Mardi 2 novembre 2021

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 17 heures.

Proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d'école - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire

La commission soumet au Sénat la nomination de MM. Laurent Lafon, Julien Bargeton, Max Brisson, Jacques Grosperrin, Cédric Vial, Mmes Marie-Pierre Monier et Sylvie Robert, comme membres titulaires, et de Mmes Else Joseph, Toine Bourrat, Anne Ventalon, M. Yan Chantrel, Mme Sonia de La Provôté, M. Bernard Fialaire et Mme Céline Brulin, comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire.

Répartition territoriale des moyens alloués à la création par le plan de relance - Présentation du rapport d'information

M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, nos rapporteures Sylvie Robert et Sonia de La Provôté vont nous présenter les conclusions de la mission relative à la répartition territoriale des moyens alloués à la création dans le cadre du plan de relance, que nous leur avons confiée au mois de juin dernier.

Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. - Depuis juillet dernier, nous nous sommes penchées, avec Sylvie Robert, sur les modalités de mise en oeuvre du plan de relance dans le domaine de la création artistique, afin de dresser le bilan de son exécution et de son efficacité. Nous voulions notamment vérifier s'il trouvait une traduction concrète et appropriée dans l'ensemble des territoires, ce qui nous a amené à regarder sa répartition en fonction des acteurs, des disciplines et des territoires.

À cette fin, nous avons procédé à une grosse dizaine d'auditions, dont un certain nombre sous forme de tables rondes pour pouvoir échanger à bâtons rompus avec les acteurs du secteur. Nous avons ainsi auditionné des services de l'État et des opérateurs chargés de sa mise en oeuvre, ainsi que les représentants de structures dans le domaine du spectacle vivant, public et privé, et dans celui des arts visuels. Nous avons également interrogé les collectivités territoriales, notamment en lançant une consultation des élus locaux sur le site internet du Sénat ; vous êtes un certain nombre à l'avoir relayée. Ces auditions ont fait ressortir un bilan contrasté.

Je commence par les points positifs.

Le premier point positif est l'existence même du plan de relance. Il y a en effet besoin d'un plan de relance pour la culture. Nous avons salué, tout comme de nombreux acteurs, les différentes aides transversales et sectorielles mises en place par l'État depuis le début de la crise sanitaire. Que ce soit en termes d'emploi, de maintien des structures ou d'accompagnement des organisateurs d'événements annulés, ces dispositifs ont permis de préserver l'écosystème avant la reprise. On aurait tout à fait pu imaginer que la création artistique ne soit pas considérée comme un secteur prioritaire dans le cadre du plan de relance, puisqu'elle avait précédemment été traitée comme « non essentielle ». Ce n'est pas le cas. La reconquête de notre modèle de création figure dans le plan de relance. Avec Sylvie Robert, nous y voyons une reconnaissance de la contribution du secteur au développement économique et au rayonnement de notre pays, mais pas seulement ; il contribue aussi à la vie de nos concitoyens. Le secteur culturel est une nécessité, que nous considérons comme vitale.

Le deuxième point positif est le montant du plan de relance. En effet, 400 millions d'euros de crédits y sont inscrits pour soutenir la création entre 2021 et 2022. C'est une somme significative, qui permet d'accroître de plus de 20 % le montant des crédits alloués par l'État dans le cadre du programme 131 « Création » au titre de ces deux années. Sans ces crédits supplémentaires, il y aurait probablement eu des faillites de structures en 2021 ; jusqu'ici, nous y avons échappé.

Le troisième point positif est la décision du Gouvernement d'ouvrir également le bénéfice de ces crédits à des structures qui n'étaient pas ou peu soutenues par l'État, par exemple des artistes émergents ou des structures culturelles débutantes, afin de préserver davantage l'emploi artistique. L'idée est que les autres structures sont de toute façon déjà soutenues via les crédits ordinaires du programme 131.

En l'occurrence, 40 % des crédits du plan de relance sont destinés au spectacle vivant privé généralement faiblement accompagné par l'Etat. Les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ont été chargées de réserver environ 15 % des crédits qui leur sont attribués à de petites structures qu'elles n'accompagnaient pas jusqu'alors, même si elles l'étaient souvent par les collectivités territoriales. Il s'agit de structures qui jouent un rôle dans les territoires, en termes à la fois de débouchés pour les jeunes créateurs fraîchement diplômés et d'accès à la culture. Elles contribuent largement à la réalisation des droits culturels.

Le dernier point positif, ce sont les modalités de pilotage du plan de relance. L'exécution de ces crédits fait figure de priorité pour le Gouvernement. Il a donc été mis en place une organisation dédiée pour en assurer le suivi budgétaire - c'est à souligner, car tel n'est pas toujours le cas - et pour veiller à la bonne tenue d'engagement des crédits sur deux ans. Cette organisation garantit un bon taux de consommation des crédits. Aucune des personnes que nous avons interrogées, ministère comme collectivités territoriales et professionnels du secteur, n'a de doute sur le fait qu'au terme de l'année 2022, l'intégralité des crédits aura été consommée.

En revanche, les modalités de mise en oeuvre du plan de relance sont plus décevantes.

D'abord, deux éléments sont troublants dans la répartition des crédits.

Le premier est la part relativement modeste qui revient spécifiquement aux territoires. Or le fait de pouvoir accompagner et irriguer les territoires faisait tout de même partie des objectifs initiaux. Seulement 20 % des crédits du plan de relance, soit 80 millions d'euros, sont déconcentrés en DRAC, tandis que près de 30 % des crédits sont consacrés à trois opérateurs nationaux parisiens : l'Opéra de Paris, la Comédie-Française et l'établissement public de La Villette. On a l'impression de se retrouver face au même type de répartition que dans un projet de loi de finances. Bien entendu, d'autres crédits du plan de relance pourraient trouver une traduction dans les territoires ; je pense notamment aux crédits consacrés à la relance du spectacle vivant musical privé, à ceux qui sont destinés aux artistes fragilisés par la crise ou à ceux du plan de commande artistique. Mais l'équilibre territorial dans leur répartition est aléatoire. Aucune consigne précise n'a été donnée pour atteindre l'objectif de territorialisation. Or qui dit accès à la culture pour tous et caractère essentiel de cette dernière dit nécessairement garantie d'une équité d'accès sur le territoire.

J'en viens au deuxième aspect troublant. Nous nous étonnons de la part réservée aux arts visuels : seulement 3 % des crédits lui reviennent spécifiquement. Là encore, on retrouve des similitudes avec le projet de loi de finances. Le niveau de crédits est étonnant au regard de la précarisation accrue des artistes visuels dans cette période de crise. L'augmentation très importante des demandes d'aides auprès du Centre national des arts plastiques (CNAP) en témoigne. Les arts visuels sont donc une nouvelle fois les grands oubliés de l'accompagnement de l'État, malgré la volonté exprimée par le Gouvernement d'améliorer le soutien aux artistes-auteurs. Le plan de commande artistique de 30 millions d'euros, sur lequel le secteur des arts visuels comptait beaucoup, ne leur est en réalité pas spécifiquement destiné : il doit également soutenir les musiciens, les compositeurs, les auteurs, les comédiens, les designers. L'appel à manifestation d'intérêt fait d'ailleurs l'objet d'une très grande opacité. Aucune répartition des crédits entre les disciplines ou à l'échelon territoriale n'a été préétablie. Ni les services du ministère de la culture ni le CNAP n'ont été associés à sa conception et aux choix qui seront effectués. La territorialisation sera donc un élément extrêmement important à suivre.

Ensuite, nous sommes extrêmement inquiètes du manque de concertation et de transparence dans la mise en oeuvre du plan de relance. C'est une vraie menace pour son efficacité, qu'il s'agisse des objectifs de territorialisation ou du maintien de la diversité culturelle et de la diversité de l'offre en fonction des disciplines. C'est donc l'accès à la culture pour tous qui est en jeu.

Les collectivités territoriales n'ont pas été consultées en amont de l'élaboration du plan de relance sur les besoins de leurs territoires. Certes, l'urgence de la situation peut l'expliquer. Mais elles ne sont pas davantage associées à sa mise en oeuvre. Or, sur deux années, cela aurait pu être un prérequis. Les conseils des territoires pour la culture (CTC) ne sont toujours pas en place dans toutes les régions. Et dans celles où ils le sont, ils n'ont été mobilisés que pour informer les collectivités des actions de l'État au titre du plan de relance. Il n'y a que dans une, deux, voire trois régions que les choses ont mieux fonctionné.

De même, les professionnels du secteur se plaignent de ne jamais avoir été informés des priorités assignées au plan de relance - je rappelle tout de même que l'objectif était le maintien de la création culturelle et l'accompagnement à la reprise - et constatent un manque de transparence sur les critères d'attribution des aides. Là encore, les comités régionaux des professions du spectacle (Coreps) n'ont pas été réactivés dans l'ensemble des régions et les schémas d'orientation pour les arts visuels (Sodavi) restent encore embryonnaires.

Enfin, nous trouvons que l'efficience du plan de relance pourrait être améliorée.

Nous nous sommes rendu compte que l'obligation de consommer les crédits avant la fin de l'année 2022, conjuguée à la volonté de consommer les crédits coûte que coûte, était à l'origine d'un certain nombre d'effets pervers. J'en donnerai deux exemples.

Premièrement, il semble que des projets aient été abandonnés parce qu'ils coûtaient trop cher ou qu'ils ne pouvaient pas être réalisés dans les délais impartis. C'est contradictoire avec l'objectif du maintien de l'offre culturelle, notamment s'agissant de projets qui pourraient être considérés comme structurants pour certains territoires. Nous n'avons pas eu le détail des projets concernés, mais nous ne pouvons que nous interroger sur le manque de rationalité s'il s'agissait, précisément, de projets structurants.

Deuxièmement, la menace de remontée des crédits en fin d'année à l'administration centrale semble avoir conduit une majorité de DRAC - c'est un sujet que nous connaissons tous - à soutenir prioritairement les acteurs les plus structurés, ceux qu'elles connaissaient déjà, pour pouvoir utiliser les fonds. Rares sont les DRAC qui sont parvenues à soutenir véritablement de petites structures qui passaient jusqu'ici sous le radar du ministère, faute notamment de temps, de moyens humains et de logistique administrative.

L'autre élément qui menace l'efficience du plan de relance - c'est un véritable sujet d'inquiétude pour les acteurs concernés - est évidemment la lenteur de la reprise, dans ce domaine tout particulièrement. L'essentiel des crédits du plan de relance visant à soutenir le fonctionnement des établissements étaient inscrits sur 2021, sauf qu'aujourd'hui encore - tous les acteurs en ont témoigné -, les lieux culturels n'ont toujours pas repris une activité pleine et entière ; ils n'ont repris une activité progressive qu'à partir du début de l'été. Ils subissent toujours des contraintes sanitaires, notamment avec les jauges à 75 % pour les concerts debout - dans un certain nombre de situations, cela ne permet pas d'atteindre l'équilibre économique -, et souffrent du faible niveau de fréquentation. Ainsi, pour certains spectacles ou festivals, la fréquentation est de 30 % à 60 % inférieure, en fonction de l'offre. Sans compter que 30 % des personnes qui avaient pris des billets pour des spectacles dont la date a été reportée ne sont pas venues quand il s'est tenu avec les pertes de recettes de buvette et de restauration qui s'ensuivent. Enfin, le public ne se bouscule pas pour l'instant pour souscrire des abonnements ou des adhésions à des saisons culturelles.

L'avenir de la création reste donc menacé, parce qu'il existe aujourd'hui un risque majeur d'effet ciseaux. Les établissements constatent une augmentation rapide de leurs charges alors que leurs perspectives de recettes demeurent limitées et incertaines.

La fin des prêts garantis par l'État (PGE) arrive, avec des remboursements à échéance 2022. Cela crée des inquiétudes. La reprise est tardive et incomplète.

Les annulations n'ont pas toujours été compensées par les assurances. Le syndicat national des entrepreneurs du spectacle musical et de variété (Prodiss) a ainsi choisi de souscrire une assurance collective pour accompagner ses adhérents qui n'avaient pas pu obtenir d'assurance annulation.

La persistance de problèmes d'accès des artistes étrangers au territoire français nuit fortement à l'élaboration de programmations complètes.

Dans le cadre de la reprise, il y a aussi des inquiétudes sur les capacités de financement des collectivités territoriales et le maintien des moyens qu'elles consacrent à accompagner les artistes et les lieux de création et de diffusion. Ce sont les structures les plus petites et les moins solides qui risquent d'en pâtir. Or ce sont elles qui garantissent l'accès de tous à la culture dans les territoires.

Des personnels abandonnent le secteur culturel pour d'autres métiers ou secteurs d'activité. Nous en avons eu de nombreux témoignages. Cela freine l'activité des établissements.

Enfin, les contraintes sanitaires qui sont maintenues - je pense en particulier aux règles en matière de jauge - ne sont pour l'instant pas forcément comprises des acteurs et du public.

Je cède à présent la parole à notre collègue Sylvie Robert pour vous présenter nos recommandations.

Mme Sylvie Robert, rapporteure. - À partir d'un tel constat, nous avons établi douze recommandations relatives à la situation du secteur de la création, ainsi qu'à la question du public et des collectivités. Elles sont réparties en quatre axes.

Le premier axe concerne le niveau du soutien de l'État.

La première recommandation a trait à la situation du secteur, que nous considérons comme fragile. Certes, ni le Gouvernement, ni le Parlement, ni les directeurs de structure n'avions anticipé le non-retour du public. Or nous le constatons aujourd'hui : que ce soit au cinéma ou dans les salles de spectacles et les festivals, le public s'est globalement désaccoutumé à la fréquentation de lieux culturels, et il ne revient pas. Par conséquent, le risque de disparition d'un nombre important de structures et d'artistes n'est toujours pas écarté. Ainsi, pour tenir compte de la lenteur de la reprise, il faut éviter que les crédits du plan de relance ne soient redéployés à d'autres fins. Nous souhaitons donc que les crédits non consommés en 2021 soient reportés sur 2022, notamment dans le secteur des arts visuels, qui est moins organisé, avec une consommation des crédits moins avancée, mais aussi pour laisser suffisamment de temps aux DRAC pour repérer de nouvelles structures à accompagner dans tous les domaines de la création.

La deuxième recommandation est que l'État puisse prolonger les mesures exceptionnelles de soutien jusqu'au retour à la normale de l'activité. En réalité, il s'agit d'un plan non pas de relance, mais de reprise. Or la reprise est lente. Il faut donc reconduire ou prolonger les mesures exceptionnelles. Il faudra examiner en fin d'année la situation de l'intermittence : l'année blanche dure jusqu'à la fin de l'année civile, mais il faudra peut-être nous interroger sur ce point en fonction des circonstances. Par ailleurs, un certain nombre de petites structures ne pourront pas rembourser les PGE dès l'an prochain. Pourquoi ne pas envisager un étalement du remboursement sur une plus longue période ?

La troisième recommandation est que l'État contribue au redémarrage des établissements en leur apportant temporairement sa garantie financière. Très clairement, les assurances n'ont pas joué le jeu. Nombre de lieux culturels n'ont plus d'assurance. Si la reprise n'est pas suffisante dans les mois qui viennent, notamment pour certains grands événements culturels, l'État devra apporter sa garantie financière pour permettre aux acteurs de reprendre leur activité, mais surtout d'être en état de maintenir leur prise de risque artistique. Sinon, il risque d'y avoir un resserrement de l'offre de création.

Le deuxième axe de recommandations concerne la fréquentation des lieux culturels et la reconquête de leur public.

Le non-retour du public montre le besoin d'une lisibilité des règles attendues dans les équipements culturels. Dans certaines salles de spectacle, le port du masque est parfois obligatoire, et parfois non. Personne ne sait plus ce qu'il faut faire. Une telle confusion contribue à désemparer une partie du public. En plus, cela tend aussi les relations au sein des structures. Or il suffirait - ce n'est pas très difficile - que le ministère actualise les règles sur son site ; la dernière actualisation datait du mois de juin jusqu'à ce matin ! C'est notre quatrième recommandation. Cela permettrait aux professionnels de savoir à quoi s'en tenir, car les règles sont tout de même assez compliquées. Dans un concert, la jauge à 75 % debout s'applique en plus de l'obligation de présentation du passe sanitaire. Dès lors, des salles ouvrent à perte. Les professionnels sont obligés de déclarer 75 %, car c'est la loi, même s'ils ont en réalité du mal à respecter la jauge. Ils ne comprennent pas pourquoi il faut à la fois le passe sanitaire et la jauge.

Notre cinquième recommandation est de veiller à la proportionnalité des mesures de restrictions. Nous espérons tous qu'il n'y aura pas de nouvelle vague. Mais le fait d'avoir fermé les établissements culturels a tout de même mis un coup d'arrêt à la fréquentation du public. Si le taux d'incidence du virus conduisait le Gouvernement à s'interroger sur de nouvelles restrictions à prendre, il faudra bien analyser les décisions - encore une fois, nous parlons de « proportionnalité » - pour que la culture ne soit pas de nouveau arrêtée. Il faudra accompagner le secteur et faire en sorte que les mesures ne soient pas aussi brutales que lors des précédents confinements.

La sixième recommandation concerne le pass Culture, dont nous allons sans doute beaucoup discuter. Aujourd'hui, les résultats de cet outil nous paraissent très décevants dans une optique de relance de l'activité culturelle. Comme le soulignent les professionnels, il n'y a pas de relance ; il y a une timide reprise. Aujourd'hui, il y a très peu de réservations sur le pass Culture pour le spectacle vivant et pour les pratiques artistiques et encore moins pour les visites. Nous proposons de fixer pour priorité en 2022 le fait d'accroître très significativement la part des réservations à effectuer dans le cadre du pass Culture s'agissant de ces trois domaines. Cela pourra peut-être alimenter les débats. Mais le pass Culture est pour nous un sujet de préoccupations.

Notre troisième axe de recommandations a trait à l'amélioration de la transparence vis-à-vis des professionnels du secteur.

La septième recommandation est de mettre en place dans toutes les régions les Coreps et les Sodavi pour aboutir, à terme, à de véritables contrats de filière et pour structurer beaucoup plus les arts visuels dans nos territoires. Là aussi, c'est un vrai sujet de préoccupation. Pour l'instant, il y a peu de Coreps ; par exemple, il n'y en a pas en Île-de-France. L'idée est d'implanter ces structures à l'échelon territorial. Dans le secteur des arts visuels, les Sodavi sont une réelle nécessité.

La huitième recommandation est la création d'un observatoire des arts visuels. Le secteur est tellement méconnu que nous avons besoin d'études socio-économiques pour analyser son évolution et construire des politiques qui lui soient véritablement adaptées - pas juste une simple transposition de ce qui se fait pour le spectacle vivant. Aujourd'hui, le ministère n'est absolument pas outillé sur ce secteur en particulier - certes, il ne l'est pas tellement de manière générale - pour pouvoir procéder à une réelle observation.

Notre neuvième recommandation est de doter le Conseil national des professions des arts visuels (CNPAV) de moyens et d'une véritable méthode de travail, d'un calendrier pour lui permettre d'avancer.

Notre dernier axe de recommandations concerne la relation entre l'État et les collectivités territoriales.

Notre dixième recommandation est que la mise en oeuvre du plan de relance puisse faire l'objet d'une évaluation en commun entre l'État et les collectivités territoriales.

Notre onzième recommandation concerne les CTC, qui ne sont pas présents dans toutes les régions. D'ailleurs, là où ils ont été mis en place, nous avons le sentiment qu'ils sont plutôt des instances d'information dépourvues de toute finalité opérationnelle. Il faut vraiment organiser à l'échelon territorial de véritables cadres opérationnels de coopération pour que les acteurs publics, collectivités et services déconcentrés de l'État, puissent réellement construire les politiques ensemble.

J'en viens à notre douzième et dernière recommandation, qui découle de la précédente. Il faut que le ministère de la culture puisse véritablement déconcentrer des enveloppes à l'échelon territorial. Notre recommandation est de réserver chaque année 10 % des crédits d'intervention déconcentrés à des projets choisis avec les collectivités. Je fais référence à des projets que, bien souvent, les collectivités accompagnent, mais que les DRAC n'accompagnent pas, parce qu'ils ne sont pas dans les radars du ministère. Or il y a parfois besoin d'élargir le périmètre des acteurs soutenus. De nouveaux projets émergent sur les territoires. Les collectivités en ont repéré, mais l'État ne peut pas les accompagner. Il faut faire confiance aux collectivités territoriales et aux services déconcentrés de l'État. Nous souhaitons que le ministère déconcentre une enveloppe et que les élus et les DRAC puissent travailler ensemble pour véritablement soutenir des projets nouveaux ou considérés comme importants, intéressants, structurants, peut-être émergents, dans les territoires. Cela peut d'ailleurs faire l'objet d'évaluations. Mais il faut autoriser une vraie déconcentration et un accompagnement des DRAC, en contrepartie de l'obligation faite aux collectivités de maintenir leurs crédits à la création dans les territoires dont elles ont la responsabilité.

Comme le soulignait Sonia de La Provôté, notre bilan est nuancé. Cela tient notamment au manque d'outillage du ministère. Certes, nous nous réjouissons que celui-ci ait pu obtenir tous ces crédits ; c'était important. Mais, comme il est mal outillé, il n'a pas été en mesure de travailler avec les collectivités et de mettre en place des instruments de pilotage, d'accompagnement et de repérage pour garantir, conformément aux objectifs annoncés, une reprise de l'activité créatrice dans notre pays.

M. Laurent Lafon, président. - Mes chères collègues, je vous remercie de cette présentation. Vous avez dû travailler dans des délais très courts, alors que nous n'avons qu'un faible recul sur les effets des dispositions mises en place. Mais le constat que vous avez d'ores et déjà dressé et les recommandations que vous avez formulées nous permettront d'avoir un dialogue avec la ministre sur le sujet, que ce soit en audition ou dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Je remercie nos deux collègues de ce travail très instructif. Je vois dans le déficit d'outillage qu'elles ont souligné la traduction d'une dégradation continue du ministère de la culture depuis plusieurs années. Celui-ci ne s'est pas remis de la révision générale des politiques publiques et n'a pas non plus tiré les conséquences de l'implication de plus en plus marquée des collectivités territoriales dans la culture.

Les CTC sont effectivement des instances d'information. Dans ma région, il n'y a jamais eu de coordination et d'articulation avec l'action des collectivités territoriales. L'État n'a toujours pas compris comment ces dernières pourraient avoir leur mot à dire sur un certain nombre de décisions. Mais je trouve aussi qu'il n'y a pas une maturité suffisante des élus locaux pour travailler de manière coordonnée et en équipe : une meilleure organisation des conférences territoriales de l'action publique (CTAP) inciterait peut-être l'État à s'interroger sur sa relation aux collectivités.

Les recommandations de nos collègues me semblent excellentes. Il faut réactiver les structures de concertation. Mais qui assumera les coûts liés aux Coreps ? Et quid de la participation financière des collectivités territoriales au fonctionnement de ces instances ?

À mon sens, l'État aurait également pu réfléchir sur les droits culturels dans le cadre du plan de relance. Il ne l'a pas fait.

N'y a-t-il pas nécessité de faire évoluer les critères d'attribution des subventions, notamment au spectacle vivant ? Dans cette phase délicate où le public n'est pas encore revenu, ne serait-il pas possible d'aider les compagnies en fonction de critères autres que l'urgence à créer toujours plus de spectacles ?

M. Jean-Raymond Hugonet. - Je félicite à mon tour nos deux rapporteures, et je partage l'analyse de notre collègue Catherine Morin-Desailly sur le ministère de la culture.

Sur le pass Culture, notre patience a des limites. La ministre a vanté cet outil à coups de grandes envolées lyriques. Elle s'est un peu énervée lorsque nous l'avons interpellée en séance ; elle nous a alors indiqué qu'il n'y avait qu'au Sénat que le dispositif était critiqué.

Pour ma part, je serais preneur d'éléments chiffrés. Certains acteurs nous disent que le pass Culture ne fonctionne pas, mais ne tiennent pas nécessairement le même discours face à d'autres autorités. Que chacun choisisse son camp !

Nous avons, me semble-t-il, une réflexion à mener sur le sujet, dans la droite ligne des conclusions du rapport de nos collègues.

M. Lucien Stanzione. - Je salue la qualité du travail de nos rapporteures. Les moyens alloués à la création dans le cadre du plan de relance ont été importants, mais la concertation, tant avec les professionnels qu'avec les collectivités territoriales, a été insuffisante. Elle aurait pourtant permis une meilleure répartition des crédits sur le terrain. Comment mieux impliquer nos collectivités dans le processus d'élaboration de nos politiques nationales, particulièrement dans le domaine des arts visuels ? Comment favoriser leur prise d'initiative ? Quels dispositifs mettre en place ?

Mme Monique de Marco. - Pouvez-vous nous préciser le contenu de votre recommandation n° 6 relative au pass Culture ? J'avais une vision positive de ce dispositif, mais depuis que je suis au Sénat j'entends de plus en plus de critiques...

Mme Sylvie Robert, rapporteure. - La relance ne se fait pas, malheureusement. La baisse de fréquentation des salles de spectacle inquiète les professionnels : combien de temps cela va-t-il encore durer ?

Les crédits dédiés au pass Culture augmentent de 140 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2022 : c'est énorme ! Ils représentent désormais plus de la moitié des crédits que l'État consacre à la démocratisation culturelle et à l'éducation artistique et culturelle.

Le pass Culture peut constituer un outil de reprise, à condition toutefois de bien l'orienter. Les jeunes l'utilisent majoritairement pour acheter des livres - les libraires en sont ravis - et consommer de la musique. Malheureusement, l'ouverture vers d'autres esthétiques n'a pas eu lieu : le pass Culture est peu utilisé pour le cinéma ou le spectacle vivant. Lors de l'expérimentation, il n'a représenté que 1 à 2 % des réservations de places... Afin d'en faire un véritable levier de la reprise, il faut mieux l'orienter pour inciter les jeunes à fréquenter les salles de spectacle.

Les CTC et les Sodavi vont permettre de structurer la filière des arts visuels, comme cela a été fait pour la musique. Quant au coût d'animation des Coreps et des Sodavi, il sera probablement partagé entre État et collectivités. C'est un sujet important, mais que nous n'avons pas approfondi à ce stade.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Attention à ce que les collectivités ne payent pas l'addition !

Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. - Dans le projet de loi de finances pour 2022, les organismes professionnels et syndicaux seront soutenus à hauteur de 3 millions d'euros. Il y a 500 000 euros inscrits pour les contrats de filière musique et 900 000 euros pour les Sodavi. Il est difficile à ce stade de savoir si cela sera suffisant, les Sodavi étant à peine embryonnaires. Une chose est sûre : pour instaurer un réel dialogue avec l'ensemble des acteurs et animer les territoires, il faudra des moyens.

Les difficultés de pilotage, de veille et d'évaluation sont patentes, tant au niveau des DRAC que du ministère. Notamment parce que la culture est financée à plus de 70 % par les collectivités territoriales - dont près de 80 % par le seul bloc communal (communes et intercommunalités). L'État ne dispose pas d'une analyse suffisamment fine de la diversité de l'offre culturelle sur nos territoires.

La création du CNM a été plébiscitée par l'ensemble des acteurs du secteur qui dispose désormais d'une structure réactive, ouverte - y compris à ceux qui ne la financent pas - et à l'écoute de leurs difficultés.

Les cahiers des charges des labels auraient besoin d'être revus ou, à tout le moins, assouplis. Ils doivent ménager une part de souplesse - pour permettre notamment l'adaptation aux besoins locaux - qui fait malheureusement défaut.

Les crédits déconcentrés des DRAC sont pour l'essentiel fléchés. Ils vont d'abord aux structures labellisées et aux appels à projets de l'État. Une fois ces crédits distribués, bien souvent il ne reste presque rien ! Il serait bon qu'une part du budget soit fléchée en direction d'actions coconstruites, sur le modèle du fonds incitatif et partenarial pour le patrimoine des petites communes rurales - même si, au final, on ne sait pas toujours très bien ce qu'en font les DRAC...

Les DRAC doivent se réorganiser pour favoriser la coconstruction. Des référents ruralité devaient être nommés, mais où en est-on ? Et les territoires, ce n'est pas que la ruralité !

Dans le projet de budget, l'éducation artistique et culturelle risque de se résumer au pass Culture... Cette manne commerciale conforte la jeunesse dans ses préférences, alors qu'il devrait s'agir d'un outil de soutien aux politiques culturelles publiques.

Mme Catherine Morin-Desailly. - L'Association des maires ruraux de France nous a indiqué aujourd'hui en audition que le plan de relance n'avait trouvé aucune traduction dans les territoires ! Et pour cause : c'est juste un plan « cathédrales », avec des crédits d'État pour des monuments d'État.

La mission sur la politique de l'art lyrique en France a, elle aussi, proposé tout récemment à la ministre de renforcer l'observation et l'évaluation. Il s'agit d'une proposition récurrente, et pourtant le ministère ne dispose toujours pas d'un observatoire digne de ce nom. Je rejoins donc, hélas, votre constat.

M. Laurent Lafon, président. - Malheureusement, agir dans l'urgence ne permet pas de répondre aux problèmes structurels.

Les structures dédiées - comme le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et le CNM - ont fait la preuve de leur efficacité : elles sont réactives et bien mieux identifiées sur les territoires que les DRAC.

La question de la fréquentation des salles de spectacle vivant et de cinéma devra continuer à nous mobiliser en 2022 et au-delà.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

La réunion est close à 18 h 05.

Mercredi 3 novembre 2021

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 9 h 5.

Projet de loi de finances pour 2022 - Crédits relatifs à la recherche - Examen du rapport pour avis

M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons ce matin les crédits du projet de loi de finances pour 2022 relatifs à la recherche, à l'enseignement supérieur et au sport. Nous débutons par l'avis budgétaire consacré à la recherche.

Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis des crédits de la recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - Le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 constitue la deuxième marche budgétaire de la loi de programmation de la recherche (LPR), entrée en vigueur il y a près d'un an. Mon intention, dans cet avis, n'est toutefois pas de dresser un état des lieux de sa mise en oeuvre ; cela relève de la mission de contrôle que le président nous a confiée, à Stéphane Piednoir et à moi-même.

Je souhaite plutôt concentrer mon analyse sur l'Agence nationale de la recherche (ANR), devenue l'acteur clé de notre système de recherche, pour savoir si sa trajectoire financière exécutée en 2021 et prévue en 2022 correspond bien à celle que nous avions votée l'année dernière. Ainsi, sur les 5 milliards d'euros d'augmentation progressive du budget de la recherche publique entre 2021 et 2030, 1 milliard d'euros est destiné à l'Agence, dans l'objectif d'accroître son niveau d'intervention.

Jugeant la programmation proposée par le Gouvernement dans le cadre de la LPR à la fois trop longue - dix ans - et insuffisante sur les premières années, nous avions voté une programmation plus courte - sept ans - et plus ambitieuse. Bien que nous ayons dû accepter de la faire repasser à dix ans, afin de parvenir à un accord en commission mixte paritaire, nous avons obtenu du Gouvernement qu'il augmente son effort sur les deux dernières années du quinquennat, en intégrant à la programmation les crédits supplémentaires prévus dans le cadre du plan de relance.

La programmation inscrite à l'article 2 de la LPR prévoit ainsi un apport de plus de 400 millions d'euros à l'ANR en 2021. S'y ajoute une enveloppe de 100 millions d'euros pour la préservation de l'emploi de recherche et développement. L'exécution budgétaire pour 2021 montre le respect de la trajectoire programmée, puisque le budget d'intervention de l'ANR a progressé cette année de plus de 400 millions d'euros pour atteindre 1,19 milliard d'euros, soit un niveau inédit depuis la création de l'établissement en 2005.

Cette augmentation de moyens rend possible, dès cette année, l'atteinte de deux objectifs fondamentaux fixés par la LPR.

Le premier est le relèvement du taux de succès aux appels à projets. La LPR prévoit ainsi, entre 2021 et 2027, de porter ce taux à 23 %, puis à 30 %. Or, les résultats de l'appel à projets générique de l'ANR pour 2021 font état d'un taux de succès de 22,9 %. La cible de 23 % du premier palier est donc quasiment atteinte, ce dont je me félicite. Pour mémoire, au cours de la dernière décennie, on observait plutôt des taux compris entre 10 et 15 %.

Le second objectif est l'augmentation du taux de préciput, qui sert à couvrir les coûts indirects des projets de recherche. La LPR prévoit une nouvelle répartition du préciput entre les différentes parties prenantes et son relèvement de 19 % à 40 % à l'horizon 2027. Je me réjouis de constater que, dès cette année, la dynamique a été enclenchée, puisque le préciput atteint 25 % avec la ventilation suivante : 10 % pour la part « gestionnaire », contre 8 % en 2020, 13 % pour la part « hébergeur », contre 11 % en 2020, et 2 % pour la part « laboratoires » nouvellement introduite, soit un montant total de préciput de 170 millions d'euros, contre 100 millions en 2020. Je resterai toutefois très vigilante quant à l'évolution des crédits alloués directement aux laboratoires par le biais du préciput, le financement de la recherche française devant impérativement continuer à reposer sur le double pilier des crédits sur projets et des crédits de base.

L'exécution 2021 appelle une dernière remarque sur les 100 millions d'euros prévus pour la préservation de l'emploi en recherche et développement. Selon l'ANR, qui s'est vu confier la gestion de cette mesure, les premiers financements alloués atteignent à ce jour 54 millions d'euros. Le dispositif a connu un bon démarrage, mais la trajectoire de dépenses semble ralentir. Je n'ai malheureusement pas réussi à obtenir d'explications précises sur les raisons de cette décélération. Nous ne manquerons pas d'y revenir dans le cadre de notre travail de contrôle sur la LPR.

J'en viens maintenant à la trajectoire de l'ANR prévue dans le PLF pour 2022. Conformément à la LPR, ses moyens d'intervention continueront à progresser l'année prochaine grâce à un apport de 158 millions d'euros sur le programme 172 et de 142 millions d'euros au titre du plan de relance. . Ces financements supplémentaires doivent permettre à l'Agence de déployer son plan d'action 2022 et de poursuivre l'atteinte des objectifs fixés en termes d'amélioration du taux de sélection et d'augmentation du préciput. Malgré ce respect de la trajectoire, j'émets un bémol : comme l'année dernière, la coexistence de plusieurs supports budgétaires - programme 172, plan de relance - et le manque de précisions du bleu budgétaire rendent peu lisible la ventilation des apports de crédits.

Enfin, la LPR prévoit qu'au moins 1 % du budget d'intervention de l'Agence soit fléché sur le partage de la culture scientifique. Cette part de financement a trouvé, dès cette année, une traduction dans le lancement d'appels à projets spécifiques, l'incitation des bénéficiaires de financements de l'ANR à participer à des activités de transfert de connaissances vers les citoyens et la conclusion de partenariats avec des acteurs de l'audiovisuel public.

Signe que l'ANR s'est emparée de cette problématique, bien qu'il ne s'agisse pas de son coeur de métier, la promotion de la culture scientifique fait partie des objectifs de son plan d'action 2022, démarche que j'encourage pleinement. En effet, à l'heure où les fausses informations et les théories du complot circulent abondamment et font de plus en plus d'adeptes dans une société en perte de confiance, je crois urgent d'enrayer la perte de crédit de la parole scientifique, de refonder le rapport des citoyens à la rationalité scientifique et de développer la culture scientifique chez les plus jeunes.

La LPR peut être porteuse d'une dynamique en ce sens, plusieurs acteurs du secteur me l'ont confirmé. Sa première année de mise en oeuvre a déjà donné lieu à des concrétisations, dont certaines ont été mentionnées par la ministre la semaine dernière, par exemple les actions menées par l'ANR dans le cadre de sa politique d'appels à projets, la création de prix récompensant l'engagement en faveur de la médiation scientifique ou encore le lancement d'un appel à projets pour des courts métrages valorisant les femmes dans les métiers scientifiques.

Je regrette cependant que le rapport prévu par la LPR visant à dresser un état des lieux exhaustif des politiques menées en faveur de la culture scientifique n'ait pas été remis au Parlement, alors qu'il devait l'être dans les six mois suivant la promulgation de la loi. Sa transmission dans les délais aurait permis, dès cette année, de dresser le bilan des actions menées jusqu'alors et de servir de base à une refondation ambitieuse de la politique publique de la culture scientifique.

J'estime aussi indispensable de mettre des moyens à la hauteur des ambitions affichées. Le PLF pour 2022 consacre un peu plus de 20 millions d'euros à l'ouverture de la science vers la société dans le cadre du programme 172. Or je crains que ces financements soient davantage fléchés sur les transferts des résultats de la recherche vers le monde de l'entreprise qui, certes, sont un sujet très important, mais ne relèvent pas à proprement parler de la culture scientifique.

Je rappelle que celle-ci est régulièrement le parent pauvre du budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (Mires). Depuis que je suis rapporteur pour avis, je pointe le trop faible soutien de l'État aux établissements publics de diffusion de la culture scientifique, alors que ceux-ci mènent des politiques très volontaristes et connaissent un grand succès public.

C'est pourquoi j'ai souhaité, cette année, mettre un coup de projecteur sur deux d'entre eux, Universcience et le Muséum national d'Histoire naturelle, dont j'ai rencontré les équipes. Ces deux établissements, aux statuts et tutelles différents, ont en commun d'être des acteurs clés du partage des savoirs scientifiques au plus grand nombre, reconnus pour leur histoire, l'exigence de leur démarche et leur rayonnement. Alors que la crise sanitaire a soulevé de nombreuses questions sur les relations entre sciences et société, ils sont plus que jamais convaincus de leurs missions, notamment expliquer la démarche scientifique, susciter le goût des sciences, développer l'esprit critique, tisser des liens entre scientifiques et non-scientifiques, susciter des vocations et donner des outils de compréhension du monde contemporain.

Cependant, l'ambition de leurs projets culturels et scientifiques se heurte à une équation financière délicate. Sur la dernière décennie, les subventions de l'État se sont caractérisées au mieux par une stabilisation, au pire par une diminution, les obligeant à compter sur leurs ressources propres de billetterie, de location d'espaces ou de mécénat, pour faire face à leurs besoins d'investissement, qui sont très importants. C'est finalement grâce à une gestion rigoureuse de leurs directeurs respectifs que les deux établissements se sont maintenus à flot, mais leur soutenabilité financière reste précaire, d'autant plus depuis la survenue de la crise sanitaire. Celle-ci a en effet eu une incidence très lourde sur leurs recettes commerciales, avec des pertes de l'ordre de 10 millions d'euros pour Universcience et de 42 millions d'euros pour le Muséum, en 2020 et 2021.

Dans ce contexte, Universcience a bénéficié, en 2021, d'un soutien de l'État sous plusieurs formes : 2 millions d'euros au titre de l'amorçage de la remise à niveau de sa subvention d'investissement, qui avait fortement baissé en 2017 et 2018, 13,7 millions d'euros de dotation exceptionnelle du plan de relance et 23 millions d'euros en investissement dans le cadre de la fin de gestion. Ces aides vont permettre à l'établissement de ne pas courir de risque de rupture de trésorerie à court terme, mais sa situation à moyen terme demeure fragile étant donné l'ampleur de ses besoins d'investissement. Le Muséum a reçu 4 millions d'euros d'aide de l'État, soit moins de 10 % des pertes envisagées, ce qui n'est pas de nature à lui redonner les marges de manoeuvre budgétaires nécessaires.

Si les deux établissements se réjouissent du retour progressif des flux de fréquentation et de billetterie au niveau d'avant crise, en particulier en période de vacances scolaires, ils se disent très inquiets du fait que les groupes scolaires ou associatifs demeurent les grands absents. C'est pourquoi j'appelle le ministère de l'enseignement supérieur, le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la culture à travailler de concert pour trouver rapidement une solution : il y a urgence à éviter que toute une génération d'élèves ne soit privée de sorties culturelles scientifiques, que l'école est parfois la seule à assurer.

Compte tenu du respect de la trajectoire budgétaire fixée par la LPR et des hausses de crédits programmées pour 2022, je vous propose d'émettre un avis favorable sur l'adoption des crédits consacrés à la recherche de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du PLF pour 2022.

M. Pierre Ouzoulias. - Je salue la qualité de votre rapport, qui montre que le Sénat poursuit son travail de suivi de ce budget. Il sera important de confirmer le respect des engagements du Gouvernement.

Face aux enjeux qui attendent la planète et l'humanité, certains pays ont investi massivement dans la recherche et la connaissance pour aborder la conversion climatique. C'est par exemple le cas de l'Allemagne, qui va consacrer 3,5 % de son PIB pour la seule recherche publique, alors que la France vise 3 % du PIB pour l'ensemble de sa recherche. De son côté, le Royaume-Uni consacrera plus de 1 % de son PIB à la recherche publique en faveur de la neutralité carbone. La recherche publique a un intérêt réel en matière de planification de la recherche, qui doit être appliquée et impliquée dans la conversion du système productif. Elle est un levier pour les entreprises soumises à la concurrence internationale.

Avec le dernier budget du quinquennat, ce Gouvernement n'aura pas pris la mesure de la nécessité d'un investissement massif dans la recherche. C'est une déception, car la France va prendre du retard dans une conversion dans laquelle d'autres pays se sont engagés. En raison de ce défaut total d'ambition du Gouvernement dans la recherche, le groupe CRCE ne votera pas l'adoption de ces crédits.

M. Max Brisson. - Je remercie à mon tour le rapporteur, dont je partage les conclusions avec les membres du groupe Les Républicains. Nous ne pouvons nier que l'effort est réel et que la trajectoire prévue est respectée. Comme Laure Darcos, je considère qu'il est important d'insister sur le développement de la culture scientifique si l'on pense que la raison doit l'emporter.

Même si nous avons pu progresser, grâce à votre travail, dans le décorticage d'emboîtements budgétaires complexes, l'imbrication de la LPR avec « France Relance » demeure particulièrement difficile à comprendre. Pour citer une ancienne ministre, quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup.

S'il faut saluer cette trajectoire, le constat reste que l'Allemagne dépose 15 % des brevets en Europe, contre 6 % pour la France. C'est dire le retard pris.

Je n'ai pas été convaincu par la réponse de la ministre sur l'articulation de la LPR et du plan de relance et, le 12 octobre dernier, le chef de l'État annonçait une nouvelle ambition avec le plan « France 2030 ». Quelle est l'articulation entre ce nouveau plan et le budget de l'État ?

Mme Monique de Marco. - Merci pour la clarté de votre rapport. J'approuve la nécessité de soutenir la culture scientifique.

Ce budget est en phase avec la LPR, contre laquelle nous avions voté. Nous pouvons certes saluer la dynamique initiée et le taux de succès de l'ANR, mais ce budget reste en deçà des besoins et confirme nos inquiétudes. On n'observe que 850 créations d'emplois sous plafond. Pour la majorité des opérateurs relevant du programme 172, comme le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), les emplois sous plafond stagnent voire baissent, alors que les emplois hors plafond progressent.

Ensuite, nous sommes réticents s'agissant du renforcement des appels à projets. L'ANR voit son budget augmenter de 17 %, bien plus que les financements de base des laboratoires. Mais ce mode de financement a ses risques : surcharge administrative, manque de visibilité, focalisation sur certains sujets et problèmes de méthodologie.

Par ailleurs, quelle logique conduit au maintien du crédit d'impôt recherche (CIR) ? Cette niche fiscale se monte à plus de 7 milliards d'euros, c'est-à-dire autant que le programme 172, mais son fonctionnement est opaque et son utilité discutée. Ainsi, certaines entreprises en ont bénéficié alors qu'elles ont supprimé des emplois de recherche et développement. Pourriez-vous nous donner des éclaircissements à ce sujet ?

Pour conclure, dans le prolongement de notre vote sur la LPR, le GEST votera contre l'adoption de ces crédits.

M. Bernard Fialaire. - Je salue à mon tour la clarté de l'exposé dans un domaine pourtant complexe.

Ayant voté pour la LPR, et pour une fois que les engagements sont tenus, voire dépassés, avec le plan de relance, nous voterons pour ce budget.

M. Lucien Stanzione. - Félicitations pour ce rapport concis et précis. Le groupe SER relève néanmoins des manques au niveau budgétaire, c'est pourquoi il s'abstiendra.

Mme Laure Darcos, rapporteur pour avis. - Une précision préliminaire : en tant que rapporteur pour avis, mon rôle n'est pas de faire une analyse exhaustive des crédits - c'est la mission de la commission des finances, mais de mettre en lumière des sujets spécifiques, en l'occurrence cette année la situation financière de l'ANR et la culture scientifique.

Dans la continuité de notre travail de rapporteurs au fond et pour avis sur la LPR, nous poursuivons, avec Jean-François Rapin, le suivi scrupuleux de la trajectoire budgétaire programmée.

En écho à ce qu'a dit Pierre Ouzoulias sur l'avancée prise par nos voisins européens, avec l'irruption de la crise sanitaire, j'estime qu'il aurait dû y avoir un sursaut national bien plus puissant. Par exemple, lors d'une réunion de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), les représentants des académies de médecine et des sciences ont confirmé que l'ARN messager était étudié dans nos laboratoires depuis 1995 ! Cependant, les gouvernements successifs et les laboratoires privés n'ont pas voulu le développer faute de rentabilité. Nous avons d'excellents scientifiques, mais ne pouvons pas les retenir et ne leur donnons pas les moyens de travailler dans de bonnes conditions.

Sur le CIR en revanche, Monique de Marco, nous sommes en désaccord : la recherche publique et privée ne s'opposent pas, bien au contraire, elles se stimulent l'une et l'autre.

Il est vrai que l'ambition nationale en matière de recherche n'est pas au rendez-vous. Mais, il faut reconnaître que cette deuxième année de mise en oeuvre de la LPR est bien conforme à la programmation votée, avec un bémol toutefois : la difficulté à s'y retrouver entre les différents supports budgétaires.

Enfin, on l'a vu lorsque nous avons auditionné la ministre Frédérique Vidal : la publication des décrets d'application a pris beaucoup de retard, empêchant le déploiement de certains nouveaux dispositifs et alimentant les critiques L'effet d'embouteillage du guichet unique de Bercy est à cet égard fort dommageable.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Projet de loi de finances pour 2022 - Crédits relatifs à l'enseignement supérieur - Examen du rapport pour avis

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - L'exercice budgétaire 2022 revêt une dimension particulière puisqu'il s'agit du dernier budget du quinquennat, offrant l'occasion de regarder l'évolution des engagements financiers de l'État sur les cinq dernières années et de dresser un bilan de l'action menée par la majorité.

S'agissant du budget de l'enseignement supérieur, reconnaissons que des efforts substantiels ont été réalisés, avec une constance dans la progression qui est assez rare pour être saluée. Les crédits alloués aux deux programmes « Enseignement supérieur », regroupant le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et le programme 231 « Vie étudiante », sont ainsi passés de 16,1 milliards d'euros en 2018 à 17,3 milliards d'euros en 2022, soit une augmentation de 1,2 milliard d'euros, c'est-à-dire 7,4 %.

Cependant, rapportée à la hausse continue du nombre d'étudiants, elle-même amplifiée par les taux exceptionnels de réussite au baccalauréat en 2020 et 2021, cette progression est bien moins reluisante que ne le laisse penser la présentation communicante du ministère. En conséquence de cet effet de ciseau, la dépense moyenne par étudiant continue son décrochage, amorcé il y a une dizaine années.

Loin d'envisager cet exercice de rapporteur budgétaire comme une critique fallacieuse, je me dois de réaffirmer devant vous qu'avoir maintenu la dépense publique en dessous des besoins est un choix politique périlleux, alors que les retombées positives de l'investissement dans l'enseignement supérieur en termes de formation, d'innovation et de croissance ne sont plus à démontrer. Je crois aussi qu'il a manqué, au cours de cette législature, une évaluation fine et exhaustive des besoins du secteur, la définition d'une stratégie d'action, à laquelle une loi de programmation de l'enseignement supérieur aurait pu donner corps, mais aussi une certaine vision de ce que doit être l'enseignement supérieur. Ainsi, comment ne pas regretter que le constat du Président de la République sur le sous-investissement dans l'enseignement supérieur, dressé lors de sa présentation du plan « France 2030 », intervienne si tard dans le quinquennat et n'ait pas donné lieu à un sursaut plus tôt ?

Globalement, le PLF pour 2022 reflète bien ce bilan quinquennal en demi-teinte : des moyens supplémentaires sont attribués, mais dans des proportions qui ne permettent pas de répondre pleinement aux défis conjoncturels et structurels de l'enseignement supérieur.

S'agissant tout d'abord du budget consacré aux établissements dans le programme 150, l'essentiel de la hausse des crédits, de 193 millions d'euros, est consacré au financement du volet ressources humaines de la LPR et de divers dispositifs indemnitaires et statutaires, c'est-à-dire à des mesures portant sur la masse salariale. Or je rappelle que la principale problématique en la matière, à savoir le financement du glissement vieillesse technicité (GVT), n'aura pas été traitée sous le quinquennat, maintenant les établissements dans une situation financière très préoccupante, qualifiée par certains de « mise sous respiration artificielle ». Confrontés à une progression toujours très dynamique de leurs dépenses de masse salariale, qui ne sont désormais plus systématiquement compensées par l'État, ceux-ci ne sont en effet pas en mesure de dégager les marges de manoeuvre budgétaires nécessaires à l'accueil d'un flux toujours plus soutenu d'étudiants.

Je souhaite ensuite vous faire part d'un point de vigilance sur le financement de la réforme des études de santé. Sur les modalités de sa mise en oeuvre, on pourra se référer au rapport d'information déposé par Sonia de La Provôté le 12 mai dernier. Le PLF pour 2022 prévoit une dépense de 27,8 millions d'euros pour la montée en charge de la réforme du deuxième cycle, retardée d'un an en raison de la crise sanitaire, et une économie de 43,4 millions d'euros par la suppression du redoublement en première année commune des études de santé (Paces). Les crédits engagés sur les trois derniers exercices budgétaires s'élèvent donc à 63,8 millions d'euros, montant qui, de l'avis de l'ensemble des parties prenantes à cette réforme, n'est clairement pas à la hauteur des besoins de formation en termes de locaux, de matériels, de terrains de stage ou de taux d'encadrement. Là encore, il semble qu'une budgétisation rigoureuse et exhaustive de ces besoins fasse défaut. En définitive, c'est la qualité de la formation qui risque d'en payer le prix.

Un deuxième point d'attention porte sur la subvention versée aux établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (Eespig). Je salue d'abord deux avancées, que je réclamais depuis plusieurs années : une meilleure exécution des hausses de crédits votées et un abaissement du taux de mise en réserve de 7 % à 4 %, soit un niveau proche du taux de droit commun de 3 %. J'ai néanmoins été alerté sur des travaux en cours au ministère portant sur une nouvelle clé de répartition de la subvention entre établissements : à ce stade, il semblerait qu'une pondération trop importante soit attribuée aux critères quantitatifs, dont le niveau des effectifs, au détriment des critères qualitatifs parmi lesquels les choix stratégiques des établissements. Je resterai donc attentif aux suites données à ce dossier, qui aurait mérité d'être abordé dans le cadre du dialogue triennal entre l'État et les établissements privés, mesure intégrée à la LPR sur l'initiative du Sénat. Ce dialogue n'a toujours pas été officiellement amorcé, alors qu'il s'agit d'une mesure non coûteuse de bonne gouvernance.

Mon troisième point de vigilance concerne l'immobilier universitaire, sujet sur lequel j'avais déjà insisté l'année dernière à l'occasion du lancement, dans le cadre du plan de relance, d'un appel à projets spécifique au secteur. Celui-ci a donné de bons résultats : 1 054 projets ont été sélectionnés, pour un montant de 1,3 milliard d'euros, soit près de la moitié de l'enveloppe dédiée à l'immobilier de l'État. Il s'agit d'une impulsion bienvenue à un dossier resté trop longtemps en suspens, mais une dynamique plus forte est nécessaire au regard du retard pris et de l'ampleur des besoins, évalués par la Conférence des présidents d'université entre 1 et 1,5 milliard d'euros par an pendant dix à quinze ans.

La gestion du patrimoine immobilier universitaire est devenue un enjeu stratégique majeur, à la croisée de nombreuses problématiques, comme la transition énergétique, le développement de l'enseignement à distance ou encore la participation des établissements à la vie économique et sociale de leur territoire d'implantation. Je plaide donc pour une approche transversale et une démarche ambitieuse, qui pourraient prendre la forme d'une nouvelle « opération Campus ». Le lancement d'un plan d'investissement d'envergure suppose toutefois une réflexion de fond sur la quantité et la qualité du bâti universitaire au regard des évolutions pédagogiques et sociétales en cours et des conditions de bonne gouvernance au niveau des universités, telles que la montée en compétences des équipes chargées de l'immobilier, la nomination systématique d'un vice-président dédié à ce secteur et la constitution obligatoire d'un budget annexe immobilier. Il faut également activer certains leviers juridiques, comme la possibilité pour les universités de participer au capital des sociétés publiques locales (SPL) et la poursuite du mouvement de dévolution immobilière : ces outils présentent l'avantage de renforcer l'autonomie et la responsabilisation des établissements, tout en leur permettant de gagner en professionnalisation.

J'en viens maintenant au budget consacré à la vie étudiante, c'est-à-dire le programme 231, thématique qui nous a beaucoup mobilisés cette année dans le cadre de nos travaux de contrôle.

Tout d'abord, sur la gestion des conséquences de la crise pour les étudiants, l'État a fait preuve d'un volontarisme certain en multipliant les initiatives pour amortir le choc économique et social. Je tiens toutefois à souligner que les collectivités territoriales, en déployant leurs propres mécanismes de soutien, ont également joué un rôle très important dans la mise en place d'un filet de sécurité.

Dans le cadre du PLF pour 2022, sur l'enveloppe de moyens nouveaux accordée au budget consacré à la vie étudiante, de 179 millions d'euros, plus de 150 millions d'euros sont consacrés aux bourses sur critères sociaux, afin de tenir compte de la hausse des effectifs de bénéficiaires, qui atteint 2,85 %, et de la revalorisation de 1 % de leurs montants à la rentrée 2021. On est cependant très loin du grand chantier de réforme des bourses annoncé par le Président de la République en début d'année pour répondre aux lacunes du système actuel, bien pointées par la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante en France dont le président Laurent Lafon était rapporteur.

Une ouverture de crédits de 12,1 millions d'euros est par ailleurs fléchée vers la prorogation d'actions d'accompagnement sanitaire et psychologique déployées par les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) pendant la crise, avec la distribution de protections périodiques gratuites et le dispositif des référents en résidences universitaires. Jusqu'à présent, ces actions étaient financées par la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC). Je souscris pleinement à cette prise en charge par l'État de mesures qui n'ont pas à être financées par les étudiants via la CVEC.

Je précise que, depuis le début de la crise, 77 % de l'utilisation de la CVEC concernent des actions dans le domaine social. Je partage donc totalement les recommandations de Céline Boulay-Espéronnier et de Bernard Fialaire, formulées dans leur rapport d'information sur la CVEC, appelant à ne pas détourner cette dernière de sa cible première, à savoir l'amélioration de la vie étudiante et de campus.

Je précise par ailleurs qu'une dotation de 1,5 million d'euros est prévue pour le recrutement de 60 assistantes sociales au sein du réseau des oeuvres universitaires et scolaires.

Je voudrais, en dernier point, insister sur la situation financière des Crous, dont on sait la très forte mobilisation pendant la crise. L'année dernière, j'avais alerté sur le risque de non-compensation intégrale par l'État des pertes d'exploitation subies par le réseau sur ses activités de restauration et d'hébergement. Ces inquiétudes se sont malheureusement révélées fondées : en 2020, le réseau a subi des pertes de près de 150 millions d'euros. En compensation, il a obtenu de l'État un financement supplémentaire de 80 millions d'euros sur sa subvention pour charges de service public. Le compte n'y étant pas, le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) a dû puiser dans son fonds de roulement et procéder à des redéploiements de crédits pour aider les Crous les plus en difficulté.

En 2021, les pertes nettes du réseau, hors conséquences du repas à un euro, sont estimées à au moins 32 millions d'euros. Or, le Cnous m'a indiqué qu'à ce jour, il ne disposait d'aucune information sur le soutien qui lui serait apporté par l'État. J'appelle donc le Gouvernement à tenir ses engagements de compensation intégrale vis-à-vis du réseau, comme la ministre Frédérique Vidal s'y était engagée devant nous l'année dernière.

Concernant plus particulièrement les restaurants universitaires, l'année 2021 marque une forte augmentation de leur activité, de 20 % en moyenne, du fait de la hausse des effectifs étudiants et de l'attractivité du repas à un euro. Trois facteurs compliquent la donne : la très grande difficulté à recruter dans le secteur de la restauration, les problèmes d'approvisionnement et l'application du protocole sanitaire. S'ensuivent de longues files d'attente devant les restaurants, générant du mécontentement chez les étudiants et de la contestation sociale au sein du personnel. Le Cnous se dit démuni face à cette situation. Je n'ai cependant pas eu le sentiment, lors de son audition la semaine dernière, que la ministre avait pleinement pris la mesure de l'urgence de la situation...

C'est dans ce contexte compliqué que la subvention pour charges de service public du réseau continue de stagner, ce qui devient de plus en plus problématique au regard de la poursuite de son développement, (ouverture de nouvelles structures, élargissement de ses missions d'accompagnement social des étudiants), des surcoûts de masse salariale, notamment le GVT, et des conséquences financières de la loi Égalim. J'espère donc que les travaux engagés avant la crise sanitaire entre le Cnous et le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (Mesri) sur la rédaction d'une convention d'objectifs et de moyens qui définisse les orientations stratégiques du réseau et les moyens nécessaires correspondants pourront rapidement reprendre et aboutir.

Bien que partagé entre vigilance et déception, je propose à la commission, compte tenu de la hausse des crédits des programmes 150 et 231 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et du respect de la trajectoire votée dans la LPR, d'émettre un avis favorable sur leur adoption.

M. Pierre Ouzoulias. - Je salue vivement le travail approfondi et critique de Stéphane Piednoir, poste par poste. Nous eussions aimé que vous allassiez jusqu'à émettre un avis défavorable !

Ce quinquennat n'a guère permis de sortir l'université de l'ornière. La baisse du budget par étudiant est inquiétante, et les universités n'arrivent plus à les accueillir. Par exemple, à l'université de Nanterre, celle de mon département, 99 % de la masse salariale est mobilisée, ce qui veut dire que son président ne peut plus recruter même des contractuels pour obtenir un taux d'encadrement satisfaisant. Pour cette seule université, le GVT représente un coût qui augmente d'un demi-million d'euros par an.

Sur la vie étudiante, je regrette qu'il n'y ait pas eu au moins une réflexion sur le système des bourses, ce qui était l'une des conclusions de notre mission d'information. La ministre a reconnu la précarité d'étudiants non boursiers : dans ces conditions, à quoi servent les bourses ?

Enfin, le Gouvernement a annoncé hier le contrat d'engagement jeune. Ce sont 500 millions d'euros qui seront introduits par voie d'amendement ; on a l'impression que la discussion budgétaire est mise au profit de la propagande du candidat Emmanuel Macron ! Or, dans ce contrat, il n'y a rien pour les étudiants, comme s'ils n'avaient pas de problème. Les files d'attente des étudiants devant les soupes populaires ont disparu des écrans, mais la précarité étudiante est toujours là et le Cnous continue à y consacrer beaucoup de moyens.

Le Gouvernement pense très peu à la jeunesse, notamment estudiantine. C'est pourquoi le groupe CRCE ne pourra pas vous suivre dans votre avis.

M. Max Brisson. - Je remercie moi aussi Stéphane Piednoir pour la qualité de son rapport. Que n'aurait-il dit si son avis avait été défavorable ?

La hausse de crédits ne masque pas l'absence totale de vision stratégique depuis cinq ans. Or, c'est la première fois, pour ce jeune ministère, qu'une ministre est aussi longtemps restée en poste. Si l'on dresse un parallèle avec celui de l'éducation nationale, pour trouver un ministre resté en poste plus longtemps que Jean-Michel Blanquer, il faudrait remonter à Joseph Fontanet ! Au travers de ce budget, nous pouvons donc parler du « ministère Vidal », pour lequel je constate donc, comme le rapporteur, l'absence de vision stratégique, aussi bien sur les enjeux de l'enseignement supérieur que sur le bâti scolaire et les problèmes de ressources humaines.

Jean-Michel Blanquer n'est pas exempt de tout reproche, mais au moins il porte un discours. Ici, on cherche le discours, et son absence n'est pas compensée par les réponses apportées au coup par coup, sous les effets de l'actualité. Comme il l'a été sur d'autres sujets, le chef de l'État lui-même pourrait devenir le meilleur soutien de l'argumentation du Sénat...

Derrière ces réformes permanentes, les jeunes étudiants ont été malmenés. Vous l'avez évoqué au sujet du GVT, du bâti scolaire et des Crous.

Le groupe Les Républicains fait confiance au rapporteur. Compte tenu de la trajectoire budgétaire, nous appuyons son avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Mme Sylvie Robert. - Merci pour votre lucidité et les nuances que vous exprimez sur un budget conduit depuis plusieurs années par une seule ministre. Notre appréciation peut être formulée à la lumière de notre effort collectif, qui a consisté à asséner des recommandations au fil des ans, malheureusement non suivies.

Il y a bien une absence de vision stratégique. Je vais cependant évoquer un mot que vous n'avez pas prononcé, qui est celui d'anticipation. Les projections démographiques sur le nombre d'étudiants étaient déjà connues il y a cinq ans. Certes, comme dans la recherche, la ministre a hérité d'un sous-financement chronique, mais un rattrapage était nécessaire, d'autant que les projections étaient là. Même si elle n'a pas apprécié de l'entendre lors de son audition, il y a bien une baisse de la dépense moyenne par étudiant. Celle-ci n'est peut-être plus le principal mode de calcul mais, dans ce cas, quels sont les critères de répartition des crédits entre établissements dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion, qui est la nouvelle démarche ?

Ce bilan n'est pas en demi-teinte. Faute d'une prise en compte de l'augmentation structurelle de leurs besoins, notamment avec le GVT, nous savions que les universités se trouveraient en grande difficulté, et c'est ce qui arrive aujourd'hui.

Enfin, les difficultés psychologiques et économiques des étudiants se sont aggravées durant la crise sanitaire. Or vous dites qu'il n'y a pas eu compensation intégrale par le ministère des pertes financières des Crous. J'observe, pour ma part, une baisse des financements et l'absence de fléchage du suivi psychologique dans les documents budgétaires malgré l'engagement de 3,5 millions d'euros pour 2022. Nous devons rester vigilants afin d'éviter de réelles difficultés pour les universités à partir des prochaines années.

Pour toutes ces raisons, le groupe SER s'abstiendra. Je souligne qu'il est difficile de donner un avis sur des budgets qui augmentent, mais dont vous avez pointé, très justement, les écueils.

M. Jean Hingray. - Le groupe UC suivra l'avis favorable du rapporteur, mais avec un goût amer : on dépense plus d'argent, mais on a l'impression de pousser sans succès une ministre, en poste depuis cinq ans, à réaliser des réformes structurelles.

Mis à part quelques points positifs comme l'augmentation du budget consacré au logement étudiant, il y a eu un problème de réactivité durant la crise pour répondre aux attentes de la population estudiantine, que nous avons régulièrement dénoncé à l'occasion des séances de questions au Gouvernement.

Mme Monique de Marco. - Merci pour cet éclairage critique.

Je retiens une forte hausse du nombre d'étudiants, 34 000 de plus cette année, et une augmentation insuffisante du budget. J'ai été surprise par le nouveau mode de calcul du dialogue stratégique et de gestion qui tend à démontrer que les dépenses par étudiant sont stables. Je m'en tiens plutôt aux analyses de Thomas Piketty et de Lucas Chancel, qui montrent que la dépense moyenne par étudiant diminue depuis dix ans.

Vous soulignez aussi la problématique des bourses. Il semble que la réforme d'ampleur du système ait été abandonnée malgré les demandes de toutes les associations étudiantes.

N'eût été que le rapport, nous l'aurions approuvé, mais le GEST votera contre l'adoption de ces crédits.

M. Jacques Grosperrin. - Nous sommes tous gênés aux entournures. Je suivrai bien sûr l'avis du rapporteur, mais des moyens supplémentaires suffisent-ils pour approuver un tel budget ? Au Sénat oui, à l'Assemblée nationale, non. Je m'interroge sur les politiques du Gouvernement, alors que le signal envoyé par un vote positif du Sénat pourrait troubler le monde universitaire, qui nous fait part de ses difficultés. Nous allons voter un budget sans vision stratégique depuis cinq ans.

Sur la dévolution immobilière, le rapporteur en a parlé, la dotation allouée par l'État est de 407 millions d'euros. Toutefois, les présidents d'université rappellent que ce montant est inférieur aux besoins et que les crédits ne sont pas sanctuarisés.

La ministre a parlé d'expérimentations. Pourquoi les présidents d'université ne veulent-ils pas de cette dévolution ? Est-ce un problème de cadre juridique, ou bien d'ouverture du capital ? Faut-il un mode dérogatoire de calcul de la taxe foncière ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. - Pour répondre à Jacques Grosperrin, je précise qu'il existe une grande disparité de situations selon les universités. Il faudra certainement engager une réflexion sur la réduction du patrimoine immobilier de certaines d'entre elles. En tout état de cause, j'appelle de mes voeux un changement du cadre juridique actuel, afin que les établissements d'enseignement supérieur puissent à l'avenir investir et emprunter, ce qui n'est pas permis aujourd'hui. Ils devraient aussi pouvoir recourir à des outils juridiques nouveaux comme les SPL.

Mes chers collègues, je ne peux que rappeler les points de vigilance sur lesquels j'ai insisté et les critiques que j'ai pu émettre lors de ma présentation. Chacun a bien conscience de la force de la communication ministérielle, puisqu'à l'augmentation du budget des programmes 150 et 231 se conjuguent les moyens figurant dans la LPR, les crédits du plan de relance ou encore ceux du plan « France 2030 ». Cet effet de masse peut effectivement donner l'illusion d'une révolution du financement de l'enseignement supérieur.

Il est complexe dans de telles conditions d'émettre un avis de principe, et il aurait certainement été plus facile pour moi d'adopter une position plus tranchée s'il s'était agi de nous prononcer sur une trajectoire ou une vision stratégique pluriannuelle, comme ce fut le cas pour la LPR. Néanmoins, s'agissant d'un exercice budgétaire annuel celui du PLF pour 2022, il me paraît raisonnable d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Laurent Lafon, président. - Deux autres de nos collègues souhaitent s'exprimer avant que la commission ne rende son avis.

Mme Sonia de La Provôté. - On peut évidemment considérer que la réflexion doit porter sur les grandes masses budgétaires mais, à mon sens, c'est la ventilation des crédits qui compte.

Prenons l'exemple de la réforme de l'accès aux professions de santé : les moyens sont clairement insuffisants et les problèmes persistent sur le terrain : c'est d'une certaine façon une situation grave qui s'institutionnalise. Rien que pour cette raison, il me semble difficile de ne tenir compte que du montant global des crédits dédiés à l'enseignement supérieur pour se prononcer sur ce budget.

Mme Céline Brulin. - Je remercie le rapporteur pour la qualité de son travail. Toutefois, je partage pleinement les propos de Sonia de La Provôté. L'absence de vision stratégique de l'actuel Gouvernement est regrettable à un moment où la crise sanitaire a révélé de graves problèmes de démographie médicale. Alors que les études médicales sont parmi les formations les plus demandées dans Parcoursup, il est plus que temps d'accompagner la fin du numerus clausus en augmentant les moyens consacrés à ces filières.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Projet de loi de finances pour 2022 - Crédits relatifs au sport - Examen du rapport pour avis

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis des crédits relatifs au sport au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». - Nous avions été nombreux à regretter l'année dernière qu'au-delà des dispositifs généraux d'aide à l'économie, le budget du sport ne prenne pas la pleine mesure de la gravité de la situation créée par la crise sanitaire pour les clubs et les fédérations, les salles de sport et les loisirs sportifs marchands en général.

Pour ne citer que cet exemple, il aura fallu attendre une loi de finances rectificative au printemps dernier pour que soit adopté un Pass'Sport, doté d'une enveloppe de 100 millions d'euros. Cette décision tardive s'est traduite par une mise en oeuvre sans véritable concertation avec les collectivités territoriales, qui avaient pour beaucoup d'entre elles déjà mis en place des dispositifs similaires. Certes, la consommation des crédits progresse, puisque 700 000 jeunes sont aujourd'hui concernés par le dispositif, mais l'objectif fixé d'ici la fin de l'année 2021, à savoir 2 millions de bénéficiaires, pourrait ne pas être atteint. On rappellera que, si les 5,4 millions de bénéficiaires visés à terme entraient dans le dispositif, il en coûterait 270 millions d'euros à l'État, ce qui pose évidemment la question de la pertinence du niveau des moyens mobilisés.

Pour en revenir au budget du sport pour 2022, les crédits du programme 219 augmenteront de 22 % et s'élèveront à 547 millions d'euros, tandis que ceux du programme 350 concernant les équipements olympiques progresseront également pour atteindre 295 millions d'euros. Il n'est toutefois pas facile de comparer les budgets d'une année sur l'autre. Les annonces se succèdent en cours d'année, le plus souvent en dehors de la loi de finances initiale, et les crédits sont débloqués, mais pas toujours consommés. L'essentiel pour ce gouvernement semble être de pouvoir afficher une augmentation des crédits quitte à prendre des libertés avec les chiffres comme dans le cas du laboratoire de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) - j'y reviendrai.

Il manque encore une véritable stratégie pour la politique publique du sport. Le quinquennat qui s'achève aura été celui d'un affaiblissement sans précédent du ministère des sports, qui a perdu l'essentiel de ses prérogatives et qui voit aujourd'hui partir ses cadres les plus expérimentés. De fait, l'Agence nationale du sport (ANS) a repris près de 80 % des missions assumées jusqu'ici par le ministère.

La réforme de la gouvernance du sport, avec la création de l'ANS, était sans doute nécessaire pour combler le retard de notre pays dans le domaine du sport de haut niveau et de « la haute performance », mais sa mise en oeuvre a laissé le ministère des sports sur le bord du chemin sans véritable feuille de route.

L'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) apparaît aujourd'hui comme une autre victime collatérale, tandis que la régionalisation des centres de ressources, d'expertise et de performance sportives (Creps), engagée en 2015, est déjà remise en cause avec la création des « maisons régionales de la performance » qui ont vocation à s'inscrire dans l'orbite de l'ANS.

Si la gouvernance du sport reste compliquée à suivre en 2021, il en sera de même du budget en 2022. À l'Assemblée nationale, le Gouvernement a fait adopter un amendement attribuant 100 millions d'euros pour financer le plan de création de 5 000 équipements sportifs de proximité en trois ans, qui vient d'être annoncé par le chef de l'État. On aurait évidemment préféré qu'un tel plan fût annoncé dès 2017 et mis en oeuvre au cours du quinquennat. Que penser, en effet, de la méthode consistant à promettre 100 millions d'euros pour 2023 et 2024, alors que l'année 2022 sera une année d'élection présidentielle ?

Sur le fond, le Comité national olympique et sportif français (Cnosf), a estimé que ce plan ne faisait pas partie des besoins prioritaires du sport français, qui souffre avant tout d'un manque de rénovation du parc des équipements locaux structurants, dont l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes) a évalué le coût à 1 milliard d'euros sur cinq ans. J'ajoute que le Gouvernement n'a pas été en mesure de nous indiquer le coût que représenteront pour les collectivités territoriales l'entretien et l'assurance de ces 5 000 équipements de proximité.

Un autre amendement adopté par l'Assemblée nationale vise à doter l'ANS de 10 millions d'euros de crédits supplémentaires ciblés sur la haute performance. On souhaiterait se réjouir de cette rallonge budgétaire, mais comment ne pas rappeler qu'elle constitue une réaction, à la fois modeste et tardive, aux faibles résultats des équipes de France engagées aux jeux Olympiques de Tokyo - 33 médailles pour un huitième rang au tableau des médailles. Lors de son audition la semaine dernière par le groupe d'études sur les pratiques sportives et les grands événements sportifs, présidé par notre collègue Michel Savin, le manager de la haute performance, Claude Onesta, a reconnu que les efforts consentis aujourd'hui pourraient porter davantage leurs fruits lors des jeux Olympiques de Los Angeles et de Brisbane que durant ceux de Paris 2024.

J'en viens maintenant au projet de budget qui nous est soumis, et dont il convient de retenir quelques ordres de grandeur.

Les crédits du plan de relance continueront à produire leurs effets en 2022 à hauteur de 55 millions d'euros : 25 millions d'euros de crédits seront dédiés à la rénovation thermique des équipements locaux, 4 millions d'euros à la transition numérique des fédérations, 20 millions d'euros aux aides à l'emploi et 6 millions d'euros à la formation aux métiers du sport ou de l'animation.

Le socle des moyens de l'ANS restera stable avec une dotation publique de 135 millions d'euros, à laquelle s'ajoutera le produit des taxes affectées à hauteur de 180 millions d'euros. Je ne reviens pas sur les 100 millions d'euros consacrés au Pass'Sport et les 10 millions d'euros destinés à la haute performance.

L'Insep profitera d'une augmentation de 1,1 million d'euros de ses crédits, mais devra faire face à une diminution de son plafond d'emplois. La dotation allouée aux Creps progressera de 6 millions d'euros, parallèlement à la transformation de leurs missions : ils devront désormais prendre en charge les athlètes sur tout le territoire régional. Le transfert de 80 agents doit en effet permettre à ces nouvelles « maisons régionales de la performance » de proposer un accompagnement aux athlètes qui en étaient dépourvus.

Contrairement à ce qu'indiquait la ministre chargée des sports lors de son audition, les conseillers techniques sportifs (CTS) ne sont pas « sanctuarisés », puisque leur nombre, qui est déjà passé de 1 560 en 2018 à 1 481 en 2021, sera ramené à 1 442 en 2022, vingt de ces postes étant redéployés dans les territoires au sein des Creps.

Le sport-santé progressera lentement, dans la mesure où les moyens qui lui sont consacrés passeront de 3,7 millions d'euros en 2021 à 4,3 millions d'euros en 2022. On est toutefois encore loin de l'objectif des 500 structures labellisées « maisons sport-santé ».

La lutte contre le dopage bénéficiera de moyens supplémentaires avec, pour l'AFLD, 1,84 million d'euros de crédits supplémentaires et cinq équivalents temps plein (ETP) dédiés à la politique de prévention et au renforcement du service chargé des enquêtes. L'Agence devrait pouvoir atteindre l'objectif des 10 000 contrôles en 2022 et celui des 12 000 contrôles en 2024.

La hausse des moyens la plus significative concernera évidemment la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), qui est chargée de construire les sites olympiques. Les crédits figurant dans le programme 350 augmenteront de 40 millions d'euros pour atteindre 263 millions d'euros. La maquette budgétaire a été actualisée pour tenir compte de l'inflation, le coût des travaux étant maintenant évalué à 1,553 milliard d'euros. Il est à noter que le chantier du village des médias a pris quatre mois de retard à cause des recours, ce qui compliquera la finalisation des travaux. De façon générale, le directeur général de la Solideo considère qu'il aura les moyens d'accélérer le rythme des travaux pour faire face aux aléas.

Par ailleurs, je tiens à saluer la hausse de 800 000 euros des crédits dédiés à la protection des sportifs, la prévention et la lutte contre toutes les formes d'incivilités, de violences et de discriminations.

Au-delà de ces chiffres, l'appréciation qu'il convient de porter sur ce projet de budget est nécessairement partagée.

Concernant les jeux Olympiques et Paralympiques, si nous pouvons nourrir de réelles inquiétudes sur les performances des athlètes français en 2024, rien, à cette heure, ne semble pouvoir remettre en cause l'organisation de la manifestation et la construction des équipements olympiques. Les difficultés rencontrées font toutes l'objet d'un traitement approprié.

S'agissant des moyens dédiés au sport et notamment du déplafonnement des taxes affectées, aucune évolution n'est attendue en 2022 au-delà de ce qui a été fait l'année dernière sur la taxe dite « Buffet ». C'est une déception si l'on se souvient qu'en 2017 ces taxes finançaient encore le Centre national pour le développement du sport (CNDS) à hauteur de 250 millions d'euros. En 2022, ce sont plus de 200 millions d'euros de recettes perçues par l'intermédiaire de ces taxes qui seront reversés au budget général. On peut nourrir des craintes sur la volonté réelle du Gouvernement de compenser le moindre rendement de la taxe Buffet à la suite de la défaillance de Mediapro - le manque à gagner est évalué à environ 25 millions d'euros -, à en juger par le flou entretenu par le ministère à ce sujet.

Nous pouvons en revanche nous satisfaire d'avoir été entendus sur l'avenir du laboratoire de l'AFLD. Grâce à la mobilisation du Sénat, le transfert du laboratoire à l'université de Saclay, qui sera effectif en janvier prochain, bénéficie aujourd'hui d'un cadre bien établi et d'un budget de 6,7 millions d'euros en 2022, dont une subvention d'équilibre de 3,1 millions d'euros versée par le ministère de l'enseignement supérieur, qui n'a donc plus vocation à figurer dans le budget du sport comme c'est pourtant le cas. En revanche, les moyens pour équiper et faire fonctionner le laboratoire en vue des jeux Olympiques, évalués à 11 millions d'euros, restent à trouver.

En conclusion, malgré les avancées que comporte ce budget, il demeure à mon sens au moins deux dossiers préoccupants.

En premier lieu, l'abaissement du plafond d'emplois de l'Insep est dommageable à moins de trois ans des jeux Olympiques, et ce alors même qu'un nouveau directeur général vient de prendre ses fonctions. Avec cette baisse de cinq ETP, le Gouvernement envoie un mauvais signal, alors que ce pôle d'excellence connaît aujourd'hui un regain d'intérêt de la part des fédérations, qui mesurent l'intérêt de rejoindre ce cluster de la haute performance. L'Insep a par ailleurs besoin de se doter de plusieurs équipements de pointe - je pense notamment à un scanner et à un plateau technique - pour tenir son rang en 2024. Il aurait mérité mieux dans le cadre de ce budget pour 2022. Espérons que les débats au Sénat soient l'occasion de corriger le tir.

En second lieu, la situation des 108 fédérations françaises reste fragile, puisqu'elles accusent encore une baisse de 25 % du nombre de leurs licenciés par rapport à la saison 2019-2020. Le Cnosf évalue à 282 millions d'euros leurs pertes de recettes en 2020. Le bleu budgétaire indique que dix-sept fédérations pourraient se retrouver en difficulté en 2022 sans que ni le Cnosf ni l'ANS aient reçu d'informations sur les fédérations concernées, ce qui est quelque peu troublant.

Je m'interroge dans ces conditions sur la non-reconduction du fonds d'urgence pour la compensation des pertes de licences en 2022. J'observe également que le Cnosf n'a pas été associé à l'élaboration du plan de 5 000 équipements sportifs de proximité. Là encore, il est possible que le changement d'équipe à la tête du Cnosf ait complexifié les échanges avec le ministère, mais il doit être encore possible d'obtenir des clarifications lors des débats en séance publique.

Nous sommes également dans l'attente de précisions de la part de la ministre chargée des sports sur les modalités du maintien ou du report, au bénéfice du sport pour tous, des crédits non consommés du Pass'Sport en 2021.

Compte tenu de l'ensemble de ces observations, et notamment des nouvelles mesures décidées par le Gouvernement lors de l'examen de ce budget à l'Assemblée nationale, je propose à la commission d'émettre un avis de sagesse à l'adoption des crédits des programmes 219 et 350 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2022.

M. Michel Savin. - Je tiens à remercier le rapporteur pour cette présentation, ainsi que pour les travaux qu'il a conduits depuis plusieurs semaines dans un état d'esprit toujours constructif et transpartisan.

Après plusieurs mois de crise sanitaire, la situation des associations sportives françaises reste très fragile et inquiétante. Un très grand nombre de clubs et de fédérations sont confrontés à une baisse de 20 à 30 % du nombre de leurs licenciés, avec pour conséquence une très forte baisse de leurs ressources, évaluée à 280 millions d'euros. Cette situation suscite de fortes inquiétudes en matière tant d'engagement associatif que de santé publique. À cette baisse s'ajoute un reflux du bénévolat. Tous ces indicateurs sont inquiétants et requièrent notre pleine et entière attention.

Récemment, la ministre chargée des sports a présenté le budget des sports pour 2022 comme historique, car il dépasserait le milliard d'euros. Si, dans les faits, ce n'est pas faux, nous devons être attentifs aux détails, ce à quoi nous sommes habitués avec ce gouvernement. Différentes questions méritent d'être posées et des améliorations pourraient être apportées.

Depuis plusieurs années, la très forte croissance du budget dédié au sport s'explique par la hausse des crédits du programme 350 consacrés aux infrastructures des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, mais aussi - il faut le dire - à des jeux d'écriture comptables.

Même si nous sommes de fervents défenseurs et partisans de Paris 2024, n'oublions pas que le programme dédié aux infrastructures pérennes est quasi exclusivement fléché sur les futurs logements des sportifs et non sur les équipements.

Je citerai un second exemple, celui de l'augmentation de plus de 22 % des crédits de l'action 01 du programme 219, liée au déploiement du Pass'Sport. Je rappelle que ce dispositif a été annoncé lors du projet de loi de finances pour 2021 et mis en oeuvre dans le cadre du projet de loi de finances rectificative de l'été dernier. Cette action existe donc d'ores et déjà et ses crédits figuraient déjà dans le budget 2021. Hors Pass'Sport, les dépenses d'intervention inscrites dans le périmètre de l'action 01 n'augmenteront en réalité que de 1,3 million d'euros pour atteindre péniblement les 46,3 millions d'euros en 2022.

Si le principe du Pass'Sport est à saluer, son application est bien plus complexe que prévu. Dans les faits, on y recourt bien moins que ce qui était envisagé : ainsi, nous savons tous que les 100 millions d'euros alloués à ce dispositif en 2021 ne seront pas consommés. Comment ces crédits non consommés, que l'on évalue actuellement à 60 millions d'euros, seront-ils fléchés en 2022 ?

Le fonctionnement du Pass'Sport suscite également de vives inquiétudes : les associations sportives, notamment les plus petites, rencontrent de réelles difficultés pour y accéder à cause de la complexité de la procédure de création du compte Asso, nécessaire pour bénéficier des fonds.

En ce qui concerne le plan d'équipement annoncé par le Président de la République, je salue l'important engagement financier, et ce dès avant la première lecture du projet de loi de finances pour 2022 à l'Assemblée nationale. Cependant, je m'inquiète de la répartition géographique de ces 5 000 équipements sportifs de proximité : il me semble déterminant que ces aides soient accessibles à toutes les communes dans tous les territoires. Or cette mesure n'est destinée aujourd'hui qu'aux quartiers prioritaires de la politique de la ville et aux territoires ruraux carencés. Il existe pourtant des carences partout en France ! Restreindre le bénéfice de ces structures à certains quartiers serait un très mauvais signal envoyé aux élus de bonne volonté qui veulent rendre leur territoire plus sportif.

J'attire votre attention sur un autre point de vigilance, la taxe dite « Buffet ». Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement refuse de réviser dès à présent le plafond des taxes affectées, alors même que nous savons que leur rendement sera plus faible d'au moins 25 millions d'euros du fait de la défaillance de Mediapro.

Comme l'a souligné le rapporteur pour avis, je regrette la suppression des cinq ETP dédiés à l'Insep. À trois ans des jeux Olympiques de Paris, cette décision est regrettable.

Le Sénat est sensible à la question des CTS depuis plusieurs années. La situation actuelle nous donne une fois de plus raison. Le Gouvernement cherche à nous rassurer en évoquant un gel des effectifs pour l'an prochain, mais je ne suis pas confiant à ce sujet.

Je salue la hausse annoncée des moyens pour le sport de haut niveau, après les résultats contrastés des derniers jeux, bons aux jeux Paralympiques, décevants aux jeux Olympiques. L'ANS a décidé de rehausser de 10 millions d'euros les crédits consacrés à l'accompagnement et au soutien des athlètes susceptibles d'être médaillés lors des prochains jeux Olympiques de 2024. Notre pays doit conduire une politique de soutien du sport de haut niveau à court, moyen et long terme, qui doit faire l'objet d'une concertation avec l'ensemble des acteurs, ANS, fédérations, éducation nationale et collectivités locales.

Le Gouvernement et le Président de la République aiment particulièrement parler de sport et afficher de grandes ambitions, mais celles-ci s'évaporent trop souvent au fil du temps, ce qui n'est pas acceptable. Ainsi, les récents engagements du Président de la République sur le droit à l'image collective (DIC) des sportifs professionnels, le sport à l'école, le « capital sportif-entrepreneur », la rénovation ou la reconstruction des équipements, ou bien les « cordées du sport » restent lettre morte. Rien ne serait pire que de manquer le rendez-vous des jeux Olympiques. Par cela, j'entends l'héritage et l'ambition sportive à insuffler à notre pays. L'ambition est là, les moyens sont discutables et la route est encore très longue. Aussi, le groupe Les Républicains suivra l'avis du rapporteur.

M. Jérémy Bacchi. - Je remercie Jean-Jacques Lozach pour son rapport détaillé et sans concession, et partage dans les grandes lignes les propos de Michel Savin.

Le Gouvernement manque d'une vision stratégique de long terme dans le domaine du sport. Mais pouvait-il en être autrement lorsque l'on voit que le ministère des sports, diminué dès le début de ce quinquennat, n'a cessé depuis de s'affaiblir ? Aujourd'hui, il n'est pas un ministère de plein exercice : on a l'impression diffuse que la ministre est sous la tutelle parfois excessive du ministre de l'éducation nationale.

Dans le contexte actuel, j'estime que le budget consacré au sport n'est pas à la hauteur et reflète un manque d'ambition de la part du Gouvernement. Ainsi, le Pass'Sport ne parviendra probablement pas à pallier la diminution du nombre des licenciés et le déplafonnement des taxes affectées, qui permettrait pourtant d'accroître les ressources du secteur sportif, n'est pas envisagé.

Pour ces raisons, le groupe CRCE votera contre l'adoption des crédits relatifs au sport lors du débat en séance publique.

M. Pierre-Antoine Levi. - Je remercie Jean-Jacques Lozach pour la qualité et l'objectivité de son rapport.

Notre commission a auditionné Roxana Maracineanu la semaine dernière. À cette occasion, nous avons pu formuler toutes les critiques que nous inspire ce budget. On ne peut pas se satisfaire de son manque d'ambition et d'un budget de pur affichage à trois ans des jeux Olympiques.

Pour entrer dans le détail, il nous faudra veiller au maintien des crédits du Pass'Sport qui n'auront pas été consommés en 2021. Je note tout de même deux points positifs : la reconduction du Pass'Sport dans l'hypothèse où les crédits du dispositif seraient effectivement reportés et la hausse des crédits destinés aux maisons sport-santé.

À l'inverse, je m'interroge sur le plan de 5 000 équipements sportifs de proximité, récemment annoncé par le Président de la République, pour un montant global de 200 millions d'euros. Dans le cadre de ce plan, après un calcul simple, 40 000 euros en moyenne seront consacrés à chaque équipement, ce qui est bien suffisant si l'on veut construire des terrains de pétanque, mais pour le reste ? Plus sérieusement, il convient de dénoncer ces effets d'annonce et d'espérer que le sport sera davantage à l'honneur durant le prochain quinquennat. Le groupe Union Centriste suivra l'avis de sagesse du rapporteur.

M. Jacques-Bernard Magner. - Je félicite le rapporteur, qui a manifestement su traduire la position de la plupart des membres de notre commission.

Il faut reconnaître que ce budget comporte des avancées. Je pense en particulier au maintien du Pass'Sport. Même si ce dispositif ne constitue pas une nouveauté, il s'agit d'une mesure importante pour le sport et les clubs. Mais plusieurs points négatifs sont à déplorer, comme la diminution du nombre de CTS, ou la baisse de cinq ETP pour l'Insep.

Personnellement, je regrette la faiblesse des crédits destinés au sport scolaire, qui est par ailleurs l'une des victimes collatérales de la semaine de quatre jours. L'éducation physique et sportive, notamment la natation, paie un lourd tribut à cette réforme des temps scolaires. Il y a encore quelques années, tous les élèves savaient nager à la fin du CE2, contre moins de la moitié aujourd'hui. C'est un pur scandale !

Quoi qu'il en soit, le groupe socialiste suivra l'avis du rapporteur.

M. Thomas Dossus. - Je remercie le rapporteur qui a su mettre en exergue les flous et les zones d'ombre d'un budget, qui est vraiment celui d'un début de campagne présidentielle... Je pense notamment à l'annonce il y a deux semaines d'un plan de création de 5 000 équipements sportifs de proximité, dont personne n'avait jamais entendu parler. Le Parlement devra-t-il voter durant cet exercice budgétaire et, sans en connaître le détail, toutes les promesses du candidat Macron ?

M. Jacques Grosperrin. - Merci à Jean-Jacques Lozach pour l'exactitude et l'honnêteté de sa présentation.

Je m'interroge également sur l'annonce de ces 5 000 nouveaux équipements. Nous avons récemment auditionné la vice-présidente de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) qui expliquait ne pas avoir été consultée au sujet de ce plan. On voit bien que les choses sont décidées d'en haut.

À trois ans des jeux Olympiques, nous avons des raisons légitimes de nous inquiéter. Il n'est qu'à se reporter aux réponses de Claude Onesta.

Je m'interroge aussi sur l'indépendance des fédérations. Il semblerait que les directeurs techniques nationaux des fédérations de judo et d'athlétisme n'aient pas encore été désignés, parce que le ministère n'en voudrait pas. Est-ce le signe d'une nouvelle ingérence de l'État dans le sport ?

Enfin, je me demande si la fusion des ministères des sports et de l'éducation nationale a réellement contribué à rehausser le budget consacré au sport. On a plutôt le sentiment que c'est l'ANS aujourd'hui qui est mobilisé pour financer les grandes opérations et les grands événements sportifs.

M. Bernard Fialaire. - Je comprends les interrogations de notre rapporteur, même si je trouve que sa présentation comporte quelques ambiguïtés. On ne peut pas à la fois reconnaître qu'il faut un certain nombre d'années pour mettre en place une politique sportive permettant d'obtenir des résultats satisfaisants lors des jeux Olympiques, et reprocher au gouvernement actuel de ne pas tout faire pour récolter des médailles dès les jeux Olympiques de 2024.

Autre remarque, je faisais partie de ceux qui considéraient qu'il était cohérent de rapprocher le ministère des sports et celui de l'éducation nationale, et je déplore aujourd'hui un certain nombre de dérives.

Le groupe du RDSE suivra l'avis du rapporteur.

M. Pierre Ouzoulias. - J'insisterai sur un point de vigilance concernant l'organisation des jeux Olympiques à Paris. À chaque fois que j'ai évoqué le problème des transports en vue de cet événement, on m'a répondu qu'il n'y avait pas d'inquiétude à avoir et que les installations seraient prêtes. Or on voit bien aujourd'hui que ces dernières sont abandonnées. C'est donc la faisabilité des jeux Olympiques en tant que telle qui est menacée aujourd'hui. Si l'acceptabilité sociale de Paris 2024 n'est pas au rendez-vous, ces jeux ne pourront pas se tenir. Dans ce dossier, je regrette l'absence d'un véritable travail interministériel. Le rôle du Sénat, représentant des élus, est aujourd'hui d'attirer l'attention du Gouvernement sur les difficultés à venir.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis. - La baisse du nombre des licenciés est très hétérogène selon les fédérations et les sports concernés. Dans certaines disciplines, les chiffres montrent un retour aux effectifs de l'année 2019 quand, dans d'autres, on observe une baisse de 20 à 30 % du nombre des pratiquants.

D'après la ministre, l'État aurait mis sur la table 7 milliards d'euros pour le sport depuis le début de la crise sanitaire. En réalité, on mélange tout : plan d'urgence, plan de relance, dispositifs de droit commun, etc. Aujourd'hui, les principaux bénéficiaires des aides, notamment au travers du dispositif de chômage partiel et des prêts garantis par l'État, sont les structures employeuses comme les clubs professionnels. On mélange aussi sport professionnel et sport amateur, activités de plein air et salles de sport.

L'essentiel est de regarder si les crédits sont fléchés vers les associations car, dans le domaine sportif, près de 85 % des associations n'ont pas de salariés. Or on s'aperçoit qu'elles n'ont perçu que 30 millions d'euros pendant la crise : il existe donc un hiatus énorme entre les annonces et la réalité.

S'agissant de la trajectoire budgétaire durant ce quinquennat, on peut sans se tromper conclure que les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » ont baissé lors des trois premières années, stagné l'an dernier, et qu'ils augmenteront de manière significative, de 22 %, l'an prochain. En revanche, la part du sport dans le budget de l'État sera passée de 0,24 % en 2017 à 0,32 % l'an prochain, et ce alors même qu'entre-temps la France s'est vue attribuer l'organisation des jeux Olympiques de 2024. On en déduit que les jeux Olympiques n'ont qu'un effet marginal sur le budget consacré au sport.

J'étais un partisan acharné du Pass'Sport à l'origine, mais sous une forme un peu différente. Je pense qu'il serait judicieux aujourd'hui de l'étendre aux jeunes de 17 à 20 ans. Au 31 décembre prochain, de 35 à 45 millions d'euros de crédits n'auront pas été consommés au titre du Pass'Sport. On peut estimer à 1,3 million le nombre de bénéficiaires du dispositif d'ici à la fin de l'année.

On l'a dit, le Président de la République a annoncé un plan prévoyant la création de 5 000 équipements sportifs de proximité dans les trois ans à venir. Ce programme est intéressant, mais il aurait aussi fallu tenir compte de l'état de vétusté des équipements sportifs actuels - piscines, gymnases, terrains de football : 22 % d'entre eux ont plus de cinquante ans, et sept sur dix n'ont jamais été rénovés !

Plusieurs d'entre vous ont évoqué le sempiternel débat autour du déplafonnement des taxes affectées : si une telle décision était prise, le secteur sportif percevrait immédiatement 200 millions d'euros de plus. On est donc très loin de la célèbre formule : « le sport finance le sport ».

La situation de l'Insep est préoccupante. À l'approche de la prochaine olympiade, la suppression de ces cinq ETP est incompréhensible. Quant aux CTS, l'enjeu est important, car ils constituent la colonne vertébrale de l'encadrement sportif de notre pays, depuis l'association de proximité jusqu'aux plus grands clubs.

Je partage les réflexions des uns et des autres sur l'affaiblissement du ministère des sports : il lui reste l'éthique, avec la lutte contre le dopage, les violences et les discriminations, la dimension internationale, les dossiers relevant de l'interministériel, et c'est tout ! Le reste, comme le sport de haut niveau, le développement des pratiques sportives, l'aide aux clubs et aux fédérations, relève désormais de l'ANS. Pour ma part, je suis très attaché à la notion de service public du sport, à celle de sport de la République, ce qui implique d'après moi un ministère des sports autonome et de plein exercice.

Pour ce qui est du sport scolaire, les avancées sont très peu nombreuses. On masque les difficultés actuelles par une ouverture de l'école sur l'extérieur, les clubs en particulier, ce qui ne manquera pas de poser des problèmes quant à la future localisation des équipements, d'autant que les écoles seront parties prenantes de leur gestion. Autre point à souligner, le nombre de places ouvert au certificat d'aptitude au professorat d'éducation physique et sportive (Capeps) continue de baisser.

En réponse à notre collègue Bernard Fialaire, je précise que je ne reproche pas au Gouvernement de tenter de gagner des médailles. Je dis simplement que l'essentiel n'est pas de gagner des médailles mais les répercussions, notamment sur la jeunesse, des succès de la France lors des compétitions internationales.

M. Michel Savin. - Compte tenu du nombre de questions restées sans réponse, nous suivrons l'avis du rapporteur. Nous espérons que la ministre sera en mesure d'apporter des précisions en séance publique, notamment sur le déplafonnement de la taxe Buffet et la ventilation des crédits non consommés au titre du Pass'Sport. À ce stade, nous réservons notre vote en séance publique.

La commission émet un avis de sagesse à l'adoption des crédits relatifs au sport au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

La réunion est close à 11 h 05.

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 16 h 35.

Projet de loi de finances pour 2022 - Audition de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, et de Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement

La réunion est ouverte à 16 h 35.

M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, nous poursuivons notre cycle d'auditions sur le projet de loi de finances pour 2022, en accueillant M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, et Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement, que je remercie de s'être rendus disponibles cet après-midi.

Avant de commencer, monsieur le ministre, je souhaite souligner que vous êtes le ministre de l'éducation nationale qui est resté le plus longtemps à ce poste sous la Ve République. Nous saluons votre longévité, d'autant qu'elle apporte une continuité à l'action de votre ministère depuis le début du quinquennat. Nous avons d'ailleurs mis en place, au sein de notre commission, une mission d'information visant à dresser le bilan des mesures prises en matière d'éducation durant ces cinq dernières années.

Avec plus de 77,7 milliards d'euros, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » sont en augmentation de 1,7 milliard d'euros en autorisations d'engagement par rapport à l'année dernière.

Pouvez-vous nous présenter les principaux axes et priorités de votre budget ? Nous sommes évidemment particulièrement intéressés par la transcription dans ce budget des annonces issues du Grenelle de l'éducation, ainsi que par le calendrier de leur déploiement. Je rappelle que la rémunération des personnels enseignants était au coeur de l'avis budgétaire présenté par Jacques Grosperrin, notre rapporteur pour avis, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020.

Madame la secrétaire d'État, nous souhaiterions que vous nous présentiez les grands axes de votre action dans le cadre du programme 163. Je pense notamment au service national universel (SNU), qui, cette année encore, a été perturbé par l'épidémie de la covid-19. Nous connaissons votre attachement au SNU : pouvez-vous nous présenter les difficultés rencontrées cette année et les perspectives pour l'année prochaine ? De manière générale, quelles sont les mesures prises en faveur de la jeunesse, qui, à la fois, a été frappée par les conséquences de la pandémie et a montré sa volonté de s'engager ?

Enfin, les associations ont été particulièrement touchées par la crise sanitaire. Les travaux de notre commission ont souligné leur fragilité, mais aussi leur rôle essentiel dans l'animation du lien social sur les territoires : que prévoit le budget 2022 pour les soutenir ?

Permettez-moi enfin, madame la secrétaire d'État, de saluer la clarté et la fermeté de votre position sur la campagne du Conseil de l'Europe célébrant « la liberté dans le hijab ».

Après votre intervention, je donnerai d'abord la parole à nos rapporteurs budgétaires pour l'enseignement scolaire - Jacques Grosperrin, la « jeunesse et vie associative » - Jacques-Bernard Magner - et l'enseignement agricole - Nathalie Delattre, puis aux orateurs des groupes, et enfin aux autres membres de la commission qui souhaitent vous interroger. Les questions seront certainement, comme chaque année, nombreuses.

Je rappelle que cette audition est captée et diffusée en direct sur le site du Sénat.

Monsieur le Ministre, je vous vous laisse à présent la parole !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. - Je suis naturellement heureux d'être de nouveau devant vous cet après-midi.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à vous remercier, monsieur le président, d'avoir évoqué le record de longévité que je viens de battre dans mes actuelles fonctions. Il est essentiel de pouvoir travailler dans le temps long quand on s'occupe du système éducatif de notre pays. J'ai dit dès 2017 que c'était mon souhait de rester cinq ans dans cette fonction. Une partie des actions que nous avons menées sont des graines semées, dont nous voyons parfois apparaître les premiers bourgeons, mais qui nécessite le temps long - même si nous sommes tous impatients d'en voir les résultats.

J'ajoute que, de mon point de vue, et quoi qu'il arrive dans les décennies à venir, si la stabilité ministérielle au ministère de l'éducation nationale est souhaitable, les enjeux autour des questions éducatives doivent susciter le débat, ne serait-ce qu'en écho à leur importance, et ce à l'abri des querelles politiciennes dommageables. L'école a besoin de sens : chacun doit pouvoir s'exprimer, mais les positions des uns et des autres doivent être commandées par l'intérêt général, en plus de l'intérêt particulier des élèves.

Par ailleurs, vous venez à juste titre de signaler que Sarah El Haïry s'était prononcée très clairement ce matin sur la campagne du Conseil de l'Europe. Je m'associe publiquement à ses propos et considère inacceptable cette campagne du Conseil de l'Europe. Pour ma part, j'estime que l'incident n'est pas clos, car il révèle ce que j'ai déjà dénoncé par le passé, à savoir l'immixtion d'associations ou de structures qui ne respectent pas les valeurs de la République dans d'importantes institutions. Ce qui s'est passé n'est pas acceptable et ne peut pas être accepté.

J'en viens maintenant au budget de l'enseignement scolaire pour 2022.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous présente ce budget pour la cinquième année consécutive. C'est l'heure des premiers bilans, et c'est aussi pour moi le moment de vous indiquer à quel point ce budget d'investissement dans l'école a été l'une des priorités de ce quinquennat.

La Nation s'est donné les moyens de faire de l'école un levier de réussite pour tous les élèves, en agissant dès le plus jeune âge et en offrant à chacun d'entre eux la possibilité progressive de personnaliser son orientation pour réussir pleinement son intégration dans la vie professionnelle.

La création d'un secrétariat d'État chargé de l'éducation prioritaire il y a maintenant un an et demi est la preuve, s'il en faut, de la priorité sociale affichée par le Gouvernement, tout comme de la priorité accordée à la jeunesse, symbolisée par la présence de Sarah El Haïry à mes côtés. Avec l'arrivée au ministère des sports de Roxana Maracineanu, que vous avez auditionnée le 26 octobre dernier, nous disposons désormais d'un grand ministère. À ce sujet, je veux dire à quel point il me semble souhaitable que l'éducation nationale, la jeunesse et les sports soient pour longtemps fusionnés dans un seul et même ministère. Cette réunion permet de disposer d'une vision complète du temps de l'enfant, dans la grande ligne de certains de mes prédécesseurs comme Jean Zay, d'une approche de l'éducation dans le cadre du temps scolaire, mais aussi au-delà. Je suis heureux avec mes trois collègues de former une grande équipe de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

En 2022, le budget de la mission « Enseignement scolaire » s'établit à 55,2 milliards d'euros, hors cotisations de l'État, en augmentation de 3 %, soit 1,6 milliard d'euros, par rapport à l'année dernière. Cette hausse est considérable.

Nous poursuivons ainsi la transformation du système éducatif : l'école à trois ans, la priorité à l'école primaire, le dédoublement des classes dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP et REP+), les devoirs faits au collège, la réforme du lycée général et technologique et du lycée professionnel, l'école inclusive, les cités éducatives, les internats d'excellence, qui sont autant d'actions prioritaires du Gouvernement. L'augmentation du budget n'est pas une fin en soi, mais ce sont les priorités qu'il sous-tend. Je le dis depuis 2017 : la priorité des priorités, c'est l'école primaire.

Le budget de l'éducation nationale a augmenté de 13 % en cinq ans. C'est la première fois qu'il y a une telle augmentation sur un quinquennat : en 2017, ce budget s'élevait à 48,8 milliards d'euros ; en 2022, il atteindra 55,2 milliards d'euros. Ces chiffres sont totalement irréfutables, malgré les propos que je peux entendre ici ou là sur le fait que l'éducation serait négligée ou que l'on porterait une attention insuffisante au service public de l'éducation. Bien entendu, on peut débattre de la manière dont nous affectons ces crédits, mais, avec ce budget, la hausse est incontestable : à titre de comparaison, de 2013 à 2017, le budget de l'enseignement scolaire a augmenté de 4,5 milliards d'euros, contre 6,4 milliards d'euros de 2018 à 2022.

Si l'on considère la seule masse salariale, la hausse des crédits atteint 5,4 milliards d'euros, contre 3,7 milliards d'euros durant le précédent quinquennat. Nous avons en parallèle stabilisé les effectifs, si bien que les rémunérations, donc le pouvoir d'achat des professeurs et des personnels, ont progressé davantage que dans les mandats précédents.

Nous voulons que cette hausse des crédits contribue prioritairement à la revalorisation financière du métier d'enseignant, donc à son attractivité, dans le prolongement du Grenelle de l'éducation. Ce mouvement a vocation, je l'espère, à se poursuivre au-delà de 2022.

Comme vous le savez, le Grenelle de l'éducation s'est articulé autour de trois axes, qui m'ont conduit à prendre douze engagements : une meilleure reconnaissance des métiers pour attirer, diversifier et conserver les talents, la promotion de l'esprit d'équipe et d'un esprit de coopération dans l'ensemble du système scolaire, ainsi que l'ouverture du champ des possibles, autrement dit la promotion des mobilités professionnelles, en plus de la reconnaissance professionnelle.

S'agissant de la reconnaissance de la profession, la revalorisation attendue est au rendez-vous. En 2021, 400 millions d'euros ont abondé le budget pour revaloriser les personnels ; en 2022, ce sont 700 millions d'euros qui s'y ajouteront.

Dans le même temps, l'agenda social a permis de dégager des lignes de force : d'abord, nous avons cherché à toucher toutes les catégories de personnel, tout en portant une attention particulière aux personnels en début de carrière, qui sont moins bien lotis lorsque l'on se compare avec les pays de l'OCDE. Une prime d'attractivité, créée en 2021 et versé pour la première fois en mai, sera revalorisée et étendue en février 2022. De mai 2021 à février 2022, les néotitulaires auront vu leur rémunération progresser de 157 euros nets mensuels.

Cette prime accompagne d'autres éléments de revalorisation : je pense notamment à la prime d'équipement informatique de 150 euros nets annuels, qui est reconduite. En 2022, 200 millions d'euros seront également consacrés à la protection sociale complémentaire, soit 15 euros par mois pour tous les agents du ministère de l'éducation nationale.

De manière générale, les crédits relatifs à la masse salariale font l'objet d'une augmentation nette de près de 1,2 milliard d'euros, au profit de l'ensemble des personnels pour la revalorisation de leurs carrières.

Notre priorité va également à l'école primaire, ce que chacun peut observer budget après budget. Nous approfondissons le sillon.

Comme vous le savez, la baisse démographique se poursuit - il faut le déplorer : on comptabilisera 80 000 élèves en moins à la rentrée 2022. Malgré cette tendance, nous maintiendrons les effectifs à l'école primaire. Depuis 2017, nous aurons même créé près de 9 000 postes dans le premier degré, alors que l'on dénombre 285 000 élèves en moins. Nous assumons cette politique, qui permet d'avoir un meilleur taux d'encadrement, rentrée après rentrée, dans chaque département de France.

Nous avons également pris des mesures plus ciblées, en premier lieu l'accueil d'élèves supplémentaires à l'école maternelle, via l'abaissement de la scolarité à trois ans. J'insiste sur l'importance de cette disposition, qui montre à quel point l'école maternelle est déterminante pour la réussite future des élèves à l'école élémentaire et dans la suite de leurs parcours scolaire, notamment si l'on veut compenser le plus tôt possible les inégalités sociales.

En second lieu, nous avons dédoublé les classes de CP et de CE1 en REP et en REP+, mesure qui, à elle seule, concerne 300 000 élèves par an. Cette disposition de la plus haute importance permet de réduire l'écart entre les élèves qui sont dans les réseaux d'éducation prioritaire et le reste du pays. Nous avons atteint ce que l'on pourrait appeler un « Graal éducatif » dans certains territoires, où les résultats des classes de certains établissements REP ou REP+ affichent déjà des taux de réussite comparables à ceux de classes situées dans des quartiers favorisés. J'ai coutume de prendre l'exemple des XVIIIe et XIXe arrondissements de Paris, où certaines écoles ont des résultats comparables à celles du VIIe arrondissement. C'est inédit et permet d'ouvrir la voie : si cela a été possible dans ces classes, tout le monde peut le faire.

Ce dédoublement des classes est une réussite et s'accompagne d'évolutions pédagogiques importantes. Je pense en particulier au « plan français » et au « plan mathématiques », qui sont des plans de formation continue des professeurs du premier degré, contribuant à fournir à ces enseignants tous les outils pédagogiques nécessaires. Grâce à cela, nos compétences en lecture et en mathématiques s'améliorent.

Grâce à ces efforts budgétaires, nous sommes en train de remonter la pente, alors que nous déplorons depuis des décennies une baisse du niveau des élèves à l'école primaire. Forcément, c'est un début. Il serait aberrant d'invoquer le classement PISA - programme for international student assessment ou, en français, programme international pour le suivi des acquis des élèves -de 2018 pour illustrer quoi que ce soit concernant le bilan du quinquennat : « PISA 2018 » est une photographie des élèves âgés de 15 ans en 2018. Par définition, il ne peut pas refléter les actions entreprises pour remonter le niveau des élèves à partir de l'école primaire depuis 2017.

Les résultats des évaluations en CP, en CE1 et en sixième seront disponibles la semaine prochaine. J'espère qu'ils confirmeront la tendance que l'on a enregistrée en février dernier dans les évaluations de mi-parcours au CP : une capacité à rebondir malgré la crise sanitaire, et alors que nous savons que dans de nombreux pays le niveau va baisser du fait de la fermeture des écoles.

Le dédoublement des classes est, de mon point de vue, la pointe avancée d'une politique plus générale concernant l'école primaire.

D'autres mesures sont en cours de déploiement. Je pense au plafonnement à 24 élèves des effectifs dans toutes les classes, partout en France, tous territoires confondus, en grande section de maternelle, au CP et au CE1, engagé à la rentrée 2020, poursuivi à la rentrée 2021. Au moment où je vous parle, cette mesure, qui s'applique depuis deux ans, concerne déjà 86 % des classes. Elle concernera 100 % des classes à la rentrée 2022.

J'ai également à l'esprit le dédoublement des classes de grande section de maternelle dans les réseaux d'éducation prioritaire. À terme, nous visons 150 000 élèves par an. C'est en voie d'achèvement.

La maîtrise des savoirs fondamentaux dès le plus jeune âge est une garantie essentielle pour l'avenir de notre pays et doit permettre d'atteindre les deux objectifs que je me suis fixés depuis ma prise de fonction, c'est-à-dire l'amélioration du niveau général et la réduction des inégalités sociales.

Quatrième point que je souhaite évoquer : avec ce budget, nous parachevons le grand service public de l'école inclusive. Vous le savez, le Président de la République avait fixé comme priorité la scolarisation des élèves en situation de handicap tout au long du quinquennat. Nous avons traduit cette ambition par la mise en place d'un service public de l'école inclusive. C'est un sujet difficile qui méritait des avancées quantitatives et qualitatives. Désormais, toutes les directions départementales des services de l'éducation nationale ont un service consacré à l'école inclusive, service unique et clairement identifiable par les familles et les professionnels. Nous avons également généralisé les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL) depuis la dernière rentrée scolaire.

Le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés est en constante augmentation, avec plus de 400 000 élèves à la rentrée 2021, soit 100 000 de plus depuis le début du quinquennat. En 2022, nous consacrerons 3,5 milliards d'euros par an à l'école inclusive, ce qui représente 210 millions d'euros de plus que l'année dernière, et une hausse de 65 % des crédits consacrés à ce volet depuis le début du quinquennat. C'est de très loin le budget qui augmente le plus, tous secteurs de l'État confondus.

Concrètement, nous créerons 4 000 postes supplémentaires d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) à la rentrée prochaine. On dénombre 125 000 AESH dans le système scolaire français. Des évolutions qualitatives sont également nécessaires. Ils bénéficient désormais de 60 heures de formation par an, au travers des PIAL pour être au plus près des besoins des élèves et de leurs familles. Bien entendu, tout n'est pas parfait sur le terrain - j'en ai conscience, mais en l'espace de cinq ans, on est passé d'un système où 70 000 personnes travaillaient en contrat aidé auprès des élèves en situation de handicap à un système où travaillent 125 000 AESH en CDD, voire en CDI. Ces derniers bénéficient désormais de perspectives de carrière, puisqu'ils disposent d'une grille indiciaire et d'un avancement automatique en fonction de l'ancienneté. Il y a bien un nouveau statut des AESH, avec plus de pleins temps. Dans ce budget, 56 millions d'euros de crédits seront alloués aux AESH.

Enfin, je veux souligner la dimension sociale des mesures prises dans le cadre de cette mission budgétaire. Je citerai trois exemples importants.

Tout d'abord, je veux évoquer la hausse des bourses et des fonds sociaux, avec une enveloppe de 895 millions d'euros, en hausse de 35 millions d'euros en 2022, pour accompagner les familles les plus défavorisées. Ce montant inclut la revalorisation de 69 euros de la prime d'internat et l'extension de la bourse au mérite aux élèves boursiers qui s'engagent, à l'issue de la troisième, dans une formation conduisant au certificat d'aptitude professionnelle (CAP).

J'insiste sur la mise en oeuvre du pass Culture, à laquelle nous consacrons 47 millions d'euros dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022. Cela représente 25 euros par élève et par an, à partir de la classe de quatrième, pour les dépenses culturelles collectives, qui s'ajoutent aux dépenses individuelles. Concrètement, cela signifie que dans une classe de 32 élèves, cela représente 800 euros pour des sorties scolaires. Or, on sait que de nombreuses sorties scolaires ne peuvent pas se faire pour quelques dizaines ou centaines d'euros. Le pass Culture est un outil à la disposition des professeurs pour arriver à l'objectif de 100 % d'éducation artistique et culturelle : permettre à tous les élèves de France d'être concernés chaque année par cette éducation.

Enfin, je veux mentionner la relance de la politique des internats d'excellence, à laquelle je crois beaucoup, comme vous le savez. Pour moi, c'est la meilleure manière de s'attaquer aux facteurs extrascolaires entravant la réussite scolaire. C'est un outil permettant à des élèves d'origine modeste, souvent issus de milieux ruraux ou de quartiers de la politique de la ville, de bénéficier de bonnes conditions de travail et des ouvertures de vie sur le plan culturel et sportif. Dans le cadre du plan de relance, 54 internats d'excellence ont été sélectionnés et labellisés en 2021. Les conventions seront toutes engagées d'ici la fin de l'année. Des décaissements sont prévus tout au long de l'année 2022 pour permettre l'ouverture de 1 500 places d'ici la rentrée scolaire 2022. Cela se fait en partenariat avec les collectivités locales, cette politique étant l'occasion pour elle de revaloriser certains territoires.

Ce budget est à la hauteur de nos objectifs : il engage une dynamique et des perspectives pour notre jeunesse, témoigne d'une reconnaissance de la Nation envers ses professeurs et l'ensemble des personnels de l'éducation nationale, investit dans l'éducation de nos enfants, donc prépare la société de demain.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l'engagement. - Le programme « Jeunesse et vie associative » n'est que l'illustration partielle des politiques publiques en faveur de la jeunesse et du soutien à la vie associative, tant cet enjeu est transversal. La jeunesse demeure la priorité de tous. Elle représente notre avenir et chacun a envie qu'elle réussisse quels que soient sa diversité, ses bouts de vie. Le terme jeunesse regroupe à la fois des enfants, des adolescents, mais aussi ce moment où on entre dans la vie active.

Ce budget est le fruit d'un partenariat avec les services déconcentrés, l'ensemble des collectivités territoriales, ainsi que les acteurs du monde associatif et de l'éducation populaire.

Agir pour la jeunesse, c'est avant tout prendre en considération son extrême diversité : la jeunesse rurale n'est ni la jeunesse urbaine, ni péri-urbaine. Il faut s'intéresser à chacune d'entre elles, car chacune d'entre elles a des talents, des besoins différents et des opportunités à développer. C'est un point sur lequel, avec Jean-Michel Blanquer, nous avons souhaité apporter des réponses extrêmement variées pour que chaque jeunesse puisse avoir son propre parcours, celui qui lui permettra de se construire et d'être suffisamment forte à l'âge adulte.

Les crédits du programme « Jeunesse et vie associative » s'élèveront à 772 millions d'euros en 2022, soit une progression de plus de 11 % par rapport à l'année dernière. Parmi les priorités, je veux insister sur l'accompagnement vers l'autonomie et, évidemment, la lutte contre le non-recours aux droits sociaux. Accompagner la reprise, c'est aussi encourager le soutien au monde associatif, qui a été ébranlé par la crise sanitaire, tant financièrement que sur le plan humain, puisque se pose aujourd'hui la question du retour des bénévoles dans les associations. Cela touche des associations de toute taille et de tout territoire.

Le programme « Jeunesse et vie associative » ne retrace qu'une fraction de l'effort de la Nation dans ce domaine. Il contribue à donner une impulsion, au travers de la nécessaire coordination interministérielle des politiques publiques.

Je citerai trois mesures emblématiques, qui me tiennent particulièrement à coeur : le service national universel, le développement du service civique et le soutien au mentorat.

Le SNU s'adresse aux jeunes de 15 à 17 ans. Il a vocation à favoriser le sentiment d'unité nationale, à promouvoir la notion d'engagement et à transmettre un certain nombre de valeurs communes. Il vise à vivre un temps de mixité sociale et d'unité nationale, créer ce goût de l'engagement et l'accompagner. Il comprend trois phases, celle du séjour de cohésion, qui est le plus connu et le plus visible. Mais il comprend surtout une mission d'intérêt général et, enfin, un engagement long - la fameuse phase 3.

Le SNU poursuit sa généralisation : cette année, le budget consacré au SNU s'élève à 110 millions d'euros : ce sont au moins 50 000 jeunes volontaires qui pourront y participer, alors même que, l'an dernier, compte tenu de la crise sanitaire, nous avons dû restreindre le nombre de jeunes accueillis. Je tiens à le souligner : les jeunes étaient au rendez-vous puisque plus de 30 000 s'étaient inscrits. Pour accompagner cette jeunesse, 80 postes de chef de projet SNU ont été créés et contribueront à gérer la montée en charge du dispositif au niveau des services déconcentrés, au plus proche des territoires. Nous souhaitons renforcer la maille départementale afin de prendre en compte la spécificité de chaque territoire.

Ce budget permet le renforcement du service civique. En effet, il représente l'une des formes d'engagement de la phase 3, aux côtés des volontariats de solidarité internationale, du volontariat européen ou les engagements dans la réserve de la gendarmerie. Cela me donne l'occasion de saluer la mobilisation particulièrement forte des cadets de la gendarmerie sur l'ensemble du territoire. Je sais qu'un certain nombre de sénateurs accompagnent ce développement.

Le service civique est ce projet majeur de citoyenneté qui offre à plus de 530 000 jeunes, depuis sa création, la possibilité de s'engager dans une perspective d'intérêt général et de développement de compétences. Cet engagement prend des formes très diverses. Cette année, ce sont plus de 200 000 jeunes qui ont vocation à participer à de telles missions. Des thématiques prioritaires ont été développées pour répondre aux aspirations de la jeunesse : la transition environnementale, la solidarité intergénérationnelle, absolument nécessaire à la cohésion de notre pays et à la réussite sur tous les territoires. Ce lien intergénérationnel est évidemment entre nos aînés et nos jeunes, mais aussi entre nos jeunes eux-mêmes. C'est la beauté de la préoccupation de l'autre que le service civique permet. Le budget consacré au service civique est stable par rapport à l'année dernière, à hauteur de 498 millions d'euros.

Je veux développer un dernier point : le « plan mentorat ». Dans le plan « 1 jeune, 1 solution » figure un dispositif spécifique destiné à accompagner les associations qui développent le mentorat dans les territoires, à destination des étudiants comme des professionnels. Nos aînés ont énormément de choses à transmettre : le goût de l'engagement, des parcours de vie, des formes d'engagement très divers. Près de 27 millions d'euros seront alloués au soutien aux associations pour accompagner, d'ici la fin de cette année, 100 000 jeunes et, d'ici la fin de l'année prochaine, 200 000 jeunes. L'ambition est importante, puisque nous sommes partis de 20 000 jeunes «tutorés ».

Le programme « Jeunesse et vie associative » comporte d'autres actions : le soutien aux loisirs éducatifs, l'accès de la jeunesse à l'information, qui est l'une des premières sources d'inégalité, le soutien aux accueils collectifs de mineurs, au travers de l'hébergement dans les centres de vacances, les colonies de vacances et les centres de scoutisme. Ces accueils transmettent le goût de l'engagement, valorisent la découverte de l'autre, la curiosité du départ. Ces accueils ont vécu un déclin ces dix dernières années et ont redémarré cette année : plus de 700 000 jeunes - hors mouvements scouts - ont pu partir grâce à l'un de ces dispositifs, avec une prise en charge de 25 000 séjours avec hébergement. En outre, plus de 1,7 million de places sont ouvertes dans plus de 31 000 centres d'accueil collectif sans hébergement.

Le ministère a également mis en place le « plan mercredi », cadre idéal d'un partenariat renouvelé entre les collectivités locales et les services de l'État pour que les enfants et les adolescents puissent bénéficier des actions des associations d'éducation populaire, pour apprendre tout au long de la journée et de la semaine. L'éducation populaire, agrément attribué aujourd'hui à 18 000 associations, est une démarche qui vise à assurer la formation tout au long de la vie, en complément de l'école.

La crise sanitaire a fragilisé le monde associatif. Même si les chiffres ne sont pas tout à fait stabilisés, on parle de 20 % de bénévoles en moins. Pour faire face au recul du nombre de bénévoles, nous avons lancé, en partenariat avec le mouvement associatif « Hexopé », la campagne « Mon association, je l'adore, j'y adhère ! ». Nous avons aussi apporté notre soutien aux têtes de réseau et aux coordinations nationales.

L'engagement de l'État en faveur du monde associatif reste au même niveau que l'année dernière. Nous avons souhaité renforcer la formation des bénévoles, car nous pensons qu'il s'agit d'un véritable levier de fidélisation et de reconnaissance de ce que ces hommes et ces femmes apportent à notre pays. En outre, le fonds pour le développement de la vie associative, doté de 8,1 millions d'euros en 2022, concourt au financement des plans de formation. Plus de 25 millions d'euros seront consacrés au soutien et au fonctionnement de l'innovation des associations locales, ces structures qui dessinent le visage de nos villes et nos territoires.

Nous renforçons le compte engagement citoyen, qui sera doté de 14,4 millions d'euros en 2022, à la couverture des droits à la formation, afin de reconnaître et valoriser l'engagement associatif.

Pour accompagner les associations, il faut encourager la reconnaissance d'un réel statut du bénévole. C'est, il me semble, plus que jamais nécessaire. Mais il faut aussi faciliter la vie, la gestion administrative des associations. On sait que la lourdeur administrative pèse sur les bénévoles. Nous travaillons à des solutions numériques pour que les associations n'aient plus qu'à nous le dire une fois : je pense à la transmission des documents d'identité ou des rapports. C'est le développement de « mon compte asso » et « Data subvention » : à l'État de trouver l'information là où elle est, en particulier au moment des demandes de subvention.

En conclusion je souhaite rappeler notre objectif : l'accompagnement humain de tous les jeunes, dans leurs diversités, chacun sur son territoire en transmettant des valeurs et des repères pour qu'ils puissent se construire et aller vers l'autonomie que nous souhaitons ; c'est un parcours de citoyenneté assumé.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement scolaire. - Monsieur le Ministre, je tiens à vous rendre hommage pour le courage dont vous avez fait preuve en engageant un ensemble très impressionnant de réformes. Souvent, il était coutumier de dire, pour un ministre de l'éducation nationale, que moins on fait de choses, moins on risque d'être embêté. Les exemples sont nombreux parmi vos prédécesseurs ...

Permettez-moi de vous signaler, qu'en matière de longévité, vous êtes toujours battu par Victor Duruy, qui a été ministre de l'Instruction publique de 1863 à 1869. Sollicité par Napoléon III, il a terminé sa carrière en tant que sénateur des Landes et président de conseil départemental.

Georges Pompidou avait utilisé l'expression, lorsqu'il était Premier ministre d'un « train de réformes ». Pour votre part, vous avez un « TGV de réformes ». Même si l'on peut ne pas être d'accord sur tout, votre dynamisme est indéniable. Votre courage - ainsi que celui de Mme El Haïry - doivent être soulignés.

N'aurait-on pas pu faire un grand ministère de « l'intelligence » rassemblant éducation nationale, sport, enseignement supérieur, recherche ? Cela aurait pu avoir du sens.

J'ai noté avec intérêt vos annonces relatives à la revalorisation salariale des personnels de l'éducation nationale.

Vous avez évoqué l'inutilité de faire référence au classement PISA de 2018 pour juger de votre action : je vous rejoins sur ce point, et j'ajoute que les moyens ne suffisent pas pour obtenir de bons résultats. Le Grenelle de l'éducation aura, je l'espère, contribué à promouvoir un état d'esprit proche de celui que j'appelle de mes voeux, celui d'une « équipe de France de l'éducation nationale », réunissant l'ensemble de la communauté éducative. De ce point de vue, je crois beaucoup à la récente proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d'école, votée par le Sénat. Les chefs d'établissement ont besoin d'être rassurés. Il me semble également nécessaire de permettre à chacun d'assimiler l'ensemble des réformes réalisées.

Dans mon avis budgétaire de l'an dernier, j'ai abordé la question de la transmission des valeurs de la République par l'école. Vous avez mentionné la nécessité de renforcer la formation des enseignants aux valeurs de la République, dans le cadre de la formation continue comme dans celui de la formation initiale. Cependant, j'observe une sous-consommation chronique des crédits consacrés à la formation continue, et le regrette. Pourriez-vous nous détailler les mesures prises pour renforcer la formation des enseignants à la laïcité ?

Cette année, je m'intéresse plus particulièrement au sport à l'école. Il me semble que le contexte s'y prête, à en juger par le rattachement des services déconcentrés de la jeunesse et des sports aux rectorats depuis le 1er janvier 2021 et dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

De manière rare et sans doute inédite, une circulaire globale relative au sport à l'école a été publiée le 1er juillet 2021. Je regrette cependant que plusieurs acteurs de la pratique sportive n'aient pas été associés à sa rédaction. Je pense pour l'essentiel aux collectivités locales, que l'on a auditionnées, et aux associations sportives scolaires. Celles-ci dénoncent le non-respect des heures d'éducation physique et sportive (EPS), notamment à l'école primaire. En outre, la formation des enseignants comporte des lacunes : un certain nombre d'entre eux ne se sentent pas à l'aise pour enseigner le sport. Quelles mesures mettre en place face à ces deux freins ?

Enfin, pouvez-vous nous assurer que le dispositif des trente minutes d'activité physiques quotidiennes n'a pas vocation à se substituer aux heures d'EPS à l'école primaire ?

Mme Nathalie Delattre, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement agricole. - Monsieur le ministre, dans le cadre du droit de tirage de mon groupe, le Sénat a mis en place une mission d'information sur l'enseignement agricole. Plusieurs collègues de notre commission en étaient membres et y ont activement participé. Malheureusement, votre agenda ne nous a pas permis de vous auditionner.

Le travail collectif de cette mission, qui a fédéré tous les groupes politiques de notre assemblée, a permis l'émergence de 45 propositions, dont un certain nombre concernent le ministre de l'agriculture. Je viens d'ailleurs de l'interpeller à l'occasion des questions au gouvernement en lui rappelant notamment notre souhait de maintenir le rattachement de l'enseignement agricole au ministère de l'agriculture. Mais plusieurs recommandations portent sur l'éducation nationale et rejoignent la problématique plus globale de l'information et de l'orientation des élèves.

Nous avons constaté que l'éducation nationale avait du mal à se séparer de ses élèves, en créant parfois des sections concurrentes ou bien en abandonnant simplement les élèves en échec scolaire. Nous avons auditionné plus de 80 personnes et visité une bonne vingtaine d'établissements, en complément de tous ceux visités par mes collègues. Les témoignages sont nombreux. Nous avons salué les parcours de ces enfants qui, malgré leur échec à l'école, ont aujourd'hui des carrières ou des trajectoires brillantes grâce à l'enseignement agricole.

Notre mission d'information préconise plusieurs mesures : le renforcement de l'information de tous les enseignants sur le contenu des métiers proposés par l'enseignement agricole ; la venue obligatoire, en quatrième et en troisième, dans le cadre des heures annuelles d'orientation, d'un proviseur de lycée agricole et d'un directeur de maison familiale rurale pour présenter l'enseignement agricole à tous les collégiens ; voire l'expérimentation d'une telle présentation, dès la cinquième, dans le cadre d'un partenariat entre le rectorat et une direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, puisque certains établissements de l'enseignement agricole accueillent les élèves dès la quatrième.

Pour cela, il faut une volonté forte de votre part, monsieur le ministre, et une commande expresse. Sinon, nous resterons confrontés aux mêmes problématiques. Je souhaiterais connaître votre avis sur ces recommandations.

Mme la secrétaire d'Etat, je souhaite vous signaler la proposition n°39 du rapport de notre mission d'information qui vise à encourager les apprenants et les établissements de l'enseignement agricole à s'engager dans le SNU.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et de la vie associative. - Nous avons bien noté, madame la secrétaire d'État, que votre budget a augmenté de 11 %. Cependant, cette hausse est d'une part essentiellement captée par le service civique. Nous pouvons nous féliciter que 530 000 jeunes s'y soient engagés depuis sa création. 200 000 services civiques sont prévus en 2022. Vous avez poursuivi l'effort qui avait été engagé. Il faut le signaler. Pendant la période de la crise de la covid, il y a eu une volonté politique d'augmenter le nombre de jeunes en service civique. 100 000 missions supplémentaires ont été réparties sur les deux années 2021 et 2022.

D'autre part, cette augmentation des crédits est portée par le SNU, pour lequel j'ai cependant moins de satisfaction à voir son développement. J'ai toujours douté de ce dispositif. Il est nécessaire de transmettre des valeurs, mais je pense, comme beaucoup d'entre nous, que, entre 15 et 17 ans, il est déjà trop tard pour inculquer certaines valeurs républicaines et citoyennes. Par conséquent, consacrer entre 100 et 110 millions d'euros au SNU, pour 50 000 jeunes, me semble irréalisable. J'avais déjà formulé de tels avertissements pour les budgets 2020 et 2021, années pour lesquelles la cible de 25 000 jeunes n'a pas été atteinte, avec, certes, un contexte sanitaire difficile. Comment pouvez-vous continuer dans cette voie en doublant l'effectif recherché et le budget, alors que les crédits de 2021 n'ont pas été pleinement consommés ? Combien de jeunes y ont effectivement participé cette année ? Par ailleurs, seules 30 000 candidatures ont été reçues l'an dernier. Comment comptez-vous pourvoir 50 000 places, alors qu'un grand nombre de volontaires ont sans doute déjà participé au SNU en 2020 et en 2021 ? En outre, le principe d'un appel à volontaires, pour ce qui devra, à terme, relever de l'obligation, nous interpelle.

En parallèle, il faudrait mobiliser des sommes plus importantes sur les colonies de vacances. Les séjours collectifs de mineurs sont en diminution depuis 10 ans, soit 160 000 enfants de moins par an. Ils risquent de devenir réservés à une petite partie de la population, alors que les trois quarts des Français sont favorables aux colonies de vacances. Est-ce un problème d'adhésion au principe du séjour collectif de mineurs ou un problème financier ? Quelles sont vos solutions pour convaincre les parents du bien-fondé d'aller en colonies pour les enfants?

À l'instar de ce qui a été fait pour la culture et le sport, pourrait-on prévoir une aide financière, une sorte de « pass colo », non pas spécifiquement pour ceux qui sont déjà aidés par la Caisse d'allocations familiales (CAF), mais pour les classes moyennes qui se trouvent juste au-dessus du seuil pour bénéficier des aides ? Je vous soumettrai des propositions par voie d'amendement en séance. Quelles sont les vôtres pour inciter les enfants à participer aux colonies de vacances ? À mon avis, il est plus facile d'inculquer les valeurs de la République à des enfants de 9, 10 ou 11 ans.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - Je remercie M. Grosperrin pour ses propos, et avoir désormais fixé la concurrence de longévité avec le Second Empire. Je préfère pour l'instant me situer dans la République ...

Le double enjeu de longévité et de spectre large de l'éducation que vous évoquez me semble aller au-delà du quinquennat.

La proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d'école est un pas important, pour lequel le Sénat a contribué. Nous arrivons à un consensus - ou un quasi-consensus - en faveur de l'intérêt général.

Vous avez également mentionné la sous-consommation chronique des crédits de formation continue et leur meilleure dépense, ainsi que les formations à la laïcité. Tout d'abord, nous avons voulu moderniser la formation continue des professeurs en mobilisant plus de crédits, qui devraient être intégralement consommés en 2022, en créant dans chaque rectorat des écoles académiques de formation continue, et en étant plus attentifs aux demandes du terrain. Ensuite, nous avons développé la formation à distance en y recentrant le réseau Canopé, ce qui a permis de toucher des dizaines de milliers de professeurs. Enfin, nous avons mis en place des programmes de formation volontaristes pour le premier degré, le « plan français » et le « plan mathématiques ». Ils sont organisés en « constellation », dans des systèmes horizontaux, permettant à des groupes de professeurs d'être formés ensemble en partant des besoins qu'ils identifient eux-mêmes. Ces plans ont commencé il y a un an et demi - le plan mathématiques a été inspiré par le rapport « Villani-Torossian ». D'après les premières enquêtes que nous avons menées, ces formations semblent donner satisfaction. Nous voulons que tous les professeurs des écoles puissent en bénéficier sur cinq ans. Cela participe à notre stratégie de rehaussement du niveau des enfants en français et en mathématiques.

Par ailleurs, nous faisons preuve de volontarisme sur la formation aux valeurs de la République, à la laïcité. Nous avons lancé un nouveau cycle, à la suite du rapport de Jean-Pierre Obin, pour former tous les personnels, soit un million de personnels, dont les 850 000 professeurs de France. Cette formation se fait grâce à 1 100 formateurs de formateurs, auxquels je me suis adressé il y a trois semaines. Cette thématique sera également au coeur de la formation continue en 2022.

Sur le sport à l'école, la circulaire du 1er juillet est importante et plusieurs questions doivent être regardées en face. Nous donnons des consignes claires sur le respect du temps consacré à l'éducation physique et sportive à l'école et développons des collaborations entre l'école et le monde du sport. Le sujet se pose dans des termes différents entre le premier et le second degrés. Ainsi, avec Roxana Maracineanu, j'ai lancé l'opération « un club, une école », afin qu'il y ait un jumelage entre chaque école et un club. Être le ministère de l'école, de la jeunesse, mais aussi des sports nous donne, à cet égard, plus de force. Cela nous permet, en signant des conventions avec les fédérations, d'atteindre l'objectif de 30 minutes de sport par jour. Pour l'année scolaire 2021-2022, je souhaite que la moitié des écoles entrent dans ce dispositif, qui, je le précise, s'ajoute à l'EPS et a vocation à se généraliser à toute la France. C'est un enjeu de santé publique.

Madame Delattre, votre rapport a retenu toute notre attention et je suis complètement en phase avec l'esprit, et plutôt en phase avec ses propositions. La mise en oeuvre de certaines d'entre elles est d'ailleurs déjà amorcée. Vous nous avez reproché notre manque de capacité à nous séparer des élèves : j'ai signé une convention, avec Didier Guillaume puis Julien Denormandie, pour promouvoir l'enseignement agricole dans l'éducation nationale. En outre, nous nous sommes coordonnés avec le ministère de l'agriculture et de l'alimentation pour mettre en place la réforme du lycée, dans le cadre de laquelle nous avons d'ailleurs retenu une spécialité typique de l'enseignement agricole.

Nous ne voulons pas créer de compétition localement : n'hésitez pas à nous le signaler si vous remarquez un tel cas de figure. Nous recherchons plutôt la complémentarité. D'ailleurs, les données de la rentrée montrent que l'hémorragie a cessé, avec un rebond lié à la convention que j'ai mentionnée précédemment et notre politique d'orientation et d'information sur l'enseignement agricole dès la quatrième. Je suis en tout cas tout à fait ouvert à vos recommandations. Nous pourrons de nouveau évoquer le sujet dans l'hémicycle - Julien Denormandie et moi-même serons tous les deux présents en séance au moment de l'examen des crédits de la mission « enseignement scolaire ». Vous pourrez constater l'harmonie entre nos deux ministères.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. - Comment envisageons-nous d'atteindre les 50 000 jeunes participant au SNU cette année ? Pour la première fois, trois sessions seront organisées - au bénéfice notamment des jeunes en lycée professionnel ou agricole qui n'ont pas y pu participer l'an dernier en raison de leurs obligations de stage - en février, en juin et en juillet, comme une répétition générale. Une grande diversité de jeunes pourra ainsi vivre ce temps de mixité sociale, qui fera l'objet d'une coopération plus avancée avec les lycées professionnels et agricoles. Nous inclurons aussi les associations qui accompagnent les jeunes de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et ceux qui sont issus des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

La campagne de mobilisation commencera bien plus tôt - dès lundi prochain -, pour que les jeunes puissent s'inscrire au plus vite. Le ministre donnera des instructions aux recteurs pour organiser plus de présentations dans les établissements, dont les chefs d'établissements seront mobilisés, pour porter cette opportunité au plus près des jeunes. Les jeunes ambassadeurs, qui ont participé au SNU et sont aussi plus nombreux que l'année précédente, pourront davantage témoigner.

De plus, la période entre 15 et 17 ans correspond aux derniers moments de citoyenneté avant la majorité. Au regard de l'abstention des jeunes, le SNU peut donc être bienvenu. Il est aussi l'une des rares occasions, pour les jeunes en situation de handicap, de côtoyer les autres, et pour ceux en lycée professionnel de rencontrer ceux des filières générales. De plus, le SNU permet de corriger des inégalités, en identifiant des cas d'illettrisme ou de décrochage et en permettant aux jeunes qui n'ont jamais quitté leur territoire de le faire. C'est donc une opportunité républicaine et universaliste.

J'en viens aux aspects budgétaires. En effet, l'an dernier, seuls 15 000 jeunes ont participé à un séminaire, notamment à cause des protocoles sanitaires. C'était en deçà de nos objectifs, mais je suis optimiste sur la mobilisation, qui devrait être plus large cette année, grâce à l'étalement des périodes et à la fin - je l'espère - de la crise sanitaire. J'ai écrit à l'ensemble des élus locaux dont un jeune de leur territoire a participé au SNU. Les trois quarts des élus locaux m'ont dit vouloir que ce dispositif soit davantage déployé. J'espère d'ailleurs que la mise en oeuvre de la 39e proposition du rapport de Mme Delattre permettra d'accroître encore cette mixité.

J'aborde maintenant le « pass colo », monsieur Magner : il faut redynamiser les départs en colonies de vacances, car l'accueil collectif de mineurs, quelle que soit sa forme, fait grandir les enfants. Ces temps doivent aussi retrouver une vraie mixité : nous ne voulons pas de « colonies CAF ». Nous avons étudié le « pass colo », proposition historiquement portée par la Jeunesse au plein air (JPA). Deux enjeux sont apparus. Au sortir de la crise, il est apparu essentiel au ministre et à moi-même de déployer le dispositif des « colonies apprenantes », sans règle d'âge : 46 millions d'euros ont ainsi permis 100 000 départs de jeunes. Nous sommes intéressés par votre idée, mais ne voulons pas qu'elle se fasse au détriment de la pérennisation des « Vacances apprenantes ». De plus, l'enjeu budgétaire n'est pas négligeable : les évaluations que j'ai demandées aboutissent à un financement du « pass colo » de 100 millions d'euros si l'on veut toucher toute une classe d'âge. Mon premier combat sera d'accompagner le renouveau des départs en colonies de vacances, par exemple par la revalorisation du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA). C'est un élément indispensable pour le renouveau des colonies et de l'éducation populaire. Nous devons, étape par étape, accompagner un maximum d'enfants. Les départs en vacances font grandir les jeunes et démultiplient leurs chances.

M. Max Brisson. - Monsieur le ministre, je relève votre annonce sur la présence du ministre chargé de l'agriculture à vos côtés lors de la discussion à venir sur l'enseignement agricole : c'est une très bonne chose !

Dans le cadre de la mission d'information sur le bilan des mesures éducatives, nous sommes, avec Annick Billon et Marie-Pierre Monier, en train de réfléchir au bilan de l'action du « ministère Blanquer ». Comment le dédoublement des classes de grande section de maternelle, de CP et de CE1 en REP+ a-t-il été réalisé en termes de moyens humains ? Quelles ont été ses conséquences sur les remplacements ?

Pour atteindre l'objectif d'un maximum de 24 élèves en grande section de maternelle, en CP et en CE1, combien de créations de postes seront nécessaires d'ici la rentrée 2022 ?

Nous avons bien noté que le service public de l'école inclusive pour les enfants en situation de handicap et leur famille s'était mis en place à la rentrée 2019. La mise en place des PIAL semble créer de la crispation sur le terrain. Quelles sont les difficultés à surmonter selon vous ?

Ensuite, y a-t-il un travail entre les ministères chargés de l'éducation et de l'enseignement supérieur pour faciliter le passage de l'école inclusive à l'université inclusive ?

Enfin, le manque de considération du métier de professeur est important : seuls 7 % des professeurs français estiment que leur métier est apprécié par la société, contre 27 % en moyenne dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Quelle est l'évolution du nombre de démissions chaque année au sein de l'éducation nationale, surtout parmi les jeunes professeurs ?

Madame la secrétaire d'État, je partage votre condamnation et salue le courage des propos que vous avez prononcés hier sur LCI sur la promotion du hijab comme vecteur de liberté par le Conseil de l'Europe. Je me réjouis du retrait de ces éléments de communication.

Le 9 juillet 2021, sur Sud Radio, vous déclariez ne pas fermer la porte à un rétablissement de l'uniforme à l'école si l'établissement et les parents y étaient favorables, car il créerait « une certaine énergie, une certaine appartenance à un collectif ». L'envisagez-vous aujourd'hui ?

Mme Annick Billon. - Difficile de ne pas vous attribuer de bons points, monsieur le ministre. Depuis cinq ans, vous avez dit ce que vous alliez faire, et fait ce que vous aviez dit, tandis que, sur cette période, le budget de votre ministère aura augmenté de 13 %.

Si vous ne cachez pas votre enthousiasme sur les AESH, les retours du terrain sont, au mieux, en demi-teinte. Les AESH vivent parfois la mutualisation comme un éloignement des élèves, avec des temps coupés ; il en va de même concernant les PIAL. Il y a certes du mieux dans leur situation, mais cela ne semblerait pas suffisant en matière de revalorisation salariale et de perspectives. J'ai aussi une observation sur la pause méridienne, qui ne serait pas intégrée dans l'accompagnement et reste donc à la charge des collectivités, pouvant entraîner des inégalités territoriales.

La réforme du lycée sur l'orientation semble difficile à articuler avec les nouveaux temps scolaires, alors que les options et les spécialités remplacent les filières. De quels retours disposez-vous ? Qu'en est-il de la formation des enseignants à l'orientation des élèves ? Enfin, les attendus de l'enseignement supérieur ne semblent pas bien évalués ; pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet ?

Par ailleurs, le Président de la République a annoncé, à Marseille, un « plan école », doté de 1,2 milliard d'euros, pour aider les 174 écoles de la ville. Pouvez-vous nous confirmer ce montant, alors que, pour l'heure, l'Assemblée nationale n'a voté qu'un premier financement de 254 millions d'euros ?

Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de la force de votre engagement et de votre capacité à incarner les valeurs de la diversité dans vos déplacements dans les départements. Je veux également saluer votre opposition à la campagne du Conseil de l'Europe.

Les associations ont beaucoup souffert durant la pandémie, et le retour des bénévoles est difficile. Le respect des consignes sanitaires n'est pas toujours aisé à suivre et les dirigeants sont difficiles à recruter. Comment envisagez-vous un retour à la normale sans devoir passer par des appels à projets, auxquels les petites structures ont du mal à répondre ?

De plus, le SNU devait concerner 25 000 jeunes, mais n'en a accueilli que 15 000. L'objectif de 50 000 en 2022 sera-t-il atteint ? L'augmentation du coût par jeune est-elle contenue ?

Enfin, les moyens déployés pour atteindre 245 000 services civiques sont importants. Quels sont, sur ce plan, vos objectifs futurs ? Les coûts sont-ils désormais contenus ?

M. Jacques-Bernard Magner. - Je m'exprime cette fois-ci au nom de mon groupe politique. Monsieur le ministre, un budget qui augmente n'est pas bon par nature : c'est aussi une affaire de choix. Vous pouvez, certes, arguer d'une hausse de 13 % avec le quinquennat précédent, mais je vous invite à une comparaison avec l'avant-dernier. On avait alors supprimé 80 000 postes d'enseignants. Je veux insister sur la désaffection des jeunes pour le beau métier d'enseignant, qui n'attire plus, notamment pour des questions de rémunération. Je ne dis pas forcément qu'il faut immédiatement doubler le salaire des enseignants, mais la rémunération reste un problème. Toutefois, il s'agit aussi et surtout de formation professionnelle. Vous aviez indiqué, au début de votre quinquennat être prêt à envisager un prérecrutement plus tôt des jeunes étudiants pour qu'ils viennent à ce métier. Cependant, alors qu'auparavant les écoles normales étaient un ascenseur social pour des jeunes de milieux populaires, aujourd'hui, un master n'est pas toujours facile à obtenir. On n'incite pas assez ces jeunes à choisir ce métier alors qu'ils sont encore en licence.

Les postes supplémentaires prévus seront-ils suffisants pour le dédoublement des classes en REP et en REP+ ? Ou bien faudra-t-il prendre, comme c'est trop souvent le cas, sur les moyens de remplacement ?

Ensuite, au début du quinquennat, vous avez dit ne pas vouloir mettre en péril le dispositif « plus de maîtres que de classes », qui donnait satisfaction. Cependant, l'expérience montre que beaucoup de moyens ont été prélevés sur ce dispositif. Qu'en reste-t-il ?

Enfin, dans le second degré, 7 500 postes d'enseignant ont été supprimés entre 2018 et 2021 et d'autres vont l'être alors que le nombre d'élèves augmente : est-ce bien adapté ? Les heures supplémentaires, proposées pour des raisons économiques, doivent, elles aussi, être financées : quel est leur coût ?

Madame la secrétaire d'État, vous avez parlé de trois sessions au lieu d'une. J'ai cependant une inquiétude sur la session de février, mois durant lequel les jeunes ont des obligations scolaires, même durant les vacances, pendant lesquelles ils doivent travailler, surtout ceux qui passent le baccalauréat. Il semble difficile de les décrocher de ces révisions.

Mme Céline Brulin. - J'ai entendu parler tout à l'heure d'un « Graal éducatif » : je ne suis pas sûre que l'ensemble de la communauté éducative le voie de cette manière, et je m'interroge sur la cohérence avec les discours de laïcité...

Monsieur le ministre, je ne suis pas surprise que vous soyez fier de votre bilan, mais ici, nous nous adressons à nos concitoyens. Or, dans la période actuelle, votre discours n'est pas audible.

On peut comparer les budgets des quinquennats successifs, mais il faut aussi se confronter aux enjeux du moment : nous sommes face à de réelles difficultés de recrutement et à la sortie - je l'espère - d'une grave crise sanitaire. Même si les écoles sont restées ouvertes le plus souvent possible, ce que j'approuve, cela n'a pas été sans conséquence. Vous affichez une priorité donnée au primaire, mais elle se fait au détriment du secondaire, comme nous venons de l'évoquer avec les heures supplémentaires compensant les postes supprimés. Chaque année, des heures supplémentaires ne sont pas effectuées, et ce sont autant d'heures de cours en moins pour les élèves bousculés par la crise.

J'observe aussi une baisse des crédits pédagogiques dans l'enseignement professionnel, alors que les besoins y sont particulièrement importants.

Par ailleurs, il a été beaucoup question de sport. Il n'y a pas que dans le primaire que l'enseignement en EPS n'est pas effectué. Ainsi, dans mon académie, les absences de plus de 15 jours ne font pas l'objet de remplacements. Des élèves sont restés sans cours d'EPS durant des mois. Avec la crise sanitaire, l'impact sur la condition physique des jeunes est important.

Enfin, la volonté de donner la priorité au primaire ne se traduit pas toujours dans les faits. Le dédoublement a entraîné des classes surchargées en dehors des zones REP et REP+ et dans les autres niveaux. Dans mon académie, on reste très loin des 24 élèves par classe, et je ne suis pas sûre que l'on y parvienne pour la prochaine année scolaire avec le budget présenté, surtout si l'on a besoin d'encore plus de remplacements à cause des formations. En outre, on entend de plus en plus de doutes quant à la pertinence des dédoublements, alors qu'ils étaient largement appréciés au début.

Vous n'avez pas évoqué la santé scolaire. C'est pourtant un enjeu particulièrement crucial, à l'heure où le projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire renforce les responsabilités du chef d'établissement. Et quid d'un éventuel transfert de la santé scolaire vers les départements ?

Je partage les craintes de mes collègues sur l'école inclusive. Les PIAL ne reflètent pas toujours les besoins pédagogiques. Un AESH à 30 heures par semaine mettra plus de dix ans à dépasser le seuil de pauvreté ! Enfin, la prime d'attractivité pour les enseignants de 157 euros nets mensuels est bien loin de compenser le gel du point d'indice.

Tout cela n'est pas de nature à résoudre la grave crise de recrutement que nous connaissons.

M. Thomas Dossus. - Tout à l'heure, aux questions d'actualité au Gouvernement, Élisabeth Borne a clamé l'attachement du Gouvernement à ce que les Français vivent dignement de leur travail. Mais la réalité, c'est que l'État recrute des travailleurs pauvres. On nous annonce 4 000 postes - fort bien, mais les rémunérations restent inférieures au seuil de pauvreté. Le revenu mensuel moyen tourne autour de 760 à 800 euros, et seulement 17 % des AESH sont en CDI. Cela explique cet énorme turn over, qui laisse des familles sans solution du jour au lendemain, et des enfants qui ont besoin de repères changent brutalement d'accompagnants. À l'Assemblée nationale, des députés ont proposé d'octroyer les primes REP aux AESH : pourquoi avoir rejeté ces amendements ?

Tant que ces agents ne pourront vivre dignement de leur travail, le service public de l'école inclusive restera un vain mot.

Mme Samantha Cazebonne. - Monsieur le ministre, je salue votre engagement pour l'enseignement français à l'étranger.

Désormais, toutes les familles françaises, quel que soit leur niveau de revenu, bénéficient de bourses afin de financer les postes d'AESH pour leurs enfants en situation de handicap ou à besoins particuliers : nous vous le devons, monsieur le ministre, ainsi qu'à Jean-Yves Le Drian.

Le service national universel doit promouvoir l'engagement des jeunes Français autour de valeurs communes. Au 1er janvier 2021, 1,7 million de Français résidaient à l'étranger, dont 35 % ont moins de 25 ans, soit 600 000 personnes. Quel SNU pour les jeunes Français de l'étranger ?

Le Pass Éducation permet de diversifier les parcours d'éducation. Les personnels de droit local n'y ont pas droit. Ils en ont pourtant autant besoin que leurs collègues pour préparer leurs projets éducatifs. Pourquoi ne pas l'étendre à tous les personnels du réseau homologué, y compris de droit local ?

M. Olivier Paccaud. - Ma première question concernait les démissions ; elle a été posée par Max Brisson.

La prime d'équipement informatique est renouvelée, mais sera-t-elle pérennisée ? (M. le ministre le confirme.). L'enseignement est l'un des rares métiers où l'outil doit être acheté par l'employé. Avec la covid, on s'est rendu compte qu'un équipement informatique était plus qu'indispensable.

Cette prime de 150 euros est insuffisante, même si elle a le mérite d'exister. Envisagez-vous de la revaloriser ?

M. Pierre Ouzoulias. - Permettez-moi de vous rappeler le souvenir d'Alcuin qui dirigea l'école palatine, très lointain ancêtre de votre ministère, de 782 à 804, soit durant vingt-deux ans... Vous avez encore un peu de marge !

La laïcité est un outil de promotion sociale et d'émancipation humaine. Elle doit s'appliquer à l'ensemble du territoire de la République. J'avais proposé des amendements dans le cadre de la loi confortant le respect des principes de la République, mais ils n'ont malheureusement pas été adoptés.

Dans les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé), 60 % des étudiants ont préféré le stage de 12 semaines à l'alternance : des changements sont-ils envisagés ? L'abandon de l'année de M2 rémunérée a-t-elle eu des conséquences sur la diversité sociale du recrutement ?

Comme mon collègue Jacques-Bernard Magner, je suis un nostalgique des écoles normales d'instituteurs, qui ont formé une partie de ma famille. La diversité sociale des recrutements permet la mixité sociale des établissements. Le prérecrutement est certainement une solution d'avenir.

M. Stéphane Piednoir. - Vous, qui avez battu le record de longévité à la tête de ce ministère - si difficile - sous la Ve République, soulignez que l'évolution positive du niveau des élèves n'est pas toujours aussi rapide et systématique que certains le souhaiteraient. Cela dédouane-t-il vos prédécesseurs, qui n'ont pas toujours eu le temps de voir leurs réformes porter leurs fruits ? Ou souhaitez-vous plus de temps pour prolonger votre mission ?

Je souscris volontiers à vos démonstrations mathématiques : les taux de réussite exceptionnels aux deux dernières sessions du baccalauréat sont-ils les gages d'une excellence retrouvée et d'une remontée du niveau des élèves ? L'augmentation des crédits a-t-elle un lien avec cette hausse du niveau des élèves ? Le renforcement des obligations scolaires, notamment à partir de trois ans, a-t-il des répercussions budgétaires ?

Je regrette profondément votre absence d'écoute lors de l'examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République, dont j'ai été le rapporteur au Sénat sur le volet éducatif. Quel est votre sentiment quelques mois après la promulgation de cette loi, notamment sur l'instruction en famille, que vous avez dénoncée comme l'un des principaux facteurs du séparatisme ? Pourquoi n'avoir pas fait confiance aux acteurs de terrain ?

M. Jean-Raymond Hugonet. - Je salue votre travail, votre implication totale et votre profond engagement. Le 19 octobre dernier, vous avez rappelé le cap, déclarant que les enseignants devaient « adhérer aux valeurs de la République et les transmettre », ou sinon « sortir de ce métier ». Cela vous a valu les foudres des syndicats, mais vous aviez raison.

Mais, par deux fois, vous avez fait une confusion, volontairement peut-être lorsque l'on connaît votre maîtrise de la langue française : vous parlez de la laïcité comme d'une valeur de la République, alors qu'il s'agit d'un principe républicain, comme l'indivisibilité, comme le caractère social et démocratique. C'est une confusion gravissime.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - Monsieur Brisson, le dédoublement des grandes sections en 2022 représente 402 postes en REP+ et 887 en REP. Près de 90 % des grandes sections de REP+ sont d'ores et déjà dédoublées ; 50 % le sont en REP. Quant à la limitation à 24 élèves, elle représente 736 postes en CP et en CE1 pour le public et 147 pour le privé.

Je ne prétends pas que le service public de l'école inclusive soit parfait, mais regardons le chemin parcouru ! En quatre ans, nous sommes passés de 70 000 contrats aidés à 125 000 CDD ou CDI : c'est un progrès considérable. C'est certes imparfait, notamment sur les enjeux de rémunération des AESH, mais les contrats se sont bien améliorés, avec plus de pérennité, l'introduction de la notion de carrière et des passerelles à l'intérieur de l'éducation nationale. Rappelons-nous qu'il y a quatre ans, il était fréquent qu'un enfant change en cours d'année d'accompagnants en raison de la durée du contrat aidé. La formation continue a également progressé ; elle s'est enrichie, même si elle reste hétérogène.

La généralisation des PIAL est une excellente chose. Il y a de très belles réussites qui nous permettent, progressivement, de nous caler sur les meilleures pratiques. Notre vision est désormais beaucoup plus qualitative, bien loin du « premier arrivé, premier servi » qui avait cours auparavant. Il y a encore des insuffisances et des frustrations - je ne le conteste pas -, mais 100 000 élèves supplémentaires - on est passé de 300 000 à 400 000 élèves accompagnés - ont pu bénéficier de ces dispositifs au cours du quinquennat.

J'ai été sensible au fait qu'ATD Quart Monde m'ait alerté, au moment de ma prise de fonctions, sur le risque de considérer la pauvreté sociale comme un handicap. Cette dérive peut exister et entraîner une assignation à une catégorie ; nous devons être vigilants, car cela existe parfois.

Les AESH sont désormais plus nombreux et mieux rémunérés. Les 50 millions d'euros supplémentaires se verront sur la fiche de paie. La revalorisation passera aussi par plus de temps pleins, et, pour cela, nous devons travailler avec les collectivités territoriales, responsables des temps non scolaires. Cela créé un découpage qui ne permet pas de créer des pleins temps ou instaure des rémunérations différenciées.

Vous affirmez que les professeurs seraient déconsidérés. Sachez qu'à plus de 80 % la population générale a de la considération pour les professeurs : c'est plus que ce que l'on croit ! C'est un message d'optimisme. La considération passe par la rémunération, et c'est le sens de nos engagements dans le Grenelle de l'éducation, mais pas seulement. Cela prendra du temps, mais cela se voit déjà sur les rémunérations et dans les conditions de travail. Nous créons l'équivalent d'un comité d'entreprise pour l'éducation nationale, le Préau, avec des offres sociales, culturelles, sportives, de logement, etc. Je suis optimiste sur notre capacité à revaloriser complètement le professeur dans la société, non seulement au plan des rémunérations - sur ce quinquennat et le suivant -, mais aussi au plan de l'estime dans la société. Un bon indicateur sera la reprise des vocations enseignantes.

Nous avons comptabilisé 937 démissions l'an dernier dans le premier degré - soit 0,29 % des effectifs - et 617 dans le second degré - soit 0,17 % des effectifs -, sans augmentation notable depuis les deux dernières rentrées. Les ruptures conventionnelles augmentent, mais elles relèvent d'une autre logique, celle de la seconde carrière. Le métier d'enseignant conserve beaucoup de sens et nous travaillons également pour attirer des profils en seconde partie de carrière. Nous devons notamment améliorer la reconnaissance de l'expérience acquise lors de la première partie de carrière. C'est un engagement pris lors du Grenelle.

Je partage votre vision sur la question de la diversité et de la promotion sociales. Dans le cadre de notre politique de prérecrutement, nous avons embauché des assistants d'éducation qui se destinent à la fonction de professeur : 1 181 en 2020, 1 884 en 2021 et 3 000 en 2022, soit 6 069 aujourd'hui. Les retours sont très positifs. En outre, depuis cette rentrée 2021, des classes préparatoires au professorat des écoles dispensent dès la première année un enseignement sur les savoirs fondamentaux à des néobacheliers, principalement boursiers. Cela renoue avec ce que notre tradition scolaire a de meilleur, tout en le modernisant.

Madame Billon, le pouvoir d'achat des AESH est encore trop faible, mais il y aura de nouveaux progrès en 2022 et les années suivantes. Leur temps de travail est encore trop morcelé entre les collectivités territoriales et l'État.

La réforme du lycée et Parcoursup s'emboîtent parfaitement. Dès la seconde, les élèves doivent se poser les bonnes questions. Il faut en finir avec le système qui amenait les élèves à choisir en fin de terminale, par hasard ou par nécessité, une orientation qui aboutissait à un échec dans 60 % des cas dès la première année : c'était un scandale sans responsable, auquel on s'était habitué. Nous avons fait remonter la question en amont, dès la fin du collège, avec des heures d'orientation en classe de quatrième, avec la présentation des métiers, dans laquelle les régions sont impliquées en raison de leurs nouvelles compétences, et des filières d'enseignement supérieur. Les outils numériques ont été modernisés, avec « Horizons 2021 » : en fonction de ses goûts, de ses passions, de ses capacités, un jeune de 16 ans peut envisager un spectre de métiers. Les attendus de l'enseignement supérieur sont de plus en plus cohérents. Le conformisme des bons élèves qui s'orientaient en série S sans la moindre vocation scientifique a disparu : cette vraie-fausse hiérarchie n'existe plus. La moitié des élèves choisissent des combinaisons de spécialités non assimilables aux anciennes séries. Ces parcours représentent un gain de temps considérable pour les élèves. Et les enquêtes montrent que les lycéens sont majoritairement satisfaits de la réforme, en dépit de tous les discours négatifs entendus.

Monsieur Piednoir, j'entends bien le sous-entendu de votre question relative aux taux de réussite au baccalauréat. Mais ne confondons pas l'épidémie de la covid-19 et la réforme du baccalauréat et soyons tous de bonne foi. Nous avons traversé l'an dernier une crise exceptionnelle, qui a conduit la plupart des pays du monde à adopter le contrôle continu. Je me suis battu pour que cela ne soit pas un contrôle continu intégral : le grand oral, l'épreuve de philosophie, l'épreuve orale de français ont eu lieu. Mais il était également normal de ne pas pénaliser les élèves en cette année difficile. Le taux de réussite au baccalauréat est la résultante de différents paramètres. La réforme du lycée a vocation à rehausser le niveau d'exigence, avec une refonte des programmes. Le système, entre épreuves et contrôle continu, est équilibré. En ce moment, dans tous les établissements de France, les équipes réfléchissent au contrôle continu. L'année dernière a été spéciale. Je l'assume, mais la réforme du lycée a été bénéfique au cours de la crise sanitaire et je sais que les élèves ont été fiers de passer leur grand oral.

Madame Billon, les chiffres sur les écoles de Marseille ne sont pas encore stabilisés. L'effort sera très important et à la hauteur des enjeux. La collectivité territoriale a identifié 174 écoles à réhabiliter, à des degrés variables. Le Président de la République a souhaité un investissement massif aux côtés des collectivités. Nous ferons le point régulièrement. Il faut que cela soit un double progrès pour les élèves de Marseille : des locaux rénovés et de grande qualité, mais aussi une nouvelle dynamique pédagogique et éducative. Nous avons des projets, différents d'une école à l'autre.

Monsieur Magner, je n'ai aucune difficulté à comparer les quinquennats, voire les septennats. On peut remonter aussi loin que nécessaire : ce budget bat des records. Mais peut-être voulez-vous me faire dire que l'avant-dernier quinquennat avait dépensé plus que l'antépénultième ? Cela est vrai.

Les moyens de remplacement n'ont pas été sacrifiés ; ils ont même été renforcés en cette rentrée. Nous n'abandonnons pas non plus le dispositif « plus de maîtres que de classes », même si nous le diminuons, car le dédoublement des classes est plus efficace.

Madame Brulin, j'entends aussi des réactions positives sur le terrain, notamment sur notre politique de l'école ouverte, sur la réforme du lycée, sur la politique des savoirs fondamentaux à l'école primaire, etc. Les directeurs d'écoles REP+ constatent bien que les classes sont dédoublées, que les personnels bénéficient d'une prime annuelle, qu'ils ont une décharge supplémentaire : il ne s'est pas rien passé depuis quatre ans et demi ! Je n'affirme pas que tout va bien, mais nous allons dans la bonne direction, notamment sur le renforcement des savoirs fondamentaux. J'espère que cela sera visible dans les prochaines enquêtes nationales ou internationales. Notre politique de maintien des écoles ouvertes y contribuera probablement.

La priorité donnée au primaire ne s'est pas faite au détriment du secondaire. Certes, il y a eu des suppressions de postes, mais nous avons augmenté en contrepartie les heures supplémentaires, même si elles ne sont pas toutes consommées. La vague démographique négative va arriver dans le second degré. Nous avons à maintenir une qualité du niveau de recrutement des professeurs dans le second degré - ce que nous avons fait. Nous avons concentré les moyens dans le premier degré pour créer un surinvestissement, afin d'agir à la racine des difficultés. Dans le second degré, nous constaterons, dans les prochaines années, une amélioration mécanique du taux d'encadrement pour des raisons démographiques. Là où une politique inconsidérée aurait été de créer des postes dans le second degré, et éventuellement d'en supprimer dans le premier degré au nom de la baisse démographique - politique qui a prévalu à l'éducation nationale pendant des décennies - nous avons misé sur l'avenir : investir sur les compétences fondamentales des enfants. Nous avons créé une forme d'attente pour le second degré. Mais les élèves qui y arriveront seront mieux formés. C'est un vrai choix politique, que j'assume.

En Normandie, 98 % des classes ont un taux d'encadrement à 24 élèves. 100 % des CP et CE1 et 75 % des grandes sections sont dédoublés en REP+. Il est vrai que les chiffres sont moins bons en Seine-Maritime en raison de sa démographie particulière, mais cela s'est amélioré lors de cette rentrée : on compte 58,6 % de grandes sections dédoublées, 82,5 % de CP à 24 et 75,7 % de CE1 à 24 - on est passé entre septembre 2020 et 2021 de la moitié des classes concernées aux trois-quarts et nous passerons à 100 % à la prochaine rentrée.

Des progrès sont nécessaires en matière de santé scolaire. Le Grenelle de l'éducation a permis la revalorisation des salaires des médecins et des infirmiers scolaires, mais la coopération avec la médecine non scolaire doit encore être améliorée.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. - Madame Cazebonne, notre mobilisation est totale pour intégrer les jeunes de l'enseignement français à l'étranger dans le SNU. Nous en avons accueilli l'an dernier pour la première fois. La seule règle est de disposer d'une adresse en France pour rattacher le jeune à un centre. Nous travaillons pour accompagner un maximum de jeunes.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - Le Pass Éducation permet un accès libre aux musées et monuments nationaux, pour tous les personnels en activité devant élèves, y compris les enseignants titulaires détachés dans les établissements homologués à l'étranger. Je vais examiner la situation des enseignants de droit local, sur lesquels nous avons cependant moins de visibilité, car ils sont financés sur les ressources propres des établissements.

Monsieur Paccaud, je tiens à rappeler la logique budgétaire qui prévaut quand on parle de pérennisation des crédits : par exemple, quand nous indiquons que nous consacrons 400 millions d'euros à la revalorisation salariale des enseignants en 2021, il faut bien comprendre que ce montant est reconduit l'année suivante. Autrement dit, quand mon ministère consacre 700 millions d'euros supplémentaires à ce volet en 2022, ce sont 700 millions d'euros qui s'ajoutent aux 400 millions d'euros déjà versés en 2021 et aux 400 millions d'euros reconduits en 2022, soit 1,5 milliard d'euros au total.

Le montant de la prime informatique pourrait être revalorisé dans les années à venir, selon l'évolution du coût des matériels. Cette prime constitue en tout cas un véritable progrès.

Monsieur Piednoir, je tiens à nuancer certains de vos propos. Je n'ai jamais dit que l'instruction en famille était la principale cause du séparatisme : c'est l'un des éléments qui peut conduire au séparatisme islamiste, comme à d'autres phénomènes qui peuvent légitimement poser question. Ce faisant, je n'ai jamais fait le procès d'une instruction en famille bien conduite, au contraire. Il faut distinguer ce qui est bon ou pas pour l'enfant, et c'est précisément ce que nous sommes en train de faire : les rectorats étoffent leurs équipes pour veiller à ce que cette instruction en famille, quand elle est autorisée, se déroule dans de bonnes conditions, ce qui est, à mes yeux, la meilleure manière de garantir les droits de l'enfant.

Monsieur Hugonet, je vous donne raison sur la notion de laïcité. D'ailleurs, je vous invite à faire appel à moi moins en tant que linguiste qu'en tant que constitutionnaliste ... La laïcité est en effet l'un des quatre principes au fondement de notre République.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État. - Monsieur Brisson, vous m'interrogez sur le port de l'uniforme. Je vous répondrai que 88 % des volontaires du SNU ont estimé que l'uniforme contribuait à renforcer la cohésion du groupe et était important pour eux, taux qui s'élève même à 91 % chez les filles. Ces chiffres sont issus des études de l'Injep (institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire). Je crois fondamentalement que l'uniforme doit s'inscrire dans le projet de l'établissement et que les parents doivent être d'accord. En tout état de cause, il contribue au sentiment d'appartenance à l'école ou à la Nation dans le cadre du service national universel. Je pense qu'il permet aussi de réduire les inégalités ; en limitant l'importance de porter des vêtements de marque. En somme, l'uniforme peut être un facteur d'unité. Il est d'ailleurs porté dans certains mouvements de l'éducation populaire ou de jeunesse.

Monsieur Magner, vous m'interrogez sur la session du SNU de février. Nous attendons 4 000 jeunes volontaires. La diversité des jeunesses fait que tout le monde n'est pas en situation de scolarité générale. En 2021, les sessions auront lieu du 13 au 25 février, du 12 au 24 juin et du 3 au 15 juillet.

Madame Billon, je connais votre attachement à la question associative. Il faut bien entendu distinguer le soutien au monde associatif « employeur », qui est porté par les têtes de réseau, ces associations capables de répondre aux appels à projets, d'accéder à un certain nombre de dispositifs, comme les emplois Fonjep - Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire - ou la banque des territoires ; et le soutien aux plus petites associations. Ces dernières ont besoin d'un accompagnement plus ciblé et d'une simplification de leurs démarches au quotidien. Deux textes récemment promulgués, l'un sur l'engagement associatif, destiné à accompagner la mobilisation des bénévoles, et l'autre sur la trésorerie des associations, doivent permettre de les soutenir au plus près.

Je conclus en vous indiquant que le coût du service civique est stable, alors même que le dispositif a permis d'accueillir 32 % de jeunes supplémentaires entre 2019 et 2021. Il faut saluer la mobilisation des collectivités territoriales sur ce sujet. 500 collectivités se sont engagées pour accueillir des jeunes en service civique sur l'ensemble du territoire.

Le coût du service national universel a, en revanche, augmenté, notamment en 2021, à cause de la crise. Il ne devrait cependant pas évoluer en 2022, pour atteindre 2 200 euros par jeune concerné.

Le principal poste de dépenses lié au SNU tient à l'hébergement. La généralisation de ce dispositif nécessite donc que l'on se penche sur cette question. C'est pourquoi nous avons commandé un rapport sur l'immobilier de l'État, dont nous attendons les conclusions. Enfin, je profite de cette question pour dire que la généralisation du SNU ne se fera pas sans débat parlementaire.

M. Laurent Lafon, président. - Je vous remercie l'un et l'autre de la précision de vos réponses et du temps que vous avez consacré à cette audition, qui est évidemment importante pour nous, compte tenu du montant des crédits budgétaires, mais aussi et surtout parce qu'elle concerne l'école et la jeunesse.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 19 h 10.