ou le département parviennent à réserver un contingent de logements pour ce public particulier, avec des têtes de réseau local qui garantissent une fluidité et la possibilité pour ces femmes de changer de ville, la sécurité semble garantie. Nous continuerons à créer des places en foyer. Il faut également prévoir l'accueil des jeunes femmes en rupture familiale. Nous leur réservons des places dédiées dans les centres d'hébergement.

Projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique - Demande de saisine pour avis et nomination d'un rapporteur pour avis

La commission demande à se saisir pour avis sur le projet de loi n° 19 (2016-2017) de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique et nomme M. Michel Magras comme rapporteur pour avis sur ce texte.

La réunion est close à 19h35.

Mercredi 23 novembre 2016

- Présidence de M. Jean-Claude Lenoir, président -

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Outre-mer » - Examen du rapport pour avis

La réunion est ouverte à 9 h 35.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - L'ordre du jour de ce matin est consacré à l'examen de différents avis budgétaires de notre commission pour 2017. J'invite, en premier lieu, notre collègue M. Serge Larcher à nous présenter son avis sur la mission budgétaire Outre-mer.

M. Serge Larcher, rapporteur pour avis de la mission budgétaire Outre-mer. - Monsieur le Président, mes chers collègues, l'année dernière, notre commission a fait sienne mon approche qui constatait la préservation des crédits de la mission Outre-mer et préconisait une forme particulière d'offensive, à savoir la réduction de l'instabilité et de la complexité du cadre juridique et fiscal, pour dynamiser deux priorités : le logement et l'activité dans le secteur marchand.

Les évolutions en cours ne font que renforcer ma conviction : partout dans le monde, les très forts taux de chômage ébranlent la cohésion de nos sociétés et de nos démocraties. Avec un taux de chômage double de celui de l'hexagone et une production de logements qui décline, nos Outre-mer sont confrontés à des fondamentaux économiques auxquels ne résisteraient pas la plupart des territoires.

Face à cette situation, nous n'avons plus le choix : la voie de la facilité - j'allais dire du vaccin - budgétaire et de l'emploi public servant d'amortisseur appartiennent au passé et il faut armer les Outre-mer pour le combat économique. Les rapports officiels parlent de plus en plus de « développement endogène » : l'appellation est un peu technocratique mais l'idée va dans le bon sens. Comme l'a bien montré notre commission des affaires économiques, les réseaux de micro-entreprises, avec leur réactivité exceptionnelle, ont fait de l'Italie du Nord la deuxième puissance industrielle de l'Europe : il y a donc des alternatives au « modèle allemand » et contrairement à ce que l'on pense parfois, les entrepreneurs ultra marins ont beaucoup de potentiel - encore faut-il les retenir de s'expatrier.

J'en viens à l'évolution globale des crédits de la mission Outre-mer pour 2017. Sans prétendre avoir su lire dans le « marc de café » budgétaire, j'avais relevé l'année dernière que la baisse des autorisations d'engagement était un signal assez inquiétant pour l'avenir. Le projet de loi de finances pour 2017 me donne un peu raison, puisqu'à structure constante les crédits baissent de 2,2 % en autorisations d'engagement et de 3,9 % en crédits de paiement.

Certes, la présentation qui figure dans les documents comptables est plus flatteuse puisqu'elle affiche une hausse. En réalité, et le Gouvernement ne l'a pas caché, cela correspond à des transferts de crédits assez importants en provenance de l'enveloppe consacrée à l'enseignement et à la mission Travail et Emploi.

Je ferai trois remarques pour commenter cette baisse et la replacer dans son contexte : tout d'abord, nos Outre-mer participent à l'effort de rigueur, mais, vaille que vaille, le seuil symbolique des deux milliards d'euros est préservé et on note des avancées nouvelles pour 2017. Il faut ensuite rappeler que, dans sa structure, ce budget est composé - à plus de la 50 % - de remboursements à la Sécurité sociale en contrepartie des exonérations de cotisations accordées aux entreprises ultramarines. Mécaniquement, si l'emploi régresse légèrement, et si les paramètres de calcul restent inchangés, les exonérations diminuent. C'est donc un budget qui est très dépendant de la conjoncture. Enfin, aujourd'hui, les regards se tournent surtout vers le débat parlementaire consacré au projet de loi sur l'égalité réelle outre-mer où des mesures substantielles ont été introduites en première lecture à l'Assemblée nationale, avec l'appui du Gouvernement pour surmonter le couperet de l'article 40. Dans ce contexte, le présent budget a relativement moins d'importance que les autres années et cela ressort clairement des auditions.

Je vous livre à présent mon analyse des deux programmes de la mission « Outre-mer ». Pour 2017, les crédits du programme 138 en faveur de l'emploi ultramarin sont, globalement en baisse de plus de 6 % par rapport à 2016 et même de plus de 8% à périmètre constant. Je rappelle que ce programme a pour finalité d'encourager la création d'emplois et la compétitivité des entreprises ultramarines. On ne rappellera jamais assez que l'éloignement géographique, l'insularité, l'étroitesse des marchés et les risques naturels sont des handicaps importants qu'il faut compenser. Les voisins des territoires ultramarins sont également de redoutables concurrents économiques avec, dans le domaine agricole, des coûts salariaux souvent de 15 à 20 fois moindres. De plus, comme l'illustre la proposition de résolution européenne sur l'inadaptation des normes agricoles et de la politique commerciale européenne que nous venons d'adopter, hier soir, à l'unanimité, les entreprises ultramarines sont soumises à des normes et des exigences de certification similaires à celles de l'hexagone. Je présente à ce sujet mes félicitations à notre collègue Michel Magras, Président de la Délégation sénatoriale pour l'Outre-mer qui a permis l'adoption par le Sénat de ce texte.

Cette mission budgétaire vise donc à permettre aux Outre-mer de s'adapter au triple espace auquel ils appartiennent : l'espace national, leur environnement géographique immédiat ainsi que l'espace européen pour les DOM.

L'action 1 du programme porte sur la compensation des exonérations de charges sociales spécifiques aux Outre-mer. La dotation budgétaire s'élève, pour 2017, à un peu plus d'un milliards d'euros, en baisse de 8 % par rapport à 2016. Cela s'explique essentiellement par un recentrage des exonérations sociales avec, en particulier, une mesure restrictive concernant les travailleurs indépendants.

Je m'arrête un instant sur ce dispositif car c'est un révélateur de la problématique d'ensemble des exonérations de charges. Dans le droit en vigueur, introduit par la loi du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'Outre-mer, les travailleurs indépendants non agricoles ultramarins bénéficient d'une exonération totale de cotisations pendant deux ans, à compter de la date de la création de l'activité, quel que soit le montant des revenus déclarés. Au-delà de cette phase de lancement, les cotisations sont calculées, pour la partie des revenus inférieure au plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) soit 36 616 euros, sur une assiette égale à 50 % des revenus. Le coût total de ce dispositif pour 2015 a été évalué à 142,8 millions d'euros pour 95 800 bénéficiaires.

Le Gouvernement a proposé à l'article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017 de resserrer ce régime d'exonération spécifique octroyée sans condition de revenus. Il justifie cette mesure par l'objectif de limiter les effets d'aubaine bénéficiant à des activités générant des hauts revenus. Effectivement, l'étude d'impact du PLFSS indique que 30 % des entreprises cessent leur activité avant la fin de la troisième année, en raison de la diminution brutale de l'avantage social à partir de cette année-là.

La solution proposée à l'article 7 du PLFSS, et adoptée conforme par le Sénat le 15 novembre, consiste d'abord à limiter le bénéfice de l'exonération totale des cotisations et à prévoir la dégressivité du dispositif en majorant l'avantage consenti la troisième année.

Un tel « coup de rabot », même si on en comprend la logique, appelle deux principales observations qui ont, à mon sens, une portée générale. D'une part, il porte atteinte à la simplicité et la stabilité du mécanisme applicable aux travailleurs indépendants. D'autre part, il risque de freiner de nouvelles initiatives, avec un statut de travailleur indépendant moins attractif, alors même que les Outre-mer connaissent un chômage très élevé. Le choix d'amoindrir les avantages accordés aux activités les plus rentables et les plus qualifiées correspond certes à une préoccupation de justice sociale mais elle ne favorise pas nécessairement l'essor économique des territoires ultramarins ni la nécessité d'attirer et de retenir l'excellence en Outre-mer. Nous ne sommes pas ainsi en mesure de proposer aux jeunes très diplômés des emplois correspondant à leur niveau de qualification.

Cela m'amène à évoquer le débat sur le principe de la concentration des allègements sur les bas salaires. Certes, selon les modèles économétriques, ce ciblage est le plus efficace à court terme pour favoriser les embauches. Cependant, à plus long terme, il faut tenir compte des effets structurels de ce choix. En effet, les employeurs ont tendance à proposer des embauches autour du SMIC, même aux jeunes ultramarins très diplômés et ceux-ci s'orientent alors souvent vers la fonction publique ou vers l'exil. Pour éviter que nos Outre-mer perdent leurs élites, je préconise des allègements de charges moins concentrés sur les bas salaires.

L'action 1 finance également l'abaissement du coût du fret à hauteur de 8,6 millions d'euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2017. Il s'agit de diminuer les prix à la consommation en abaissant le coût du transport des matières premières ou des produits importés de l'Union européenne.

Dans ce domaine, la principale avancée est prévue à l'article 18 du projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle Outre-mer qui étendrait l'aide au fret aux échanges entre les collectivités ultramarines et avec leur environnement régional, afin d'assurer la meilleure intégration des Outre-mer dans leur zone géographique.

Une meilleure insertion économique des Outre-mer dans leur zone économique proche est un défi essentiel à relever et cela nécessite un perfectionnement des outils juridiques. Celui-ci est prévu par la proposition de loi relative à l'action extérieure des collectivités territoriales : la commission des lois en préconise le vote conforme, et le texte sera examiné cet après-midi par le Sénat.

Économiquement, je fais observer qu'on ne prend pas assez en considération ces enjeux régionaux : par exemple, en matière agricole, nos propositions de résolution insistent à juste titre sur la concurrence déloyale faite aux exportations de produits ultramarins vers l'Union européenne. Mais, sur le terrain, on constate également que les produits des pays tiers envahissent les rayons des grandes surfaces situés dans les Outre-mer, ce qui met en grande difficulté les producteurs locaux et notre agriculture vivrière.

J'en termine avec l'action 1 qui, en baisse globale, préserve cependant les crédits consacrés aux dispositifs de promotion de l'insertion et de la formation.

L'action 2 du programme 138 finance principalement le service militaire adapté (SMA), c'est-à-dire un stage d'au moins six mois qui s'adresse aux jeunes ultramarins, garçons et filles, âgés de dix-huit à vingt-six ans, et comprend un mois de formation militaire ainsi que 800 heures de formation professionnelle. Le succès de cette formule - 80% de taux d'insertion - a conduit, depuis 2009, à viser le doublement des effectifs pour les porter à 6000 en 2017. Le but sera atteint en avec la réalisation d'infrastructures d'accueil et la création de cursus ouverts aux jeunes diplômés en situation de chômage. On peut s'en féliciter et je me demande s'il ne faudrait pas s'inspirer de ce dispositif pour l'étendre à l'Hexagone.

J'en viens au programme 123 « Conditions de vie Outre-mer » qui sont en hausse globale.

Le point le plus inquiétant est le secteur du logement. Certes, pour 2017, les crédits de l'action n° 1 ont été sanctuarisés à 233 millions d'euros de CP et 247 millions d'AE. Cependant, la baisse de la construction appelle des mesures énergiques.

Le logement reste, en effet, une des principales difficultés de la vie quotidienne des ultramarins. Concrètement, en Martinique, on recense aujourd'hui près de 11 550 demandes de logement social et, selon l'INSEE, il faudrait construire pour la période 2010-2040, 2 500 à 3 000 logements neufs par an. Or en moyenne depuis 2006, 489 logements sociaux ont été financés tandis que 403 ont été livrés par an.

Comme s'en est inquiété le représentant de l'Union Sociale de l'Habitat au cours des auditions, les programmes de construction ont pris du retard, ce qui s'explique par plusieurs facteurs convergents : les difficultés de programmation des projets, la lourdeur des procédures administratives et la rareté du foncier. J'insiste également sur l'augmentation des coûts de construction.

Cette évolution très préoccupante se lit dans les graphiques, avec une baisse continue, depuis 2012, du nombre de logements sociaux ou très sociaux financés suivie, avec un effet retard, d'un déclin assez brutal depuis 2014 du nombre de logements livrés.

Seule une mobilisation énergique peut permettre de remplir les objectifs fixés par le plan « Logement Outre-mer » signé le 26 mars 2015, qui vise 10 000 logements sociaux neufs ou réhabilités par an. Il convient de mentionner que l'article 3 ter du projet de loi égalité réelle outre-mer adopté par les députés porte à 150 000 ce chiffre, en incluant l'effort de construction à réaliser dans la zone pacifique, et vise à l'inscrire dans la loi.

Par ailleurs, l'action n° 9 « Appui à l'accès aux financements bancaires » de ce programme 123 prévoit une nette hausse des crédits d'engagement. Cette hausse des autorisations d'engagement a vocation, selon le Gouvernement, à renforcer l'appui au secteur public en favorisant la réalisation de projets structurants pour le développement, notamment économique, des territoires ultramarins. Elle permettra, en particulier, la mise en place, en 2017, d'un prêt à taux zéro pour les projets des acteurs publics favorisant le développement des énergies renouvelables et de la lutte contre les effets du changement climatique dans les collectivités d'Outre-mer. Je rappelle qu'à l'exception de la Guyane, nos territoires sont menacés par la montée des eaux.

J'en termine en soulignant le maintien des crédits du Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) à un niveau suffisant pour qu'il continue à remplir ses missions en matière de financement d'investissements publics structurants. Certes, l'objectif que le Président de la République avait fixé de voir ce fonds doté de 500 millions d'euros d'ici 2017 ne sera vraisemblablement pas atteint, mais le FEI aura tout de même accumulé, en 2017, 230 millions d'euros en AE et 214 millions d'euros en CP. Je souligne que ces crédits ont un effet de levier considérable pour l'investissement et ils favorisent l'offensive économique dont nos Outre-mer ont besoin.

En conclusion, ce budget s'efforce d'optimiser la dépense publique en ciblant des priorités et des actions dont l'efficacité est prouvée. La culture n'est pas oubliée puisque le présent budget prévoit 10 millions d'euros en engagements et 1,5 millions d'euros en crédits de paiement pour financer la création, en Île-de-France, de la Cité des Outre-mer, pour mettre en valeur leur histoire et leur diversité.

Par ailleurs, le projet de loi sur l'égalité réelle outre-mer est porteur d'espoir et contient des avancées notables : j'espère que le Sénat pourra imprimer une marque positive sur ce texte qui permettra de contrebalancer largement le déclin des crédits prévus pour 2017. Pour ces raisons, je vous propose d'émettre un avis favorable à leur adoption.

M. Jean-Claude Lenoir, président - Merci Monsieur le Rapporteur pour votre présentation. Je passe tout d'abord la parole à notre collègue Michel Magras, président de la Délégation sénatoriale à l'Outre-mer.

M. Michel Magras. - Je tiens à féliciter notre rapporteur pour le rapport qu'il vient de nous présenter. Il faut rappeler que la mission Outre-mer dispose de leviers d'action spécifiques et, en même temps, son équilibre, voire sa légère augmentation, peut résulter de transferts de crédits en provenance d'autres missions car les territoires ultramarins sont concernés par l'ensemble des missions budgétaires. Par conséquent, on peut assez facilement, au moyen de jeux d'écritures, nous donner l'illusion d'une croissance des crédits à moyens réels constants. Certes, le budget de l'Outre-mer dépend de la conjoncture et nous prenons notre part à la rigueur. Nous nous préparons, en début d'année 2017, à débattre de la loi sur l'égalité réelle outre-mer et je regrette que ce budget n'ait pas suffisamment anticipé certaines de ses dispositions. Cette loi ne pourra être uniquement déclarative et induira nécessairement un coût financier. Or, si le budget 2017 ne prévoit dès à présent pas les financements nécessaires à sa mise en oeuvre, cette loi ne pourra être opérationnelle qu'à partir de 2018, ce qui me paraît un non-sens.

Il est faux de considérer les Outre-mer comme des collectivités qui sollicitent des fonds publics pour exister. Celles-ci entendent au contraire se développer par elles-mêmes et atteindre le même niveau de revenu que celui de la France métropolitaine. Depuis des années nos initiatives vont dans ce sens. Nous demandons à l'Europe et à la Nation de nous accompagner dans cette démarche, et pas seulement au niveau financier. C'est d'ailleurs bien souvent dans le PLFSS que sont traités les principaux enjeux financiers portant sur les allègements de charges. A ce sujet, je me contenterai ici de mentionner la différence entre le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) dont les entreprises bénéficient a posteriori et les allègements de charges qui interviennent en amont de l'emploi : il y a là un débat important.

Enfin, il est vrai que les Outre-mer ont besoin d'une certaine liberté d'action dans leur espace régional. La proposition de loi présentée par notre collègue député Serge Letchimy, dont nous débattrons cet après-midi, va dans ce sens. Personnellement, je voterai en sa faveur car elle se limite à donner aux départements ultramarins des compétences qui sont déjà celles des collectivités. Ainsi, avec l'adoption de ce texte, la Martinique ne disposera pas de plus de compétences que Saint-Barthélemy dans la zone des Caraïbes, avec une nuance près : la Martinique et la Guadeloupe appartiennent à l'espace européen, ce qui a des conséquences notables en matière de commerce international. Dès qu'une marchandise pénètre sur leur territoire, elle entre dans l'Union européenne, ce qui n'est pas sans susciter certaines difficultés d'ordre douanier notamment.

En définitive, je voterai en faveur du rapport présenté par notre collègue et de la proposition de loi qui nous sera soumise cet après-midi.

Mme Delphine Bataille. - Je veux remercier, à mon tour, notre collègue Serge Larcher, pour son rapport et sa présentation. Je note que le budget qu'il nous présente est globalement préservé, comme en témoigne le maintien de ses dispositifs les plus importants consacrés à l'emploi, à la jeunesse, au logement et au soutien de l'activité économique. Le mécanisme d'exonération sociale pour les salariés est maintenu en ciblant davantage les petites et très petites entreprises qui sont largement majoritaires dans les Outre-mer. Cela contribue à favoriser l'emploi, mais il reste beaucoup à faire puisque le taux de chômage demeure bien supérieur à celui de la Métropole, en dépit de la baisse récemment enregistrée.

Parmi les autres enjeux d'avenir, je relève que les projets de développement des énergies renouvelables et d'adaptation au changement climatique, notamment dans les collectivités du Pacifique, sont accompagnés par la création d'un équivalent au Fonds vert. En outre, dans le cadre du plan logement Outre-mer 2015-2020, l'État s'est engagé à produire 10.000 logements sociaux neufs ou réhabilités. Malgré les fonds consacrés à ces opérations, il semble que des retards de livraison aient été enregistrés. Quelle en est la raison ?

Le budget du service militaire adapté, qui garantit des perspectives à la jeunesse avec un taux de sortie positive de plus de 70 %, est préservé et il devrait atteindre l'objectif cette année de 6.000 jeunes par an. Ce dispositif qui a prouvé son efficacité dans la lutte contre le chômage, vous semble-t-il adaptable dans l'hexagone, en particulier dans nos territoires qui connaissent les plus forts taux de chômage ?

Enfin, ce budget comporte-t-il, selon vous, les moyens nécessaires au financement des mesures prévues par le projet de loi pour l'égalité réelle outre-mer ?

M. Joël Labbé. - Notre débat d'hier soir en séance publique sur la résolution européenne portant sur l'agriculture ultramarine était très intéressant. A ce sujet je continue à m'interroger sur le bien-fondé de l'appellation de région ultrapériphérique (RUP) et vous invite, mes chers collègues, à réfléchir sur le risque de stigmatisation qu'il contient.

Je reviens également sur les enjeux de la recherche fondamentale : l'agriculture ultramarine présente des spécificités distinctes de celle de l'hexagone, ne serait-ce qu'en raison de ses espèces et ses ravageurs distincts. A-t-on doté la recherche en agronomie de suffisamment de moyens pour favoriser une agro-écologie adaptée aux Outre-mer ? D'ailleurs, hier soir on a également évoqué le jardin créole nourricier : un travail extraordinairement important me paraît devoir être conduit à ce sujet. Tendre vers l'autonomie alimentaire des iles est un objectif essentiel et les moyens alloués à la recherche fondamentale doivent y contribuer.

À propos des produits que l'on appelle pudiquement « phytopharmaceutiques » - c'est-à-dire, en clair, les pesticides - utilisés en Outre-mer, je souligne l'existence d'alternatives qui ne sont pas assez mises en avant. Les substances de bio-contrôle peuvent aussi lutter efficacement contre les ravageurs ainsi que les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP).

Je me réjouis par ailleurs de l'effort en matière de financement des logements sociaux qui répond à une réelle nécessité. Enfin, compte tenu des conditions climatiques qui prévalent Outre-mer, les énergies renouvelables, comme l'éolien ou le photovoltaïque, ne peuvent qu'y trouver un formidable terrain d'expérimentation et de mise en oeuvre.

M. Michel Magras. - Juste un mot pour lever le doute exprimé par notre collègue Joël Labbé sur l'appellation RUP. Je rappelle qu'on distingue désormais les départements d'Outre-mer et les collectivités d'Outre-mer : les autres termes ont disparu. Le statut de RUP est, quant à lui, européen : les « régions ultrapériphériques » font partie intégrante de l'Union mais elles sont éloignées géographiquement du continent européen, ce qui justifie l'usage du terme ultrapériphérique. Il faut également articuler le statut national et le statut européen des territoires. Ainsi, tout département d'Outre-mer dispose du statut européen de région ultrapériphérique. La collectivité de Saint-Martin est également dans la catégorie des RUP tandis que celle de Saint-Barthélemy a le statut de pays et territoire d'Outre-mer (PTOM), c'est-à-dire qu'elle est associée à l'Europe. Pour les PTOM, les directives européennes ne s'appliquent que si la France en a décidé ainsi, dans le cadre de sa transposition, et après avoir recueilli leur accord. Ces distinctions peuvent vous paraitre compliquées, mais ceux qui vivent en outre-mer sont nécessairement amenés à prendre en compte un cadre juridique le mieux adapté possible.

La principale difficulté, quant aux régions ultrapériphériques de l'Europe, provient de leur répartition à travers le monde. Toute marchandise entrant dans une région ultrapériphérique est censée se trouver sur le territoire européen : c'est certes géographiquement aberrant, mais c'est une réalité juridique. On aurait pu évoquer à ce sujet la situation de la Guadeloupe qui figure au rang de premier exportateur de Champagne vers les Caraïbes, car elle bénéficie d'un régime très bas de taxes. C'est loin d'être le seul cas et ce sont là nos spécificités !

M. Serge Larcher. - Je remercie notre collègue Michel Magras d'avoir répondu à la question concernant les RUP. Je rebondirai sur ce qui vient d'être dit sur la Guadeloupe : ce territoire réexporte du Champagne vers ses iles voisines mais c'est le Vermouth qui est la boisson de fête préférée de ses habitants. Ne nous méprenons pas sur l'interprétation des statistiques qui pourraient faire croire à une importante consommation de Champagne en Guadeloupe. Par ailleurs, il ne faut pas attacher trop d'importance aux acronymes. La Martinique est à la fois un département d'Outre-mer, département français d'Amérique, une région ultrapériphérique pour l'Europe. Ces termes ne sont qu'administratifs. Je suis pour ma part martiniquais, caribéen, français, européen et également citoyen du monde...

Presque tous les Martiniquais ont un jardin créole, et ceux qui ne peuvent pas le cultiver sur la terre ferme le font sur leur balcon. Une telle pratique est profondément ancrée : chacun souhaite s'alimenter avec ses propres produits. L'agriculture vivrière concerne ceux qui disposent d'un peu plus de superficie cultivable et vendent ensuite leurs produits sur les marchés locaux : cela concerne une grande diversité de produits. Seuls des engrais naturels y sont employés et l'usage des pesticides est inexistant. En ce qui concerne les grandes cultures de banane et de canne à sucre, nous avons vécu une période, aujourd'hui révolue, marquée par l'utilisation du chlordécone dans le cadre de la Communauté caribéenne (CARICOM). Depuis lors, toutes les parcelles sur les territoires de la Martinique et de la Guadeloupe où ce produit phytosanitaire a été utilisé ont été recensées. Par mesure de sécurité, sur le marché local, il est possible d'assurer la traçabilité des produits vendus et force est ainsi de constater que le consommateur est bien protégé.

Je précise également que la culture de la canne à sucre en Martinique et à la Guadeloupe, qui est en AOC, n'utilise pas de pesticides. En outre, comme nous l'avons évoqué lors du débat d'hier, seuls deux produits et sept traitements sont autorisés pour la banane. Nous nous acheminons donc vers la production bio de la canne à sucre, du rhum et de la banane avec une montée en gamme et un positionnement sur un marché de niche. La concurrence avec les grands producteurs de l'Amérique latine comme United Food, nous oblige à améliorer nos productions de haut niveau. La banane française et européenne est ainsi soucieuse des droits de l'homme et de la protection de l'environnement. Nous sommes également attachés à veiller à la propreté des cultures et des terrains sur lesquels nos bananes sont cultivées, quand bien même le fruit, planté sur une terre polluée, n'est pas atteint. Une telle démarche de propreté des sols se retrouve également dans la production florale. Un travail important est réalisé localement et les gens sont conscients de la nécessité de bannir le chlordécone des cultures. Je signale qu'aujourd'hui, de nombreux documents attestent de la montée du cancer de la prostate chez les hommes et l'on s'interroge sur l'usage des pesticides comme possible source d'une telle mortalité. Il ne faut pas s'arrêter aux rumeurs et étudier sérieusement la question en se demandant pourquoi ce cancer est la première cause de mortalité à la fois chez les Noirs américains comme aux Antilles.

En réponse à une autre question soulevée par Joël Labbé, de nombreuses recherches sont conduites en Martinique sur les variétés et les espèces. N'oublions pas qu'en zone tropicale humide les conditions climatiques sont très différentes de l'Europe continentale.

Les Ultramarins ont à coeur de produire des produits de qualité et nous attendons que l'Hexagone se comporte comme l'Espagne qui consomme d'abord les produits des Canaries, à l'instar de leur banane locale qui bénéficie d'un prix constant toute l'année. C'est là un comportement citoyen dont nous ferions bien de nous inspirer.

J'en reviens à l'analyse budgétaire stricto sensu. Les crédits alloués au outre-mer l'État ne se limitent pas aux deux milliards d'euros du budget que nous examinons. En totalisant l'ensemble des missions on atteint quinze milliards et le document « orange » de politique transversale retrace cet effort de l'État.

Le projet de loi sur l'égalité réelle outre-mer est bienvenu mais, ne nous privons pas de le dire sur le ton de la plaisanterie, il arrive un peu tard car je rappelle que nous sommes départements français depuis soixante-dix ans et la départementalisation était le résultat d'un combat pour l'égalité. Les Caribéens se sont d'abord battus pour la liberté en brisant le joug de l'esclavage et il nous a fallu attendre longtemps pour obtenir l'égalité de droit.

M. Marc Daunis. - Il y a la fraternité également !

M. Serge Larcher. - La fraternité, nous l'avons pratiquée durant les deux guerres mondiales ! Reste que les mesures prévues dans ce texte sur l'égalité réelle ne sont pas financées et je suggère qu'un collectif budgétaire vienne rapidement combler cette lacune..

S'agissant de la création d'activité, nous créons en outre-mer un nombre record de micro-entreprises : encore faut-il encourager leur développement et leurs chances de survie. C'est pourquoi les gouvernements successifs ont porté leur effort sur des dispositifs d'exonérations de charges : de telles mesures, quand elles sont limitées dans le temps, peuvent générer des effets d'aubaine, mais elles contribuent à dynamiser l'emploi local.

Le logement social, qui a bien du mal à répondre à des besoins très importants est financé d'une part par la ligne budgétaire et unique (LBU) qui est sanctuarisée et, d'autre part, par le crédit ainsi que la défiscalisation. Cette dernière, quel que soit le Gouvernement en place, représente, pour l'État, une sorte de « saut sans filet », puisqu'il ne connait pas à l'avance le montant de la dépense fiscale. Bercy, en ralentissant les procédures d'agrément freine les programmes de logement social et le Premier ministre lui-même a décidé de supprimer l'agrément préalable pour le logement social : cette mesure est trop récente pour qu'on puisse en mesurer les effets. J'ajoute que le foncier viabilisé disponible est rare et cher. Son prix s'est envolé au moment des premières mesures de défiscalisation décidées lors de la première cohabitation entre 1986 et 1988. L'indivision est également un sérieux problème qui résulte de la non-liquidation des héritages : j'ai proposé à ce sujet la création d'un Groupement d'intérêt public (GIP) calqué sur ce qui est en vigueur en Corse, mais j'attends toujours, quatre ans après le vote de cette mesure, son décret d'application... Les « dents creuses » que l'on retrouve dans de nombreux faubourgs en Martinique témoignent de ces difficultés successorales qui peuvent être accrues lorsque les bénéficiaires sont dispersés à travers le monde.

J'en termine en disant un mot sur le service militaire adapté (SMA) qui est une sorte de service civique. Après un mois passé à recevoir les codes de la vie dans un environnement militaire, les jeunes y apprennent un métier et trouvent, à près de 80%, un emploi. C'est un dispositif dont on doit saluer l'efficacité.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Nous allons nous prononcer sur ces crédits : notre rapporteur pour avis et le Président de la Délégation sénatoriale pour l'Outre-mer suggèrent un avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission outre-mer.

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Recherche et enseignement supérieur » - Examen du rapport pour avis

Mme Valérie Létard, rapporteure pour avis de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - Monsieur le Président, mes chers collègues, je vais donc, cette année encore, vous présenter les crédits de la MIRES, la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur ». Je vous propose d'exposer les grandes orientations de son budget pour 2017, puis d'approfondir les sujets que j'ai souhaité développer : à savoir l'Agence nationale de la recherche et la place des régions dans le financement de la recherche et de l'innovation.

Ce budget, le dernier de la mandature et le second présenté par le secrétaire d'État à la recherche et à l'enseignement supérieur Monsieur Thierry Mandon, se distingue nettement des budgets précédents. Alors que ceux-ci nous avaient habitués à une stagnation des crédits, celui de cette année connaît une hausse significative de 3,1 %, pour atteindre 27 milliards d'euros, soit une hausse plus importante que celle du budget général de l'État qui est de l'ordre de 2,8%. À l'intérieur de cette enveloppe, les crédits consacrés à la recherche, qui nous intéressent, augmentent également, mais dans une moindre mesure s'agissant des crédits de paiement, qui progressent de 2,1% par rapport à 2016. Le budget « recherche » de la MIRES atteint, cette année plus de 14 milliards d'euros. Cette tendance à la hausse est néanmoins à replacer dans un contexte budgétaire particulièrement contraint ces dernières années. Ainsi, on observe, pour 2017, une légère baisse de la part des crédits consacrés à la recherche de la MIRES dans le budget de l'État : 4,53% en 2017 contre 4,66% en 2016. Ce fait confirme une tendance structurelle observée depuis 2012, à l'exception de l'exercice 2015. Ainsi, alors que depuis 2012, le budget général de l'État a augmenté de de 9,5 % ; celui de la recherche au sein de la MIRES n'a progressé que de 3,2 %.

Au sein de cette enveloppe recherche, on distingue cependant des évolutions diverses. Ainsi, les trois programmes relevant du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui représentent 80% des crédits consacrés à la recherche, voient leurs crédits significativement augmenter, de plus de 3%. Cette hausse représente la quasi-totalité de la hausse des crédits consacrés à la recherche. Ces programmes financent la recherche universitaire et vingt-trois grands organismes de recherche, dont le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le Centre national d'études spatiales (CNES), le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) ou encore l'Agence nationale de la recherche, que j'évoquerai plus tard.

Les quatre autres programmes intéressant la recherche et rattachés à la MIRES connaissent, en revanche, des évolutions divergentes. Si le programme finançant l'enseignement supérieur et la recherche agricole voit ses crédits augmenter, avec une hausse de 4,9 % en crédits de paiement, ceux finançant la recherche et l'enseignement supérieur en matière économique et industrielle connaissent une chute de 3,7% en crédits de paiement, tandis que la recherche culturelle et la culture scientifique connaissent une baisse de leurs crédits de paiement de 2,1%. Ceux finançant la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables ainsi que la recherche duale voient leurs crédits stagner.

S'agissant des organismes de recherche, le budget 2017 se caractérise par une nette hausse de leurs financements. Sur les 23 organismes relevant du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, 11 disposeront en 2017 d'une dotation en augmentation par rapport à l'année précédente, entre 0,2% pour le volet civil du CEA et 8,37% pour l'Agence nationale de la recherche, et les 12 autres bénéficieront d'une dotation équivalente à celle de l'année précédente. En revanche, certains organismes qui ne dépendent pas du ministère de la recherche à titre principal connaissent une baisse des financements de l'État. C'est, par exemple, le cas d'Universcience, au sein du programme consacré à la recherche culturelle avec une baisse de crédits de paiement de 3,2%.

À l'exception de l'ANR, cette hausse des contributions de l'État finance le plus souvent des mesures salariales découlant directement de décisions gouvernementales, telles que le protocole Parcours professionnels carrières rémunérations (PPCR) ou la hausse du point d'indice.

Par ailleurs, l'augmentation globale des crédits des opérateurs ne doit pas occulter les difficultés financières que connaissent certains d'entre eux. C'est, par exemple, le cas de l'IFP-énergies nouvelles (IFP-EN). Les crédits qui lui sont affectés sont en hausse, de 3,6%. Néanmoins, cette subvention pour charges de service public pour l'exercice 2017 est en retrait de 1,2 million d'euros par rapport à 2015 et conduira, selon l'organisme, « inéluctablement à un exercice fortement déficitaire et ce, malgré les trains de mesures drastiques successifs pris depuis 2010 pour réduire les dépenses ou augmenter les ressources propres ». Un certain nombre d'organismes témoigne de cette même réalité ; les années difficiles n'étant pas compensées par l'effort inverse conduit cette année. Il faudra être très vigilant sur ce point.

Enfin, la hausse prévue en loi de finances initiale devra se concrétiser en exécution. Or, bien souvent, les crédits prévus par la LFI font l'objet d'importantes mesures de régulation budgétaire.

J'en viens au Crédit d'impôt recherche qui représente la première dépense fiscale rattachée à la mission et reste la plus importante du budget de l'État après le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Enregistrant une légère hausse, il est évalué à 5,50 milliards d'euros en 2017 contre 5,42 milliards d'euros en 2016. Lors des auditions parlementaires en vue de l'examen du projet de loi de finances pour 2017 et lors des examens des crédits de la MIRES en séance publique à l'Assemblée nationale, le secrétaire d'État en charge de l'enseignement supérieur s'est interrogé sur l'efficacité de ce dispositif et a annoncé avoir commandé une évaluation, à un laboratoire indépendant, de l'effet d'entraînement du crédit impôt recherche.

J'en viens à la situation de l'Agence nationale de la recherche. C'est probablement le fait le plus marquant de ce projet de budget. Après une stagnation de ses crédits l'année dernière, qui succédait à sept années de baisse continue, le projet de budget prévoit une hausse de 20% des autorisations d'engagement et de 8,6% des crédits de paiement, pour atteindre respectivement 673 et 609 millions d'euros. Le taux de sélection des projets ne cesse de baisser, corrélativement à la baisse de ses financements, ce qui met en péril l'avenir du financement sur projets et constitue une forte déperdition d'énergie pour les chercheurs qui candidatent. Compte tenu du temps passé et des maigres chances d'obtention de crédits, les porteurs de projets ont ainsi été découragés de solliciter l'ANR. Le Président de la République a ainsi décidé de revoir sa politique et a annoncé, en début d'année, la hausse des financements accordés à l'ANR. Cela s'est déjà traduit par un apport de 63,9 millions d'euros en juin dernier.

Le secrétaire d'État Thierry Mandon a estimé, lors de son audition par nos collègues de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, que l'objectif de financement pour l'ANR d'ici à quelques années devrait être d'un milliard d'euros, afin de permettre un taux de sélection à 20%, et de dépasser ainsi l'objectif de 14% fixé pour 2017. Ceci marque donc une claire réorientation de la politique du Gouvernement. Afin de développer la recherche sur projets en France, cet effort devra effectivement se poursuivre sur les années à venir. En clair, le Gouvernement a donné une indication ; charge au suivant de l'appliquer !

L'enjeu de la recherche sur projets ne concerne, d'ailleurs, pas exclusivement l'ANR : il concerne aussi la participation de la France au programme Horizon 2020 de l'Union européenne. Force est ici aussi de constater que le compte n'y est toujours pas. La performance française est en baisse par rapport au précédent programme cadre de recherche et de développement : les équipes françaises ont obtenu, à fin 2015, un total de 1,7 milliard d'euros, soit 10,4% des financements disponibles, alors même que nos équipes connaissent le plus fort taux de succès. Selon un rapport conjoint de services d'inspection, les gains potentiels d'une plus grande participation s'échelonnent entre cent et six cent millions d'euros par an. Le financement et la mobilisation de nos équipes de recherche constituent un véritable sujet.

J'en viens à présent au second thème du rapport pour avis : la place des régions dans l'investissement dans la recherche et l'innovation.

Les collectivités territoriales affectent 1,26 milliard d'euros aux opérations de recherche et de transfert de technologie. Les deux tiers sont financés par les conseils régionaux.

Malgré la contribution substantielle des régions à cet effort, leur place est en cours de redéfinition, dans un contexte porteur d'interrogations. Le volet « recherche et innovation » des contrats de plan État-régions diminue : il est passé de 365 millions d'euros pour la précédente génération de CPER à 205,8 millions d'euros pour celle-ci. Alors que des nouvelles régions se sont mises en place en 2016, la loi NOTRe a entendu leur confier des fonctions de programmation, de planification et d'encadrement de l'action des collectivités situées dans son ressort, à travers les schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII), mais ceux-ci sont encore en cours de rédaction. Les relations entre les régions et les autres collectivités territoriales en la matière sont à redéfinir, comme leurs liens avec l'État sur un certain nombre de dispositifs.

C'est notamment le cas des pôles de compétitivité, qui s'interrogent sur leur avenir, alors que la politique de l'État est difficilement lisible à cet instant. C'est aussi le cas de l'engagement des régions dans le troisième volet des programmes d'investissement d'avenir, dont les documents budgétaires nous apprennent que 500 millions d'euros seront co-décidés avec les conseils régionaux. Je pense que des groupes de travail ont déjà été désignés sur cette question, mais je souhaite que l'on puisse regarder la mise en oeuvre de la loi NOTRe et la faisabilité de son calendrier. En effet, les SRDEI doivent s'appliquer au 1er janvier 2017 et certaines régions ont demandé le report. Lorsque vous fusionnez des régions et que des ordonnances sont rendues en juillet, travailler sur un SRDEII peut présenter des risques juridiques et d'approximation qui peuvent s'avérer complexes. Il serait ainsi utile de considérer les incidences de la mise en application de la loi NOTRe dans cette phase intermédiaire, dont il faudra interroger à la fois la faisabilité et les conséquences sur les opérateurs en ce moment charnière. En somme, il serait sans doute utile d'envisager les conséquences de la loi NOTRe sur les politiques d'innovation sur nos territoires, dans le contexte de la fusion des régions et des opérateurs.

Voilà, Monsieur le Président, mes chers collègues, les analyses que m'ont inspirées l'examen de ces crédits.

Pour conclure, il me reste à vous faire part de son avis sur les crédits de la MIRES pour 2017. Il me semble difficile de se satisfaire de la réorientation, certes positive mais tardive, opérée sur les crédits de l'ANR, lorsque cette dernière année a malheureusement été précédée de nombreuses restrictions. En outre, je vous rappelle qu'en mai dernier, le Gouvernement avait fait le choix d'aller chercher 256 millions d'euros, soit près d'un quart des annulations de crédits, sur les crédits de la recherche et que seule une large mobilisation a permis de le faire renoncer à ces coupes. Nous aurons ainsi, depuis 2012, manqué d'une ligne claire ou d'ambition, au plus haut niveau, sur notre modèle de recherche.

Malgré tout, le bon travail accompli par notre ministre en charge impulsant l'augmentation des crédits pour 2017 m'amène à vous proposer une abstention bienveillante.

M. Jean-Claude Lenoir, Président. - Merci Madame la rapporteure.

M. Marc Daunis. - Nous allons essayer d'étayer cette bienveillance car la critique demande un peu de cohérence dans le cadre d'un débat budgétaire. On touche du doigt la difficulté de réaliser des économies de l'ordre de 150 milliards d'euros au budget de l'Etat. Un tel contexte donne leur plein relief à des déclarations de ce type. Pourquoi ? J'ai repris les propos que j'avais tenus comme rapporteur lors du précédent quinquennat. Que se passait-il alors ? En 2009, on enregistrait une baisse de neuf cent emplois en matière de recherche dans le cadre de la MIRES, avant qu'un gel n'intervienne durant les trois années suivantes. A l'inverse, l'engagement du Président de la République, en 2012, de créer cinq mille emplois supplémentaires trouve, dans ce budget, sa traduction.

M. Martial Bourquin. - C'était beaucoup en effet !

M. Marc Daunis. - Je suis certain que la bienveillance va se transformer, au cours du débat, en acquiescement enthousiaste ! En outre, la situation de l'ANR est une vraie question. J'avais alerté quant à la perte du seuil de crédibilité s'agissant de la sélection des chercheurs qui ne souhaitent plus répondre à ses appels à projets. La déperdition était colossale et la comparaison avec l'Allemagne était redoutable ! Sur cette question, un engagement a été souscrit et je partage le constat de l'insuffisance du seuil de 14 %. L'objectif de 20 % n'est nullement utopique et nous devons le tenir. Aussi, le prochain gouvernement, quelle que soit sa sensibilité politique, devra à tout prix le maintenir.

M. Roland Courteau. - Le programme 190 m'intéresse tout particulièrement, car il concerne le développement durable, l'énergie, l'amélioration énergétique des bâtiments, la planification en matière d'urbanisme, les transports respectueux de l'environnement ; bref, ce programme concerne l'ensemble des politiques d'atténuation et d'adaptation au changement climatique comme la transition énergétique. En effet, il me paraît nécessaire d'accroître la production de connaissances scientifiques et ainsi l'effort de recherche dans les domaines de l'énergie et des mobilités durables. Tel est l'objectif du programme 190. Quelle a été l'évolution de ce programme au cours des dernières années et plus particulièrement pour 2017 ? En outre, concernant l'emploi scientifique, la France était, il y a quelques années, très loin derrière les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne et le Royaume-Uni en nombre de chercheurs en équivalent temps plein. Où en est-on aujourd'hui ?

M. Gérard Bailly. - Sur les crédits recherche, il faudrait consacrer plus de moyens à la recherche en matière agricole. La loi sur la biodiversité mentionne des impératifs de date mais il faut trouver des produits de substitution que sont prêts à employer les agriculteurs. Je n'ai néanmoins pas trouvé dans le budget de ligne qui témoigne de la volonté forte d'aller très vite dans ce domaine. J'aimerais qu'une telle mesure soit un impératif car le monde agricole est fin prêt pour changer de méthodes de production, à la condition que des produits de substitution soient disponibles.

M. Joël Labbé. - Effectivement, il faut consacrer de réels moyens sur la recherche et il existe des systèmes alternatifs et des produits de bio-contrôle sur lesquels il faut également conduire de la recherche fondamentale. Nous avons, avec les professionnels, déposé une liste de sept cent préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP) à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) ; seuls cent-quarante ont été, à ce jour, homologuées, ce qui rallonge d'autant les délais de leur utilisation alors que le temps est précieux !

Sur la question des alternatives, un lobbying extrêmement fort est conduit pour continuer les pratiques actuelles. Je prendrai l'exemple du Syngenta qui est un herbicide assez volatil. La firme qui commercialise ce produit demande aux agriculteurs de ne pas l'utiliser à moins d'un kilomètre de rayon des cultures arboricoles, notamment de pommes, car son utilisation présente des risques ! Cette firme élude ses responsabilités qu'elle transfère indument aux agriculteurs qui doivent vérifier les périmètres d'utilisation de son produit et peuvent être, le cas échéant, rendus responsables des contaminations. De telles pratiques illustrent l'ampleur de l'influence de telles firmes qui parviennent à fuir leurs responsabilités.

M. Gérard Bailly. - Il est donc essentiel de miser sur la recherche fondamentale !

M. Joël Labbé. - Mon cher collègue, nos positions peuvent se rejoindre !

Mme Valérie Létard, rapporteure pour avis. - Notre collègue Marc Daunis nous rappelle des éléments passés destinés à faire infléchir notre position. L'augmentation annoncée pour l'année prochaine est certes une bonne chose, même s'il faudra par la suite trouver les conditions de sa faisabilité. Entre les crédits annoncés et leur décaissement, il peut y avoir un décalage !

Que le Gouvernement souligne l'importance de ne pas tuer la recherche sur projets représente, à mes yeux, une innovation. En 2005, date de la création de l'ANR, le taux de réussite des projets était de 25,5 % tandis qu'il n'est désormais plus que de 9,7 %. L'ANR est ainsi vouée à une mort certaine puisque plus aucun chercheur ne montera des dossiers et n'investira de son temps compte tenu du taux de retours défavorables! L'objectif pour 2017 est de 14 % de sélection, mais pour atteindre le seuil de 20 %, il faudrait consacrer un milliard d'euros. Le budget 2017 se situe ainsi dans une perspective de maintien des appels à projets qualitatifs. Il va falloir poursuivre une sérieuse réflexion sur ce point et, dans toutes nos régions, aider nos laboratoires à se doter de moyens et à les mutualiser. Il faudra également mobiliser des spécialistes des financements européens qui peuvent aller jusqu'à six cent millions d'euros, un soutien permettant d'accompagner plus fortement encore la recherche et ne pas baisser les financements du programme 2020. Il nous faut être meilleurs !

En réponse à notre collègue Roland Courteau, notre rapport fait référence au programme 190 : l'énergie représente près d'un tiers de ce programme et augmente de 0,46 %. Depuis quelques années l'IFP-EN est en grande fragilité. Il faudra être particulièrement vigilant à ce stade car si ce programme n'a pas connu de baisse drastique ces dernières années, il n'a, en revanche, pas bénéficié d'une augmentation similaire à celle de l'ANR pour l'année 2017.

Je ne dispose pas d'éléments de précision suffisants à ce stade sur le domaine de la recherche liée à l'utilisation de pesticides puisque celle-ci relève de la compétence du ministère de l'environnement. Des engagements en faveur de la recherche dans le domaine des pesticides ont été pris et il faudra être attentif. Il faudra ainsi intégrer dans notre rapport le nécessaire soutien à la recherche fondamentale dans le secteur agricole, évoqué par nos deux collègues MM. Joël Labbé et Gérard Bailly, en raison notamment de ses incidences sur la santé de nos concitoyens.

Enfin, le nombre de chercheurs est de 249.000 et la France se situe au huitième rang mondial, derrière les Etats-Unis, la Chine, le Japon, la Russie, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Corée du Sud.

M. Martial Bourquin. - Nous avons bien écouté la présentation de ce rapport de qualité, mais nous n'en partageons pas la conclusion. En effet, comme l'a indiqué notre collègue Marc Daunis, le Gouvernement a conduit un effort substantiel. Nous avons les plus grandes craintes si l'on supprime 500 000 fonctionnaires et notamment dans la recherche ! Nous voterons donc pour le projet du Gouvernement.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - La majorité de la commission suit l'avis d'abstention de la rapporteure, je prends acte du vote favorable du groupe socialiste.

La commission décide de s'abstenir sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Égalité des territoires et logement » - Examen du rapport pour avis

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. - Monsieur le Président, Mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter les crédits de la mission « égalité des territoires et logement ».

Ces crédits sont stables et atteignent plus de 18,3 milliards d'euros. Ils sont répartis entre plusieurs programmes que je vais vous présenter successivement.

Le programme 177 regroupe les crédits de la politique d'hébergement d'urgence. Ces crédits augmentent de 15 %.

Le parc d'hébergement connaît une demande importante en raison de l'augmentation de la précarité, de l'accroissement des besoins de prise en charge de familles avec des jeunes enfants et des flux migratoires qui se sont intensifiés depuis l'an dernier.

Face à la pression migratoire, le parc d'hébergement dédié aux demandeurs d'asile demeure insuffisant. La réforme du droit d'asile n'a pas produits les effets escomptés.

En effet, si des places supplémentaires ont été ouvertes en CADA, un cinquième du parc d'hébergement dédié aux demandeurs d'asile ou aux réfugiés est occupé par des personnes qui ne sont plus demandeurs d'asile soit parce qu'elles ont la qualité de réfugié, soit parce qu'elles ont été déboutées de leur demande d'asile. En outre, si les moyens humains de l'OFPRA ont été renforcés pour accélérer le traitement des dossiers, la pression migratoire que connaît la France semble avoir réduit à néant ces efforts. Cette situation a des conséquences sur le parc d'hébergement d'urgence généraliste.

Le gouvernement a créé fin 2015 des centres d'accueil et d'orientation (CAO) pour accueillir les migrants de Calais.

Ces centres doivent permettre de réorienter les migrants vers une solution d'hébergement adaptée à leur situation administrative.

Les places de CAO sont temporaires et n'entrent pas dans le décompte des offres pérennes d'hébergement généraliste ou des places dédiées aux demandeurs d'asile.

Il y a un débat au sein du gouvernement pour savoir quel programme doit prendre en charge ces centres : le ministère de l'intérieur estime qu'ils pourraient relever de son budget car 90% des personnes en CAO accèdent à l'asile, le ministère du logement estime qu'il s'agit d'une mission de mise à l'abri relevant du programme relatif à l'hébergement d'urgence. La ministre a dit que pour l'instant ces centres relèvent de son budget.

Pour répondre à la demande d'hébergement d'urgence, le recours aux nuitées hôtelières est souvent considéré comme une solution de facilité. Le gouvernement s'est cependant engagé dans un plan de réduction des nuitées hôtelières et de développement des places pérennes.

Bien que le nombre de nuitées ne diminue pas, leur progression ralentirait en 2016 selon des chiffres provisoires.

Le nombre de places d'hébergement a continué d'augmenter pour atteindre 112 552 places en 2015, soit une augmentation de 8,7%. Le gouvernement porte plus particulièrement ses efforts en matière de logement adapté sur la création de nouvelles places en intermédiation locative. Les crédits pour 2017 augmentent de 13%. Ce dispositif est certes intéressant mais ne peut être qu'une des réponses à apporter dans la mesure où ce dispositif suppose d'avoir des ressources et un statut administratif en conformité avec les règles en vigueur, il ne peut donc convenir à toutes les personnes.

Les crédits dédiés à l'aide au logement temporaire qui a pour objet de couvrir les coûts (loyer et charges) supportés par les organismes qui mettent des logements à la disposition de personnes sans domicile sont doublés pour atteindre 79 millions d'euros. Toutefois, cette évolution est une augmentation en trompe l'oeil, le gouvernement ayant seulement décidé de budgétiser cette aide jusqu'à présent prise en charge en partie par la branche famille de la sécurité sociale. Le gouvernement en espère une simplification de la gestion, un meilleur suivi et une économie des frais de gestion.

Depuis plusieurs années, on constate une sous-budgétisation systématique des crédits dédiés à l'hébergement d'urgence. 2016 n'a pas échappé à la règle puisque le gouvernement a été conduit à prendre un décret d'avance pour augmenter les crédits de 84 millions d'euros et qu'un second devrait être pris pour un montant de 100 millions d'euros. En outre, le PLFR prévoit d'ouvrir 55 millions d'euros supplémentaires en crédits de paiement et 204 millions d'euros en autorisations d'engagement.

Les crédits pour 2017 augmentent de 15%, ce dont on peut se féliciter. Cependant, une partie de cette hausse ne traduit en aucun cas l'intention du gouvernement d'y consacrer plus de moyens, mais vise à réévaluer certaines dépenses au vu des crédits consommés en 2015, tel est le cas des crédits de la veille sociale qui augmentent de 35%, ou vise à traduire une modification de périmètre, tel est le cas des crédits de l'allocation temporaire qui sont doublés pour atteindre 79 millions euros, l'État prenant désormais en charge la totalité de cette aide.

J'ajoute que les crédits de paiement prévus pour 2017 sont d'ores et déjà inférieurs à ceux qui seront consommés en 2016. Malgré les efforts du gouvernement pour augmenter les crédits dédiés à l'hébergement d'urgence, il est vraisemblable que les crédits ne seront pas suffisants pour couvrir les besoins en hébergement d'urgence. Si l'on voit des moyens financiers conséquents sur l'hébergement d'urgence, il n'y a toujours pas de moyens adaptés pour l'accompagnement qui reste toujours à géométrie variable.

J'ajoute que des efforts de gestion devront se poursuivre qu'il s'agisse du déploiement des SIAO ou de la prise en compte de l'étude nationale des coûts. On peut regretter qu'il n'y ait toujours pas de réforme structurelle, de réflexion d'ensemble sur les dispositifs d'hébergement d'urgence alors que cela me paraît inéluctable. Il n'y a aucune traduction d'une politique publique attendue en la matière. Cela ne se traduit toujours pas stratégiquement par deux orientations qui devraient être un accès plus direct au logement et mettre fin à une gestion saisonnière de l'hébergement.

Le programme 109 « Aide à l'accès au logement », comprend essentiellement la contribution de l'État au financement du Fonds national d'aide au logement (FNAL). Après deux années d'augmentation pour cause de budgétisation des aides, les crédits sont stables pour 2017.

Je rappelle que 18 milliards d'euros d'aides au logement ont été versées en 2015 à 6,5 millions de bénéficiaires. Le nombre de bénéficiaires est cependant en légère baisse en 2015.

2016 a été l'année d'entrée en vigueur des différentes réformes de l'APL adoptées l'année dernière.

Les règles d'éligibilité aux APL ont été modifiées afin de prendre en compte le patrimoine du demandeur à compter de 30 000 euros. Des plafonds de dégressivité et de suppression des aides ont été instaurés. De façon plus symbolique et anecdotique, les étudiants rattachés au foyer fiscal de leurs parents redevables de l'ISF ne peuvent plus bénéficier des APL.

Ces mesures ont été très critiquées par les milieux associatifs. La CNAF a donné un avis défavorable au décret sur la prise en compte du patrimoine. La FNARS a souligné les contradictions du gouvernement qui diminue pour certains bénéficiaires leurs aides au logement et met en place dans le même temps des dispositifs de prévention des expulsions et de maintien du versement de l'allocation de logement lorsque le bénéficiaire ne règle pas la part de la dépense de logement restant à sa charge.

Il est difficile de mesurer l'impact de ces réformes tant sur le plan financier que sur le nombre de bénéficiaires concernés. Le gouvernement n'est pas en mesure de nous donner des chiffres. Selon la CNAF, 77 600 foyers seraient concernés par les nouvelles règles de dégressivité des APL, soit 1,2% des allocataires. Pour ces allocataires, dans 78% des cas, l'APL serait diminuée de 70 euros en moyenne et dans 22% des cas, l'APL serait supprimée. Selon la ministre du logement et de l'habitat durable, 666 dérogations auraient été accordées sur 1590 réclamations.

Comment apprécier correctement les effets de ces réformes et les montants budgétés dans ces circonstances ?

Je voudrais vous donner l'exemple des Alpes-Maritimes, dont on peut penser qu'il n'est pas parmi ceux qui seraient le plus impactés par ces réformes. Je voudrais vous donner quelques chiffres qui montrent que ces réformes peuvent toucher des retraités et nombre de personnes modestes. Pour une personne qui vit seule dans un logement locatif à Nice situé en zone 2, si son loyer est inférieur à 638 euros alors son aide au logement sera maintenue, si le loyer est compris entre 638 et 791 euros - ce ne sont pas des montants de loyers élevés pour le département- alors son aide sera diminuée, s'il est supérieur à 791 euros -qui est un montant en-dessous des montants pratiqués y compris dans le parc privé- l'aide au logement sera supprimée. Le revenu mensuel à partir duquel une personne seule ne bénéficie plus de l'aide au logement est de 1186 euros à Nice. Je vous laisse imaginer les conséquences pour des personnes modestes, seules, veuves...Un foyer dont les revenus seraient inférieurs à 1186 euros consacrerait plus de 66,7 % de ses revenus (hors APL et hors charges) à son loyer. Sur le département des Alpes-Maritimes, contrairement à la moyenne nationale, 4,9% des bénéficiaires sont concernés et 1212 pourraient voir leur aide au logement supprimé. On peut s'interroger sur cette réforme des APL même si elle permet effectivement de faire des économies au budget de l'Etat.

J'en viens au programme 135 qui concerne notamment les aides à la pierre. Les crédits diminuent de 37 % en autorisations d'engagement et de 13,5 % en crédits de paiement.

Cette diminution traduit sur le plan financier la réforme des aides à la pierre opérée l'an dernier. Les autorisations d'engagement sont désormais intégralement rattachées au programme 135 par voie de fonds de concours, seul le montant de la contribution de l'État au FNAP étant fixée par la loi de finances.

Le FNAP n'ayant été créé qu'en milieu d'année, les crédits dédiés aux aides à la pierre ont été en début d'année gérés par l'État qui a engagé 228 millions d'euros en autorisations d'engagement et 114 millions d'euros en crédits de paiement, le FNAP a ensuite pris le relais.

En 2017, l'État devrait contribuer aux ressources du FNAP à hauteur de 200 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de 50 millions, les bailleurs sociaux contribuant à hauteur de 270 millions d'euros.

Je regrette que nous ne puissions nous prononcer sur les objectifs de construction de logements à l'occasion de l'examen du présent budget. Ils ne figurent plus dans le budget. En effet, c'est lors de la réunion du conseil d'administration le 1er décembre prochain que seront définis le montant annuel des financements apportés par le FNAP, le montant des autorisations d'engagement, la programmation de la répartition territoriale et les objectifs associés. J'espère que le FNAP déterminera des objectifs plus en prise avec la réalité. Je prends acte de l'engagement de la ministre du logement devant les députés de faire correspondre à l'avenir le calendrier de programmation du FNAP avec le calendrier budgétaire.

Un mot de la CGLLS. L'article 17 du projet de loi de finances pour 2017 prévoit de nouveau un prélèvement à hauteur de 50 millions. Il me semble qu'il serait légitime que ce prélèvement soit reversé au FNAP plutôt qu'au budget général de l'Etat.

J'ajoute qu'un nouveau prélèvement en 2018 poserait de réelles difficultés à la CGLLS pour assurer ses missions en raison de la mise en place des « prêts de haut bilan » par la Caisse des dépôts à hauteur de trois milliards d'euros et de l'incertitude quant aux garanties qu'accepteront d'apporter les collectivités territoriales à ces prêts, même si la ministre nous a dit que pour l'heure les ratios prudentiels avaient été respectés.

Enfin, je terminerai avec l'Anah.

L'agence est de plus en plus sollicitée. L'engouement pour le programme « Habiter mieux » ne se dément pas. En 2015, presque 50 000 logements ont bénéficié de ce programme. L'Anah a adopté en mars dernier un objectif de 70 000 logements concernés pour le programme « Habiter mieux » et revu son budget en conséquence. Pour 2017, l'objectif sera porté à 100 000 logements dont 30 000 logements en copropriété fragile.

Alors que l'agence est de plus en plus sollicitée, les ressources de l'agence sont plus que jamais incertaines et volatiles.

Pour 2016, l'évolution des quotas carbone, qui est la principale ressource de l'agence, s'est révélée nettement moins favorable que ce qui était espéré. La diminution des recettes escomptées a été compensée en cours d'année par une contribution renforcée d'Action Logement à hauteur de 150 millions. Pour 2017, l'Anah envisage une ressource issue des quotas carbone comprise entre 240 et 340 millions.

En outre, l'Anah a signé une nouvelle convention avec trois fournisseurs d'énergie en juillet 2016 afin de tenir compte de la création d'une nouvelle catégorie de certificat d'économie d'énergie. L'agence espère ainsi percevoir 55 millions d'euros de recettes en 2016 et 65 millions d'euros en 2017.

Enfin, la contribution de la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie au budget de l'Anah n'a été actée pour 2016 qu'à l'occasion du PLFSS pour 2017. L'Anah n'a aucune certitude pour 2017 alors même que l'adaptation des logements au vieillissement est un enjeu majeur pour notre société.

La directrice de l'Anah a exprimé ses craintes alors que son fonds de roulement et sa trésorerie sont très basses. Les incertitudes quant aux ressources de l'agence sont telles que le gouvernement n'a pas été en mesure cette année de me transmettre un projet de budget prévisionnel des ressources de l'agence pour 2017. Nous n'avons que des hypothèses, le conseil d'administration de l'Anah se réunissant sur cette question fin novembre.

Je regrette vivement que le gouvernement persiste à ne pas donner à l'Anah des ressources stables et pérennes.

En conclusion, au vu de ces différentes observations, je vous invite, Monsieur le Président, mes chers collègues, à émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « égalité des territoires et logement »

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je ne partage pas l'avis de la rapporteure sur ce budget. Premièrement, concernant les places d'hébergement d'urgence, le gouvernement réduit la différence entre les crédits historiquement inscrits au budget et ceux effectivement dépensés. Le gouvernement a créé un grand nombre de places d'hébergement pérennes et mis en place des mécanismes nouveaux tels que les CAO ou les nouvelles règles en matière d'attribution de logement social prévues dans le projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté, enfin, il a souhaité développer l'intermédiation locative. Le nombre de places d'hébergement d'urgence qui existe aujourd'hui est sans commune mesure avec ce qui existait auparavant.

Il est vrai que nous sommes aujourd'hui en Europe dans une situation exceptionnelle, liée au nombre important d'arrivées de migrants et de demandeurs d'asile et à un accroissement de la pauvreté. Cela dit, la situation s'est considérablement améliorée : le gouvernement a engagé une politique ambitieuse, de longue haleine, qui va dans le bon sens. Les crédits ouverts par le projet de loi de finances sont certes inférieurs à ceux consommés en 2016, mais je trouve cela préférable à la surbudgétisation, qui ne permet pas d'adapter le budget facilement aux changements de situation. Pour ma part, je pense que l'effort en faveur de l'hébergement d'urgence est important, et qu'il faut le saluer.

Deuxièmement, je voudrais parler des aides à la personne, les APL. Mme la rapporteure nous a parlé du cas de son département, les Alpes-Maritimes, mais il faut se souvenir que les baisses d'APL ne concernent que les personnes disposant de plus de 30 000€ de patrimoine. Il faut également se rappeler l'effet inflationniste des APL sur les loyers : tous les experts soulignent que les APL ont pour effet de faire augmenter les loyers.

Troisièmement, au sujet des aides à la pierre : je partage l'avis de la rapporteure sur le prélèvement opéré sur les fonds de la CGLLS. La CGLLS est abondée par les organismes HLM. La ponction qui est opérée ne doit pas aller au budget de l'État. C'est une façon de camoufler le fait que l'État ne met pas tout à fait les sommes qu'il annonce dans les aides à la pierre.

Indépendamment de cela, il y a trois milliards de prêts d'euros de haut de bilan qui constituent pour les organismes HLM une aide à la pierre de fait. D'ailleurs, la ministre a dit elle-même qu'elle souhaitait négocier avec les instances européennes concernées la possibilité de pérenniser et de prolonger cette aide. Du point de vue de l'aide à la pierre, c'est un apport considérable. De même, sur les objectifs de construction, le problème est que nous avons voté des chiffres qui n'avaient rien à voir avec la réalité. 120 000 logements, ce n'est pas la même chose s'il s'agit de PLS ou de PLAI. L'avantage avec le FNAP, c'est que lorsque les crédits budgétaires seront déterminés et les besoins définis, on sera en mesure d'orienter les crédits là où ils sont le plus utiles : les besoins sont principalement pour les PLAI, c'est là qu'il faut orienter le budget.

Enfin en ce qui concerne l'Anah, je partage le diagnostic selon lequel le système des quotas carbones n'est pas suffisamment fiable, stable et pérenne, et qu'il faut donc trouver une autre solution.

M. Ladislas Poniatowski. - Bien sûr nous soutiendrons les conclusions de l'excellent rapport de notre rapporteur. J'ai deux questions concernant le premier programme relatif à l'hébergement d'urgence.

J'ai bien noté que ce programme avait augmenté. J'ai bien noté aussi que les crédits allaient quasi-exclusivement aux demandeurs d'asile. Pendant des années, ces places d'hébergement étaient consacrées aux sans domicile fixe (SDF) qui étaient déjà sur le territoire. Si les places d'hébergement sont consacrées aux demandeurs d'asile, où sont hébergés les SDF ?

Deuxième question, j'ai apprécié la transparence du Ministère de l'Intérieur, et notamment ce qu'a dit son porte-parole, M. Pierre-Henry Brandet. Il a reconnu que sur l'ensemble des personnes qui étaient à Calais, 2 000 d'entre elles ont refusé d'aller là où on les affectait et indiqué ne pas savoir où elles étaient finalement allées. Cet épisode remonte à un peu plus de quinze jours, a-t-on désormais des informations sur la situation de ces personnes ?

M. Yannick Vaugrenard. - Dans la période que nous traversons, il est important de faire attention aux propos employés. Il faut également relativiser le poids des chiffres. Nous parlons de 2 000 personnes, à comparer à soixante-six millions de Français. Il faut relativiser la pression migratoire que connait la France, elle n'a rien à voir avec celle à laquelle font face l'Italie, l'Allemagne et la Grèce. La France est historiquement le pays des droits de l'Homme. Elle doit être digne de cet héritage. Il faut éviter les réactions de crainte, de peur de l'autre.

Nous avons auditionné hier Emmanuelle Cosse, qui nous a donné des éléments chiffrés intéressants, notamment le chiffre de 140 000 logements sociaux qui ont été construits l'année dernière. L'objectif qui avait été fixé a été respecté. Le logement, c'est la base de tout. Il ne peut pas y avoir de vie sociale ni familiale, d'emploi, sans logement. Je souhaite donc qu'en cette période pré-électorale, le logement social et l'attention portée aux personnes en situation de pauvreté soient placés au coeur de la campagne présidentielle. Ces familles sont une majorité silencieuse, elles ne manifestent pas, vont rarement voter, et c'est pourquoi il est de notre devoir de les défendre, sans pour autant parler à leur place, mais en les écoutant.

Les crédits dédiés à l'hébergement d'urgence augmentent de 15 %. À partir du moment où les nuitées hôtelières sont plutôt à éviter, l'augmentation du nombre de places d'hébergement d'urgence est une bonne nouvelle. Ce n'est pas l'idéal, l'objectif maximum n'est pas encore atteint, mais c'est un pas dans la bonne direction. Il s'agit de s'assurer que les personnes qui vivent en situation de grande pauvreté ont un toit pour vivre.

M. Marc Daunis. - Merci Mme la rapporteure de votre excellent rapport. Le caractère nuancé du propos appelle à discussion.

D'abord, au sujet des APL, il nous faut avoir un débat de fond, sans démagogie. Vous évoquiez, Mme la rapporteure, le cas de notre département, les Alpes-Maritimes. Le vrai problème dans ce département, c'est que les APL ont un effet sur la spéculation immobilière, elles provoquent un surloyer, dans ces zones tendues, qui a pour effet de défavoriser les personnes les plus modestes. Est-ce à dire qu'il faut remettre en cause les APL ? Je ne le pense pas, mais je crois qu'il faut identifier précisément les problèmes qui sont posés. Les Alpes-Maritimes connaissent une situation d'absence de logement social dramatique. Il y a encore une dizaine d'années, le parc privé jouait encore en partie le rôle de parc social, mais du fait de la spéculation sur les prix de l'immobilier, ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Il y a bien des effets pervers des APL dans ce département, qui appellent des adaptations du dispositif afin de les éliminer. Mais la mesure elle-même est une mesure juste, sur l'ensemble du territoire. Il s'agit bien de l'adapter en fonction des situations, mais sûrement pas de la remettre en cause. Vous preniez l'exemple des suppressions d'APL, je rappelle que celles-ci touchent notamment les enfants rattachés aux foyers de leurs parents qui acquittent l'ISF ! Il faut être cohérent, sinon nous ne progresserons pas et nous ne résoudrons pas ces problèmes complexes.

Deuxième point, sur l'Anah, les quotas carbone représentent désormais sa première ressource. La ministre a exprimé sa volonté d'engager une réflexion sur les ressources de l'Anah. Les 150 millions qui lui ont été versés par Action Logement ne m'apparaissent pas comme une fragilité, mais comme une prise de conscience de la nécessité de compenser à l'Agence les ressources manquantes en raison de la volatilité des cours du quota carbone. Il faut absolument sécuriser son financement.

Mme Valérie Létard. - À mon tour, je voudrais saluer le rapport de grande qualité qui nous a été présenté par notre rapporteur.

Je veux m'attarder sur l'Anah. En tant qu'administrateur, je suis particulièrement inquiète sur la pérennité et la stabilité des financements pour 2017. Deux choses m'interpellent. D'abord, il se trouve que pour pouvoir boucler le budget 2016, on a dû demander l'intervention d'Action Logement. Je voudrais qu'on clarifie les modalités de cette intervention : s'ils ont donné une enveloppe complémentaire, celle-ci était toutefois composée d'une partie des crédits dédiés à l'année 2017, 50 millions sur les 100 millions qui étaient normalement dédiés au budget de 2017. On a préempté l'enveloppe 2017 pour boucler 2016. C'est très inquiétant pour 2017.

Le deuxième sujet sur lequel je suis très inquiète concerne le FART. Une partie des aides versées dans le cadre du programme « habiter mieux » viennent de ce fonds. Le FART est financé par le deuxième programme d'investissement d'avenir (PIA2), et il ne reste pour 2017 qu'un reliquat de 80 millions d'euros, au lieu des 150 millions par an qui sont prévus normalement. Je vous encourage à regarder quelles sont les priorités et les orientations du PIA3, elles ne prennent pas en compte le FART. Aujourd'hui, il n'y a pas grand-chose pour accompagner son action. Je suis très inquiète du devenir de cet outil, qui fonctionne bien, qui sert une politique de cohésion sociale en prenant en compte tant l'urbain que le rural, tant les centres villes que les banlieues. En matière d'adaptation des logements au vieillissement de la société, on voit bien que cette année la CNSA a eu du mal à verser sa contribution. Les prévisions de fluctuation des cours du quota carbone estiment le prix de la tonne à une fourchette comprise entre 4,50€ et 6€ : si les prix se fixent à 4,50€, cela représente 100 millions de moins pour l'ANAH. Soyons vigilants !

Enfin, sur la question de l'hébergement d'urgence et de l'asile, il faut faire attention à ne pas opposer les publics. Assurons-nous que le ministère de l'Intérieur bénéficie toujours des crédits nécessaires pour faire face à la situation. Je suis assez interrogative sur le fait de fondre les crédits du ministère de l'Intérieur et des ministères sociaux, cela revient à mélanger des budgets qui sont consacrés à des problématiques différentes : ce n'est pas la même chose de prendre en charge une femme victime de violences conjugales qui a besoin d'un hébergement d'urgence et les familles de migrants, que l'on ne peut pas laisser dehors. Ce n'est pas la même chose d'être un réfugié ayant besoin d'un accompagnement spécifique et d'être une personne en situation de précarité. Il nous faut donc être très vigilants sur ce point, afin de ne pas dénaturer des outils qui répondent à des besoins particuliers.

M. Martial Bourquin. - Objectivement, le budget qui nous a été présenté sur le logement est un bon budget. Nous avons eu droit à des réponses claires de la ministre du logement, qui a très bien défendu son budget. Mais le prochain budget risque d'être moins positif, si le candidat de la droite est élu. Le programme de M. Fillon prévoit des économies de 7,5 milliards d'euros sur cette mission, dès la première année. Il prévoit également un rehaussement de loyers de certains locataires, une baisse des plafonds de ressources d'accès au logement social mettant fin à la règle des 20 %. Au-delà de 30 à 40 % de logement social, les aides associées seraient supprimées. C'est un coup terrible porté au triptyque « Rénovation - Démolition - Construction ».

Le présent budget est un paradis par rapport à celui qu'on nous propose pour l'année prochaine ! La ministre s'en est déclarée satisfaite.

M. Jean-Claude Lenoir. - Je tiens tout de même à rappeler que les ministres disent toujours du bien de leur budget. Le seul qui a exprimé son mécontentement n'est pas resté ministre bien longtemps après cet épisode.

M. Daniel Dubois. - Tout d'abord, le Président de la République a annoncé la construction de 500 000 logements dont 150 000 logements sociaux chaque année. Or, je note que cette année, qui est une très bonne année pour le logement social, seuls 140 000 logements sociaux ont été construits.

On a l'impression que nous allons vers une politique du logement social très peu transparente, liée au fait que nombre des mesures prises en la matière ces dernières années sont issues d'ordonnances, notamment des mesures relatives à l'organisation du logement social, à son encadrement et à son financement. Le budget cette année n'est donc absolument pas transparent, il n'y a pas réellement de débat sur ces questions.

Ensuite, au sujet de l'Anah, je partage le diagnostic de mes collègues, son budget ne va pas être suffisant pour faire face à ses missions.

Sur les aides à la pierre, on a assisté, avec la création du FNAP, à un transfert du financement des aides à la pierre de l'État vers les organismes HLM, vers les collectivités locales - il est vrai que certaines ne sont pas en conformité avec l'article 55 de la loi SRU. Enfin, les 50 millions de la CGLLS ne sont pas fléchés mais intégrés directement dans le budget de l'État. Cela veut donc dire que les chiffres annoncés ne reflètent pas toute la réalité : ce ne sont pas 50 millions de financement de l'État qui manquent au niveau des aides à la pierre, mais 100 millions car il faut également ajouter les 50 millions prélevés sur la CGLLS.

Enfin, je veux dire un mot sur les prêts de haut de bilan. Effectivement nous avons 3 milliards d'euros de prêts de haut de bilan, mais dégager ces financements, lorsque les taux d'intérêt sont aussi faibles et que le livret A de la Caisse d'Épargne n'est pas entièrement utilisé au niveau de la Caisse des dépôts, c'est en réalité assez facile à faire. Cela illustre le changement du cadre de l'aide à la pierre, c'est un vrai problème, qui n'a pas jusqu'ici donné lieu à un débat au Parlement.

M. Roland Courteau. - Ma question porte sur les dépenses fiscales. Des objectifs ambitieux ont été fixés en matière de rénovation thermique. Pour atteindre ces objectifs, certains outils ont été mis en place, dont le CITE, la TVA à 5,5% pour les professionnels et le programme « Habiter mieux » piloté par l'Anah. Avons-nous une idée du nombre de bénéficiaires du CITE ? La montée en puissance de ce crédit d'impôt, qui représente cette année un coût de 1,7 milliard pour les finances publiques, rend nécessaire une évaluation précise du dispositif.

M. Daniel Laurent. - Je tiens à dire que nous avons de grandes différences sur notre territoire, en matière de logement. Par exemple, les territoires ruraux connaissent des difficultés à bénéficier des crédits de l'Anah pour restaurer les maisons.

Je vais parler de mon département, la Charente-Maritime, où se situent La Rochelle et les îles de Ré et d'Oléron. Il s'agit de territoires attractifs, où les loyers sont tout bonnement inaccessibles. C'est pourquoi de nombreux crédits sont consacrés au littoral, afin de soutenir les populations modestes qui y vivent, ce qui est un objectif tout à fait louable. Toutefois, de ce fait, l'arrière-pays est oublié, parce qu'il n'y a tout simplement pas suffisamment de crédits. Cela veut dire que cette politique d'attractivité des littoraux doit être revue, afin de permettre d'intégrer les territoires considérés comme moins attractifs. Aujourd'hui, on parle du haut débit, qu'il s'agit d'implanter partout sur le territoire : le haut débit, c'est l'attractivité rurale, il permettra peut-être d'amener des entreprises nouvelles dans les territoires ruraux, et ces entreprises nouvelles auront besoin de personnel. Il faudra que ces gens puissent se loger, et pour que cela soit possible, il faudra bien renforcer la possibilité de créer des logements sociaux. C'est une réflexion de fond que nous avons dans les territoires ruraux. Il s'agit d'assurer que les populations modestes aient accès à des logements sociaux, et qui plus est à des logements dignes. C'est pourquoi nous menons dans le village dont je suis maire une politique de rénovation du centre-bourg. C'est une politique qui n'est pas nouvelle, mais nous avons constaté que l'Anah n'était pas au rendez-vous. Il est donc indispensable que les financements perdurent.

M. Gérard César. - J'ai deux questions très courtes. D'abord, vous n'avez pas cité les noms des trois fournisseurs d'énergie ayant conclu une convention avec l'Anah, quels sont-ils ?

Ensuite, par rapport à l'Anah et à ses crédits qui sont aujourd'hui sous-dimensionnés par rapport aux besoins, j'aimerais connaître votre position sur les conséquences pour les opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) qui sont en cours, des évolutions de ressources de l'Anah.

M. Joël Labbé. - Pour ma part, je veux insister sur le fait que les territoires ruraux méritent une attention spécifique. Dans la mesure où nous pouvons contribuer au soutien à leur développement, il faut apporter des réponses par rapport à l'aménagement du territoire et l'irrigation du territoire par des populations nouvelles.

Je voudrais réagir sur la question des 2 000 migrants de Calais qui ont refusé leur relogement ailleurs sur le territoire. Je suis allé à Calais avec mon groupe il y a deux mois, nous y avons rencontré plusieurs spécialistes, parmi lesquels Daniel Cohn-Bendit. Il nous a expliqué qu'une part des migrants n'a jamais eu aucune intention de s'installer en France, ils cherchent à rejoindre l'Angleterre. C'est un comportement compréhensible, si vous étiez dans cette situation, avec votre famille qui est en Angleterre, vous chercheriez à la rejoindre par tous les moyens, au péril de votre vie si nécessaire. Attention donc en cette période à ce que l'on dit.

La question des migrations ne va pas être résolue comme ça, elle va se poursuivre. La question de l'Afrique par exemple, je ne sais pas où en est le projet de Jean-Louis Borloo pour ce continent, mais je le trouve particulièrement intéressant. Je suis allé il y a trois ans avec une délégation au Niger, qui connait le plus bas niveau de vie du monde. La population du Niger est extrêmement jeune, mais le gouvernement ne peut pas la nourrir, et n'a plus les moyens de l'éducation. Nous devons les soutenir, les accompagner, mais pas leur donner des leçons. Il y a des accords aujourd'hui en vigueur avec les pays d'Afrique qui lui sont défavorables : l'APE, l'accord de partenariat économique avec l'Afrique de l'Ouest, permet d'écouler un certain nombre de produits français dans ces régions, et représentent donc une concurrence avec leur propre alimentation et leur propre élevage qui méritent d'être développés.

À propos des migrations, il va falloir trouver des équilibres Nord-Sud, et nous n'en prenons jusqu'ici pas suffisamment le chemin.

Mme Dominique Estrosi Sassone. - Sur les crédits d'hébergement d'urgence, on ne conteste pas que les crédits alloués ont augmenté, mais nous savons qu'ils ne seront pas suffisants. D'autre part, les associations attendent une réforme structurelle en la matière, et il n'y a pas aujourd'hui ne serait-ce que le début d'une réflexion sur ce sujet, alors qu'il faudrait que nous mettions en place une véritable politique publique relative à l'hébergement d'urgence. Il ne faut pas créer de concurrence entre les différents publics concernés, mais apporter la meilleure réponse possible à leurs besoins. On a vu que les moyens consacrés à l'accompagnement sont dérisoires, et que l'accompagnement reste donc à géométrie variable. Pour certaines populations, sans accompagnement, on ne pourra pas faire face aux difficultés auxquelles elles sont confrontées.

Aujourd'hui, les places dans les CAO n'ont pas été répertoriées par les SIAO, qui sont censés gérer au niveau départemental l'offre et la demande en matière d'hébergement d'urgence. Cela ne permet pas d'orienter les demandeurs vers les structures les plus adaptées, ni d'anticiper la fermeture de CAO. De fait, cela crée des tensions entre les personnes hébergées dans les CAO et celles qui sont hébergées en dehors de ces structures.

Sur les APL, il ne s'agit pas de remettre en question la réforme amorcée l'an passé. Mais il faut tenir compte des enseignements du terrain, afin de permettre une adaptation du dispositif. Sur ce qui s'est passé dans les Alpes-Maritimes, les difficultés en matière d'APL sont liées aux seuils de dégressivité en fonction des loyers, qui touchent fortement les personnes modestes, et notamment les personnes âgées.

Les objectifs de construction ne sont pas dans le projet de loi de finances. Or, on nous demande de nous prononcer sur des sommes sans savoir à quoi elles vont être véritablement destinées.

Sur la contribution d'Action Logement au budget de l'Anah, effectivement il ne reste plus que 50 millions d'euros pour l'année 2017, contre 100 millions normalement, en raison du versement par anticipation de 50 millions pour compléter le budget 2016. C'est un gros problème, d'autant plus que le programme « Habiter mieux » est en augmentation en termes d'objectifs de logements à rénover.

Sur les fournisseurs d'énergie, il s'agit d'EDF, d'Engie et de Total. L'Anah a besoin aujourd'hui de ressources stables, peut-être à travers la taxe sur les logements vacants. Les quotas carbone devraient venir comme une ressource supplémentaire, non comme la ressource principal, du fait de sa volatilité.

Enfin sur la question de M. Poniatowski, je ne suis pas en mesure de lui répondre car cela relève du ministère de l'Intérieur.

Sur les interrogations de M. Courteau, les CITE ne relèvent pas de cette mission, mais de la mission « Écologie », et puisque ce soir Mme la Ministre Ségolène Royal est auditionnée par notre commission, je vous encourage à lui poser cette question.

M. Jean-Claude Lenoir, Président. - Merci Mme la rapporteure. Vous présentez un avis défavorable, cet avis est partagé par la commission, à l'exception des groupes socialiste, communiste et écologiste.

La commission émet un avis favorable aux crédits de la mission « égalité des territoires et logement ».

Projet de loi de finances pour 2017 - Mission « Politique des territoires » - Crédits « Ville » - Examen du rapport pour avis

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Nous passons maintenant à l'examen du programme « politique de la ville » de la mission « politique des territoires ».

Mme Annie Guillemot, rapporteure. - Monsieur le Président, mes chers collègues, il me revient de vous présenter les crédits du programme 147 « Politique de la ville » qui est rattaché à la mission « politique des territoires ».

L'examen de ces crédits intervient dans le cadre de la nouvelle géographie prioritaire dont les instances sont désormais installées.

S'agissant des crédits du programme, je tiens à saluer les efforts du gouvernement pour préserver les crédits destinés aux quartiers prioritaires de la ville (QPV), la diminution prévue par le projet de loi initial étant une baisse purement optique en raison de la diminution des crédits nécessaires à la compensation des charges sociales des entreprises installées dans les zones franches urbaines avant le 1er janvier 2015.

Après examen par l'Assemblée nationale, les crédits du programme 147 augmentent en raison du retour de l'Etat dans le financement du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU).

Les crédits de l'action 1 regroupent d'une part l'ensemble des crédits d'intervention dans les quartiers prioritaires, soit 193 millions et, d'autre part, des dispositifs spécifiques tels que le programme de réussite éducative et les adultes-relais soit 144,5 millions. Ces crédits sont stables.

Aux crédits spécifiques de la ville, il ne faut pas oublier d'ajouter les crédits de droit commun, qui représentent 4,2 milliards d'euros, pour lesquels il convient d'être particulièrement vigilant quant à leur déploiement. Nombre d'élus se plaignent d'un manque de lisibilité de ces crédits. Les conventions interministérielles sont en cours de renouvellement et devraient contenir des engagements plus précis sur les montants et les moyens mobilisés.

Je voudrais attirer votre attention sur un point qui mobilise nombre d'élus : c'est l'impact des réformes des dotations et des compensations partielles d'exonération.

Le gouvernement a engagé la réforme de la DSU. Cette réforme, qui devrait permettre un rééquilibrage du versement de la dotation entre les communes, aura nécessairement des conséquences sur les modalités de versement de la dotation de la politique de la ville (DPV) dans la mesure où l'éligibilité à la DSU est une des trois conditions pour en bénéficier. La réforme de la dotation de la politique de la ville annoncée l'an dernier est reportée à 2017. Son montant augmentera de 50%, ce qui permettra de compenser sur le plan financier les effets de la réforme de la DSU.

Mais ce sont les compensations des exonérations de TFPB qui mobilisent fortement les élus. Ces exonérations entraînent une perte de recettes qui n'avait pas nécessairement été bien anticipée par les nouvelles communes entrant dans le dispositif de la géographie prioritaire et ce d'autant plus que la perte de recettes n'est pas entièrement compensée par l'État. Le taux de compensation ne dépasserait pas 40% selon France Urbaine.

A cette absence de compensation intégrale de l'exonération de TFPB, s'ajoute le constat d'un manque d'engagement de certains bailleurs sociaux pour mobiliser des moyens dans la gestion urbaine de proximité (GUP) en contrepartie des exonérations obtenues.

Plusieurs propositions ont vu le jour pour remédier à cette situation. Le projet de loi Egalite et citoyenneté prévoit de rendre obligatoire la conclusion d'une convention d'utilisation de l'abattement au bénéfice des locataires. Les bailleurs sociaux se sont mobilisés pour conclure ces conventions. Toutefois, des associations d'élus proposent d'aller plus loin. L'Assemblée nationale a adopté un amendement permettant à une collectivité de s'opposer à l'exonération ou à l'abattement précités lorsqu'elle compte plus de 25% de logements sociaux et un amendement prévoyant que les constructions neuves se substituant à des logements sociaux dans le cadre d'une opération de l'Anru et ayant bénéficié de ces exonérations ne pourront plus en bénéficier lorsque le taux de logements sociaux dépasse 50%. Je comprends ces démarches mais je m'interroge sur les effets de telles mesures : ce transfert de compétence vers les élus locaux emportera-t-il la fin de la compensation par l'État ? Quelles sont les conséquences de telles mesures pour les bailleurs sociaux et leur engagement dans le NPNRU ? Je note que la ministre du logement nous a dit partager ces mêmes craintes.

J'en viens à la mise en oeuvre des programmes de rénovation urbaine.

Un mot du PNRU, 2015 était la dernière année d'engagement. L'Anru a dû revoir ses besoins de financement en raison d'une accélération des paiements entre 2016 et 2018. L'agence a donc mobilisé un complément de trésorerie auprès d'Action Logement comme le prévoyait la convention entre l'Etat, l'ANRU et Action logement et a toujours la possibilité de mobiliser les fonds de la Caisse des dépôts et consignations à hauteur d'un milliard d'euros.

J'en viens au NPNRU. Je rappelle que l'Etat s'est désengagé du financement des programmes de rénovation urbaine depuis 2009. Il revient donc à Action logement de financer la quasi-totalité des 5 milliards d'euros prévus pour la réalisation du NPNRU.

Avec les crédits actuellement prévus, ce sont en moyenne 20 millions d'euros qui peuvent être accordés à chaque projet, alors même que le montant moyen atteignait 44 millions dans le 1er programme (PNRU). Sans moyens supplémentaires pour faire face aux enjeux de rénovation urbaine, même s'ils ne sont pas à la hauteur du premier programme, beaucoup d'élus craignent de devoir revenir sur l'ambition même de leur projet, certains craignant même un « plan au rabais ».

Vous le savez, le gouvernement a pris la mesure de ces inquiétudes et annoncé le retour de l'Etat dans le financement du NPNRU à hauteur d'un milliard. 6 milliards seront donc affectés au NPNRU. Les crédits du programme 147 ont été modifiés en conséquence. L'Etat allouera 100 millions dès 2017 en autorisations d'engagements et 15 millions en crédits de paiement. Certains me diront que ce n'est pas assez. C'est vrai, neuf milliards seraient au moins nécessaire d'après les différents acteurs de la politique de la ville. Mais, ce retour de l'Etat doit être vu comme un premier pas, comme ce fut le cas pour le PNRU où la loi a été modifiée à plusieurs reprises pour augmenter les fonds qui étaient consacrés à ce programme.

Ces fonds supplémentaires apportés par l'Etat permettront de prendre en charge les équipements et notamment les écoles, en effet Action logement considère qu'il ne lui appartient pas de les financer et que sa contribution doit concerner au premier chef le logement.

Nombre d'élus sont en attente de la mise en oeuvre du NPNRU et redoutent une interruption trop longue entre PNRU et NPNRU.

La quasi-totalité des protocoles nationaux déposés dans le cadre du NPNRU devraient être examinés d'ici la fin de cette année par l'ANRU, les premières signatures de conventions opérationnelles devant intervenir en 2017.

Les élus engagés dans des programmes de renouvellement urbain m'ont aussi fait part de leur attente devant le manque d'information quant aux niveaux d'investissement qui seront réalisés par l'Anru, retardant ainsi la mise en oeuvre des opérations. Le retour de l'État dans le financement du NPNRU devrait permettre de débloquer la situation. Je m'en félicite.

De plus, le règlement du NPNRU continue de susciter des critiques. Plusieurs associations d'élus dénoncent les « exigences sans fin de l'Anru » alors même qu'une simplification des procédures avait été engagée depuis 2011.

Les représentants de l'Union sociale pour l'habitat sont également revenus sur le niveau des subventions accordées aux opérations de démolition, désormais limitées à 70%, qui ne permettrait de couvrir qu'une partie des pertes financières.

Cette situation d'attente suscite l'attente des élus mais aussi des habitants des quartiers qui ont été associés au projet de rénovation et qui ne comprennent pas pourquoi les projets ne démarrent pas. L'Anru doit prendre conscience de la situation. Il faut que les projets démarrent.

Je tiens à rappeler que cette action de l'Anru s'inscrit dans les politiques de logement et de peuplement. Des dispositions relatives à la mixité sociale dans l'habitat sont en cours d'examen dans le projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté. Elles concernent les attributions de logements sociaux et l'application de la loi SRU et concourent à casser les logiques de ségrégation. On ne peut concevoir l'action de l'Anru de façon indissociable de ces axes politiques.

J'en viens maintenant à mon troisième point qui concerne le développement économique des quartiers. Le présent programme y consacre 97,12 millions d'euros : 48,62 millions sont ainsi prévus à l'action 1 pour l'emploi et l'insertion et 48,5 millions d'euros à l'action 2 pour les zones franches urbaines et l'EPIDe. Les crédits de l'action 2 diminuent mais uniquement pour des effets d'optique en raison de la diminution des crédits nécessaires à la compensation des charges sociales des entreprises installées dans les ZFU avant le 1er janvier 2015

Je ne reviens pas sur les différentes dispositifs qui permettent d'améliorer la qualification des jeunes ou l'accès à l'emploi : garantie jeunes, contrat-starter, rôle de l'EPIDe.

Le gouvernement a souhaité aider en 2016 plus particulièrement les jeunes diplômés des quartiers. Pôle emploi a ainsi reçu plus de 9000 jeunes. Cette mobilisation a été positive, 31% des jeunes sortis des fichiers de demandeurs d'emplois ont trouvé un emploi.

Plusieurs mesures prises en 2016 concernent la création des entreprises dans les quartiers. L'Agence France Entrepreneur a été installée, elle a commencé ses travaux de repérage des quartiers prioritaires ayant besoin d'être couverts par des réseaux d'accompagnement. Il est encore trop tôt pour tirer un bilan de son action. En outre, des engagements en faveur de l'entrepreneuriat des femmes ont été réaffirmés afin d'aider ces dernières à concrétiser leurs projets et à oser lancer leur entreprise. Enfin, un nouveau fonds de garantie pour accompagner les entrepreneurs des quartiers devrait être mis en place d'ici la fin de l'année.

Des mesures ont également été prises en matière de soutien à l'immobilier économique. Le gouvernement a annoncé la mise en place d'une exonération fiscale en faveur des commerces de plus de 50 salariés réalisant un chiffre d'affaires de 12 millions d'euros.

J'en viens maintenant à mon dernier point : l'éducation prioritaire.

Plusieurs mesures ont été mises en oeuvre dans ce cadre :

- le dispositif « Plus de maîtres que de classes » en priorité dans les réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+).

- le développement de la scolarisation des enfants de moins de trois ans. Celle-ci a ainsi progressé pour atteindre à la rentrée 2015, 22% en REP+ et 17,5% en REP. Cependant, l'Association ville et banlieue nous a fait part d'un autre constat : la progression de la non scolarisation des enfants âgés de 3 à 6 ans dans certains quartiers prioritaires. Or, aucun indicateur budgétaire ne porte sur l'école maternelle et l'école primaire, ce qui ne nous permet pas de contrôler ce phénomène, ce que je regrette.

La carte de l'éducation prioritaire a été refondue en 2015 pour tenir compte de la géographie prioritaire. À la rentrée scolaire de 2016, 99% des collèges REP+ sont en QPV ou à moins de 1000 mètres et 85% des écoles REP+ sont en QPV ou à moins de 200 mètres. Il faut poursuivre les efforts en ce sens.

Le Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco) a publié en septembre 2016 un rapport qui a fait beaucoup de bruit puisqu'il porte une critique sévère sur les dispositifs de l'éducation prioritaire en soulignant ses effets négatifs : stigmatisation des établissements classés en éducation prioritaire, moyens supplémentaires accordés qui demeurent insuffisants pour créer une véritable différence, climat scolaire moins favorable, enseignants moins expérimentés et qui changent régulièrement. Toutefois, il faut atténuer cette critique, le CNESCO reconnaissant lui-même que les nouvelles mesures prises par le gouvernement allaient dans le bon sens, même si elles ne règlent pas tout et proposait de renforcer la mixité sociale des collèges les plus ségrégués.

Dans son enquête sur l'éducation dans les quartiers prioritaires, l'association des maires Ville et Banlieue de France soulignait l'impuissance des maires face à l'absence de mixité sociale dans certains établissements scolaires, le développement de stratégies d'évitement des établissements de ces quartiers et le développement d'une offre scolaire communautaire. Le gouvernement prendra par ordonnances des dispositions pour renforcer le contrôle de ces établissements privés hors contrats. Je m'en félicite.

En matière d'éducation, le programme 147 que nous examinons prend en charge les crédits du programme de réussite éducative. 77,3 millions d'euros y seront consacrés en 2017, soit un montant équivalent à celui de l'an dernier. Ce programme prend en compte l'enfant en difficulté scolaire dans sa globalité et permet une intervention dans le champ scolaire mais aussi culturel, social et sanitaire.

Dix ans après sa mise en place, le ministère de la ville a lancé une évaluation de ce programme. Deux études ont été réalisées dont les résultats divergent mais se rejoignent sur le fait que lorsque la situation des enfants est marquée par un cumul de fragilités et un contexte socio-économique et familial très fragile, les PRE ont beaucoup moins d'impact. Le gouvernement a réagi rapidement afin de corriger le dispositif. Il a ainsi été décidé de recentrer le dispositif sur les enfants ayant certaines difficultés et pour lesquels les études ont montré que le programme était efficace.

L'importance d'approfondir le travail dans une optique de soutien à finalité scolaire et le dialogue avec l'Éducation nationale et les enseignants a été rappelée. Il a ainsi été décidé de mettre en place des parcours davantage adaptés aux difficultés des enfants et plus centrés sur l'école.

En conclusion, Monsieur le Président, mes chers collègues, le montant des crédits affectés à ce programme 147, qui augmente, est satisfaisant.

Je vous invite à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de ce programme 147 et à l'adoption de l'article 58 bis rattaché à ce programme qui prévoit que 6 milliards d'euros seront affectés au NPNRU.

M. Jean-Claude Lenoir. - Excellent rapport. Je donne la parole à M. Daniel Raoul, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Daniel Raoul, rapporteur spécial de la commission des finances. - J'ai peu à ajouter au rapport très complet présenté par Annie Guillemot. Je regrette toujours que le budget de la politique de la ville soit séparé du budget du logement. Ce n'est pas cohérent.

Il faut également évoquer l'enjeu du déploiement des crédits de droit commun. Certains ministères sont tentés de s'en affranchir en considérant que certaines opérations relèvent du projet de l'Anru. Ainsi, pour les collèges et lycées situés dans ces QPV, l'éducation nationale, la région, le département ne doivent pas s'affranchir de leurs obligations et se retrancher derrière les opérations de l'Anru.

Sur le financement du NPNRU, je me félicite du retour de l'Etat. C'est un premier pas avec un milliard d'euros sur 10 ans, 100 millions d'euros d'autorisations d'engagement étant versés dès 2017. Je salue l'effort financier supplémentaire d'Action logement en raison de la « bosse »  de décaissement qui s'est accentuée. Cet effort était certes prévu dans la convention quinquennale entre l'Etat, l'Anru et Action logement mais pas de sitôt.

L'enquête de la Fédération française du bâtiment analyse les réussites et les échecs de la politique de la ville. Dans les échecs, il y a la question de la réussite scolaire. Il n'y a pas eu d'évolution malgré les efforts. La fédération prend ainsi l'exemple de la réussite au brevet des collèges pour lequel les rénovations ont été sans incidence.

La commission des finances a donné un avis favorable à l'adoption des crédits.

M. Martial Bourquin. - Je partage les conclusions de la rapporteure. Sur le bâti, les programmes de rénovations urbaines sont un succès. Il faut cependant veiller lors d'opérations de démolition à ce que le relogement soit adapté aux ressources et besoins des locataires. Il ne faut pas se limiter à la réhabilitation du bâti, la gestion urbaine de proximité doit également accompagner ces politiques de la ville.

En matière économique, je voudrais souligner le rôle des missions locales et rappeler l'importance des clauses d'insertion professionnelle. Les habitants doivent être directement intéressés au PNRU via ces clauses.

Mon seul bémol concerne les zones franches urbaines (ZFU) qui ont notamment attiré des professions libérales sans que cela ne profite aux habitants de ces quartiers en matière d'emplois. Les critères doivent être revus. La mise en place de l'Agence France entrepreneur est une très bonne chose. Si on veut que la création d'entreprises dans les quartiers ne soit pas éphémère il faut qu'il y ait de l'accompagnement. L'économie sociale et solidaire doit également être favorisée.

M. Daniel Dubois. - L'action dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville appelle plusieurs réflexions.

Ces actions doivent être menées dans la durée. Il faut selon moi au moins 20 à 25 ans pour assurer la réussite de ces opérations sur les territoires. L'urbanisme est une des réponses, le peuplement en est une autre. La proposition d'attributions de logements à des demandeurs autres que ceux appartenant aux quartiles des demandeurs les plus pauvres qui figure dans le projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté est une proposition intéressante mais en termes de réalisation, tout ceux qui vivent dans ces quartiers ou qui en sont des acteurs y intervenant savent bien que cette proposition sera difficile à mettre en oeuvre.

Se pose la question de la gouvernance sur la durée entre les collectivités et l'Etat. Des sous-préfets de politique de la ville doivent être désignés pour être le lien opérationnel permettant le déploiement des crédits de droit commun, d'assurer des services de proximité, la sécurité et faisant le lien avec la collectivité. A défaut, on aura des difficultés à assumer la cohérence d'ensemble.

M. Daniel Raoul, rapporteur spécial. - Il n'y a pas que le béton. Dans une opération de l'Anru, il faut aussi agir en matière économique, sociale pour recréer de la mixité. Le délégué du préfet doit coordonner les opérations.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - J'ai travaillé avec les bailleurs sociaux sur la situation de ces quartiers. Pour un petit nombre de quartiers, plus d'une dizaine, il faut des procédures d'exception pour répondre au trafic de drogue, à la montée des fondamentalismes, à la quasi absence de services publics, ou encore aux difficultés des gardiens pour être opérationnels « en toute liberté ». Ce n'est pas une question budgétaire. Il faut une procédure d'exception applicable à ces quelques quartiers et pas seulement en matière d'ordre public. C'est le cas s'agissant des copropriétés dégradées. Il faut que l'État prenne la main en partenariat avec les collectivités. En effet la situation actuelle est difficile à gérer pour les collectivités concernées. Probablement qu'il faudra également démolir de façon plus importante dans ces quartiers et mettre en place un délai de viduité.

M. Marc Daunis. - On ne peut que se féliciter du maintien des crédits pour la politique de la ville. Mais à la différence de Marie-Noëlle Lienemann, je ne pense pas qu'on ait besoin d'une procédure d'exception qui supposerait la mise en oeuvre de critères. Il faut une prise de conscience de la situation du quartier concerné et établir un consensus entre l'Etat, la collectivité et les acteurs concernés en faveur d'une mobilisation exceptionnelle. Il faut accepter un pilotage dérogatoire au niveau territorial pour mieux cibler les interventions. Sans consensus territorial sur une démarche ciblée, nous aurons toujours les mêmes débats.

Mme Annie Guillemot, rapporteure pour avis. - Je partage beaucoup de vos remarques. Sur la durée, il faut arriver à changer l'image des quartiers y compris en créant des jachères. Je partage l'avis de Marie-Noëlle Lienemann sur les copropriétés, nous n'avons pas assez d'outils. A voir ce qui se passe dans certains quartiers de Clichy, ou les quartiers Nord de Marseille, il faudra démolir de façon plus importante mais surtout que la loi de la République revienne, car c'est l'école, nos services publics qui y sont en péril.

Sur les ZFU, les critères ont été modifiés afin d'éviter les effets d'aubaine. Sur le relogement, il faut évidemment être attentif.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur les crédits du programme « Politique de la ville » de la mission « Politique des territoires » et sur l'article 58 bis qui est rattaché à cette mission.

La réunion est close à 12 h 18

- Présidence conjointe de M. Jean-Claude Lenoir, président et de M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable -

Audition de Mme Ségolène Royal, ministre de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer, chargée des Relations internationales sur le climat

La réunion est ouverte à 17 heures.

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Nous sommes très heureux de vous accueillir pour faire le point sur la mise en oeuvre de la loi de transition énergétique pour la croissance verte.

Promulguée le 17 août 2015, essentielle pour le respect de nos engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris, cette loi avait mobilisé nos deux commissions et leurs rapporteurs - Louis Nègre pour le développement durable, Ladislas Poniatowski pour les affaires économiques - pendant de longs mois au premier semestre 2015.

Dix-huit mois plus tard, il nous paraît indispensable de pouvoir faire un premier bilan de son application.

Le président Jean-Claude Lenoir vous parlera, je n'en doute pas, de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), enfin publiée, et de ses vicissitudes... Pour notre commission, Louis Nègre vous interrogera sur la mobilité et les transports. En ce qui me concerne, je voudrais m'arrêter sur deux ou trois sujets qui me paraissent particulièrement importants.

La loi a fixé des objectifs ambitieux en matière de transition énergétique, que ce soit pour le développement des énergies renouvelables (32 % dans le mix énergétique à horizon 2030), la réduction de la consommation énergétique (de 50 % à horizon 2050) ou encore la réduction et le retraitement des déchets.

Nous les avons pour la plupart acceptés et votés. Les collectivités, déjà très investies, sont prêtes à s'engager dans cette transition, qu'elles savent source de richesses et d'emplois. Cependant, comment peuvent-elles le faire sans moyens financiers ou sans retour d'une part de fiscalité écologique qui pourrait être fléchée vers leurs actions ?

Deux échelons territoriaux seront en première ligne : les régions qui vont devoir élaborer les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui doivent mettre en place les plans climat air énergie territoriaux (PCAET).

On a évalué que si la rédaction d'un tel document de planification reviendra pour les collectivités à environ 1 euro par habitant, sa mise en oeuvre effective sur le territoire pourrait coûter entre 100 et 200 euros par habitant. Où trouver ces sommes, alors même que les EPCI à fiscalité propre ont vu leurs dotations se réduire au cours des dernières années ?

Le Fonds territoires à énergie positive permet certes à certains territoires de bénéficier d'une aide spécifique. Mais il s'agit bien souvent - et tant mieux ! - de territoires déjà engagés dans une démarche de transition. Qu'en sera-t-il pour tous les autres, ceux qui, moins avancés aujourd'hui, voudront néanmoins s'engager ? Et quelle garantie de pérennité pour cette aide ?

Autre exemple de financement insuffisant : le Fonds chaleur. Depuis 2014, vous nous annoncez, madame la ministre, son doublement. Or, ce n'est toujours pas le cas, il reste plafonné à un peu plus de 200 millions d'euros par an.

Pourtant, ce fonds a prouvé son efficacité : entre 2009 et 2015, il a permis de financer 3 600 installations et 1 700 km de réseaux de chaleur, soit 4,7 milliards d'investissement pour un peu plus d'1 milliard apporté. Et ces réseaux ont le grand avantage de distribuer près de 50 % d'énergies renouvelables. Ils sont donc un excellent outil pour mettre concrètement en place la transition énergétique. Nous regrettons que l'augmentation annoncée n'ait pas eu lieu.

Un dernier exemple de notre déception : la réforme de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) contenue dans le projet de loi de finances rectificative présenté la semaine dernière en Conseil des ministres. Elle nous semble avoir essentiellement pour objectif d'apporter des recettes au budget de l'État plutôt que de chercher réellement à améliorer la gestion des déchets par les collectivités.

Un cycle se termine avec la fin de la présidence française de la COP. Vous avez joué un rôle majeur pour obtenir la ratification de l'Accord de Paris, dans un délai très court. Nous souhaitons que la dynamique engagée perdure au-delà de la COP22 à Marrakech. Le rôle de la France est essentiel. Il y a une obligation morale à ce que l'État accompagne les collectivités locales qui sont en première ligne dans la mise en oeuvre de cette transition énergétique.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. - Comme vous vous en souvenez, lors de l'examen de la loi de transition énergétique, le Sénat avait plaidé pour un mix électrique résolument décarboné assis sur ses deux pieds, le nucléaire et les énergies renouvelables - que nous avions défendus, n'en déplaise à certains, tout aussi résolument l'un que l'autre. Je rappelle que c'est à l'initiative du Sénat qu'avait été introduit le principe d'un relèvement progressif de la taxe carbone sur les énergies fossiles, le tout en parfaite cohérence avec notre vision d'une société décarbonée et l'objectif, partagé, de lutte contre le changement climatique.

Or, certaines décisions du Gouvernement en la matière, passées ou à venir, nous interpellent. Ainsi, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), censée décliner opérationnellement les objectifs de la loi, fait-elle largement l'impasse sur le nucléaire, puisque l'essentiel des décisions à prendre est renvoyé à l'après-2019... Nous comprenons d'autant mieux vos difficultés que nous avions nous-mêmes présenté comme inatteignable l'objectif des 50 % d'électricité nucléaire à l'horizon 2025...

Ce qui m'amène à la question de la fermeture de la centrale de Fessenheim, la seule à être mentionnée spécifiquement dans la PPE et dont nous découvrons, au détour d'une page du projet de loi de finances rectificative pour 2016 que le Gouvernement propose d'ouvrir 446 millions d'euros sur le programme « Service public de l'énergie » - sans d'ailleurs aucun rapport avec son objet premier, qui est de financer la péréquation tarifaire et les tarifs sociaux - pour, et je cite la seule phrase d'explication, « assurer l'engagement du protocole relatif à la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim ». Pouvez-vous nous en dire plus ? En particulier, ce montant correspondrait-il à la seule part fixe de l'indemnité ou inclurait-il tout ou partie de la part variable fonction de l'évolution des prix de marché de l'électricité ? Comment seraient financés ces 446 millions d'euros et pourquoi faudrait-il les inscrire dès 2016 alors que la fermeture ne devrait intervenir, au mieux, qu'au dernier trimestre 2018, avec la mise en service de l'EPR de Flamanville ?

J'aborderai, enfin, deux autres sujets d'inquiétude qui témoignent, madame la ministre, de notre intérêt pour toutes les énergies décarbonées.

En premier lieu, le Gouvernement prévoit, dans un texte que nous examinerons prochainement, d'interdire la valorisation des garanties d'origine, qui attestent du caractère vert de l'électricité achetée, pour les installations bénéficiant déjà d'un soutien public. Or, comme la plupart, sinon tous les acteurs concernés (producteurs, fournisseurs et consommateurs), nous ne comprenons pas comment une telle mesure favoriserait le développement des énergies renouvelables en supprimant toute traçabilité de l'électricité verte ; pourriez-vous justifier la position du Gouvernement sur cette question ?

En second lieu, nous avons compris que les discussions avec la Commission européenne sur l'ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques se poursuivaient et que la Commission prônait en particulier une sorte d' obligation de résultat - en clair, qu'EDF perde un certain nombre de ces concessions, ce qui poserait justement question du point de vue du droit de la concurrence... En réponse, l'État réfléchirait, selon nos informations, à la mise sur le marché d'une partie de la production hydroélectrique d'EDF, un peu sur le modèle de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) pour le nucléaire. Pourriez-vous nous en dire plus sur cette hypothèse et nous préciser quand les premières procédures pourraient être lancées et combien de concessions seraient concernées ?

Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. - Je suis très heureuse de venir vous rendre des comptes sur l'application de la loi de transition énergétique. La COP 22 s'est achevée dans la continuité de la COP21 où la France a joué un rôle majeur. Désormais, 77 % des émissions de gaz à effet de serre sont couvertes par les ratifications de 112 pays. La France a été sollicitée par le Maroc, mais aussi par les Iles Fidji qui présideront la prochaine COP, pour continuer à monter en puissance sur les ratifications, et pour aider à renforcer les coalitions et à garantir la mise en place des financements, grâce à l'efficacité de son réseau diplomatique qui a fait ses preuves. J'engagerai la même démarche que pour la COP21, en demandant au gouvernement de chaque pays son agenda en matière de ratification des accords pour mettre en oeuvre la transition énergétique, la stratégie bas carbone et la PPE.

Si la France a été crédible pour conduire les négociations de la COP21, c'est parce qu'elle a su s'appliquer à elle-même les principes qu'elle demandait aux autres pays de respecter. Je tiens à saluer une nouvelle fois la qualité des travaux de la Haute Assemblée sur la transition énergétique, dans les commissions et dans le débat parlementaire. Nous avons réussi à proposer un mix énergétique satisfaisant pour tous, de sorte que le Sénat a voté à l'unanimité la ratification de l'Accord de Paris, construisant ainsi une image solide de la France. Les entreprises françaises se positionneront d'autant plus facilement sur le marché mondial de la transition énergétique.

Dix-huit mois après la promulgation de la loi, la quasi-totalité des textes sont publiés. Jamais l'on n'a observé une telle rapidité dans l'histoire législative et réglementaire sur un texte aussi complexe et aussi dense. La totalité des dix-huit ordonnances, correspondant à 55 habilitations, a été soumise au Conseil d'État. La dernière ordonnance passera en conseil des ministres d'ici la fin de l'année. Il s'agit de celle sur les réseaux fermés de distribution d'électricité.

Les ratifications avancent rapidement. Le projet de loi de ratification des ordonnances sur les énergies renouvelables et l'autoconsommation est actuellement en examen au Parlement. 98 % des décrets portant sur un nombre exceptionnel de 162 mesures regroupées dans 96 textes sont mis en signature, et 85 % sont déjà publiés. Cela a nécessité un travail considérable pour les agents du ministère, dont je salue la constance et la ténacité.

Les cinq grands outils de planification sont en place. La stratégie nationale bas-carbone, publiée en novembre 2015, constitue la base de la contribution française de l'Accord de Paris. Elle a nécessité des discussions avec l'ensemble des filières industrielles et économiques. Les programmations pluriannuelles de l'énergie sont publiées pour la métropole, pour la Corse et pour la Réunion. Les autres PPE des outre-mer sont en cours d'élaboration et seront prochainement soumises à consultation. La PPE pour la France métropolitaine va de pair avec une stratégie nationale de développement de la mobilité propre. Le plan de réduction des polluants atmosphériques est en cours de consultation obligatoire et devrait sortir dans quelques semaines. Enfin, la stratégie nationale de recherche énergétique est actuellement en examen au Conseil national de la transition écologique et devrait être prochainement publiée.

L'application de la loi a fait l'objet d'une intense concertation avec les parties prenantes. Nous avons co-construit ce texte dans le débat parlementaire et les textes d'application ont également été co-construits avec les acteurs concernés. Pour la première fois, la stratégie énergétique de la France a fait l'objet d'un débat ouvert avec la société civile. L'élaboration de la PPE a donné lieu à des réunions de travail impliquant les secteurs économiques concernés et la concertation publique a produit 5 000 contributions que j'ai toutes examinées, personnellement. Certaines d'entre elles ont été intégrées au texte.

L'efficacité énergétique est le premier pilier de la loi de transition énergétique. L'objectif fixé est de réduire la consommation finale de 20 % entre 2020 et 2050. J'ai annoncé au début du mois de novembre le doublement des objectifs pour la prochaine période, avec les certificats d'économies d'énergie. L'objectif sera de 1 200 TWh cumulés pour les certificats classiques contre 700 pour la période qui prend fin, et de 400 TWh pour les certificats dédiés à la lutte contre la précarité énergétique. Les travaux réalisés grâce à ces certificats d'économies d'énergie réduiront de 10 milliards d'euros par an la facture énergétique des ménages, des entreprises ou des organismes publics. Ces objectifs seront fixés par décret en Conseil d'État pour donner de la visibilité aux fournisseurs d'énergie concernés.

Les aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) pour la rénovation ont été renforcées avec le produit des quotas carbone et le soutien exceptionnel du Fonds de financement pour la transition énergétique, afin de porter de 70 000 à 100 000 le nombre de logements rénovés en cours d'année. La loi a mis en place d'autres moyens pour lutter contre la précarité énergétique. Le chèque énergie est en cours d'évaluation après une expérimentation dans quatre départements. Nous avons défini un critère de décence du logement que j'ai transmis pour examen au Conseil d'État. Le texte fixant les critères minimaux de performance énergétique dans les logements HLM est publié. Enfin, le dispositif du Fonds de garantie pour la transition énergétique qui facilite les prêts aux ménages modestes est en place.

Dans le domaine du bâtiment, 12 décrets sur 16 sont publiés, dont 4 sont encore à l'examen en Conseil d'État. Le décret sur la rénovation des immeubles tertiaires et celui sur l'exemplarité des bâtiments publics devraient être prochainement publiés. Pour ce qui est de la construction neuve, la France vise une première mondiale en préparant une réglementation environnementale du bâtiment pour les bâtiments à énergie positive et les bâtiments bas carbone. Dans les territoires à énergie positive, les architectes vont déjà au-delà de la norme en construisant des bâtiments qui produisent au moins autant d'énergie qu'ils en consomment.

Un autre décret précise que les projets exemplaires peuvent bénéficier d'un bonus de constructibilité. Une expérimentation a été lancée la semaine dernière pour préciser les futurs standards réglementaires. Mieux vaut en effet procéder par incitation que d'imposer des normes impossibles à tenir. La loi fixe la date de 2018 pour que tous les nouveaux bâtiments soient à énergie positive et bas carbone.

La remise aux normes des constructions existantes a été un chantier considérable pour répondre au défi du bâtiment économe. La loi fixe comme objectif que la totalité du parc de bâtiments soit aux normes basse consommation à l'horizon 2050. La réglementation thermique s'appliquant aux bâtiments existants a été révisée en ce sens.

Les travaux d'isolation thermique ont aussi fait l'objet d'un décret publié depuis six mois. Il prévoit l'isolation thermique et acoustique en cas de travaux de rénovation importants, c'est-à-dire les fameux « travaux embarqués ».

Enfin, le décret sur les travaux de rénovation énergétique dans le secteur tertiaire, qui vise une réduction de la consommation d'énergie de 60 % à l'horizon 2050, a également été publié.

La loi renforce l'information des ménages en matière de performance énergétique. Le texte sur l'obligation des compteurs individuels de chaleur dans les immeubles collectifs a été publié, malgré une résistance extravagante du secteur. Dans les copropriétés où les compteurs individuels sont installés, on observe 40 % d'économies d'énergie, du jour au lendemain. Quand les gens paient ce qu'ils consomment, ils n'oublient pas de couper le chauffage quand ils partent. Les progrès technologiques se multiplient, avec le développement d'installations simples et peu coûteuses de réglage du chauffage à distance, notamment dans le cadre de la Greentech que j'ai créée pour favoriser les start-ups.

Le carnet numérique de suivi d'entretien a fait l'objet d'une expérimentation avec les professionnels du bâtiment. Les premières conclusions seront rendues le 22 décembre prochain.

Venons-en aux transports propres et à la qualité de l'air. L'appel à projets relatif aux transports urbains a bénéficié d'une enveloppe de 450 millions d'euros de la part de l'État. Une centaine de projets destinés à favoriser les transports collectifs en site propre ont été identifiés sur l'ensemble du territoire. J'ai eu le plaisir d'inaugurer le premier transport urbain par câble, à Brest. Huit autres villes se sont engagées dans cette direction.

S'agissant des bus, les motorisations hybrides et électriques ont bénéficié d'une aide renforcée. La France s'est dotée d'une nouvelle législation avec l'indemnité kilométrique vélo, créée par l'article 50. Il est désormais possible aux employeurs volontaires de prendre en charge tout ou partie des frais engagés par les salariés utilisant le vélo pour les trajets entre leur domicile et leur lieu de travail. Le ministère de l'Environnement a ouvert la voie en appliquant de manière expérimentale cette décision à ses employés. Une réduction d'impôt est également prévue pour les sociétés qui mettent une flotte de vélos à disposition de leur personnel (à l'article 39).

L'article 55 s'applique également avec les plans de déplacement spécifiques aux territoires ruraux, et notamment les plans de mobilité rurale. Un guide méthodologique est disponible depuis juillet 2016 pour apporter une aide à l'élaboration, à la mise en oeuvre et au suivi de ces plans.

La loi favorise les plans de mobilité dans les entreprises. Obligatoires à partir du 1er janvier 2018, ces plans montent en puissance, notamment dans les entreprises de plus de 100 salariés. Une journée de mobilisation est prévue à laquelle participeront des associations d'entreprises engagées dans ce mouvement au nom de la qualité de travail de leurs salariés. Un crédit exceptionnel de 30 millions d'euros a été accordé à toutes les entreprises qui ont recours au transport combiné pour toutes leurs marchandises, avec l'objectif d'éviter la circulation de 900 000 poids lourds et 760 000 tonnes de CO2.

Quant au transport maritime, le schéma national d'orientation pour le déploiement du gaz naturel liquéfié comme carburant marin a été mis en place. Différentes initiatives ont vu le jour dans les grands ports du Havre, de Marseille, de Nantes et de Dunkerque. La France a été extrêmement réactive sur le gaz naturel liquéfié. Un appel à projets visant à sélectionner les projets de ports à énergie positive a été publié à l'été 2016 et les dossiers peuvent être déposés jusqu'au 30 novembre prochain. Il rencontre déjà un vif succès.

L'article 59 relatif à la teneur en soufre des combustibles marins a fait l'objet d'une ordonnance qui a été publiée. Nous réaliserons cette année 630 contrôles dans les ports français, dont 189 comporteront des prises d'échantillons de carburant. Au 30 septembre, 466 contrôles avaient déjà été effectués pour 7 infractions constatées qui font l'objet de poursuites judiciaires.

Le déploiement de la route solaire dans le département de l'Orne est une innovation française remarquable. Le premier kilomètre sera prochainement achevé en circuit court. Il y en aura d'autres, puisque la construction de 1 000 kilomètres de routes solaires a été annoncée à partir de l'expérimentation de ce laboratoire grandeur nature.

Nous assistons aussi à un changement d'échelle du déploiement de la mobilité électrique, puisque nous avons un objectif d'un million de points de charge publics et privés en trois ans, les points de charge privés bénéficiant du crédit d'impôt, ce que beaucoup ignorent.

Les décrets relatifs à l'achat de véhicules à faibles émissions pour renouveler les flottes de l'État et des collectivités locales sont en cours d'examen au Conseil d'État. Ces véhicules propres représenteront au minimum 50 % de la flotte de l'État et 20 % de celle des collectivités locales. Les industriels français devraient se positionner rapidement sur ce créneau et baisser leurs prix au vu de l'augmentation du nombre des commandes.

La loi prévoyait la création de zones à circulation restreinte. Il a donc fallu inventer un dispositif incontestable, à savoir les certificats qualité de l'air, qui ont été mis en place pour la première fois à Grenoble. Les maires auront la possibilité d'arrêter des zones à circulation restreinte, soit de manière permanente, soit en cas de pic de pollution, disposant ainsi d'un critère de sélection qui correspondra à la propreté du véhicule et non plus à sa plaque d'immatriculation. À ce jour, 100 000 certificats ont été commandés sur Internet.

Enfin, il faut mentionner la décision d'ajuster progressivement en cinq ans la déductibilité de la TVA sur les véhicules essence d'entreprises pour l'aligner avec les véhicules diesel.

Le titre de la loi qui concerne l'économie circulaire et la consommation durable a engagé la France dans un défi majeur : passer d'un modèle économique linéaire à un modèle économique circulaire intégrant l'ensemble du cycle de vie des produits, dès leur production éco-conçue, pendant la phase de consommation jusqu'à la gestion des déchets. Il a fallu 13 décrets d'application de ce titre. Plusieurs mesures étaient d'application immédiate, comme l'objectif de réduction des déchets défini à l'article 70, dont la diminution de la moitié de la mise en décharge prévue d'ici 2025, mais aussi la généralisation du tri à la source des bio-déchets, la généralisation du tri de tous les emballages en plastique et la définition de la pénalisation de l'obsolescence programmée.

La lutte contre les déchets marins générateurs d'un continent de plastique est amorcée, avec l'article 75 qui interdit progressivement l'utilisation des sacs en plastique à usage unique. Ce qui paraissait anodin est devenu mondial, puisqu'à la Conférence de Paris sur le climat, comme à celle de Marrakech, plusieurs pays ont rejoint la France dans l'interdiction des sacs en plastique. Ces déchets sont un fléau, puisque 70 % des poissons et 90 % des oiseaux marins ont du plastique dans l'estomac. Au 1er juillet 2017, l'utilisation des sacs en plastique pour les fruits et légumes sera également interdite. Certaines entreprises françaises se sont déjà engagées dans la filière de fabrication de sacs biosourcés et biodégradables.

L'article 96 qui prévoit la généralisation du tri des déchets par les entreprises et les administrations est appliqué. L'article 93 qui prévoyait l'obligation pour les entreprises du bâtiment de récupérer leurs déchets a été assoupli, de manière à ce que les entreprises puissent se regrouper. Là encore, le texte d'application est pris. On observe l'existence d'un gisement très important en quantité, qui donne lieu au développement de nouvelles technologies pour réutiliser les déchets du bâtiment dans les travaux plutôt que de les mettre en décharge.

La lutte contre le gaspillage alimentaire dans les restaurants publics des collectivités territoriales et de l'État est engagée, avec des actions de sensibilisation menées dans les écoles, les hôpitaux, ou les entreprises de restauration à domicile.

L'article 90 prévoit que les producteurs mettent à disposition des consommateurs l'ensemble des principales caractéristiques environnementales de leurs produits. Il n'a pas été simple à rédiger. Le dispositif français d'affichage environnemental utilisable de manière volontaire par les producteurs, dans un premier temps, sera déployé progressivement pour les produits des secteurs de l'ameublement, du textile et de l'hôtellerie. Des accords existent également avec les filières industrielles de produits alimentaires et d'appareils électroniques.

Les énergies renouvelables sont un élément essentiel de la PPE qui prévoit une augmentation de plus de 50 % en 2023 par rapport à 2015. Ces objectifs ont été déclinés filière par filière dans la stratégie bas-carbone, puis repris dans la PPE publiée le 28 octobre.

L'objectif est de fermer les centrales à charbon d'ici 2023, de doubler la capacité de l'éolien et de tripler la capacité du solaire. Pour y parvenir, j'ai réformé les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables électriques, avec la mise en place du complément de rémunération accompagnant une meilleure intégration des installations de production des énergies renouvelables au marché. J'ai également accéléré la parution des appels d'offres pour le déploiement des énergies renouvelables et simplifié les procédures pour limiter les contentieux. Pour le photovoltaïque, la visibilité donnée sur les prochaines années consolide les filières industrielles. L'appel d'offres pluriannuel, qui sécurise les investissements, a porté sur des installations solaires, au sol, pour un volume de 3 000 mégawatts répartis en six tranches s'étalant sur trois ans, et sur les bâtiments, pour un volume de 1 350 mégawatts, en neuf tranches sur trois ans. Des appels d'offres ont également porté sur les fermes au sol et les projets sur bâtiment à hauteur de 1 100 mégawatts en 2016. Conformément à la loi, tous les nouveaux appels d'offres lancés cette année comportent une prime incitant au financement participatif.

Par ailleurs, le nouveau cadre réglementaire de l'autoconsommation est mis en place. Les résultats du premier appel d'offres, publiés il y a quelques jours, désignent 72 lauréats, pour un volume 20,59 mégawatts, qui bénéficieront d'une prime moyenne de 41 euros par mégawattheure. Sur l'ensemble des dossiers lauréats sur des projets photovoltaïques, 28 ont opté pour un investissement participatif. Quant au taux d'autoconsommation de cette énergie produite, il avoisine les 98 %.

Dans le cadre du Fonds chaleur, nous avons lancé un nouvel appel à projets biomasse-chaleur dans l'industrie, l'agriculture et le tertiaire, rebaptisé « énergie bio », en septembre 2016 pour une remise des offres jusqu'au 31 janvier 2017. Doté de 55 millions d'euros consacrés à l'approvisionnement en biomasse des chaufferies, l'appel à manifestations d'intérêt « Dynamic Bois », conçu avec la profession, lancé en 2015, est reconduit en 2016. Il a accompagné 40 projets structurants destinés à alimenter des chaufferies, soutenus à hauteur de 3 millions de tonnes de bois, la qualité des peuplements destinés au chauffage étant également améliorée sur près de 40 000 hectares.

Portée par le soutien massif aux énergies renouvelables, cette programmation pluriannuelle de l'énergie n'oppose pas les énergies entre elles, mais, au contraire, précise la part de chacune à l'horizon 2018 puis 2023. Elle donne des fourchettes de diminution de la part du nucléaire, conformément au scénario de consommation étudié en concertation avec la filière. Elle fournit aussi les outils de réduction de la consommation d'énergie dans le bâtiment et les transports et fixe les ambitions de développement et d'organisation des réseaux de distribution, pour mettre en place un système énergétique plus intelligent et plus décentralisé.

Nous avons également réglé le problème de la sûreté nucléaire, puisque l'ensemble des textes d'application - ordonnances et décrets du titre VI - ont tous été publiés. Ainsi, l'article 124 améliore l'information et la transparence vis-à-vis des citoyens, renforce le rôle de la commission locale d'information et réforme la composition de celle-ci notamment pour l'ouvrir à des ressortissants de pays frontaliers.

Le décret relatif à la modification, à l'arrêt définitif et au démantèlement des installations nucléaires de base ainsi qu'à la sous-traitance a été publié le 28 juin 2016.

Par ailleurs, l'ordonnance portant diverses dispositions en matière nucléaire a été publiée le 10 février 2016. Elle renforce les moyens de contrôle et les pouvoirs de sanction de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en la dotant d'outils plus gradués tels que les amendes et les astreintes administratives. Parallèlement, dans le projet de loi de finances pour 2017, j'ai renforcé les moyens de l'ASN et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), en créant 30 postes au sein de la première, et 20 postes au sein du second. Étant donné l'avancée en âge des réacteurs, un travail bien plus important repose sur leurs épaules.

Tous ces dispositifs ont besoin d'une orientation financière vers l'économie bas carbone. L'article 173 de la loi de transition énergétique prévoit des obligations de reporting pour les investisseurs, qui doivent désormais prendre en compte des critères liés à la lutte contre le changement climatique dans leur stratégie d'investissement ainsi que dans les rapports aux actionnaires. J'ai observé avec satisfaction que cet article faisait référence, sur la scène internationale, dans les business dialogues et les finance dialogues - les entreprises s'en sont saisies. Je précise que la France est le seul pays à avoir intégré ces obligations dans sa législation.

Pour valoriser les bonnes pratiques, j'ai créé plusieurs instruments volontaires, dont deux labels distinguant les fonds d'investissement verts et les projets de financement participatif verts, ainsi que des prix du meilleur reporting extra-financier des investisseurs.

Vous avez évoqué le prix du carbone. La loi fixe la trajectoire : 56 euros la tonne en 2020 ; 100 euros la tonne en 2030. Un délai sera nécessaire pour mettre en place la taxe sur le carbone pour la production électrique en France. L'objectif fixé par la programmation pluriannuelle de l'énergie reste la fermeture des centrales à charbon d'ici 2023.

J'en viens aux innovations de croissance verte et de croissance bleue. J'ai veillé à ce que la loi de transition énergétique, les stratégies bas-carbone et la programmation pluriannuelle de l'énergie soient accompagnées d'outils opérationnels pour les territoires, les entreprises et les citoyens.

Quelque 400 territoires à énergie positive sont soutenus suivant les titres de la loi - efficacité énergétique, économie circulaire, transports propres ou encore énergies renouvelables. Les territoires s'en sont saisis. Leur créativité, leur liberté d'action, leurs initiatives sont remarquables.

Derrière cette transition énergétique se trouve un potentiel formidable de création de start-ups, de nouveaux services et produits. J'ai créé la Greentech verte en faveur de ces initiatives. Elle a récompensé 200 lauréats dans chacun des domaines que je viens d'évoquer, y compris celui de la prévention des risques.

De grands démonstrateurs industriels se sont illustrés dans le programme des investissements d'avenir. Là aussi, les trois quarts de ces investissements appartiennent à la croissance verte, en particulier les énergies renouvelables en mer telles que l'éolien flottant - quatre lauréats de fermes pilotes de ce secteur ont été désignés. La France sera très en avance sur ces nouvelles technologies, notamment grâce aux hydroliennes sous-marines, dont celles de DCNS.

Grâce à la France, la question de l'océan a été intégrée dans les négociations climatiques et dans l'accord de Paris. Le soleil ne se couche jamais sur la France, premier territoire maritime au monde. Ce matin, l'arrêté de création de l'aire maritime protégée de l'atoll de Clipperton a été publié au Journal officiel. Elle complète celles des terres australes françaises. La France est le premier pays à compter autant d'aires marines protégées.

Mon discours a été long, parce que je souhaitais vous rendre des comptes sur des sujets que vous connaissez bien. Merci de toutes vos contributions et actions, tant au Sénat que dans vos territoires.

M. Louis Nègre, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Je me félicite de la loi de transition énergétique, que j'ai appellée « Grenelle 3 », qui s'inscrit dans une démarche d'intérêt général pour notre pays, et du travail de co-construction qui a présidé à nos échanges, aboutissant à un résultat positif.

Je constate des avancées significatives en matière de mobilité propre. Le transport urbain par câble est facilité, notamment grâce au Groupement des autorités responsables de transport (Gart). Le soutien au développement des véhicules électriques, comme l'indemnité kilométrique pour le vélo, sont très positifs pour nos centres-villes. Le plan de mobilité rurale montre que le Sénat n'a pas oublié la ruralité. Vous avez évoqué le troisième appel à projets. Quid du quatrième ?

La commission du développement durable a débattu ce matin du prix du CO2 avec MM. Mestrallet et Grandjean. L'État et les entreprises ont pris conscience qu'un signal-prix significatif était le seul moyen susceptible de faire évoluer les comportements. Ce prix est fixé à environ 5 euros en France quand il est à 26 livres sterling au Royaume-Uni et à plus de 100 euros en Suède. Concrètement, parviendrez-vous à faire évoluer l'Union européenne ? M. Mestrallet estime que l'échelon européen est le plus pertinent.

J'apporterai un simple témoignage sur l'économie circulaire, en tant que rapporteur ayant eu affaire aux lobbies des sacs en plastique, de l'obsolescence programmée, du gaspillage alimentaire : cela n'a pas été simple ! Je constate, dans la vie de tous les jours, la réussite de ces mesures.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur pour la commission des affaires économiques. - Financièrement, madame la ministre, vous aurez des difficultés à tenir vos engagements. Je vous propose une mesure d'économie : ne fermez pas la centrale de Fessenheim. Les 446 millions d'euros que vous évoquez ne correspondent à rien. Les 4 milliards d'euros évalués par EDF sont peut-être surdimensionnés, puisqu'ils s'appuient sur une centrale qui aurait duré dix ans de plus et l'indemnisation qu'ils devront verser à leurs partenaires étrangers. On ne sait pas à quoi ces chiffres, pourtant très importants, correspondent.

J'ai été désigné rapporteur des ordonnances qui seront examinées en janvier, sans doute car je suis favorable aux ordonnances lorsque la réactivité est nécessaire. Quand le Parlement fait passer un texte de 40 à 370 articles, il faute. Ces ordonnances sont accompagnées par des articles de loi sur la traçabilité de l'énergie verte. J'auditionnerai nombre d'acteurs en janvier. Je ne parviens en effet pas à me forger une opinion sur le désaccord qui oppose la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et l'administration ministérielle. Un autre article porte sur le raccordement de l'énergie renouvelable sur le réseau électrique. Vous en profitez pour modifier la loi de transition énergétique. Ce n'est absolument pas normal que votre administration propose une solution contraire à la loi.

Enfin, je vous applaudis sur les bornes électriques, puisque l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a très bien accompagné l'ensemble des syndicats d'électricité qui les installent. Les règles de l'Ademe sont très bonnes. Néanmoins, les projets coûtent plus cher que prévu dans la mesure où les bornes sont de plus en plus performantes. Accompagnez-nous dans ces dépassements.

Mme Ségolène Royal, ministre. - Monsieur Nègre, merci d'avoir beaucoup oeuvré en faveur de l'économie circulaire. Le quatrième appel à projets est en cours d'élaboration.

M. Louis Nègre, rapporteur. - Pouvez-vous nous donner le calendrier ?

Mme Ségolène Royal, ministre. - Non. Je vais étudier comment accélérer le processus.

Monsieur Nègre, vous avez dit l'essentiel sur le prix du carbone, après avoir auditionné les auteurs du rapport sur le sujet. Il a fédéré la coalition pour le prix du carbone qui rassemble plusieurs dizaines de pays, d'entreprises, de territoires, qui s'appliquent un prix du carbone en interne, afin de rentabiliser leurs investissements. Engie en est l'exemple. Cette décision surprenante a fait basculer les négociations climatiques dans une dynamique positive.

Monsieur Poniatowski, vous m'interrogez sur Fessenheim. Les discussions avec EDF pour l'élaboration conjointe d'une formule de calcul de l'indemnisation s'achèvent. Cette formule s'appuie sur plusieurs paramètres, dont l'évolution du prix de l'électricité. L'indemnité sera versée en plusieurs étapes : 96 millions d'euros à la fermeture de la centrale, 350 à 390 millions d'euros, selon les modalités de paiement, en 2021, ainsi que, jusqu'en 2041, une part variable reflétant le manque à gagner pour EDF, le cas échéant, qui sera déterminée en fonction de l'évolution des prix et de la production constatée du parc de centrales 900 MW hormis Fessenheim.

Le projet de protocole a fait l'objet d'une prénotification à la Commission européenne afin qu'elle confirme qu'il ne s'agit pas d'une aide d'État. Le Gouvernement publiera le décret d'abrogation de l'autorisation d'exploiter la centrale de Fessenheim au plus tard début 2017. La fermeture sera effective d'ici la mise en service de l'EPR de Flamanville, en application du plafonnement prévu par la loi de transition énergétique.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Ne vous pressez pas !

Mme Ségolène Royal, ministre. - Je précise que les deux réacteurs sont à l'arrêt. Au cours des débats, certains assuraient que la fermeture de Fessenheim priverait l'Alsace d'électricité...

M. Jean-Claude Lenoir, président. - L'Alsace est aussi alimentée par les centrales à charbon allemandes.

Mme Ségolène Royal, ministre. - Le projet de loi de ratification de l'ordonnance réduit le coût des raccordements pour les énergies renouvelables. Monsieur Poniatowski, si vous pensez avoir décelé une contradiction, faites des propositions. Je suis tout à fait demandeuse d'améliorations. C'est l'intérêt d'un débat sur la ratification que d'être enrichi par vos travaux.

Il est étrange que les prix des bornes électriques augmentent alors que le marché mondial se déploie. J'ai découvert récemment le problème, soulevé par l'entreprise américaine Tesla, de la non-polyvalence des bornes. Aujourd'hui, elles doivent toutes l'être.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je reçois de nombreuses visites de présidents de syndicats intéressés par les bornes de mon territoire, qui sont polyvalentes.

Mme Ségolène Royal, ministre. - La polyvalence est indispensable pour faire baisser les prix.

M. Ronan Dantec. - Une ratification européenne de l'accord de Paris, en un temps aussi court, est un tour de force, car nous avions toutes les raisons d'être pessimistes. Il est important que la France conserve un leadership diplomatique dans la réévaluation des contributions nationales (NDC) qui dessinent un scénario de hausse de 3°C, ce qui serait intolérable.

Nous sommes confrontés à une difficulté : les émissions de CO2 européennes ne baissent plus. Les bons chiffres d'émissions mondiales sont dus à la Chine et aux États-Unis. Cela doit nous alerter. Comme M. Maurey, je pense que les territoires sont au coeur de la réponse. Lors de l'examen de la loi de transition énergétique, les collectivités territoriales ont soutenu les PCAET obligatoires pour toutes les intercommunalités. Or, sans financement, ces plans ne se mettent pas en place. Il faut envoyer un signal financier.

Nous avons formulé une proposition opérationnelle, à laquelle l'Association des maires de France était favorable, tout comme l'Association des régions de France et France Urbaine, présentée à l'Assemblée nationale. Malheureusement, le ministère des finances s'y est opposé. Il s'agit de subventionner les PCAET à hauteur de 10 euros par habitant pour les intercommunalités, et 5 euros par habitant pour les régions. Votre soutien nous serait précieux auprès du ministère des finances, qui refuse de rendre aux territoires la cagnotte qu'avec MM. Poniatowski et Lenoir, nous avons accrue grâce à l'augmentation de la contribution climat-énergie.

M. Henri Cabanel. - Je vais vous raconter une histoire. Il était une fois une belle loi de transition énergétique dont le but était de lutter contre le dérèglement climatique et de renforcer l'indépendance énergétique de la France, et un sénateur élu en 2014 dans l'Hérault, qui croyait en ces objectifs portés haut par une ministre très engagée. Quelle ne fut pas la déception de ce sénateur lorsqu'il constata le décalage persistant entre le rêve de cette loi et la réalité. Les administrations toutes puissantes de son département s'arrogeaient tous les pouvoirs car elles avaient le noble rôle de protéger la planète. Ce mauvais conte décrit le quotidien de mon département. Les entreprises peinent à développer des projets de développement durable, surtout dans le photovoltaïque, à cause d'une herbe rare rapportée par une benne sur une friche industrielle ou d'une espèce rare de volatile qui a décidé de nidifier à deux kilomètres d'un projet instruit depuis huit ans. Aujourd'hui, l'espèce en voie de disparition, c'est l'élu rural. Opposer administration et élus ne sert à rien, mais l'interprétation de la loi par les administrations diffère suivant les territoires. Madame la ministre, donnez des directives aux administrations pour qu'elles nous écoutent.

Mme Ségolène Royal, ministre. - Dites-nous quels projets sont concernés.

M. Henri Cabanel. - Votre cabinet en est informé.

M. Gérard Miquel. - Madame la ministre, donnez-nous les premiers résultats des appels à projets « territoires zéro déchet zéro gaspillage » et « territoires à énergie positive », qui ont connu un très grand succès.

Le comité pour la fiscalité écologique et le Conseil national des déchets ont beaucoup travaillé sur la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et formulé des propositions incitatives. Le ministère des finances nous a opposé leur trop grande complexité - il n'est pourtant pas lui-même réputé pour sa simplicité. Je regrette beaucoup que les collectivités territoriales qui ont fourni de gros efforts en matière de gestion des déchets ne bénéficient pas d'une TGAP plus faible.

Les constructeurs automobiles de certains pays progressent rapidement sur l'hydrogène, qui a pour particularité de se stocker. Je n'aimerais pas que les Français accusent du retard, comme cela a été le cas dans l'électrique par rapport aux Japonais ou aux Allemands. Le stockage de l'hydrogène est simple et non dangereux.

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis de la mission « Énergie ». - Mes questions portent sur le budget 2017 et tout d'abord sur la compensation de la hausse de la taxe carbone. Lors de la discussion sur la loi de transition énergétique, madame la ministre, vous aviez plaidé pour une fiscalité écologique incitative et non punitive. Nous avions inscrit dans la loi que la hausse de la taxe carbone serait intégralement compensée par la baisse d'autres prélèvements afin de ne pas peser sur le pouvoir d'achat des ménages ni sur la compétitivité des entreprises. Or, même si une partie de cette hausse était compensée par la stabilisation de la fiscalité électrique, ce qui est déjà contestable, le relèvement de la taxe carbone se traduira par 196 à 440 millions d'euros de prélèvements supplémentaires sur la facture énergétique des consommateurs en 2017 et plus encore en 2018 et 2019. Comment le Gouvernement entend-il respecter la loi ? Les quatre premiers milliards d'euros de la taxe carbone avaient, du reste, étaient compensés par le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et la TVA à taux réduit. J'ajoute que l'exonération des produits de la biomasse de la hausse de la taxe carbone n'est pas non plus respectée.

Le Gouvernement avait annoncé que le Fonds de financement de la transition énergétique serait doté de 1,5 milliard d'euros sur trois ans, or les crédits ouverts en loi de finances rectificative pour 2015 et 2016 n'atteindront que 750 millions d'euros au total. Le Gouvernement a-t-il renoncé à tenir ses engagements initiaux ? Comment les 500 millions d'euros ouverts dans le collectif de cette année seront-ils financés ?

Entre 2015 et 2016, le coût du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) aura plus que doublé, de 900 millions d'euros à près de 2 milliards d'euros. Or, si l'on peut y voir la marque de son succès, il nous est impossible, faute d'évaluation, d'en mesurer les effets réels sur la performance énergétique des bâtiments, et ce, alors même que le nombre de ses bénéficiaires aurait diminué, à 660 000 ménages en 2015, contre 728 000 en 2014. Cette concentration de la dépense fiscale sur un nombre plus réduit de ménages ne serait-elle pas le signe que le CITE n'incite pas les ménages les plus modestes à faire des travaux, voire qu'il aide des ménages qui auraient réalisé des projets même sans ce dispositif ?

M. Michel Vaspart. - Dans trois jours, l'usine marémotrice du barrage de la Rance fêtera le cinquantenaire de son inauguration par le général de Gaulle. À l'époque de la convention entre l'État et EDF, il n'était pas question d'écologie. Depuis, une sur-sédimentation de l'ensemble de l'estuaire pose de grands problèmes. Élus et habitants peinent à faire avancer ce dossier, depuis des années. L'argent public est rare à l'échelon étatique comme territorial, la situation d'EDF est connue, et le prix de l'électricité produite par le barrage de la Rance est racheté au prix du marché. Ne peut-on fixer un prix écologique à cette production d'électricité afin d'aider à financer la gestion des sédiments de la Rance ?

M. Martial Bourquin. - Madame la ministre, je vous adresse mes félicitations pour ce budget, reconnu comme sérieux par tous ceux ici présents et qui va nous aider à passer le cap de la transition énergétique.

Nous sommes satisfaits de la mise en place du chèque énergie afin de permettre aux millions de familles modestes de régler leurs factures de chauffage lorsqu'elles rencontrent des difficultés et de les aider à réaliser des travaux. Savez-vous comment va évoluer ce chèque énergie ? C'est un outil de la transition énergétique, car celle-ci ne doit pas être seulement une affaire de bobos : les familles modestes doivent également pouvoir y prendre part.

Vous faites beaucoup pour la mobilité propre dans votre budget. La France ne doit-elle pas s'interroger sur la difficulté de basculer de la route vers le fer ? En Allemagne, comme dans de nombreux pays d'Europe, le ferroutage progresse.

Mme Évelyne Didier. - Madame la ministre, beaucoup de choses ont été dites par mes collègues et vous nous avez fourni beaucoup d'informations sur le suivi de la loi de transition énergétique. Je vous félicite, ainsi que vos équipes : vous avez mené un travail abouti, avec en particulier la publication de nombreux décrets. C'est rare et l'on voudrait bien qu'il en soit ainsi pour tous les textes de loi.

Chaque fois que cela a été possible, un effort considérable a été fait pour aller bien au-delà de la réglementation thermique (RT) 2012 lors de la construction d'immeubles publics, en particulier dans le secteur HLM. Comment pourrait-on, dans le cas d'une vente en l'état futur d'achèvement, inciter fortement le promoteur privé à aller au-delà ? J'ai en tête l'exemple très précis d'un promoteur qui a refusé, en raison du surcoût, de tirer la fibre jusqu'aux appartements, alors que celle-ci était disponible au pied de l'immeuble. Pareillement, pourquoi ne pas installer une prise électrique dans les parkings, même à titre optionnel ?

Mme Delphine Bataille. - Madame la ministre, à sa demande, je vous transmets les excuses de notre collègue Roland Courteau, contraint de quitter précipitamment le Sénat.

En ce qui me concerne, je voudrais savoir quel regard vous portez sur le rapport de la Cour des comptes, qui cible des incohérences et l'efficacité incertaine de dépenses fiscales en faveur du développement durable et qui s'interroge sur l'accumulation de dispositifs fiscaux dont le suivi n'est pas assuré. En effet, les aides fiscales qui comptent, d'une part, les dispositifs spécifiquement en faveur de l'environnement tels que les exonérations dans certaines zones protégées, et, d'autre part, des mesures aux effets favorables pour l'environnement telles que les aides à l'isolation des logements, se sont multipliées ces dernières années. On compte aujourd'hui plus de 90 dispositifs. Pouvez-vous nous confirmer votre volonté de réduire leur nombre pour une meilleure cohérence ? Comptez-vous mettre en oeuvre des propositions permettant le suivi et l'évaluation de ces dépenses fiscales et supprimer aussi des dispositifs contradictoires ? Enfin, sur ce même sujet, mais plus précisément, on relève que les aides aux réseaux de chaleur et à la méthanisation comptent parmi les dispositifs dont l'efficacité semble bien établie. Pouvez-vous également dresser un bilan positif des aides aux agrocarburants, à l'éolien et au solaire ?

M. Alain Fouché. - J'aborderai deux points. D'abord, l'implantation des éoliennes. Je ne critique pas les mesures que vous avez mises en place, mais je veux dénoncer ici ceux qui essaient d'en profiter au maximum en déformant votre ambition originelle.

Les communes sont démarchées constamment par des marchands, elles acceptent souvent de donner suite pour des raisons financières, et l'on voit apparaître des forêts d'éoliennes inesthétiques. Ne faut-il pas revoir les schémas régionaux, peut-être définir des zones d'implantation plus précises d'éoliennes et répartir les taxes autrement, comme cela se fait pour le nucléaire ?

Le second point porte sur l'international. Avec le président Maurey, nous nous sommes rendus quelques jours après vous dans l'océan Arctique, où nous avons constaté les effets catastrophiques du réchauffement climatique - fonte des icebergs, disparition de la banquise, hausse prévisible du niveau des mers. Ce qui m'inquiète, c'est le développement des activités commerciales rendues possibles par ces phénomènes, par exemple la venue de paquebots touristiques, l'extraction de pétrole offshore au moyen de bateaux notamment russes plus ou moins fiables. D'après ce que l'on me dit, c'est Total qui récupère le pétrole à Rotterdam, se donnant ainsi une image propre.

Comment freiner ces actions qui n'ont qu'une finalité financière et ignorent les conséquences négatives pour notre climat ?

M. Didier Mandelli. - Ma première question est plutôt une suggestion, et la seconde un voeu.

La loi de transition énergétique intègre un certain nombre de contraintes en termes de performance énergétique des bâtiments. Je souhaiterais qu'on étudie la possibilité d'aller plus loin, notamment s'agissant de l'origine des matériaux utilisés pour leur construction, en incitant davantage encore à l'utilisation de matériaux biosourcés, les seuls à même de promouvoir la production locale et de s'inscrire dans le cadre de l'économie circulaire. Je pense en particulier au chanvre, sur le marché duquel se sont positionnées des coopératives, et également au bois. Puisque les particuliers peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt, peut-être pourrait-on orienter celui-ci vers ces matériaux biosourcés.

De même pourrait-on envisager de « récompenser » les collectivités locales, qui doivent être exemplaires, comme l'État, qui vont au-delà de la RT 2012 en promouvant les bâtiments à énergie positive en leur accordant une bonification de dotation d'équipement des territoires ruraux.

Par ailleurs, s'agissant de la TGAP déchets, je souhaiterais qu'on étudie la possibilité d'attribuer les fonds collectés à l'Ademe ou de les engager au profit d'actions en faveur du développement durable, plutôt que de les intégrer au budget de l'État, ce qui est le cas aujourd'hui en grande partie.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Pour ma part, j'aborderai trois sujets.

Premier sujet, cette route solaire que vous allez prochainement inaugurer. Une inquiétude s'est manifestée récemment - et je porte ici la voix du département de l'Orne - au sujet du rachat de l'électricité produite par cette route solaire. Je sais que l'affaire est en bonne voie.

Deuxième sujet, que m'a communiqué l'un de nos collègues qui n'est membre d'aucune de nos deux commissions : les concessions hydroélectriques. Il appelle particulièrement votre attention sur les intentions du Gouvernement s'agissant de la prorogation éventuelle des concessions du Lot et de la Truyère. Ces sujets dépassent les clivages politiques et concernent beaucoup d'élus. Au-delà des appels d'offres qui ont été lancés pour des installations de petite hydraulique, le Gouvernement envisage-t-il de lancer rapidement des projets d'envergure dans le domaine de l'hydroélectricité ?

Troisième sujet : un projet en cours de réalisation à Marie-Galante, à la Guadeloupe, auquel les élus tiennent beaucoup. Certains se sont inquiétés de savoir si ce projet n'était pas concurrencé, avec le concours du ministère de l'agriculture, par un projet faisant appel à des ressources en bois en provenance du Brésil.

M. Hervé Maurey, président. - Comme vous le savez, lorsqu'une commune est membre d'une intercommunalité à fiscalité unique, l'essentiel des ressources fiscales générées par les installations éoliennes est attribué à l'EPCI, rendant l'effet incitatif beaucoup plus faible pour les communes. Or avec la nouvelle carte de l'intercommunalité qui va se mettre en place le 1er janvier prochain, beaucoup de communes qui avaient des projets d'éoliennes - je pense en particulier à l'Eure - se rendent compte que, parce qu'elles vont intégrer une communauté de communes à fiscalité unique, elles ne toucheront quasiment rien. Il faudrait qu'on puisse imaginer dans une prochaine loi de finances un mécanisme afin d'éviter de bloquer les projets. Le risque est que les communes referment les dossiers, les élus étant tout autant motivés par les retombées fiscales de ces projets que par leur aspect écologique.

Mme Ségolène Royal, ministre. - Merci pour la variété de vos questions, qui reflètent en effet beaucoup de préoccupations territoriales, avec ce lien entre l'échelon national et l'échelon territorial, lien clé pour réussir la transition énergétique.

Je remercie Ronan Dantec pour ses différentes observations, qui contribuent à la réflexion. Je vous remercie de votre engagement, dans le cadre de la fédération des territoires, dans la COP21 et dans la préparation de la COP22. Avec le renouveau du climato-scepticisme aux États-Unis, si les territoires, les entreprises et les villes se mettent en mouvement, alors la transition énergétique sera au rendez-vous. Il est donc très important de conserver cette dynamique territoriale.

Henri Cabanel a souhaité être davantage écouté par l'administration. S'il y a eu un déficit de dialogue sur des dossiers précis, faites m'en part. Pour réussir la transition énergétique, il faut un partenariat de qualité, que chacun comprenne les enjeux, et qu'il n'y ait pas de malentendus sur les projets et sur les procédures.

Gérard Miquel, qui s'est beaucoup impliqué sur l'économie circulaire et sur le traitement des déchets, m'a interrogée comme d'autres, sur la TGAP. Cette question relève de Bercy, mais il n'empêche que si la TGAP pouvait être incitative, ce serait l'idéal : l'effet de levier serait alors important. Le défi peut encore être relevé. Avec la dynamique créée par l'entrée en vigueur de la loi de transition énergétique, notamment dans son volet économie circulaire, je vous invite à faire des propositions sur ce sujet que je pourrai relayer. Désormais, la loi fixe des objectifs à atteindre avec la stratégie bas-carbone, avec la fixation de seuils en matière de recyclage et de valorisation des déchets. Aussi, il paraît logique que la politique fiscale tienne compte de ces nouveaux objectifs.

Monsieur Sido, vous avez évoqué le fonds de financement de la transition énergétique. Sur 1,5 milliard d'euros, 750 millions ont d'ores et déjà été financés, ce qui est considérable. Je veille à ce que la demande en crédits de paiement n'excède pas les engagements. À ce jour, aucun des projets territoires à énergie positive n'a à souffrir d'un manque de financement, dans quelque filière que ce soit - j'évoquais tout à l'heure « Dynamic Bois », qui est financé grâce au fonds de transition énergétique. Bien évidemment, si les crédits de paiement deviennent insuffisants, je ferai en sorte qu'ils soient débloqués. Je signe d'ailleurs prochainement une nouvelle vague de projets territoires à énergie positive et ces projets sont financés. Et je rappelle que la Caisse des dépôts a ajouté à ce fonds de financement de la transition énergétique les prêts à 0 % sur 20 à 30 ans. Tous les bâtiments publics peuvent bénéficier de ces prêts, avec un retour sur investissement très intéressant grâce aux économies d'énergie.

Par ailleurs, vous avez évoqué le doublement du crédit d'impôt. C'est formidable ! Heureusement que le ministère des finances n'avait pas été informé à l'avance de son efficacité ! Ce crédit d'impôt a rencontré le succès pour deux raisons. D'abord, j'ai unifié les taux. Ce crédit d'impôt avait été conçu de telle sorte qu'il ne soit pas vraiment utilisé : premièrement, on comptait auparavant deux ou trois taux différents en fonction de la nature des travaux, alors que ce taux est désormais unique, quels que soient les travaux ; deuxièmement, il fallait cumuler les travaux, alors que les gens n'ont pas forcément les moyens d'isoler leurs combles en même temps qu'ils installent du double vitrage. C'est ce qui explique la montée en puissance de ce crédit d'impôt.

Si, comme vous le dites très justement, le nombre des bénéficiaires a diminué, c'est parce qu'a été renflouée l'Anah, qui attribue des aides aux ménages modestes qui font des travaux d'isolation. Sur les 750 millions d'euros du fonds de financement de la transition énergétique, j'ai accepté que 50 millions d'euros soient consacrés au renflouement de l'agence, qui mène une action dynamique et efficace. Les préfets et les élus s'activent beaucoup pour utiliser ce fonds.

Monsieur Vaspart, vous avez rappelé l'inauguration, il y a 50 ans, par le général de Gaulle de l'usine marémotrice de la Rance. Je suis fascinée quand je vois les films en noir et blanc consacrés à la construction des barrages hydroélectriques. On se demande comment faisaient ces ouvriers, alors que les technologies d'aujourd'hui n'existaient pas - d'où le nombre très élevé d'accidents du travail. C'était une aventure extraordinaire et il existe une culture autour de ces installations.

Vous avez tout-à-fait raison au sujet de la sur-sédimentation. Je vous annonce que j'ai lancé une inspection sur ce sujet afin de proposer un modèle économique viable à partir de la vente d'énergie. De la même façon que les factures d'électricité intègrent le coût du démantèlement des centrales nucléaires, le prix de vente de l'énergie hydroélectrique devrait intégrer le coût d'entretien des barrages et du traitement de la sur sédimentation. C'est le bon sens. J'espère que le rapport qui me sera remis rapidement permettra d'apporter des solutions. Si vous pouvez contribuer à ces travaux, j'en serai enchantée, car je suis décidée à aller vite.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Le Normand que je suis remercie le Breton qui s'est exprimé sur ce sujet : les sédiments en question contribuent largement à l'ensablement de la baie du Mont-Saint-Michel, lequel est situé en Normandie, comme chacun sait...

Mme Ségolène Royal, ministre. - Marcel Bourquin m'a interrogé sur l'évolution du chèque énergie. Celui-ci est en cours d'expérimentation dans quatre départements. La dépense publique en faveur du chèque énergie augmente, qui passe de 400 millions d'euros à 650 millions d'euros. On compte potentiellement 1 million de bénéficiaires supplémentaires - lorsqu'il sera généralisé -, toutes les énergies - par exemple le fioul - étant désormais couvertes, non plus seulement l'électricité et le gaz. Pour un certain nombre de personnes, le chèque énergie a été un peu moins profitable que le tarif social, pour la simple raison qu'il était possible auparavant de cumuler le tarif social de l'électricité avec le tarif social du gaz.

L'objectif de cette expérimentation était de savoir s'il était nécessaire de réajuster le dispositif. Je considère qu'il faut maintenir les acquis : le chèque énergie ne peut pas être moins avantageux pour les ménages précaires que le tarif social. En même temps, il faut favoriser les travaux d'économie d'énergie, notamment l'isolation des combles, le remplacement des radiateurs trop consommateurs d'énergie. C'est pourquoi nous allons à la fois améliorer le dispositif du chèque énergie pour qu'il n'y ait pas de perdant, maintenir son élargissement à toutes les formes d'énergie, en l'orientation vers les travaux d'économie d'énergie. Au bout du compte, il faut que la facture baisse ! C'est ainsi que j'ai parlé tout à l'heure des certificats d'économie d'énergie, grâce auxquels je souhaite instaurer une plus transparence sur les flux financiers, de manière notamment que la plus grande partie d'entre eux soient ciblés vers la précarité énergétique.

Évelyne Didier est beaucoup intervenue durant le débat parlementaire sur la question de la pollution, et sur celle des déchets, et je l'en remercie.

Madame Bataille, je vous remercie de m'avoir transmis le message de Roland Courteau. Vous m'avez interrogée sur le rapport de la Cour des comptes au sujet de l'accumulation de dispositifs fiscaux dont la pérennité ne serait pas assurée. Il me paraît important de remettre de la cohérence. Ainsi, jamais on n'aurait pensé que le CITE serait aussi efficace. Dans le même temps, la stabilité des dispositifs fiscaux est essentielle : je me suis battue pour que le CITE ne soit pas modifié. Car si l'on commence à y toucher, cela déstabilisera en particulier les artisans. Il faut trouver un juste équilibre entre la rationalité des dispositifs fiscaux et leur stabilité.

Monsieur Fouché, il existe sur le territoire dont vous êtes l'élu des associations extrêmement virulentes dans leur combat contre l'éolien. Le problème de la répartition des taxes est un vrai sujet : il faut un retour sur le territoire sur lequel sont implantées ces éoliennes. Très étrangement, l'acceptabilité sociale des éoliennes est très variable d'un territoire à l'autre : dans certains, leur implantation ne pose aucun problème, ils relèvent presque de l'esthétique paysagère, tandis que dans d'autres, souvent en raison de la présence d'une association virulente ou pour d'autres raisons, l'acceptabilité est très faible.

Il serait intéressant d'ailleurs que des chercheurs se penchent sur ce sujet.

Le processus de concertation est-il en cause, bien mené dans certains territoires, moins bien dans d'autres ? Je ne sais pas, mais il ne faut pas hésiter à réajuster les schémas régionaux si nécessaire.

M. Bruno Sido. - L'acceptabilité varie aussi selon les préfets !

Mme Ségolène Royal, ministre. - Peut-être faudrait-il évaluer les critères de décision.

Vous avez évoqué ensuite la fonte des glaces en Arctique. L'exploitation des ressources étant rendue possible avec la fonte des glaces, des convoitises tous azimuts se font jour, et, en l'absence de règles, le risque existe d'une surexploitation anarchique. Une communauté de pays autour du cercle arctique commence à poser des règles et cette question est étudiée avec beaucoup d'attention au sein de la coalition océan et climat qui s'est constituée pendant la COP21 et la COP22. Sont visés non seulement le transport de marchandises permis par l'ouverture de ces nouvelles routes, mais aussi ces hôtels flottants et l'exploitation des ressources minières ou fossiles.

Monsieur Mandelli, vous avez évoqué les problèmes de financement. Le fonds de transition énergétique, le crédit d'impôt, le prêt à taux zéro de la Caisse des dépôts, les investissements d'avenir, le bonus fonds chaleur dans les territoires à énergie positive, les tarifs de rachat de l'électricité renouvelable : je n'entends pas de revendications particulières en faveur d'un plus grand nombre de financements.

M. Didier Mandelli. - Ma question portait sur une possible incitation à utiliser des matériaux biosourcés plutôt que des matériaux classiques pour la construction des bâtiments. J'ai cité l'exemple du chanvre, pour lequel il existe des filières locales.

Mme Ségolène Royal, ministre. - Les bâtiments à énergie positive bénéficient d'un bonus de constructibilité. Le bilan carbone des bâtiments qui utilisent des matériaux d'isolation de proximité et biosourcés est plus positif.

M. Hervé Maurey, président. - Si j'ai bien compris, M. Mandelli voudrait qu'on incite à l'utilisation de matériaux locaux pour favoriser les filières locales.

M. Didier Mandelli. - Je l'ai pratiqué en tant que maire.

Mme Ségolène Royal, ministre. - Avec le fonds de transition énergétique, il faut voir ce que nous pouvons faire pour favoriser les circuits courts.

Il y a aussi beaucoup de résistance à l'homologation, mais cela se voit dans tous les domaines. Prenons par exemple l'interdiction d'emploi du Roundup dans les jardins. Chez moi, à Melle, on distribuait gratuitement du purin d'ortie, par lequel il peut être remplacé, tous les dimanches au marché ; en un quart d'heure, tout était épuisé. Je me suis dit qu'on pouvait homologuer ces produits ; or c'était sans compter sur la résistance très forte des fabricants de produits chimiques. Mais c'est fait.

On rencontre la même résistance des filières professionnelles avec les bâtiments biosourcés, lesquelles ne veulent pas voir perturber les filières d'importation, de production et de distribution et craignent un effet de substitution, que les gens ne préfèrent ces matériaux biosourcés. Vous avez raison, il faut surmonter ces résistances à l'homologation des bâtiments biosourcés et nous allons nous y atteler.

J'en termine avec la route solaire. Comme c'est nouveau, il faut fixer un tarif et imaginer un mécanisme de raccordement. Nous sommes donc obligés de créer quelque chose à partir d'un produit nouveau. L'entreprise à l'origine de cette route était d'ailleurs présente à la COP22 à Marrakech. Si cela fonctionne, comme je le pense, un marché considérable s'ouvre à elle.

S'agissant des concessions hydroélectriques sur le Lot et la Truyère, une question identique m'a été posée à l'Assemblée nationale. Je suis en discussion serrée avec la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager. Nos négociations prennent un tour positif et s'il est possible de prolonger les concessions, je le ferai bien volontiers. Il faut garder la maîtrise publique de ces équipements.

S'agissant du projet de Marie-Galante, le bilan carbone de l'importation du bois brésilien est scandaleux, alors qu'il est possible d'utiliser la biomasse issue des déchets de canne à sucre pour produire de l'énergie.

Pareillement, les algues brunes des Sargasses, véritable fléau, sont une source de pollution des Antilles et de Marie-Galante. Est-il possible de récupérer une partie de ces algues pour les transformer en biomasse ? Sur le plan technologique, il existe une difficulté pour retirer l'eau et le sable qu'elles contiennent, mais j'ai bon espoir que ces déchets végétaux permettent un jour d'alimenter les usines de production de gaz.

M. Jean-Claude Lenoir. - Madame la ministre, je vous remercie d'avoir consacré ces deux heures de débat interactif à nos deux commissions.

La réunion est close à 18 h 55.