COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES

Mardi 5 décembre 2017

- Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, députée, présidente -

Commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance relative à la profession de physicien médical et l'ordonnance relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé

La réunion est ouverte à 19 heures.

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l'ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé, texte adopté par l'Assemblée nationale le 19 juillet dernier et par le Sénat le 11 octobre, s'est réunie à l'Assemblée nationale le mardi 5 décembre 2017.

La commission mixte paritaire procède à la désignation de son bureau, ainsi constitué :

- Mme Brigitte Bourguignon, députée, présidente ;

- M. Alain Milon, sénateur, vice-président ;

- Mme Élisabeth Toutut-Picard, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale ;

- Mme Corinne Imbert, sénatrice, rapporteure pour le Sénat.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des articles restant en discussion.

Mme Brigitte Bourguignon, députée, présidente. - Nous nous réunissons en cette fin d'après-midi, en commission mixte paritaire sur le projet, modifié par le Sénat, ratifiant l'ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l'ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé, texte adopté par l'Assemblée nationale le 19 juillet dernier et par le Sénat le 11 octobre.

Je profite de ce rappel des dates d'adoption pour formuler le regret que des textes présentés comme urgents au point d'être soumis à nos deux assemblées juste après leurs renouvellements respectifs soient encore en discussion aujourd'hui, sans que le Parlement en soit responsable.

Je constate par ailleurs que le Gouvernement aura été plus rapide pour convoquer notre CMP que pour trouver une date d'inscription de la suite de la navette à l'ordre du jour de l'Assemblée, finalement prévue à ma demande le 18 décembre prochain.

Comme toutes les commissions mixtes paritaires, celle-ci a pour but d'essayer de dégager un texte commun entre nos deux assemblées. Je crois que des divergences persistent, notamment sur l'accès partiel aux professions de santé. Nos rapporteures nous diront si les points de vue peuvent cependant être rapprochés.

M. Alain Milon, sénateur, vice-président. - J'estime comme vous, madame la présidente, que le retard pris sur ce texte n'est pas admissible. Par ailleurs, la publication d'un décret d'application des ordonnances, alors même que le débat parlementaire n'est pas achevé, traduit une certaine désinvolture du Gouvernement vis-à-vis des travaux du Parlement.

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour le Sénat. - Le projet de loi porte à la fois sur la profession de physicien médical et la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé. La plupart de ses dispositions ont fait consensus à la fois chez les acteurs concernés, et dans nos deux assemblées : je ne m'y attarderai donc pas, pour en venir directement à la plus sensible des questions posées par ce projet de loi, celle de l'accès partiel.

Vous le savez, le Sénat, suivant en cela l'avis quasi-unanime des professionnels de santé, a supprimé les dispositions relatives à la procédure d'accès partiel. S'il semble donc que notre désaccord soit consommé sur le sujet, permettez-moi cependant de vous rappeler brièvement les raisons qui ont poussé notre assemblée à se prononcer en ce sens. Je pense en effet que la question est d'importance, compte tenu des conséquences majeures qu'elle pourrait entraîner pour l'organisation et la cohérence de notre système de santé - et qu'elle aurait d'ailleurs mérité un débat préalable bien plus approfondi.

Nous avons en premier lieu été frappés par le degré d'impréparation entourant la mise en place d'une évolution aussi fondamentale. À l'heure où il nous est demandé de ratifier cette ordonnance, on ne dispose toujours d'aucun d'élément d'évaluation sur le nombre de professionnels susceptibles de formuler une demande en France, ou sur la nature même des professions qui pourraient être concernées. Comment, sans connaître les professions en jeu, le Gouvernement peut-il prétendre avoir préparé un texte d'application garantissant la sécurité de l'ensemble des situations ? Il me semble que l'on avance ici à l'aveugle, en autorisant et en réglementant un dispositif dont nous ne connaissons pas la réelle portée concrète.

En second lieu, cette mesure nous a semblé de nature à désorganiser en profondeur l'organisation de notre système de santé. Il ne s'agit pas ici de faire un procès d'intention aux professionnels formés dans d'autres pays, dont nous ne remettons pas en cause la compétence ; c'est sur la compatibilité de l'accès partiel avec l'organisation et l'efficacité de notre système de santé que nous nous interrogeons. Il nous a de ce point de vue semblé que la reconnaissance d'un accès partiel ne pourra qu'aboutir à une fragmentation des professions, dont on peine encore à mesurer toutes les conséquences.

Nous redoutons ensuite que les éventuels problèmes de qualité et de sécurité des soins ne frappent d'abord les patients les moins informés, et donc les populations les plus fragiles. On pourrait même craindre, sans céder à une trop forte méfiance, que ces professionnels ne puissent être opportunément recrutés par des établissements de santé en pénurie de personnels, ou par nos collectivités frappées par la désertification médicale : cela serait évidemment de nature à renforcer les inégalités territoriales de santé.

Plusieurs difficultés pratiques ont enfin été pointées : d'abord le surcoût potentiel pour la sécurité sociale, si des patients se trouvent contraints de consulter deux professionnels au lieu d'un, compte tenu de la limitation des compétences du premier ; ensuite, l'effet d'aubaine pour les formateurs étrangers notamment, alors que la formation des personnels médicaux et paramédicaux fait déjà l'objet d'un marché très disputé dans certains pays de l'UE ; enfin, la question de la sécurité réellement garantie au patient, alors que des difficultés importantes sont d'ores et déjà constatées dans le cadre de la procédure de reconnaissance automatique, s'agissant notamment de la compétence linguistique des professionnels ou de leur niveau réel de formation.

Le décret publié le 3 novembre dernier ne nous a guère rassurés sur l'ensemble de ces points, s'agissant notamment des compétences d'encadrement et de contrôle dévolues aux ordres. Je rejoins par ailleurs M. Milon quant au fait que la publication de ce décret est désobligeante vis-à-vis du Parlement.

Je tiens enfin à souligner que le Sénat a bien pris la mesure des obligations communautaires pesant sur la France ; il ne saurait être taxé d'irresponsabilité sur ce point. Il nous a cependant semblé que notre responsabilité consistait au contraire à ne pas faire passer la satisfaction d'une obligation d'ordre juridique avant l'intérêt des patients. J'ai d'ailleurs pu observer, au cours des auditions que j'ai conduites, que l'ensemble de ces observations était largement, sinon unanimement partagé par les différents acteurs du monde de la santé. Il est par ailleurs révélateur que les arguments invoqués à l'appui de la ratification de cette ordonnance ne portent que sur les obligations communautaires de la France, et non sur l'intérêt intrinsèque de la procédure d'accès partiel.

Il nous paraît dès lors invraisemblable de sacrifier, contre l'avis de tous les acteurs de la santé, la cohérence de notre système de santé et la qualité des soins à des considérations essentiellement juridiques. Je le dis d'autant plus volontiers que d'autres pays, comme l'Allemagne, ont fait un autre choix de transposition : il nous semble donc qu'une nouvelle négociation aurait encore été possible et même souhaitable, et nous regrettons que le Gouvernement n'ait pas choisi cette voie.

Mme Élisabeth Toutut-Picard, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui compte deux articles portant ratification, d'une part, de l'ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical, d'autre part, de l'ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.

L'Assemblée nationale a adopté le projet de loi sans modification. Tel n'est pas le cas du Sénat.

L'article premier a été adopté sans modification, confirmant ainsi le caractère consensuel de la reconnaissance de la profession de physicien médical.

Il en va autrement de l'article 2 qui a été substantiellement modifié par le Sénat et qui, à lui seul, suffit à constater l'échec de notre commission mixte paritaire.

Comme à l'Assemblée, les débats ont essentiellement porté sur l'accès partiel qui constitue, à l'origine, une création jurisprudentielle. Ce dispositif permet à une personne, titulaire d'un diplôme sanctionnant une formation médicale ou paramédicale non dispensée dans un autre État membre, d'exercer une activité détachable d'une profession de santé sans se voir opposer la nécessité de suivre la totalité de sa formation. Jugeant qu'il était disproportionné d'imposer le suivi de la totalité de la formation pour une activité de soins détachable et circonscrite, la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) a conclu à un assouplissement des modalités d'accès aux professions de santé moyennant le respect de plusieurs critères. Il en a résulté l'adoption d'une directive européenne que nous sommes dans l'obligation de transposer aujourd'hui. Tel est l'enjeu de l'article 2.

Si les débats ont été nourris, l'Assemblée a fait sien le texte du Gouvernement, c'est-à-dire l'ouverture à l'accès partiel pour l'ensemble des professions de santé, sous réserve d'un examen au cas par cas des demandes.

Ce choix n'a pas été le même pour d'autres États membres qui ont préféré exclure a priori des professions de santé. Des parlementaires se sont prévalus de cette approche en fondant également leur raisonnement sur les seules conclusions formulées par l'avocat général près la CJUE à l'occasion d'un contentieux communautaire.

À mon sens, il importe au législateur de raisonner non seulement à droit constant mais aussi sur la base de l'interprétation invariable des dispositions du droit communautaire visant à empêcher toute forme de discrimination. L'accès au cas par cas répond bien à ces préoccupations. On ne peut pas en dire autant de l'exclusion a priori des professions de santé.

Mme Imbert a regretté qu'un décret d'application ait récemment été publié. J'estime au contraire que sa rédaction est de nature à lever les inquiétudes exprimées. La lettre du texte correspond aux engagements pris par le Gouvernement en première lecture visant à y associer les ordres des professions de santé. La rédaction présente aussi des points d'ancrage essentiels : l'accès partiel devra tenir compte de plusieurs conditions importantes telles que l'identification des actes ou du champ d'exercice, la description de l'intégration des actes dans le processus de soins et leur incidence sur la continuité de la prise en charge.

En outre, j'ai été particulièrement sensible au fait que la ministre des solidarités et de la santé prenne l'initiative de saisir les autorités européennes d'une demande de cartographie des professions de santé. Cette saisine répond aux nombreuses préoccupations exprimées sur nos bancs -  dont Mme Imbert vient de se faire l'écho. Je suis certaine que beaucoup d'inquiétudes pourront être levées grâce à cet important travail documentaire, qui permettra d'objectiver l'enjeu au-delà des réactions passionnelles.

J'ajoute enfin que nous n'en sommes qu'au tout début de la mise en oeuvre de l'accès partiel. Il faut en effet souligner que la publication du texte de loi transposant la directive et celle du décret n'entraîneront pas tout de suite l'effectivité de l'accès partiel. Des discussions devront s'ouvrir sur le périmètre des actes et les modalités de contrôle. Ces travaux prendront du temps et nous devrons les suivre avec une particulière attention.

Le Sénat, quant à lui, a fait le choix de la suppression pure et simple de l'accès partiel. Ce choix est discutable. D'une part, rien n'indique en effet que la solution retenue par le Gouvernement est inadéquate. D'autre part, cette suppression « sèche » fait courir le risque d'une condamnation de la France pour défaut de transposition.

Cela étant, ces débats n'épuisent la question de l'harmonisation nécessaire des formations à l'échelle européenne. Il en va de l'intérêt de la santé publique et des patients. L'accès partiel ne doit pas être le moyen de « détricoter » le travail d'harmonisation qui a été patiemment entrepris. La représentation nationale s'honorerait de procéder à l'évaluation de ces mesures et d'alerter, le cas échéant, le pouvoir exécutif.

Enfin, il appartient aussi aux pouvoirs publics de s'interroger sur les raisons qui motivent l'arrivée de personnes formées à l'étranger. Les débats ont d'ailleurs été l'occasion de rappeler qu'une grande partie des contingents était constituée de ressortissants français formés dans d'autres États membres.

Vous l'aurez compris, il ne me semble pas souhaitable de procéder à l'examen de l'article litigieux, les positions adoptées par chacune des deux chambres étant semble-t-il irréconciliables. Je n'en remercie pas moins Mme Imbert pour la qualité de nos échanges préparatoires. Nous sommes au moins d'accord sur le désaccord !

Mme Brigitte Bourguignon, députée, présidente. - Mes chers collègues, au vu de ces échanges, je pense que nous ne pouvons que constater l'échec de notre commission mixte paritaire.

M. Alain Milon, sénateur, vice-président. - Tout à fait. J'en profite pour rappeler, comme je l'ai déjà dit à la commission des affaires du Sénat, que je ne suis pas du tout d'accord avec l'argumentation développée par la rapporteure de l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l'ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.

Commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance relative à l'adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l'adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé, texte adopté par l'Assemblée nationale le 19 juillet dernier et par le Sénat le 11 octobre, s'est réunie à l'Assemblée nationale le mardi 5 décembre 2017.

La commission mixte paritaire procède à la désignation de son bureau, ainsi constitué :

- Mme Brigitte Bourguignon, députée, présidente ;

- M. Alain Milon, sénateur, vice-président ;

- M. Thomas Mesnier, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale ;

- Mme Corinne Imbert, sénatrice, rapporteure pour le Sénat.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des articles restant en discussion.

Mme Brigitte Bourguignon, députée, présidente. - Comme toutes les commissions mixtes paritaires, celle-ci a pour but d'essayer de dégager un texte commun entre nos deux assemblées.

Je crois que des divergences persistent mais peut-être peuvent-elles être surmontées ?

M. Alain Milon, sénateur, vice-président. - L'espoir fait vivre !

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour le Sénat. - Le projet de loi ratifiant, par son article unique, l'ordonnance du 27 avril 2017 relative à l'adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé, a été complété par l'Assemblée nationale de cinq articles additionnels.

Le Sénat a adopté conformes deux articles, dont l'article premier ratifiant l'ordonnance. Il a apporté de simples modifications rédactionnelles ou de coordination à trois articles introduits par l'Assemblée nationale, et a complété au total le texte de six articles additionnels, dont l'un issu d'un amendement du Gouvernement d'ordre rédactionnel, adopté en séance publique.

Les modifications proposées à mon initiative et à celle de la commission ont répondu principalement à l'objectif d'adapter les dispositions introduites par l'ordonnance à la situation des ordres.

En effet, plusieurs dispositions sont apparues excessivement contraignantes. Tel est notamment le cas de certaines incompatibilités de fonctions qui restreignent le vivier des « forces vives » sans ajouter de réelle plus-value au regard d'autres mesures permettant déjà de garantir l'exigence d'impartialité dans l'exercice des fonctions ordinales et disciplinaires. Tel est également le cas de l'application aux ordres des règles en matière de marchés publics, alors que certains, comme l'ordre des pharmaciens, se sont déjà engagés dans une démarche d'auto-responsabilisation sur ces questions.

Par ailleurs, l'extension proposée pour le remplacement des pharmaciens d'officine, jusqu'à trois ans dans le cas de « circonstances exceptionnelles » aux contours demeurant flous, ne répond pas à une attente de la profession et ne nous a pas paru justifiée dès lors que la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016 a déjà porté cette durée à deux ans afin de répondre à des situations individuelles.

Si nombre d'évolutions du texte vont dans le bon sens, et répondent à des objectifs importants, au regard de dysfonctionnements voire de dérives constatées, il nous a semblé que les réponses apportées n'étaient pas, sur plusieurs sujets, totalement adaptées.

Cela est sans doute le révélateur d'une insuffisante concertation en amont avec les représentants des ordres des professions de santé, que ceux-ci ont d'ailleurs regrettée.

Le Sénat a néanmoins reconnu que les ajustements adoptés à l'Assemblée nationale à l'initiative de son rapporteur constituaient une avancée, pour prévoir la consultation des ordres sur les indemnités versées aux présidents de chambres disciplinaires ou reporter d'une année supplémentaire - c'est-à-dire à 2020 - l'entrée en vigueur de la certification des comptes ou des règles de marchés publics.

Nous aurions souhaité aller plus loin sur certains points, suivant les positions retenues au Sénat.

Toutefois, il apparaît aujourd'hui important de stabiliser rapidement un texte afin de ne pas perturber le fonctionnement des instances ordinales en cours de renouvellement.

En particulier, une disposition votée conforme par le Sénat permet fort opportunément de reporter l'application du nouveau régime des incompatibilités au fur et à mesure du renouvellement des ordres, alors que l'ordonnance prévoyait son entrée en vigueur, de manière uniforme, dès le 1er janvier 2018 ; en l'état, cette disposition pourrait les exposer à certaines difficultés.

Notre commission mixte paritaire pourrait donc aboutir à un accord sur un texte équilibré, conservant des apports du Sénat.

Les propositions de rédaction que nous allons examiner ont été vues conjointement avec mon collègue Thomas Mesnier et je le remercie pour la qualité de ces échanges.

Nous resterons bien entendu vigilants sur les conditions d'application du texte issu de l'ordonnance qui seront fixées par décret : le ministère devra avancer dans la concertation avec les représentants des ordres.

M. Thomas Mesnier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Le texte que nous examinons modifie tout d'abord le fonctionnement des ordres. Je pense notamment au renforcement des conseils nationaux (possibilité d'ester en justice ou de se porter partie civile) ainsi qu'à leur condition de gestion (certification des comptes combinés au niveau national, règles de marchés publics, généralisation d'un règlement intérieur).

L'ordonnance vise aussi à préserver l'indépendance et l'impartialité des ordres et de leurs juridictions (mise en place d'un régime d'incompatibilité, encadrement du régime indemnitaire).

L'ensemble de ces orientations visait à répondre à diverses recommandations formulées par la Cour des comptes ainsi que par des organes administratifs de contrôle.

Lors de son examen par l'Assemblée nationale, j'avais souligné que les conditions d'élaboration du texte n'avaient pas été jugées satisfaisantes par les ordres de santé. L'examen s'était ainsi conclu par l'adoption de cinq articles supplémentaires, principalement à mon initiative.

L'article 2 vise à permettre aux ordres d'être consultés sur le montant des indemnités versées aux présidents des instances disciplinaires ;

L'article 3 vise à rétablir certaines dispositions relatives à l'ordre des pharmaciens.

L'article 3 bis, seul article introduit par le Gouvernement, modifie les conditions d'âge pour être nommé à la présidence des juridictions ordinales.

L'article 4 modifie les conditions d'entrée en vigueur du régime des incompatibilités de fonctions en prévoyant une application au fur et à mesure du renouvellement des juridictions ordinales.

L'article 5 vise à reporter à 2020 l'application des règles de marchés publics et de certification des comptes afin de permettre aux ordres de s'y préparer.

Le Sénat a adopté deux articles dans les mêmes termes que l'Assemblée, l'article 1er ratifiant expressément l'ordonnance ainsi que l'article 5 relatif aux marchés publics et à la certification des comptes. La Haute Assemblée a amendé les autres articles pour des raisons de fond, à l'initiative du Gouvernement, ainsi que pour des motifs rédactionnels. Enfin, six nouveaux articles ont été insérés. Au total, le texte compte désormais douze articles.

Plusieurs des modifications opérées par le Sénat font sens.

C'est pourquoi, je propose d'adopter les articles 2, 3 bis A et 3 bis dans la rédaction issue du Sénat.

C'est aussi pour cette raison que les articles 3 bis C, 4 et 6 peuvent être adoptés moyennant quelques précisions, en plein accord avec Mme Imbert, rapporteure du texte pour le Sénat.

Il n'en reste pas moins quelques pierres d'achoppement.

Le Sénat a entendu supprimer l'obligation faite aux conseils nationaux des ordres professionnels d'élaborer un règlement intérieur. J'estime au contraire que l'ordonnance permettra de renforcer la portée des règlements intérieurs issus des conseils nationaux qui existent déjà aujourd'hui. En effet, selon la jurisprudence, l'absence de dispositions législatives ou réglementaires prévoyant l'édiction d'un règlement ou de dispositions renvoyant au règlement intérieur rend inopérante toute contestation tirée sur la violation des prescriptions que ce dernier édicte.

Le Sénat a aussi souhaité abroger les dispositions faisant obligation aux ordres d'appliquer les règles de marchés publics. Je dois rappeler que ces dispositions font notamment suite aux recommandations de la Cour des comptes portant sur l'ordre des chirurgiens-dentistes. Par ailleurs, certains ordres les appliquent déjà. Il importe cependant que les dispositions soient adaptées par un texte réglementaire pour tenir compte de la situation particulière des ordres. C'est ce que prévoit l'ordonnance.

Le Sénat a enfin supprimé le régime d'incompatibilité entre les fonctions d'assesseur d'une instance disciplinaire et celles de président ou de secrétaire général d'un conseil de l'ordre. La précision apportée par l'ordonnance ne semble pas superflue. L'édiction de ce régime d'incompatibilité résulte des conclusions de la mission d'inspection des juridictions administratives du Conseil d'État. Elle répond à la nécessité de codifier les règles d'incompatibilité fixées par la jurisprudence, afin d'éviter la confusion entre les autorités de poursuite et les autorités de jugement.

Cela étant, il me semble tout à fait envisageable de parvenir à un accord.

Si je suis amené à présenter des propositions de rédaction visant à revenir au texte adopté par l'Assemblée, je propose également d'adopter l'article 3 bis A, portant sur le remplacement des pharmaciens, dans la rédaction issue du Sénat. Sur la question des marchés publics, il me semble que nous pourrions aussi convenir d'une rédaction de compromis.

Un accord de la CMP sur un texte permettrait enfin de faciliter la gestion des ordres qui doivent disposer d'un texte stabilisé pour relever les nombreux défis qui s'annoncent.

Qu'il me soit enfin permis de remercier à mon tour Mme Corinne Imbert pour son écoute et sa volonté d'aboutir à une rédaction de compromis.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 2
Consultation des ordres sur le montant des indemnités versées aux présidents des instances disciplinaires

La commission mixte paritaire adopte l'article 2 dans la rédaction du Sénat.

Article 3
Dispositions relatives à l'ordre des pharmaciens

La commission mixte paritaire est saisie de la proposition de rédaction n° 1 des rapporteurs pour l'Assemblée nationale et pour le Sénat.

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour le Sénat. - M. Thomas Mesnier et moi-même formulons ici une proposition commune purement rédactionnelle.

La proposition de rédaction n° 1 est adoptée.

La commission mixte paritaire est saisie de la proposition de rédaction n° 2 du rapporteur pour l'Assemblée nationale.

M. Thomas Mesnier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il est proposé de rétablir les dispositions permettant aux conseils nationaux des ordres d'élaborer un règlement intérieur destiné à encadrer le fonctionnement des instances. Le retour au texte adopté par l'Assemblée nécessite la suppression de l'article 4 bis et la modification, par coordination, de l'article 3 qui concerne l'ordre des pharmaciens, objet de la présente proposition de rédaction.

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour le Sénat. - Certains ordres disposent déjà d'un règlement intérieur. On ne peut cependant sous-estimer les contraintes administratives supplémentaires qui pourraient résulter de l'application de ces dispositions. Néanmoins, afin de ne pas empêcher un accord, j'émets un avis favorable à cette proposition de rédaction.

La proposition de rédaction n° 2 est adoptée.

La commission mixte paritaire adopte l'article 3 dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 3 bis A
Suppression de la possibilité de prolonger le remplacement d'un pharmacien titulaire d'une officine pour « circonstances exceptionnelles »

L'article 3 bis A est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 3 bis B
Suppression de l'incompatibilité entre les fonctions d'assesseur d'une instance disciplinaire et celles de président ou de secrétaire général d'un conseil de l'ordre

La commission mixte paritaire est saisie de la proposition de rédaction n° 3 du rapporteur pour l'Assemblée nationale.

M. Thomas Mesnier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je propose de supprimer l'article 3 bis B introduit par le Sénat, qui revient sur le régime d'incompatibilité entre les fonctions d'assesseur d'une instance disciplinaire et celles de président ou de secrétaire général d'un conseil de l'ordre.

La précision apportée par l'ordonnance n'est pas superflue. Je propose donc de revenir à la rédaction issue de l'Assemblée nationale. L'ordre des masseurs-kinésithérapeutes est ainsi très attaché au texte adopté par cette dernière.

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour le Sénat. - Les avis des différents ordres de santé sont très partagés sur la question. Il y a déjà une obligation de déport - je l'avais mis en avant au Sénat. Les ordres ont exprimé des avis partagés mais, pour que les choses avancent, je ne m'oppose pas à cette proposition de rédaction.

La proposition de rédaction n° 3 est adoptée.

L'article 3 bis B est supprimé.

Article 3 bis C
Maintien de la possibilité, pour les membres en cours du mandat du conseil national, d'être élus assesseurs à la chambre disciplinaire nationale des ordres des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues

La commission mixte paritaire est saisie de la proposition de rédaction n° 4 des rapporteurs pour l'Assemblée nationale et pour le Sénat.

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour le Sénat. - Cet article, adopté au Sénat, a maintenu la possibilité, pour les membres en cours de mandat du conseil national (et non seulement les anciens membres), d'être élus assesseurs à la chambre disciplinaire nationale des ordres des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues, comme c'est le cas pour les ordres des autres professions de santé.

Cet ajustement répond à la demande des pédicures-podologues, qui constituent un ordre jeune et aux effectifs réduits, afin de ne pas restreindre excessivement le vivier des potentiels assesseurs. Il était proposé de l'étendre aux masseurs-kinésithérapeutes par souci d'harmonisation. Toutefois, les représentants de l'ordre de cette profession ont fait savoir qu'ils préféraient, en ce qui les concerne, le maintien du texte issu de l'ordonnance.

La rédaction proposée vise donc à maintenir cette disposition pour les seuls pédicures-podologues, en raison de leur situation particulière.

La proposition de rédaction n° 4 est adoptée.

La commission mixte paritaire adopte l'article 3 bis C dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 3 bis
Modification des conditions d'âge pour être nommé à la présidence des juridictions ordinales

L'article 3 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 4
Entrée en vigueur du régime d'incompatibilité

La commission mixte paritaire est saisie de la proposition de rédaction n° 5 des rapporteurs pour l'Assemblée nationale et pour le Sénat.

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour le Sénat. - Un amendement du Gouvernement présenté tardivement et adopté au Sénat a prévu que les représentants du ministère de la santé siégeant avec voix consultative au conseil national de l'ordre des pharmaciens, dont la présence a été rétablie, puissent être désignés avant le prochain renouvellement de ce conseil, qui doit intervenir en juin 2018.

Sur le fond, cette disposition ne pose pas de problème et a reçu l'accord de l'ordre des pharmaciens.

Toutefois, sur la forme, l'amendement du Gouvernement adopté prévoit une entrée en vigueur rétroactive de cette disposition, susceptible de poser un problème de sécurité juridique pour les délibérations du conseil de l'ordre des pharmaciens qui auraient été prises depuis avril 2017.

Il est donc préférable de fixer l'entrée en vigueur des dispositions concernées au lendemain de la publication de la présente loi.

La proposition de rédaction n° 5 est adoptée.

La commission mixte paritaire adopte l'article 4 dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 4 bis
Suppression de l'obligation pour les conseils nationaux des ordres d'élaborer un règlement intérieur

La commission mixte paritaire est saisie de la proposition de rédaction n° 6 du rapporteur pour l'Assemblée nationale.

M. Thomas Mesnier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'article 4 bis abroge les dispositions de l'ordonnance permettant aux conseils nationaux des ordres d'élaborer un règlement intérieur destiné à encadrer le fonctionnement des instances. Je propose de rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale.

La mention du règlement intérieur permettra d'en renforcer la portée. En effet, selon la jurisprudence, l'absence de dispositions législatives ou réglementaires prévoyant l'édiction d'un règlement ou de dispositions renvoyant au règlement intérieur rend inopérante toute contestation tirée sur la violation des prescriptions que ce dernier édicte.

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour le Sénat. - J'émets un avis favorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées à propos de l'article 3.

La proposition de rédaction n° 6 est adoptée.

L'article 4 bis est supprimé.

Article 4 ter
Suppression de l'application aux ordres des règles en matière de marchés publics

La commission mixte paritaire est saisie de la proposition de rédaction n° 7 de la rapporteure pour le Sénat.

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour le Sénat. - Le Sénat a supprimé en première lecture, à l'initiative de la commission, les dispositions de l'ordonnance appliquant les règles relatives aux marchés publics aux conseils nationaux des ordres des professions de santé, en considérant qu'une responsabilisation était probablement mieux adaptée, à l'image des bonnes pratiques mises en place, de sa propre initiative, par l'ordre des pharmaciens.

Des dérives ont pu être constatées dans certains ordres - comme la Cour des comptes l'a mis en évidence s'agissant de l'ordre des chirurgiens-dentistes - et, bien entendu, la transparence des procédures en la matière est un principe essentiel, qui devrait s'imposer de lui-même au regard des comptes que les ordres doivent rendre à leurs adhérents.

Si je me rallie au rétablissement de cette disposition dans la loi, un ajustement paraît nécessaire afin de bien encadrer cette mesure. Le Gouvernement a prévu un décret d'application pour préciser les procédures applicables et les éventuelles adaptations. La rédaction laisse entendre que la mise en concurrence et la publicité préalables seront systématiques, alors que dans le droit commun, une procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence préalables s'applique en-deçà d'un certain seuil.

La proposition de rédaction apporte une clarification pour bien s'assurer que les ordres ne se voient pas appliquer des dispositions plus contraignantes que les administrations ou établissements publics.

J'ajoute en effet que, même s'ils ont une mission de service public, les ordres ne sont pas financés par de l'argent public mais par de l'argent privé : par conséquent, si des règles de transparence s'imposent, elles ne sauraient être plus contraignantes que celles applicables aux organismes publics.

M. Thomas Mesnier, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - J'émets un avis favorable à cette proposition de rédaction.

La proposition de rédaction n° 7 est adoptée.

La commission mixte paritaire adopte l'article 4 ter dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 6
Dispositions de coordination affectant les ordres des infirmiers et des masseurs-kinésithérapeutes

La proposition de rédaction n° 8 des rapporteurs pour l'Assemblée nationale et pour le Sénat est adoptée.

La commission mixte paritaire adopte l'article 6 dans la rédaction issue de ses travaux.

La commission mixte paritaire adopte le texte issu de ses délibérations.

En conséquence, la commission mixte paritaire vous demande d'adopter le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l'adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

La réunion est close à 19 h 50.

Mercredi 6 décembre 2017

- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente -

La réunion est ouverte à 18 h 05.

Commission mixte paritaire sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance portant création de l'établissement public Paris La Défense

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance portant création de l'établissement public Paris La Défense s'est réunie à l'Assemblée nationale le mercredi 5 décembre 2017.

Elle a tout d'abord procédé à la désignation de son bureau, constitué de Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente, M. Philippe Bas, sénateur, vice-président, et Mme Isabelle Florennes, députée, étant désigné rapporteure pour l'Assemblée nationale, et M. Mathieu Darnaud, sénateur, étant désigné rapporteur pour le Sénat.

La commission procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - Je rappelle que ce texte, déposé au Sénat le 10 mai 2017 et adopté successivement par les deux assemblées en juillet et en novembre de la même année, propose de ratifier l'ordonnance qui instaure ce nouvel établissement public unique, dénommé « Paris La Défense », au 1er janvier 2018. Cet établissement sera chargé de l'aménagement et de la gestion de ce territoire : il doit contribuer à rendre ce grand quartier d'affaires plus vivant, plus accueillant, plus fonctionnel, au service de ses usagers, des territoires qui concourent à sa réussite et d'une ambition nationale à laquelle nous souscrivons tous.

M. Mathieu Darnaud, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Il s'agit en effet du premier quartier d'affaires d'Europe et nous pouvons nous féliciter qu'avec le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 3 mai 2017 qui nous est soumis, le Parlement ait été invité à se pencher sur son avenir, sa gouvernance, notamment la décentralisation de cette dernière, et les financements nécessaires à sa modernisation.

Les débats parlementaires, aussi bien au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, ont montré la nécessité de faire entrer ce territoire dans une nouvelle phase de développement, dans un contexte économique et politique européen et international en mouvement, notamment avec le Brexit.

Ces débats ont en particulier montré l'importance d'une meilleure coordination entre les différents acteurs locaux et l'État, coordination qui n'a pas toujours été harmonieuse et qui a pu être source de fragilités, notamment en termes d'entretien et de promotion du site.

Je n'entrerai pas dans le détail des dispositions du texte puisque nous allons le faire par la suite. Je tiens néanmoins à souligner le caractère fructueux et collaboratif du dialogue que j'ai eu avec la rapporteure de l'Assemblée nationale, Mme Isabelle Florennes, et je la remercie pour son écoute attentive et sa volonté d'aboutir, dans un temps imparti qui était pourtant court. L'Assemblée nationale a ainsi retenu les conclusions des travaux du Sénat relatives à la propriété des parkings. Cette question reflétait un certain refus des services de l'État d'une décentralisation de la gouvernance du futur établissement public et la convergence de vue entre le Sénat et l'Assemblée nationale semblait nécessaire pour trancher définitivement ce point.

Sur d'autres points, mais ils sont rares, nos deux assemblées sont plutôt en désaccord, en particulier sur la faculté pour le futur établissement d'acquérir des participations dans des sociétés publiques locales ou de créer des filiales. J'entends les réserves de la rapporteure et c'est pourquoi je vous proposerai une proposition de rédaction qui, je l'espère, recueillera votre assentiment.

Je tiens enfin à souligner la qualité des ajouts adoptés par l'Assemblée nationale, notamment sur l'élargissement des compétences de Paris La Défense, en matière, d'une part, de sécurité des biens et des personnes, avec notamment la mise en place d'un système de vidéoprotection et, d'autre part, de circulation routière et de propreté des voies et espaces publics. Ces compétences complémentaires permettront au nouvel établissement public de répondre aux attentes de nos concitoyens, des usagers du site et des entreprises qui y évoluent.

Dans ces conditions, je ne doute pas que nous puissions trouver un accord.

Mme Isabelle Florennes, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je remercie M. Darnaud pour ses propos. Le Sénat a indéniablement amélioré l'ordonnance sur un point central, à savoir la propriété des parkings de La Défense. Vous venez de l'évoquer, votre travail nous a, en effet, permis d'achever de convaincre le Gouvernement qu'il faisait fausse route en souhaitant conserver la propriété de ces éléments, qui sont pour nous indissociables de toute opération d'aménagement et nous avons ainsi adopté conforme l'article 7 que vous aviez introduit.

Par ailleurs, que ce soit en Commission ou en séance, nous n'avons cessé de rechercher un équilibre satisfaisant entre la décentralisation de la gouvernance de l'établissement, dont le chef de filât est confié au département des Hauts-de-Seine, qui nous a semblé justifiée par deux décennies de débats sur les rôles respectifs de l'État et des collectivités dans le développement de La Défense-Seine Arche, et la nécessité de rappeler que tout projet d'aménagement de cette ampleur ne pourrait reposer que sur une réelle coopération territoriale, dont ce territoire a tant besoin.

Nous avons souhaité, à ce titre, préciser certains points de l'ordonnance ou en renforcer certains aspects.

Il nous a semblé que les périmètres d'intervention du futur établissement devaient être simplifiés et mieux définis. Au lieu des trois périmètres initialement proposés qui soulevaient de réelles interrogations, nous avons retenu deux périmètres distincts, l'un exclusif en matière d'aménagement et de gestion portant sur le quartier historique de La Défense, l'autre non exclusif pour l'aménagement du territoire Seine-Arche.

Cette distinction est justifiée à nos yeux par le caractère très intégré des politiques actuellement conduites sur la dalle et la confiance qui existe entre les villes de Courbevoie et de Puteaux, et le département des Hauts-de-Seine qui aura la majorité des voix au sein du conseil d'administration de l'établissement de Paris La Défense. Au contraire, sur le territoire Seine-Arche, si les choses progressent, comme l'illustre le succès de l'U Arena, aménagé par l'EPADESA avec l'accord de la ville de Nanterre et du département des Hauts-de-Seine, une véritable coopération territoriale reste à construire, et ce sera sans doute le principal enjeu de gouvernance auquel sera confronté le nouvel établissement.

Nous avons également souhaité lui donner plus de latitude dans l'exercice de sa mission de gestionnaire en lui confiant, d'une part, une compétence spécifique en matière de vidéoprotection et, d'autre part, sous réserve de l'accord des maires concernés, des pouvoirs de police en matière de propreté de la voirie et de gestion des déchets.

Ces avancées supplémentaires montrent bien notre attachement à assurer à l'établissement une capacité à exercer ses missions dans les meilleures conditions. Dans la recherche d'un compromis avec le Sénat, j'émettrai un avis favorable à la dernière proposition de rédaction évoquée par le rapporteur pour le Sénat, très encadrée, concernant la possibilité pour l'établissement de recourir à des filiales.

Toutefois, il faut garder à l'esprit que la priorité poursuivie par ce texte, et que nous avons rappelée à plusieurs reprises, est qu'en matière de gestion, l'établissement réalise, dans les meilleurs délais, les investissements devenus urgents de modernisation de La Défense et de sécurisation de ses usagers. C'est ce défaut d'investissement qui nous a tous mobilisés et qui concentre les attentes. L'établissement devra donc se mobiliser pleinement sur cet objectif, qui est au coeur de sa mission et qui sera un gage de crédibilité de cette réforme.

En matière d'aménagement, les engagements pris par l'EPADESA auprès des communes, notamment au travers de la signature de conventions, devront être respectés, comme l'a également rappelé le ministre en séance. La confiance reste à construire entre les élus des différentes collectivités qui composent ce territoire, nous en avons conscience, et nous souhaitons que l'établissement en fasse sa priorité.

Article 2

Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - Je suis saisie d'une proposition de rédaction n° 1 de M. Xavier Iacovelli et de Mme Marie-Pierre de la Gontrie.

M. Xavier Iacovelli, sénateur. - Cette proposition de rédaction vise, après l'alinéa 5, à insérer l'alinéa suivant : « Les interventions conduites par l'établissement au titre du présent article, y compris pour les opérations en cours, sont subordonnées à la conclusion d'une convention conclue avec la commune sur le territoire de laquelle est réalisée l'opération. Cette convention signée entre la commune et l'établissement fixe notamment les objectifs, les modalités financières et le calendrier de cette opération ».

L'objectif est, pour reprendre l'expression employée par la rapporteure pour l'Assemblée nationale, d'instituer une obligation de conventionner entre l'établissement public Paris La Défense et les communes sur le territoire desquelles sera compétent le futur établissement public. Cette proposition de rédaction concerne au premier chef la commune de Nanterre, l'obligation de conventionner nous apparaissant indispensable dès lors que le périmètre de l'opération d'intérêt national Seine-Arche occupe un tiers du territoire de cette ville.

Mme Isabelle Florennes, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je comprends votre souhait de garantir aux communes concernées par les projets d'aménagement de Paris La Défense qu'elles seront étroitement associées à la décision. Nous avons eu ce débat en Commission et en séance, à l'initiative de M. Peu notamment.

Toutefois, il n'est pas possible de conditionner toute opération, même en cours, à la conclusion d'une nouvelle convention pour au moins deux raisons :

- des conventions ont déjà été signées entre l'EPADESA et les communes et elles échoiront au nouvel établissement comme l'ensemble des autres obligations liant les deux établissements existants à des tiers. Il y aura donc une continuité et je ne pense pas qu'il soit dans l'intérêt du département des Hauts-de-Seine et du nouvel établissement de remettre en question des accords dont nous savons qu'ils ont été parfois difficiles à trouver ;

- par ailleurs, votre proposition aurait pour effet de reporter, potentiellement durablement, les chantiers en cours et cela n'est pas acceptable ni pour les usagers, ni pour les habitants, ni pour tous ceux qui comprennent bien que le développement de La Défense Seine Arche ne concerne pas uniquement les élus locaux de ce territoire, même s'ils sont en première ligne, mais également le développement économique de la première, et sans doute, seule véritable métropole de taille internationale dont nous disposons. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de reporter ces chantiers.

M. Mathieu Darnaud, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je partage l'analyse de la rapporteure.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie, sénatrice. - Il y a un paradoxe dans les propos de la rapporteure à affirmer qu'elle partage notre objectif mais qu'elle est défavorable à notre proposition de rédaction. Celle-ci pourrait être modifiée pour indiquer que cette concertation obligatoire ne s'appliquera qu'aux chantiers à venir ?

Mme Isabelle Florennes, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - La concertation entre l'établissement et les communes est déjà possible. Et nous l'encourageons pour l'avenir.

M. Xavier Iacovelli, sénateur. - Certes, mais elle n'est pas obligatoire ! Nous souhaitons qu'elle devienne obligatoire, au moins pour les chantiers à venir, ce qui permettrait de ne pas bloquer ceux en cours.

La commission mixte paritaire rejette la proposition de rédaction n° 1.

L'article 2 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Article 3

Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - Je suis saisie d'une proposition de rédaction n° 2 de M. Darnaud, rapporteur pour le Sénat.

M. Mathieu Darnaud, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Comme je l'évoquais en préambule, cette proposition de rédaction a pour objet d'autoriser l'établissement public de Paris La Défense à recourir, sous certaines conditions, à des filiales. Il s'agit ainsi de lui permettre de disposer des outils nécessaires à la mise en oeuvre d'une réelle politique d'attractivité - et je souhaite insister sur ce point - en faveur de son territoire, pour attirer de nouvelles entreprises et de nouveaux investisseurs. L'adoption de cette proposition de rédaction me paraît indispensable si nous souhaitons réussir la décentralisation de la gestion et de la gouvernance du site de La Défense.

Mme Isabelle Florennes, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Comme je l'ai indiqué dans mon intervention liminaire, je suis favorable à cet amendement, qui témoigne d'un souci de compromis de la part du Sénat.

Mme Constance Le Grip, députée. - J'y suis également très favorable. J'avais d'ailleurs déposé en séance un amendement de rétablissement de l'article 3 dans sa version adoptée par le Sénat. Je me réjouis qu'un compromis ait pu être trouvé.

M. Hervé Marseille, sénateur. - Je trouve dommage que l'on parle uniquement de promotion et pas d'attractivité. Le Brexit constitue une opportunité pour attirer les entreprises qui souhaitent s'installer ailleurs qu'à Londres.

M. Mathieu Darnaud, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - À mon sens, votre intention est satisfaite, l'attractivité étant, de fait, inclue dans la mission de promotion attribuée au futur établissement.

Mme Isabelle Florennes, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - En effet, l'ordonnance évoque la promotion du site et son rayonnement à l'international.

M. Raphaël Schellenberger, député. - Je me réjouis également que l'on parvienne à un consensus, même si celui-ci s'établit a minima. La Défense est le premier quartier d'affaires de France. Or, on constante que cette proposition s'inscrit dans la poursuite de la loi NOTRe en réaffirmant que le développement économique relève de la région et non du département, et par extension de cet établissement. Je considère, pour ma part, qu'il faut rompre avec cette logique de compétence en silo.

La commission mixte paritaire adopte la proposition de rédaction n° 2.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 4

Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - Je suis saisie d'une proposition de rédaction n° 3 de M. Iacovelli et de Mme de la Gontrie.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie, sénatrice. - La question de la gouvernance est une question qui passionne car elle soulève des problèmes démocratiques. La composition du conseil d'administration telle qu'elle est prévue, avec une majorité absolue au seul département des Hauts-de-Seine, pose un réel problème. Cela signifie que sur les six collectivités représentées, soit le département, la région, la métropole du Grand Paris et les communes de Courbevoie, Nanterre et Puteaux, une seule dispose de la majorité absolue et donc de la possibilité d'imposer ses décisions aux cinq autres.

Cette proposition de rédaction propose d'atténuer ce fait majoritaire en garantissant une représentation pluraliste du département des Hauts-de-Seine au sein du conseil d'administration du nouvel établissement, comme cela se fait d'ailleurs dans la quasi-totalité des établissements publics d'aménagement.

M. Mathieu Darnaud, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je comprends les motifs qui justifient le dépôt de cette proposition de rédaction. Néanmoins, nous avons déjà eu cette discussion lors de l'examen du texte en commission des Lois puis en séance publique au Sénat et nous y étions défavorables. Il convient en effet de préserver le libre choix des collectivités locales, notamment pour déterminer la composition de leur représentation au sein du conseil d'administration de l'établissement.

La proposition qui nous est faite pourrait soulever un problème juridique, notamment au regard du principe de la libre administration des collectivités locales.

Au-delà de cet aspect juridique, nous sommes saisis d'un projet de décentralisation de l'établissement Paris La Défense et, à ce titre, il importe de faire confiance aux collectivités sur leur capacité à mettre en oeuvre une coopération territoriale satisfaisante pour toutes les collectivités concernées.

Mme Isabelle Florennes, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je suis tout à fait d'accord avec la réponse qui vient d'être faite par le rapporteur sur la nécessité de maintenir une liberté de choix des collectivités, même si je pense, et cela a été dit en séance publique, qu'il serait préférable que la représentation du département puisse évoluer en ce sens.

M. Pierre Ouzoulias, sénateur. - Je voudrais intervenir dans ce débat à double titre, à la fois comme sénateur des Hauts-de-Seine et comme conseiller départemental. Il se trouve que le conseil départemental a déjà désigné ses représentants au sein de cet établissement et qu'ils sont tous membres de la majorité départementale. Je comprends bien que vous vouliez que ce texte puisse permettre une collaboration harmonieuse entre le département et la ville - ville qui a considéré, par la voix de son maire, M. Patrick Jarry, que cette nomination, sans représentation de l'opposition, constituait « un acte de guerre ».

Si vous souhaitez que, sur ce quartier, qui représente un tiers du territoire de Nanterre, il ne se passe plus aucune opération parce que l'on va assister à une forme de guérilla entre le maire de Nanterre et le président du conseil départemental, alors continuons dans le sens que vous indiquez. Nous avons besoin que l'opposition soit représentée. Je trouve que les pouvoirs qui sont confiés au conseil départemental sont exorbitants et vont poser un réel problème de démocratie dans ce territoire, qui ne va pas dans le sens d'un aménagement concerté entre toutes les collectivités.

M. Philippe Bas, sénateur, vice-président. - Mon cher collègue, je peux comprendre votre argumentation mais les mots ont un sens. Un « acte de guerre », une guérilla, c'est tout autre chose. Et pour toutes les victimes de la guerre et leurs combattants, c'est un vocabulaire qu'on ne devrait pas employer dans une démocratie apaisée.

M. Pierre Ouzoulias, sénateur. - C'était une simple citation, monsieur le président.

M. Stéphane Peu, député. - C'est un débat que nous avons effectivement déjà eu. Je ne pense pas que l'on puisse opposer à cette proposition de rédaction un argument juridique. Il existe en effet de nombreuses dispositions dans la loi française qui prévoient l'obligation de représentations pluralistes ; c'est le cas, par exemple, des communautés de communes ou d'agglomération. Cela semblait tomber sous le sens et nous n'aurions pas proposé de nouvelle rédaction si le conseil départemental n'avait pas eu l'imprudence de désigner de la sorte ses représentants.

M. Raphaël Schellenberger, député. - Si j'ai bien compris notre débat, nous cherchons à respecter l'esprit des différents textes qui encadrent l'organisation des collectivités territoriales en France. Nous avons eu le débat précédemment sur la compétence en matière économique et la position de la majorité a été de ne pas sortir du cadre de la loi NOTRe. Il n'y a pas de raison, s'agissant d'un établissement public, pour exceptionnel qu'il soit, que nous adoptions une attitude différente sur le sujet que vous soulevez.

J'entends, M. Peu, vos arguments. Toutefois, il ne s'agit pas là d'un groupement de collectivités, mais d'un outil à leur disposition. Or, il n'y a pas, à ma connaissance, de disposition rendant obligatoire une désignation à la proportionnelle de la représentation des collectivités au sein d'un établissement public. Ces dernières choisissent librement leurs représentants et il me semble logique que ce soit la majorité qui en décide, parce que c'est elle qui sera comptable de son action devant les électeurs.

La commission mixte paritaire rejette la proposition de rédaction n° 3.

L'article 4 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Article 5 (supprimé)

L'article 5 est supprimé.

Article 5 bis

L'article 5 bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

M. Xavier Iacovelli, sénateur. - Avant la clôture de ce débat, je voudrais dire que nous sommes assez mal à l'aise avec cette procédure de ratification, qui risque de rendre caduc le recours contre l'ordonnance en cours d'examen par le Conseil d'État, dont la décision devrait être rendue très prochainement. Je pense aussi qu'il est urgent d'attendre puisque nous sommes à trois mois d'une réforme territoriale qui va probablement revoir totalement la gouvernance de la métropole du Grand Paris, et peut-être faire disparaître les départements de la petite couronne, et donc de celui des Hauts-de-Seine, à qui on vient de donner des pouvoirs importants pour la gestion de cet établissement. Il aurait été plus prudent d'attendre quelques mois pour avoir la position du Gouvernement sur l'avenir institutionnel de ce territoire. Le groupe socialiste et républicain du Sénat votera donc contre ce projet de loi.

M. Jean-Louis Bricout, député. - Je regrette également cette absence de pluralité au sein de la représentation du département.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-717 du 3 mai 2017 portant création de l'établissement public Paris La Défense.

La réunion est close à 18 h 45.