Mercredi 14 février 2018

- Présidence de M. Hervé Maurey, président -

La réunion est ouverte à 11 heures.

Audition de M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires

M. Hervé Maurey, président. - Nous sommes très heureux de vous accueillir, monsieur le secrétaire d'État, pour la première fois depuis votre nomination, pour une audition consacrée aux questions numériques.

L'aménagement numérique du territoire intéresse tout particulièrement le Sénat. En 2011 déjà, notre commission avait adopté un rapport d'information intitulé « Aménagement numérique du territoire : passer des paroles aux actes. » Puis, en 2015, avec Patrick Chaize, nous avons présenté un rapport d'information titré « Couverture numérique des territoires : veiller au respect des engagements pour éviter de nouvelles désillusions », que nous avons remis en mains propres à Emmanuel Macron, alors ministre.

Notre commission a été, en outre, à l'origine d'un certain nombre de modifications adoptées par le Sénat dans le cadre de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique et de la loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne. La semaine prochaine, nous examinerons la proposition de loi de notre collègue Patrick Chaize relative aux investissements dans les réseaux à très haut débit, destinée à consolider les réseaux d'initiative publique (RIP) et à sécuriser les investissements. Marta de Cidrac a été nommée rapporteure de ce texte, qui sera examiné en séance publique au début du mois de mars. Tous deux vous interrogeront certainement sur les problématiques liées aux réseaux fixes.

Nous souhaitons également évoquer avec vous la question de la téléphonie mobile qui, vous le savez, représente un sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyens et nos territoires. Le Gouvernement a présenté en janvier dernier un accord, que vous avez qualifié d'« historique ». Ce dernier semble effectivement aller dans la bonne direction, puisque, pour la première fois, le critère d'aménagement du territoire, auquel nous sommes très attachés, prévaut sur la rentabilité financière. Il n'en pose pas moins un certain nombre d'interrogations, auxquelles nous aimerions obtenir des réponses et des précisions.

D'abord, et nous l'avons exprimé, nous avons un léger sentiment de déception dans la mesure où cet accord ne prévoit plus d'objectifs précis en termes de couverture du territoire et de calendrier. Pourtant, au mois de juin dernier, le Président de la République avait indiqué que la question de la téléphonie mobile serait réglée dans un délai de deux à trois ans, si je me souviens bien. D'ailleurs, plusieurs ministres, devant notre commission ou dans l'hémicycle - je pense notamment à MM. Mézard et Mahjoubi -, ont annoncé que 100 % de la population, voire du territoire, pourrait bénéficier de la 4G en 2020. Or l'accord ne fait nullement référence à cette échéance, sans, pour autant, en fixer d'autres, ce qui pose un problème de visibilité pour les citoyens comme pour les élus. Il fixe une obligation de moyens, sans établir clairement une obligation de résultat.

Prenons, par exemple, la mesure phare que constitue l'installation de 5 000 nouveaux sites par opérateur : il faudra attendre 2025 pour que l'identification des sites soit achevée. Quelle sera dès lors l'échéance de leur mise en service ? Comment, par ailleurs, vont-ils se répartir sur le territoire et qui décidera de cette répartition ? Dans ce dispositif, trois volets sont prévus, qui ne m'apparaissent pas d'une grande clarté, s'agissant notamment de la distinction entre les volets un et deux. J'espère que vous pourrez éclaircir ce point et nous préciser quel sera le rôle dévolu aux collectivités territoriales. Il semble y avoir une volonté de les associer à la mise en oeuvre de l'accord, mais selon quelles modalités ?

En outre, comment faire respecter les engagements pris par les opérateurs, alors que l'histoire récente et l'actualité regorgent d'exemples d'engagements non tenus ? Je n'en citerai qu'un seul : la loi dite « Macron » avait prévu que la couverture des zones blanches serait achevée au 31 décembre 2016 ; nous sommes en février 2018 et des territoires identifiés comme tels attendent toujours l'installation d'un pylône. Mais nous en reparlerons, car l'accord pose justement des questions sur le passage du dispositif de la loi Macron aux mesures que vous avez annoncées : certains territoires en phase d'installation de leur pylône risquent de voir encore reporter l'échéance promise. Des mesures positives peuvent parfois avoir des effets qui le sont beaucoup moins !

Quoi qu'il en soit, les pouvoirs publics doivent pouvoir être en capacité, dans les prochains mois, d'offrir une visibilité aux collectivités territoriales. Comme beaucoup de mes collègues sénateurs, je rencontre des maires qui s'inquiètent des délais dans lesquels leur commune sera couverte par la téléphonie mobile. Vous l'imaginez bien, leur annoncer qu'un pylône sera installé dans trois, quatre ou cinq ans ne constitue pas une réponse suffisamment précise ! Il faut plus de visibilité et de transparence sur le numérique comme sur la téléphonie mobile.

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires. - Je vous remercie pour votre invitation, qui me permet de répondre plus précisément à vos interrogations que lors des séances de questions d'actualité au Gouvernement.

L'accord que nous avons conclu place les collectivités territoriales au coeur de la décision d'identification des futures infrastructures. Le financement des pylônes, comme leur conception et leur réalisation, est, en outre, transféré aux opérateurs, dans un souci d'économie et de rapidité.

Nous partageons le même constat d'insatisfaction. Alors que le Parlement a adopté le droit opposable au télétravail et que le nombre de démarches administratives réalisées sur internet a plus que doublé en dix ans, seul un Français sur deux a accès au très haut débit. Dans certains territoires, ces démarches ne peuvent même pas techniquement être réalisées !

Par le passé, en tant qu'ingénieur agronome, j'ai eu l'occasion d'accompagner des agriculteurs dans le cadre de leurs démarches liées à la politique agricole commune (PAC) : alors qu'il leur est demandé d'effectuer des déclarations sur internet, il faut parfois une demi-heure pour télécharger le document nécessaire et espérer l'envoyer. Cette situation est inacceptable !

Pour ce qui concerne la téléphonie mobile, si, selon les chiffres officiels, 98 % de la population serait convenablement connectée, tel n'est pas, loin s'en faut, le sentiment de nos concitoyens. Nous avons tous en tête des scènes ubuesques : dans certains territoires, les habitants doivent aller au fond de leur jardin pour capter un réseau mobile. Nous aurons l'occasion de reparler de ces sujets, déjà abordés lors de la conférence de consensus, à l'occasion des débats sur le projet de loi « évolution du logement et aménagement numérique » (ELAN) et sur la proposition de loi de M. Chaize portant sur la nécessaire accélération du déploiement des infrastructures, qui représente un enjeu essentiel pour les territoires.

Je me suis rendu en Isère pour inaugurer un pylône de téléphonie mobile. Il avait fallu dix ans pour le construire, parce que le maire avait dû tester chaque montagne des environs pour savoir d'où le pylône serait le moins visible. Lassés de ne pas avoir accès au téléphone mobile, les jeunes avaient quitté le village.

Face à de telles situations, le Président de la République et le Premier ministre ont fixé des objectifs fermes et ambitieux en termes d'accès au numérique avec un bon débit pour tous en 2020, soit plus de huit mégabits par seconde, et un très bon débit pour tous en 2022, soit plus de trente mégabits. Il s'agit également de revoir en profondeur le système, en précisant les aspects contraignants et en définissant plus justement la notion de zone blanche.

Selon les critères actuels, les zones blanches sont au nombre de 500, ce qui semble très largement sous-estimé. En effet, cette définition ne prend pas en compte les territoires où l'opérateur présent ne délivre pas un service de qualité. Vous avez évoqué à plusieurs reprises cette contradiction dans vos rapports précités en 2011, en 2015 et, plus récemment, en septembre 2017. Dans vos derniers travaux, réalisés conjointement avec M. Chaize, vous insistiez d'ailleurs sur la nécessité de solidifier les réseaux actuels et d'accélérer la mise en oeuvre du très haut débit.

Ces objectifs ont été pris en considération dans la dernière loi de finances et dans le grand plan d'investissement présenté par le Premier ministre il y a quelques mois. Par ailleurs, vous appeliez de vos voeux un changement de paradigme s'agissant de la téléphonie mobile : le même état d'esprit a présidé aux négociations que nous avons menées, à compter du mois de juin, avec les quatre grands opérateurs et avec les opérateurs neutres et indépendants, qui oeuvrent dans la zone d'initiative publique.

L'accord auquel nous avons abouti comporte deux volets relatifs respectivement au numérique et à la téléphonie mobile.

S'agissant du numérique, notre objectif est d'offrir à tous un accès au haut débit en 2020 et au très haut débit en 2022. À cet effet, dans un réflexe très français, nous aurions pu mettre en place un nouveau système. Je considère, pour ma part, que beaucoup de RIP fonctionnent convenablement. Les réseaux en difficulté sont en réalité ceux qui furent précurseurs et subissent aujourd'hui les conséquences des changements de technologie. Nous avons préféré accélérer le déploiement numérique sur la base des réseaux existants. Il convient d'abord de sécuriser ce déploiement en s'assurant de sa conformité aux engagements pris par les opérateurs, conformément à l'article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques instauré par la loi pour une République numérique. Il faut ensuite consolider le plan très haut débit, piloté par l'Agence du numérique. Nous en avons sécurisé le financement dans le cadre de la loi de finances à hauteur de 3,3 milliards d'euros.

Par ailleurs, pour établir une « société du gigabit », selon la terminologie utilisée par la Commission européenne, nous devons accélérer le déploiement de la fibre sans renoncer brutalement à toute autre solution technologique (4G fixe, boucle hertzienne, etc.). Le Premier ministre a annoncé l'installation, en 2019, d'un guichet unique doté de 100 millions d'euros destinés, notamment, au financement des box et des antennes relevant de ces technologies.

Enfin, doit être mobilisé l'ensemble des investisseurs privés et des opérateurs, notamment pour l'accompagnement des collectivités territoriales dans la mise en oeuvre des phases deux et trois des réseaux, sans déstabiliser les premières phases des RIP déjà installés. Les collectivités territoriales restent, en effet, donneurs d'ordre.

Le second volet de l'accord conclu avec les opérateurs porte sur la couverture mobile, annoncée finalisée à maintes reprises sans, pour autant, que les résultats aient jamais été à la hauteur des annonces. Nous avons cherché à changer de paradigme, en imposant enfin aux opérateurs des objectifs contraignants et en réfléchissant à une nouvelle définition de la qualité de réception et de celle, afférente, des zones blanches.

Pour imposer une contrainte forte, nous avons décidé d'utiliser les fréquences contrôlées par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) : elles seront attribuées aux opérateurs en fonction de leurs engagements en matière de déploiement des infrastructures de téléphonie mobile. À rebours du mode d'enchères purement budgétaires d'autrefois, le cahier des charges pour la réattribution des fréquences prendra ces engagements comme critères de sélection. En conséquence, l'ARCEP disposera des moyens de pénaliser les opérateurs, qui ne tiendraient pas les engagements pris dans ce cadre.

Avec l'ARCEP et les opérateurs, nous avons reprécisé la notion de qualité de service, qui devient le coeur de la définition des zones blanches. Dès lors, il est évident que le nombre de zones qualifiées de « blanches » va sensiblement croître, en intégrant les actuelles zones grises où la réception existe, mais avec une qualité dégradée. Ce constat partagé, qui correspond à la perception de nos concitoyens, est essentiel.

Dans le cadre de cet accord, les opérateurs se sont engagés à investir, parfois de façon mutualisée, dans plus de 5 000 nouveaux sites, notamment dans les zones blanches et, plus largement, en milieu rural. Ils réaliseront en trois ans une avancée supérieure à celle qui a été enregistrée au cours de ces quinze dernières années. Ils s'engagent également à installer la 4G dans plus de 10 000 communes, actuellement en 2G ou en 3G, d'ici à 2020. Dans les zones blanches néanmoins, ce basculement ne se fera dans ce délai que pour 75 % des communes. Si la 4G n'améliore pas la réception téléphonique, elle permet un accès mobile à internet, ce qui représente une attente majeure des habitants.

Le troisième et dernier élément de cet accord concerne le déploiement de la téléphonie mobile le long des principaux axes de transports routiers et ferroviaires.

Ces objectifs sont contraignants, mais les collectivités territoriales, je le répète, restent les donneurs d'ordre.

À titre d'illustration, le choix des 5 000 sites pour les nouveaux pylônes ne revient pas unilatéralement aux opérateurs, mais dépendra des demandes des collectivités territoriales, qui relaient le ressenti et les besoins de leurs administrés. Il y a, enfin, la nécessité d'un véritable choc de transparence concernant la mise en oeuvre effective de cet accord. À cet effet, l'ARCEP publiera au cours du premier semestre de 2018 des cartographies de déploiement de la téléphonie mobile et des infrastructures numériques et les actualisera régulièrement.

Vous avez évoqué, monsieur le président, la question des délais, notamment l'année 2025 s'agissant de la téléphonie mobile.

Pour le numérique, l'objectif est clair : le haut débit pour tous en 2020, le très haut débit pour 2022. Concernant la téléphonie, dans la mesure où nous avons redéfini, dans un souci de pragmatisme et d'efficacité, les critères de priorité sur la base de la qualité de service, le déploiement sera plus progressif, bien que rapide, puisque entre 600 et 800 nouveaux pylônes seront installés par opérateur chaque année. L'identification des sites par les collectivités territoriales débutera en 2018 ; nous travaillons d'ailleurs à la rédaction d'un mode d'emploi qui leur sera destiné pour les accompagner dans cette mission. Les associations d'élus seront prochainement consultées sur sa teneur.

M. Hervé Maurey, président. - Nous sommes sensibles à la méthode, qui privilégie l'aménagement du territoire et considère la réalité de la couverture mobile. Pour autant, je rappelle que plusieurs ministres nous ont assuré que 100 % des zones blanches seraient couvertes à l'échéance de 2020. En réalité, il n'en sera rien.

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. - Modulo le temps de construction des pylônes, ce sera au contraire le cas si les collectivités territoriales et l'État en décident ainsi ! Mais attention à ne pas confondre connexion technique et ressenti de la population.

M. Patrick Chaize. - Je suis, pour ma part, assez satisfait de l'accord trouvé avec les opérateurs de téléphonie mobile, car le Gouvernement a tenu compte de plusieurs remarques du rapport d'information que j'ai commis avec le président Maurey. Vous avez désormais une obligation de réussite tant les attentes et les besoins de nos concitoyens sont grands. Il est donc urgent que le dispositif entre dans sa phase opérationnelle et, à cet effet, d'informer les élus sur la méthode à suivre. Souvenez-vous que la plateforme France Mobile, installée l'an passé, ne rencontre pas le succès escompté : il faut continuer à informer les maires de son existence et de son utilité.

Concernant les réseaux numériques, vous avez évoqué la garantie de financement à hauteur à 3,3 milliards d'euros pour leur déploiement. Cette somme permettra aux collectivités territoriales de réaliser les investissements de la première phase, mais pas en totalité. La fermeture en catimini de la plateforme dédiée à la fin de l'année 2017 inquiète les élus. Est-elle temporaire ? Dès lors, comment terminer les dessertes des territoires ruraux en très haut débit ? J'aimerais par ailleurs connaître votre opinion sur la proposition de loi que j'ai déposée concernant les réseaux fixes.

Vous avez souligné le caractère contraignant des engagements pris par les opérateurs. Pourtant, ils ne semblent pas si fermes lorsque nous interrogeons les entreprises concernées. Dans un souci de transparence, dont vous vous êtes fait l'écho, les élus aimeraient connaître, afin de pouvoir anticiper, la teneur exacte de ces engagements.

Pour accélérer le déploiement des infrastructures numériques, il convient également de lever un certain nombre de freins relatifs, notamment, aux réseaux électriques, aux servitudes et aux règles d'urbanisme. Des dispositions seront-elles prévues à cet effet dans le projet de loi ELAN ?

Enfin, je ne suis pas convaincu que l'extension de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) aux réseaux câble et fibre, votée par l'Assemblée nationale dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2017, réponde aux attentes des opérateurs, qui souhaitent plutôt une limitation de leur imposition. Certaines collectivités territoriales pourraient même être amenées à la verser.

Mme Marta de Cidrac. - Monsieur le ministre, en tant que rapporteure sur la proposition de loi visant à sécuriser et à encourager les investissements dans les réseaux de communications électroniques à très haut débit, que nous examinerons la semaine prochaine, j'ai deux questions, l'une d'ordre général, l'autre plus ciblée.

Premier point : pourriez-vous nous faire part de vos observations sur cette proposition de loi, sur l'esprit du texte mais également sur les dispositions qui sont proposées ? Notre volonté, avec mon collègue Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi, est de pouvoir travailler de concert avec vous sur ce sujet, avec pour objectif d'apporter à nos concitoyens le service le plus qualitatif possible, dans tous nos territoires.

Ma seconde question porte sur un point plus précis que vous avez évoqué dans vos propos introductifs. La proposition de loi vise à formaliser la répartition des responsabilités entre opérateurs privés et publics, ainsi que les calendriers de déploiement, pour construire les réseaux en fibre optique. Comme vous le savez, la concrétisation des intentions d'investissement exprimées en 2011 est aujourd'hui incertaine, faute d'engagements précis et contrôlables. Vous avez indiqué que votre Gouvernement a été récemment destinataire d'engagements sur ce sujet de la part des opérateurs. Ma question est simple : pourrions-nous avoir ces engagements, pour que le Parlement ait les moyens d'exercer pleinement ses missions de contrôle et pour que nos travaux législatifs soient pleinement éclairés ?

M. Éric Gold. - Vous avez longuement abordé l'enjeu que constitue le déploiement des infrastructures numériques ; j'aimerais évoquer celui des usages.

Nous ne pouvons admettre que 15 % à 20 % de la population, pour des raisons techniques ou à cause d'un manque d'intérêt, soient exclus de cette révolution. Déjà, des initiatives sont prises en ce sens par les collectivités territoriales - je pense aux bus numériques ou aux chéquiers numériques -, mais la réponse apportée n'est pas toujours adaptée. Dans le Puy-de-Dôme, le seul service rural qui fonctionne six jours sur sept et recueille la pleine confiance de la population est La Poste. Or l'érosion de son activité courrier conduit à la réduction progressive des horaires d'ouverture et du nombre d'agents. Ne devrait-on pas confier aux agents de La Poste une mission de médiation numérique au plus près des habitants, afin de compenser la réduction de leur activité traditionnelle ?

Mme Christine Lanfranchi Dorgal. - Le Gouvernement prévoit d'accélérer la couverture numérique par des appels à manifestation d'engagements locaux (AMEL). Quelle sera la procédure, sachant que l'intervention des opérateurs privés est prévue dans les zones publiques ?

Par ailleurs, les deux observatoires, dont l'un va être mis en place par l'ARCEP en 2018, vont-ils cohabiter ou mutualiser leurs moyens ?

M. Rémy Pointereau. - Monsieur le secrétaire d'État, je suis très heureux que vous ayez pris conscience des zones blanches en termes de téléphonie mobile et de haut débit lors de la dernière campagne électorale. Pour ma part, je constate que la fracture territoriale s'accentue, avec une France à deux vitesses - en témoigne le rapport Duron - : une France avec des moyens de transport grande vitesse entre les métropoles, la grande vitesse pour le très haut débit, sans bourse délier pour les collectivités, et la France des territoires oubliés, avec la petite vitesse pour le transport ferroviaire, la petite vitesse sur les routes départementales et la petite vitesse pour le numérique, alors que les collectivités locales doivent participer à hauteur de 20 % ou 30 %, ce qui représente parfois 1 million ou 1,5 million d'euros.

Comment allez-vous réduire les inégalités des territoires sur le plan technique, mais aussi sur le plan financier pour les collectivités locales ?

M. Jean-Michel Houllegatte. - Monsieur le secrétaire d'État, vous avez indiqué que les collectivités locales resteront des donneurs d'ordre. À quel degré allez-vous associer les maires ruraux, qui connaissent parfaitement leur territoire. Allez-vous les impliquer dans la définition des modalités d'évaluation ? Seront-ils des co-acteurs ?

Par ailleurs, vous avez souligné que l'ARCEP dispose de tout l'arsenal pour faire respecter les engagements. Comment cela va-t-il s'articuler avec les autorités locales ?

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Je partage le point de vue de Rémy Pointereau sur le coût du très haut débit pour les collectivités territoriales : l'État, la région, le département et l'Europe participent, mais le solde à la charge des communautés de communes, notamment en milieu rural, est extrêmement important. Aussi, je ne suis pas sûr qu'elles pourront, à terme, assurer le financement de la fibre optique sur l'ensemble du territoire.

Concernant la téléphonie mobile, j'aimerais être rassuré quant aux remontées faites par la plateforme France Mobile, au travers des préfectures de région, sur les zones blanches ou grises. Un certain de communes ont déjà été identifiées. Aussi, il ne faudrait pas repartir de zéro, car ces communes attendent.

M. Jean-Claude Luche. - Je ferai d'abord un constat.

Voilà deux ans, le préfet m'avait sollicité pour que je lui fasse part des zones blanches qui existaient dans mon département. Depuis lors, il ne s'est rien passé. Vous avez affirmé, monsieur le secrétaire d'État, que le Gouvernement allait porter un véritable programme en la matière ; je n'en doute pas, mais permettez-moi de vous dire que vous serez jugé sur le résultat.

En outre, comme l'ont relevé mes collègues, une véritable fracture numérique existe.

Pour prendre un exemple, j'ai visité lundi dernier une entreprise comptant 75 salariés à Decazeville. Or pour pouvoir utiliser le portable, il faut sortir dans la cour. Je ne doute pas que les opérateurs aient de bonnes intentions, mais, eu égard aux difficultés de financement pour l'État et les collectivités locales, ne serait-il pas judicieux de créer un fonds de péréquation auquel participeraient les opérateurs, afin d'éviter cette France à deux vitesses ?

Enfin, il importe d'aller très vite. Si je puis me permettre, monsieur le secrétaire d'État, en toute modestie, je vous suggère de contractualiser avec l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) : les maires ruraux et urbains connaissent mieux leur territoire que quiconque. Il faut être efficace pour obtenir de bons résultats.

M. Frédéric Marchand. - Se pose effectivement la problématique des maires ruraux, mais n'oublions pas celle des maires urbains.

Ces derniers doivent parfois faire face à la schizophrénie de nos concitoyens qui, s'ils demandent toujours de la rapidité dans le cadre de leurs échanges téléphoniques ou en matière d'accès à internet, sont les premiers à ne pas vouloir de pylônes et d'antennes près de chez eux. Je l'ai vécu à titre personnel en tant que maire d'Hellemmes.

Dans le cadre des mesures de simplification administrative à mettre en place pour faciliter la vie des élus locaux, des espaces de concertation avec nos concitoyens seraient bienvenus pour leur expliquer qu'on ne peut pas dire tout et n'importe quoi en matière de santé publique et de développement durable.

Je rejoins les propos de mon collègue Jean-Claude Luche, le maire est sans doute celui qui connaît le mieux sa commune. Sans imposer, il a la capacité de dire aux opérateurs où il faut mettre les installations, afin d'éviter les problèmes que l'on peut rencontrer en ville.

Mme Angèle Préville. - Je constate que le déploiement du très haut débit est complexe et difficile. Permettez-moi de rappeler les vertus du service public, qui, en l'espèce, fait défaut.

Je salue, monsieur le secrétaire d'État, votre engagement très volontariste. Toutefois, j'exprimerai quelques inquiétudes dans la mesure où les communes et les collectivités doivent faire des demandes. Concrètement, comment cela va-t-il se passer ?

Par ailleurs, le Gouvernement devra faire preuve de cohérence. Certaines personnes habitent dans des zones blanches, ne sont pas équipées ou suffisamment formées pour naviguer sur le net. Or de nombreuses démarches administratives doivent être effectuées par internet. Il faut mener une réflexion sur ce sujet. Ont été évoquées comme référents les maisons de services au public, La Poste. Peut-on prévoir une mesure en ce sens ?

Enfin, où en est-on dans la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires ?

M. Jean-François Longeot. - Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour votre exposé et votre volonté de faire en sorte que notre territoire soit couvert le mieux possible d'ici à quelques années. Mais la réalité est différente.

Sur le terrain, les élus locaux sont confrontés à des problèmes qu'ils ne peuvent pas résoudre. Je citerai un exemple. Pour éviter la zone blanche sur deux communes, il est prévu d'installer un pylône, à la demande de l'opérateur. Personne ne conteste l'endroit, mais personne ne veut prendre en charge l'alimentation en électricité. Résultat : le projet est abandonné. Deux ans après, la situation n'est toujours pas réglée. Dans ce genre de cas, pourquoi ne développe-t-on pas plus le satellite ?

M. Guillaume Chevrollier. - La couverture mobile et le développement du numérique sont essentiels pour l'attractivité de nos territoires. Il faut préparer « la société du gigabit », que vous avez évoquée, pour que ce soit une réalité dans les métropoles et dans les territoires ruraux.

À la fin de l'année 2017, vous avez assisté à la signature historique entre Orange, Free et mon département pour mettre en place un plan d'action afin de permettre au département de la Mayenne d'être le premier département fibré à l'horizon de 2021, un élément d'attractivité extrêmement important dont on peut se féliciter. Mais je veux revenir sur les orientations qui ont été prônées dans le cadre du comité interministériel de la transformation publique : le Premier ministre a annoncé une numérisation de la fonction publique. À côté de la transformation nécessaire de l'administration, il y a une certaine déshumanisation ainsi que la disparition de plusieurs services publics locaux. Mon département n'est pas épargné par la fermeture d'un certain nombre de bureaux de poste. Il faut prendre en compte la part significative de nos concitoyens qui ne peuvent pas utiliser internet.

Monsieur le secrétaire d'État, comment rassurez-vous les élus locaux face à la numérisation nécessaire et inéluctable de l'administration ? Il ne faut pas que celle-ci soit un élément supplémentaire de fracture sociale dans la période de transition.

M. Cyril Pellevat. - Ma question a déjà été partiellement posée par mon collègue Jean-François Longeot.

Le département de la Haute-Savoie, eu égard à son relief et à sa zone frontalière, avec des conflits d'opérateurs, connaît bien la problématique du déploiement du numérique. Quelle est la position du Gouvernement sur le déploiement du satellite ?

M. Guillaume Gontard. - je veux saluer l'accord auxquels sont parvenus les différents opérateurs, car il y a urgence en la matière, notamment pour ce qui concerne toutes les zones qui ne sont pas desservies, ou peu.

Ma question porte sur la mutualisation et le partage des antennes entre les opérateurs, un point de blocage dans les négociations. Avec plus de 5 000 antennes supplémentaires, comment s'opérera la mutualisation pour éviter à la fois la multiplication des points et les blocages ?

Par ailleurs, comment allez-vous faire pour mieux associer les collectivités territoriales, qui jouent un rôle crucial ? Comment les besoins et les urgences en matière de téléphonie et de numérique seront-ils hiérarchisés ?

M. Ronan Dantec. - Votre réponse sur l'échéance de 2020 était habile, mais n'était pas totalement rassurante. C'est donc plutôt à l'horizon de 2025 que l'ensemble des zones grises pourrait être résorbé. Non seulement cette échéance est extrêmement éloignée, mais, au vu des cycles techniques, de nouvelles technologies auront probablement été développées, telles que la 5G voire la 6G, ce qui est de nature à recréer des fractures. L'État est-il conscient de cette situation ? Va-t-on inverser l'ordre habituel, en commençant par les zones rurales et économiquement fragiles, pour finir par les zones les plus compétitives ?

Monsieur le secrétaire d'État, l'échéance est-elle celle de 2025 ? Et avez-vous déjà anticipé le processus pour éviter les mêmes difficultés que celles que l'on a connues avec le passage de la 3G à la 4G ?

Par ailleurs, vous associez les collectivités territoriales au choix des priorités. Mais qui décidera au final ?

Enfin, l'accord-cadre avec les opérateurs constitue un progrès. Vous avez évoqué la palette des sanctions allant jusqu'à la dissuasion nucléaire. Mais quelle est la réalité de la sanction financière pour les opérateurs qui ne jouent pas le jeu ?

Mme Pascale Bories. - Les enjeux sont importants. Je reviendrai sur les difficultés de certaines collectivités à faciliter l'implantation des antennes de téléphonie mobile. En 2015, une loi avait permis aux syndics de copropriété de faciliter ces implantations, en permettant que la décision soit prise à la majorité simple. Mais il importe également de mieux accompagner les collectivités. Aujourd'hui, il est toujours compliqué d'expliquer à la population que la téléphonie mobile n'est pas dangereuse pour la santé.

Plusieurs de mes collègues ont évoqué l'urgence d'implanter le très haut débit. Parallèlement, de nombreuses communes rurales déplorent le défaut d'entretien de la téléphonie fixe et des réseaux de cuivre. À cet égard, elles sont donc doublement pénalisées : non seulement les opérateurs n'entretiennent plus correctement la téléphonie fixe, mais ces habitants ne bénéficient pas de la téléphonie mobile, et encore moins du très haut débit.

Le Gouvernement ne pourrait-il pas inciter les opérateurs à entretenir ces réseaux ?

Mme Nelly Tocqueville. - On ne peut que se féliciter des engagements pris par l'État, et nous espérons pouvoir vérifier dans un avenir proche qu'ils seront bien respectés.

Vous avez insisté sur les obligations faites aux opérateurs et sur l'accord qui les engage. Vous avez également parlé de l'association des collectivités territoriales, une association évidemment cruciale. Toutefois, la question reste posée sur les modalités et le calendrier de la consultation des collectivités pour la mise en oeuvre de l'accord.

Par ailleurs, l'ARCEP va annoncer des arbitrages en juin 2018. Disposez-vous d'éléments sur les critères qui seront pris en compte ?

M. Didier Mandelli. - Ma première question, qui est d'ordre sémantique, s'adresse autant à l'ingénieur qu'au ministre.

Depuis l'intervention du Président de la République, vous utilisez les termes - les mots ont leur importance ! - de bon débit et très bon débit, alors que l'on parle plutôt du haut débit et du très haut débit, qui sont des notions mesurables, quantifiables. Le bon débit est surtout lié à la perception de l'usager sur un territoire ; il n'est pas forcément satisfaisant pour les uns ou les autres, en fonction des besoins de chacun. C'est un point que je tenais à souligner.

Ma seconde question porte sur la 5G. Notre commission a également procédé à de nombreuses auditions concernant le véhicule autonome. À cet égard, permettez-moi de lire une déclaration du vice-président d'Intel : « La voiture autonome devra être guidée par un cerveau électronique infaillible nourri par des réseaux de télécommunications sûrs et ultrarapides. La 5G constitue un minimum. »

Or vous annoncez la 4G en 2020, alors que les véhicules autonomes seront quasiment prêts à cette période. N'a-t-on donc pas intérêt à accélérer le déploiement ?

M. Olivier Jacquin. - J'apprécie un certain nombre des avancées évoquées, qui dénotent un certain pragmatisme mais aussi un certain flou.

D'un point de vue juridique mais aussi en vue d'une sécurisation financière, lorsque les coûts résiduels pourraient être très élevés, il existe des zones RIP et des zones AMII. Comment sécuriser les démarches lorsque l'initiative publique fait tout ce qu'elle peut pour sauver un territoire ?

En outre, la définition de la bonne couverture de la téléphonie mobile est imprécise. Pour exercer notre fonction de contrôle, nous avons besoin d'avoir des critères beaucoup plus précis en termes de niveau de débit et de qualité de service apportée.

Enfin, j'aimerais avoir des précisions sur les donneurs d'ordres que sont les collectivités territoriales. Est-ce une libre organisation ? Est-ce que la subsidiarité prévaut ?

M. Michel Vaspart. - Je voudrais vous faire part d'une inquiétude. La Bretagne a été l'une des régions les plus promptes à mettre en place une structure telle que Mégalis Bretagne. On déplore un retard important concernant la fibre optique dans l'Ouest. Le président Macron et le Gouvernement ont annoncé la couverture de l'intégralité du territoire en très haut débit d'ici à 2022, mais Mégalis Bretagne parle de 2030 ! Ce n'est pas du tout pareil. Qui a raison ? Il y a là un véritable problème.

M. Hervé Maurey, président. - Toutes ces questions se rejoignent : nous avons le sentiment que le dispositif va dans le bon sens, mais nous nous interrogeons sur l'échéance, le calendrier et le rôle des collectivités locales.

Monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais vous poser une question très précise sur l'internet fixe, que j'avais d'ailleurs posé au président de l'ARCEP. Que pensez-vous de l'attitude de l'opérateur historique qui fait monter en puissance son réseau cuivre au moment même où les RIP activent leurs réseaux ? Personnellement, je pense que cela n'est pas convenable. J'ai écrit deux fois au président d'Orange, qui n'a pas daigné me répondre. J'aimerais avoir votre sentiment officiel sur ce point.

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. - Je vais essayer de répondre à toutes vos questions, et je reste à votre disposition pour échanger avec vous après cette réunion si vous le souhaitez.

Monsieur Chaize, concernant la question des critères, un sujet abordé à plusieurs reprises, il convient de veiller à ce que chacun des opérateurs investisse dans 600 à 800 sites par an, avec l'objectif que chacun investisse dans 5 000 sites, certains sites pouvant être mutualisés. Quels sont les sites prioritaires et quels sont les critères pour les définir ?

Comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire, la liste n'est pas arrêtée. Nous essayons de déterminer les premiers critères, mais cette question fera l'objet d'échanges avec les collectivités locales. On pourrait prévoir que ce sont les zones blanches actuelles ancienne définition. L'enjeu est de redéfinir la qualité de service. Comme vous l'avez indiqué, on peut déjà retenir les informations qui ont été remontées par les plateformes, notamment la plateforme France Mobile. Mais on peut également imaginer d'autres critères. On pourrait, par exemple, déployer le numérique dans les zones où il y a beaucoup de jeunes, des universités, des écoles ou, inversement, des personnes en situation de dépendance. On pourrait tout aussi bien privilégier les zones à forte activité économique.

Il revient à l'État et aux collectivités de définir les critères et de déterminer les sites. Et ce sont les services de l'État qui communiqueront la liste des sites aux opérateurs.

Actuellement, nous sommes en train de faire un premier draft pour définir avec les associations d'élus un modus operandi. Je le redis, au moment où je vous parle, les critères ne sont pas encore arrêtés.

Concernant le financement du plan très haut débit, des sommes importantes sont prévues, y compris dans le cadre de la dernière loi de finances et du grand plan d'investissement, pour pouvoir tenir tous les engagements à propos du bon débit pour tous en 2020 et du très bon débit pour tous en 2022.

Le guichet est aussi lié à un certain nombre de contreparties. Si je puis dire, ce n'est pas open bar. Certes, on nous reproche que les décisions sont trop longues. Mais, considérant les sommes en jeu, un certain nombre de critères sont pris en compte.

Le plan très haut débit n'est pas un plan exclusivement FttH. C'est le plan très haut débit qui permet de financer l'ensemble des installations techniques permettant d'avoir du haut débit ou du très haut débit, mais pas forcément via la fibre. Cela ne signifie pas que l'État ne continuera pas accompagner le déploiement de la fibre, qui est l'enjeu prioritaire.

À cet égard, tous les opérateurs, dans les zones AMII ou RIP, se tournent de plus en plus vers la fibre. Cependant, tout le territoire ne sera pas fibré du jour au lendemain. En revanche, les objectifs sont très clairs : bon débit en 2020 et très haut débit en 2022, mais cela ne passe pas que par la fibre. À terme, la société du gigabit que vous connaissez très bien passera forcément par la fibre.

Monsieur le sénateur, vous m'avez interrogé sur les engagements que prennent les différents s'opérateurs, notamment sur le devenir de l'article L. 33-13.

Tous les nouveaux engagements pris les opérateurs doivent être conformes à l'article susmentionné dans les zones dites d'initiative privée. Il en sera de même dans les zones nouvelles que l'on appelle les zones AMEL. Dans les zones RIP, la contractualisation est réelle, avec des pénalités de retard.

Quid dans les zones où l'engagement a déjà été conclu, hors zones RIP ? Là est le sujet.

Les opérateurs concernés nous ont donné des engagements, mais, en émettant des réserves. Or, comme vous le savez, le diable est dans les détails. Nous avons donc des discussions extrêmement techniques avec eux. Ensuite, se pose la question de savoir s'il convient de modifier l'article L. 33-13. Je ne puis vous apporter de réponse en cet instant. À certains égards, cela permettrait de revoir la notion de « zones peu denses » mentionnée dans la loi. Mais certains pourraient nous reprocher toute modification. Je vous le dirai très vite et en toute transparence.

Pour ce qui concerne la simplification, il faut y aller très franchement. Un certain nombre de simplifications figurent dans le projet de loi Élan. On ouvre une boîte de Pandore en prévoyant que l'avis conforme des architectes des bâtiments de France ne sera plus nécessaire pour les installations d'infrastructures de téléphonie mobile, un sujet tabou. Nous prévoyons aussi que la mise en concurrence des terrains pour les collectivités lorsqu'elles octroient des terrains pour réaliser des infrastructures n'est pas forcément nécessaire.

Dans le cadre du débat parlementaire, vous pourrez proposer toute simplification que vous jugez utile. Aucun sujet n'est tabou : plus on peut simplifier pour déployer rapidement, mieux c'est.

L'IFER est une taxe très compliquée : plus vous déployez plus vous payez. On propose donc que toutes les infrastructures supplémentaires soient exemptées de cette taxe pendant cinq ans.

Madame de Cidrac, vous me demandez quelle est ma position à l'égard de la proposition de loi. Sans vouloir faire preuve de flagornerie, ce texte arrive au bon moment. Il y a quelques mois, certains opérateurs faisaient des annonces quelque peu tonitruantes. Aussi, la proposition de loi expose la position des parlementaires et notamment des donneurs d'ordre en tant que représentant des collectivités locales. Aujourd'hui, le contexte est différent.

Je partage pleinement l'objectif poursuivi. Voyez la détermination qui est la mienne, celle de Jacques Mézard et du Gouvernement pour avancer. Le Gouvernement soutiendra-t-il ce texte ? Quelles dispositions figureront dans le projet de loi Élan ? Comme je vous l'ai dit, je ne sais pas s'il convient de modifier l'article L. 33-13. Par ailleurs, faut-il transposer les dispositions du code européen des communications électroniques avant même que les discussions européennes ne soient finalisées ? Voilà les deux sujets principaux de la proposition de loi.

Monsieur Gold, vous avez évoqué l'usage. Aujourd'hui, 13 millions de Français voient passer le TGV en bas de leur jardin, mais ne peuvent y monter. Deux angles sont à prendre à considération, celui des personnes et celui des lieux.

Mounir Mahjoubi a annoncé à la fin de l'année dernière la stratégie et la planification du Gouvernement sur l'accompagnement pour l'usage du numérique. D'une part, il convient d'identifier territoire par territoire les entités susceptibles de faire cet accompagnement. La Poste ? Des associations ? Des structures ad hoc ? Des lieux de formation ? Tout dépend des territoires. D'autre part, dans quels lieux peut-on donner des formations sur le numérique ? J'ai la conviction que les maisons de services au public sont notamment le lieu où l'accès au numérique doit être privilégié. La Poste a évidemment un rôle croissant à jouer en la matière.

Madame Lanfranchi Dorgal, vous avez abordé la question de l'appel à manifestation d'engagements locaux.

Pour schématiser, il existe trois zones de développement du numérique : les zones dites totalement privées, là où c'est particulièrement rentable et tous les opérateurs s'y pressent ; les zones AMII, également d'initiative privée, qui sont suffisamment rentables - l'État et les collectivités locales n'ont pas besoin de participer financièrement - et qui attirent les opérateurs privés ; et les zones RIP, que vous connaissez par coeur.

On observe en ce moment une appétence plus en plus forte des opérateurs privés ou des investisseurs privés pour le financement de ces infrastructures. En Mayenne, le département a fait le choix de ne pas faire contribuer les communes alors que c'était prévu initialement. Par le biais des appels à manifestation d'engagements locaux, l'État accompagne les collectivités sur ce volet.

Deux garde-fous sont prévus. Premièrement, les collectivités doivent veiller à ne pas rompre l'équilibre des actions engagées, en veillant à ce que la première phase de travaux, même si elle est d'initiative publique, sera achevée. Deuxièmement, tous les engagements pris par les privés doivent être opposables, notamment en vertu de l'article L. 33-13.

Il est vrai que l'ARCEP va mettre en place deux observatoires, l'un sur le numérique et l'autre sur le mobile, parce que la transparence est essentielle. Les travaux se poursuivront dans les six prochains mois.

Mme Christine Lanfranchi Dorgal. - L'aménagement du numérique relève de la compétence de la communauté de communes ou d'agglomération, particulièrement dans mon territoire. Je suppose donc qu'elle sera l'interlocuteur. Or le schéma est départemental. Comment cela va-t-il s'articuler ?

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. - Il y a des RIP régionaux, départementaux, intercommunaux. C'est le donneur d'ordre, celui qui passe le contrat, qui prend la décision.

Monsieur Pointereau, vous avez évoqué le financement des collectivités locales, soulignant la différence entre les zones urbaines et les zones rurales et l'inégalité d'un point de vue financier.

Vous avez raison, l'inégalité financière existe. C'est pour cette raison que nous mettons en place le plan très haut débit, avec 3,3 milliards d'euros. De plus, nous avons lancé les zones AMEL. Les opérateurs privés peuvent nous aider à réduire la fracture financière dans la mesure où ils sont de plus en plus intéressés par le financement d'infrastructures dans de nouvelles zones.

Au niveau de la couverture mobile, se pose la question des collectivités qui auront accès à des technologies plus coûteuses. Une grande agglomération ne se pose pas la question de la couverture par satellite, contrairement aux collectivités rurales. En 2019, nous mettrons en place un guichet doté de 100 millions d'euros pour accompagner celles qui devront investir dans des technologies plus coûteuses.

Monsieur de Nicolaÿ, sur la question du financement des infrastructures, les pylônes ne seront plus financés par les élus locaux. Mais quid des contrats en cours de lancement ? La meilleure des solutions sera de ne pas arrêter les opérations lancées.

Il faut évidemment utiliser la plateforme France Mobile, comme vous l'avez évoqué.

Monsieur Luche, je reviendrai avec grand plaisir devant vous pour vous faire part des résultats. Je l'ai dit, l'accord est contraignant. Le gendarme des télécoms, l'ARCEP, a la capacité de contraindre si l'accord n'est pas respecté, soit par le biais d'amendes financières très dissuasives, soit au niveau de l'attribution ou du renouvellement de l'autorisation d'utilisation des fréquences.

Plusieurs d'entre vous ont soulevé la question de l'association des maires ou des collectivités locales. La question fondamentale est de savoir qui, au sein des collectivités locales, va nous aider à identifier chaque année les 600 à 800 sites. Les associations d'élus ? Les habitants eux-mêmes avec la plateforme ? L'ensemble des maires de France ? Les régions ? Les départements ? Là encore, notre position n'est pas arrêtée. Il ne me semble pas possible de faire appel à tous les maires de France : la probabilité qu'ils nous fassent part de problèmes est assez forte. Nous sommes en train de travailler sur cette question pour vous soumettre nos propositions.

Il est certain qu'il importe d'établir le plus grand nombre possible de critères pour fixer des priorités et pouvoir expliquer à une collectivité qu'elle sera prioritaire dans deux ans, afin d'éviter tout sentiment de frustration. N'hésitez pas à nous faire part de vos propositions en la matière.

Monsieur Marchand, vous avez évoqué les espaces de concertation. Vous avez mille fois raison, discutons-en pour amender la loi en conséquence. Aujourd'hui, on ne simplifie que les autorisations en matière d'urbanisme, mais on n'a pas traité de la concertation en amont.

Madame Préville, les demandes se font via les collectivités. Comme je l'ai dit, les maisons de services au public et les acteurs comme La Poste pourront les accompagner. L'Agence nationale de la cohésion des territoires vise à accompagner les collectivités notamment en matière d'ingénierie.

Monsieur Longeot, vous avez abordé un point essentiel, à savoir l'alimentation en électricité.

Aujourd'hui, l'opérateur financera le pylône, ainsi que le raccordement entre la ligne électrique et le pylône dans une distance de 100 mètres. Qu'en sera-t-il quand il faudra rallonger le réseau électrique ? La question est plus compliquée. Le syndicat d'électricité pourra être saisi, mais, dans quelques cas, l'opérateur pourrait être prêt à prendre en charge cette dépense. Nous sommes en train de voir ce qu'il est possible de faire juridiquement.

La question de la couverture par satellite est aussi en cours de discussion. Le guichet pourra notamment contribuer au financement des antennes.

Monsieur Chevrollier, la Mayenne est effectivement un exemple très innovant, avec la couverture de l'ensemble du territoire par la fibre. De plus, c'est l'un des premiers RIP accueillant Orange et Free, avec une diminution des financements publics et une augmentation des financements privés.

Mme Nicole Bonnefoy. - Pourquoi cela ne s'est-il pas fait avant ?

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. - Les technologies ont évolué. Aujourd'hui, le numérique est plus rentable qu'il ne l'était auparavant.

Cap 2022, c'est l'engagement très clair de la dématérialisation des démarches administratives d'ici à la fin du quinquennat. Il faut permettre à celles et ceux qui veulent faire leurs démarches par internet de le faire, mais aussi offrir un accompagnement à celles et ceux qui le veulent. Cela nous renvoie aux maisons de services au public.

Monsieur Gontard, vous avez parlé de la mutualisation. Aujourd'hui seront mutualisés tous les pylônes considérés en zone blanche nouvelle définition. On renforce donc la mutualisation.

Monsieur Dantec, permettez-moi d'éclaircir un point. Il ne faut pas du tout retenir l'année 2025 pour le déploiement de la téléphonie mobile.

Voilà ce qu'il faut retenir. Tous les ans, à partir de cette année, entre 600 et 800 pylônes de plus seront installés, avec, par opérateur, 5 000 pylônes, dont un certain nombre seront mutualisés dans les zones blanches.

D'ici à la fin de l'année 2020, on assistera à une généralisation massive de la 4G. De plus, on connaîtra une progression massive de la couverture des grands axes de transport.

L'année 2025 qui figure dans l'accord correspond à un point très précis : l'amélioration de la qualité de service. Il ne s'agit pas d'une échéance pour la couverture.

M. Ronan Dantec. - Vous avez expliqué que toutes les zones grises ne seront pas couvertes en 2020. À cet égard, je vous remercie de refuser les postures de confort. Avez-vous des idées plus précises entre 2020 et 2025 ?

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. - Si les 600 à 800 sites retenus cette année appartiennent à des zones blanches, avec un temps de construction moyen d'un an ou de deux ans, toutes ces zones seront couvertes en 2020.

M. Ronan Dantec. - Nous avons bien compris ce point.

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. - Comme on améliore parallèlement la qualité de service, que devient alors une zone grise ?

M. Ronan Dantec. - C'était le sens de ma question.

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. - C'est la perception qu'en ont les Français.

Si la priorité est donnée aux anciennes zones blanches, elles seront couvertes fin 2020, puis nous améliorerons au fur et à mesure la qualité des réseaux sur tout le territoire.

M. Ronan Dantec. - Pour reprendre votre exemple, celui qui doit aller au fond de son jardin pour capter pourra-t-il voir sa situation s'améliorer en 2020, en 2022 ou 2023 ? Car il n'est pas dans une zone blanche.

M. Hervé Maurey, président. - Aujourd'hui, certaines communes ne sont pas identifiées en zone blanche, mais ne sont pas couvertes.

Dans le département de l'Eure, 150 communes ont répondu avoir une mauvaise couverture ou pas de couverture du tout. L'État en a retenu treize, me semble-t-il, eu égard aux critères applicables. Que dois-je répondre aux maires qui me demandent quand leur commune sera équipée en téléphonie mobile ?

M. Julien Denormandie, secrétaire d'État. - Je vous ai déjà parlé des zones blanches. On redéfinit aujourd'hui toute la qualité de service dans les zones grises.

La personne que nous avons prise en exemple habite aujourd'hui dans une zone grise, mais elle sera demain considérée comme vivant en zone blanche. Comme nous modifions les critères, je ne sais pas s'il existe 1 000 ou 2 000 zones de ce type. Imaginons qu'il y en ait 1 000, avec les zones blanches actuelles, on aura 1 500 zones blanches. Avec 600 ou 800 sites par an, cela ira très vite. S'il y en a 4 000, cela ira moins vite. Nos experts parlent plutôt d'un écart de grandeur de 1 000 à 2 000. Mais je me méfie comme vous de tous ces chiffres.

Je prendrai un troisième cas de figure. Une grande partie d'un village est très bien couverte, mais, à quelque 300 mètres du village, les personnes ne captent pas. Elles ne seront pas pour autant prioritaires, par rapport à un village entier.

Notre objectif est de prioriser, avec les collectivités, les sites où la couverture est la plus nécessaire. Si l'on en croit nos experts, tout cela devrait aller assez vite. Mais j'attends les remontées qui vont nous être faites.

Autre engagement très clair : fin 2020, 10 000 communes passeront en 4G. C'est essentiel, car la 4G vous permet d'avoir accès à internet sur votre téléphone.

Comment s'assurer de l'effectivité ? Le contrôle sera réalisé par l'ARCEP. C'est pour cette raison que nous avons tenu à ce que cet accord soit signé sous le sceau de l'ARCEP.

Madame Bories, vous avez évoqué les difficultés engendrées par la présence de plusieurs opérateurs sur une même copropriété. Les règles en la matière pourraient utilement être simplifiées dans le cadre du projet de loi ELAN. S'agissant du défaut d'entretien, je vous rappelle que l'obligation d'entretien ressort du service universel de l'opérateur historique.

Madame Tocqueville, l'objectif est de disposer d'une première ébauche de document dans le courant du mois de mars, afin de pouvoir travailler avec les associations d'élus sur une version définitive du mode d'emploi disponible au printemps.

Monsieur Mandelli, le haut débit correspond à 8 mégabits et le très haut débit à 30. Nous expérimentons la 5G, en coopération avec le ministère de l'industrie et l'Arcep, mais son déploiement nécessitera l'attribution de fréquences spécifiques. Je crois avoir déjà répondu à M. Jacquin sur la sécurisation du financement des RIP. Je rappelle que les collectivités territoriales demeurent donneurs d'ordre, même s'il revient aux opérateurs d'investir et à l'État de faciliter les procédures.

M. Vaspart a évoqué la Bretagne et son plan visant à déployer la fibre sur l'ensemble du territoire régional à échéance 2030. Ce projet ne doit pas être confondu avec l'objectif gouvernemental de fournir le très haut débit à la totalité des Français d'ici 2022, qui s'appuie certes sur la fibre, comme en Mayenne ou dans l'Ain, mais également sur des technologies alternatives. Le déploiement universel de la fibre, correspondant à l'avènement de la société du gigabit appelée de ses voeux par Patrick Chaize, ne peut être que progressif.

Monsieur Maurey, l'attitude d'Orange, qui redynamise son réseau cuivre pour concurrencer la fibre, est incompréhensible ! Les autres opérateurs font au contraire, et de plus en plus, le choix de la fibre, comme en Mayenne ou en Essonne. Si la situation perdurait avec Orange, l'État pourrait agir en définissant, comme la loi l'y autorise, des zones où le développement de la fibre est prioritaire. Cela nécessitera néanmoins que soient publiés les décrets afférents à cette disposition relative au statut « zone fibrée ».

M. Hervé Maurey, président. - Je comprends de votre réponse que l'État actionnaire s'entretiendra prochainement avec Orange et répondra aux lettres des parlementaires relatives à ce problème. Merci monsieur le ministre, j'espère que nous continuerons à travailler ensemble sur ces sujets.

La réunion est levée à 13 heures.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

- Présidence de M. Hervé Maurey, président -

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Audition de Mme Agnès Buzyn, Ministre des solidarités et de la santé

M. Hervé Maurey, président. - Nous accueillons Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir répondu à notre invitation, pour évoquer la question de l'accès aux soins, qui, au même titre que celle de la couverture numérique du territoire, que nous avons abordée ce matin avec M. Denormandie, est un sujet majeur d'aménagement du territoire.

Notre commission est, comme vous le savez, très mobilisée sur cette question de l'accès aux soins et sur le problème de la désertification médicale. Son premier rapport d'information, en 2013, Déserts médicaux, agir vraiment, portait d'ailleurs sur ce sujet. Nous proposions, à l'époque, seize mesures pour enrayer cette évolution, déjà préoccupante. Certaines ont reçu un timide écho - je pense au développement de la télémédecine, à l'allongement de la durée d'activité des médecins, au transfert d'actes entre professionnels de santé - mais d'autres n'ont malheureusement pas prospéré. Tel est le cas de notre proposition de mieux évaluer et de réorienter les aides à l'installation, de réformer les études de médecine, à partir du constat que l'on forme davantage de futurs praticiens hospitaliers que des médecins de ville, d'instaurer, enfin, un système de régulation à l'installation.

Quelques années plus tard, notre collègue Jean-François Longeot, rapporteur pour avis du projet de loi de modernisation du système de santé, proposait un certain nombre d'amendements, adoptés à l'unanimité par notre commission, pour mettre en place, notamment, un système d'apprentissage, et revenir à la charge sur l'idée du conventionnement sélectif, auquel nous sommes attachés.

Ces amendements n'ont pas prospéré dans l'hémicycle, parce que depuis 25 ans, les gouvernements successifs ne veulent pas sortir d'une politique purement incitative dont on mesure pourtant chaque jour les limites. Dans 148 cantons, il n'y a plus, aujourd'hui, aucun médecin généraliste, contre 91 en 2010. Il faut, selon les derniers chiffres dont je dispose, 18 jours en moyenne pour obtenir un rendez-vous avec un pédiatre, 40 pour un gynécologue, et 133 pour un ophtalmologiste. Selon un sondage, 64 % des Français ont renoncé à se faire soigner compte tenu de ces délais.

Alors que je mettais beaucoup d'espoir dans les annonces du Premier ministre, qui avait dit, très tôt, que la lutte contre les déserts médicaux était une priorité, j'ai été déçu par le dispositif retenu, qui s'inscrit dans la même logique que les mesures mises en oeuvre jusqu'à présent et qui, restant centrées sur l'incitation, ne sont pas de nature à relever le défi auquel sont confrontés nos territoires, les élus et les citoyens. J'ai lu que le Premier ministre aurait récemment annoncé un texte sur les déserts médicaux. Si tel est le cas, contiendra-t-il enfin des mesures adéquates ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. - Nous nous rejoignons sur l'enjeu, mais pas sur les solutions. La situation de la médecine n'est pas une question d'aménagement du territoire comme une autre. La profession médicale est sous tension démographique, situation qui perdurera jusqu'en 2025 parce que les décisions sur le numerus clausus n'ont pas été prises à temps : il faut entre dix et quinze ans pour former un médecin. Or, dans les années 1990, le numerus clausus était très restreint, à 3 000 ou 4 000 médecins par an, en vertu d'une politique qui visait à réduire le déficit de la sécurité sociale avec l'idée que moins de médecins produiraient moins d'actes... Personne n'a anticipé le vieillissement de la population, l'accroissement des pathologies chroniques, l'évolution du mode d'exercice des médecins qui veulent une meilleure articulation entre temps professionnel et temps personnel - et pas seulement du fait de la féminisation de la profession -, si bien que l'on a réagi trop tard. Aujourd'hui, le numerus clausus a plus que doublé et nous sommes, depuis 2005, à 8 000 médecins par an. La démographie médicale restera donc faible jusqu'en 2025, avant de repartir à la hausse dans des proportions importantes. Nous devons par conséquent faire face à un creux d'une dizaine d'années, et trouver des moyens intelligents pour répondre, durant cette période, aux besoins de santé de la population.

La profession médicale n'est pas une profession comme les autres. Elle tient certes au principe de liberté d'installation, mais là n'est pas l'unique difficulté. Il a existé des tentatives de régulation des professions médicales au Canada, en Allemagne, pays qui a mené, il y a une dizaine d'années, une politique d'installation coercitive telle que vous la proposez. Cela a abouti à réduire l'installation en zones bien dotées, mais sans jouer sur les zones désertifiées, les installations n'ayant augmenté qu'en zones périurbaines : les médecins ont contourné l'obligation, et se sont installés à la périphérie des zones surdotées.

Quel élu considère, aujourd'hui, que son territoire est surdoté et juge qu'il ne faut plus d'installations sur son territoire pour accroître la quantité de médecins dans d'autres territoires ? Lorsque l'on pose la question, peu d'élus lèvent la main, même parmi les élus parisiens, car y compris à Paris, l'accès à certains spécialistes devient difficile. Seules deux ou trois villes en France peuvent ainsi réellement être considérées comme surdotées. Pour le dire autrement, ce n'est pas en déshabillant Nice que l'on va habiller le reste du pays.

Le troisième problème tient au fait que les médecins terminent leurs études à l'âge de trente ans au plus tôt. Un âge où beaucoup ont fait leur vie, ont des enfants, un époux, si bien qu'il est difficile de leur demander de s'arracher au lieu où ils sont installés. Quand un territoire n'est pas attractif pour un médecin, il l'est encore moins pour un époux qui doit chercher du travail... Comment ces médecins réagiraient-ils à un système coercitif ? Il y a fort à parier qu'ils prendraient des postes salariés, qui sont pléthore puisque nous manquons de milliers de médecins du travail, de médecins scolaires mais aussi de médecins dans l'industrie. Sans compter qu'un quart des diplômés, faut-il le rappeler, n'exercent pas la médecine au sortir de leurs études et trouvent d'autres orientations.

La profession a donc des spécificités qui ne sont pas celles de la profession d'infirmière, pour laquelle des mesures coercitives ont pu être prises parce que c'était une profession surdotée. On forme énormément d'infirmières et elles terminent leurs études à 21 ou 22 ans, un âge où l'on peut encore orienter le lieu d'installation.

Nous avons, avec le Premier ministre, présenté un plan le 13 octobre, qui vise à changer de paradigme. Pas plus qu'à la coercition je ne crois à l'incitation, qui provoque des effets d'aubaine, comme on l'a vu pour beaucoup de professionnels formés à l'étranger, et n'a pas montré grande efficacité. Nous considérons que la solution passe plutôt par l'organisation des soins. Un médecin peut donner du temps médical sur un territoire sans pour autant y vivre. C'est ainsi que nous envisageons d'exporter du temps médical sur certains territoires. Nous entendons mettre en place de fortes incitations pour que les médecins installés autour d'un bassin de vie sous-doté aillent y donner de leur temps.

Notre deuxième orientation consiste à favoriser les coopérations interprofessionnelles pour couvrir un territoire sous-doté. Beaucoup de pathologies, notamment chroniques, pourraient bénéficier d'un suivi partagé avec d'autres professionnels de santé. Des infirmières pourraient ainsi se voir déléguer certaines tâches, comme cela se pratique dans les maisons pluriprofessionnelles, pour le suivi de diabètes, par exemple, ou de traitements anticoagulants qui ne nécessitent pas forcément une consultation médicale.

Troisième orientation : libérer la télémédecine pour raccourcir les délais de consultation, en dermatologie, par exemple. La téléconsultation et la télé-expertise entreraient ainsi dans le droit commun. Une négociation conventionnelle avec les médecins libéraux est en cours pour fixer un tarif, qui permettra une mise en oeuvre dès la rentrée 2018.

Ne pas penser en termes d'installation mais de temps médical donné aux territoires ; voir dans le temps médical un temps donné par les professionnels de santé, selon une organisation pluriprofessionnelle - ce qui passe par le développement des maisons de santé - ; permettre à des médecins un cumul emploi-retraite, dont le projet de loi de financement de la sécurité sociale a quadruplé les possibilités : tel est le changement de paradigme que nous proposons. Le plan d'accès aux soins comprend 25 mesures incitatives à cette fin, qui permettront de mettre en place ces organisations innovantes.

Enfin, nous pensons que tous les territoires doivent se mobiliser. Nous avons demandé aux agences régionales de santé (ARS) d'organiser avec leurs délégués territoriaux, les élus de chaque territoire, les unions régionales des professionnels de santé (URPS) et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui rassemblent les professionnels, de travailler à des réponses opérationnelles appropriées à chaque territoire. Car chaque territoire a ses spécificités. Les besoins d'un territoire rural très isolé ne sont pas les mêmes qu'en zone périurbaine, où le frein à l'installation peut tenir à l'insécurité. Les mêmes différences se retrouvent dans l'offre de soins, certains territoires comptant beaucoup de médecins libéraux et peu d'offre hospitalière quand la situation est inverse dans d'autres. C'est pourquoi nous proposons, dans le plan d'égal accès au soin, de mettre en place des postes d'assistant partagé, pour que les médecins hospitaliers aillent donner du temps médical dans les territoires sous-dotés, et de promouvoir les stages en médecine libérale, assortis d'une aide, afin que les externes et les internes s'approprient l'intérêt de la médecine libérale de premier recours.

M. Hervé Maurey, président. - Notre commission n'a jamais prôné la coercition mais la régulation. Il ne s'agit pas d'obliger un médecin à s'installer quelque part mais, comme cela existe pour nombre de professions de santé, de prévoir un certain nombre de mesures pour faire en sorte que les médecins s'installent plutôt dans certaines zones que dans d'autres.

J'ai été très étonné de vous entendre déclarer, comme vous l'avez fait dans l'hémicycle, que les zones surdotées n'existent pas. Ce n'est pas une notion que nous avons inventée : elle est reconnue par les ARS. On sait fort bien que dans certaines zones géographiques, on peut avoir un rendez-vous du jour au lendemain quand il faut, ailleurs, attendre des mois.

Je ne puis vous suivre lorsque vous dites que le problème tient au nombre de médecins. Je crois qu'il tient plutôt à leur répartition. Vous rappelez le principe de liberté d'installation ? En Allemagne, où ce principe est inscrit dans la Constitution, la Cour constitutionnelle n'en a pas moins considéré que l'intérêt général l'emportait sur ce principe. Il serait temps que la profession médicale en juge de même.

M. Michel Dagbert. - Dans la réflexion sur l'aménagement du territoire, il est vrai que la question de l'accès aux soins a une coloration toute particulière. Nous entendons beaucoup parler, depuis de nombreuses années, de démocratie sanitaire. Les élus locaux, que notre assemblée représente, ont pris toute leur part à ce débat, pour tenter de répondre à la demande de nos concitoyens. L'opinion publique a beaucoup évolué : comme pour la météo, il faut aussi prendre en compte la température ressentie. Vous aurez beau dire que le nombre de médecins est suffisant sur tel territoire, si ses habitants ont le sentiment d'être laissés pour compte, cela n'y changera rien. J'appartiens à un département, le Pas-de-Calais, qui, avec 1,4 million d'habitants, est dépourvu de centre hospitalier universitaire (CHU) et voit des centres hospitaliers publics contraints de fermer certains services, et non des moindres. C'est le cas du service de cardiologie du centre hospitalier de Beuvry, ou du service de pneumologie du centre hospitalier de Lens. Tout cela parce que les médecins spécialistes n'en peuvent plus d'exercer dans ces conditions. Alors que la médecine de ville est défaillante, la population de la région a conservé le souvenir du régime minier, qui irriguait l'ensemble du territoire de médecins salariés, et se sent orpheline de ce dispositif. Je lance un cri d'alerte. Dans les arrondissements de Lens et de Béthune, qui, avec plus de 650 000 habitants, sont plus peuplés à eux deux qu'un tiers des départements français, les élus des trois agglomérations principales ont pris leurs responsabilités pour constituer un pôle métropolitain. J'aimerais que la directrice de l'ARS vienne expliquer comment elle peut répondre aux attentes de la population dans le cadre de ce pôle.

M. Pierre Médevielle. - Je viens d'une zone sous-dotée des Pyrénées, où les problèmes sont analogues. Lors de l'inauguration de l'IRM de l'hôpital de Saint-Gaudens, sous-préfecture du département, le professeur Lareng, l'un des pères du Samu, a quitté son fauteuil roulant pour monter à la tribune et clamer, en brandissant un poing rageur : « Des soins égaux pour tous ! » En dépit des alertes, la situation sur le terrain continue de se dégrader, l'accès aux soins recule et nous sommes à l'aube d'une catastrophe sanitaire.

La présence et la disponibilité des médecins généralistes sont la première condition de l'accès aux soins. Saint-Gaudens comptait 26 généralistes en 2010, ils ne sont plus que 16 aujourd'hui, dont il ne restera que 8 en 2020. Ceux qui exercent sont dans une situation déplorable et peuvent être amenés à faire plus de 60 actes par jour.

Nous comprenons que vous souhaitiez éviter le conflit avec les syndicats de médecins et que la coercition soit pour vous une ligne rouge, mais à force de céder sans cesse au corporatisme médical et de reculer devant les décisions difficiles, les déserts médicaux gagnent de plus en plus de terrain.

Parmi les mesures que vous proposez, la plus effective me semble être le doublement des maisons de santé. Nous ne doutons pas de votre volonté de les voir harmonieusement réparties sur le territoire, et bien dotées en médecins, mais n'est-ce pas là un premier pas vers une régulation dont vous ne voulez pas entendre parler ? L'ordre, les syndicats, la profession reconnaissent leur échec en matière de couverture du territoire. N'est-ce pas au législateur à prendre ses responsabilités, qui seront engagées en cas de crise sanitaire ? Comptez-vous faire passer l'intérêt des médecins devant celui de la population ? Ne pensez-vous pas qu'au-delà de l'augmentation du numerus clausus, il serait grand temps d'isoler une filière de généralistes dès la première année, avec des critères de sélection plus pragmatiques que les fameux QCM, comme le fait la Roumanie, où les stages de terrain sont nombreux et font fleurir des vocations ? Pourquoi, enfin, ne pas reconnaître le succès de certaines expériences de régulation, comme celle des pharmacies ?

M. Michel Vaspart. - Je rejoins les propos de notre président. Nous avons mission, comme sénateurs, de défendre nos territoires. L'installation des médecins ne relève pas, à mon sens, du seul ministère de la santé, mais aussi du ministère des territoires.

Alors que je présentai, en séance, un amendement qui n'avait rien de coercitif, vous m'avez répondu que vous ne saviez pas ce qu'était un secteur sous-doté ! Allez donc le demander aux ARS, madame la ministre, elles vous en montreront la cartographie. Comment comprendre que l'on accepte que de jeunes médecins s'installent dans des secteurs surdotés alors qu'ils sont conventionnés ? Il ne s'agit pas de les forcer à s'installer quelque part, mais seulement de les empêcher de s'installer en secteur surdoté. Il n'est pas question, comme vous l'avez dit tout à l'heure, de déshabiller ces secteurs. Dans l'amendement que j'évoque, il était prévu qu'il ne puisse y avoir d'installation qu'en remplacement d'un médecin sur le départ : un pour un. Je crois que vous commettez une erreur, et suscitez, chez nos concitoyens, le sentiment que ce sont les médecins qui décident.

M. Jean-François Longeot. - N'opposons pas les territoires. Comme vient de le rappeler M. Vaspart, nous n'avons jamais proposé d'interdire l'installation dans les zones surdotées, mais de ne remplacer que sur la base de un pour un.

L'augmentation du numerus clausus n'aura d'effets que dans quinze ans. Sans compter que 25 % des étudiants en médecine ne vont pas jusqu'au bout. Aujourd'hui, dans certains territoires, les habitants ne bénéficient d'aucun soin, parce qu'ils n'ont pas de médecin. Comme l'a dit Pierre Médevielle, les officines de pharmacie ont fait l'objet d'une régulation, si bien que la desserte est correcte. Tel n'est pas le cas de la médecine libérale, où la désertification peut se trouver amplifiée, de surcroit, par des particularités locales. A Pontarlier, dans le Haut-Doubs, les élus font ce qu'ils peuvent, mais nous sommes frontaliers de la Suisse, où des chasseurs de tête s'emploient à attirer chez eux les médecins : nous sommes doublement pénalisés. Il faut traiter le problème. Les parlementaires que nous sommes doivent engager des mesures pour un aménagement du territoire cohérent, qui réponde au mieux à l'attente de nos concitoyens.

M. Jean-Michel Houllegatte. - Sans ajouter à ce tour de France des pleurs et des grincements de dents, je veux faire entendre la voix normande de l'élu cherbourgeois que je suis. Et je suis préoccupé, même si quelque optimisme me revient à constater que depuis ces deux derniers jours, un certain nombre de lignes semblent bouger. Le relèvement du numerus clausus, même si ses effets mettront du temps à se faire sentir, est un signe fort, qui s'inscrit dans une réflexion sans tabou sur les études supérieures de médecine. Certes, le numerus clausus était tombé à 3 500 en 1993, mais il était auparavant, en 1977, de 8 700. Le rattrapage ne s'est donc pas opéré, alors que la population a cru de 22 %. Au point que 1 500 médecins diplômés hors de France viennent exercer dans notre pays - parfois même des Français qui ont ainsi contourné la difficulté d'accès en deuxième année de médecine. Pouvez-vous nous confirmer, madame la ministre, que cette réflexion sans tabou annoncée par le Premier ministre va bien s'engager ?

Ma deuxième préoccupation concerne la révision annoncée de la tarification à l'activité. Alors que le déficit des hôpitaux publics avoisine 1,5 milliard et que certains hôpitaux, comme celui de Cherbourg, en sont à ne plus pouvoir honorer leurs charges sociales, prévoyez-vous un plan d'accompagnement en attendant cette révision ?

Mme Nadia Sollogoub. - Je suis élue de la Nièvre, où les patients en situation d'urgence risquent désormais leur vie. C'est dire combien l'alarme est forte. Le président de l'Ordre national des médecins, durant la campagne présidentielle, avait dit : « il faut former les médecins dont nous avons besoin dans les territoires, et non les internes dont les centres hospitaliers ont besoin. » Je rejoins ce que disait mon collègue sur les études de médecine. Il me semble que comme dans toutes les formations d'excellence, les jeunes des milieux urbains sont favorisés par rapport aux jeunes ruraux qui, pour des raisons souvent matérielles, en viennent même à s'autocensurer et ne passent pas les concours. Il serait intéressant de savoir combien d'urbains et de ruraux réussissent respectivement le concours. Comment, chez des jeunes qui ont toutes leurs attaches en ville, naîtrait soudain une vocation pour aller exercer la médecine générale au fin fond de la Nièvre ? Telle est la question que je me pose. Si mon soupçon se confirme, j'estime qu'il faudrait donner plus de facilités aux jeunes ruraux, via des formations de proximité ou une régionalisation du numerus clausus, pour rendre leurs chances à ces jeunes, attachés à leur territoire.

Mme Angèle Préville. - Le désert médical avance, et j'en veux pour preuve le cas d'un territoire très rural, le Lot. Les faits sont têtus, madame la ministre, et j'attire à nouveau votre attention sur le courrier que vous a adressé la commune de Cressensac, dont les deux médecins partent cette année à la retraite sans avoir trouvé de successeur. Les médecins qui exercent à proximité, déjà surchargés, ne pourront suivre leurs patients. La commune manquera, compte tenu du fait que les jeunes médecins ont de nouvelles exigences horaires, de trois ou quatre médecins.

La commune a beaucoup investi - école, crèche, médiathèque - pour attirer de nouveaux couples ; elle s'est dotée d'une maison de santé pluridisciplinaire. Qu'adviendra-t-il de cette commune et des habitants des 27 communes environnantes qui y étaient suivis ? L'effort de relocalisation engagé, qui était couronné de succès, va connaître un coup d'arrêt. Les pouvoirs publics doivent imposer une logique de solidarité collective aux médecins. C'est la seule sortie de crise possible. Il y faut du courage.

Je veux aussi évoquer la formation. Quel pourcentage d'enfants d'ouvriers, d'agriculteurs, retrouve-t-on parmi les médecins ? C'est un chiffre qu'il serait intéressant de connaître. Je pense que ce pourcentage est en recul, ce qui pose, ensuite, des problèmes d'installation, car s'ils étaient issus des territoires, les jeunes médecins y retourneraient plus volontiers.

Une remarque, pour finir. J'ai été professeur toute ma vie. Les professeurs sont nommés sur un poste, et heureusement, car il n'y en aurait pas partout s'il en était autrement. Sans compter que les mesures incitatives sont très onéreuses.

M. Hervé Maurey, président. - Il serait en effet intéressant de disposer de chiffres sur les origines socio-professionnelles et géographiques des médecins. Je pense, en effet, que là aussi, les inégalités se creusent.

Mme Nelly Tocqueville. - On voit bien qu'il n'existe pas de solution miracle, et qu'il faut s'orienter vers un mix médical. Vous dites, madame la ministre, que pour garantir un égal accès aux soins dans les territoires, vous tablez, notamment, sur la généralisation de la téléconsultation et de la télé-expertise. Mais ce matin, M. Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires, nous a rappelé les engagements du gouvernement pour réduire la fracture numérique, qui recouvre malheureusement bien souvent d'autres fractures territoriales. Parmi ces quatre priorités, j'ai retenu la deuxième, qui consiste à mettre en oeuvre la révolution numérique en santé pour abolir les distances. Mais cela suppose que tous les territoires puissent accéder à la télémédecine. Travaillez-vous avec les ministères en charge de ces dossiers, et comment ?

Si les travaux engagés sur la télémédecine pour les patients résidant en établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) se poursuivent, a-t-on chiffré le coût de l'équipement de tous ces établissements d'ici à 2020, comme cela est l'objectif ? Reste aussi le problème des personnes âgées maintenues à domicile, qui n'auront pas accès à ce dispositif. Quelle forme pourrait prendre une assistance à leur bénéfice ? Cela suppose des compétences des intervenants, souvent salariés d'associations, qui devront être formés. Est-il envisagé de travailler avec les CCAS, les centres communaux d'action sociale ? Quelles sont, en bref, vos orientations en faveur de l'accès à l'outil numérique des personnes âgées, souvent isolées et qui risquent d'être victimes d'une sorte de double peine.

M. Olivier Jacquin. - J'apprécie, monsieur le président, vos propos énergiques sur la régulation et l'intérêt général.

Les maisons de santé, madame la ministre, sont un instrument de régulation nécessaire. Or, elles ne font pas l'objet d'une véritable planification. Seuls les territoires les plus innovants se lancent dans de tels projets qui, lorsqu'ils sont bien échafaudés, joue un rôle de pôle d'attraction pour les professionnels les plus dynamiques d'un secteur. Cette concurrence devrait être mieux régulée, peut-être dans le cadre des schémas départementaux d'accessibilité aux services, ou par les ARS. J'ai vu, dans mon département, échouer de beaux projets parce que certains professionnels n'avaient pas envie de bouger.

Les transferts opérés en quelques années de l'État vers les collectivités locales en matière de politique de santé suscitent de réelles difficultés, qui conduisent également à poser la question de l'appui en ingénierie que peut leur apporter l'ARS.

La crise récente des Ehpad a rappelé qu'un des problèmes montants du XXIème siècle était le grand âge. Les déserts médicaux cumulent bien autres handicaps - le numérique, la mobilité, les services à la population. Ne serait-il pas bon d'établir un plan plus offensif encore au profit de ces zones éloignées des aires métropolitaines, pour permettre à nos aînés de choisir leur lieu de fin de vie ?

M. Guillaume Chevrollier. - Dans la presse du jour, vous faites état, madame la ministre, d'une souffrance généralisée dans le monde hospitalier. De fait, dans mon département, au centre hospitalier de Laval, la situation est, comme dans beaucoup d'établissements, très tendue, les déficits importants, et beaucoup d'agents sont moralement et physiquement épuisés. C'est le cas au service des urgences, très sollicité dans un département classé parmi les déserts médicaux. Comment allez-vous investir davantage dans les hôpitaux alors que vous annoncez une baisse des tarifs de rémunération ?

J'entends bien votre raisonnement qui veut qu'en matière de démographie médicale, nous traversions une période de transition qui prendra fin en 2025, et je veux bien croire que la coercition, selon la manière dont on l'entend, ne soit pas la solution miracle, mais entendez, de votre côté, que comme celle de l'accès à la téléphonie mobile, la question de l'accès aux soins préoccupe au plus haut point les élus locaux et les habitants. Il convient donc de trouver des mesures très concrètes, avec des incitations fortes, car il y a urgence.

Quel message, enfin, pouvez-vous apporter aux personnels des Ehpad, à la suite des mouvements de contestation qui s'y sont manifestés ?

M. Charles Revet. - La Seine-Maritime, dont je viens, connait aussi des problèmes de désertification, tant en milieu rural qu'en banlieue.

Dans l'augmentation annoncée du numerus clausus, prenez-vous en compte la féminisation de la profession, qui est une bonne chose, mais avec ce corollaire qu'un plus grand nombre d'entre elles n'exercent pas ou exercent à mi-temps ?

J'ajoute qu'un certain nombre de jeunes Français qui souhaitent s'engager dans la profession ne le peuvent pas, du fait du numerus clausus, et en viennent à faire leurs études en Roumanie ou en Belgique. Or, il semblerait qu'il leur soit plus difficile de revenir exercer en France que ce ne l'est de s'y installer pour les étudiants originaires de ces pays, qui ont pourtant fait le même parcours. Comment l'expliquer ?

M. Jean-Marc Boyer. - Les maisons de santé motivent beaucoup d'élus. Il y faut des bâtiments, pour lesquels les collectivités et intercommunalités font des efforts financiers importants - c'est ainsi que le conseil régional Rhônes-Alpes-Auvergne a mis en place une aide de près de 200 000 euros dans les contrats de ruralité pour les collectivités qui s'engagent dans cette voie - mais il y faut aussi des professionnels de santé. Or, bien souvent, les collectivités commencent par mettre en place un bâtiment, qu'elles ont ensuite du mal à peupler. Parmi les solutions à ce problème, vous évoquez la possibilité d'un partage d'activités entre le secteur hospitalier et la médecine libérale. Avez-vous prévu des mesures incitatives, pour qu'une telle solution profite aux petites communes menacées de désertification ?

Mme Véronique Guillotin. - Je ne suis pas persuadée que la coercition soit une étape indispensable. Au terme de leur sixième année d'études, les étudiants, s'ils ne sont pas encore docteurs en médecine, sont bel et bien médecins, et appelés à exercer comme internes. Or, cet internat reste hospitalo-centré, le plus souvent sur des CHU, et font tourner la médecine hospitalière de notre pays. De fait, ils travaillent, et énormément, cinq ans durant, à l'hôpital. Ne pourrait-on prévoir des stages qui les fassent sortir des hôpitaux, pour les mettre sur des territoires mal dotés, qui ont leurs attraits et où ils peuvent être accueillis par des maîtres de stage compétents ? Ne serait-il pas bon d'inciter à l'accueil de ces jeunes médecins, et de doter ces territoires de maisons de santé pluriprofessionnelles accueillantes - car l'exercice isolé n'est plus la règle aujourd'hui, en médecine, et d'autant moins que tous les médecins aspirent à un équilibre entre vie professionnelle et vie familiale ?

On ne règlera pas les problèmes avec les solutions d'hier. Je crois beaucoup en l'innovation, y compris en la télémédecine, qu'il est bon de faire entrer dans le droit commun mais sans oublier de lever tous les freins. Or, j'ai le sentiment que l'on remet le pied sur le frein, tant les actes en télésanté sont cadrés : patients en affection de longue durée, mais pas tous, sur certains territoires mais pas tous, sur certains aspects mais pas tous. Ne faudrait-il pas lâcher un peu de lest ?

M. Joël Bigot. - Entre coercition et régulation, ne pourrait-on innover en mettant en place des postes de médecins salariés ? Un exemple : les maisons de santé ont du mal à démarrer faute de trouver des médecins désireux de s'y installer. Si certaines de ces structures pouvaient proposer des postes salariés à des jeunes qui n'ont pas les moyens de s'installer ou à des médecins en fin de carrière qui souhaitent s'alléger de l'administratif pour se consacrer au soin, cela ouvrirait un espace.

M. Didier Mandelli. - Vous avez évoqué l'idée, madame la ministre, que des médecins hospitaliers puissent exercer, une partie de leur temps, dans les campagnes. Je m'interroge sur cette proposition. En Vendée, à l'hôpital de Challans, les urgences, prévues pour 12 000 accueils sont saturées, avec plus de 18 000 accueils en raison, essentiellement, du manque de médecins traitants dans le secteur proche, qui voit, de surcroît, sa population multipliée par trois ou quatre en période estivale. Si bien que cet hôpital, comme d'autres, doit faire appel à des médecins de garde, à des coûts exorbitants, qui pèsent lourdement sur les budgets. Comment envisager d'extraire les médecins hospitaliers de l'hôpital quand, à l'inverse, ce sont des médecins extérieurs qu'il faut recruter, à grands frais, pour faire face ?

M. Hervé Maurey, président. - Madame la ministre, vous aurez constaté que tous nos collègues, sauf une - mais elle vient de la commission des affaires sociales ! - ont fait part de leur conviction qu'il fallait changer de logique et favoriser non pas la coercition, mais la régulation des installations.

Je suis convaincu que nous y viendrons, parce que la situation actuelle est facteur de drames sanitaires. Un jour, une chaîne comme TF1 se penchera sur ses conséquences et le Gouvernement se dira alors qu'il est temps de changer de braquet. N'attendons pas d'en arriver là pour prendre la mesure du problème !

Madame la ministre, je sais que nous n'allons pas vous convaincre, mais j'attends que vous répondiez à cette question : quand allez-vous dresser le bilan des mesures que vous avez prises et à quelle échéance en attendez-vous des effets positifs ? Deux, trois, quatre, cinq ans ? Si - ce que je ne souhaite pas ! - de tels effets ne se produisaient pas, considérerez-vous enfin qu'il sera temps d'adopter une autre logique ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. - Nous partageons le constat qui a été fait. Je suis en poste depuis huit mois, et ma priorité a été de réfléchir à un plan d'accès aux soins. J'ai travaillé d'arrache-pied avec mes services pour identifier les mesures favorisant un changement de paradigme et une libération des énergies afin que le terrain s'organise.

Monsieur le président, j'ai l'habitude de rendre des comptes, je l'ai fait dans mes fonctions précédentes, en particulier au sujet du plan Cancer. Le plan que j'ai présenté comporte des indicateurs chiffrés qui sont encore en cours de conception par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES. Ceux-ci s'attachent, par exemple, au temps d'accès, à la proportion de médecins, au nombre de transferts aux urgences, etc. Ils seront publiés dès que ce travail aura abouti.

J'ai mis en place un comité de pilotage stratégique de ce plan qui réunit les syndicats médicaux, les fédérations hospitalières, car certains hôpitaux ont la capacité de projeter un médecin dans un territoire pour donner du temps médical, l'ensemble des ordres des professions de santé, y compris ceux des kinésithérapeutes, des infirmières ou des sages-femmes. En effet, on ne peut pas se contenter de mettre l'accent sur les seuls médecins, tous les pays modernes se sont organisés de façon pluriprofessionnelle. Une infirmière peut ainsi assurer le suivi d'une hypertension artérielle en rencontrant le médecin dans une maison de santé sans que celui-ci ne prenne la tension. Les élus y sont également représentés par l'Association des maires de France, l'Association des maires ruraux de France et l'association France urbaine, l'association Régions de France et l'Assemblée des départements de France.

En outre, nous avons lancé trois délégués territoriaux - une sénatrice, Élisabeth Doisneau, un député, Thomas Mesnier, et une jeune médecin généraliste, Sophie Augros, ancienne présidente de syndicat - dont le rôle est de suivre les initiatives de terrain permettant de répondre aux besoins. Partout, des initiatives diverses sont mises en oeuvre, comme à Pontarlier, par exemple, où la mairie a monté un cabinet éphémère qui a débouché sur l'installation pérenne d'une maison de santé pluriprofessionnelle. Ailleurs, une maison de santé attachée à un hôpital permet aux médecins de partager leur temps entre exercices libéral et salarié. Le plan doit faciliter tous les modes d'exercice, comme l'ouverture de plusieurs cabinets, afin que les médecins puissent exercer en différents endroits en fonction des jours.

J'ai dit aux professionnels que j'allais libérer la réglementation qui freine les organisations innovantes. L'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale prévoit d'ailleurs des expérimentations financées par la sécurité sociale.

Je rendrai des comptes publiquement sur toutes ces mesures.

Réguler l'installation alors que la profession est aujourd'hui sous-dotée ne fonctionnera pas. Nous devons faire avec une démographie faiblissante jusqu'en 2025, conséquence de décisions prises en 1995. Nous n'allons pas inventer 25 000 médecins supplémentaires, nous devons donc chercher des organisations innovantes.

Beaucoup d'entre vous ont évoqué la question de la formation, et, par extension, du numerus clausus. L'effet d'une éventuelle ouverture serait en tout état de cause différé. Or je ne sais pas ce que seront les besoins en 2030, avec les progrès de l'intelligence artificielle et de la lecture informatisée d'images, qui vont entraîner une modification considérable des pratiques. Avant de toucher au numerus clausus, nous avons besoin d'un bilan prospectif. Toutes les lectures d'images vont être informatisées. Je ne veux pas prendre, à mon tour, de mauvaises décisions qui pèseront sur la France de 2035.

Sur ce point, le sujet touche aussi aux modes de sélection et donc à la définition des médecins que nous souhaitons former. Faut-il sélectionner sur les mathématiques et la physique ? Faut-il introduire plus de sciences humaines ? Les études de médecine ne sont pas adaptées aux pathologies chroniques, à l'exercice coordonné pluriprofessionnel. De même, nous avons prévu de multiplier les stages, en particulier en zones rurales.

J'ai présenté hier, avec le Premier ministre, un plan global de transformation de notre système de santé. Il comprendra une loi, en 2019, relative à l'ensemble des études médicales. Aujourd'hui, par exemple, un étudiant qui obtient zéro à l'examen national classant de fin d'études obtiendra un poste d'interne. Reconnaissons que ce n'est pas très sécurisant... Je n'ai pas encore annoncé que j'allais ouvrir le numerus clausus, la concertation commence à ce sujet, et nous devons nous projeter vers 2030 ou 2035.

Beaucoup ont évoqué les maisons de santé pluriprofessionnelle, qui sont l'avenir de la médecine, ainsi que les centres de santé accueillant des médecins salariés. Demain, les médecins n'exerceront plus seuls et devront se coordonner, face aux pathologies chroniques et au vieillissement des patients.

L'expérience montre toutefois que ce type d'organisation ne fonctionne que s'il est porté par un leader médical. Il faut donc parvenir à inciter un médecin à jouer ce rôle. Pour permettre cela, nous comptons augmenter considérablement le nombre de stages des internes, mais aussi de jeunes médecins généralistes et des externes, en zone rurale, dans les maisons de santé pluriprofessionnelle, afin de susciter leur intérêt. Nous allons également travailler avec les jeunes médecins pour les inciter à porter des projets coopératifs. Un budget de près de 400 millions d'euros est prévu dans le grand plan d'investissement à ce titre, mais rien ne pourra se faire sans un projet médical.

Nous avons demandé aux ARS d'identifier, avec les élus, les territoires en tension et de travailler avec les doyens pour pousser les jeunes médecins à s'y installer. Aujourd'hui, en effet, l'âge d'installation recule, les jeunes étant rebutés par l'ampleur des tâches administratives. Nous avons donc lancé une mission de simplification.

S'agissant de l'hôpital, il subit le rabot depuis des années. Il pâtit de la tarification à l'acte, qui n'est pas valorisante pour les équipes, pour lesquelles elle apparaît comme une perte de sens de leur mission. Nous allons diminuer de 50 % sa part dans le financement des hôpitaux, ce qui signifie qu'il faudra trouver ailleurs 50 % du budget.

Il faut ainsi passer à une tarification au forfait, en particulier en matière de soins ambulatoires. Aujourd'hui, ceux-ci font perdre de l'argent aux hôpitaux, alors que tout le monde devrait y gagner. L'hôpital doit s'insérer dans les bassins de vie, ce que ne favorisent pas les modes de financement actuels en silo.

Nous allons donc favoriser les tarifications au parcours, qui intéresseront l'ensemble de professionnels de santé et concerneront la médecine de ville comme l'hôpital ou, éventuellement, le secteur médico-social. Ces réformes seront menées en lien avec l'assurance maladie, puisqu'elles toucheront à la rémunération des médecins libéraux. Il s'agit de favoriser la coopération et les interactions.

Monsieur Mandelli, vous avez évoqué le coût des intérimaires à l'hôpital, qui concerne en particulier les anesthésistes et des urgentistes. J'ai signé un décret pour plafonner les rémunérations afin de mettre un terme à la pratique de ces médecins mercenaires, qui est coûteuse et délétère pour les équipes.

Vous me soupçonnez de manquer de courage face aux syndicats, mais je ne cherche pourtant pas à les défendre. Je n'ai qu'un devoir : répondre aux enjeux et aux besoins des citoyens. J'ai à l'esprit le risque de crise sanitaire et je souhaite lui apporter des réponses du vingt et unième siècle en modifiant l'exercice médical pour que, demain, on fasse plus de prévention et que les professionnels de santé choisissent la coopération plutôt que la compétition. Je ne manque pas de courage, je crois l'avoir prouvé, et ce plan global de transformation de notre système de santé ne vise en aucune manière à protéger une profession.

Mme Nadia Sollogoub suggérait la création de PACES (premières années communes aux études de santé) de proximité. Cela a déjà été fait, par exemple au Havre ou à Corte, pour la Corse. L'objectif est de faciliter l'accès aux études médicales pour les habitants des zones rurales. De même, le numerus clausus pourrait être adapté en fonction des facultés et des territoires. Sur ces sujets, sur la réforme à venir des études de médecine, nous commençons les négociations avec, entre autres, les syndicats de jeunes médecins et d'étudiants.

Pour récapituler, dans le cadre du plan global de transformation de notre système de santé nous lançons une concertation sur cinq grands chantiers.

Le premier concerne la qualité et la pertinence des soins, le second, la tarification de l'hôpital et de la médecine de ville.

Le troisième chantier est le numérique. La « e-santé » requiert, en effet, un bon équipement du territoire. Mon collègue Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État chargé du numérique, est particulièrement sensibilisé à cette question. Chaque Ehpad peut déjà bénéficier de 30 000 euros pour s'équiper en télémédecine, mais l'efficacité de cet investissement repose sur la qualité du réseau dans les territoires.

Les ressources humaines constituent le quatrième chantier. Il s'agit, d'une part, de modifier les études médicales par une loi en 2019, et, d'autre part, d'améliorer la gestion des ressources humaines à l'hôpital. La concertation dans ce domaine se terminera fin mai.

Enfin, le cinquième chantier consiste à organiser les territoires en filières de soins, plutôt que d'assister à la compétition des établissements entre eux. Il s'agit également de proposer une gradation des soins : nous ne ferons pas tout partout, il faut l'assumer. La médecine de premier recours se fera là où elle est nécessaire, mais les soins d'excellence et les plateaux techniques de haute technicité se trouveront ailleurs. Ce qui compte, c'est la coopération entre les établissements, que la tarification à l'acte ne permet pas. Le plan sera donc proposé cet été, probablement par le Président de la République.

Je crois avoir maintenant répondu à toutes vos questions.

M. Hervé Maurey, président. - Il reste la mienne : à quel terme attendez-vous des résultats ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. - Cela varie en fonction des mesures. Certains décrets ont été pris en janvier, mais deux ou trois mesures nécessitent des modifications législatives pour lesquelles j'espère trouver un vecteur avant l'été.

J'ai demandé aux ARS, que je rencontre chaque mois, de prendre en main en priorité le premier chantier. Elles ont établi une feuille de route indiquant leur stratégie pour associer les élus et les professions de santé afin d'animer une réflexion sur les bassins de vie en tension. J'attends leurs remontées dans le cadre du comité de suivi. De même, nos trois délégués territoriaux sont particulièrement mobilisés. Nous rendrons compte, indicateur par indicateur, du déploiement du plan.

M. Hervé Maurey, président. - Quelles sont les mesures d'ordre législatif ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. - Nous souhaitons mettre en place des assistants partagés entre l'hôpital et les cabinets en ville, sur deux mi-temps. Aujourd'hui, les chefs de clinique sont purement hospitaliers et ces postes n'existent donc pas. Nous souhaitons en créer deux cents cette année, mais il nous faut pour cela un vecteur législatif.

En revanche, les mesures permettant, par exemple, aux médecins retraités d'exercer en étant exonérés de charges ont déjà fait l'objet de décrets.

M. Hervé Maurey, président. - Pouvez-vous nous dire que la situation s'améliorera dans deux ou trois ans ?

Mme Agnès Buzyn, ministre. - Je ne sais comment répondre à cette question, qui me semble un peu sarcastique !

M. Hervé Maurey, président. - Elle ne l'est absolument pas. Quand sentirons-nous les effets positifs de votre plan ? Quand sera-t-il plus facile d'obtenir un rendez-vous médical ? J'ai posé ce matin la même question à votre collègue, M. Denormandie, au sujet de la couverture du réseau de téléphonie mobile.

Mme Agnès Buzyn, ministre. - Ce n'est pas la même chose de signer un accord avec trois opérateurs de téléphonie mobile ou avec 8 000 médecins qui sortent chaque année du cursus et plusieurs milliers de communes ! J'espère constater des progrès dès la prochaine réunion du comité de suivi, j'en rendrais compte et je souhaite que tous les indicateurs connaissent une évolution favorable.

M. Hervé Maurey, président. - Nous aussi !

Mme Agnès Buzyn, ministre. - Je ne peux toutefois pas m'engager aujourd'hui pour l'ensemble des territoires français, qui connaîtront sans doute des dynamiques différentes. J'espère pouvoir vous apporter des données chiffrées tous les six mois pour illustrer l'évolution de ce plan.

Il reste à évoquer un point sur les Ehpad, dont les difficultés, que nous connaissons, ont été aggravées par un changement de tarification. Beaucoup d'argent a été consacré par l'État à la partie « soins », reste désormais la partie « dépendance », laquelle repose sur les départements. Cela pose problème, même si les situations sont très diverses.

Je souhaite ouvrir l'immense chantier de la dépendance dans les mois qui viennent. Nous savons qu'il s'agit du défi des cinquante prochaines années. En 2050, en effet, plus de 5 millions de Français seront âgés de plus de 85 ans !

M. Hervé Maurey, président. - Merci madame la ministre. La réforme des études de médecine nous semble être une avancée très positive, de même que la progression dans la délégation d'actes. Vous le voyez, nous ne sommes pas hostiles par principe à votre politique, nous craignons seulement qu'elle ne soit pas suffisante.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Questions diverses

M. Hervé Maurey, président. - Au titre des questions diverses, je voudrais vous faire un bref compte rendu de la dernière réunion du bureau de la commission, mercredi dernier.

Nous avons évoqué d'abord le déplacement de la commission à l'étranger. Au vu de l'actualité qui sera celle de notre commission cette année, les membres du bureau ont estimé qu'il serait plus intéressant de se déplacer au Japon qu'en Inde, destination initialement arrêtée.

Une délégation de notre commission se rendra donc au Japon, entre le 9 et le 15 septembre prochains, pour étudier les politiques publiques mises en oeuvre notamment en matière de sûreté nucléaire, de mobilités et de développement numérique. En application d'une répartition proportionnelle sur les 3 ans à venir, cette délégation sera constituée, outre votre serviteur, de deux membres du groupe Les Républicains, un membre du groupe Socialiste et Républicain, un membre du groupe de l'Union centriste et un membre du Rassemblement démocratique et social européen. J'ai reçu les candidatures :

Pour le groupe Les Républicains, de MM. Cornu et Chaize ; pour le groupe socialiste et républicain, de M. Olivier Jacquin ; pour le groupe de l'Union centriste, de Mme Michèle Vullien, pour le groupe du RDSE, de M. Éric Gold.

S'agissant des déplacements de la commission, nous avons entériné un déplacement à la RATP, jeudi 15 mars, pour lequel vous avez reçu une invitation ; un déplacement à Marcoule, à l'invitation de notre collègue Pascale Bories, sur le site du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), sur le thème de la gestion des déchets radioactifs, le lundi 16 avril ; un déplacement sur le thème du véhicule autonome à Rouen, autour du projet d'expérimentation du véhicule autonome qui doit commencer au printemps.

Le Bureau a également autorisé la reconstitution du groupe de travail relatif aux négociations internationales sur le climat et l'environnement, sous la présidence de Jérôme Bignon, en proposant d'élargir son champ d'étude au contrôle de la mise en oeuvre des objectifs de développement durable.

Le Bureau a proposé par ailleurs la tenue de deux tables rondes : l'une sur l'eau, en lien avec les Assises de l'eau, et l'autre sur la sûreté nucléaire.

S'agissant du programme de contrôle, je rappelle que deux groupes sont d'ores et déjà constitués : le groupe de travail commun avec la commission des lois sur la sécurité routière, qui a tenu sa réunion constitutive jeudi dernier, et le groupe de travail sur la politique européenne de cohésion, avec les commissions des finances et des affaires européennes.

Le bureau a proposé la création de trois groupes de travail internes à la commission.

Un groupe de travail « flash » sur la qualité de l'air, en lien avec l'ouverture de procédures contre la France par la Commission européenne, et l'injonction faite par le Conseil d'État au Gouvernement d'élaborer et de mettre en oeuvre d'ici au 31 mars 2018 les plans relatifs à la qualité de l'air : sur ce sujet, nous aurions un président appartenant au groupe socialiste et républicain et un vice-président du groupe Les Républicains ; j'ai reçu les candidatures de Mme Nelly Tocqueville et de M. Cyril Pellevat, qui seront respectivement présidente et vice-président.

Un groupe de travail sur le véhicule « propre », avec un président issu du groupe Les Républicains et un vice-président issu du groupe La République en marche : j'ai reçu les candidatures de MM. Gérard Cornu et Frédéric Marchand, qui seront respectivement président et vice-président.

Un groupe de travail sur les déserts médicaux, avec un président du groupe Union centriste et un vice-président du groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste : j'ai reçu les candidatures de MM. Jean-François Longeot et Guillaume Gontard. Je souhaiterais également, sur ce sujet, coprésider le groupe avec notre collègue Jean-François Longeot.

Il en est ainsi décidé.

La réunion est close à 18 h 10.