Mercredi 3 août 2022

- Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et de Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques -

La réunion est ouverte à 11 h 00.

Mission de contrôle relative à la prévention et à la lutte contre l’intensification et l’extension du risque d’incendie – Examen du rapport d’information

M. Didier Mandelli, vice-président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. – Madame la présidente, mes chers collègues, nous sommes réunis pour la présentation du rapport de la mission de contrôle relative à la prévention et à la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie. La mise en place de cette mission a été arrêtée par notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable le 16 février dernier. Nous avions alors acté la nécessité d’y associer la commission des affaires économiques, compétente au titre de la forêt.

Je salue d’emblée les quatre rapporteurs, M. Jean Bacci, Mme Anne-Catherine Loisier, M. Pascal Martin et M. Olivier Rietmann, pour le travail d’ampleur réalisé dans des délais resserrés. Depuis le début du mois de juin, vous avez en effet conduit près de 30 auditions ; vous vous êtes également déplacés le 11 juillet dernier dans la plaine des Maures, un an après l’incendie dévastateur qui avait touché le massif ; vous avez enfin mené des consultations à la suite des feux hors normes ayant ravagé le mois dernier la forêt girondine. Le résultat de ce travail est à la hauteur de cet investissement : un rapport riche de 70 recommandations, regroupées en 8 axes.

Voici quelques éléments de contexte qui ont alimenté votre réflexion.

Premier constat : depuis les années 1990 et jusqu’à la fin des années 2010, la France a globalement réussi à maîtriser le risque incendie sur son territoire. Le nombre de surfaces de forêt brûlées a ainsi été divisé par cinq en quarante ans. Ce recul est largement imputable à l’efficacité de notre stratégie de défense des forêts contre les incendies, en particulier à la doctrine d’attaque rapide des feux naissants. Cette doctrine s’appuie sur un équilibre entre prévention, pour empêcher les départs de feu, et lutte immédiate, massive et proactive, pour limiter la propagation des feux, avec un objectif d’intervention dans les dix premières minutes sur des foyers encore maîtrisables.

Ce recul significatif des surfaces brûlées est d’autant plus remarquable que notre pays a, dans le même temps, connu une hausse des facteurs de risque : à la dégradation des conditions météorologiques se sont ajoutés une augmentation du combustible en forêt et un phénomène de déprise agricole.

Malheureusement, la France doit se préparer à une évolution défavorable du risque dans les années et décennies à venir.

Quatre tendances se dessinent d’ores et déjà, comme nous pouvons, hélas, le voir en cet été 2022.

Première tendance : une intensification du risque. En région méditerranéenne française, les surfaces brûlées pourraient ainsi augmenter de 80 % d’ici à 2050. Avec une hausse de la fréquence des feux, les espaces boisés pourraient peu à peu laisser place à des maquis, en région méditerranéenne notamment.

Deuxième tendance : une extension géographique. En 2050, près de 50 % des landes et forêts métropolitaines pourraient être concernées par un niveau élevé de risque, contre un tiers en 2010. En juillet 2022, plus de 1 700 hectares de lande ont ainsi brûlé dans les monts d’Arrée, dans le Finistère.

Troisième tendance : une extension temporelle. La période à risque fort sera trois fois plus longue, les feux hivernaux devraient se multiplier. Rappelons-nous du message fort du président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), M. Grégory Allione, entendu par nos deux commissions en juin dernier : « aujourd’hui, la saison des feux, c’est toute l’année ».

Quatrième et dernière tendance : le développement d’incendies de végétation ou de terres agricoles.

L’extension géographique et temporelle, l’intensification du risque incendie, le développement d’incendies de végétation ou de terres agricoles s’expliquent structurellement par l’évolution attendue des conditions météorologiques dans le contexte du réchauffement climatique. L’augmentation moyenne du niveau des températures contribue, en effet, à une sécheresse croissante de la biomasse, qui facilite les départs de feux et leur propagation. À cet égard, il est évident que l’atteinte de nos objectifs climatiques et le respect de l’accord de Paris constitueront le levier de prévention incendie le plus transversal et structurant à la disposition des pouvoirs publics.

Des facteurs supplémentaires contribuent ou pourraient contribuer à cette évolution défavorable : la dégradation de l’état sanitaire des forêts, l’impact potentiel d’une sylviculture trop intensive ou, à l’inverse, la « libre évolution » des forêts, car l’adaptation des forêts au changement climatique nécessitera l’intervention active de l’homme.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. – Mes chers collègues, permettez-moi de féliciter à mon tour nos rapporteurs pour ce travail dense, en bonne intelligence entre les deux commissions, qui a été entrepris bien avant les épisodes spectaculaires du mois de juillet dernier, et qui démontre une nouvelle fois les facultés d’anticipation du Sénat. Ce rapport est très attendu, par les collectivités territoriales, les Français et les services d’incendie et de secours.

Après l’introduction de M. Mandelli et avant de céder la parole aux rapporteurs, il me revient de montrer quelles pourraient être les conséquences socio-économiques et environnementales de la multiplication de feux extrêmes, si rien n’est fait. Si nous n’améliorons pas notre résilience, les conséquences seront lourdes pour la biodiversité, pour la qualité de l’eau et de l’air et pour les émissions de gaz à effet de serre (GES).

Les coûts socio-économiques ont, eux, été relativement limités en France jusqu’à présent. L’« ordre d’opérations » des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) conduit, en effet, à s’assurer d’abord de la sécurité des personnes, puis de la sécurité des biens et, enfin, de l’environnement. C’est pourquoi les habitations, les zones urbaines et les infrastructures productives et de transport sont, en général, préservées.

Mais le dépassement de nos forces de lutte par des feux hors normes fait craindre des dommages socio-économiques grandissants. À La Teste-de-Buch, des infrastructures touristiques emblématiques ont été détruites. Pis, les feux font, d’ores et déjà, en France, des blessés et des morts, et je ne parle pas de ce qui se passe au Portugal, en Grèce, en Australie ou aux États-Unis ni de l’impact psychologique profond pour les populations...

C’est la raison pour laquelle il fallait que la commission des affaires économiques soit impliquée, à parts égales avec la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, sur cette question des feux extrêmes. Je remercie donc son président ainsi que M. Mandelli, vice-président.

Pour rappel, les rapporteurs ont renoncé à utiliser la notion de « mégafeux », qui ne fait pas l’objet d’un consensus scientifique et qui est très variable d’une région à l’autre. Ils lui ont préféré les notions de « feux extrêmes » ou « feux hors normes », qui renvoient à une approche statistique du phénomène. En effet, un feu de 500 hectares en Côte-d’Or ou en Haute-Saône peut être considéré comme extrême, mais le curseur serait plutôt de 5 000 hectares dans le Sud et en Occitanie, et plus élevé encore aux États-Unis.

Face à ces feux extrêmes, je ne crois pas trahir la pensée des rapporteurs en disant que leur principale crainte est la multiplication de situations qui nécessitent un tri des interventions. Les feux simultanés de La Teste-de-Buch et de Landiras se sont déclarés à 1 heure et 24 minutes d’intervalle, loin de la base aérienne de la sécurité civile de Nîmes. Il a fallu, en outre, traiter le flux habituel du secours d’urgence aux personnes et, pour couronner le tout, des moyens ont dû être détournés en cours d’opération pour une attaque massive sur un feu naissant plus au sud, dans les Landes.

Par conséquent, nous observons déjà une recrudescence des feux et des surfaces brûlées. Les feux de Gonfaron en 2021, de La Teste-de-Buch et de Landiras ont fait leur entrée dans le classement des feux les plus importants des quarante dernières années.

Le « bouclier » de la lutte a jusqu’alors permis le succès de la France face aux incendies. Il faut désormais, dans le même temps, s’assurer que le « glaive » de l’aléa feu de forêt ne s’abattra pas plus durement sur ce bouclier. La prévention par un ensemble de politiques publiques transversales est indispensable pour réduire le danger.

Une proposition de loi pourra être déposée à la rentrée et nos rapporteurs se déplaceront en septembre en Gironde, pour un retour d’expérience sur les incendies de juillet 2022.

M. Pascal Martin, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. – Mes chers collègues, nos 70 recommandations sont regroupées en 8 axes suivant un ordre chronologique, allant de la stratégie d’anticipation au reboisement post-incendie, en passant par la sensibilisation et la lutte. Je remercie les autres rapporteurs pour notre excellente collaboration.

Notre objectif est de traduire dans une proposition de loi certaines de ces recommandations à caractère législatif, avant la fin de l’année 2022.

Commençons par le premier axe, consacré à l’anticipation.

Il nous a tout d’abord paru essentiel de renforcer l’effort de coordination interministérielle dans la conduite et la mise en œuvre de la politique publique de « guerre contre le feu » : nous estimons que le travail actuellement mené est trop cloisonné entre les ministères concernés – intérieur, agriculture, transition écologique. Cette approche en silo freine les indispensables évolutions. Notre approche est, elle, globale et transversale. Nous préconisons l’élaboration d’une stratégie nationale et interministérielle de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies. Cette transversalité doit primer tant au niveau central qu’au niveau territorial.

Le succès de cette stratégie, vecteur d’une indispensable prise de conscience nationale, dépendra grandement des moyens alloués, dont l’augmentation semble inévitable et urgente, compte tenu de l’intensification et de l’extension géographique et temporelle du risque, de l’ampleur des coûts évités par les politiques de prévention et de lutte et de la multiplication du nombre d’événements en cet été 2022.

Nous sommes néanmoins convaincus de la nécessité d’un accroissement tout particulier des moyens consacrés à la prévention, que nous devrons impérativement doubler. Je pense à l’aménagement du territoire et de la forêt, à la valorisation de cette dernière, à la gestion durable par le développement d’une sylviculture adaptée au risque, à la mobilisation du monde agricole, à la sensibilisation et à la mise en place d’une véritable culture de la prévention. C’est bien sur ce volet préventif, « parent pauvre » de notre politique publique, que notre pays dispose aujourd’hui des plus grandes marges d’amélioration.

Le succès de cette stratégie nationale et interministérielle reposera également sur une amélioration des connaissances et des données relatives aux feux de forêt et de végétation. Nous formulons plusieurs propositions à cet égard, notamment celle de mieux évaluer la « valeur du sauvé », soit la valeur de ce qui peut être sauvé en cas de sinistre, autrement dit les coûts évités par les politiques de lutte et de prévention.

Enfin, face à l’extension géographique du risque incendie, la mise en œuvre territoriale de la stratégie nationale de défense contre les incendies devra nécessairement être adaptée, de manière mesurée et progressive : les dispositifs aujourd’hui appliqués dans les zones exposées de longue date, comme les zones méditerranéennes ou l’Aquitaine, ne pourront pas être reproduits à l’identique dans les zones plus septentrionales, moins ou pas exposées à ce jour. Nous proposons ainsi d’encourager l’élaboration d’un plan de protection des forêts contre les incendies (PPFCI), aujourd’hui obligatoire sur les seuls territoires réputés particulièrement exposés au risque d’incendie. Cette pierre angulaire de la politique de prévention au niveau local devrait être mise en place dans les territoires aujourd’hui non couverts par ces plans. Nous proposons également de revenir sur les 500 suppressions de postes de l’Office national des forêts (ONF) prévues d’ici à 2025, notamment afin de redéployer des personnels sur la défense des forêts contre les incendies (DFCI) hors de la zone méditerranéenne, aujourd’hui la plus à risque.

Je conclurai sur ce volet en évoquant les échanges que nous avons eus entre rapporteurs concernant l’opportunité de créer un ministère dédié à la sécurité civile, pour assurer un meilleur portage politique de cette politique, aujourd’hui diluée au sein du ministère de l’intérieur. La Grèce, par exemple, à la suite des dramatiques feux qu’elle a connus en 2021, a décidé de créer un ministère de la protection civile et de la gestion de crise. C’est une proposition à laquelle nous sommes favorables, mais il ne nous a toutefois pas semblé opportun d’en faire une recommandation de notre rapport, cette piste dépassant très largement le cadre de la mission qui nous était confiée.

M. Jean Bacci, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. – « Aménager le territoire », deuxième axe de recommandations, consiste à mieux réguler les interfaces entre la forêt et les zones urbaines pour réduire les départs de feux et la vulnérabilité des personnes et des biens. Le débroussaillement permet non seulement de diminuer l’intensité et de limiter la propagation du feu, mais aussi de renforcer la défendabilité des constructions. Un débroussaillement effectué conformément aux règles protège, en effet, l’habitation et permet donc le confinement des habitants, évitant ainsi la fuite des particuliers devant le feu. Ces OLD sont malheureusement trop peu appliquées, avec un taux de réalisation souvent inférieur à 30 %.

Nous sommes convaincus qu’une solution unique ne suffira pas à résorber ce déficit de réalisation des OLD : c’est pourquoi nous proposons une palette large de leviers, allant de la sensibilisation à la sanction, en passant par l’incitation.

Nos propositions ont l’ambition de conjuguer plusieurs registres d’intervention : premièrement, les mesures incitatives soutiennent l’idée de développer une pédagogie des OLD, grâce à une bonne information des personnes intéressées, une mise à disposition de conseils personnalisés et des contrôles plus réguliers. Nous devons ainsi établir une stratégie collective concertée à l’échelle des massifs. Nous pourrions également prévoir une exonération fiscale, sous forme de crédit d’impôts pour la réalisation des OLD, ou l’utilisation de chèques emploi service. Nous devons aussi valoriser systématiquement les bois issus des travaux de débroussaillement, en bois énergie ou en paillage, ce qui suppose une réalisation coordonnée des OLD dans un même territoire. Ces mesures doivent s’inscrire dans un cadre facilité de réalisation. L’arrêté préfectoral de définition des OLD doit permettre d’adapter les modalités de mise en œuvre du débroussaillement en fonction de la nature du risque et de la réalité des territoires, comme le permet déjà l’article L. 131-10 du code forestier. Nous proposons également d’intégrer le périmètre des OLD dans les documents d’urbanisme, pour rendre plus visibles et explicites les périmètres concernés et pour mieux informer les particuliers de l’existence de l’OLD lors de la délivrance des permis de construire.

Nous formulons également quelques propositions plus contraignantes : conditionner la mutation d’une propriété à la réalisation des OLD, rendre la franchise obligatoire dans les contrats d’assurance habitation en cas de non-respect des OLD, solliciter auprès des assurés une attestation de conformité délivrée par les entrepreneurs de travaux forestiers certifiés, ou encore renforcer les sanctions pénales pour non-respect des OLD.

La maîtrise de l’urbanisation constitue un second levier essentiel pour mieux réguler les interfaces habitat-forêt et limiter le mitage. Nous formulons, là aussi, plusieurs recommandations : intégrer dans les documents d’urbanisme des recommandations en matière de mesures de construction, pour que les bâtiments résistent mieux aux incendies de forêt, dans les territoires particulièrement exposés ; étendre plus largement la réalisation des plans de prévention des risques incendie de forêt (Pprif) dans les territoires particulièrement exposés à ce risque, par la simplification des modalités d’élaboration, de modification et de révision de ces plans ; systématiser l’envoi de « cartes d’aléas », adressées par le préfet aux collectivités territoriales, dans les territoires à risque, afin de permettre aux élus locaux d’intégrer les informations relatives au risque incendie dans les documents d’urbanisme ; lutter plus résolument contre l’installation d’habitats légers dans les zones à risque, en s’appuyant sur les documents d’urbanisme existants, sur une doctrine plus stricte des commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) ou sur une application stricte du refus d’autorisation de défrichement pour l’installation d’habitats dans ces zones particulièrement exposées à l’aléa.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure de la commission des affaires économiques. – J’aborde maintenant notre troisième axe de recommandations. Lors de nos premières auditions, il est apparu très vite que la gestion des forêts et des espaces naturels était le moyen le plus efficace en matière de prévention des incendies et de protection des forêts. Or la forêt privée, majoritaire, qui représente 75 % des surfaces boisées françaises, est morcelée, insuffisamment gérée et plus vulnérable face au risque incendie. En Gironde, 93 % des forêts incendiées à Landiras et La Teste-de-Buch étaient privées.

Nous préconisons donc de nous pencher, région par région, sur les caractéristiques de ces massifs forestiers, d’analyser la pertinence des documents de gestion durable et des dispositifs de certification, au regard de la défense des forêts contre l’incendie (DFCI).

L’une de nos propositions phares consiste à abaisser le seuil d’obligation d’élaboration d’un plan simple de gestion à 20 hectares, contre 25 actuellement. Ce sont ainsi 500 000 hectares et plus de 20 000 propriétaires supplémentaires qui disposeront d’un document attestant de la gestion durable et multifonctionnelle, à long terme. L’intérêt est de disposer d’une cartographie précise de la forêt, des peuplements, de leur âge, des accès pouvant être utilisés comme pistes DFCI, des points d’eau, et de programmer l’adaptation des essences au changement climatique.

Au regard de l’abaissement du seuil des plans simples de gestion, les effectifs du Centre national de la propriété forestière (CNPF), qui accompagne les propriétaires privés et instruit ce document, devront être accrus d’au minimum 10 équivalents temps plein (ETP). Ce réajustement est absolument nécessaire pour permettre la prise en charge et le suivi des documents de gestion durable afférents à ces 500 000 hectares supplémentaires.

Cette montée en puissance des documents de gestion durable devra s’accompagner d’une mise à jour sur le contenu et les priorités du plan simple de gestion, désormais davantage orienté DFCI.

De même, la généralisation de la télédéclaration, déjà engagée, devra s’accélérer pour permettre un traitement et des mises à jour plus rapides.

L’adaptation des forêts au changement climatique passe aussi par la pérennisation du dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt (DEFI), dont la disparition est programmée au 31 décembre 2022. Son taux et son plafond pourraient être élargis en conditionnant toujours l’éligibilité à un document de gestion durable – soit un plan simple de gestion, soit, pour les plus petites parcelles, un code des bonnes pratiques sylvicoles.

Ces dispositifs ne porteront leurs fruits que s’ils s’appuient sur un accroissement des moyens humains d’animation du CNPF, avec notamment un développement des bilans à mi-parcours des documents de gestion durable – tous les huit à dix ans.

Sur le modèle des experts de l’agence DFCI de l’ONF, un réseau d’experts DFCI pourrait être mis en place, de façon souple et adaptative, pour conseiller les propriétaires forestiers en matière de prévention du risque incendie, avec le recrutement d’un correspondant au sein de chaque centre régional de la propriété forestière (CRPF) et une animation nationale pour consolider les retours d’expérience dans le but de constituer une « culture commune du feu » dans la forêt privée.

Enfin, nous proposons que les maires des communes disposant d’un plan de protection des forêts contre l’incendie (PPFCI), d’un plan intercommunal de débroussaillement et d’aménagement forestier (PIDAF) ou de tout document cartographié relatif à la protection des forêts contre l’incendie – puissent disposer d’un droit de préemption DFCI, les parcelles forestières ainsi acquises étant soumises de fait au régime forestier afin d’en assurer une gestion durable et pérenne. Mais je laisse M. Rietmann développer ce point.

M. Olivier Rietmann, rapporteur de la commission des affaires économiques. – J’évoquerai d’abord notre quatrième axe de recommandations, l’appréhension locale du problème, à l’échelle des massifs, par l’aménagement et la valorisation de la forêt, avec trois points principaux.

Le premier point est celui de l’aménagement des forêts via la nécessaire déclinaison à l’échelle des massifs des plans de protection des forêts contre l’incendie (PPFCI). Les massifs forestiers sont vraiment l’échelle pertinente pour favoriser l’appropriation par les élus locaux des PPFCI et pour rechercher des financements, en particulier via le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

Dans le cadre de ces PPFCI de massif, un droit de préemption pourrait être établi, au profit des communes, sur les parcelles non dotées d’un document de gestion durable et qui sont identifiées comme stratégiques dans la DFCI. Les maires rencontrés sont dynamiques et volontaires pour gérer lesdites parcelles en les soumettant au régime forestier, dans un souci de diminuer le risque d’incendie.

Le deuxième point est celui des synergies entre desserte forestière et pistes DFCI, qui devraient être recherchées plus systématiquement. Un cahier des charges SDIS-CRPF pourrait être établi et les SDIS pourraient rendre un avis sur les schémas de desserte forestière collectifs. De même, une cartographie des synergies actuelles et potentielles au niveau régional serait utile pour comparer ces deux réseaux.

Enfin, le dernier point, particulièrement sensible, est celui de la conciliation de la DFCI avec la protection de la biodiversité. Nous avons longuement échangé avec nos collègues de la commission du développement durable, pour aboutir à une solution que je crois équilibrée. Nous ne pouvions pas passer à côté de cette question ayant suscité de vives polémiques l’an dernier après le feu de Gonfaron, qui a parcouru la moitié de la réserve naturelle de la plaine des Maures, et, plus récemment, après le feu qui a détruit la forêt usagère de la Teste-de-Buch, un statut protecteur qui a été le prétexte à de la « non-gestion ». Dans un cas comme dans l’autre, on ne peut pas dire de façon certaine que des refus d’aménagements de DFCI aient été responsables de l’ampleur des dégâts. Cela n’empêche pas de regretter les signaux contradictoires envoyés par les sanctions et les recours judiciaires contre des actions de prévention destinées à protéger la forêt… et la biodiversité qu’elle renferme !

Nous proposons donc une plus grande gradation des sanctions, en ciblant les délits représentant le plus d’enjeux, via une instruction générale aux parquets pour une meilleure conciliation entre DFCI et biodiversité dans le prononcé des sanctions en matière d’atteintes à la biodiversité. Lors de sa révision, la stratégie nationale de contrôle de l’Office français de la biodiversité (OFB) pourrait aussi intégrer davantage la prise en compte de la prévention du risque incendie.

Il en va de même pour les plans de gestion des aires protégées, qui sont le meilleur outil pour éviter les conflits le plus en amont possible. La solution passera d’abord par une association de l’ensemble des parties prenantes, afin d’anticiper les oppositions et de trouver des solutions territoriales et pragmatiques.

Si toutefois aucune de ces démarches de conciliation n’avait pu aboutir, une instruction technique que nous préconisons d’adresser aux préfets doit rappeler clairement que, compte tenu de l’impact encore plus grand que des incendies pourraient avoir sur la biodiversité, la DFCI doit être priorisée dans les zones particulièrement exposées au risque incendie. Mieux vaut parfois déranger un peu la biodiversité pour protéger la forêt, car, soyons clairs, en cas de grand incendie, il n’y aura plus de biodiversité...

J’en viens à notre cinquième axe de recommandations, la mobilisation de l’agriculture dans la protection des forêts et des espaces naturels contre les incendies, levier qui me tient particulièrement à cœur.

Certaines activités agricoles et pastorales jouent un rôle reconnu dans la protection des forêts contre l’incendie. Un rapport d’il y a plus de vingt ans demandait une « ligne Maginot » de la gestion des espaces forestiers et naturels, mais force est de constater que depuis lors, le sylvopastoralisme n’a pas été suffisamment soutenu par les fonds européens. Des contrats d’entretien pluriannuel devraient systématiquement être recherchés pour favoriser la continuité dans le temps et la cohérence de ces opérations gagnant-gagnant de « pâturage préventif ».

C’est aussi le cas de la viticulture, en particulier en agriculture conventionnelle – car sinon, l’herbe laissée entre les rangs peut servir de « mèche » et propager l’incendie –, qui devrait pouvoir bénéficier plus facilement du second pilier de la politique agricole commune (PAC) quand elle joue le rôle de pare-feu naturel.

Plus globalement, l’indemnité de défrichement devrait pouvoir être minorée plus facilement quand elle a vocation à permettre la valorisation agricole ou pastorale d’une parcelle, dès lors que cela contribue à réduire le risque incendie.

Mais au-delà de ce rôle traditionnel de pare-feu, nous proposons de réfléchir à une approche intégrée de la DFCI, en l’étendant aux surfaces de végétation et aux surfaces agricoles. En effet, bien que nous manquions de données à ce sujet, environ un tiers des surfaces brûlées correspondent à des espaces non boisés : friches, landes ou terres agricoles. Des coupures de végétation pourraient ainsi utilement être réalisées dans les zones à risque, à l’interface entre terres agricoles et forêts, afin de protéger autant les forêts que les parcelles.

Cette approche intégrée des incendies de forêt et de végétation passe d’abord par le renforcement de la sensibilisation des acteurs agricoles pour limiter les feux de chaume ou de récolte, dont ils sont les premières victimes, à l’image de ce qu’a développé de façon proactive le SDIS de la Haute-Saône, avec des bonnes pratiques telles que : veiller au bon entretien des machines utilisées, moissonneuses, presses ou autres débroussailleuses, mais aussi s’équiper d’extincteurs ou compartimenter les parcelles lors des moissons.

En cas de niveau de risque « très sévère », nous proposons enfin, en concertation bien sûr avec les organisations de producteurs, de donner la possibilité au préfet de prescrire la réalisation des travaux agricoles la nuit – je pense en particulier aux moissons. Dans bien des cas, c’est déjà fait ; mais, quand le risque est très sévère, il faudrait pouvoir le généraliser. En cas de pertes de revenus liées à une détérioration de la récolte ou à une augmentation de charges, une compensation devra évidemment être prévue à destination des agriculteurs.

M. Jean Bacci, rapporteur. – À la différence de l’Amérique du Nord, où quatre feux sur dix sont d’origine naturelle, le facteur anthropique est prépondérant en France dans le déclenchement des incendies : neuf feux sur dix sont d’origine humaine, et sept sur dix sont attribuables à l’imprudence humaine. À la lecture de ces chiffres, on comprend bien l’importance de la sensibilisation, qui constitue notre sixième axe de recommandations.

Nous appelons ainsi à renforcer très largement les moyens alloués à la communication, à la hauteur des moyens mobilisés pour d’autres causes nationales, par exemple la sécurité routière. Au-delà des messages de sensibilisation sur les pratiques et les comportements à risque, il convient de sensibiliser à plus grande échelle sur l’intérêt des mesures de prévention, qui souffrent à ce jour d’un déficit de visibilité par rapport aux actions de lutte, souvent plus médiatisées. À cette fin, de la même manière que le préfet participe à l’ouverture de la saison des feux avant l’été, il pourrait être intéressant de procéder à une communication sur la « saison de la prévention », en montrant concrètement en quoi consiste un débroussaillement dans les normes.

L’accroissement des moyens alloués à la communication doit aller de pair avec une meilleure coordination des campagnes menées. Portée par de nombreux acteurs, la sensibilisation des populations souffre encore d’une trop grande hétérogénéité dans les messages relayés auprès des populations, sur la forme comme sur le fond.

De plus, les pics de fréquentation estivaux dans les massifs du sud de la France apportent leur lot de comportements imprudents, l’ensemble des touristes n’étant pas « acculturés au feu ». Nous recommandons de mobiliser le budget des collectivités territoriales pour recruter, former et équiper des jeunes du service national universel (SNU), afin de prévenir et sensibiliser les usagers en forêt lors des périodes à risque.

La sensibilisation passera, enfin, par un renforcement et une clarification des sanctions relatives à la prévention du risque d’incendie. Nous proposons de consacrer au niveau législatif l’interdiction de fumer dans un bois ou une forêt classée à « risque d’incendie » ou particulièrement exposée à ce risque durant certaines périodes.

M. Pascal Martin, rapporteur. – J’en viens aux réponses opérationnelles. Quand les politiques de prévention ont échoué, c’est aux moyens de lutte contre l’incendie d’intervenir. La lutte constitue donc logiquement le septième axe de recommandations de notre rapport.

En premier lieu, nous préconisons d’accroître sensiblement ces moyens de lutte pour faire face à l’intensification et à l’extension du risque incendie. Cette observation vaut tout d’abord pour les moyens aériens de la sécurité civile, actuellement insuffisants pour faire face à l’évolution de l’aléa. Le vieillissement de nos Canadair entraîne de plus longues immobilisations et d’importants surcoûts de maintenance. Cette flotte devra donc nécessairement être renouvelée et renforcée, principalement par un financement direct de l’État et, plus à la marge, dans le cadre du dispositif européen « RescEU ». En 2026, la France devrait récupérer deux Canadair par ce biais. Ces nouveaux Canadair devraient pouvoir être utilisés de nuit – comme les avions militaires. La France devra, en outre, se doter d’un plus grand nombre d’hélicoptères, en particulier d’hélicoptères bombardiers d’eau, plus adaptés que les Canadair pour intervenir sur des incendies à distance des zones côtières.

Par ailleurs, il faudra étudier l’opportunité de créer une seconde base aérienne de la sécurité civile – en plus de celle de Nîmes – pour plus de rapidité dans la mobilisation des moyens de lutte, à l’aune du retour d’expérience des incendies de Gironde, et en s’appuyant sur les projections d’évolution à moyen et long terme du risque.

Au-delà des moyens nationaux, un soutien de l’État s’avère nécessaire par un renforcement des moyens capacitaires des SDIS. Nous attendons de l’État une augmentation significative dans un cadre pluriannuel de la dotation de soutien à l’investissement des SDIS. L’État doit favoriser la mutualisation des secours, dans une démarche de solidarité nationale.

En outre, renforcer nos capacités opérationnelles de lutte contre le feu n’aura de sens que si des moyens humains sont disponibles pour les piloter. Pour armer des véhicules, il faut des femmes et des hommes. Une augmentation des effectifs de sapeurs-pompiers volontaires – qui sont actuellement 197 000 – apparaît donc indispensable pour répondre à l’évolution de l’aléa. Pour atteindre d’ici cinq ans la cible de 250 000 sapeurs-pompiers volontaires, effectifs dont bénéficiait notre pays dans les années 1990, la France devra recruter plus de 50 000 nouveaux « soldats du feu », soit 10 000 par an. Avec plus de 6 000 centres sur le territoire, cela revient à recruter deux sapeurs-pompiers par an et par centre de secours.

Comme l’avait déjà proposé le Sénat dans le cadre des débats sur la « loi Matras », nous proposons donc d’instaurer une réduction de cotisations patronales pour les entreprises et administrations en contrepartie de la disponibilité de leurs employés et agents exerçant en tant que sapeurs-pompiers volontaires. Cette proposition a malheureusement été supprimée en commission mixte paritaire et ne figure plus à l’article 45 de la loi.

La mise en place du cell broadcast, pour alerter et informer les populations par téléphone mobile, doit enfin être gérée à l’échelle non pas centrale, mais territoriale, notamment par le préfet, directeur des opérations de secours, pour plus de réactivité et d’efficacité sur le terrain.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. – Dernier axe de notre rapport, particulièrement attendu : le reboisement des parcelles brûlées, quand malheureusement ni la prévention ni la lutte n’ont permis d’éviter un sinistre, est une étape cruciale. Il s’agit de reconstituer une parcelle boisée, un patrimoine forestier, une biodiversité, en les rendant plus résilients à l’avenir. Pour ce faire, il faut une aide de l’État, fondée sur l’écoconditionnalité, et une réflexion sur le choix des essences à planter, en conciliant l’adaptation de la station forestière et la résistance aux incendies.

En complément du levier assurantiel, que nous appelons à renforcer par des mesures ciblées, un financement de l’État est indispensable même dans les cas où, comme dans le Sud, on laisse faire la régénération naturelle : pour autant, celle-ci doit être complétée par des plantations permettant de diversifier les essences et de rendre la parcelle plus résiliente aux incendies. Le site devra être sécurisé, et il faudra réaliser des travaux de nettoyage des parcelles et, parfois, une évacuation des bois, ce qui est coûteux pour les collectivités et les particuliers.

En Gironde, sur environ 20 000 hectares de forêts en partie productives, nous estimons le besoin de financement à environ 50 millions d’euros, à raison de 2 000 à 4 000 euros par hectare et un cofinancement public de 60 à 80 %, soit la moitié du premier volet renouvellement forestier du plan de relance, pour la seule forêt privée autour de Landiras et La Teste-de-Buch. C’est dire l’importance des besoins ! Cette aide de l’État, incluse dans le plan France 2030, devra s’accompagner d’engagements sur de nouvelles pratiques plus adaptées aux risques émergents, notamment en matière de pare-feux, qui devront a minima être respectés, si ce n’est agrandis lorsque l’évolution du risque le justifie.

Un autre enjeu important réside dans le choix des essences plantées ou replantées à la suite d’un incendie. Nous devrons être vigilants sur l’adaptation de ces parcelles et sur leur capacité de résistance en cas d’incendie. Le pin maritime reste l’essence la plus appropriée pour les sols et le climat landais, mais face au risque incendie il ne peut plus être implanté en monoculture sur d’importantes surfaces. La résistance de la forêt aux incendies passe par le mélange des essences, qui crée de la discontinuité, et par de la desserte, des pare-feux... Mais l’adaptation de ces nouvelles essences n’est pas une solution garantie. Il faut en permanence que les forestiers observent et adaptent en conséquence leurs pratiques, accompagnés et conseillés par les SDIS et par les élus locaux.

M. Joël Labbé. – Merci pour ce travail complet mené à huit mains.

Le pastoralisme a été mis en avant par Olivier Rietmann, indiquant qu’un rapport d’il y a vingt ans alertait déjà sur le risque de déprise. La situation s’est aggravée depuis pour le pastoralisme et le pâturage extensif, faute d’exploitants et d’éleveurs, et de moyens pour conserver ces activités ayant un intérêt collectif. Il faut conserver l’existant et regagner sur la friche. Les moyens pourraient être des paiements pour services environnementaux. Évitons d’avoir à redire, dans vingt ans, que cela avait déjà été décrit dans un rapport...

Mme Patricia Demas. – Félicitations pour ce travail intéressant.

La grande majorité des feux est d’origine humaine. Les maires des communes rurales, pour lutter contre les feux, exercent leurs pouvoirs de police pour limiter les activités et les comportements inappropriés. Encore faut-il qu’elles aient les moyens de mettre en œuvre ce pouvoir de police municipale, qui se limite au territoire communal ; et l’arrêté doit être suffisamment identifiable et ne pas changer d’une commune limitrophe à une autre. Il en va de même pour les arrêtés préfectoraux, qui peuvent différer selon les départements, alors que leurs caractéristiques et les comportementaux à risque sont les mêmes.

Quelles mesures ou quelles incitations proposez-vous pour améliorer la lisibilité des arrêtés municipaux et préfectoraux qui luttent pour prévenir les comportements à risque sur leurs territoires ? Comment assurer une meilleure lisibilité et une meilleure coordination des pouvoirs publics ?

M. Patrick Chaize. – Quelles nouvelles techniques de gestion de l’eau pourraient-elles être développées ? Comment mieux anticiper ? Car, pour éteindre un incendie, après une seconde, il faut un verre d’eau ; après une minute, un seau d’eau ; après dix minutes, une tonne d’eau.

Comment surveiller par caméra numérique pour anticiper et pouvoir mener des actions rapides sur le terrain afin d’éviter la propagation du feu ?

M. Hervé Gillé. – Sénateur de la Gironde, j’ai suivi avec beaucoup d’attention les préconisations de ce rapport. Nous avons organisé une table ronde avec les deux maires de Landiras et de La Teste-de-Buch, le représentant des maires de Gironde et le responsable du SDIS du département pour dresser un premier bilan des événements actuels.

Je voudrais approfondir plusieurs sujets.

Nous avons connu un cocktail explosif, conjonction d’une sécheresse particulièrement intense et de températures élevées ayant accéléré la propagation des incendies. La prédiction météorologique n’a pas été très performante, affectant par là même les préconisations préfectorales d’urgence, qui étaient décalées. Le système de référence est à revoir.

Vous envisagiez l’inscription dans certains documents d’urbanisme des préconisations d’habitat : il faut aller plus loin et les intégrer dans les schémas de cohérence territoriale (SCoT). Les SCoT doivent prévoir les conditions nécessaires pour accueillir les populations correctement. Ils doivent être prescriptifs au niveau des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des PLU intercommunaux (PLUi).

Par ailleurs, la gestion de crise est fondamentale. Lors de cet événement, elle a globalement répondu aux attentes, mais il reste des interrogations sur une meilleure articulation entre les services préfectoraux, et les collectivités territoriales, notamment les départements. La gestion logistique est importante : 3 000 hommes et femmes ont été mobilisés en Gironde. Il n’y a pas de cellule de crise mutualisant suffisamment en amont. Il faut revoir les procédures.

Il faut aussi revoir le schéma de réserves d’eau, en matière de sécurité et d’aménagement : après ces feux de quinze jours, nous sommes arrivés à une situation limite sur les réserves d’eau mobilisées.

Enfin, à Landiras, le premier Canadair n’est intervenu que douze heures après le départ du feu. Ce n’était pas le cas à la Teste-de-Buch. Les Canadair ont été mobilisés pour éviter que le massif landais ne soit directement attaqué, ce qui a permis que les feux landais naissants soient rapidement maîtrisés ; mais le retard a été un problème majeur à Landiras. Il faut renforcer aussi les moyens.

M. Daniel Gremillet. – Pour favoriser la gestion forestière, remettons au goût du jour la fiscalisation des petites propriétés forestières – notre commission avait réalisé une étude sur le sujet –, moyen efficace de rappeler aux propriétaires qu’ils possèdent des petites parcelles. Nous sommes capables de le faire pour le foncier agricole, pourquoi pas pour le foncier forestier ? Cela dit, Bercy bloque pour le moment...

Responsable du dossier forêt pour la région Grand Est, j’ai été stupéfait de découvrir que, malgré les aides publiques qui servent à la réalisation des dessertes forestières, les SDIS n’ont pas connaissance de ces dessertes. Personne ne connaît les nouveaux chemins, alors que, souvent, ils sont capables de supporter des véhicules avec un poids considérable ! Allons plus vite pour partager ces connaissances et cette accessibilité.

Oui, il faut rééquilibrer droits de préemption et de préférence. Actuellement, il existe un droit de préférence pour les propriétaires forestiers, il faut un droit de préemption pour les communes.

Sur le rôle que vous envisagez de confier à l’OFB en matière de DFCI, je m’interroge. Est-il le mieux placé pour cela ?

Vous avez proposé de créer une seconde base de canadairs. Voyons-le aussi sous l’angle communautaire. Avec les risques actuels sur l’ensemble de la France, deux bases ne suffiront pas. Dans l’Est, nous pourrions par exemple avoir une approche commune avec la Forêt-Noire....

Enfin, comme vous l’avez bien dit, le moins cher, pour gérer les broussailles, reste de faire pâturer des animaux. Avec un débroussailleur, le risque persiste, puisque les herbes broyées sèchent et fonctionnent comme des allumettes qui risquent de craquer à tout moment. Je suis très inquiet de la fragilité de notre élevage sur l’ensemble du territoire, et on voit les risques complémentaires que cette fragilité peut entraîner.

M. Bruno Belin. – Merci et bravo. Le sujet de votre rapport est de plus en plus souvent d’actualité, y compris hors saison.

Oui, il faut des moyens. Vous évoquez le recrutement de deux bénévoles par centre de secours. Avez-vous des pistes pour en trouver, dans un contexte de crise de recrutement du secteur ?

Demain, tous les SDIS ayant un certain pourcentage de massifs forestiers devront-ils s’équiper ? Je pense notamment aux Vosges, à la Bretagne... Quel cahier des charges auront-ils ? Ne faut-il pas une liste de matériels précis ? Le cas échéant, pour quel coût et avec quelles sources de financement ?

M. Bernard Buis. – Les conditions météorologiques sont le principal facteur à l’origine des feux de forêt. Cette année de sécheresse exceptionnelle, qui s’accentue depuis juin, est dramatique : 45 000 hectares sont partis en fumée depuis le début de l’année. En 1976, année record des plus grands incendies, 88 000 hectares ont brûlé. Espérons que ce record ne sera pas battu cette année. En Gironde, déjà en 1949, un mégafeu avait détruit à lui seul 50 000 hectares. À court terme, pour lutter contre ces incendies, certains préconisent un retour du brûlage ou du feu dirigé pour prévenir en amont les incendies, et brûler, en hiver, feuilles, branches et résidus susceptibles, en été, d’alimenter les feux. Prônez-vous cette technique ?

M. Pascal Martin, rapporteur. – Monsieur Chaize, l’Entente Valabre, établissement public qui regroupe une grande partie des départements de l’arc méditerranéen – région Sud, ex-Languedoc-Roussillon, Drôme et Ardèche, collectivité unique de Corse – mais aussi La Réunion, possède un centre scientifique spécialisé notamment dans la gestion de l’eau.

Le président de la FNSPF, Grégory Allione, également directeur du SDIS des Bouches-du-Rhône, a demandé à ses équipes de réfléchir aux moyens d’éteindre les incendies avec beaucoup moins d’eau, mais aussi en utilisant plutôt de l’eau brute que de l’eau potable.

Sur l’anticipation, mieux vaut parler de « prévention » – faire en sorte qu’un sinistre ne se déclare pas – que de « prévision » – qui, lorsque la prévention a échoué, vaut à préparer l’intervention.

Pour éviter l’engagement de moyens humains dans des circonstances compliquées, on peut substituer des drones, des capteurs de chaleur, des robots. Ces moyens existent déjà et sont utilisés par certains SDIS.

Monsieur Gillé, le directeur des opérations de secours est le maire lorsque le feu est limité au territoire de la commune et le préfet lorsqu’il le dépasse. L’articulation entre les deux est difficile. En Gironde, comme cela a été rappelé, la simultanéité de deux feux a posé problème. Le préfet, le département et les maires ont été confrontés à des difficultés hors normes.

Les communes soumises à un plan de prévention des risques naturels (PPRN) et à un plan particulier d’intervention (PPI) sont obligées de mettre en place un plan communal de sauvegarde (PCS) ; celui-ci est recommandé pour les autres communes. Il peut être intercommunal, et concerne les risques sanitaires, naturels, technologiques... La loi Matras a prévu de désigner un référent pour porter, dans chaque commune ou intercommunalité, l’élaboration et le suivi du PCS. Elle a aussi prévu de tester le PCS tous les cinq ans avec la population. Avant, cela restait théorique ; désormais, il faut tester l’alerte, l’évacuation, l’hébergement provisoire... Mais cela ne règle pas les problèmes logistiques : lorsque plusieurs centaines ou milliers de pompiers arrivent sur un territoire, il faut qu’ils puissent se reposer, manger et boire. Toutes ces questions échappent au maire : c’est au préfet, voire aux conseils départementaux, de s’en charger.

Des feux dits « tactiques » sont déjà utilisés par des sapeurs-pompiers qui en ont la maîtrise : cela permet, à terme, d’économiser de l’eau.

Bruno Belin évoquait les pompiers volontaires. Le maillage territorial des 6 100 centres d’incendie et de secours est assuré par des gardes de pompiers volontaires. Or, on connaît une crise du volontariat. Il y avait 250 000 sapeurs pompiers volontaires dans les années 1990 ; nous en avons perdu plus de 50 000. Il faut les fidéliser. L’engagement de ces pompiers volontaires est avant tout citoyen, et non financier : la vacation horaire est rémunérée 7 euros... Lors de la future réflexion sur les régimes de retraites, on pourrait envisager des bonifications de trimestres.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. – Il est difficile, pour les maires, de faire respecter les arrêtés préfectoraux de limitation de l’emploi du feu : nos concitoyens, accoutumés à ces arrêtés, les respectent de moins en moins. Les maires veulent être davantage associés au pilotage avec les services préfectoraux et les SDIS. C’est indispensable. Laissons les acteurs de terrain déterminer certaines modalités réglementaires. Mais ils doivent pour cela disposer de la cartographie des aléas, des zonages, afin d’être mieux informés et mis en capacité d’assumer leurs responsabilités.

Nous proposons de cartographier les massifs et d’identifier les dessertes, les points d’eau, et d’en aménager éventuellement les accès, afin qu’ils soient mobilisables en cas d’incendie, et pas seulement dans les régions où il y a des PPFCI, En Côte-d’Or, le SDIS travaille à une adaptation du schéma départemental d’analyse et de couverture des risques (Sdacr) qui intègre les massifs vulnérables aux incendies et commence à répertorier les dessertes et à travailler davantage avec les forestiers pour connaître les massifs, les points d’eau et les centres de première intervention (CPI).

Pascal Martin proposait de revenir sur une disposition de la loi Matras proposée par le Sénat mais remise en cause par la commission mixte paritaire. Les sapeurs-pompiers font remarquer que de nombreux volontaires seraient potentiellement mobilisables pendant leurs heures de travail, souvent l’après-midi, quand les casernes de pompiers sont plus vides. Il faut accompagner les employeurs privés pour qu’ils puissent participer à cet effort : il y a là une grosse réserve de sapeurs-pompiers volontaires.

M. Olivier Rietmann, rapporteur. – Messieurs Labbé et Gremillet, concernant l’élevage, ce n’est pas pour rien que nous avons évoqué ce rapport de 1999 évoquant une « ligne Maginot » de la gestion des espaces forestiers et naturels. Le commissaire européen à la gestion des crises nous a fait part de la volonté communautaire de participer, y compris financièrement, à la réimplantation forte du pastoralisme et de l’élevage dans la lutte contre les incendies, là où c’est possible et souhaitable. Certes, le pastoralisme peut aussi avoir quelques inconvénients sur la biodiversité, en raison du piétinement ou de la volonté de conserver certaines espèces. Mais il faut pousser ce dossier et l’accompagner financièrement avec les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et les fonds européens.

Évidemment, il est urgent de transmettre aux SDIS les cartes de desserte forestière. Ils doivent participer aux débats relatifs à l’implantation et aux caractéristiques de cette desserte.

J’ai été clair sur le droit de préemption DFCI des communes, qui fait partie des pistes intéressantes à développer.

Nous avons proposé non pas de renforcer le rôle de contrôle de l’OFB par la lutte contre les incendies, mais que celui-ci prenne en compte le sujet dans sa stratégie : nous proposons que la stratégie de l’OFB ne se limite plus, dans les secteurs sensibles aux incendies de forêt, à du contrôle et à la préservation de la biodiversité, mais qu’elle intègre, dans ses contrôles sur le terrain, la lutte contre les incendies.

J’appuie les propos de Pascal Martin, fondés sur les auditions des sapeurs-pompiers et des visites de terrain : si actuellement la politique de lutte contre les incendies en France est reconnue très largement pour son efficacité, c’est grâce à la prévention et à cette lutte, fondées sur les sapeurs-pompiers volontaires, professionnels et sur les colonnes de renfort. Les départements du nord de la France ont pu envoyer ces colonnes car, jusqu’à présent, ils étaient peu concernés par les incendies. Or, désormais, les zones concernées et les saisons s’étendent : ces départements pourront de moins en moins mettre à disposition ces colonnes de renfort. L’État doit donc engager des moyens financiers aux côtés des départements et des communes.

M. Jean Bacci, rapporteur. – Le département des Bouches-du-Rhône réfléchit à l’utilisation de moins d’eau pour la lutte contre les incendies. L’anticipation et la surveillance sont particulièrement importantes. Dans le Var, nous expérimentons, avec Orange, la possibilité de surveiller les massifs avec les réseaux satellites.

Oui, il faut joindre tous les documents d’urbanisme dans les SCoT. Mais ceux-ci sont pilotés par les élus : il convient de les sensibiliser à la nécessité de travailler sur le risque incendie. Nous réalisons des formations avec l’association départementale des communes forestières du Var pour les sensibiliser aux risques et à leurs obligations, ainsi que pour les aider à mettre en place leur propre plan communal de sauvegarde.

La France aurait la flotte aérienne de lutte contre les incendies la plus importante, mais encore faut-il qu’elle soit opérationnelle. Un tiers des avions sont cloués au sol pour maintenance. L’État a commandé quatre Canadair, et nous devrions en recevoir deux de plus de l’Union européenne. C’est très bien, mais quand les recevra-t-on ? Les lignes de fabrication sont fermées et doivent être rouvertes. Ces avions ne seront pas livrés avant 2027 ou 2028. Airbus, cette année, a expérimenté en Espagne un avion porteur d’eau comme les Dash. En attendant, des avions militaires sont utilisés...

Mme Anne Chain-Larché. – J’adhère aux propos qui ont été tenus. Comme cela avait déjà été dit il y a plusieurs années : notre forêt brûle et nous regardons ailleurs. Réveillons-nous !

Je constate trois aberrations.

Sur les parcelles brûlées de chêne-liège dans le Var, replanter avec des cèdres du Liban ou des pins maritimes n’est pas approprié face au risque d’incendie.

L’ONF n’entretient plus ses chemins, lesquels permettaient aux pompiers d’entrer dans les massifs. Désormais, non seulement les avions sont en nombre insuffisant, mais les chemins au sol sont inutilisables. L’ONF devrait faire preuve de plus d’ambition dans les forêts domaniales.

Enfin, je ferai remarquer qu’il n’y a plus de cendriers dans les voitures : les fumeurs au volant jettent donc leurs cigarettes par la fenêtre... Or les incendies sont, pour la plupart, dus à des négligences humaines.

M. Pierre Cuypers. – Très bien !

Mme Anne Chain-Larché. – C’est du bon sens...

Mme Angèle Préville. – Merci pour le travail exhaustif réalisé.

En tant que professeur, je salue la recommandation n° 56 pour sensibiliser les plus jeunes dans les établissements scolaires, en faisant témoigner des intervenants extérieurs. Moi qui ai eu des élèves jeunes sapeurs-pompiers, je propose qu’un jour par an soit consacré à la prévention des incendies. Cela permettrait que les élèves connaissent le métier, afin de leur donner envie de s’engager. Cela pourrait être couplé avec l’enseignement de plusieurs matières.

Une filière de responsabilité élargie du producteur (REP) mégots est une très bonne idée, car ces derniers sont à l’origine de nombreux incendies. Cette REP, que vous proposez de flécher vers des actions de communication d’envergure, pourrait aussi être affectée à des moyens de surveillance.

M. Serge Mérillou. – Merci pour ce travail.

Que va-t-il se passer après les incendies ? C’est à ce moment que commence la prévention au niveau des infrastructures forestières, et que l’on peut créer des pistes forestières, des points d’eau, puisqu’aucun obstacle physique ne s’y oppose plus.

Pour la restructuration foncière, au-delà des droits de préemption, il existe aussi des échanges amiables entre propriétaires pour regrouper des parcelles, afin qu’ils s’y intéressent et les entretiennent. Des outils existent pour des opérations groupées d’aménagement foncier (OGAF), comme la prise en charge des frais de notaires.

L’aide aux propriétaires forestiers permet de reconstituer des boisements les plus adaptés possible à leur station forestière et d’éviter des plantations entières de résineux, même si l’on ne peut pas les remplacer partout, notamment en forêt landaise. Nous aurons besoin de l’ONF, des CRPF et des services forestiers des chambres d’agriculture.

Mme Nadège Havet. – Je remercie les rapporteurs pour leurs travaux.

Le Finistère n’a pas été épargné par les incendies cet été. Comme partout en France, le risque incendie reste élevé.

Lors des incendies des monts d’Arrée, comme sur d’autres territoires, nous avons pu constater que le monde agricole représentait une force de frappe importante et réactive pour soutenir les services d’incendie et de secours, pour véhiculer des tonnes à eau, pour procéder à des arrosages préventifs.

Mais, dans la pratique, il y a parfois des incompréhensions entre agriculteurs et SDIS sur les théâtres d’intervention, leurs objectifs étant un peu différents : les premiers veulent intervenir vite pour éteindre l’incendie, les seconds sont présents avant tout pour protéger les personnes. Ne faudrait-il pas élaborer des conventions et des protocoles permettant de faciliter leur coopération et leur coordination ?

M. Daniel Salmon. – Merci pour cet excellent travail.

Les feux extrêmes suscitent énormément d’angoisse dans la population, car ils visibilisent le changement climatique. Il faut que nous apportions un maximum de réponses.

Vos axes de travail sont essentiels, mais il en est un que nous n’avons pas abordé, parce qu’il porte sur le moyen et le long termes : la lutte contre le réchauffement climatique. Elle doit être immédiate et massive. De fait, les feux de forêt sont provoqués par le stress hydrique. Des arbres se transforment en véritables torches en cas de températures extrêmes.

Je me réjouis que l’on n’ait pas succombé à la facilité en accusant les écologistes de provoquer un certain nombre de feux du fait des embroussaillements – ces polémiques ont pu exister ailleurs.

Concernant les boisements monospécifiques, les boisements de résineux, la réflexion est difficile, puisqu’il faut prévoir le climat à cinquante ans. Je pense qu’il ne faut pas mettre tous les œufs dans le même panier. Les recherches qui sont menées actuellement concluent plutôt à la nécessité d’une diversification maximale de nos boisements pour avoir toutes les chances d’avoir, demain, une forêt résiliente.

M. Guillaume Chevrollier. – Merci aux rapporteurs pour leur travail sur cette question essentielle.

Vous avez cité un certain nombre d’opérateurs : les SDIS, l’ONF, l’OFB... Vous avez parlé des propriétaires forestiers privés, mais je ne crois pas avoir entendu citer Fransylva, qui est la Fédération des syndicats de forestiers privés de France. C’est pourtant un organisme essentiel, dont le maillage est fin et qui fait beaucoup dans les territoires pour sensibiliser et accompagner les propriétaires. Je pense qu’il doit avoir une place primordiale dans la prévention des feux.

Quel est votre avis sur son rôle dans la diffusion d’une culture du risque et dans la gestion durable et résiliente de nos forêts ?

M. Franck Montaugé. – Merci aux rapporteurs.

Ce sujet relève de la défense de notre patrimoine environnemental national. Avez-vous réfléchi à la possibilité d’utiliser, dans un cadre adapté, l’observation satellitaire militaire, dont les outils offrent une précision extraordinaire ? Cela permettrait de mettre en évidence des départs de feux très rapidement et d’être sur place avant que la situation dégénère.

Mme Sylviane Noël. – Merci aux rapporteurs pour leurs propositions pertinentes.

Aux propositions formulées pour le soutien à l’agropastoralisme, auxquelles je souscris pleinement, je veux ajouter la lutte contre la prédation, notamment celle du loup, qui, dans certains départements de montagne, constitue une pression telle que de nombreux secteurs ne sont désormais plus pâturés. Je crains que nous n’allions, dans les années à venir, au-devant de grandes difficultés si nous ne parvenons pas à trouver une gestion plus équilibrée, dans nos alpages, de certaines espèces qui mettent à mal notre agriculture de montagne.

C’est bien de prévenir les risques d’incendie. C’est bien aussi de s’assurer que, dans les prochaines années, nous aurons suffisamment de « soldats du feu » pour assurer notre protection. Aujourd’hui, dans notre pays, plus de 5 000 pompiers volontaires et 200 professionnels sont suspendus depuis plusieurs mois. Leur réintégration rapide me semble une impérieuse nécessité pour répondre à nos besoins futurs.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. – Mes chers collègues, je dois participer au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination de Mme Emmanuelle Wargon à la présidence du collègue de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), son audition étant terminée à l’Assemblée nationale.

Je vous souhaite une bonne fin de réunion et remercie une nouvelle fois les rapporteurs du travail qu’ils ont réalisé.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. – Merci pour la richesse de votre rapport et des pistes que vous dessinez.

Je souscris à la création d’un ministère pour la prévention et la lutte contre les incendies.

Ne pensez-vous pas qu’il serait pertinent de légiférer pour permettre à nos communes de réquisitionner des voies d’accès privées définies comme présentant un risque incendie par le PPRif dans le cadre d’une procédure plus adaptée, plus rapide et plus simple que les procédures d’expropriation ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. – Pour ce qui concerne la présence en forêt, nous proposons de redéployer, dans l’ensemble des forêts publiques, un certain nombre d’agents de surveillance au sein de l’ONF, dont les effectifs ont été limités ces dernières années, et de créer un dispositif identique, piloté par le CNPF, pour les forêts privées.

Nous avons auditionné tous les acteurs de la forêt : Fransylva, mais aussi les coopératives, les exploitants, les gestionnaires. Je pense que tous ces acteurs vont être mobilisés au quotidien pour sensibiliser et diffuser de bonnes pratiques.

Nos propositions concernent essentiellement l’organisme public de gestion, le CNPF, qui contrôle, instruit, ainsi que les services préfectoraux, dans le cadre des schémas régionaux de gestion sylvicole. Derrière ces structures tutélaires fourmillent tous les acteurs de terrain, petites mains qui vont mettre en œuvre ces dispositifs.

S’agissant de la nécessité de l’aménagement des massifs, notre rapport souligne combien le soutien à toutes les stratégies locales de développement forestier – les chartes forestières de territoire, les plans de développement de massif – mais aussi par exemple les OGAF, permettront de diffuser la culture du risque. Nous préconisons, pour les aides publiques, la mise en place d’une écoconditionnalité : peuplements adaptés non seulement à la station forestière, mais aussi à la résilience aux incendies, bonnes pratiques en matière de desserte, de cartographie... Tout cela doit s’articuler pour une meilleure résilience de l’ensemble de nos massifs.

M. Olivier Rietmann, rapporteur. – Notre collègue a évoqué des désaccords entre agriculteurs et pompiers. Il y en a peut-être eu dans un secteur particulier du Finistère à un moment donné, mais c’est probablement un cas isolé. Dans toutes les auditions que nous avons pu organiser, nous n’avons pas eu de remontées en ce sens. Au contraire, on nous a plutôt fait état d’une bonne entente et d’un appui très important des agriculteurs, notamment dans le transport de l’eau, auprès des pompiers des SDIS, par exemple en Gironde.

Personnellement, je plaide également pour la création d’un ministère de la sécurité civile. C’est absolument nécessaire pour une bonne gestion de crise et la lutte contre les feux extrêmes.

M. Jean Bacci, rapporteur. – Je suis tout à fait d’accord : il faut faire le maximum de sensibilisation. Il faut sensibiliser nos jeunes et les populations au risque incendie.

Il est nécessaire de communiquer pour faire comprendre à tout le monde qu’aujourd’hui, comme les représentants du Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa) nous l’ont dit clairement, la forêt a besoin de l’intervention humaine : pour la défendre, il faut enlever de la biomasse. Ainsi, elle brûlera moins facilement, et les sujets qui resteront en place souffriront moins de stress hydrique.

Les représentants du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) nous ont dit que rouler 300 mètres en voiture, c’est faire fondre un kilo de glace des glaciers. De son côté, AtmoSud nous explique qu’un hectare de forêt méditerranéenne qui brûle correspond, en termes d’émissions de gaz à effet de serre, à un véhicule fortement émetteur qui ferait 6,5 fois le tour de la Terre... Je vous laisse faire la conjonction entre ces deux informations !

Il peut être compliqué de travailler avec les satellites des armées. En revanche, nous sommes en train d’essayer de travailler avec Orange, comme je vous l’indiquais tout à l’heure.

Pour terminer, nous avons besoin de nous acculturer au feu et de prendre conscience que, dès lors qu’il a rempli correctement ses obligations légales de débroussaillement, un habitant qui vit à proximité de la forêt ne risque rien dans sa maison. Toutefois, il faut être actif pour protéger sa maison : ne pas laisser le tuyau d’arrosage dehors quand le feu approche, doter sa piscine d’une pompe thermique, etc.

Satisfaire aux OLD permet aussi de libérer un camion de pompiers pour contenir le feu ailleurs, dès lors que l’habitation n’a plus besoin d’être protégée.

M. Pascal Martin, rapporteur. – Les OLD ont été au cœur de nos échanges tout au long de ces trois mois. Elles sont, aujourd’hui, mal expliquées aux personnes concernées. La culture du risque et la pédagogie manquent.

J’insiste sur ce que vient de dire Jean Bacci. Les OLD, c’est tout bénéfice pour les propriétaires : cela leur permet de se sauver en restant chez eux et de sauver leur bien, et cela évite que des sapeurs-pompiers ne soient bloqués près de maisons, alors qu’ils pourraient être utiles ailleurs.

Il existe des conventions entre SDIS et agriculteurs, mais elles ne peuvent s’organiser qu’à l’échelle de chaque SDIS. De même, je connais des communes qui passent des conventions avec des agriculteurs pour le déneigement. Très souvent, les relations entre agriculteurs et services départementaux sont bonnes. On ne peut pas définir une politique générale ; il faut vraiment faire du cas par cas.

Légiférer sur les questions de réquisition est toujours extrêmement sensible. Nous ne l’avons pas prévu explicitement, mais nous notons la proposition. Nous regarderons, dans nos travaux à venir, notamment lors de l’élaboration de la proposition de loi, ce qui pourrait être fait dans ce domaine.

M. Olivier Rietmann, rapporteur. – Le « coût du sauvé » est très important. Les Bouches-du-Rhône ont investi, ces dernières années, 200 millions d’euros dans la lutte contre les incendies, mais cela a permis de sauver l’équivalent de 5 milliards d’euros d’équipements, de forêts et d’espaces naturels. La proportion est très importante.

M. Didier Mandelli, vice-président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. – La remarque est judicieuse, et l’exemple édifiant.

Je vous propose, mes chers collègues, de passer au vote sur les recommandations des rapporteurs et d’autoriser la publication du rapport d’information.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la commission des affaires économiques adoptent, à l’unanimité, le rapport d’information et en autorisent la publication.

M. Didier Mandelli, vice-président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. – Encore bravo et merci pour ce travail. Bonnes vacances à tous !

La réunion est close à 12 h 45.