SÉANCE

du mercredi 16 avril 2008

74e séance de la session ordinaire 2007-2008

présidence de M. Christian Poncelet

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Organismes génétiquement modifiés (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux organismes génétiquement modifiés.

Discussion générale

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.  - Je tiens à rendre hommage au travail qu'ont effectué la commission des affaires économiques, son rapporteur, M. Jean Bizet, et son président, M. Jean-Paul Émorine, ainsi que l'ensemble des parlementaires sur un sujet évoqué depuis sept ans sans être tranché, et que certains caricaturent ou complexifient à l'extrême alors son architecture est simple.

Nous revenons devant le Sénat parce que le Gouvernement a décidé de ne pas déclarer l'urgence sur ce texte. Il avait initialement choisi cette procédure car nous avons pris du retard dans la transcription des directives. La France risquait des sanctions financières, ce qui serait mal venu quelques mois avant que nous prenions la présidence de l'Union européenne.

Il a toutefois paru nécessaire de renoncer à l'urgence afin que deux lectures aient lieu devant chaque assemblée. A ce point du débat, nous ne pouvons que nous en féliciter. Le Gouvernement - je dis bien le Gouvernement-, M. Barnier, Mme Kosciusko-Morizet et Mme Pécresse, sous l'autorité de M. Fillon, a présenté un premier texte qui a été amélioré par le Sénat. Les ajouts que lui a apportés l'Assemblée nationale ne sont aucunement contradictoires avec la position du Sénat. D'après les informations dont je dispose, votre rapporteur ne souhaiterait revenir sur aucune des améliorations opérées par les députés : il compte seulement proposer un amendement de précision qui me paraît en effet indispensable.

L'Assemblée nationale a proposé l'introduction d'une séance plénière au sein du Haut conseil, l'élargissement de la saisine aux députés et aux sénateurs ainsi que la liberté d'expression des membres du Conseil dans le cadre d'un règlement intérieur. Enfin, avec l'amendement n°112 déposé par M. François Grosdidier, adopté à l'unanimité, elle a précisé la philosophie et les fondements de ce texte. Je suis heureux que le Sénat ait choisi de confirmer cet amendement malgré les rumeurs contraires qui ont été répandues. Dans ce genre de rumeur, le marquis de Sourcesûre n'est jamais neutre !

De surcroît, l'Assemblée nationale a apporté une autre précision par l'amendement n°252 du député Chassaigne qui a simplement besoin d'une clarification pour asseoir sa valeur juridique, notamment pour la définition de la notion « sans OGM ».

Ce texte, qui respecte le Grenelle de l'environnement, est conforme aux déclarations du Président de la République le 25 octobre 2007: « La vérité est que nous avons des doutes sur l'intérêt actuel de certains OGM pesticides ; la vérité est que nous avons des doutes sur le contrôle de la dissémination ; mais la vérité est que nous avons besoin de la recherche, nous avons besoin d'un cadre juridique transparent, nous avons besoin d'une loi, et la vérité, c'est qu'il faut pouvoir produire et consommer avec et sans OGM ». Ce discours a été salué par tous les collèges du Grenelle présents à l'Élysée.

Le Président l'a bien dit : ce texte apporte la transparence. (M. Courteau se gausse) Il nous fait enfin sortir des errements, du laissez-faire, des non-dits et de l'absence de traçabilité.

Quelle sera la situation, une fois ce texte voté dans sa présentation actuelle ? Le seul OGM pesticide cultivé en France est pour l'instant, en l'attente d'autres expertises, interdit. Comme le souhaitent le Sénat et tous les Français, notamment une grande partie des agriculteurs, la recherche française est renforcée dans tous les domaines concernant les biotechnologies : l'écologie, la toxicologie, l'épidémiologie et l'utilisation de la biologie moléculaire à des fins médicales. Cette recherche est indispensable. Sous réserve d'extrêmes précautions, elle pourra avoir lieu en plein champ.

Ce texte comble le retard de la France dans la transposition de la directive européenne 2001/18 négociée par Lionel Jospin et Dominique Voynet. Il est, comme le veulent les Français, l'un des plus précautionneux au monde à l'égard de la diversité des agricultures, des produits de qualité, des terroirs, des AOC, qui sont un patrimoine culturel inestimable et un avantage commercial international.

L'intensité des débats a été à la hauteur des enjeux et de la difficulté de l'exercice. C'est l'honneur de cette majorité de poser ce débat et d'aller à son terme. Le Parlement s'est approprié l'un des sujets les plus difficiles du moment, et notamment du Grenelle de l'environnement. Grâce aux débats qui ont lieu ici, nous sommes en mesure de tenir les engagements que nous avons pris avec les Français.

Ce texte est clair. Je salue la présence de M. Barnier et de Mme Kosciusko-Morizet, qui montrent -si c'était nécessaire- l'unité du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'était nécessaire !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Car on entend bien des choses ! Nous soutenons la recherche, nous mettons en place la transparence et nous construisons un cadre juridique qui protège hautement la biodiversité de notre patrimoine agricole, l'une de nos plus grandes richesses. Permettez-moi de redire toute mon estime à votre commission. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Bizet, rapporteur de la commission des affaires économiques  - (Applaudissements à droite et au centre) Cette deuxième lecture du projet de loi relatif aux OGM est un événement. Nous n'avions pas eu l'occasion de faire de deuxième lecture du projet de loi de 2006, qui n'avait pas même été examiné par l'Assemblée nationale. Il faut donc reconnaître au Gouvernement le courage d'avoir fait avancer un débat législatif qui a trop souvent cristallisé les passions. Il y a urgence à légiférer dans ce domaine. Le Gouvernement de Lionel Jospin, qui avait négocié les deux directives sur les OGM, s'était refusé à en assumer la transposition. La version présentée sous la précédente législature n'a pu aller à son terme. Aujourd'hui, la France risque d'être condamnée le 5 juin prochain par la Cour de Justice des Communautés européennes à plusieurs dizaines de millions d'euros d'amende pour son retard de transposition.

Je ne m'attarderai pas sur les tensions qui ont accompagné l'examen de ce texte. Le législateur doit pouvoir travailler dans le calme et la sérénité et, si nous n'avons pas encore atteint cet objectif, j'ai bon espoir que la seconde lecture de ce texte apaise les esprits.

Les messages comminatoires dont j'ai fait l'objet -certains visaient même ma famille- n'ont pas changé mon attitude consistant à être constructif et pragmatique ! (Vifs applaudissements à droite)

La France nourrit son bétail avec des plantes génétiquement modifiées, que nous importons, mais l'opinion publique, par manque d'information ou par désinformation, croit que la culture de plantes génétiquement modifiées est une menace pour l'environnement ou pour la santé. Ceux qui parlent de menace savent pourtant bien que nous n'avons pas de substituts aux protéines végétales génétiquement modifiées ! Les cours des matières premières et des denrées agricoles s'envolent : quelles autres options que ces protéines ? Quand l'opinion publique en prendra conscience, nous serons comptables de nos choix d'aujourd'hui !

M. Josselin de Rohan.  - Très bien !

M. Jean Bizet, rapporteur.  - La prospective n'est certes pas le fort de notre pays, mais je souhaite que la vision de court-terme n'ait pas de conséquences incalculables ! Il se trouve que j'ai jeté des passerelles avec des collègues de gauche comme avec des membres de l'UMP. Je pense à M. Mortemousque qui se montre, comme beaucoup d'entre nous, soucieux de la protection des territoires.

La commission des affaires économiques a défini depuis plusieurs années une ligne claire et simple : celle du pragmatisme, de l'ouverture d'esprit et de la vision prospective. En 2003, nous adoptions à l'unanimité un rapport de M. Pastor, qui appelait à une loi fondatrice sur les biotechnologies : nous devrons y venir ! C'est dans cet esprit que nous avons préparé cette deuxième lecture. Nous avons été sensibles à la qualité du travail des députés et je salue l'intelligence, le sens de l'écoute et la rigueur intellectuelle de MM. Herth et Ollier. Le texte adopté par les députés nous convient pour l'essentiel. Nos collègues ont inséré sept nouveaux articles, ils en ont supprimé un, ont adopté quatre articles conformes et ils ont confirmé la suppression de l'article 10. Restent donc en discussion dix-huit articles.

L'architecture générale du texte est confirmée, autour du Haut conseil des biotechnologies, des principes de transparence et de responsabilité. L'Assemblée nationale reconnaît, en l'encadrant plus strictement encore que nous, la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM, principal acquis du Grenelle de l'environnement. En évoquant dès l'article premier, l'enjeu de la coexistence de cultures OGM et non OGM sur notre territoire, nos collègues sont allés au-delà des exigences communautaires, que sont le respect de l'environnement et de la santé publique. Notre commission ne vous présente donc qu'un amendement, pour assurer la conformité de ce texte avec le droit européen (M. Daniel Raoul se gausse) : la France n'est pas isolée, nous devons veiller à ce que nos lois ne contredisent pas nos engagements internationaux et européens.

S'agissant de la recherche en biotechnologie végétale, nous avions adopté en première lecture un dispositif « sofiplantes » pour soutenir l'investissement dans la recherche en génomique végétale. Le Gouvernement l'avait repoussé en raison de la contrainte budgétaire, nous avons ensuite proposé de recourir au dispositif des jeunes entreprises innovantes ou au crédit d'impôt recherche, le Gouvernement ne l'a pas souhaité davantage. Quant à l'idée d'un dispositif confortant le rôle des fondations pour financer la recherche, il y a été également défavorable. Restent des engagements de nature politique. Monsieur le ministre, des orientations claires seront-elles données à l'Institut national de recherche agronomique (Inra) en faveur des biotechnologies végétales ? L'Inra devrait consacrer ses ressources à la recherche en génomique, plutôt qu'à des études en sciences sociales. (On en convient à droite) J'espère que ce texte apaisera les tensions apparues dans ce débat et qui, avec le recul, se confirmeront tout à fait disproportionnées et irréalistes ! (Vifs applaudissements à droite et au centre)

M. Gérard Le Cam.  - (Applaudissements sur les bancs CRC) Madame la secrétaire d'État, je vous félicite pour votre attitude à l'Assemblée nationale au moment du vote de l'amendement n°252. Vous étiez en phase avec le peuple français : quatre Français sur cinq étaient de votre avis ! L'ordre majoritaire a pris le dessus, quoique je doute que la majorité soit bien réconciliée : en témoigne l'absence de M. Jean-François Le Grand ! En tout cas, nous verrons si notre débat est en décalage, ou en harmonie avec l'opinion très majoritaire des Français !

La « révolution verte » n'aura pas lieu. Le défaut d'actions concrètes a eu raison des espoirs suscités par le Grenelle de l'environnement. Les masques tombent : le Gouvernement prétend réduire les gaz à effet de serre, mais il abandonne le fret ferroviaire au profit du tout routier ; il annonce défendre la biodiversité, mais il ne réduit pas les pesticides et il encourage les OGM ! Quelle hypocrisie !

Ce texte démontre combien le fossé se creuse entre la population et le Gouvernement, qui repousse toute expression de la société civile ! Les Français ne veulent pas d'OGM, ni dans leur assiette, ni dans leurs campagnes, mais vous leur dites : « Vous en mangez déjà ! ». Pourquoi, alors, ne pas continuer à respirer de l'amiante, puisque les Français l'ont fait pendant des décennies ? Tout va bien avec les produits Monsanto, à vous entendre, puisque la durée de vie augmente... (Murmures improbateurs à droite) Monsanto a été le principal producteur de pyralène, polluant organique persistant qui est aujourd'hui interdit et qui est responsable de nombreuses pollutions. Monsanto a également produit l'agent orange, herbicide utilisé pendant la guerre du Vietnam et fortement cancérigène. C'est aussi Monsanto qui produit les hormones de croissance bovine et laitière, que l'Europe a encore la sagesse d'interdire !

La communauté scientifique n'a pas encore tranché la question de l'innocuité des OGM ; mais le rôle des politiques, en cas de doute, c'est bien de protéger l'intérêt général ! La peur OGM n'a rien d'irrationnel. Le Président de la République lui-même l'a reconnu, juste après le Grenelle de l'environnement : « La vérité est que nous avons des doutes sur l'intérêt actuel des OGM pesticides ; la vérité est que nous avons des doutes sur le contrôle de la dissémination des OGM ; la vérité est que nous avons des doutes sur les bénéfices sanitaires et environnementaux des OGM ».

Les défenseurs des OGM les présentent comme une alternative aux pesticides, dont ils ont raison de dénoncer la dangerosité : les premiers résultats d'une enquête européenne sur les pesticides présents dans les fruits et les légumes, sont particulièrement alarmants. Pour autant, le recours aux OGM est-il une solution sans danger pour les consommateurs ? Il y a deux catégories de plantes génétiquement modifiées : les « BT » qui fabriquent des insecticides et, les plantes tolérantes aux herbicides, capables de les stocker sans dépérir. On a prétendu que la protéine produite par les plantes génétiquement modifiées, était identique à celle contenue dans certaines préparations autorisées en agriculture biologique, donc qu'elle ne présenterait pas de danger. Or, le comité préfigurant la Haute autorité sur les OGM, vient d'établir que la protéine produite par le transgène, n'était pas identique au bacille de Thuringe : gardons-nous de toute précipitation !

Nous regrettons que les protocoles sur les pesticides ne soient pas reconnus pour les OGM. L'article 11 ter définit des principes intéressants, encore faudra-t-il qu'ils puissent être appliqués : je doute que les moyens suivent !

Nous sommes favorables aux manipulations génétiques, indispensables à la recherche. Mais cette science est récente, il faut être prudent et éviter en particulier que l'introduction de nouveaux gènes, ne modifie des inhibitions et ne produise des effets inattendus sur la santé ! La recherche doit être développée, dans l'intérêt du plus grand nombre, pas dans celui de quelques groupes multinationaux !

Vous justifiez les OGM par la dépendance européenne en protéines animales, mais il y a d'autres solutions. Nous nous félicitons que l'Assemblée nationale ait prévu un rapport du Gouvernement, sur un plan de relance de la production de ces protéines. Le principe de souveraineté alimentaire pourrait s'opposer aux accords de limitation de production, et justifier la préférence communautaire, ou encore la relance de pratiques agronomiques abandonnées, comme le doublage. Lorsque j'étais enfant, les agriculteurs semaient des graminées en même temps que les céréales, qu'ils récoltaient après avoir récolté les épis ; ce serait plus facile encore aujourd'hui puisque les machines peuvent ne récolter que les épis !

Quoi qu'il en soit, la généralisation des OGM ne résorbera pas notre dépendance en protéines végétales.

L'utilisation des OGM, dans une certaine conception de l'agriculture, permettrait de lutter contre la faim, contre les inégalités sociales, contre la dépendance des petits exploitants -c'est tout le contraire avec Monsanto et ses pareils, dont le seul but est le contrôle des marchés au mépris de l'indépendance alimentaire des peuples.

M. Dominique Braye.  - Grâce à vous !

M. Gérard Le Cam.  - Sommes-nous capables de concurrencer les États-Unis, le Canada, les pays d'Amérique latine ? Le savoir-faire européen et la qualité des produits nous permettent d'être compétitifs sur d'autres créneaux. Nous nous trompons de combat.

J'espère que la majorité sénatoriale ne répondra pas aux injonctions disgracieuses de M. Fillon : l'amendement UMP à l'article premier viderait de toute substance le contenu de l'amendement Chassaigne.

Comment vouloir que la part de l'agriculture biologique passe de 2 % aujourd'hui à 6 % en 2010 et 20 % en 2020 si l'on ne prévoit, en cas de contamination de ces cultures par les OGM, qu'un simple mécanisme d'indemnisation ? Vous avez admis, monsieur le ministre d'État, qu'on ne pouvait contrôler la dissémination et que le risque ne pouvait donc être pris. Les atteintes sur la faune, insectes et vers de terre, sont en effet connus ; les apiculteurs du Lot-et-Garonne, par exemple, ont constaté la contamination des pollens. Ce sont des faits !

Nous ne saurions nous satisfaire des quelques avancées de l'Assemblée nationale, car le modèle agricole qu'elles illustrent ne nous convient pas ; nous veillerons toutefois à ce qu'elles ne soient pas anéanties par la majorité sénatoriale, sur les AOC, la publicité des avis du Haut conseil ou sa saisine par les parlementaires, l'étiquetage des semences. Nous déposerons des amendements pour une meilleure information des consommateurs, pour l'étiquetage des produits d'animaux nourris aux OGM, pour une plus grande implication de la société civile et des populations.

Gouverner, c'est satisfaire l'intérêt général, non les intérêts privés ; c'est refuser de s'aligner, au nom de la fatalité, sur des décisions technocratiques peu éclairées ; c'est prendre en compte les attentes des citoyens. Ce texte s'éloigne de ces principes et n'apporte aucune garantie en termes de non-dangerosité et de non-contamination. Nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les bancs CRC et sur de nombreux bancs socialistes)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Notre débat tendu de première lecture montre que les OGM cristallisent des oppositions radicales et passionnelles. Nous avons tous été surpris par des propos intransigeants ou des affirmations peu étayées. Comment, après tant d'années et tant de rapports, alors que chez nos voisins les parlements ont traité, parfois à plusieurs reprises, de ces sujets, en sommes-nous toujours là ? Certes, les limites de l'expertise scientifique et la complexité du problème n'ont pas permis au politique de jouer son rôle d'arbitre en séparant clairement ce qui est permis de ce qui ne l'est pas. Sans doute aussi les gouvernements successifs n'ont-ils pas su créer les conditions d'un échange authentique pour éclairer les Français. Le débat a eu lieu dans les milieux associatifs, scientifiques, agricoles, dans les médias aussi, mais sans réelle confrontation entre l'expert, le politique et le citoyen.

Les questions essentielles ont été éludées au profit de raccourcis parfois simplistes. Résultat, nos concitoyens sont majoritairement hostiles aux OGM ; les risques sont désormais plus présents dans leur esprit que les bénéfices potentiels. La place des OGM dans leur vie quotidienne n'en continue pas moins de progresser, qu'il s'agisse de l'alimentation ou des médicaments. Se demander si l'on est pour ou contre les OGM n'a plus de sens ; on ne peut plus les ignorer.

Il n'y a jamais eu de progrès sans risque ; pourvu qu'on ne s'abandonne pas à la seule logique économique, il faut ensemble assumer ce risque, avec rigueur et vigilance. Le débat doit se fonder non sur les quelques clichés dont sont friands les fondamentalistes de tous bords mais sur des données claires et tangibles. Nous devons évaluer l'intérêt spécifique des OGM pris individuellement avec l'appui des scientifiques. Le Grenelle de l'environnement a prouvé que le dialogue était possible, que des équilibres, que des consensus pouvaient être trouvés, y compris sur les OGM.

Pour que les scientifiques puissent répondre aux questions que leur pose la société, il faut développer la recherche. Je souhaite, après la suppression par l'Assemblée nationale du dispositif heureusement introduit par le Sénat en première lecture, que nous inventions un mécanisme alternatif, plus simple, qui permette d'aider les entreprises du secteur.

Ce texte crée un Haut conseil, décline les principes de transparence, d'information, de préservation du libre choix. Son article premier est clair : la liberté pour chacun de consommer et de produire avec ou sans OGM y est garantie dans le respect des principes de précaution, de prévention, d'information et de responsabilité. L'amendement adopté à l'Assemblée nationale est de nature à apaiser ceux qui s'interrogent sur le sens de l'expression « avec ou sans OGM ». La coexistence de toutes les filières est assurée.

Un Haut conseil des biotechnologies est créé, dont l'indépendance et le fonctionnement transparent sont garantis ; nous devrons nous assurer, lors de l'examen des projets de loi de finances, qu'il dispose des moyens de mener à bien ses missions. Le registre national, qui détaille la nature et la localisation à l'échelle de la parcelle des cultures OGM, permettra l'information du public. Il faudra rendre systématique l'information des maires, qui doivent répondre aux interrogations légitimes de leurs administrés. La question majeure du régime de responsabilité est traitée afin de protéger les agriculteurs des filières traditionnelles ou bio des risques de contamination ; les filières OGM devront se doter des moyens financiers, y compris assurantiels, pour couvrir ces risques. Reste que l'indemnisation du préjudice devrait tenir compte du coût des analyses, de la perte d'un label ou de l'impact sur l'image commerciale...

Nous n'avons pas d'autre choix que de faire confiance aux scientifiques et aux chercheurs.

M. Henri de Raincourt.  - Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou.  - L'utilisation des OGM, si elle ne peut plus être entravée au nom des principes, doit être encadrée pour respecter l'environnement et la santé publique ; elle doit faire l'objet d'une évaluation scientifique impartiale et incontestable. Le texte satisfait à ces impératifs : la majorité du groupe RDSE le votera. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Daniel Soulage.  - Je me réjouis que M. le ministre d'État ait tenu son engagement : malgré la déclaration d'urgence, le texte est soumis au Sénat en deuxième lecture. Le débat à l'Assemblée nationale montre que la réflexion n'est pas encore aboutie.

Le cri d'alarme lancé ces derniers jours par la Banque mondiale et le FMI, la crise alimentaire qui touche 100 millions de personnes dans le monde donnent de nouvelles perspectives à notre débat. Le prix du riz a augmenté de 75 % en deux mois, celui du blé de 120 % en un an ; trente-sept pays sont menacés par la pénurie. Un des facteurs de l'envolée des prix est l'utilisation croissante des terres arables pour la production de biocarburants. Les OGM pourraient permettre tout à la fois de nourrir une Terre de plus en plus peuplée, d'accroître la production d'énergie verte, de répondre aux aléas climatiques et de créer de nouveaux médicaments. Ils ne sont cependant pas la panacée ; une réflexion sur les structures agricoles, notamment dans les pays en développement, reste nécessaire.

Depuis plusieurs années, notre groupe est favorable à un développement encadré des OGM. Ils nous permettront de faire face à des enjeux renouvelés, concernant notamment les rendements, et à des contraintes de plus en plus fortes, telle la limitation des intrants dont témoigne l'objectif de réduction de moitié de l'usage des pesticides d'ici 2012 entériné par le Grenelle de l'environnement. Notre dépendance pour l'approvisionnement en oléo-protéagineux rend difficilement crédible l'opposition aux OGM. L'Union européenne consomme chaque année 30 millions de tonnes de tourteaux de soja pour l'alimentation du bétail, et plus de la moitié des cultures mondiales de soja le sont en soja OGM. Et à quoi bon interdire la culture de maïs BT 810 si nous en autorisons l'importation ? Les députés souhaitent connaître la faisabilité d'un plan de relance des cultures d'oléo-protéagineux, qui me semble cependant voué à l'échec du fait du manque de surfaces disponibles et de notre climat.

Nous devons développer notre propre filière de production d'OGM, dont nous maîtriserions le processus de fabrication et fixerions les critères de validation, adaptés à notre agriculture. Il n'est pas normal qu'une firme multinationale détienne plus de 70 % des brevets de semences OGM et qu'OGM ne rime qu'avec Monsanto. Le bilan des OGM ne peut se faire qu'au travers du prisme Monsanto, faussé dès le début car les États-Unis ont choisi le principe de l'équivalence en substance : les plantes génétiquement modifiées (PGM) sont comparées aux plantes non transgéniques sur la seule base de leur composition et ne sont soumises à aucune réglementation spécifique. L'Europe a préféré une évaluation au cas par cas qui offre des garanties plus solides. Permettez-moi de reprendre à mon compte ce que déclarait Nicolas Hulot le 17 janvier : « Il n'y a pas les OGM, mais des OGM, et il est impératif de les étudier au cas par cas. » Je vous félicite, monsieur le ministre, d'avoir proposé le 3 mars, lors du Conseil de l'environnement de l'Union européenne, de remettre à plat les procédures d'homologation des OGM pour prendre davantage en compte l'évolution de la méthodologie d'évaluation. L'Europe doit parler d'une seule voix sur les OGM et votre initiative, qui permettra de restaurer la crédibilité des procédures d'autorisation, constitue une première étape pour réconcilier pro et anti-OGM.

Toutefois, il est nécessaire d'encadrer le développement des OGM. Je comprends les inquiétudes légitimes de nos concitoyens, car l'absence de preuve du risque sanitaire ou environnemental s'accompagne de l'impossibilité de prouver l'absence de risque. Il est donc primordial de préserver la coexistence des cultures. Je me réjouis que l'amendement à l'article 3, que j'ai fait adopter en première lecture, ait été conservé en substance par l'Assemblée nationale : il assure des périmètres de protection entre les cultures OGM, conventionnelles et biologiques. Selon l'lnra, pour les filières telles que l'agriculture biologique qui revendiquent une absence totale d'OGM, la coexistence à l'échelle locale est techniquement impossible dans la plupart des cas.

Nous devons favoriser la recherche en biotechnologies. La plupart des OGM commercialisés sont destinés à résister aux herbicides et aux insectes, mais les chercheurs peuvent créer des plantes capables de s'adapter à la sécheresse ou à la salinité des sols, nécessitant moins d'énergie et de traitements chimiques, dotées de meilleures propriétés nutritionnelles et sanitaires ou permettant de lutter contre des maladies. Or ce secteur accumule les retards, dus notamment aux commandos « anti-OGM » : le fauchage ruine des années de recherche, met en péril notre capacité d'innovation et fait le jeu des entreprises étrangères. (M. Fourcade approuve)

Nous étions à la pointe de la recherche sur les biotechnologies végétales il y a vingt ans, nous sommes aujourd'hui distancés par les États-Unis, la Chine, l'Inde ou le Brésil. En France, le nombre d'expérimentations est passé de plus d'une centaine en 1997 à treize en 2007 ! L'avenir de la recherche française dans les sciences du vivant, notre capacité d'innovation dans le domaine médical ainsi que la compétitivité de notre secteur industriel et agricole sont menacés. Le triplement sur trois ans du budget consacré aux biotechnologies ainsi que l'instauration, à l'initiative des députés, d'un cadre et d'objectifs pour la recherche publique à l'article 11 ter sont bienvenus. Dans un monde où les OGM continuent à proliférer, leur dangerosité ou leur innocuité ne peut être établie que par des recherches impartiales. Je souhaite également qu'une véritable recherche européenne sur les biotechnologies soit mise en place pour rattraper notre retard et contrecarrer l'hégémonie américaine.

Je tiens à souligner les avancées importantes apportées par les députés à ce texte, notamment pour la protection des parcs nationaux et des parcs naturels régionaux. L'amendement dans ce sens que j'ai déposé en première lecture a été refusé par le rapporteur et le Gouvernement pour incompatibilité avec la réglementation européenne : je me félicite de l'évolution rapide de la réglementation ainsi que du Gouvernement sur cette question... J'ai néanmoins déposé deux amendements, l'un remplaçant par une majorité qualifiée le critère de l'unanimité des agriculteurs concernés pour interdire les cultures OGM sur le territoire de ces parcs, le second supprimant la disposition relative à leur charte. Il me semble discutable d'exiger que ce document prévoie a priori l'exclusion des OGM ; cette adaptation doit faire suite au vote des agriculteurs.

Je me réjouis également des avancées faites par les députés pour la défense des terroirs et des productions sous appellation. Là encore, j'ai déposé un amendement identique en première lecture, refusé par le Gouvernement -il a aussi évolué sur cette question... Le nouvel article 3 B rassurera nos concitoyens, pour lesquels qualité est souvent synonyme d'absence d'OGM.

Enfin, nous ne pouvons faire l'économie d'une campagne de communication de grande ampleur sur les OGM. Le discrédit dont souffrent ces plantes, renforcé par le documentaire Le monde selon Monsanto, doit être combattu par des données objectives et en rappelant les bénéfices des OGM, qui ne concernent pas seulement l'agriculture. Il est important de rappeler que leur utilisation dans le secteur de la santé permet de sauver des vies. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Marc Pastor.  - Les OGM sont déjà une vieille histoire. Rapports, textes de loi, colloques... Depuis dix ans, on s'enlise, on se déchire, on ne se comprend pas, on s'invective. Et l'opinion publique doute plus encore qu'hier. Dans cette confusion, je souhaite exprimer le fond de ma pensée, partagée par mon groupe.

Tout d'abord, que savons-nous des OGM ? Ils sont définis par le déplacement d'un gène sur un chromosome, voire l'introduction d'un gène extérieur sur un chromosome. De ces deux opérations naît une fonction précise, d'où la nécessité, dans un texte fondateur sur les biotechnologies, d'aborder la question de la brevetabilité. (M. Courteau le confirme) Celle-ci ne peut concerner que le triptyque « organisme, gène, fonction », que l'on ne retrouve pas dans le texte. Certaines de ces fonctions sont positives, pour l'homme et pour l'intérêt général. Ainsi, mon groupe souhaite encourager le progrès médical : la pénicilline, depuis plus de dix ans, est OGM, et la mucoviscidose est également traitée par des OGM. Nul doute que demain d'autres maladies seront traitées grâce à ces techniques mais cela ne dispense pas de se prémunir contre certains débordements.

Un produit à base d'OGM a depuis longtemps remplacé le blanc d'oeuf pour le collage du vin et, depuis la crise de la vache folle, on n'utilise plus un enzyme issu d'un suc prélevé dans l'estomac du veau pour la présure nécessaire au caillage du lait, mais une chymosine recombinante produite par une plante génétiquement modifiée. Au quotidien, dans l'intérêt général, les OGM connaissent de multiples applications alimentaires.

Que se passe-t-il lorsque l'homme ingère un aliment génétiquement modifié ? La particularité de notre système digestif tient à sa capacité de filtrage du chromosome et des gènes qui y sont accrochés pour reconstituer des acides animés, seuls à même d'être véhiculés par le sang pour nourrir nos cellules. Cette fonction est assurée, qu'il y ait eu ou pas déplacement du gène sur le chromosome. A chaque « éclair », les bactéries connaissent des mutations naturelles : telle est la grande loi de l'évolution...

Le scientifique étudie tout cela et le transpose. Mais qui le contrôle, qui lui passe commande ? Et surtout, combien comptons-nous de chercheurs publics qui travaillent dans ce domaine ? A l'Inra, une seule mission lui est dédiée.

M. Dominique Braye.  - Tous les chercheurs s'en vont !

M. Jean-Marc Pastor.  - Incontestablement, beaucoup reste à faire pour y voir clair !

M. Thierry Repentin.  - Eh oui !

M. Jean-Marc Pastor.  - C'est en effet au chercheur qu'il revient d'éclairer notre société.

Et puis, il y a des approches à risque qui imposent une immense prudence. Le BT810 en fait partie : il faut donc faire preuve d'un grand discernement.

Après le Grenelle, nous étions tous d'accord pour estimer qu'il fallait protéger ceux qui souhaitent produire sans OGM. L'Assemblée nationale a adopté un amendement en ce sens, et c'est heureux. Mais alors, comment envisager des cultures PGM en pleine nature sans les encadrer, sans un protocole de culture et dans une totale transparence -par exemple un suivi basé sur le principe des Clis ? Il faut que l'information soit totale, d'autant que lorsque l'agriculteur se sera lancé dans cette voie, il ne pourra pas faire marche arrière.

Ce projet de loi porte sur les OGM et pas seulement sur les PGM. L'exemple du transfert, aux États-Unis, d'un gène laitier bovin sur une truie est frappant : cette dernière a produit trois fois plus de lait qu'une truie non OGM. Il s'agit d'une performance scientifique assez exceptionnelle mais c'est aussi la porte ouverte à tous les excès. Qui, demain, maîtrisera les abus, comment encadrer ces avancées ? Or ce texte ne prévoit aucun mécanisme de régulation. Certes, chaque avancée scientifique a provoqué des inquiétudes, des peurs, et Pasteur, lui-même, a failli se faire lyncher ! Mais si des barrières ne sont pas érigées, l'humanité peut basculer et l'argent dicter sa loi. M. le ministre d'État n'a-t-il pas évoqué le risque de contamination ? Nous devons donc nous assurer que les avancées scientifiques restent au service de l'homme. L'opérateur public doit demeurer maître de la commande afin d'éviter qu'une poignée d'individus s'emparent, demain, du monde.

M. Thierry Repentin.  - Très bien !

M. Jean-Marc Pastor.  - Le fonds d'indemnisation sera-t-il suffisamment doté ? Quant à la brevetabilité, elle ne peut concerner que le triptyque « Organisme-gène-fonction ». Sinon, nous ouvrirons la porte à l'appropriation du vivant. Comme vous ne le souhaitez pas, monsieur le ministre d'État, pourquoi n'avoir rien prévu dans ce texte pour l'interdire ?

Je ne peux non plus passer sous silence les importations massives de PGM sans contraintes particulières : quel paradoxe par rapport aux mesures prévues pour restreindre leur production sur notre territoire ! Que comptez-vous faire ?

Nos amendements porteront sur tous ces sujets, dans le respect du rapport que nous avions tous voté au Sénat. Mon groupe n'est pas opposé au progrès, loin de là, mais il souhaite l'encadrer pour éviter toute dérive. Si nos amendements ne sont pas adoptés, nous ne pourrons pas voter ce projet de loi.

Enfin, la surprise est venue de la position du groupe majoritaire : après quelques hésitations, il a décidé de voter ce texte conforme...

M. Thierry Repentin.  - C'est curieux ! (Sourires)

M. Jean-Marc Pastor.  - ...à l'exception de l'article premier par qui le scandale est arrivé (on le conteste à droite) avec le vote d'un amendement donnant la priorité aux cultures non OGM. Je connais votre intégrité sur le sujet, monsieur le rapporteur. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs) J'espère qu'il ne s'agit pas là d'une manipulation pour provoquer un retour de cet article à l'Assemblée nationale et faciliter la suppression de l'amendement n°252. (On se récrie à droite)

M. Thierry Repentin.  - La ficelle est un peu grosse !

M. Dominique Braye.  - C'est ce que vous feriez si vous étiez à notre place !

M. Jean-Marc Pastor.  - Je n'ose imaginer ce qui apparaîtrait comme une hypocrisie. Mais je suis sûr que vous allez me rassurer sur ce point, monsieur le ministre d'État. (Applaudissements à gauche)

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

M. Yannick Texier.  - (Applaudissements à droite) Sur le sujet complexe des OGM, mon groupe demande, depuis longtemps, plus de débat, de transparence et de connaissance. Nous entendons nous tenir à cette position, en dépit des polémiques.

Aujourd'hui, il nous faut transposer en droit français les textes européens, car notre retard est important et nous risquons des sanctions de la part de la Commission européenne, sanctions qui pourraient se monter à plusieurs dizaines de millions. Cette transposition est donc impérative et permettra de doter notre pays d'une législation encadrant l'utilisation des OGM. Le débat au niveau européen n'est pour autant pas clos : d'autres pays connaissent les mêmes interrogations et il n'est pas impensable que nous puissions, à l'avenir, améliorer les dispositifs actuels. C'est d'ailleurs pourquoi, au dernier Conseil européen, le gouvernement français a demandé la réévaluation des procédures d'expertise européenne en matière d'autorisation des OGM.

En second lieu, ce texte décline les positions prises lors du Grenelle de l'environnement, à savoir un cadre rigoureux et transparent pour les OGM et les biotechnologies, la création d'une Haute autorité des biotechnologies et le renforcement de la recherche. Sur ce dernier point, nous saluons l'annonce du Gouvernement de consacrer 45 millions à la recherche sur les biotechnologies végétales. L'amendement adopté par les députés qui précise les champs de recherche prioritaires dans le cadre des programmes de l'Agence nationale de la recherche est également intéressant.

Enfin, ce projet de loi affirme des principes fondamentaux voire constitutionnels, comme ceux de précaution, de responsabilité, de transparence et d'information. A juste titre, l'Assemblée nationale a insisté sur la participation. Le Haut conseil des biotechnologies, nouvelle instance d'évaluation, est donc créé : doté de deux comités, il permettra l'exercice de l'analyse scientifique mais aussi la totale expression de la société civile, conformément aux voeux de nos concitoyens. Les députés ont précisé sa saisine, le choix de son président, la procédure accélérée d'émission de ses avis à la demande du ministre de la santé et ses modalités de fonctionnement.

L'expérimentation et la mise en culture des OGM seront strictement encadrées : demande d'autorisation préalable, évaluation indépendante des risques, déclaration des cultures, transparence de leur situation, mise en oeuvre de bonnes pratiques, c'est-à-dire de mesures techniques permettant la coexistence des différents types de cultures. De même, nous sommes favorables à ce que toutes les conditions techniques relatives à la coexistence des cultures soient soumises à une révision périodique sur la base de travaux scientifiques.

Les députés ont également traité des relations entre les productions OGM et les signes de qualité. Nous avions eu ce difficile débat lors de l'examen du premier projet de loi sur les OGM en 2006 et vous vous en êtes d'ailleurs largement inspiré, monsieur le ministre. Nous acceptons la solution proposée : l'Inao et les organismes de gestion des appellations pourront proposer des mesures adéquates.

Afin de protéger les zones naturelles, les députés ont permis aux gestionnaires des parcs d'interdire la culture des OGM. Enfin, ils ont légiféré sur l'étiquetage des semences. Ces dispositions garantissent le respect de la liberté du choix : consommer ou produire avec ou sans OGM, seul moyen de préserver les convictions individuelles. Cette liberté de choix est elle-même garantie par la transparence à tous les niveaux. Nous avions prévu, en première lecture, la création d'un registre national indiquant la localisation à l'échelle de la parcelle. Les députés ont utilement précisé que les préfectures assureraient la publicité de ce registre.

C'est en contrepartie de cette transparence que doit être apprécié le régime de sanction à l'encontre des destructions de plants OGM. Sur un sujet aussi sensible, chacun doit faire preuve de responsabilité. Dans la mesure où ce texte fixe des principes stricts d'autorisation et de surveillance des organismes génétiquement modifiés, il est à même de rassurer nos concitoyens. Il nous donne en effet les moyens de déceler tout risque pour la santé ou l'environnement. Si malgré tout un problème survenait, un principe de responsabilité sans faute de l'exploitant cultivant des OGM est instauré. Ce régime implique une indemnisation de l'agriculteur qui aurait vu sa récolte affectée par des cultures OGM, les apiculteurs étant concernés, comme nous en avions disposé en première lecture, dans une rédaction améliorée par l'Assemblée nationale.

Celle-ci a complété ce régime d'indemnisation par une autre forme de réparation du préjudice qui consiste en un échange de produits. Nous avions discuté de cette possibilité en première lecture ; nous n'y étions pas opposés mais nous n'avions pas arrêté sa formulation juridique. C'est chose faite ; nous en sommes d'accord.

Enfin, dans un souci de rassurer nos concitoyens, les députés ont considéré devoir aller plus loin que nous sur le respect des filières sans OGM. Cette initiative a recueilli toute notre attention ; nous nous accordons désormais pour dire qu'elle doit être intégrée dans le cadre communautaire ; notre rapporteur a formulé un amendement qui va dans ce sens, nous le voterons.

Pour conclure, au nom du groupe UMP, je rends un hommage appuyé au président de la commission des affaires économiques et à son rapporteur. Ils ont effectué un travail remarquable afin d'arriver au texte équilibré qui nous est proposé aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Daniel Raoul.  - Deux ans après l'avoir fait une première fois, nous allons de nouveau évoquer dans cet hémicycle la question des OGM. Les intervenants précédents ont rappelé les différentes étapes du travail législatif sur ce sujet et ont pu évoquer à ce titre les tribulations, sinon d'un Chinois en Chine, du moins d'une loi au Parlement !

En mars 2006, j'avais débuté mon intervention sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés en précisant que « la transgénèse, comme toute technologie, qu'elle soit nouvelle ou non, et comme tout outil, peut être la meilleure ou la pire des choses ». Malheureusement, je constate, comme vous, que, presque deux ans plus tard, ce sujet déchaîne toujours autant les passions, à la hauteur de la méconnaissance qui règne chez les uns comme chez les autres.

M. Dominique Braye.  - Très juste !

M. Daniel Raoul.  - Si nous ne voulons pas diaboliser cette avancée scientifique en rangeant sous un même vocable toutes ses applications possibles, nous devons faire un gros effort important de pédagogie, donc nous répéter. J'ai déjà eu l'occasion de dire devant le Sénat que, si nous n'y prenions garde, les OGM susciteraient dans les esprits la même confusion que celle qui prévaut toujours sur la question du nucléaire, certains faisant l'amalgame entre les armes nucléaires et les centrales de production

Personne ne met en doute les progrès sanitaires que représentent les OGM pour certains vaccins. A titre d'exemple, je citerai le vaccin contre le virus H5N1, inoculé dans les élevages avicoles, et le vaccin contre la rage, qui a stoppé la progression de cette maladie vers le centre de la France. Je n'oublie pas non plus toutes les applications possibles de la thérapie génique.

Il est vrai que, depuis les épisodes médiatico-scientifiques de l'amiante et du nuage de Tchernobyl, innovation scientifique et décisions politiques ne font pas bon ménage dans l'esprit des Français.

J'espère que le contexte de l'après-Grenelle de l'environnement favorisera les prises de conscience puisque chacun se plaît à souligner qu'il a été l'occasion d'un vrai dialogue. Là est certainement le coeur du sujet : créer la confiance par la participation dans la transparence et la responsabilité, qui est son corollaire. A cette fin, il est essentiel de mettre en place les Clis, comme ce fut fait pour les questions touchant à la sûreté nucléaire ou aux installations classées de type Seveso II. Ces commissions devront tout d'abord se prononcer sur les protocoles d'essais de tout semis en plein champ, bien entendu après les essais en milieu confiné. En associant les citoyens, elles garantiront plus de transparence et devraient permettre aux maires de faire participer la population de leur commune aux phases d'information, de décision et, surtout, d'évaluation.

Que de confusion dans votre texte, après la cacophonie des positions diverses des membres du Gouvernement ! Il y a, d'abord, la confusion entre les OGM et les PGM, les organismes génétiquement modifiés et les plantes génétiquement modifiées.

M. Jean Bizet, rapporteur.  - Vous avez raison.

M. Daniel Raoul.  - Vous connaissez mon attachement à cette distinction. Soyons clairs : 80 % du texte qui nous est présenté ne concernent que la culture de PGM, et, pour être plus précis, celle du maïs Monsanto 810. S'il s'agissait d'un texte de portée générale sur les OGM, comment ne pas établir de lien avec la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, en particulier pour le règne animal, auquel appartient l'espèce humaine ?

Quelle hypocrisie, quand on importe 4,5 millions de tonnes de soja constituées à près de 80 % par des OGM et que l'on interdit simultanément la culture d'une PGM par nos agriculteurs, en particulier ceux du Sud-ouest ! Je ne vois pas comment le ministre de l'agriculture peut sortir de cette contradiction. Le risque de dissémination existe autant dans le transport et le stockage que dans la production elle-même. Quelle hypocrisie de brandir la clause de sauvegarde alors que vous connaissiez la position de la Commission européenne !

Comment justifier qu'une PGM faisant l'objet d'essais en plein champ ait été détruite alors qu'il s'agissait d'une plante résistant à la sécheresse ? Nous sommes pour le droit de produire, avec ou sans PGM, et cela exige un certain nombre de mesures respectueuses des critères du développement durable de la Charte de l'environnement.

Un effort intensifié de recherche dans le domaine des biotechnologies, et particulièrement dans le domaine de la génomique végétale, devrait être mené pour que nous disposions d'une expertise indépendante et que nous ne soyons pas assujettis aux experts des entreprises qui soumettent leurs dossiers à une autorisation.

Il faudrait que les essais en plein champ soient assurés dans une transparence complète avant que l'on ne passe à la culture en plein champ, ce qui suppose une information, une concertation, une évaluation sur les avantages et les risques de cette PGM.

Chacun devrait avoir la liberté de choisir, consciemment et en toute responsabilité, de produire et de consommer avec ou sans OGM.

Il faudrait enfin, après une évaluation des avantages par rapport aux risques, déterminer une responsabilité.

Je me tourne vers le Gouvernement : j'ai du mal à vous accorder ma confiance à propos de ce projet de loi, alors que vous avez enterré le texte sur les certificats d'obtention végétale qui permettait l'utilisation des semences fermières. C'était pourtant un enjeu stratégique. Une information, une pédagogie auraient été nécessaires pour ne pas nous trouver dans une dépendance supplémentaire par rapport à des entreprises américaines ou asiatiques. Vous ne méconnaissez pas les efforts qui sont faits par l'Inde et par la Chine dans le domaine des biotechnologies : en une seule année, ces pays ont recréé ex nihilo l'équivalent de notre Inserm. C'est qu'ils ont bien mesuré les enjeux que représentaient les recherches dans ce domaine.

M. Dominique Braye.  - Ils cultivent des PGM !

M. Daniel Raoul.  - Le gouvernement Messmer avait su prendre des mesures courageuses pour assurer notre indépendance en matière énergétique. Il faudrait avoir ce courage pour garantir l'indépendance dans le domaine des biotechnologies et des applications agroalimentaires.

Vous avez évoqué l'ouverture de crédits, mais j'ai pu vérifier auprès des chercheurs de l'Inra et de l'Inserm qu'ils n'ont pas été consommés, et cela en raison des pressions exercées sur les chercheurs par leur direction, pressions morales et même physiques, avec l'interdiction qui leur est faite d'aborder le problème des PGM et des OGM.

Il va falloir ouvrir complètement ce dossier si vous voulez que vos crédits soient effectivement utilisés. Cela suppose que vous soyez assez directifs vis-à-vis des directions des établissements publics à caractère scientifique et technologique. Les chercheurs qui réalisent des tests dans ces domaines doivent être reconnus et pas considérés comme des pestiférés, y compris au sein de leur laboratoire.

Au lieu d'un texte d'opportunité, il aurait fallu un texte de fond pour examiner le triptyque plante-gène-fonction et se donner les moyens d'interdire la brevetabilité du vivant.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Daniel Raoul.  - Breveter le gène, donc le couple plant-gène, ce serait comme breveter la structure du fer ou du silicium avec leurs propriétés ! En revanche, les applications, autrement dit les fonctions, sont, elles, brevetables. Il convient de clarifier les débats sur les enjeux, et je ne suis pas sûr qu'un jour nous n'aurons pas à choisir entre les pesticides et les PGM et à comparer les avantages et les risques des uns et des autres.

Quand on voit le résultat sur les nappes phréatiques de l'utilisation des pesticides, on peut se demander s'il ne vaudrait pas mieux cultiver une PGM qui s'auto-immunise contre les insectes et, dès lors, évite le recours aux produits phytosanitaires, plutôt que de continuer à polluer les nappes. C'est bien là un enjeu pour notre société.

II faut encore mettre en cohérence les pratiques de culture et d'importation. J'espère que le Gouvernement me répondra sur ce point, parce qu'est en jeu ici tout ce qui concerne la viande blanche.

Il est essentiel de développer une recherche indépendante afin d'assurer une évaluation qui nous permettra de produire plus et mieux.

Loin de moi l'idée de remettre en cause ni les capacités intellectuelles ni l'honnêteté de notre rapporteur, mais je constate, alors que nous avions besoin d'une loi fondatrice sur les biotechnologies, enjeu stratégique mondial, que le seul amendement présenté par M. Bizet ne vise qu'à annihiler l'amendement Chassaigne. (M. Le Cam applaudit)

M. Roland Courteau.  - Eh oui !

M. Daniel Raoul.  - Vous comprendrez que nous ne pouvons cautionner ce texte ni sur le fond, ni sur la forme. (Applaudissements à gauche)

Mme Fabienne Keller.  - Je remercie mes collègues de l'UMP de m'avoir permis de m'exprimer sur ce dossier sensible. (Exclamations ironiques sur les bancs socialistes)

Sensible parce que nous ne disposons pas, aujourd'hui, du recul suffisant pour évaluer efficacement l'impact de la dissémination des OGM dans l'environnement. Le principe de précaution doit donc s'appliquer à plein. Telle est la conviction que je voulais porter devant vous, même si j'ai conscience que je n'interviens pas au moment le plus opportun de la navette.

Le principe de précaution n'est certes pas absent de ce texte. Mieux, il l'inspire. Je pense notamment à l'article 3 nouveau, adopté par les députés, qui vise à la protection de zones sans OGM. Mais va-t-on assez loin ? Je ne le pense pas. C'est pourquoi j'ai déposé plusieurs amendements, qui reprennent des idées certes déjà débattues en première lecture, à l'initiative de M. Le Grand, mais qui sont au coeur des enjeux touchant, à long terme, à la préservation du vivant.

Si cette question est très sensible pour nos concitoyens, c'est qu'elle se situe au carrefour d'interrogations fondamentales pour l'avenir de notre société : le rapport à la science, le choix d'un modèle agricole et alimentaire, le rôle des multinationales, l'information des citoyens-consommateurs, la prise de décision en matière de risques.

Je vous proposerai donc tout d'abord d'introduire plus de transparence dans les travaux du Haut conseil, en permettant leur publication et la libre expression de ses membres ; de rééquilibrer ses deux collèges, pour parvenir à une meilleure interdisciplinarité et à une représentation équilibrée de la société civile ; de retenir, alors que la recherche, encore peu développée, ne nous permet de disposer d'aucun modèle sur la contamination par les OGM en culture, un seuil de détection des OGM plus bas que celui que prévoient les textes communautaires, afin de nous assurer d'une maîtrise à long terme de l'impact de leur diffusion dans l'environnement et de protéger, car cela est essentiel pour notre écosystème, des cultures qui en soient véritablement exemptes ; de mieux impliquer, en vertu du principe du pollueur-payeur, les producteurs de semence dans la prise en charge du préjudice de contamination, et d'inverser la charge de la preuve ; de prévoir enfin une information obligatoire du grand public sur le taux d'OGM contenu dans l'alimentation des animaux destinés à la consommation : n'oublions pas que c'est là le principal débouché des OGM et que les texte européens ne prévoient aucune obligation en ce sens. Transposer une directive n'est pas signer un chèque en blanc ; le principe de subsidiarité doit trouver à s'appliquer pleinement pour assurer prévention, précaution, transparence et surtout réversibilité. Je rappelle que l'article 26 de la directive précise que les États membres peuvent prendre les mesures nécessaires pour éviter la présence accidentelle d'OGM dans les autres produits.

Mais comment mesurer cette « présence accidentelle » ? Retenir un taux de 0,9 %, dont la directive ne fait qu'un seuil d'étiquetage des produits pour l'information des consommateurs, serait accorder un véritable droit à contaminer. Je vous proposerai donc de retenir, pour mesurer le préjudice, celui de 0,1 % auquel s'arrêtent les chercheurs.

D'autres pays européens, comme l'Autriche, l'Allemagne, l'Italie, la Roumanie, ont montré la voie de la subsidiarité. S'ils n'ont pas explicitement reçu la bénédiction de la Commission et de la Cour de justice des Communautés européennes, je relève qu'aucune poursuite n'a été engagée à leur encontre. Si la Cour de Luxembourg envisage de condamner la France, ce n'est pas en vertu d'une mauvaise application des deux directives, mais parce que nous n'avons rien fait depuis leur publication, il y a sept et dix ans. La menace d'une sanction financière de 40 millions ne nous met hélas pas en condition pour mener un travail législatif apaisé. Je l'ai dit à de nombreuses reprises, il est impératif que nous nous saisissions plus en amont des travaux de la Commission, afin de nous mettre en mesure de peser sur les décisions du Conseil européen et du Parlement et éviter de nous trouver en porte-à-faux.

Notre connaissance des OGM n'est plus la même qu'en 2001. Les textes européens méritent d'être remis en discussion en même temps que mieux prises en compte les exigences de transparence et de démocratie sur une question aussi essentielle que celle de la protection du vivant. La prochaine présidence française de l'Union nous offre, à cet égard, une opportunité de choix.

Vous pouvez compter, monsieur le ministre, sur ma participation constructive et ouverte à ce débat. (Applaudissements sur plusieurs bancs de la gauche à la droite)

Mme Odette Herviaux.  - Les enjeux problématiques liés aux OGM, loin de relever de seules considérations techniques et scientifiques, relèvent d'un véritable choix politique. Mes collègues ont abordé celui de la recherche, je m'attacherai à la compétitivité économique durable de notre modèle agricole et à son rôle dans la promotion d'un développement solidaire.

A la suite du Grenelle de l'environnement, je vous avais ici même demandé, monsieur le ministre, d'assumer une politique offensive sur les cultures en plein champ de plants génétiquement modifiés, à un moment où jamais la biodiversité n'avait été autant menacée.

Ce texte est d'autant plus important qu'il sera la première concrétisation d'un Grenelle auquel étaient attachés tant d'espoirs. Il ne porte pas, hélas, la volonté de promouvoir un modèle de croissance plus respectueux des hommes et de l'environnement. Or, nous savons aujourd'hui qu'une croissance qui ne serait ni durable ni solidaire aura des conséquences écologiques, économiques et humaines désastreuses.

Autoriser pour la commercialisation, la culture de plants génétiquement modifié n'est ni durable, ni solidaire ! C'est ouvrir un risque de dissémination irréversible. L'expérimentation à des fins de recherche elle-même doit être soumise à une réglementation draconienne et réellement dissuasive afin que tous ceux qui n'ont pas fait le choix de cette technologie pour leurs cultures ou qui la refusent dans leur assiette puissent être réellement prémunis.

Au nom de la liberté, certains ont souhaité amender le texte en y inscrivant la liberté de produire « avec ou sans OGM ». Mais c'est la liberté du renard dans le poulailler ! Depuis plus de dix ans, les grands groupes semenciers ont fait la preuve de leur incapacité à empêcher les contaminations, aussi bien sur les lieux de culture que d'expérimentation.

Mme Évelyne Didier.  - Et Monsanto fait des procès aux lampistes !

Mme Odette Herviaux.  - Il en est des productions génétiquement modifiées comme de la politique : le terme de « cohabitation », comme celui de « coexistence pacifique », n'est qu'une invention destinée à rassurer l'opinion publique.

Vous le reconnaissiez vous-même, monsieur le ministre, le 21 septembre dernier : « Tout le monde est d'accord : on ne peut pas contrôler la dissémination donc on ne va pas prendre de risques ». Alors que l'on vient d'inscrire le principe de précaution dans notre Constitution, va-t-on ici donner à certains les moyens légaux de faire du profit, au risque de provoquer une pollution génétique irréversible et de mettre en péril tout ce qui fait la richesse et la variété de notre agriculture ?

L'avancée de l'amendement 252, mieux conforme à l'esprit du Grenelle de l'environnement, est le moins que l'on pouvait attendre.

Reste le problème de la production conventionnelle de masse et celui des importations massives de produits destinés à l'alimentation du bétail.

M. Jean-Marc Pastor.  - En effet.

Mme Odette Herviaux.  - Là encore, le choix du non-OGM est tout à fait compatible avec les grands défis alimentaires. Selon le professeur Mazoyer, en étendant partout les techniques connues, corrigées de leurs excès pour être durables, on peut accroître le rendement moyen mondial de 25 % : les terres disponibles, cultivées durablement, seraient suffisantes pour nourrir toute l'humanité au XXIe siècle.

Notre dépendance en protéines végétales ne sera pas comblée par les seuls OGM. Il convient plutôt de mettre en place, structurer et garantir des filières d'approvisionnement sans OGM. Le Brésil et l'Inde produisent aujourd'hui -pour combien de temps ?- entre 37 et 40 millions de tonnes de soja non-OGM, soit plus que la consommation totale de l'Europe !

Nous ne rivaliserons jamais avec les États-Unis, le Brésil ou l'Argentine sur le terrain de la production de masse à bas coût. Notre tissu agricole, notre histoire et nos stratégies alimentaires ne s'y prêtent pas. La production génétiquement modifiée serait un non-sens économique, quand notre force réside dans la valeur ajoutée de nos produits et la richesse de nos terroirs. Si les États-Unis et les pays émergents dominent l'exportation de colas et de céréales, l'Europe reste le premier exportateur de produits transformés. Nous devons faire le choix de la compétitivité par la qualité et de la solidarité.

Je rejoins ceux qui veulent inverser la charge de la preuve. Nos agriculteurs n'ont pas à être tenus pour seuls responsables des contaminations éventuelles, pas plus que les contribuables n'ont à payer pour des préjudices économiques ou environnementaux dus aux distributeurs et semenciers. Lorsqu'un conducteur commet une erreur liée au montage du véhicule, c'est le constructeur de celui-ci qui est condamné !

Les PGM ne sont pas faits pour les petits paysans des pays pauvres, et leur culture à grande échelle risque au contraire de les appauvrir et les affamer plus encore. Pour que ces pays pauvres retrouvent une capacité de production autonome, comme le souhaite le ministre de l'agriculture, il faut une organisation plus équitable et plus durable des échanges internationaux. Sécurité alimentaire ne signifie pas autosuffisance. Au lieu de prôner une uniformisation libérale de l'agriculture, la France devrait oeuvrer pour que chaque pays préserve son patrimoine écologique, assure la viabilité de son modèle agricole et sa sécurité alimentaire.

M. Roland Courteau.  - Bien dit !

Mme Odette Herviaux.  - Cela est incompatible avec une utilisation massive et généralisée des plants génétiquement modifiés. (Applaudissements et « Très bien ! » à gauche)

M. Jean-Pierre Fourcade.  - (Applaudissements à droite et au centre) Une fois de plus, le débat franco-français risque d'éclipser les difficultés du paysage alimentaire mondial. J'étais récemment en Afrique, où la question des précautions à prendre face aux OGM apparaît vraiment comme une préoccupation de pays riche ! (Applaudissements et « Très bien ! » à droite)

Suivant la commission des affaires économiques et le rapport fouillé et objectif de Jean Bizet, le Sénat a adopté en première lecture un texte équilibré, qui garantissait la liberté de choix des agriculteurs, encadrait la totalité des opérations et intégrait le principe constitutionnel de précaution. Depuis, beaucoup d'agitation et de pantalonnades...

M. Jean-Marc Pastor.  - Chez vous ! (On s'amuse à gauche)

M. Roland Courteau.  - N'exagérez pas !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - On a oublié les principes de base. Je remercie le ministre d'État de son intervention modérée et consensuelle. Il faut en finir avec la polémique et trouver une large majorité pour adopter ce texte, amélioré par le Sénat et complété par l'Assemblée nationale, en éliminant les quelques scories restantes.

Nous devons respecter nos engagements européens. La France ne peut prendre la présidence de l'Union européenne sans avoir transposé des directives qui datent respectivement de 1998 et 2001 ! Il serait par ailleurs stupide de s'exposer à une sanction financière alors que les caisses sont vides. La France doit mettre un point d'honneur à être à jour dans la transposition des directives environnementales, notamment sur la responsabilité environnementale, les pollutions marines et l'air ambiant. Ces textes européens ont été approuvés par les gouvernements français, qu'ils soient socialistes ou modérés. (On savoure sur les bancs socialistes) Le gouvernement actuel a au moins proposé ce projet de loi -on ne peut lui faire de reproche.

Nous devons également préserver notre capacité de recherche si nous ne voulons pas d'un monopole des semenciers américains, brésiliens ou indiens.

M. Dominique Braye.  - Trop tard ! La partie est perdue depuis longtemps !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - La malheureuse affaire de Limagrains, dont les essais de cultures ont été systématiquement fauchés par des gens mal informés, ne doit pas se reproduire. Moins de recherche sociologique et psychologique, davantage de recherche génétique, voilà une proposition astucieuse ! Notre agriculture est capable de répondre aux demandes de certains pays en difficulté. Laisser végéter la recherche génétique serait criminel ! Le Gouvernement et le Parlement doivent penser au long terme, développer une capacité de recherche, publique mais aussi privée, pour lutter contre la constitution de monopoles de fait. Il fallait interdire le produit de Monsanto, que les scientifiques avaient jugé néfaste (M. Desessard s'exclame), mais il faut aussi promouvoir les recherches de l'Inra. (Marques d'approbation à droite)

Enfin, il faut garantir la liberté de choix des agriculteurs, quitte à mieux définir ce qu'est un produit sans OGM. Le texte issu de l'Assemblée nationale conserve l'article 4, qui prévoit des sanctions pénales aggravées pour ceux qui s'opposent au développement de la recherche : c'est une bonne chose. On ne peut se satisfaire de ces pantalonnades quand la place de notre agriculture dans le monde est en jeu !

M. Jean Bizet, rapporteur.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Nous soutiendrons l'amendement de la commission qui modifie l'amendement adopté par hasard à l'Assemblée nationale, contre l'avis de la commission -mais chacun sait que dans l'autre assemblée, c'est souvent le happening qui prime... Je souhaite toutefois savoir, monsieur le ministre, comment seront fixées les limites pendant la période transitoire. Mme Keller souhaite 0,1 %.

Si vous indiquiez au Sénat dans quelle direction vous comptez aller, nous y verrions plus clair et pourrions voter cet amendement sans aucune arrière-pensée. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jacques Muller.  - Par leur écoute des citoyens et leur liberté de choix, nos collègues députés ont sensiblement enrichi le texte issu de nos travaux. Deux amendements votés après avis de sagesse protègent des contaminations l'environnement et l'agriculture de qualité. Ils sont presque identiques à ceux que j'avais proposés en première lecture et auxquels le rapporteur s'était alors opposé. Le droit à la participation du public en matière de cultures d'OGM est consacré par les articles 1 et 9, conformant ainsi la loi française à la convention d'Aarhus. Enfin, des améliorations ont été apportées au Haut conseil dont le fonctionnement reste très déséquilibré.

Pour autant, le texte ne répond pas aux attentes des Français. Il nous faut travailler plus... pour respecter les conclusions du Grenelle sans nous soucier des intérêts des lobbies productivistes qui, depuis des décennies, plombent la législation de notre pays. Dans un esprit constructif, nous proposerons à plusieurs niveaux des amendements « grenellement compatibles ».

D'abord, au niveau de la préservation de la liberté de choix du producteur et du consommateur, et de la protection de l'environnement. La directive européenne 2001-18 demande de « prendre des mesures permettant d'éviter la présence d'OGM dans d'autres produits », ce que le Grenelle de l'environnement traduisait par « garantir la liberté de produire et de consommer sans OGM ». En affirmant « la liberté de produire avec ou sans », on place sur un pied d'égalité les cultures d'OGM et les cultures traditionnelles. La loi doit être rédigée de sorte que la liberté du faible soit effectivement protégée ! Les dispositions techniques de l'article 3 sont loin de permettre la protection du faible dans le respect du principe constitutionnel de responsabilité.

Dans le même esprit, la « petite loi » reste entachée d'une conception minimaliste des seuils de contamination. Il me faut dénoncer la confusion, volontairement entretenue, entre le seuil de détection de la présence d'OGM dans les cultures et l'environnement, et le seuil d'étiquetage à destination des consommateurs, le fameux 0,9 %. En toute rigueur, la présence ou non d'OGM dans les cultures et l'environnement doit être évaluée scientifiquement, au niveau du seuil de détection technique reproductible, soit actuellement 0,1 %.

Nous proposons d'autres amendements au niveau du Haut conseil. Dans son discours du 25 octobre, le Président de la République soulignait la nécessité d'associer la société civile aux processus de décisions. Le Haut conseil ne doit donc pas être animé par un scientifique mais une autorité morale bénéficiant d'une légitimité publique, de manière à assurer la cohésion de l'instance en toute impartialité. Les avis de synthèse doivent également être pris en plénière : c'est le seul moyen pour sortir du faux antagonisme entre les scientifiques et la société civile.

Nos amendements portent enfin sur la mise en oeuvre du principe de responsabilité qui, bien qu'il soit inscrit dans la Charte de l'environnement, n'est toujours pas décliné sérieusement. Il fait porter la responsabilité des contaminations sur le seul transgéniculteur. Nous proposons de responsabiliser financièrement tous les acteurs de la chaîne de diffusion d'OGM, particulièrement les firmes productrices d'OGM. Ainsi, ne seront pas imputés aux producteurs labellisés « sans OGM » les coûts de traçabilité de leurs produits. D'autre part, les conditions de déclenchement du processus d'indemnisation sont inacceptables, totalement déconnectées de la réalité, de même que l'évaluation de l'indemnisation du préjudice subi. Le préjudice moral, telle la perte de label ou de clientèle, est ignoré, tout comme le préjudice environnemental !

Le Sénat est lui aussi capable de faire prévaloir l'intérêt général sur l'intérêt des lobbies productivistes agricoles et industriels ! N'ouvrons pas en grand les vannes des OGM dans nos campagnes, ne les transformons pas en paillasses de laboratoire ! Il en va de notre crédibilité. Nous n'avons pas le droit de décevoir nos concitoyens en trahissant les conclusions du Grenelle dès le premier grand texte d'application : la problématique des OGM ne se réduit pas au maïs MON 810 ! Il en va également de la consolidation de nos avantages comparatifs dans la division internationale du travail agricole. Valorisons et protégeons les potentiels spécifiques de l'agriculture française, ses terroirs et ses signes de qualité reconnus à l'échelle mondiale, à l'instar de notre gastronomie. C'est la seule stratégie pour que nos petits producteurs agricoles continuent de travailler et de contribuer positivement à l'aménagement durable de nos campagnes.

A cette fin, il nous faut refuser le cliché tenace qui oppose des pro-OGM savants et progressistes à des anti-OGM ignares et passéistes, et nous défaire de l'illusion selon laquelle le problème de la sous-alimentation dans le monde trouverait une réponse avec les OGM. Cet argument fallacieux est asséné par les mêmes qui, aujourd'hui, promeuvent des agrocarburants à l'échelle de la planète, provoquant la flambée des prix des denrées alimentaires de base et les émeutes de la faim, et qui, hier, conduisirent à la ruine la paysannerie asiatique en y introduisant, à coup de crédit, des modèles agricoles productivistes aux conséquences dévastatrices. Enfin, nous devons repousser l'amalgame qui ne différencie pas la recherche publique et les applications médicamenteuses des biotechnologies du développement massif des cultures d'OGM dans nos campagnes.

Sachons dépasser les clivages politiques pour nous accorder sur l'essentiel ! Compte tenu des incertitudes pour l'environnement et la santé et les risques encourus pour les spécificités qualitatives de l'agriculture française, nous devons prendre nos responsabilités et, comme nous y invite la directive 2001-18, nous donner les moyens de maîtriser effectivement « la diffusion volontaire d'OGM dans l'environnement ». La très grande majorité des paysans de France, les consommateurs, nos concitoyens et les générations futures nous en seront reconnaissants. Faisons tout simplement vivre le Grenelle de l'environnement ! (Applaudissements à gauche)

M. Dominique Braye.  - En début de cette deuxième lecture devant notre Haute assemblée du projet de loi relatif aux OGM, et après les débats qui ont enflammé la France entière, je ne peux m'empêcher de pousser un cri du coeur...

M. Charles Gautier.  - Il ne sait pas faire autre chose.

M. Dominique Braye.  - « Tout ça pour ça !».

M. Roland Courteau.  - Ça commence bien !

M. Dominique Braye.  - Certes, nous allons enfin adopter un projet de loi qui transpose une directive européenne et nous permet d'encadrer les opérations relatives aux OGM. Mais les débats parlementaires n'ont pas permis que les différents protagonistes se comprennent mieux, ni que nos concitoyens y voient un peu plus clair. Sur ce dernier point, nous avons même reculé. Ce débat a commencé dans une situation ubuesque pour le pays de Descartes ! Nous avions d'un côté les anti-OGM, en face les pro-OGM, et au milieu des citoyens souhaitant s'informer et qui, parce qu'ils vivent dans un pays privilégié et gâté...

M. Roland Courteau.  - Vous y allez fort ! Seuls certains sont privilégiés !

M. Dominique Braye.  - ...souhaitent que leurs dirigeants ne prennent aucun risque quand ils ne perçoivent pas l'avantage qu'ils pourraient eux-mêmes retirer des OGM. La situation dans laquelle les débats vont s'achever est encore pire, les deux partis étant encore plus crispés et figés dans leurs certitudes tandis que les citoyens, aussi peu éclairés qu'au départ, n'ont toujours rien compris ! (Protestations à gauche ; applaudissements à droite)

Nous en sommes arrivés là parce que le vrai débat n'a jamais eu lieu...

M. Roland Courteau.  - A qui la faute ?

M. Jean Desessard.  - Allez le dire au sénateur Le Grand !

M. Dominique Braye.  - ...malgré les immenses efforts de notre courageux rapporteur Jean Bizet, (applaudissements à droite) car nous n'avons pas laissé aux scientifiques la place qui était la leur. En revanche, nous avons laissé le champ libre à un lobby d'activistes anti-OGM qui orchestre depuis de nombreuses années des campagnes de désinformation du grand public fondées sur des affirmations pseudo-scientifiques erronées...

M. Jean Desessard.  - Que fait d'autre Monsanto ?

M. Dominique Braye.  - ...et des actes d'éco-terrorisme dans le seul but de faire apparaître les OGM comme une grave menace pour l'avenir de l'homme et de la planète. « Je vous l'annonce solennellement : la fin du monde est proche ! » (Rires à droite)

Les positions que nous proposent nos dirigeants en totale contradiction avec l'avis de notre communauté scientifique sont isolées puisque l'ensemble des pays d'Amérique du Nord, d'Amérique du Sud, d'Asie et d'Europe a des positions opposées aux nôtres.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Grand bien leur fasse !

M. Dominique Braye.  - Alors, comme le prétendent trop souvent les adeptes du coq gaulois, serions-nous les seuls à avoir raison contre tous et à vouloir le bien de l'humanité ? Certainement pas !

En laissant les faucheurs d'OGM détruire des cultures expérimentales quelquefois destinées à soigner des maladies graves, l'État Français a, par manque de courage, laissé s'installer une situation où la passion et la déraison ont pris le pas sur la science et l'objectivité.

Le débat au Parlement a eu lieu après que l'État s'est montré défaillant, c'est bien pourquoi ce débat ne pouvait pas se dérouler de façon constructive, objective, mais qu'il a donné lieu aux psychodrames dont nous avons été les témoins attristés !

Mme Évelyne Didier.  - C'est nous qui sommes attristés !

M. Dominique Braye.  - Dans ces conditions, l'urgence est d'en finir au plus vite car il est trop tard pour restaurer les conditions d'un débat serein, objectif et impartial, ce qui était pourtant indispensable pour que ce débat fonde ses décisions sur une information claire et objective de nos concitoyens ! (On approuve à droite)

Les OGM existent en France depuis de nombreuses années, ils ont été à l'origine de la guérison de très nombreuses maladies. Si nous avions pu obtenir plus tôt l'hormone de croissance, combien de vies humaines auraient été épargnées par la maladie de Creutzfeldt-Jakob !

M. Jean Desessard.  - Il s'agit de recherche en laboratoire !

M. Dominique Braye.  - Deuxième constat : après onze ans d'essais et de cultures sur des centaines de millions d'hectares de plantes génétiquement modifiées, personne n'a pu mettre en évidence d'effets dangereux sur la santé humaine ou de pathologie consécutive à ces pratiques, malgré les très nombreuses études réalisées. En revanche, nous savons que ces plantes sont la seule solution durable contre l'emploi des pesticides et autres produits phytosanitaires (on le conteste vivement à gauche), dont Mme Blandin vient de nous rappeler les conséquences dramatiques sur la santé humaine, en particulier le cancer.

Les plantes non-OGM, lorsqu'elles subissent des attaques parasitaires, sécrètent, pour se défendre, des mycotoxines dont l'action est hautement cancérigène pour l'homme en cas d'ingestion. Je ne connaissais pas ce phénomène avant de participer au groupe « santé et environnement » du Grenelle de l'environnement...

M. Jean Desessard.  - Vous auriez dû participer à tous les groupes !

M. Dominique Braye.  - ...nos concitoyens n'en savent rien dans leur immense majorité ! Or les plantes génétiquement modifiées, résistantes à ces attaques parasitaires, ont un taux de mycotoxines de 90 % moindre !

Les OGM représentent aussi un immense espoir pour résoudre le problème de la faim dans le monde, qui est la première cause de mortalité mondiale, ce qu'on oublie dans notre pays surprotégé et gâté !

Mme Évelyne Didier.  - Adressez-vous aux spéculateurs !

M. Dominique Braye.  - Notre planète compte 7 milliards d'êtres humains, 9 milliards d'ici seulement trente ans : les OGM donnent l'espoir de pouvoir cultiver dans des zones aujourd'hui incultivables parce que arides ou trop froides. La production agricole mondiale ne suffira pas à nourrir l'humanité avec l'extension des déserts, le recul des surfaces arables lié à l'urbanisation, l'érosion et l'usure des sols ! Et ce ne sont pas les ressources halieutiques, épuisées par la surpêche, qui pallieront cette insuffisance ! Les OGM ne seront pas la seule solution pour éviter une crise alimentaire mondiale, c'est-à-dire des famines à l'échelle de pays ou de continents entiers, mais ils amélioreront les choses parce que leur productivité est meilleure et parce qu'on les cultivera dans des territoires défavorisés par le climat, l'absence d'eau ou la pauvreté des sols.

Nous nous comportons comme des enfants gâtés de pays plus gênés par l'excès que par le manque de nourriture. Mais les enfants sous-alimentés des régions arides ou ceux des bidonvilles surpeuplés, quel sera leur avenir ? Comment ne pas être choqué par les émeutes de la faim qui éclatent déjà en Afrique et en Asie ? Comment l'obsession d'hypothétiques dangers peut-elle prendre le pas sur les risques bien réels de famine mondiale ? Le principe de précaution le plus absolu, c'est de procurer de quoi se nourrir à toute l'humanité, sinon c'est de là que viendront les guerres de demain !

M. Jean Bizet, rapporteur.  - Très juste !

M. Dominique Braye.  - Nous reculons dans le domaine des biotechnologies, nos chercheurs partent à l'étranger, vu le mépris dont ils sont l'objet...

M. Jean Desessard.  - Il faut voir qui les gouverne !

M. Dominique Braye.  - ...nous devons enrayer le déclin de notre pays qui dure depuis un quart de siècle !

M. Jean-Marc Pastor.  - Depuis six ans seulement !

M. Dominique Braye.  - Les OGM ne sont pas la panacée, ils ont même des inconvénients. (Exclamations à gauche) Comme le disait déjà Pasteur, il n'existe pas de progrès sans risque ! Cependant, nous maîtrisons les risques bien mieux qu'alors. Il en va ainsi des problèmes liés à la coexistence des cultures OGM et des cultures classiques. Les anti-OGM parlent abusivement de « contamination », terme négatif qui convient aux maladies, alors qu'il faut parler de « dissémination », pour s'en prémunir. Devons-nous jeter un bébé aussi prometteur que les OGM avec l'eau du bain ? Il aurait fallu faire toute leur place aux scientifiques, c'est trop tard ; alors, mes chers collègues, finissons-en au plus vite avec ces pantalonnades !

Je rends hommage à notre président M. Émorine (applaudissements à droite), ainsi qu'à l'honnêteté intellectuelle et au courage de notre éminent rapporteur M. Bizet (mêmes mouvements) avec une pensée pour les souffrances qu'il a endurées et dont nous avons été les témoins choqués ! Je suivrai naturellement les avis de la commission, car je les sais conformes à l'intérêt général, même s'ils ont dû être adaptés aux circonstances et si on aurait pu faire mieux ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Roland Courteau.  - Sur les tout derniers mots, nous sommes d'accord !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargé de l'écologie.  - Le Grenelle de l'environnement est notre feuille de route, à M. le ministre d'État et à moi-même, notre obsession pour quelques années encore. Il représente une espérance, car l'écologie est le grand enjeu du XXIe siècle.

Les participants au Grenelle ont fait trois recommandations qui forment un équilibre d'ensemble : la clause de sauvegarde du Monsanto 810, la relance de la recherche en biotechnologie, l'adoption d'une loi sur les OGM, conformément à la directive européenne. Cependant, une fois rentrés chez eux, ces participants ont pu oublier l'une des trois recommandations, rompant ainsi l'équilibre de l'ensemble !

La clause de sauvegarde n'est pas une hypocrisie, mais l'application du droit européen en cas de doute sur un produit.

Quant à la loi, elle est nécessaire, mais son cadre est nécessairement contraint et imparfait, du fait même des règles européennes et c'est à ce titre qu'il est critiqué.

Vous avez évoqué le débat sur l'évaluation de la production de toxines par les OGM, le conseil européen de l'environnement s'en est saisi, à notre initiative, et nous comptons bien avancer grâce à la présidence française de l'Union.

Vous vous inquiétez du niveau d'importation des protéines végétales, c'est bien le sens de l'amendement adopté par vos collègues députés, pour qu'un rapport au Parlement évoque les possibilités de produire davantage de ces protéines. Le seuil de détection n'est pas forcément le même que le seuil de commercialisation, ce qui fait débat.

Quant au certificat d'obtention végétale, je vous confirme qu'un texte est en préparation, et que vous aurez bientôt à l'examiner.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Enfin !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État.  - Comme l'ont souligné M. le ministre d'État, MM. de Montesquiou et Texier, c'est l'honneur de cette majorité d'avoir accepté un débat renvoyé de mandature en mandature depuis quinze ans ; mieux, d'avoir pris les devants. Les sénateurs savent bien, pour en avoir déjà débattu il y a un an, combien il est difficile de faire aboutir ce dossier.

Nous ne débattons pas des OGM, nous devons les évaluer au cas par cas. Comme l'a justement relevé Nicolas Hulot, cité par M. Soulage, « il n'y a pas les OGM, mais des OGM ». C'est tout le sens de ce texte, c'est tout le sens de l'architecture retenue pour le Haut conseil : estimer les avantages et les inconvénients, OGM par OGM, avant de prendre une décision.

C'est paradoxalement M. Pastor qui a défendu le mieux la position de la majorité, en se félicitant de l'équilibre trouvé à l'article premier. Si cet équilibre est si bon, pourquoi donc déposer d'autres amendements ?

Je conclus en assurant le Sénat, quoi qu'en disent certains, que le Gouvernement n'a, dans ce débat, aucune intention machiavélique. (Exclamations ironiques à gauche ; applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

M. Charles Gautier.  - Des intentions tactiques, certainement !

M. Jean-Paul Émorine, président de la commission des affaires économiques.  - La commission se réunira à 18 h 30 pour examiner les amendements extérieurs.

La séance est suspendue à 17 h 35.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.