Mercredi 3 décembre 2025

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 9 h 40.

Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs à la transition énergétique et au climat - Examen du rapport pour avis

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la transition énergétique et au climat. - J'ai le plaisir de vous présenter ce matin les conclusions de mes travaux au titre du rapport pour avis sur les crédits relatifs à la transition énergétique et au climat. Comme chaque année, cet avis s'articule autour de trois grands axes : le financement de la transition écologique, le développement des énergies renouvelables et la rénovation énergétique des bâtiments.

S'agissant d'abord du financement de la transition écologique, la deuxième édition de la stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale (Spafte) du Gouvernement livre un constat très clair : l'écart se creuse entre les besoins d'investissement et la trajectoire effectivement suivie. En 2024, 113 milliards d'euros ont été investis dans les actifs bas carbone. Pour atteindre nos objectifs pour 2030, les investissements devront doubler, alors même que les soutiens publics de l'État en faveur de la transition écologique, inscrits dans le budget vert, apparaissent, cette année encore, en stagnation. Dans un contexte où les finances publiques sont très contraintes, deux impératifs s'imposent : la cohérence et l'efficacité de la dépense.

Sur la cohérence d'abord, de nombreux acteurs ont souligné le caractère contradictoire du signal-prix. Comment justifier des milliards d'euros investis dans les énergies renouvelables électriques, la production de chaleur décarbonée ou les pompes à chaleur si, dans le même temps, la fiscalité appliquée aux consommations d'électricité et de gaz contribue à désinciter ce nécessaire mouvement de transition ? La réforme des accises sur l'énergie proposée par le rapporteur général de la commission des finances Jean-François Husson apparaît, de ce point de vue, plus que jamais nécessaire. J'ajoute qu'il serait utile d'envisager l'instauration d'un prix plancher du gaz, afin d'éviter un décrochage trop important avec le prix de l'électricité et de préserver la compétitivité des solutions bas carbone. Des réflexions existent pour mettre en place ce mécanisme, les différentes parties prenantes entendues ont toutefois insisté sur la nécessité de poursuivre la réflexion, pour créer un dispositif solide juridiquement. Je forme le voeu que ce projet aboutisse pour le prochain projet de loi de finances (PLF).

Sur l'efficacité ensuite, les auditions menées montrent que nombre de dispositifs ont enfin atteint un niveau de maturité satisfaisant, après parfois plusieurs années de réglages successifs. Il convient de préserver cette efficacité : le plus grand risque serait ainsi de renouer avec une politique du stop and go, qui fragilise les acteurs économiques et renchérit le coût de la transition. À ce titre, je regrette très vivement la disparition du fonds territorial climat du PLF pour 2026. Créé à l'initiative du Sénat dans le PLF pour 2025, ce fonds part du constat de l'absence d'un financement dédié pour le bloc communal, permettant, dans le cadre du plan climat-air-énergie territorial (PCAET), la réalisation des diagnostics de vulnérabilité sur l'adaptation, l'information de la population sur les enjeux de rénovation thermique ou encore la simple construction des dossiers techniques permettant l'accès au fonds vert. Le Sénat l'avait pourtant identifié comme un levier essentiel pour soutenir l'ingénierie, l'animation et les investissements nécessaires à l'élaboration et à la mise en oeuvre des PCAET par les collectivités.

Sa suppression dès la deuxième année apparaît prématurée : un exercice budgétaire ne permet en aucun cas d'en apprécier l'efficacité ni de stabiliser les dynamiques locales qu'il avait commencé à engager.

Je vous proposerai donc un amendement qui prévoit le maintien de ce fonds, en réaffectant 100 millions d'euros du fonds vert vers le fonds territorial climat. Je souligne par ailleurs qu'au regard de son importance pour la mise en oeuvre locale de la transition, une mission d'information de notre commission spécifiquement consacrée aux PCAET serait pleinement justifiée.

J'en viens maintenant au développement des énergies renouvelables. Nous travaillons, sur ce sujet, dans une situation institutionnelle particulièrement difficile : la troisième programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) n'est toujours pas publiée, et la proposition de loi de Daniel Gremillet portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie poursuit sa navette. Il est très complexe d'évaluer l'efficacité d'une politique sans disposer d'une stratégie stabilisée et d'objectifs officiels.

Le soutien public aux énergies renouvelables électriques connaît par ailleurs une très forte hausse. Le PLF pour 2026 fait passer ces dépenses de 4,3 milliards d'euros en 2025 à 7,2 milliards d'euros en 2026. Cette évolution est mécanique : plus les prix de marché de l'électricité baissent, plus le soutien augmente pour garantir aux producteurs la rémunération prévue par leurs contrats. Ce dispositif est coûteux, mais il a permis de réduire considérablement les coûts unitaires des filières, notamment dans le photovoltaïque où la baisse a été spectaculaire au cours de la dernière décennie.

L'an dernier, j'avais appelé à engager une réflexion sur l'efficience de ces dépenses, sans jamais remettre en cause le soutien aux énergies renouvelables. Je me félicite donc de l'article 69 du PLF pour 2026, qui déplafonne les primes négatives lorsque les prix de marché sont élevés et qui permet la renégociation des contrats les plus coûteux. C'est indispensable pour renforcer l'acceptabilité du dispositif.

Je souhaite aussi insister sur le cas du fonds chaleur. La chaleur représente 43 % de la consommation d'énergie finale, mais seulement un quart de cette chaleur est renouvelable, alors même que 60 % de notre consommation provient d'importations de gaz et de fioul. La décarbonation de la chaleur est donc un enjeu majeur pour la France, pour assurer la transition énergétique tout en renforçant la souveraineté énergétique nationale. Le fonds chaleur, qui soutient les projets de décarbonation de chaleur des collectivités territoriales et des entreprises, fait l'objet depuis la crise énergétique d'une forte demande : 1,6 milliard d'euros de projets pour 800 millions d'euros de crédits en 2025. L'an dernier, le Sénat s'était opposé à une réduction de 300 millions d'euros de ce fonds ; nous avions eu raison, car ce fonds est l'un des plus efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, avec un coût d'abattement trois fois inférieur à celui de la rénovation énergétique. Le maintien de son budget pour 2026 est donc une très bonne nouvelle.

J'en viens enfin à la rénovation énergétique des bâtiments, marquée de nouveau par des turbulences autour de MaPrimeRénov'. En 2024, la réforme avait créé deux piliers : d'un côté la rénovation d'ampleur, ciblée sur les passoires thermiques, et de l'autre la rénovation par geste, centrée sur les systèmes de chauffage.

L'année de transition a entraîné en 2024 une sous-consommation des crédits, en raison de l'évolution des critères d'éligibilité. Le Gouvernement avait déduit de cette sous-consommation que les crédits pouvaient être réduits. Nous ne partagions pas cette analyse, et nous avions alors alerté, dans cette commission, sur un risque d'insuffisance de crédits. L'histoire nous a donné raison ! En effet, en juin 2025, le dispositif a dû être suspendu faute de crédits suffisants. La stagnation des crédits prévue pour 2026 laisse craindre une nouvelle situation de tension.

Pourtant, la réforme commence à produire ses effets : on observe un basculement réel vers les rénovations d'ampleur. Nous serions autour de 100 000 rénovations globales en 2025 selon les chiffres provisoires qui nous ont été communiqués, contre 65 000 à 70 000 dans les années précédant la réforme, soit plus de 30 % de hausse. Mais nous restons très loin de l'objectif programmatique de 370 000 rénovations globales par an en 2030.

Ce projet de loi de finances entérine également un basculement du financement de MaPrimeRénov' du budget de l'État vers les certificats d'économies d'énergie (C2E), financés par les fournisseurs d'énergie. Je comprends la logique de cette débudgétisation, qui permet de réduire la charge pesant sur les finances publiques tout en préservant l'ambition de notre politique de rénovation énergétique. Mais ce choix appelle, à mes yeux, une vigilance accrue : le prix de marché des C2E est extrêmement volatil, et cette volatilité risque de fragiliser la trésorerie de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), responsable du déploiement de MaPrimeRénov'. Nous devons être particulièrement attentifs à ce point. Il me paraît indispensable qu'un mécanisme d'amortissement des fluctuations soit étudié, afin que le soutien à la rénovation énergétique ne dépende pas, demain, du cours des C2E.

En définitive, j'émettrai un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la transition énergétique et au climat du PLF pour 2026. Cet avis s'accompagne néanmoins de deux réserves fortes : la suppression du fonds territorial climat et la fragilité persistante du financement de la rénovation énergétique, qui ne permettent pas encore de garantir une trajectoire pleinement stable et crédible.

M. Ronan Dantec. - Je salue l'excellent rapport, très précis, de Fabien Genet. J'en partage l'essentiel des observations, mais pas totalement la conclusion : lorsqu'on présente un rapport aussi chirurgical sur un projet de budget, on émet normalement un avis défavorable. Notre logique aurait été de voter contre ; cependant, compte tenu des réserves qui ont été partagées et de la qualité du rapport en lui-même, nous choisissons, symboliquement, de nous abstenir.

Je ferai trois observations.

La première concerne la logique des C2E, qui se distingue de celle de MaPrimeRénov'. D'une part, contrairement à celle-ci, ils ne sont pas attribués sous condition de ressources - il faudra voir si cela évolue. D'autre part, les C2E vont aussi probablement favoriser les actes isolés, tels que l'installation de pompes à chaleur.

Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de mobiliser les C2E au service de la rénovation énergétique, mais je souscris aux propos de notre rapporteur concernant les stop and go permanents des gouvernements successifs : par cette mesure, nous déstabilisons à nouveau toute la filière, ses artisans et ses systèmes économiques.

Ma seconde observation concerne le sujet des énergies renouvelables.

L'électrification de la France est en retard. Sur ce point, je rejoins également notre rapporteur : le gaz ne peut être aussi peu coûteux par rapport à l'électricité. Le Sénat est allé dans le bon sens en réaugmentant l'accise sur le gaz ; il aurait fallu, logiquement, augmenter également l'accise sur les biocarburants - dont les producteurs engrangent des marges absolument hallucinantes et non justifiées - et le kérosène. Si nous allons au bout de cette logique, il faudrait augmenter l'accise un peu partout.

L'électrification de notre société doit connaître de nouveau une accélération. Dans le cas contraire, nous allons faire face à une situation de surproduction électrique, et ce, dans un contexte de développement rapide, à des prix moins élevés que les nôtres, du renouvelable en Europe, notamment du Sud, qui entraîne la fermeture progressive de marchés chez nous. Cela pourrait, à mon sens, faire l'objet d'un rapport de cette commission.

Nous devons réfléchir à la meilleure manière d'engager l'électrification à marche forcée de notre société, afin d'éviter l'effet ciseau que nous connaissons actuellement, et les faibles prix de l'électricité sur les marchés.

Ma troisième observation porte sur le maintien du fonds chaleur.

Le rapporteur l'a très bien dit : il faut absolument réussir, en séance, à convaincre le Gouvernement de le conserver.

Nous nous abstiendrons donc de donner notre avis sur ces crédits, en raison de l'excellente qualité du rapport, même si nous n'en partageons pas la conclusion.

M. Hervé Gillé. - Je partage l'analyse de Ronan Dantec tout en saluant la qualité du rapport : d'une part, les crédits présentés ne permettent pas de projeter une réelle politique d'adaptation au changement climatique à court, moyen et long terme ; d'autre part, il est aujourd'hui nécessaire de tisser des trajectoires véritablement lisibles.

Le fonds territorial climat, de par son approche originale, est absolument essentiel. Or nous rencontrons une vraie difficulté : préalablement, les crédits du fonds territorial climat étaient prélevés sur le fonds vert. Le fonds vert étant diminué, nous ne disposons pas de moyens vraiment ciblés afin d'abonder le fonds territorial climat qui accompagne, dans les territoires, l'ensemble des collectivités. Nous défendrons ce point.

Par ailleurs, je souligne les efforts pertinents accomplis sur les accises du gaz, au service d'une meilleure lisibilité de la PPE.

Je souhaite revenir sur notre débat d'hier soir en séance publique, au cours duquel nos amendements visant à instaurer un bonus sur les véhicules électriques d'occasion pour les personnes aux très faibles revenus ont été rejetés. Recevoir des votes défavorables à des propositions difficilement contestables, qui cherchent à alimenter le marché des véhicules électriques d'occasion pose vraiment question.

Enfin, les C2E et les quotas carbone devraient, à mon sens, faire l'objet d'une table ronde et de travaux parlementaires plus approfondis, même si nous soutenons la démarche engagée par le Gouvernement. Nous rencontrons aujourd'hui une grande difficulté dans la maîtrise de ces fonds : un ensemble de politiques publiques s'adossent aujourd'hui à ces C2E et à ces quotas carbone, mais il est difficile d'avoir de la visibilité sur leur opportunité et leur disponibilité, de même que sur l'évolution de leur cours. Cela entraîne une forme de fragilité de ces politiques publiques. Certes, nous pouvons décider du basculement du financement de la politique de rénovation énergétique vers les C2E, mais ils risquent de mettre en difficulté les opérateurs si, à un moment donné, leurs cours s'effondrent. Des tensions pourraient également survenir sur les C2E en raison de la multiplicité des mesures qui en dépendent.

Compte tenu des réserves que j'ai exposées, je propose également une abstention sur ces crédits.

M. Jean-Pierre Corbisez. - Permettez-moi de revenir, en premier lieu, sur MaPrimeRénov' et les C2E.

Jusqu'à la fin de l'année 2023, lorsque des particuliers avaient besoin d'engager des travaux de rénovation énergétique, ils faisaient appel à un bureau d'études spécialisé afin d'effectuer l'analyse de leur logement avant travaux, puis faisaient exécuter les travaux. Les particuliers payaient leur part et l'entreprise percevait le solde du C2E une fois le bilan du logement effectué, à l'issue d'un contrôle. Cela fonctionnait bien.

Depuis le 1er janvier 2024, les dossiers de rénovation énergétique transitent par l'Anah. Or nous connaissons la complexité des dossiers qui sont exigés par l'Anah : s'il vous manque un papier, ou une virgule, le délai de traitement s'allonge d'autant. De plus, fait non négligeable, le particulier doit avancer la totalité du prix des travaux, puis demander, à l'issue des travaux, son remboursement, c'est-à-dire le versement du montant de la subvention dans le cadre des C2E.

Qui peut, aujourd'hui, avancer la totalité de travaux estimés à 30 000 ou 40 000 euros, puis attendre six mois à un an d'être remboursés à hauteur du montant de la subvention ? Avant le 1er janvier 2024, le particulier ne payait que sa part, l'entreprise touchant le reste du prix des travaux à l'issue du contrôle du C2E.

J'y vois là une volonté délibérée de ne pas utiliser ces crédits.

En deuxième lieu, je m'étonne que nous ne nous engagions pas dans le stockage du surplus de la production électrique, alors que l'Allemagne le pratique depuis plusieurs années. Nous parlons désormais de prix négatif de l'électricité : parce que nous produisons trop d'électricité par rapport aux besoins en consommation, nous payons actuellement des producteurs privés, qu'il s'agisse de gestionnaires de champs d'éoliennes ou de fermes photovoltaïques, afin qu'ils ne produisent pas. Une telle situation me paraît un peu scandaleuse.

Malgré l'augmentation de la prime sur les véhicules électriques, nous ne sommes pas près de consommer la totalité de la production française d'électricité ; il faut donc que nous défendions absolument la notion de stockage d'électricité, et ce au niveau national.

Le sujet ressurgira lorsque nous aborderons celui de la construction de prochains réacteurs pressurisés européens (EPR) : si nous en construisons six ou quatorze et qu'ils ne fonctionnent qu'à 30 % parce que les besoins en consommation sont trop faibles, ne risquons-nous pas une perte d'investissement ?

M. Jean-François Longeot, président. - Le dispositif C2E me paraît intéressant.

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - Je commencerai par le dispositif MaPrimeRénov'. Lors des auditions que nous avons conduites, l'importance de l'accompagnement des porteurs de projet a effectivement été bien notée. Ces derniers temps, dans un certain nombre de territoires, l'Anah a manifesté une vraie volonté d'accompagner les territoires et de contractualiser avec des acteurs locaux - établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), maisons de l'habitat... - afin d'apporter une réponse circonstanciée à ceux qui veulent s'y retrouver dans la jungle des aides proposées par MaPrimeRénov'.

Cher collègue Jean-Pierre Corbisez, vous avez évoqué le sujet de l'avance des fonds : il existe tout de même un certain nombre de dispositifs destinés aux ménages les plus en difficulté. Des organismes peuvent être sollicités pour assurer cette avance.

Chers collègues Ronan Dantec et Hervé Gillé, je partage vos remarques sur l'électrification de la France. Les filières industrielles en subissent également les conséquences, notamment la filière automobile, compte tenu du coût des véhicules produits en France - tandis que des véhicules chinois, prêts à être vendus sur les marchés européens, attendent sur des aires de stockage -, des difficultés de nos filières européennes et de l'hypothèse d'une remise en cause dans les semaines à venir de certains objectifs que l'Union européenne s'était fixés...

Lors des auditions préparatoires, nous nous sommes intéressés au sujet des réseaux électriques, avant d'aborder le sujet du stockage, puisque la France fait face, pour s'adapter à la future électrification des usages, à un mur d'investissement dans ses réseaux électriques. Enedis, de même que Réseau de transport d'électricité (RTE), examinent déjà l'adaptation nécessaire de ces réseaux.

Sur un certain nombre de territoires, des projets d'énergies renouvelables sont déjà bloqués faute de capacité suffisante dans les postes sources ou dans les réseaux d'injections. Des tensions pourraient également apparaître sur des réseaux lors de la desserte, par exemple, d'industries électro-intensives. Nous avons fait remonter à nos interlocuteurs ce point de vigilance ; il mériterait à mon sens d'être aussi suivi par notre commission. Les préfets de région sont, par ailleurs, en train de se pencher sur ce sujet dans le cadre des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet).

Le stockage est en effet certainement l'une des pièces manquantes du puzzle de l'organisation des énergies renouvelables. Nos interlocuteurs, en particulier le Syndicat des énergies renouvelables (SER), nous ont rappelé la très forte progression des capacités de stockage et partagent la volonté de les faire croître. Conséquence de l'évolution du service public de l'énergie, ces acteurs ont désormais un intérêt à trouver un équilibre économique en stockant leur surplus de production. Des solutions apparaissent ainsi également dans les territoires.

Permettez-moi désormais d'aborder le sujet, très important, du fonds territorial climat. La poursuite de la planification écologique va engendrer, dans les années à venir, des besoins d'accompagnement. Dans ce contexte, la pédagogie et l'accompagnement des projets que permet le PCAET sont tout à fait bienvenus.

Certains souhaiteraient que le fonds soit encore mieux doté, au-delà des 100 millions d'euros que nous proposons. L'année dernière, la dotation du fonds territorial climat était de 200 millions d'euros, fléchés sur les 1,2 milliard d'euros de crédits du fonds vert. Cette année, les crédits du fonds vert reviennent à 600 millions d'euros. Il nous a donc semblé légitime, en proportion, de fixer ceux du fonds territorial à 100 millions.

Mme Marie-Claude Varaillas. - Depuis la création du dispositif MonAccompagnateurRénov', nous avons assisté à une massification du recours à MaPrimeRénov, avec également - il faut le dire - un certain nombre de fraudes. Dans mon département, qui est l'unique délégataire des aides à la pierre, nous avons ainsi enregistré des fraudes d'un montant considérable.

Je reconnais l'excellence du rapport. Malheureusement, le budget qui nous est présenté cette année n'accompagne ni les collectivités locales - premières actrices en matière de transition écologique - ni les usagers, et il ne nous inscrit pas dans la trajectoire nécessaire pour atteindre nos ambitions.

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - Le sujet des fraudes a été longuement évoqué avec l'Anah. Elles expliquent en partie le stop and go des politiques publiques : à la suite de la massification du recours au dispositif, des fraudes conséquentes ont été constatées. L'État a alors voulu améliorer le contrôle du dispositif et trouver des parades. Si nous en croyons les retours que nous recevons aujourd'hui, ces parades fonctionnent relativement bien ; nous pouvons donc espérer une limitation du nombre de fraudes.

Permettez-moi enfin de préciser qu'un avis favorable n'est pas forcément un avis enthousiaste ; il est simplement favorable. Quant au côté chirurgical de mon rapport, cher collègue Ronan Dantec, je ne suis pas chirurgien, mais ceux que je rencontre me disent qu'en dépit du diagnostic très sévère qu'ils portent, ils gardent espoir pour la survie du patient !

J'en viens maintenant à la présentation de l'amendement n°  II-1389, qui vise à rétablir le fonds territorial climat, supprimé dans le PLF pour 2026. Je propose donc de réaffecter 100 millions d'euros du fonds vert vers le fonds territorial climat afin d'assurer la poursuite de son déploiement. Cette mesure permettrait de maintenir un soutien financier indispensable à la territorialisation de la transition écologique.

M. Ronan Dantec. - Je remercie le rapporteur pour sa défense enthousiaste du fonds territorial climat, que cette commission porte depuis pratiquement huit ans.

L'an dernier, Mme Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, s'était engagée pour que 200 millions d'euros lui soient alloués. Ce montant avait été abaissé à 100 millions d'euros, puis finalement rétabli à 200 millions d'euros. Nous pourrions peut-être viser le même compromis cette année. En effet, un fonds de 100 millions d'euros, compte tenu des coûts d'ingénierie qu'occasionne son fonctionnement, pourrait sembler négligeable et être supprimé par Bercy.

Je propose que nous affections 150 millions d'euros de crédits du fonds vert au fonds territorial climat. Cette somme, plus importante, nous permettra peut-être d'acter le rétablissement des crédits du fonds à 200 millions d'euros que nous avions obtenu l'année passée. Cela me paraît tactiquement préférable ; l'idéal étant que nous nous entendions sur cette stratégie en commission, afin d'éviter de longs débats en séance.

Plus généralement, le fonds vert me semble en danger de disparition. Au vu de la baisse qu'il subit, l'idée de le fusionner avec la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) pour créer un fonds unique avec des critères environnementaux est certainement sur la table. Sans vouloir m'exprimer à sa place, il me semble que Christine Lavarde n'est pas très loin de partager cette vision. Or, le fonds territorial climat est fondamentalement une dotation - elle a permis, en Loire-Atlantique, de financer notamment les études des petites intercommunalités pour les nouveaux PCAET - et il doit survivre à la fusion des trois fonds qui est, à mon avis, planifiée. Ceux-ci, une fois fusionnés, deviendront des fonds sur projet et non plus des fonds de dotation.

Par conséquent, nous avons intérêt à renforcer le fonds territorial climat afin qu'il ne disparaisse pas dans la charrette du fonds vert.

Nous devons obtenir en séance publique un engagement gouvernemental similaire à celui que nous avions obtenu l'an dernier de Mme Pannier-Runacher. Nous devons nous assurer que le Gouvernement continuera à défendre ce fonds dans la navette, au-delà du vote du Sénat.

Fixons à 150 millions d'euros les crédits du fonds territorial climat ! Nous intégrerions ainsi la baisse proportionnelle du fonds vert et conforterions un peu son existence. Si nous le maintenons à 100 millions d'euros, il sera à la limite de la disparition.

M. Hervé Gillé. - Un risque réel pèse sur le fonds vert, c'est une évidence. Son utilisation n'est toutefois pas toujours très lisible. Lorsqu'il manque un peu de DSIL ou de DETR, les préfets ont tendance à puiser dans ce fonds pour ajuster leur réponse aux demandes des collectivités.

Or nous n'obtenons de reporting sur les montants engagés et leur destination qu'a posteriori, lorsque nous réussissons à en obtenir... Dans mon département, j'ai dû réitérer trois fois ma demande auprès du préfet avant d'obtenir des précisions. Nous devrions exiger d'obtenir plus d'informations, car les utilisations du fonds vert sont très variables selon les départements et les préfets.

Si, comme nous le craignons, les dotations sont fusionnées, nous risquons de perdre encore plus de visibilité sur l'utilisation effective des crédits, qui seront à la main des préfets.

Il me semble aussi que d'autres propositions s'adossent au fonds vert, comme l'amendement de Christine Lavarde relatif au financement du fonds de lutte contre l'érosion côtière. Nous pouvons bien évidemment discuter de ces politiques, mais encore faut-il que le fonds vert ait une enveloppe suffisante pour répondre à tous les besoins !

La position de Ronan Dantec, qui préconise de rehausser le niveau du fonds territorial climat et de tenir un discours ferme sur les objectifs et la mise en oeuvre du fonds, me semble prudente.

M. Jean-Claude Anglars. - Je souhaite aussi aborder le sujet du fonds territorial climat et du fonds vert.

Je suis inquiet lorsque j'entends Ronan Dantec parler de « charrette » qui amènerait à la guillotine les fonds DETR, DSIL, etc. C'est exactement l'inverse que nous souhaitons.

Je souhaite rappeler que le fonds vert a été obtenu en 2023, à la suite d'une proposition portée par un certain nombre d'entre nous auprès du ministère de l'économie concernant des crédits qui n'étaient pas consommés. Nous proposions aussi une méthode précise, qui consistait à confier des enveloppes aux préfets afin qu'ils redistribuent aux collectivités, sous la forme d'un fonds dédié, les moyens d'agir en faveur de la réduction de l'artificialisation des sols.

J'attire l'attention de tous ceux qui seraient en faveur d'une fusion des fonds : nous perdrions de nouveau inévitablement la main sur la destination de leurs crédits. Je rejoins les propos de notre collègue Hervé Gillé sur le manque de reporting de la part des préfets ; il est essentiel que nous puissions contrôler et évaluer les dispositifs. Je suis par ailleurs complètement opposé à ce que des éléments soient retirés du fonds vert, surtout au moment où le montant qui lui est alloué diminue. Il faut le conserver.

M. Jean-Pierre Corbisez. - Je suis membre de la commission DETR de mon département. Nous ne traitons que des dossiers dont la demande de subvention est supérieure à 100 000 euros. L'an dernier, nous avions voulu faire adopter un amendement pour abaisser ce seuil à 50 000 euros, un montant qui représente déjà, pour les communes rurales, un bel investissement.

Si tous ces fonds sont fusionnés au sein d'une même enveloppe, elle ne sera gérée que par le préfet de région. Même les préfets départementaux perdront l'accès aux crédits de ces fonds. Les commissions DETR seront supprimées et nous ne pourrons plus y défendre les communes rurales.

M. Didier Mandelli. - Je pense que ce fonds vert n'aurait jamais dû exister. À mon sens - je plaidais déjà pour cela avant d'être sénateur -, il faudrait une écoconditionnalité de toutes les aides, qu'elles soient attribuées au titre de la DETR, de la DSIL ou d'autres fonds. Il me paraît complètement incongru et décalé de mener aujourd'hui des projets de bâtiments, d'aménagements ou d'investissements qui ne respectent pas les objectifs de développement durable.

Une école que nous construisons aujourd'hui devrait être à haute qualité environnementale ; de même pour une salle de sport ou n'importe quel équipement public.

Ce fonds vert est, en réalité, un petit « hochet » à 1,2 milliard d'euros, ramené à 600 millions d'euros cette année. Nous discutons longuement de 50 millions d'euros alors que l'essentiel des dotations de l'État ne contribue pas à l'adaptation de nos territoires aux conséquences des changements climatiques.

Hervé Gillé a mentionné l'amendement - dont je me réjouis - de Christine Lavarde, qui alloue 20 millions d'euros à la création d'un fonds pour lutter contre l'érosion côtière : il s'agit d'un enjeu auquel le fonds vert peut répondre. Ce sont, certes, 20 millions d'euros retirés de ses crédits, mais ces millions sont utiles, parce qu'ils amorcent un fonds que nous réclamons depuis longtemps par voie d'amendement.

Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin, elle se casse ! On peut toujours demander 200 millions d'euros pour le fonds vert, autant que l'on veut pour les collectivités locales... Nous n'avons de cesse d'essayer de compenser les conséquences de nos actions. Nous devrions plutôt agir en amont et militer pour l'écoconditionnalité des aides, quelles qu'elles soient, et à tous les niveaux.

Je suivrai, ainsi que mon groupe, la position du rapporteur. À trop demander, nous risquons de tout perdre : au vu du déroulement des débats depuis quelques jours, il me semble préférable de figer les choses pour tenter de préserver les acquis, même si la situation ne me satisfait pas.

M. Ronan Dantec. - La logique, sur le long terme, est effectivement celle de l'écoconditionnalité des aides et de la disparition du fonds vert, qui se contente de « saupoudrer ».

Toutefois, il n'en va pas de même du fonds territorial climat, et c'est pourquoi nous devons absolument le conforter. Celui-ci fait en réalité office de dotation de soutien aux PCAET. En l'abondant de 150 millions d'euros, nous nous inscrivons donc complètement dans la logique évoquée par M. Mandelli.

Par ailleurs, nous sommes obligés de procéder par vases communicants si nous voulons faire aboutir nos propositions. Nous pourrions aussi demander que le Gouvernement lève le gage, y compris sur les 20 millions d'euros du fonds d'érosion côtière proposé par Christine Lavarde, mais je ne suis pas sûr que nous l'obtenions.

M. Jean-Pierre Corbisez. - Au-delà des questions de volume financier, il faudra prêter une attention particulière au taux de participation de l'État, c'est-à-dire au taux de subvention.

Je rappelle en effet qu'en avril dernier, le ministre Christophe Béchu avait baissé par arrêté les taux de participation de l'État en fonction des types d'investissements.

Ainsi, le taux de participation de l'État sur l'éclairage public à LED était passé de 25 % à 15 %. Cette diminution revenait à perdre une année de retour sur investissement, ce qui n'était pas encore trop pénalisant pour les collectivités. En revanche, le taux de participation sur les travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments était passé de 35 % à 25 %, voire à 20 %. Pour la construction d'une école, par exemple, cela revenait à perdre 100 000 ou 200 000 euros, ce qui était nettement plus lourd à soutenir pour les collectifs.

Il faudra donc être très vigilants sur les taux de participation proposés dans le cadre de la DETR et des autres dispositifs.

Mme Marie-Claude Varaillas. - Effectivement, ce fonds territorial climat a toutes ses raisons d'être, mais j'ai le sentiment qu'on habille Paul pour déshabiller Pierre...

Ce fonds devrait être alimenté par le budget général de l'État, surtout lorsque l'on sait que celui-ci encaisse 1,3 milliard d'euros de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) qui ne sont pas reversés aux collectivités. Le fonds Barnier, par ailleurs, a été budgétisé et est disponible. On pourrait presque y ajouter le « plafond mordant » des agences de l'eau...

Il manque surtout une volonté politique de la part de l'État.

M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - Nous partageons tous la même préoccupation sur le financement de la transition écologique.

Je souscris à vos remarques au sujet des « vases communicants » : lorsqu'il y a de moins en moins de liquide dans le vase, les choses se compliquent... Mais j'en ai tiré une conclusion différente. Constatant la baisse significative des crédits du fonds vert, j'ai eu peur de précipiter sa disparition en demandant que les crédits du fonds territorial climat soient maintenus à 200 millions d'euros ou que leur baisse soit limitée à 150 millions d'euros.

Sur ce sujet, j'ai une différence d'appréciation avec Didier Mandelli. Sur le terrain, le fonds vert est important, car ce sont des moyens supplémentaires pour les collectivités locales. Quant à la généralisation des écoconditionnalités, elle pourrait aussi freiner l'octroi de subventions pour un certain nombre de projets absolument nécessaires pour les territoires.

La délégation aux collectivités territoriales vient de présenter un rapport qui attire l'attention sur les surcoûts qu'engendre le respect de certains critères environnementaux dans la construction publique. Parfois, à vouloir fixer des objectifs trop ambitieux, on empêche certains projets importants de se réaliser.

Le Sénat a toujours été attentif au respect du principe de libre administration des collectivités territoriales, et, pour ma part, je plaide pour que ces fonds de soutien aux collectivités soient maintenus, avec le plus de souplesse possible.

En conclusion, il me paraît plus prudent de maintenir les crédits du fonds territorial climat à 100 millions d'euros. Si des amendements d'appel sont déposés en séance, nous en débattrons avec le Gouvernement, et il faudra tenter d'obtenir d'un ministre qui propose la disparition du fonds - Mme Pannier-Runacher avait proposé son maintien - l'engagement de le défendre, en l'éclairant de nos lanternes...

L'an dernier, 200 millions d'euros de crédits avaient en effet été rétablis, mais il serait intéressant de regarder plus précisément comment ils ont été décaissés, comme vous avez été nombreux à le suggérer. Cela pourrait faire l'objet d'une mission d'information, dont les conclusions nous aideraient à préparer le prochain exercice budgétaire.

M. Jean-François Longeot, président. - J'ai bien compris la démarche de Ronan Dantec, qui propose d'augmenter de 50 % les crédits du fonds territorial climat. Son initiative pourra être reprise par son groupe politique. Pour l'heure, je vous propose déjà d'adopter l'amendement du rapporteur, car il vaut mieux prévenir que guérir !

L'amendement n° II-1389 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la transition énergétique et au climat, sous réserve de l'adoption de son amendement.

Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs aux transports routiers - Examen du rapport pour avis anges (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu relatif à ce point de l'ordre du jour sera publié ultérieurement.

« Pour l'efficacité de la GEMAPI : des territoires solidaires » - Présentation du rapport d'information et échanges (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu relatif à ce point de l'ordre du jour sera publié ultérieurement.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 11 h 15.