Mercredi 12 avril 2023

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Proposition de nomination de M. Lionel Collet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président du collège de la Haute Autorité de santé - Désignation d'un rapporteur

Mme Catherine Deroche, présidente. - Mes chers collègues, nous allons procéder dans quelques instants à l'audition de M. Lionel Collet, candidat proposé par le Président de la République à la présidence du collège de la Haute Autorité de santé (HAS), en application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

L'article 19 bis du Règlement du Sénat invite la commission concernée à désigner un rapporteur chargé de préparer cette audition.

Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je souhaiterais exercer ce rôle.

La commission désigne Mme Catherine Deroche rapporteure sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Lionel Collet aux fonctions de président du collège de la Haute Autorité de santé, en application de l'article 13 de la Constitution.

Audition de M. Lionel Collet, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président du collège de la Haute Autorité de santé

Mme Catherine Deroche, présidente, rapporteure. - Mes chers collègues, nous entendons ce matin, en application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, M. Lionel Collet, candidat proposé par le Président de la République à la présidence du collège de la Haute Autorité de santé (HAS).

Cette nomination ne peut intervenir qu'après audition devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cette audition est publique et ouverte à la presse. Elle sera suivie d'un vote sur cette candidature, qui se déroulera à bulletin secret et pour lequel, vous le savez, aucune délégation ne sera admise. Je rappelle que le dépouillement devra être effectué simultanément à l'Assemblée nationale.

En vertu du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, le Président de la République ne pourra procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs exprimés dans les deux commissions représente, au total, au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Je précise que cette audition fera l'objet d'une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site internet du Sénat et sera consultable en vidéo à la demande, conformément au principe de publicité prévu par la loi du 23 juillet 2010.

La HAS est une autorité publique indépendante à caractère scientifique. Elle intervient dans trois grands domaines : l'évaluation, d'un point de vue médical et économique, des produits, des actes, des prestations et des technologies de santé, ainsi que des actions et des programmes de santé publique ; l'élaboration de bonnes pratiques dans divers domaines ; l'évaluation de la qualité des soins et des prestations et de la sécurité des patients dans les établissements de santé, en médecine de ville, ainsi que dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux.

Cette audition s'inscrit en quelque sorte dans la continuité de nos travaux les plus récents, puisque nous avons accueilli la semaine dernière Mme Dominique Le Guludec, présidente sortante de la Haute Autorité, afin qu'elle nous présente le rapport d'analyse prospective annuel de la HAS ainsi que ses travaux sur la question de l'obligation vaccinale.

Monsieur Collet, je vous propose de débuter cette audition par un propos liminaire dans lequel vous nous exposerez votre parcours professionnel ainsi que l'action que vous comptez mener à la tête de la HAS, si vous deviez effectivement en prendre la présidence.

Je vous poserai ensuite quelques questions en qualité de rapporteure.

Les membres de la commission pourront ensuite vous interroger.

Monsieur Collet, vous avez la parole.

M. Lionel Collet, candidat proposé par le Président de la République pour exercer les fonctions de président du collège de la HAS. - Je commencerai par vous présenter rapidement mon parcours.

Je suis conseiller d'État depuis dix ans ; auparavant, j'étais médecin hospitalo-universitaire à Lyon : j'ai été pendant vingt et un ans professeur des universités et praticien hospitalier (PU-PH). Sur le plan hospitalier, j'étais chef du service d'audiologie des Hospices civils de Lyon ; sur le plan universitaire, j'ai créé un laboratoire de recherche de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), que j'ai dirigé pendant quinze ans, dans le domaine de l'audition humaine. Mon champ de recherche se situait à l'interface entre les sciences de la vie et les sciences humaines et sociales : étude de la physiologie de l'appareil auditif, mais aussi de la perception auditive. Et je suis très sensible à l'intégration des sciences humaines et sociales dans la recherche et l'expertise.

Par ailleurs, j'ai créé et dirigé un groupement de recherche du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) sur les prothèses auditives, ce qui m'a conduit à fréquenter le domaine des dispositifs médicaux.

Sur les près de quarante ans qu'a duré ma carrière professionnelle, j'ai pendant deux ans été membre de cabinets ministériels : un peu plus d'une année comme directeur de cabinet de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche Geneviève Fioraso et un peu moins d'un an comme conseiller spécial de la ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn.

Permettez-moi de rendre hommage à la présidente Le Guludec, qui a su remarquablement présider la HAS pendant cette période exceptionnelle qu'a été celle de la pandémie. Mon hommage va évidemment aussi à l'ensemble des personnels de la HAS.

Mon propos sera structuré en trois points : d'abord, ma vision de la HAS en tant qu'institution ; ensuite, la manière dont j'imagine l'avenir de la HAS à dix ou quinze ans, bien au-delà du mandat de six ans ; enfin, ma conception de la fonction de président de la Haute Autorité de santé.

D'un point de vue institutionnel, la HAS a plusieurs singularités.

Elle a en premier lieu une singularité de mission : son rôle est d'expertiser la qualité du système de santé - elle a été créée en vue de la régulation du système de santé par la qualité et par l'efficience.

Autre singularité : c'est le seul organisme public d'expertise en santé qui a le statut d'autorité publique indépendante. L'Autorité de sûreté nucléaire est une autorité administrative indépendante ; Santé publique France est un établissement public ; l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sont des établissements publics industriels et commerciaux (Épic) ; l'Institut national du cancer (INCa) est un groupement d'intérêt public (GIP). De surcroît, parmi les autorités publiques indépendantes, la HAS est la seule à ne pas avoir de pouvoir de police, donc de pouvoir de sanction.

Troisième singularité : le législateur a décidé que les dispositions relatives à la Haute Autorité de santé devaient être codifiées dans le code de la sécurité sociale et non dans le code de la santé publique, alors que la HAS intervient dans le champ de l'assurance maladie, mais aussi dans le champ de la santé publique. Cette caractéristique est liée à son histoire : elle a été créée par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie pour évaluer l'utilité médicale des actes, des produits de santé, des prestations pris en charge par l'assurance maladie, mais aussi pour promouvoir les bonnes pratiques dans le système de soins.

Nous aurons l'occasion l'an prochain de célébrer les vingt ans de la HAS. Or nous en sommes, en vingt ans, à la trentième version de l'article fondamental du code de la sécurité sociale qui énumère les missions de la HAS ! Cet article n'a pas été réécrit : le législateur y a procédé à des ajouts successifs de missions. En 2004, les missions étaient numérotées de 1 à 5 ; dans la version qui sera en vigueur au 1er janvier prochain, elles seront numérotées de 1 à 22 ! Et je ne parle pas du 1 bis et des missions non numérotées... Cela traduit l'attente des pouvoirs publics : la HAS doit être le garant de la qualité dans notre système de soins et dans notre système de santé en général. Cela signifie aussi que la HAS a le devoir de promouvoir un niveau de qualité que je qualifierais d'exceptionnel.

De surcroît, ces nouvelles missions sont tout sauf secondaires. Ainsi le législateur a-t-il ajouté le renforcement des évaluations médico-sociales : dès lors que la stratégie de prise en charge représente des enjeux importants, notamment sur le plan financier, une évaluation médico-économique sera requise. Il a aussi intégré dans la HAS la commission technique des vaccinations, qui relevait auparavant, sous la forme d'un comité, du Haut Conseil de la santé publique. Autre modification fondamentale, la HAS a absorbé l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm), mesure contenue dans la LFSS pour 2018 : dès lors, la HAS s'est investie dans le développement de la qualité non seulement dans le champ sanitaire, mais aussi dans les champs social et médico-social. Dans « Haute autorité de santé », il faut donc entendre la notion de « santé » telle qu'elle est définie par l'Organisation mondiale de la santé : « La santé est un état de bien-être complet, mental, physique et social ».

Il existe près de 40 000 établissements sociaux et médico-sociaux ; or il est demandé à la HAS de procéder à leur évaluation. Celle-ci se fait par l'intermédiaire d'organismes accrédités, mais vous mesurez l'ampleur de la tâche, sachant que le spectre s'étend des centres d'action médico-sociale précoce jusqu'aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) en passant par les centres d'accueil pour demandeurs d'asile.

Je cite une autre modification importante : la prise en compte de la e-santé, ou santé numérique. À compter du 1er janvier 2024, la HAS - c'est la dernière en date des nouvelles missions que lui confie le législateur - élaborera les référentiels relatifs à la qualité et à l'accessibilité de la téléconsultation et proposera une évaluation des sociétés de téléconsultation.

Le champ d'action de la HAS est donc colossal. Voyez son rapport d'activité : près de 600 produits de santé évalués l'année dernière, 30 indicateurs de qualité, certification des établissements de santé, mise en place de la procédure d'évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux - il y a de quoi être impressionné.

Où pourrait en être la HAS d'ici dix à quinze ans, bien au-delà du mandat d'un président ou d'un collège ? Il est évident qu'elle remplira les missions que vous lui aurez assignées, mesdames, messieurs les sénateurs. Je mentionnerai, à ce propos, deux propositions de loi qui font l'actualité : l'une, sur l'accès aux soins, a connu une CMP conclusive et confie de nouvelles missions à la HAS, concernant notamment les infirmiers en pratique avancée ; l'autre, sur le bien vieillir, contient également des dispositions qui intéressent la HAS. Je note d'ailleurs que ces nouvelles missions sont créées, dans le premier de ces deux textes, par modification du code de la santé publique et, dans le second, par modification du code de l'action sociale et des familles. Or, je l'ai dit, la disposition fondamentale qui régit l'action de la HAS se trouve dans le code de la sécurité sociale... Il serait bon que des dispositions « miroirs » soient introduites dans ce dernier code pour tenir compte des ajouts codifiés dans les deux autres.

Si nous raisonnons à dix ou quinze ans, nous pouvons anticiper un renforcement de la place des usagers et des patients dans l'expertise. Cette place a déjà été considérablement renforcée. D'ailleurs, le règlement européen de 2021 sur l'évaluation des technologies de santé fait état de cette nécessité d'une coopération forte avec les patients. Ceux-ci apportent un autre savoir, le fameux savoir de l'expérience ; il faut prendre en considération leur parole.

Un renforcement de l'expertise en sciences humaines et sociales me semble également indispensable : que les experts de ces domaines aient toute leur place dans la construction des avis de la HAS me paraîtrait assez légitime.

Si je suis nommé président de la Haute Autorité de santé, je souhaite donc que, lors du prochain renouvellement d'experts, nous examinions la place des patients et des chercheurs en sciences humaines et sociales afin qu'ils soient clairement représentés.

Une deuxième question est toujours posée à propos du travail colossal que réalise la HAS et des recommandations qu'elle formule : c'est celle de leur impact. En d'autres termes, le professionnel de santé applique-t-il ces recommandations qui ont trait à la pertinence des soins ? A ainsi été installée au sein de la HAS une commission d'impact des recommandations. Il faut que ses recommandations soient simples, lisibles, accessibles, brèves, pour que le praticien ait le temps de s'en emparer.

Par ailleurs, nous devons nous appuyer sur les sociétés savantes ; or celles-ci, lorsqu'elles élaborent des recommandations, ne respectent pas forcément les règles très strictes auxquelles se conforme la HAS en ce qui concerne les liens d'intérêt, voire les conflits d'intérêts. La HAS doit se donner les moyens de labelliser des recommandations issues des sociétés savantes, ce qui veut dire veiller à l'application stricte par ces dernières de la charte mise en place par la Haute Autorité.

De surcroît, il faut que ces recommandations soient enseignées en formation initiale, ce qui suppose un contact avec les facultés de santé et les instituts de formation en santé, et il faut que soit organisé un suivi tout au long de la vie professionnelle du soignant, dans le cadre du développement professionnel continu (DPC), voire de la certification périodique des professionnels de santé.

Troisième point : celui de l'analyse prospective. Chaque année, la HAS doit remettre au Parlement et au Gouvernement un rapport annuel d'activité qui doit comporter une analyse prospective assortie de propositions d'évolution du système de santé sur les plans de la qualité, de l'efficience et de l'efficacité - cette mesure est issue de la LFSS pour 2018. Le dernier rapport publié portait sur l'expertise en situation de crise.

Si l'on se projette à dix ou quinze ans, il me semble nécessaire qu'au moins une fois dans la vie d'un collège, autrement dit tous les six ans, un rapport soit fait pour identifier les grandes innovations - n'oublions pas que la HAS « instruit » ces innovations au travers de sa commission de la transparence et de sa commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS). La HAS doit pouvoir envisager les conséquences probables de ces innovations, dans la durée, sur l'organisation du système de santé et l'évolution de l'accès aux soins. Elle ne peut le faire seule : elle doit le faire en lien avec l'Agence de l'innovation en santé, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), l'Inserm, le CNRS. Je souhaite qu'un tel rapport soit remis en 2025.

Quatrième point : la HAS a appris, avec la pandémie, à travailler en situation d'urgence, alors qu'elle se cantonnait auparavant au temps de l'expertise. Il faut qu'elle ait la capacité d'adapter ses délais en faisant plusieurs choses à la fois : répondre à des demandes de grande urgence - je pense par exemple au virus Monkeypox : la HAS a été capable d'émettre des recommandations en quelques semaines -, travailler sur le temps long et, entre les deux, mener des études flash, qui peuvent être demandées sur divers sujets. Il faut donc une formalisation des procédures et une communication appropriée selon le type de demande et le délai attendu.

Au chapitre des points à envisager si l'on raisonne à dix ou quinze ans, je citerai un cinquième sujet : l'Europe. L'entrée en vigueur du règlement européen de 2021 sur l'évaluation des technologies de santé signifie que la HAS, qui est une des très grandes agences européennes dans ce domaine, sera très sollicitée. Les procédures relatives à l'évaluation clinique commune sont beaucoup plus lourdes que celles qui régissent les instructions actuellement réalisées : la charge de travail s'en trouvera accrue. D'ailleurs, la présidente Le Guludec siégeait, en tant que vice-présidente, dans le comité qui prépare la mise en oeuvre de cette réglementation ; je souhaite prendre sa suite, car il me paraît essentiel que la France soit présente dans l'élaboration des procédures et des méthodes de l'évaluation clinique commune.

Dernier point : l'international. La loi de 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a accordé une nouvelle faculté à la HAS, celle d'entreprendre des actions de coopération internationale. La place de la HAS est aussi de faire connaître ses méthodes, de les promouvoir et d'encourager d'autres pays à les adopter.

J'en viens à la façon dont je conçois la fonction de président de la Haute Autorité de santé.

Il s'agit d'une double présidence exécutive : le président du collège de la HAS est le président de la HAS. En tant que président de l'autorité publique indépendante, il nomme le directeur général et les présidents des commissions spécialisées. En tant que président du collège, il préside un collège de huit membres nommés par cinq personnalités : le Président de la République nomme le président et le président du Sénat, le président de l'Assemblée nationale et le président du Conseil économique, social et environnemental nomment chacun un membre ; le ministre chargé de la santé et de la sécurité sociale désigne quant à lui quatre membres.

Le rôle du président est de hiérarchiser et de prioriser les dossiers : avis de la commission de la transparence et de la CNEDiMTS en vue du remboursement, certification d'établissements, etc. Il est le garant d'une vision intégrée des actions au sein du collège : le spécialiste d'un domaine ne doit pas parler que de ce domaine. En tant qu'ancien PU-PH, mon expérience de la santé devrait m'aider dans cette tâche.

La HAS a été créée en vue de la régulation du système de santé. Il faut donc avoir, pour la présider, une bonne connaissance des enjeux de ladite régulation. Or j'ai été corapporteur des quatre derniers PLFSS au Conseil d'État.

Que le président préside la HAS ou le collège de la HAS, il doit garantir l'indépendance de l'institution : les membres d'une autorité publique indépendante ou d'une autorité administrative indépendante ne doivent ni solliciter ni recevoir d'instruction d'aucune autorité extérieure. Tout en étant très strict sur le respect de cette indépendance, je plaide pour un dialogue permanent et très fluide avec l'ensemble des interlocuteurs, ministère, assurance maladie, patients, usagers, professionnels de santé, Parlement. Le Conseil d'État revendique et garantit sa propre indépendance, mais sait la concilier avec l'intérêt général ; voilà ce que j'y ai appris. Chaque avis est bien sûr rendu en toute indépendance, mais l'intérêt général s'observe aussi dans l'agenda, dans le calendrier, dans le choix de traiter en priorité telle ou telle demande, qui ne souffre aucune compromission.

Garantir l'indépendance, c'est aussi prévenir tout ce qui relève des conflits d'intérêts. Je préside depuis quatre ans le collège de déontologie de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et suis également référent déontologue du CHU de Bordeaux. La prévention des conflits d'intérêts, c'est le quotidien du déontologue. Sur ce sujet, qui est déjà parfaitement traité au sein de la HAS, je serai extrêmement vigilant.

La HAS est une autorité publique indépendante à caractère scientifique. Le président doit donc aussi garantir la qualité et la rigueur scientifique des expertises, c'est-à-dire des experts. J'ai siégé neuf ans au comité national de la recherche scientifique, qui recrute et évalue les chercheurs du CNRS ; j'ai donc acquis une certaine compétence en ce domaine.

Je dis enfin un mot sur les moyens de la HAS. La HAS compte 450 agents et 1 600 experts rémunérés contribuent à ses travaux. J'accorde la plus grande importance à la qualité des conditions de travail et du dialogue social. Même si les fonctions afférentes sont plutôt assurées, au quotidien, par le directeur général, je prendrai très rapidement langue, si je suis nommé, avec les représentants du personnel. Sur le plan des moyens, la question qui se pose est celle du plafond d'emploi, qui est aujourd'hui saturé.

Je rappelle que nous en sommes, en vingt ans, à la trentième version de l'article définissant les missions de la HAS. Or sa dotation, votée en PLFSS, est de l'ordre de 54 millions d'euros par an, quand ses charges s'élèvent à 72 millions d'euros environ. La HAS a disposé d'un fonds de roulement important à l'époque où lui étaient reversées des taxes et une redevance émanant des industriels, qu'elle ne perçoit plus depuis 2014. À la fin de l'année 2023, il ne restera plus de marge sur ce fonds de roulement ; en revanche, il manquera près de 20 millions d'euros pour boucler son budget. Je ne peux donc que souhaiter qu'un rebasage des moyens attribués à la HAS soit décidé dans le cadre de l'examen du prochain PLFSS.

Mme Catherine Deroche, présidente, rapporteure. - Mme Le Guludec a aussi évoqué, à la fin de son mandat, cette question des moyens ; il est bon de l'évoquer en début de mandat.

Compte tenu des conditions de nomination du président de la HAS, compte tenu également de vos précédents postes, est-il facile, quand on occupe une telle fonction, de conserver son indépendance ?

Comment voyez-vous la coopération avec les autres autorités ou agences existantes ? Le paysage est-il clair ou confus ?

Un mot sur la notion de certification : vous avez été PU-PH ; quels sont selon vous les chantiers prioritaires ? En 2008, la HAS avait publié un rapport sur le recours à l'hôpital. Y a-t-il en la matière un modèle français à défendre ou à transformer ?

Le Président de la République a annoncé une réforme du financement des établissements de santé. Dans notre rapport sur l'hôpital, nous avions envisagé un maintien du financement à l'activité pour certaines catégories faciles à financer par ce biais, couplé à des financements populationnels et à un financement à la qualité. Reste que le bilan des incitations financières à l'amélioration de la qualité (Ifaq) est mitigé. Comment valoriser la qualité sans créer une usine à gaz ?

En matière d'innovation, on parle beaucoup du service médical rendu (SMR), de l'amélioration du service médical rendu (ASMR), des délais de traitement - je vous renvoie sur ce point à l'audition qui a eu lieu la semaine dernière à la demande d'Annie Delmont-Koropoulis, présidente du groupe d'études Cancer. Comment comptez-vous renforcer la réactivité de la HAS ? Il est souvent question de la difficulté à évaluer les médicaments innovants en l'absence de comparateurs...

Vous avez dit que vous seriez vigilants quant à la prévention des conflits d'intérêts ; mais comment asseoir un avis s'il est rendu par des experts qui connaissent mal la pathologie ou le traitement proposé ?

M. Lionel Collet. - Je commence par vous répondre sur l'indépendance. J'ai présidé l'université Claude-Bernard Lyon 1 ainsi que, pendant le mandat du président Sarkozy, qui fut à l'origine de la grande réforme dite d'autonomie des universités, la conférence des présidents d'université ; et vous savez combien ces derniers sont soucieux de leur indépendance. J'ai toujours adopté, dans le cadre de ces fonctions, une position de totale indépendance, tout en travaillant, autant que possible, à la réussite de cette réforme.

J'ai évoqué le Conseil d'État : c'est pour moi le modèle de l'indépendance. Je m'engage à appliquer ce strict modèle : indépendance des avis, dialogue le plus fluide possible.

Pour ce qui est de la coopération avec les autres agences, le paysage français des agences est fourni, le Sénat le sait bien pour avoir, dans le passé, émis des recommandations qui avaient notamment conduit à la création de Santé publique France, regroupement de trois agences. J'ai été le premier président du conseil d'administration de Santé publique France, puisque j'avais auparavant présidé deux de ces trois structures.

Le paysage est-il bien découpé ? Il l'est, globalement. L'ANSM délivre les autorisations de mise sur le marché ; la HAS intervient ensuite. Pour ce qui est du nombre d'agences, je me contenterai de noter qu'un travail de rationalisation a été accompli. Ainsi l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) est-elle issue de la fusion de deux agences. Quant à la coopération, je la souhaite très fluide. J'ai déjà pris contact avec la directrice générale de l'ANSM et avec le directeur général de l'Anses, et bien sûr avec la directrice générale de Santé publique France.

Vous soulevez la question du financement des établissements de santé. La HAS ne se prononce pas sur le modèle de financement, mais peut se prononcer sur les indicateurs de qualité retenus pour éclairer la décision. Le Président de la République a annoncé son souhait de reconsidérer la T2A, la fameuse tarification à l'activité.

Je vous suis totalement, madame la présidente, sur le fait qu'il faut introduire du financement à la qualité dans le financement des établissements, et ce de manière significative. Cela veut dire identifier les indicateurs de pertinence des soins avant de poser la question de la rémunération de la qualité, qui n'est pas la question à laquelle doit répondre la HAS. Vous avez raison : l'Ifaq est insuffisante.

Quid du SMR, de l'ASMR et des délais de traitement ? J'ai coordonné le Conseil stratégique des industries de santé (Csis) de 2016. À l'époque, les industriels trouvaient que la commission de transparence de la HAS travaillait dans des délais beaucoup trop longs. Désormais, les industriels reconnaissent tous que la partie qui relève de la HAS a été considérablement raccourcie : la question ne se pose plus sur ces délais-là.

Vous soulevez un problème beaucoup plus complexe, celui de l'évaluation des produits innovants, pour lesquels il peut ne pas y avoir de comparateurs et qui exigent le recueil de données en vie réelle. Comme vous le savez, en la matière, la doctrine de la commission de la transparence a évolué, même si le modèle de référence reste la randomisation. Rigueur scientifique et données probantes sont incontournables, mais l'appréciation de la présomption d'innovation laisse toujours une marge d'incertitude. Cela peut nous aider, à cet égard, de consulter des experts en sciences humaines et sociales, car, en matière d'innovation, il faut gérer l'incertitude.

À force d'être très strict sur les liens d'intérêt, n'exclut-on pas les bons experts ? J'ai le souvenir d'un industriel qui me disait qu'un expert sans lien d'intérêt ne présente pas d'intérêt. Mais la HAS a toujours su trouver des experts, quel que soit le dossier. J'ajoute qu'un expert ayant des liens d'intérêt, et même des conflits d'intérêts, peut être auditionné - on ne doit pas se priver de sa compétence ; simplement, il ne peut prendre part à l'expertise, c'est-à-dire au processus de décision.

Mme Laurence Rossignol. - Vous avez cité deux PPL qui modifient ou élargissent le champ de compétence de la HAS. Je me suis étonnée qu'à cette occasion vous ne citiez pas cette troisième proposition de loi qu'est la PPL relative à l'instauration d'un ratio de soignants par patient hospitalisé, adoptée très largement par le Sénat. Qu'en pensez-vous ?

Sauf inattention de ma part, je n'ai pas entendu quoi que ce soit, dans vos propos, sur la santé mentale, qui me semble un sujet majeur.

Vous avez évoqué l'indépendance à l'égard des institutions, qui est pour vous un principe éthique et une manière d'agir dans toutes vos fonctions. Mais se pose aussi un problème d'indépendance à l'égard de courants de pensée très partagés.

À cet égard, le récent rapport du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) sur la surmédicalisation des enfants montre que les troubles du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) sont désormais beaucoup traités par voie médicamenteuse. La HAS pourrait-elle se pencher sur ce sujet ?

Un autre sujet assez délicat mériterait d'être approfondi : celui des bloqueurs de puberté, traitements hormonaux utilisés sur des mineurs. Que l'on soit pour ou que l'on soit contre, un avis sanitaire plus élaboré serait utile.

M. Bernard Jomier. - Il existe un déontologue à la HAS depuis 2015 ou 2016. Les liens d'intérêt sont inévitables : il ne saurait y avoir, dans notre petit pays, dissociation complète entre l'expertise et les liens d'intérêt ; mais la question est bien celle des conflits d'intérêts. Depuis, des procédures ont été ouvertes à l'issue desquelles la HAS a été désavouée : je pense à une plainte déposée au pénal par l'association Anticor sur des questions d'endocrinologie. Voici ce que l'un des experts mis en cause avait alors déclaré : « C'est vraiment invraisemblable d'être épinglé pour un travail bénévole effectué par la HAS ». À l'époque, la HAS avait indiqué qu'elle était « tributaire des outils de prévention et de gestion des liens d'intérêt disponibles, qu'elle intègre au fur et à mesure de ses procédures ». Je salue le travail du déontologue, mais comment perfectionner ses interventions ?

Il semblerait par ailleurs que le déontologue ait une place informelle dans l'élaboration des méthodes de travail de la HAS. Envisagez-vous un développement de ce pan de son action ?

Vous avez mentionné les sciences humaines et sociales, auxquelles vous êtes attaché. Beaucoup de nos collègues sont convaincus que la HAS n'appuie ses avis que sur la science « dure ». Or, nous avons pu le constater en auditionnant Dominique Le Guludec, bien d'autres éléments, des éléments de contexte, sont entrés en ligne de compte dans la rédaction de l'avis sur les obligations vaccinales. Le rôle du politique étant justement d'intégrer les questions d'acceptation par la société, donc les sciences humaines et sociales, dans la construction de la décision, comment allez-vous faire, en tant que président de la HAS, pour ne pas remplir notre mandat à notre place et pour ne pas émettre des avis qui seraient par essence des avis politiques ?

Une remarque, pour conclure : vous vous satisfaites du nombre d'agences ; or pareille vision optimiste de l'écosystème actuel des agences, en dépit des récents regroupements, n'est pas tout à fait ce qui ressort des rapports sur la crise du covid-19, y compris de celui du ministère, qui n'avait pas été publié.

Mme Corinne Imbert. - Je souhaite revenir sur l'indispensable coordination, même hors crise, entre les différents organismes d'expertise publique en matière de santé. Comment envisagez-vous la pérennisation et la « mise en musique » de cette coordination qui s'est construite au moment de la pandémie ?

Vous allez, si vous êtes nommé, écrire le prochain projet stratégique de la HAS. Vous limiterez-vous aux sujets que vous avez évoqués, c'est-à-dire au renforcement de la place des usagers et de l'expertise en sciences humaines et sociales, ou allez-vous d'ores et déjà y inclure les éléments de votre vision à dix ans ?

Enfin, la Haute Autorité de santé est-elle suffisamment connue ou comprise par nos concitoyens ? Est-elle suffisamment reconnue par ses instances homologues ?

M. Lionel Collet. - Madame la sénatrice Rossignol, je n'oublie absolument pas la proposition de loi de votre collègue Bernard Jomier. Je rappelle que je ne suis intervenu que pour évoquer les trente versions qui se sont succédé en vingt ans en matière de codification des missions de la HAS. J'ai cité deux PPL récentes, mais j'aurais pu aussi bien mentionner le texte auquel vous faites référence, puisque vous y chargez la HAS d'émettre un avis sur les ratios de soignants par patient ainsi établis.

Vous abordez la question de la santé mentale ; je n'ai traité, dans mon propos, aucune pathologie en particulier. Oui, ce sujet doit tous nous préoccuper, non seulement parce qu'il s'agit du premier poste de dépenses de l'assurance maladie, mais parce qu'il y va d'une question humaine fondamentale. Ma première spécialité, vous le savez peut-être, fut la psychiatrie. Avant d'avoir jamais eu l'occasion d'exercer, je me suis orienté vers les neurosciences sensorielles ; mais mon intérêt pour ce domaine est certain.

Vous soulevez le problème de la surconsommation ; c'est une question importante de santé publique. La HAS, en cette matière, ne peut intervenir que dans le cadre de recommandations de bonnes pratiques professionnelles. La HAS peut s'autosaisir, mais le nombre de recommandations proposées par les conseils nationaux professionnels va déjà bien au-delà de ce qu'elle a les moyens de faire en une seule année. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles je souhaite que nous associions bien davantage les sociétés savantes à la conduite de nos travaux, à condition de régler la question des conflits d'intérêts. Je ne dirai pas autre chose à propos des traitements hormonaux des mineurs.

Monsieur le sénateur Jomier, vous avez évoqué le travail du déontologue de la HAS, qui est absolument considérable - il se trouve que j'ai écrit hier à M. Robert Gelli pour lui dire que, selon moi, son travail représentait davantage qu'un mi-temps d'activité. Ce travail n'a pas empêché les recours contre certains avis de la HAS, certes, mais, soyons honnêtes, ceux-ci ont été très rares. Je peux simplement dire que nous ferons tout pour les éviter ; il faut, quoi qu'il en soit, rapporter leur nombre à la masse des avis rendus...

Renforcer l'expertise en sciences humaines et sociales, n'est-ce pas entrer dans le domaine du politique ? La rigueur scientifique s'applique aux sciences biologiques et médicales, que vous qualifiez de « dures » bien que, d'ailleurs, elles ne soient pas si dures que cela : la rigueur méthodologique s'assortit de résultats le plus souvent statistiques, qui démontrent une efficacité, mais sans certitude complète, puisqu'il s'agit toujours d'évaluer une balance bénéfices-risques. Il faut donner une place, dans les avis de la HAS, à l'expertise des chercheurs en sciences humaines et sociales ; cela ne veut d'aucune façon dire que la Haute Autorité se substituerait au politique : au contraire, elle met cette expertise sur la table pour évacuer tout problème. Ensuite, c'est le politique qui décide. N'oublions pas que la HAS est une aide à la décision : elle n'est pas le décideur.

Madame la sénatrice Imbert, vous m'interrogez sur la coordination entre les différents organismes sanitaires. Oui, il faut la pérenniser. La véritable question est la suivante : qui doit l'organiser ? J'ai le souvenir d'une époque où, sous l'égide du directeur général de la santé, une réunion des responsables d'agence avait lieu régulièrement. La coordination centrale est d'ordre politique ; elle relève de l'exécutif.

Dans le cadre de l'élaboration du futur projet stratégique - le projet actuel vaut pour la période 2018-2024 -, je ne me limiterai pas aux quelques points que j'ai évoqués. Je souhaite par exemple un rapprochement et une intégration des approches entre la certification des établissements de santé et l'évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux.

La HAS est-elle suffisamment connue des citoyens ? J'ai annoncé à l'un de mes amis médecins que j'étais proposé à la présidence de la HAS ; il m'a demandé ce qu'était la HAS... Un travail d'information et de communication est donc nécessaire.

Mme Florence Lassarade. - Les médecins sont, en bout de chaîne, les exécutants des préconisations de la Haute Autorité de santé, lesquelles sont d'ailleurs attendues avec intérêt par le corps médical. La HAS est-elle perçue par les médecins comme une aide ou comme une contrainte ?

Concernant les vaccins, en tant que pédiatre, je me préoccupe beaucoup du peu d'intérêt de la population et des médecins pour le vaccin contre le papillomavirus. Comment, à ce sujet, améliorer l'incitation et la communication ?

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) a commis un rapport sur les effets secondaires des vaccins et souligné des effets qui avaient été peu commentés - je pense aux problèmes de menstruation. Arrive-t-il à la HAS de s'appuyer sur les travaux de l'Opecst ?

Considérez-vous - c'est ma dernière question - que la maladie d'Alzheimer est une « urgence lente » ? J'ai visité récemment, à Bordeaux, l'Institut des maladies neurodégénératives ; dans ce domaine, le progrès que peut apporter le lecanemab est-il suffisamment pris en compte ? En matière d'autorisation de certains traitements innovants, ne faut-il pas aller plus vite que la musique pour répondre aux attentes de la population ?

M. Daniel Chasseing. - Le rôle du président de la HAS est de prioriser les dossiers ; vous avez cité notamment le renforcement de l'évaluation médico-sociale. En 2020, nous avons voté pour que la prise en charge de la dépendance des personnes âgées soit améliorée, mais celle-ci reste insuffisante - je pense en particulier aux Ehpad. Le nombre d'aide-soignantes et d'infirmières doit augmenter pour répondre aux besoins, mais la question de l'attractivité de ces métiers se pose avec acuité.

Nous allons discuter prochainement d'une proposition de loi sur la fin de vie. La convention citoyenne a mis en avant le rôle essentiel des soins palliatifs, dont le développement ne nécessite aucune loi nouvelle ; or, dans ces services essentiels, on manque souvent de personnels. Cette question doit-elle selon vous être traitée en priorité ?

Mme Michelle Meunier. - Comment comptez-vous procéder pour assurer une meilleure prise en compte des expertises relevant des sciences humaines et sociales ?

Un mot sur l'activité physique adaptée pour personnes âgées : la loi du 2 mars 2022 a élargi le droit à l'activité sportive sur ordonnance et les décrets sont parus le 30 mars dernier, élargissant notamment le corps des médecins prescripteurs. Comptez-vous émettre de nouvelles recommandations eu égard à cette évolution législative ? Avez-vous déjà réalisé une étude d'impact ?

Vous souhaitez simplifier et rendre plus lisibles vos recommandations afin d'améliorer leur application par les professionnels ; comment comptez-vous concrètement vous y prendre ?

Mme Annick Jacquemet. - La semaine dernière, nous avons auditionné Dominique Le Guludec et l'avons interrogée notamment sur le rapport d'analyse prospective 2022, consacré à l'expertise publique en santé en situation de crise. Que vont devenir les recommandations du rapport ? La HAS en assurera-t-elle le suivi ?

Je suis membre de la commission d'enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l'industrie pharmaceutique française. Dominique Le Guludec a aussi été auditionnée dans ce cadre, le 9 février dernier. J'ai bien noté que la HAS n'était pas directement responsable ni du suivi ni de la gestion des pénuries ; elle est toutefois chargée d'évaluer le service attendu des médicaments et d'émettre des avis sur leurs conditions de prescription ou d'utilisation. Avez-vous déjà travaillé sur ce défi que représente la gestion des pénuries de vaccins ou de médicaments ? Quelle est votre vision de la pénurie de médicaments ? Quel rôle la HAS peut-elle jouer en la matière ?

M. Lionel Collet. - Madame la sénatrice Lassarade, je n'ai pas cité les médecins. La Haute Autorité de santé s'intéresse à la santé, donc à l'ensemble de la population et à l'ensemble des professionnels de santé. Je n'ai jamais été doyen de médecine : avant d'être président d'université, je dirigeais, au sein de l'université Lyon 1, l'Institut des sciences et techniques de la réadaptation, qui forme aux métiers paramédicaux de la rééducation, orthophonistes, kinésithérapeutes, etc. Ma conviction est qu'il faut le plus possible rapprocher l'ensemble des métiers de la santé.

Les recommandations de la HAS n'ont pas vocation à contraindre : elles font un état des lieux des bonnes pratiques ; le professionnel de santé doit s'en emparer. Je souhaite que soit élaboré un résumé par recommandation. Et je souhaite qu'à chaque étape, formation initiale, DPC, certification périodique, des formations de mise à jour soient organisées.

Je connais bien les travaux de l'Opecst - j'ai exercé les fonctions de directeur de cabinet de Mme Geneviève Fioraso qui, avant d'être nommée ministre, était membre de l'Office. En tant que médecin, je n'ai aucun doute sur la nécessité de la vaccination contre le papillomavirus, pour des raisons de prévention des cancers.

La maladie d'Alzheimer est un sujet de société majeur ; cela devient trivial de le dire compte tenu du vieillissement de la population. J'ai eu l'occasion de discuter récemment avec un neurogériatre ; je lui ai demandé s'il existe des médicaments innovants dont il considère qu'ils apportent une révolution dans la prise en charge de cette maladie. Il m'a signalé l'existence du médicament que vous évoquez, utilisé notamment aux États-Unis, mais s'est montré extrêmement critique quant à son véritable effet. Ma position est qu'il faut laisser les experts, en l'occurrence, pour ce qui concerne la HAS, les experts de la qualité, se prononcer. Lorsqu'il a été décidé de dérembourser les médicaments « anti-Alzheimer », la question a été soulevée d'un risque de démédicalisation de cette maladie ; les pouvoirs publics doivent indiscutablement prendre en compte cette dimension.

Monsieur le sénateur Chasseing, sur l'attractivité des métiers, malheureusement, la HAS n'intervient pas. Chacun connaît les difficultés de recrutement rencontrées dans beaucoup de professions de santé : c'est une question majeure, mais une question éminemment politique, qui n'est pas du ressort de la HAS.

Madame la sénatrice Meunier, concernant la prise en compte des patients et des usagers, nous avons beaucoup d'interlocuteurs à solliciter, à commencer par les associations de patients, en prenant garde aux liens d'intérêt. Dans le domaine des sciences humaines et sociales, les choses sont relativement simples : nous avons des interlocuteurs naturels, notamment au CNRS.

En matière d'activité physique adaptée, faut-il de nouvelles recommandations ? Il s'agit d'un sujet parmi bien d'autres ; encore faut-il que nous en soyons saisis, après quoi nous pourrons décider s'il faut le traiter en priorité.

Madame la sénatrice Jacquemet, dans la prévention et la gestion de la pénurie de médicaments, comme vous l'a dit Mme Le Guludec, la HAS n'a pas de responsabilité ni de rôle. Comme tout citoyen, je m'inquiète de voir des médicaments qui n'ont vraiment rien d'innovant en situation de rupture - paracétamol pédiatrique, amoxicilline. Mais cela fait très longtemps que ces médicaments, comme les curares utilisés en chirurgie, ont été évalués... La HAS peut simplement alerter sur la pertinence des soins lorsque certains produits sont manquants.

Mme Catherine Deroche, présidente, rapporteure. - Merci beaucoup, monsieur Collet. Nous vous libérons pour que vous puissiez rejoindre l'Assemblée nationale, où vous répéterez l'exercice avec nos collègues députés.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.

Vote sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Lionel Collet aux fonctions de président de la Haute Autorité de santé

Mme Catherine Deroche, présidente, rapporteure. - Nous avons procédé à l'audition de M. Lionel Collet, dont la nomination par le Président de la République est envisagée pour exercer les fonctions de président du collège de la HAS.

Nous allons maintenant procéder au vote sur cette proposition.

Ce vote se déroulera à bulletin secret, comme le prévoit l'article 19 bis du Règlement du Sénat. En application de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, les délégations de vote ne sont pas autorisées.

Je vous rappelle que le Président de la République ne pourra pas procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.

Il est procédé au vote.

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à favoriser l'accompagnement des couples confrontés à une fausse couche - Examen du rapport et du texte de la commission

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

Mme Catherine Deroche, présidente. - Notre ordre du jour appelle l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à favoriser l'accompagnement des couples confrontés à une fausse couche.

M. Martin Lévrier, rapporteur. - Une femme sur dix au cours de sa vie subit une interruption spontanée de grossesse (ISG), faisant de ce traumatisme le premier motif de consultation aux urgences gynécologiques. Ce moment de vie crée de l'anxiété ou des symptômes dépressifs chez plus du tiers des personnes qui le traversent. Pour autant, il n'a jamais été considéré comme une priorité de santé publique.

De fait, cette réalité que j'évoque devant vous aujourd'hui est discrète. Insuffisamment sensibilisées, certaines femmes éprouvent parfois un sentiment de honte, d'autres de la culpabilité. La plupart peinent à l'évoquer, souvent par crainte que le chagrin et l'angoisse qu'elles peuvent traverser ne soient minimisés, banalisés. Chaque année, 200 000 Françaises y sont confrontées avant la 22e semaine d'aménorrhée. On parle alors de « fausse couche ». D'autres termes pourraient leur être préférés, j'y reviendrai.

La proposition de loi que nous examinons ce matin a été déposée par la députée Sandrine Josso, et adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Les cinq articles qu'elle contient entendent renforcer l'accompagnement et l'information des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse.

L'article 1er A, ajouté par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, fait obligation aux agences régionales de santé (ARS) de mettre en place, d'ici au 1er septembre 2024, un « parcours fausse couche » associant médecins, sages-femmes et psychologues. Celui-ci doit avoir pour objectif d'améliorer le suivi médical et, surtout, psychologique des patientes comme de leur partenaire, de systématiser leur information et de renforcer la formation des professionnels impliqués.

La mise en place de ces parcours devra se fonder sur un recensement des initiatives existant dans chaque territoire et des professionnels d'ores et déjà impliqués dans le suivi des patientes.

Parce qu'elles conduiront les professionnels médicaux à s'organiser sur le territoire et à mieux tenir compte du besoin d'accompagnement, même psychologique, des couples victimes d'une interruption spontanée de grossesse, je vous proposerai d'adopter ces dispositions.

Je vous soumettrai néanmoins deux amendements. Le premier visera à renforcer les objectifs assignés aux parcours en matière d'information des patientes : il s'agit d'un enjeu essentiel, souligné par l'ensemble des acteurs auditionnés. Le second visera à renommer les parcours, pour préférer à l'expression « fausse couche », jugée stigmatisante et négative par les associations, celle d'« interruption spontanée de grossesse », plus neutre et plus juste médicalement. Je vous proposerai d'ailleurs d'apporter la même modification à l'intitulé de la proposition de loi.

L'article 1er B, ajouté par amendement gouvernemental en séance à l'Assemblée nationale, lève le délai de carence applicable à l'indemnisation des congés maladie pris consécutivement à une interruption spontanée de grossesse.

Aujourd'hui, une assurée du régime général confrontée à une fausse couche et dont l'état de santé nécessite un arrêt de travail n'est indemnisée qu'à compter du quatrième jour. Lorsque l'arrêt maladie, parfois nécessaire au vu des souffrances physiques et psychiques rencontrées, se fait au prix de l'abandon de 10 % de son salaire mensuel, il devient un luxe que peu peuvent se permettre. Pour celles qui ne peuvent se l'accorder, en outre exposées à des situations professionnelles embarrassantes, stressantes, voire parfois traumatisantes, les perspectives de reconstruction saine sont considérablement grevées.

En permettant, comme à la suite d'une mort foetale in utero, une indemnisation dès le premier jour d'arrêt, le dispositif, plébiscité lors de l'ensemble des auditions que j'ai conduites, desserre les contraintes financières s'opposant au recours à l'arrêt de travail et constitue une reconnaissance symbolique de la légitimité de la souffrance occasionnée par un arrêt spontané de grossesse, encore trop souvent banalisée.

Pour atteindre pleinement son objectif, le dispositif qui ne concerne à ce stade qu'une partie des assurées doit être universalisé : j'y reviendrai lorsque j'évoquerai l'amendement que je proposerai pour élargir son bénéfice aux indépendantes. En raison des règles de recevabilité financière, je n'ai pas pu amender le dispositif pour l'ouvrir aux non-salariées agricoles, dernier régime à ne pas être couvert, mais j'ai appelé le Gouvernement à amender le texte en séance en ce sens. Naturellement, je vous inviterai donc à voter en faveur de cet article ainsi amendé.

L'article 1er vise à permettre aux sages-femmes d'adresser à un psychologue conventionné, dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy, leurs patientes et, dans les cas d'interruption spontanée de grossesse, leur partenaire.

Lancé en avril 2022, MonParcoursPsy peine à se déployer : moins de 10 % des psychologues concernés, libéraux ou salariés d'un centre de santé, y participent et moins de 80 000 patients en ont bénéficié en 2022, un niveau très inférieur aux besoins identifiés.

C'est pourquoi j'ai pensé vous soumettre un amendement visant à recentrer cette mesure sur l'objet de la proposition de loi, en réservant l'adressage par les sages-femmes aux troubles psychologiques liés à la grossesse, à son interruption ou aux suites de l'accouchement. Ce périmètre incluait tant les troubles consécutifs à une interruption spontanée de grossesse que la dépression du post-partum, qui touche entre 10 et 15 % des jeunes mères et que les sages-femmes détectent à l'occasion de l'entretien post-natal.

Cette nouvelle compétence étant toutefois très attendue de la profession, j'ai préféré renoncer à cet amendement qui risquait de lui adresser un mauvais signal. Je souhaite néanmoins que le dispositif MonParcoursPsy soit rapidement évalué, afin d'identifier les moyens d'encourager la participation des psychologues et de faire bénéficier du dispositif les patients en ayant le plus besoin.

L'article 1er bis entend améliorer le suivi médical des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse en faisant obligation aux médecins et sages-femmes impliqués dans leur prise en charge d'informer leurs patientes des possibilités de traitement et de leurs implications, de leur proposer une prise en charge en établissement de santé et un nouvel examen médical dans les quatre semaines suivant le premier.

La prise en charge médicale des patientes concernées est déjà strictement encadrée. La loi de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a consacré le droit de tous les patients à être informés des investigations, traitements et actions proposés et à prendre les décisions concernant leur propre santé. Les médecins et sages-femmes sont soumis à de nombreuses obligations déontologiques, parmi lesquelles figurent celles d'apporter une information claire, de rechercher le consentement de la patiente, de s'abstenir de lui faire courir un risque injustifié et de la soigner avec conscience et dévouement.

La prise en charge des patientes est, enfin, guidée par des recommandations de bonnes pratiques établies par les sociétés savantes. Celles-ci ne suggèrent une prise en charge hospitalière ou la réalisation d'examens complémentaires que lorsque certaines données cliniques établissent leur nécessité.

Dès lors, cet article me paraît largement satisfait, et semble contraindre inutilement les professionnels de santé. Je vous soumettrai un amendement visant à le supprimer.

L'article 1er ter consiste en une demande de rapport sur l'extension de la couverture intégrale des frais de santé de la femme enceinte au titre de l'assurance maternité dès les premières semaines de grossesse.

Aujourd'hui, l'assurance maternité offre en effet une prise en charge différenciée des frais médicaux de la femme enceinte en fonction du stade de la grossesse. Si la prise en charge intégrale des frais médicaux est cantonnée, jusqu'au cinquième mois, aux dépenses relatives à la grossesse, celle-ci est étendue à l'ensemble des frais de santé à compter du sixième mois. L'article 1er ter vise donc à orienter l'action publique vers une prise en charge intégrale, dès les premières semaines d'aménorrhée, de l'ensemble des frais de santé de la femme enceinte, que ceux-ci soient liés ou non à la grossesse.

Cependant, cette requête apparaît peu opérationnelle. Faute d'information de la sécurité sociale, elle conduirait, pour les consultations ayant eu lieu avant transmission de la déclaration de grossesse, à des remboursements rétroactifs générateurs d'une complexité opérationnelle considérable pour la sécurité sociale tout en impliquant pour la femme enceinte une avance de frais peu compatible avec l'objectif de répondre au problème, réel, du renoncement aux soins. Le tout, en présentant un caractère dispendieux que la direction de la sécurité sociale (DSS) n'a pas manqué de souligner lors de son audition.

Pour l'ensemble de ces raisons, et compte tenu de la position traditionnellement réservée de la commission à l'égard des demandes de rapport, je vous proposerai tout à l'heure de voter un amendement de suppression de cet article.

Ce texte constitue, j'en suis convaincu, une véritable avancée pour les femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse et leur partenaire éventuel. Il associe professionnels de santé et psychologues pour un accompagnement pluridisciplinaire et un suivi adapté ; il garantit une prise en charge financière plus juste pour les patientes et il prend une part active à la revalorisation symbolique des souffrances physiques et psychologiques afférentes à ce drame si commun, en rapprochant le droit applicable aux fausses couches de celui qui régit le deuil périnatal.

Toutefois, beaucoup restera encore à faire pour donner à l'interruption spontanée de grossesse la place qui devrait être la sienne dans le débat public. Il n'empêchera pas les maladroits « Tu en auras un autre » ou les malvenus « Ce n'était qu'un embryon », comme si la souffrance ressentie était strictement proportionnelle à la durée de la grossesse.

Les enjeux de formation, bien que cruciaux, ne relèvent pas du domaine législatif ; aussi sont-ils peu abordés dans ce texte. Il appartiendra donc au Gouvernement de s'inscrire dans le sillage de cette proposition de loi, et de prendre les mesures qui s'imposent.

Chaque élève devrait, lors de son parcours scolaire, être sensibilisé aux causes biologiques des interruptions spontanées de grossesse, à leurs conséquences physiques et psychiques, et aux différentes modalités d'accompagnement qui s'offrent aux couples qui y sont confrontés.

Chaque étudiant en médecine ou en maïeutique devrait recevoir une formation pratique à l'accompagnement des femmes touchées : le « bien dire » est la première étape du « bien guérir ».

Enfin, chaque patiente consultant pour une interruption spontanée de grossesse devrait recevoir un support écrit récapitulant les informations essentielles dont elle a besoin.

Nous, législateurs, ne sommes pas à même d'éradiquer la souffrance que peuvent éprouver les victimes, pas plus que nous ne sommes en mesure de leur rendre la grossesse perdue. Pour autant, nous avons aujourd'hui les moyens de leur offrir un accompagnement plus adéquat et mieux pris en charge pour leur fournir les conditions d'une reconstruction plus sereine. Ne manquons pas cette occasion.

Je vous invite donc à accorder à cette proposition de loi ainsi amendée la vaste majorité qu'elle mérite.

- Présidence de Mme Chantal Deseyne, vice-président-

M. Martin Lévrier, rapporteur. - Il me revient, en tant que rapporteur, de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère qu'il comprend des dispositions relatives à l'orientation, à la prise en charge et à l'accompagnement des femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse et de leur partenaire, celles concernant les compétences des professionnels de santé dans la prise en charge de l'interruption spontanée de grossesse, ainsi que celles relatives aux modalités d'accès à un psychologue conventionné dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy.

En revanche, je considère que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs aux compétences des professionnels de santé, hors du suivi de la grossesse et des interruptions spontanées de grossesse, au régime juridique applicable à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), à l'organisation des professions de santé et à leurs conditions d'installation, ainsi qu'à l'organisation de l'hôpital ou des structures d'exercice coordonné.

Il en est ainsi décidé.

M. Laurent Burgoa. - Au départ, certains députés de la majorité présidentielle se posaient des questions sur l'opportunité du texte, pourtant déposé dans le cadre de la niche du groupe Modem à l'Assemblée nationale. Ils se demandaient les raisons de l'initiative de leur collègue, et estimaient que le sujet n'était pas entièrement traité par les quelques articles du texte.

Je félicite le rapporteur, qui est parvenu à redonner du corps et de la force à ce texte minimal. Ce qui nous est proposé va dans le bon sens. Lors des auditions, nous avons vu que les gynécologues obstétriciens sont plutôt réservés sur ce texte, alors que les représentants des associations de femmes y sont très favorables, ce qui est tout à fait légitime. Le débat sur le remplacement de la dénomination de « fausse couche » par l'expression « interruption spontanée de grossesse » était en particulier intéressant.

Un des articles du texte renvoie vers le dispositif MonParcoursPsy. Mais la difficulté majeure, c'est que nous manquons de psychologues.

Cependant, les propositions de suppression des articles 1er bis et 1er ter vont dans le bon sens. Le rapporteur est cohérent avec les positions du Gouvernement et de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, qui y étaient opposés.

Ce texte permet de renforcer la reconnaissance symbolique accordée à l'interruption spontanée de grossesse, mais il ne représente qu'une étape ; le sujet mériterait un véritable texte, peut-être même un projet de loi. En particulier, les sages-femmes ont été un peu oubliées, alors que, compte tenu du manque de gynécologues-obstétriciens, leur travail d'accompagnement est très important. Le texte initial est pauvre en ce domaine : je déposerai des amendements pour tenter d'y remédier.

Mme Laurence Cohen. - Je remercie également le rapporteur. Ce texte peut être utile et positif pour un certain nombre de femmes et de couples, car le problème est peu abordé.

En revanche, la présentation de cette proposition de loi met en exergue les problèmes bien plus globaux de notre système de santé, notamment pour la psychiatrie, qui est plus que mise à mal. L'accompagnement psychologique est en réalité mal considéré. Si le dispositif MonParcoursPsy ne trouve que peu de volontaires, c'est qu'il a été imaginé et mis en place sans les praticiens, voire contre eux. Que l'on ne s'étonne donc pas que les postes soient vacants... Qui plus est, on impose un nombre restreint de séances aux psychologues y participant : on pourrait presque accuser le Gouvernement de mettre en place un soutien psychologique low cost ! S'il y a beaucoup de postes de psychologues vacants, c'est parce que, malgré leurs années d'études, les psychologues ont des salaires de misère, surtout quand ils veulent travailler en milieu hospitalier ou en centres médico-psychologiques (CMP). Je voulais le dénoncer. Les besoins réels des patientes et des patients ne sont donc pas pris en compte. La santé mentale nécessite plus de moyens, et une autre vision des choses.

Enfin, cher Martin Lévrier, je m'interroge sur vos propos concernant l'éducation scolaire pour expliquer les méfaits psychologiques d'une interruption spontanée de grossesse. J'espère vous avoir mal compris, car ils peuvent emporter un jugement de valeur et peut-être une remise en cause de l'IVG.

Mme Laurence Rossignol. - Voici mon ressenti - ma collègue Émilienne Poumirol entrera davantage dans le détail de la position du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sur ce texte.

Je suis partagée sur l'esprit de cette proposition de loi. D'un côté, j'identifie bien l'intérêt de lever le tabou et le silence sur les fausses couches : les femmes en parlent assez peu, beaucoup de femmes faisant une fausse couche retournent travailler. Mais d'un autre côté, je suis étonnée, voire choquée par le vocabulaire employé : « drame », « souffrance »... Les fausses couches, que je trouve très pertinent de nommer « interruptions spontanées de grossesse » par ailleurs, sont des accidents de la vie, et non systématiquement et nécessairement des drames, des traumatismes, des souffrances. Arrêtons d'associer systématiquement les femmes à la souffrance et au trauma ! Je le dis à chaque fois que l'on parle de l'IVG, et je le dirai sur l'ISG !

Monsieur le rapporteur, je vous invite donc à changer de vocabulaire : vous commencez par parler de drames, puis vous avancez que les conséquences de ces accidents seraient particulièrement douloureuses pour un tiers des femmes. Il y a donc deux tiers de femmes pour lesquelles cela reste, somme toute, un accident de la vie. Utilisons donc ce mot, pour mieux accompagner celles pour qui il y a des souffrances. Les femmes ne sont pas des clones : nous ne vivons pas toutes les choses de la même façon.

Mme Émilienne Poumirol. - Tout d'abord, nous nous interrogeons sur l'opportunité de ce texte : on a l'impression d'avoir des propositions de loi à la demande sur tous les accidents de la vie, et ces textes ont tendance à figer les choses. Pourtant, comme vient de le dire Laurence Rossignol, il ne s'agit pas toujours d'un drame. Combien de fausses couches passent-elles inaperçues ? Donner automatiquement une connotation dramatique au texte me gêne.

Nous sommes d'accord pour dire que ce sujet ne doit pas être un tabou : il faut en parler, et il faut un accompagnement psychologique dans certains cas. Mais je suis d'accord avec Mme Cohen : MonParcoursPsy n'a pas eu de succès, car ce dispositif a été imposé malgré l'opposition de nombreux psychologues. Ceux-ci travaillent soit en tant que salariés, et touchent alors des salaires misérables, soit en libéral, auquel cas leur consultation n'est pas remboursée, car la profession n'est pas considérée comme une profession paramédicale. C'est une difficulté importante. Passer par MonParcoursPsy me paraît toutefois intéressant.

Il faut insister sur la formation professionnelle, effectivement. Mais concernant l'éducation des jeunes, rappelons qu'à peine 25 % des collèges et lycées proposent des cours sur l'éducation à la vie sexuelle. Pourquoi leur imposer de parler de ce sujet, alors qu'ils ne font même pas l'éducation à la vie sexuelle que la loi prévoit ? Il faut davantage de moyens pour que cette éducation soit effective.

Ensuite, le groupe Écologiste propose, par un amendement, de modifier le code du travail afin d'attribuer un congé spécial à la suite d'une interruption spontanée de grossesse. Nous en reparlerons, mais je crains que cela ne soit stigmatisant pour les femmes : les arrêts de travail liés à une ISG pourraient mettre les femmes en difficulté dans les entreprises, et être la source d'une discrimination supplémentaire pour leur carrière. Je me suis beaucoup posé la question ; l'arrêt maladie ordinaire, attribué par la sage-femme, le médecin traitant ou le gynécologue me semble plus pertinent.

Nous sommes d'accord sur le reste du texte, notamment sur l'accompagnement psychologique, et nous voterons ce texte.

Mme Annick Jacquemet. - J'ai récemment rencontré un représentant de l'Union nationale et syndicale des sages-femmes, qui m'expliquait que les sages-femmes suivaient 40 % des grossesses, en prenant en compte les grossesses physiologiques et les IVG. À l'article 1er bis est abordé le sujet de la visite au cours des quatre semaines suivant l'interruption spontanée de grossesse, habituellement assurée par les médecins. Est-il prévu de permettre aux sages-femmes de réaliser cette visite après l'ISG, puisqu'elles assurent cette visite après un accouchement « normal » ?

Par ailleurs, lors de mes études vétérinaires - et dans la mesure où le sujet peut être rapproché de la médecine humaine -, j'avais appris qu'un avortement pouvait être lié à une anomalie génétique de développement embryonnaire. Cette information doit être partagée avec les femmes, pour dédramatiser certaines situations : une ISG peut aussi être naturelle, la nature expulsant un embryon non viable. Moi aussi, je me demande si nous n'en faisons pas parfois trop : les jeunes femmes enceintes sont placées dans des cocons, protégées, elles ne peuvent plus manger ce qu'elles veulent... La médecine a fait d'énormes progrès, mais parfois les femmes enceintes sont un peu perdues face au nombre d'interdits, souvent fondés, mais parfois excessivement angoissants.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. -Je me suis moi aussi posé la question de l'opportunité du dispositif prévu par cette proposition de loi. La loi peut-elle réparer un problème qui concerne notamment le manque d'éducation et d'accompagnement ? Ne serait-ce pas en faisant confiance aux professionnels que la réponse pourrait être apportée, en leur donnant les moyens de se former ou de communiquer avec leurs patientes ? Je ne sais pas si cette loi permettra de réparer ces problèmes...

J'adhère à l'ensemble des propos de Mmes Cohen, Rossignol, Poumirol et Jacquemet : il est question d'équilibre. Certaines femmes vivront des drames, mais d'autres auront été préparées par des discussions avec leur famille ou avec des professionnels de santé, et cet événement ne sera qu'un accident dans leur vie. À force de trop légiférer, de trop vouloir protéger, de placer dans des cocons, on perd la capacité de résilience et de résistance face à l'adversité de la vie. Cela me fait peur, dans notre société qui est déjà très abîmée... Il faut apprendre à nos enfants à devenir autonomes. Nos jeunes filles doivent être capables d'assumer ces moments difficiles, pour devenir des femmes à leur tour capables de transmettre une éducation à la santé et la capacité de résister à cette violence qui, à tout moment de notre vie, peut nous altérer, mais aussi nous renforcer.

Mme Mélanie Vogel. - La loi a décidé de partir du présupposé qu'une interruption spontanée de grossesse devrait être accompagnée par un meilleur soin psychologique. Il est vrai que ces accidents de la vie peuvent être traumatisants et dramatiques, et que l'accompagnement doit être amélioré, mais cela n'est pas toujours le cas. Il y a des fausses couches qui ne sont pas remarquées, d'autres qui arrivent à la suite de grossesses non désirées, d'autres qui arrivent à la suite de grossesses désirées, mais qui ne sont pas traumatisantes ; bref, il y a autant de situations que de personnes concernées.

La suppression du délai de carence est bienvenue, et nous y sommes très favorables, mais concentrons-nous sur la disposition, rejetée par l'Assemblée nationale, de créer un congé spécial, au sujet de laquelle nous avons une divergence avec Émilienne Poumirol.

Comme il y a autant de situations que de femmes concernées, la création d'un congé spécial permettrait à certaines personnes de l'utiliser, tandis que d'autres choisiraient de ne pas l'utiliser. Cela respecterait un des principes fondamentaux de l'approche féministe des politiques publiques, qui est de reconnaître l'importance du choix individuel.

Il s'agit du même débat que celui concernant le congé menstruel. On peut considérer que, si l'on ne change rien à la société, cela augmenterait les discriminations sexistes à l'égard des femmes, ou bien partir du principe que cela permettrait de changer les comportements et les mentalités, en normalisant certaines choses, le sexisme n'étant pas considéré comme une fatalité inéluctable à laquelle il faudrait nécessairement s'adapter. Cette divergence existe à l'intérieur même du mouvement féministe. Pour les mêmes raisons que je suis favorable au congé menstruel, je suis favorable à un congé spécial en cas d'interruption spontanée de grossesse : je considère qu'il faut partir du réel pour, avec d'autres nombreuses actions visant à diminuer les discriminations, participer à changer la société.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Je suis tout à fait d'accord, l'avantage du congé, c'est qu'il n'a pas à être demandé, c'est un droit : on peut le prendre ou non. D'ailleurs, certains médecins refusent de prescrire un arrêt de travail à la suite d'une perte naturelle de grossesse, puisque ce n'est pas une maladie mais une perte. Cela met encore davantage en relief l'intérêt du congé pour événement familial. Sur le plan sémantique, je préfèrerais parler de « perte naturelle de grossesse », plutôt que d'interruption spontanée de grossesse, pour ne pas faire de parallélisme des formes avec l'IVG. D'après certains spécialistes, une majorité de ces fausses couches sont bienvenues, puisque la nature rejette des anomalies.

Je souhaite revenir sur la suppression de l'article 1er ter, que je trouve étonnante. Le rapporteur avance qu'il y aurait un effet rétroactif, les femmes pouvant demander au bout de quatre mois de grossesse le remboursement de tous leurs frais médicaux. Cette objection ne me semble pas pertinente, car cet effet n'existe pas dans de nombreuses autres lois. J'en veux pour preuve le fait que, dans le droit du travail, on déclare la grossesse au bout de trois mois, lorsque la majorité des fausses couches a déjà eu lieu. À ce titre, une heure par jour de réduction du travail est accordée.

Le droit du travail considère déjà qu'il faut adapter les conditions de travail à partir du troisième mois de grossesse. Plutôt que de supprimer cet article, il aurait été plus pertinent de limiter le dispositif, et de l'aligner sur les délais retenus dans le droit du travail. À partir du troisième mois, un ensemble d'autres éléments médicaux entre en résonance avec l'état de grossesse. Ce n'est pas pour rien que, à partir du sixième mois, on prend en compte des pathologies comme le diabète gestationnel. Plutôt que supprimer cette avancée concernant la prise en charge, nous demandons un alignement temporel de cette étude sur les temporalités reconnues par le droit du travail, avec une prise en charge différentielle à partir du quatrième mois de grossesse.

Mme Catherine Procaccia. -Je tiens à remercier mes collègues Mmes Rossignol, Cohen, et Poumirol, dont les propos me rassurent personnellement : les femmes sont capables d'assumer certaines choses. Il me semble que plus on fait des lois pour protéger les femmes, plus on les fragilise tant psychologiquement que dans leur vie professionnelle.

À propos de vocabulaire, j'ai toujours été choquée par le terme de « tomber » enceinte : on tombe enceinte comme on tombe malade... Je trouve cela bien plus choquant que le terme de « fausse couche »...

Mme Florence Lassarade. - Ce sujet ne me semble pas nécessiter une proposition de loi. J'ai beaucoup travaillé dans ce milieu, et, lors de mes études, j'ai appris qu'une grossesse sur trois était concernée par des aberrations chromosomiques, pouvant conduire à une fausse couche. C'est bien plus fréquent que le taux de un dixième que vous avancez...

Par ailleurs, les cas de fausses couches que j'ai connus ont souvent été associés à un traumatisme. Ce n'est peut-être pas à la loi de s'en occuper, mais il ne faut pas non plus banaliser la chose ! Dans les parcours de procréation médicalement assistée, par exemple la fausse couche est très courante. Une vie parentale commençant par une fausse couche, c'est un traumatisme dont il faut prendre acte, car cela peut avoir des conséquences sur les enfants suivants. Il ne faut pas le nier totalement. Je suis étonnée par le fait qu'à part M. Burgoa, on ne se concentre que très peu sur les conséquences psychologiques de la fausse couche pour une femme...

Mme Brigitte Devésa. - Je remercie le rapporteur de nous avoir éclairés. Au départ, je n'étais pas favorable à cette proposition de loi : on légifère beaucoup, et cela ne me semblait pas utile sur ce sujet.

L'intitulé de la proposition de loi mentionne l'accompagnement « des couples confrontés à une fausse couche. » Je m'interroge : l'intégralité des articles de la proposition de loi concerne l'accompagnement des femmes, et je ne vois pas en quoi le couple fait l'objet d'une quelconque réflexion.

Je ne reviens pas sur la situation des sages-femmes, qui ont une mission essentielle. Externaliser le suivi à un psychologue peut être une amélioration, mais il faut reconnaître qu'elles font tout ce qu'il faut, et qu'elles sont peut-être les mieux placées pour suivre les personnes en détresse.

M. Martin Lévrier, rapporteur. - Je vous remercie de l'intérêt que vous portez à cette proposition de loi.

Le texte était orienté sur les femmes directement concernées par l'accompagnement prévu par le texte, c'est-à-dire celles qui ne vivent pas leur interruption spontanée de grossesse comme un accident de la vie, mais comme un événement blessant, voire traumatisant. Je voulais moi aussi dédramatiser ces accidents de la vie : c'était l'objet du travail mené lors de nos auditions, où nous avons approché la question en lissé. J'ai appris lors de ces auditions que les fausses couches étaient souvent considérées comme une espèce de parenthèse, dont personne ne parlait jamais. Ce tabou concourt à ce que cet accident de la vie devienne un traumatisme, pour certaines femmes. Le moyen le plus simple d'en parler, et donc de dédramatiser ces accidents de la vie, c'est justement par le biais de l'éducation au fait que cet événement peut arriver durant la grossesse, le plus souvent naturellement, qu'il ne résulte pas d'une erreur de la femme enceinte. Mais cela relève d'un parcours pédagogique, qu'il ne revient pas à la loi d'établir, mais au pouvoir réglementaire. J'appelle de mes voeux, comme je l'ai dit dans mon intervention, que les programmes du secondaire évoluent dans le sens d'une meilleure prise en compte de ces problématiques. J'entends que mes paroles aient pu paraître anxiogènes, mais je m'adressais aux femmes qui ont vécu ces événements comme des drames. Il ne faut pas les perdre de vue.

Monsieur Burgoa, une nouvelle compétence est déjà prévue aujourd'hui pour les sages-femmes dans ce texte, à savoir l'adressage de leurs patientes et, le cas échéant, en cas d'interruption spontanée de grossesse, de leur partenaire vers des psychologues conventionnés, dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy.

Madame Cohen, je n'ai jamais souhaité remettre en cause l'IVG. J'aurais aimé que cette loi établisse un dispositif pédagogique en amont, chez les jeunes comme chez les étudiants, qui n'ont aucune formation à l'accompagnement des femmes subissant une fausse couche.

Madame Vogel, concernant le congé consécutif à une fausse couche, nous avons préféré nous limiter à la suppression du délai de carence. Il s'agit d'un premier pas, essentiel et important. Faut-il aller jusqu'à un congé spécial pour événement familial ? Je n'en suis pas convaincu pour l'instant, mais je reconnais que les arguments sont valables. Il revient peut-être plus à une femme de résoudre cette question...

Madame Jacquemet, la proposition de loi n'a pour l'instant rien prévu au sujet des compétences des sages-femmes dans le suivi médical des femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse. Elle permet seulement l'adressage que j'ai évoqué. Je proposerai un amendement de suppression de l'article auquel vous faites référence, considérant qu'il revient aux médecins et aux sages-femmes de prescrire, si nécessaire, des visites médicales complémentaires, en toute indépendance professionnelle, et en aucun cas à la loi.

Mesdames, Rossignol, Poumirol et Procaccia, il ne faut pas que cette loi devienne une loi d'émotion - je me bats contre de telles lois. Mais, comme le disait madame Lassarade, il est indéniable que certaines femmes souffrent énormément après avoir vécu une interruption spontanée de grossesse, et on ne peut pas faire comme s'il ne se passait rien.

Madame Poncet Monge, je propose de supprimer l'article 1er ter également parce qu'il s'agit d'une demande de rapport. Il faut traiter le sujet autrement.

Enfin, Madame Devésa, le partenaire est vraiment un sujet de préoccupation de cette proposition de loi. En cas d'interruption spontanée de grossesse de sa compagne, la sage-femme qui a suivi la grossesse pourra désormais adresser le partenaire à un psychologue conventionné afin qu'il puisse bénéficier du dispositif MonParcoursPsy. Le sujet a été abordé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er A (nouveau)

M. Martin Lévrier, rapporteur. - L'amendement COM-6 tend à modifier l'intitulé du parcours pour préférer l'expression « interruption spontanée de grossesse ».

L'amendement COM-6 est adopté.

M. Martin Lévrier, rapporteur. - L'amendement COM-7 tend à renforcer les objectifs d'information assignés aux parcours. Il nous a paru important que, dans le cadre des parcours, les femmes qui subissent ce genre de désagrément soient mieux informées.

L'amendement COM-7 est adopté.

L'article 1er A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 1er B (nouveau)

M. Martin Lévrier, rapporteur. - L'amendement COM-3 a pour objet de créer un congé pour événement familial de trois jours minimum pour les couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse. Ce congé serait à la charge de l'employeur.

Au contraire de l'arrêt maladie sans jour de carence prévu par le texte, le congé pour événement familial nécessite l'information de l'employeur quant aux motifs de l'arrêt de travail. Révéler son interruption spontanée de grossesse à son employeur pourrait exposer les personnes qui y sont confrontées à des discriminations potentielles supplémentaires pour raisons familiales, en dévoilant un désir réel ou supposé de parentalité. En ce sens, le recours à un congé de maladie indemnisé par l'assurance maladie plutôt qu'à un congé pour événement familial à la charge de l'employeur répond à une préoccupation pour l'égalité professionnelle. La discrétion professionnelle répond, selon les auditions, à une préoccupation univoque des femmes confrontées à des interruptions spontanées de grossesse. J'émets donc, sur cet amendement, un avis défavorable mais c'est un vrai sujet, dont nous reparlerons en séance.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

M. Martin Lévrier, rapporteur. - L'amendement COM-8 tend à étendre aux indépendantes la levée du délai de carence sur les arrêts de travail consécutifs à une interruption spontanée de grossesse. Le ministre de la santé et de la prévention ayant clairement exprimé son intention que la mesure concerne les indépendantes au banc de l'Assemblée nationale, l'amendement est couvert et donc recevable financièrement. Par ailleurs, nous avons demandé au Gouvernement de déposer un amendement de séance afin d'intégrer les non-salariées agricoles.

L'amendement COM-8 est adopté.

L'article 1er B est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 1er

M. Martin Lévrier, rapporteur. - L'amendement COM-4 vise à permettre la vidéotransmission de séances de suivi psychologique dans les zones sous-denses.

Le code de la santé publique permet déjà la réalisation de séances par vidéotransmission, à l'exception de la première séance, consacrée à un entretien d'évaluation. Ces règles ménagent un équilibre pertinent entre accès aux soins et qualité de l'accompagnement psychologique. De plus, prévoir des règles distinctes en la matière, selon que le trouble psychologique est consécutif à une interruption spontanée de grossesse ou non, ne me paraît pas souhaitable. En conséquence, mon avis est défavorable.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 1erbis (nouveau)

L'amendement de suppression COM-10 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-5 devient sans objet.

L'article 1er bis est supprimé.

Après l'article 1erbis (nouveau)

M. Martin Lévrier, rapporteur. - L'amendement COM-2 a pour objet d'intégrer aux séances d'éducation à la sexualité dispensées dans les collèges et les lycées une sensibilisation aux risques liés à la grossesse, notamment en matière d'interruption spontanée de grossesse. Je suis totalement en accord avec le constat, comme je m'en suis expliqué. Toutefois, cette proposition de loi ne paraît pas être le véhicule adéquat pour déterminer ce qui relève des projets pédagogiques. Avis défavorable.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

Article 1erter (nouveau)

M. Martin Lévrier, rapporteur. - L'amendement COM-11 vise à supprimer la demande de rapport sur l'extension de l'assurance maternité dès les premières semaines de grossesse.

L'amendement COM-11 est adopté.

L'article 1er ter est supprimé.

Article 2 (Supprimé)

L'article 2 demeure supprimé.

Intitulé de la proposition de loi

M. Martin Lévrier, rapporteur. - L'amendement COM-12 vise à modifier l'intitulé de la proposition de loi afin de lui substituer l'expression « interruption spontanée de grossesse ».

L'amendement COM-12 est adopté.

L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er A (nouveau)
Mise en place d'un parcours fausse couche

M. LÉVRIER, rapporteur

6

Modification de l'intitulé du parcours pour préférer l'expression « interruption spontanée de grossesse »

Adopté

M. LÉVRIER, rapporteur

7

Renforcement des objectifs d'information assignés aux parcours

Adopté

Mme PONCET MONGE

1

Mise en place d'un dossier-guide et d'un numéro vert

Irrecevable
au titre de l'art. 40
de la Constitution

Article 1er B (nouveau)
Suppression du délai de carence pour l'indemnisation des arrêts maladie
faisant suite à une interruption spontanée de grossesse

Mme Mélanie VOGEL

3

Création d'un congé pour événement familial de trois jours minimum pour les couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse.

Rejeté

M. LÉVRIER, rapporteur

8

Extension aux indépendantes de la levée du délai de carence sur les arrêts de travail consécutifs à une interruption spontanée de grossesse.

Adopté

Article 1er
Possibilité d'adressage par les sages-femmes à un psychologue conventionné
dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy

Mme Mélanie VOGEL

4

Réalisation de séances de suivi psychologique par vidéotransmission dans les zones sous-denses

Rejeté

Article 1er bis (nouveau)
Obligations des médecins et sages-femmes prenant en charge une femme victime
d'une interruption spontanée de grossesse

M. LÉVRIER, rapporteur

10

Suppression de l'article

Adopté

Mme Mélanie VOGEL

5

Obligation d'informer la patiente sur les possibilités d'accompagnement psychologique

Satisfait ou sans objet

Article(s) additionnel(s) après Article 1er bis (nouveau)

Mme PONCET MONGE

2

Intégration aux séances d'éducation à la sexualité d'une sensibilisation aux risques liés à la grossesse, couvrant notamment les interruptions spontanées de grossesse.

Rejeté

Article 1er ter (nouveau)
Demande de rapport sur l'extension de l'assurance maternité à tous les frais médicaux de la femme enceinte

M. LÉVRIER, rapporteur

11

Suppression de la demande de rapport sur l'extension de l'assurance maternité dès les premières semaines de grossesse.

Adopté

Article 2 (Supprimé)
Gage financier de la proposition de loi

Proposition de loi visant à favoriser l'accompagnement des couples confrontés à une fausse couche

M. LÉVRIER, rapporteur

12

Modification de l'intitulé de la proposition de loi pour préférer l'expression "interruption spontanée de grossesse"

Adopté

Mission d'information relative à l'application des lois réformant la protection de l'enfance - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Bernard Bonne rapporteur de la mission d'information relative à l'application des lois réformant la protection de l'enfance.

La réunion est close à 11 h 20.