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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Motion d'ordre

Dépôt d'un rapport

Organismes extraparlementaires (Candidatures)

Loi de finances pour 2009 (Deuxième partie - Suite)

Immigration, asile et intégration

Orateurs inscrits

Examen des crédits

Article 62

Organismes extraparlementaires (Nominations)

Politique des territoires

Orateurs inscrits

Ville et logement

Orateurs inscrits

Rappel au Règlement

Orateurs inscrits (Suite)

Examen des crédits

Article 82

Articles additionnels

Article 83

Articles additionnels




SÉANCE

du jeudi 4 décembre 2008

35e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente

Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. Jean-Paul Virapoullé.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Motion d'ordre

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Les débats ayant été hier plus longs que prévu et la séance suspendue à 3 heures 35, nous n'avons pu siéger ce matin. L'organisation des travaux aujourd'hui s'en trouve modifiée : l'examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », qui devait avoir lieu ce matin, a été reporté à cet après-midi. A ce propos, monsieur Karoutchi, je vous remercie d'avoir accepté de suppléer M. Hortefeux qui, ayant pris d'autres engagements, ne pourra nous rejoindre qu'à 15 heures 30.

Dans ces conditions, examiner aujourd'hui les missions « Économie » et « Sport, jeunesse et vie associative » ne semble pas souhaitable : une nouvelle séance tardive empêcherait de tenir le programme fixé pour vendredi. La commission des finances, en accord avec les présidents des deux commissions saisies pour avis, propose donc que l'on reporte la discussion des missions « Économie » et « Sport, jeunesse et vie associative » à samedi après-midi. (Exclamations) Je mesure les inconvénients que cela présente pour tous ceux qui avaient pris des engagements samedi, mais il n'y a pas d'autre solution. Afin que chacun puisse être libre dans la soirée de samedi le plus tôt possible, je suggère que l'on ouvre exceptionnellement la séance à 14 heures.

Mme la présidente.  - Excellente initiative !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.  - Tout à fait d'accord.

Il en est ainsi décidé.

Dépôt d'un rapport

Mme la présidente.  - M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi.

Acte est donné du dépôt de ce rapport qui sera transmis à la commission des affaires sociales et disponible au bureau de la distribution.

Organismes extraparlementaires (Candidatures)

Mme la présidente.  - Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires.

Les commissions des affaires culturelles, des affaires économiques, des affaires étrangères et des affaires sociales ont fait connaître leurs candidats.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Loi de finances pour 2009 (Deuxième partie - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l'Assemblée nationale.

Immigration, asile et intégration

Mme la présidente.  - Le Sénat va maintenant examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » et les articles rattachés 62 et 63.

Orateurs inscrits

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial de la commission des finances.  - La France a désormais une politique claire en matière d'immigration, d'asile et d'intégration, une politique beaucoup plus équilibrée que ne le laisse croire la chronique médiatique. C'est une politique réaliste et généreuse, ferme et ouverte. Réaliste, parce qu'un pays soucieux de bien accueillir ne peut recevoir indistinctement tout le monde. Ferme, parce qu'un pays démocratique doit faire respecter le droit, y compris par ceux qui s'introduisent illégalement sur son territoire. Généreuse, parce que notre pays est attaché à ses traditions d'accueil et la France délivre une carte de réfugié sur les 3,5 titres délivrés dans l'Union européenne. Ouverte, parce que nous cherchons la meilleure intégration possible de ceux que nous accueillons ; ouverte, également, par le dialogue et les accords passés avec les pays d'origine. Bref, nous voulons de plus en plus offrir un accueil de qualité à ceux que nous pouvons accueillir.

En moins d'un an, la nouvelle administration a accompli une tâche importante. Je me réjouis des réussites de la présidence française de l'Union européenne en la matière. La fraction de notre opinion publique, prompte à considérer que notre politique était une exception française critiquable, doit aujourd'hui constater que cette politique est européenne. Avec la conclusion du pacte européen sur l'immigration préparé à Cannes, la définition d'une politique d'intégration européenne à Vichy et l'établissement d'une politique contractualisée avec les pays d'origine à Paris, nous avons posé les fondements d'une politique commune pour la prochaine décennie.

Autre motif de satisfaction : la mise en place rapide et efficace du nouveau ministère. Cette administration d'état-major compte 613 agents seulement, dont la moitié en province, qui proviennent d'administrations aux cultures administratives différentes. Leur regroupement sur un site unique contribuera à une meilleure intégration. Par ailleurs, ce ministère travaille par délégation avec l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations, l'Anaem, qui s'autofinance ; et l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'Ofpra, qui est subventionnée. Enfin, en raison des dimensions nationales et internationales, administratives et judiciaires des problèmes traités, ce ministère travaille étroitement avec neuf autres ministères, ce qui ajoute à la complexité.

Les résultats chiffrés qu'il a obtenus au bout de quelques mois, même s'ils ne constituent qu'une partie du bilan, sont significatifs. Le nombre de visas de long séjour accordés pour motif professionnel a augmenté de 20,6 %, ce qui constitue un premier pas dans le développement de l'immigration de travail à laquelle notre commission a consacré un récent rapport. Sur les 21 236 étrangers reconduits à la frontière depuis le début de l'année, un tiers l'ont été volontairement. En un an, les diplômes initiaux de langue française ont augmenté de 400 %. Enfin, sept accords ont été signés avec des pays d'émigration, ils seront bientôt ratifiés par le Parlement. A ces résultats tangibles, j'ajoute l'intégration de la Cour nationale du droit d'asile au Conseil d'État, qui réjouira tous ceux qui sont attachés à la séparation des pouvoirs, qui permettra de réduire les délais de jugement. En matière d'asile, une bonne justice ne saurait être lente.

J'en viens aux centres de rétention, qui occupent injustement l'essentiel de la revue de presse concernant ce ministère. Plus leur gestion sera irréprochable, plus ceux qui critiquent leur fonctionnement seront contraints de dévoiler leur hostilité au principe même du retour.

Au plan budgétaire, la France consacre 2,6 milliards à sa politique de l'intégration et de l'immigration en 2009. Le ministère en gère 20 %, ce qui souligne son rôle de coordination. Quand le budget du ministère de l'immigration consacre 513,8 millions à sa politique, on recense 490 millions pour l'aide médicale d'État, gérés par le ministère de la santé. L'asile est le premier budget du ministère, il représente 53 % des crédits, contre 16 % pour la lutte contre l'immigration irrégulière. En 2008, le nombre de demandeurs de statut de réfugié devrait atteindre 15 % et les délais de la Cour nationale du droit d'asile sont passés de 357 jours à 415 jours. Si la situation était semblable en 2009, le besoin complémentaire serait de l'ordre de 45 millions par rapport au présent budget. En revanche, si la demande d'asile progressait de 10 %, il faudrait prévoir 56 millions supplémentaires. Conformément au principe de sincérité de la Lolf, il aurait donc fallu déposer un amendement prévoyant des crédits supplémentaires.

Ensuite, toute politique a un coût. Or les estimations sur le coût des reconduites à la frontière sont encore imparfaites. Notre commission a donc mis au point une première estimation, qui sera complétée par la Cour des comptes. Cette estimation permet de justifier l'effort consacré par le ministère aux retours volontaires.

L'aide financière au retour des immigrés en situation irrégulière est significative mais c'est là l'intérêt bien compris de l'État et des intéressés.

Elle invite à la réflexion sur les conditions de la rétention administrative, avec le transfert de la gestion des centres à une entité unique, la police de l'air et des frontières.

Une large part de l'action d'intégration est prise en charge par l'Anaem. Pour la commission des finances, les documents budgétaires des opérateurs doivent permettre au Parlement de constater la nécessité du versement d'une subvention ou du relèvement des taxes affectées. La transformation de l'agence améliorera la qualité de la prévision.

Poursuivre l'organisation et l'intégration du ministère ; réussir la fusion de l'Anaem et de l'Acse et passer un contrat d'objectifs avec le nouvel organisme ; faire plus de place à l'immigration professionnelle ; développer encore notre politique d'intégration ; encourager les retours volontaires et se donner des objectifs chiffrés en ce domaine ; améliorer le fonctionnement des centres de rétention ; rester fidèles à nos traditions d'accueil pour les réfugiés -et je salue l'attribution du prix Goncourt au réfugié Afghan Atiq Rahimi, comme la nomination du préfet Pierre N'Gahane dans le département des Alpes de Haute-Provence- ; réduire les délais pour statuer sur le cas des demandeurs d'asile ; poursuivre notre action d'impulsion en Europe, au-delà de la présidence française ; élargir le nombre de pays d'origine avec lesquels nous souhaitons conclure des accords : autant de perspectives susceptibles de doter notre pays d'une politique d'immigration, d'asile, d'intégration et de coopération conforme aux traditions d'accueil de la France, respectueuse du droit international, des droits de l'homme et de la dignité humaine.

Sous le bénéfice des amendements que je vous présenterai, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Très bien !

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Depuis la création de la mission « Immigration, asile et intégration », notre commission, qui souhaite continuer d'examiner le fonctionnement de l'Ofpra et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), s'en saisi pour avis.

L'Ofpra, dont l'activité s'est considérablement améliorée ces dernières années, grâce à un renforcement notable de ses moyens en personnels, a toujours constitué un service à part au sein du ministère des affaires étrangères. Ses personnels ne sont pas des diplomates, mais des spécialistes des pays d'origine des réfugiés dont ils doivent examiner les demandes d'asile.

Sur les 370 équivalents temps plein travaillé affectés à l'Ofpra, 137 emplois viennent de la Direction des Français de l'étranger et des étrangers en France.

L'augmentation des moyens, conjuguée à une baisse des demandes d'asile formulées en France, qui avaient régressé de 58 000 en 2004 à 26 000 en 2006 pour les personnes majeures, avait permis de réduire la durée d'instruction des dossiers, passée, en moyenne, de 130 jours en 2004 à 110 jours en 2007. Le stock des dossiers en instance avait également été significativement réduit, pour s'établir à environ deux mois d'activité en 2006. Mais l'année 2008 a vu un nouvel allongement des délais d'examen, proches de deux mois devant l'Ofpra, plus longs encore devant la CNDA. Il est prévu que les magistrats temporaires présidant les formations de jugement soient renforcés par des magistrats à plein temps, originaires, comme les premiers, du Conseil d'État ou de la Cour des comptes. Les demandes d'asile ont crû, en effet, de 7,5 % de janvier à août 2008, et cette hausse pourrait s'amplifier en 2009.

Le Conseil de modernisation des politiques publiques, réuni le 4 avril 2008, a décidé que la mise en oeuvre opérationnelle de la politique des visas relèverait à l'avenir de la responsabilité du ministère de l'immigration. A compter de 2009, les crédits de fonctionnement et d'investissement consacrés aux applications informatiques lui seront donc transférés, pour un total de 2,6 millions, les personnels chargés de l'instruction des demandes de visas restant cependant relever du ministère des affaires étrangères. Votre commission se félicite de ce maintien, indispensable à la bonne intégration de ces personnels au sein de nos consulats, sous l'autorité de nos consuls, bons connaisseurs des pays où ils exercent. Le quai d'Orsay doit rester un acteur majeur dans la définition et la mise en oeuvre de la politique de délivrance des visas, qui relève des priorités de notre action internationale.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission a adopté les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite)

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - La politique d'immigration et d'intégration menée depuis plusieurs années nous permet de rester fidèles à notre tradition d'accueil, élément essentiel de notre identité nationale. En un an, le ministère de l'Immigration, nul ne peut le contester, a su s'imposer comme son organisateur et son coordonnateur. Régalien à part entière, il a pourtant su se faire avant tout administration d'état-major.

Nous ne pouvons que saluer le succès de la politique européenne, qui a débouché sur le « Pacte ». Aurait-elle était possible sans l'existence de ce ministère ? Car c'est bien lui qui fut l'âme des différentes conférences menées sous la présidence française.

Je ne m'attarderai pas sur la question de la prévision budgétaire relative à l'asile et aux moyens du futur Office français de l'immigration et de l'intégration, dont nous traiterons plus au fond avec les amendements déposés par la commission des finances, dont la commission des lois partage les inquiétudes, constatant que la hausse des demandes d'asile en 2008 fragilise les prévisions tandis qu'augmente le coût de l'hébergement d'urgence et celui de l'allocation temporaire d'attente.

Ce budget 2009 est resserré, stable et s'inscrit dans une perspective de pilotage jusqu'en 2011. Son périmètre est modifié. Nous sommes satisfait du transfert de dotation, pour 17 millions, à la CNDA, qui devient une juridiction de plein exercice : il était nécessaire de mettre fin, ainsi que le ministre s'y était engagé, à la confusion. Les arbitrages ont eu lieu sur la responsabilité opérationnelle des visas, transférée au ministère de l'Immigration : c'est un point positif pour la cohérence du dispositif.

Le document de politique transversale créé sur la politique de l'immigration permet d'avoir une approche « consolidée » des moyens mis en oeuvre par l'État.

Trois questions restent à poser. Celle de l'aide juridique dans les lieux de rétention, tout d'abord. La volonté de l'ouvrir à davantage d'associations est une bonne chose, mais a suscité des inquiétudes. Il conviendra de s'assurer que les associations qui prendront ces responsabilités travaillent en bonne intelligence, afin de donner toutes leurs chances à ceux qu'elles accompagnent.

Deuxième question, celle du retour volontaire. Leur augmentation montre que ce n'est pas en vain que l'on a demandé aux préfets, en 2007, d'insister sur ce point. Les retours à caractère humanitaire sont les plus nombreux. Qu'en est-il, monsieur le ministre, de l'autre volet ?

Troisième question, celle de la répartition des effectifs des services des visas, qui fera l'objet, chaque année, d'une décision conjointe du ministère de l'immigration et de celui des affaires étrangères. Il conviendra d'être attentif aux conditions dans lesquelles sera prise cette délicate décision.

Sous réserve de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements à droite)

M. Richard Yung.  - Je ferai entendre une musique un peu différente. Vous l'aurez compris, mon point de vue est plus critique que celui des trois orateurs qui m'ont précédé...

Le moins que l'on puisse dire est que, depuis un an et demi, vous n'avez pas ménagé vos efforts pour remplir la mission que vous a confiée le Président de la République, mission avant tout idéologique : après avoir fait peur aux Français, vous vous offrez à les rassurer...

Ce projet de budget consacre cette politique en donnant la priorité à la chasse aux étrangers et à la promotion de l'immigration économique. En 2009, 81 millions seront alloués à la lutte contre les irréguliers - soit 2 % de hausse- contre 78 à l'intégration et à l'accès à la nationalité - en baisse de 57 % ! Deux poids, deux mesures : la priorité, ce n'est pas l'intégration, c'est le renvoi !

En 2009, la politique du chiffre et ses conséquences dramatiques continueront de prévaloir. Comme en 2008, vous souhaitez reconduire 30 000 personnes à la frontière au nom de la préservation de l'identité nationale. Le coût moyen d'une reconduite à la frontière devrait s'élever à 2 450 euros en 2009 mais ce montant n'inclut que les frais de billetterie et les dépenses hôtelières -si l'on ose dire...- et ne tient pas compte des moyens humains mobilisés lors de ces expulsions musclées. Le coût total serait en réalité de 20 000 euros par expulsion soit 600 millions pour les 30 000 réalisées dans l'année. Combien de choses intelligentes et utiles à l'intégration on pourrait financer avec tous ces millions !

On mesure également les limites du slogan de l'immigration dite choisie et, d'abord, l'échec de la carte de séjour « compétences et talents » -que c'est joliment dit...- qui était la mesure phare de la loi Sarkozy de juillet 2003. Au 30 septembre 2008, seules 160 cartes avaient été délivrées alors que l'objectif de votre Gouvernement était d'en accorder 2 000 !

Même chose pour les accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire. Vous vous targuez d'avoir signé sept accords bilatéraux depuis votre prise de fonction. Or, à l'heure actuelle, seul l'accord avec le Gabon est en vigueur -le pays d'Omar Bongo, c'est une référence ! Mais personne n'arrive chez nous en provenance de Libreville ! En revanche, le Mali, pays des fiers Toucouleurs, Mandingues et Sarakolé, a refusé.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.  - C'est totalement faux !

M. Richard Yung.  - Le mois dernier, deux rapports ont une nouvelle fois dénoncé les mauvaises conditions de la rétention administrative dans notre pays. Le nouveau commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe et le contrôleur général des lieux privatifs de liberté incitent votre Gouvernement à humaniser les conditions de rétention. Malheureusement, votre projet de budget augure mal des suites qui seront données à ces rapports. Votre Gouvernement va continuer à enfermer davantage d'étrangers. Pour preuve la hausse de 4 % des crédits alloués aux centres de rétention. Au total, environ 2 000 places devraient être disponibles en 2009 contre 773 en 2003, soit une augmentation de 163 % en six ans !

L'assistance juridique accordée aux étrangers placés en rétention administrative est remise en cause. Cette difficile mission était jusqu'à présent remplie par le Service oecuménique, la Cimade parce que, à l'origine, personne d'autre ne voulait s'en charger. Forte de sa longue expérience, cette organisation effectue un travail remarquable qui est aujourd'hui menacé. Sous prétexte de vouloir mettre un terme à sa position de monopole, vous cherchez à réduire son rôle dans les centres de rétention administrative. Contrairement à ce que vous voulez faire croire, la Cimade ne souhaite pas conserver sa situation de monopole : depuis déjà deux ans, elle travaille en partenariat avec le Secours catholique et elle souhaite généraliser ce travail collectif avec d'autres associations, des syndicats, des avocats, etc. L'appel d'offres a été annulé par le tribunal administratif de Paris. Le contrat de la Cimade vient à expiration à la fin de l'année. Vous avez déclaré vouloir prolonger sa mission. Le mieux à faire serait de mettre en place une délégation de service public.

Les crédits alloués à l'intégration et à l'accès à la nationalité diminueront de plus de 50 %. Vous envisagez de créer un nouvel opérateur unique responsable de l'intégration des primo-arrivants, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Je suis satisfait de constater la suppression de la taxe de 45 euros perçue en faveur de l'Anaem lors de la demande de validation d'une attestation d'accueil. En revanche, un amendement supprime 1,5 million des fonds de l'Agence. Contrairement au rapporteur de la commission des affaires étrangères, je pense que ce n'est pas bon : la formation professionnelle des Français de l'étranger est une des tâches de cette agence, ne serait-ce que pour éviter d'avoir à les rapatrier dans l'hexagone.

Je m'inquiète également de la suppression de la sous-direction de l'accès à la nationalité. Le transfert intégral aux préfectures de la charge des naturalisations ralentira les délais de traitement et rompra l'égalité de traitement entre les demandeurs qui se déplaceront alors d'une préfecture à l'autre. Les décisions varieront en fonction du lieu où elles sont prises alors qu'aujourd'hui la sous-direction garantit leur homogénéité. Cette réforme n'est pas non plus pertinente car la mission effectuée par les services préfectoraux n'est pas comparable au travail d'instruction assuré par les agents de la sous-direction. Je vous appelle donc à la maintenir.

Nous voulons une autre politique, ferme avec les immigrés illégaux, accueillante avec les autres et ouverte au regroupement familial. Nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Sous présidence française, les membres de l'Union se sont prononcés en faveur d'une législation sur le renvoi des migrants, le renforcement des contrôles aux frontières, la sélection de travailleurs hautement qualifiés, les régularisations en fonction des exigences du marché du travail, l'interdiction des régularisations collectives. La politique européenne de l'immigration oscille entre instrumentalisation du codéveloppement et répression. Lors de la deuxième conférence ministérielle euro-africaine de la semaine dernière sur la migration et le développement, l'Europe a confirmé sa vision des migrations essentiellement axée sur la sélection. La conférence a adopté un programme de coopération triennal visant à encadrer la migration légale, contrecarrer l'illégale et organiser le développement solidaire.

Les accords de gestion concertée des flux migratoires que vous faites signer aux pays africains vous permettent de faire pression sur eux. Vous leur promettez des possibilités de migrations légales, toutefois limitées, et une aide au développement et, en échange, vous leur demandez de contrôler les flux migratoires dans les pays de départ et de transit et de faciliter les réadmissions des expulsés. Vous leur demandez ainsi d'être les gendarmes de l'Europe. Sans doute espérez-vous faire de substantielles économies en sous-traitant ainsi la gestion des flux migratoires ? Plusieurs accords ont été signés avec des pays de l'Afrique subsaharienne à l'exception du Mali. Pourtant, pour l'essentiel, les migrations se font davantage du Sud vers le Sud plutôt que du Sud vers l'Europe : 70 % des migrations se font du Mali vers le Ghana, le Niger, ou la Gambie. Et la proportion d'étrangers présents sur le sol européen reste faible : 5,1 % de la population totale. On est loin de l'invasion que vous semblez craindre.

Vous persistez cependant à interdire le mouvement des personnes alors que vous prônez la mondialisation et la libre circulation des capitaux et des marchandises. Et ce, alors que les migrants envoient dans leurs pays d'origine des sommes bien supérieures à celles prévues par le budget de l'aide publique au développement. Ils participent ainsi au développement sur place des villages et de projets locaux et font vivre leurs familles restées au pays.

L'immigration choisie passe également par le projet de « Carte bleue européenne » dont l'adoption finale a été différée au 8 décembre. Ce permis de travail destiné aux immigrés autrement qualifiés contribuera à la fuite des cerveaux.

Les candidats devront justifier d'un contrat de travail prévoyant un salaire minimum d'au moins 1,5 fois le salaire brut moyen du pays, soit 3 850 euros. Ces fuites de matière grise entraînent pour les pays d'origine un manque de personnel qualifié et la perte de recettes fiscales. Quant à l'Europe, elle se fait de plus en plus forteresse -certains parlent de « bunkerisation »- alors que sa population vieillit et que ses besoins en main-d'oeuvre vont augmenter considérablement dans la période 2015-2030, avec un pic en 2018.

Les centres de rétention, ces machines à expulser, coûtent très cher. Il y des investissements plus utiles ! D'autant que les centres de grande capacité, celui de Vincennes, celui du Mesnil-Amelot -sans compter les deux projets, deux fois 120 places, que vous envisagez au même endroit- ne peuvent qu'engendrer des tensions. Il convient de limiter la capacité des centres, comme l'a recommandé M. Delarue. Mais vous préférez poursuivre votre politique d'expulsion à tout crin et entendez disposer de 2 326 places à l'été 2010.

Les mineurs étrangers ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, ni d'une reconduite à la frontière, encore moins, par conséquent, d'un placement en rétention. Or cette règle n'est pas respectée ; nous n'avons cependant aucune idée du nombre de mineurs placés en rétention, ni des conditions dans lesquelles ils y sont maintenus. La transparence s'impose !

Nous ne sommes pas opposés à la présence d'autres associations que la Cimade dans ces lieux... à la condition qu'elles soient compétentes en matière juridique et disposent de personnel formé et expérimenté.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Bien sûr ! Très bien !

Mme Éliane Assassi.  - En effet, le droit des étrangers est une matière complexe, la législation change sans cesse -délais à respecter, recours possibles. Il ne s'agit pas seulement d'aide humanitaire. Je serai vigilante quant à la future organisation de l'aide juridique aux étrangers.

Vous prévoyez en 2009 30 000 expulsions. Sur quelle base ce chiffre a-t-il été déterminé ? Les retours volontaires, liés à l'aide au retour et concernant des ressortissants européens, roumains ou bulgares en particulier, représentent un peu plus du tiers du nombre des éloignements du territoire. En les comptabilisant, vous faussez la donne.

Le nombre des expulsions, brandi comme un record, vous sert à manipuler l'opinion publique : au moins un domaine où le Gouvernement obtient des résultats ! Notre rapporteur de la commission des lois suggère de renvoyer les parents en situation irrégulière dont les enfants sont scolarisés, en leur proposant une aide au retour volontaire, moins onéreuse et plus commode qu'un retour forcé, qui mobilise la société civile et qui peut échouer... On nous dit qu'une expulsion coûte 2 800 euros, ramenés à 2 450 euros l'an prochain ; mais vous ne prenez pas en compte les dépenses des autres ministères impliqués dans ces opérations. Il serait temps que les parlementaires connaissent le coût moyen complet d'une reconduite à la frontière. La commission des finances l'évalue à 20 970 euros. Les 42 millions d'euros inscrits dans votre budget seront très insuffisants. Allons-nous un jour connaître le coût exact d'une expulsion du territoire ?

Un mot enfin du droit d'asile. Malgré vos lois restrictives et bien que vous considériez l'asile comme un simple flux migratoire, les demandes sont en hausse en 2008. La situation dans le monde ne s'est guère améliorée. Du reste, tous les demandeurs d'asile n'ont pas accès à la procédure -tel était le but de vos réformes.

Les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre le budget de la présente mission. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Dominati.  - Je rends hommage aux rapporteurs qui ont évoqué des points très techniques. Ce ministère a douze mois d'existence. Il avait été voulu par le Président de la République...

Mme Éliane Assassi.  - C'est indéniable !

M. Philippe Dominati.  - ...et nous avons observé sa mise en place avec espoir mais aussi angoisse. Un premier bilan politique est aujourd'hui possible. Il y a un an, on annonçait que la France serait montrée du doigt, que son image internationale allait être altérée. Or, la consécration est déjà là ! En effet, le pacte européen signé il y a deux mois par les 27 États membres reprend les cinq engagements définis par la France ; il étend à l'Europe la politique que notre pays a choisie. Concernant le droit d'asile, il faut tout de même préciser qu'en 2005, notre pays enregistrait autant de demandes que les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada réunis ! A Vichy, en novembre dernier, la conférence européenne sur l'intégration a décidé la création d'un bureau européen et d'une politique commune.

Au plan national, c'est aussi le succès. Un objectif de taux d'immigration professionnelle a été défini, qui doit être atteint pendant la présente mandature : 50 %. Or le taux est déjà monté de 7 % à 25 %. La société française comprend la nécessité de cette politique, tant sur le plan économique que pour des raisons humaines. La lutte contre l'immigration clandestine a été elle aussi productive : 100 filières démantelées, 450 interpellations d'employeurs.

La création d'un nouveau ministère, dans un pays où l'administration est déjà si étoffée, pouvait nous inquiéter. Or elle se traduit par des économies de 5 millions d'euros : car vous avez opté pour une administration d'état-major, 600 fonctionnaires qui ont autorité sur deux opérateurs de l'État. Ce ministère est une structure moderne. Et vous n'avez pas hésité à revoir rapidement son champ d'intervention : le droit d'asile par exemple sort de votre budget. Les centres de rétention, contrairement à ce que certains prétendent, font l'objet d'un effort particulier, 100 places créées l'an dernier, 125 cette année. Je salue aussi les efforts de gestion ainsi que la lutte contre les doublons administratifs -sur les visas par exemple. La politique de partenariat avec des pays africains me satisfait également.

Ce budget est conforme avec notre volonté de rester attentifs à la dépense publique ; et notre groupe est enthousiaste devant les résultats de votre politique. Je viens d'apprendre qu'on vous a décerné une « Victoire de la modernisation administrative » : j'avoue que je ne le savais pas !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Nous non plus !

M. Philippe Dominati.  - Cela prouve que vous avez relevé un véritable défi. Vous en relèverez d'autres ! (Applaudissements à droite)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Cette discussion engage notre responsabilité d'hommes et de femmes appartenant à une République dont la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » résonne dans cet hémicycle. Nous savons tous combien derrière la sécheresse des chiffres il y a de tragédies, de folles espérances, de souffrances physiques et morales, de désillusions ou de bonheurs indicibles, et toujours de victoires sur soi. Je ne reviendrai donc pas sur les chiffres mais sur ce qu'ils révèlent du visage d'une France que je voudrais généreuse mais réaliste, accueillante mais équitable, solidement ancrée dans la tradition du pays des droits de l'homme, telle que la rêvait Jacques Pelletier.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Je m'étais interrogée, comme beaucoup d'autres, sur l'opportunité de créer un ministère réunissant dans la même main des attributions jusque là dispersées entre plusieurs administrations. Mais vous avez su bâtir une administration de mission, qui s'attache à mettre de la cohérence là où il y avait du désordre et de la stratégie là où il y avait de l'improvisation. Il n'en demeure pas moins que la concentration de pouvoirs menace l'indispensable équilibre entre des objectifs parfois contraires, nationaux ou supranationaux.

Je ne peux qu'adhérer à votre volonté de mettre en oeuvre une gestion concertée des flux migratoires avec les autres pays d'Europe et d'ailleurs. Je salue également vos efforts pour clarifier les compétences, en matière de visas par exemple, et pour simplifier les procédures de naturalisation. C'était indispensable, tant l'accumulation des lois et des règlements avait fait du droit des étrangers une jungle où ne se retrouvaient plus que les initiés : on avait ainsi assisté à la floraison de personnes qui avaient fait métier du détournement de la loi.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Absolument.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Mais je voudrais dire aussi mon inquiétude face au « tragique de répétition », pour reprendre l'expression de votre collègue Martin Hirsch, du traitement des étrangers sans papiers. Quand, monsieur le ministre, imposerez-vous un accueil humanisé des étrangers qui s'égrènent aujourd'hui en interminables files d'attente devant les préfectures ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Ce n'est plus le cas.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Quand imposerez-vous que l'on accorde un regard bienveillant, et non plus systématiquement méfiant, aux étrangers qui se présentent aux guichets pour obtenir les renseignements qui leur sont dus ? Quand refuserez-vous que l'on vienne chercher au petit matin un couple pour le conduire en centre de rétention administrative en confiant son bébé à des voisins éberlués ? Quand refuserez-vous que les sorties d'école soient mises à profit pour interpeler des étrangers en situation irrégulière ?

Certes, il ne devrait pas y avoir d'étrangers en situation irrégulière ; on estime aujourd'hui leur nombre à 400 000. Mais ne sommes-nous pas en partie responsables de leur existence ? Les consignes données aux services chargés d'examiner les demandes d'admission sur le territoire français sont formulées en termes principalement quantitatifs, ce qui rend impossible la prise en compte d'éléments individualisés. Est-il raisonnable de fixer un objectif national chiffré de reconduites à la frontière et d'expulsions ? C'est décider à la place de celui qui en a la compétence légale, et lui imposer une réponse politiquement correcte. Le zèle n'ayant pas de limites, les fonctionnaires sont zélés, d'où l'accumulation dramatique de recours gracieux et de recours devant les tribunaux encombrés du contentieux des étrangers, au point que l'on projette de créer un tribunal supplémentaire en Ile-de-France.

Les responsables sont en plein désarroi et s'interrogent sur la possibilité d'appliquer équitablement la loi. L'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (Agdref) a depuis longtemps montré ses limites, et doit être remplacée par un outil plus performant et compatible avec les données de la police et de la gendarmerie. Pourriez-vous nous indiquer quand l'application « Grégoire » sera disponible ?

Les centres de rétention administrative ont fait l'objet de rapports plus alarmants les uns que les autres. Je sais qu'ils sont au nombre de vos préoccupations : il faut en faire des sites d'accueil provisoire et éviter que ces lieux de rétention ne deviennent en fait des lieux lieu de détention.

En ce qui concerne le droit d'asile, je mesure les efforts qui ont été faits pour réduire les délais de réponse, mais ceux-ci restent trop longs et maintiennent dans des situations ubuesques des étrangers ballottés de non-réponse en non-réponse et qui, avec le temps, entrent dans le cortège des sans-papiers.

Quant au contrat d'accueil et d'intégration, le principe en est très bon. Mais j'aurais aimé trouver dans ce contrat un engagement mutuel, à la manière du pacte qui lie parrain et son filleul, le tuteur et son pupille. Au lieu de cela, j'ai trouvé la remise d'un diplôme après une sorte d'examen de passage. Est-ce là la relation que l'on souhaite établir entre la France et un étranger qui, demain peut-être, demandera à devenir français ? Réduire l'intégration à une feuille de papier n'est pas digne du pays de Voltaire.

Même si j'ai parfaitement conscience de l'immense difficulté du problème de l'immigration, même si j'entends vos arguments, je m'opposerai de toutes mes forces, de toute mon énergie à une politique qui ne magnifie pas la dignité humaine. C'est pourquoi je ne voterai pas les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », pas plus qu'une grande partie du groupe RDSE, car nous ne retrouvons pas dans votre politique le respect des valeurs républicaines auquel nous sommes attachés depuis toujours. (Applaudissements à gauche ; Mme Nathalie Goulet applaudit aussi)

M. Richard Yung.  - Très bien !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Contrairement à sa volonté affichée de concentrer ses efforts humains et matériels en faveur d'une meilleure intégration des familles issues de l'immigration de longue date, le Gouvernement consacre l'essentiel de ses moyens à la lutte contre l'immigration irrégulière. Ce projet de budget accentue le déséquilibre entre la chasse aux étrangers irréguliers, et le délaissement des étrangers en situation régulière.

Les reconduites à la frontière constituent le seul poste de dépenses en hausse alors que les autres actions sont laissées pour compte. Avec une dotation en baisse de 50 %, le programme 104, consacré à l'intégration et à l'accès à la nationalité, est le parent pauvre de ce budget. Pour la seule action 11, relative à l'accueil, à l'intégration des étrangers primo-arrivants et à l'apprentissage de la langue française, la chute des crédits est vertigineuse, puisque l'on passe de 43,4 millions d'euros en 2008 à 15 millions d'euros seulement.

Lors de l'examen du projet de loi sur l'immigration, vous déclariez, monsieur le ministre, que « pour réussir l'intégration, il faut d'abord maîtriser l'immigration ». Or la maîtrise de l'immigration, au moyen d'un politique fondée sur la frénésie du chiffre, ne sert à rien si elle n'est pas accompagnée d'une politique volontariste d'accueil et d'intégration des étrangers en France.

Vous organisez l'autofinancement généralisé des politiques d'intégration par les migrants eux-mêmes. A la difficulté pour tout étranger de se faire une place dans notre société, vous ajoutez des obstacles administratifs et juridiques. Que dire de la réduction de 43,5 à 15 millions d'euros du budget de l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations (Anaem) ? Que dire de la diminution du personnel, qui passe de 920 à 890 équivalents temps plein ? Comment pouvez-vous supprimer 30 postes, alors que vous créez une nouvelle structure, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ? M. Jean-Marie Delarue, contrôleur des lieux de privation de liberté, nous a pourtant alertés lors de son audition sur les besoins de l'Anaem, notamment en matière de formation des intervenants au droit des étrangers.

Le sort réservé aux étrangers en situation irrégulière est encore plus navrant. Le programme 303 relatif à l'immigration et à l'asile montre que la lutte contre l'immigration illégale vous préoccupe davantage que le respect des droits des étrangers. L'action 2a de ce programme traduit votre méfiance à l'égard des associations de soutien aux demandeurs d'asile : le financement des plates-formes d'accueil et des associations a diminué de 45 %, passant de 5,28 millions à 3 millions d'euros. Neuf fermetures de plates-formes sont annoncées pour 2009. Il n'y a pourtant déjà plus d'interprètes dans les centres de rétention administrative, alors que les demandes d'asile et les recours doivent impérativement être rédigés en français.

Nous refusons, monsieur le ministre, que sous prétexte de rationalisation budgétaire vous portiez le coup de grâce à la prise en charge sociale des demandeurs d'asile, et limitiez leur chance de se voir accueillis et accompagnés dans le respect du droit international. Vous vous attaquez à la Cimade en ouvrant à la concurrence le marché de l'assistance aux étrangers dans les centres de rétention, à seule fin de déterminer quelle organisation sera la moins chère et sans vous préoccuper de la compétence ou de l'expérience de chacune. Cela revient à niveler par le bas la protection due aux étrangers.

Il ne faut pas s'étonner que le Conseil d'État ait annulé le décret de mise en concurrence de l'aide aux étrangers. Il est inconcevable que, par souci d'économie, on mette en péril les garanties fondamentales dont doivent bénéficier les immigrants car, même illégaux, ils demeurent des sujets de droit et quand les droits fondamentaux d'une personne sont niés, c'est sa dignité qui l'est aussi.

Le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a invité récemment la France à revoir la situation dans les centres de rétention administratifs et le Contrôleur des lieux privatifs de liberté est allé jusqu'à parler d'atteinte à la dignité humaine à propos de celui de Choisy-le-Roi. Mais vous proposez de réduire de moitié l'assistance en centre de rétention administrative. Mais vous construisez de nouveaux centres, ou les agrandissez, plutôt que de changer de politique. Au Mesnil-Amelot, un des trois bâtiments accueillera même les enfants, comme si leur place était d'attendre leur sort dans un centre de rétention... Ce ne sont pas des criminels, une assignation à résidence aurait pu suffire !

Réduites à un rôle d'observateurs impuissants, les associations ne pourront plus aider à constituer les dossiers. Vous allez jusqu'à leur interdire de communiquer...

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Où ça ?

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - La politique du chiffre déshumanise et empêche d'apporter conseil et solidarité, bref un peu d'humanité à des êtres en souffrance. Votre budget a relégué l'homme au second plan car seul le chiffre des refoulés lui importe. Il n'y a plus d'êtres humains mais des chiffres.

Mme Christiane Kammermann.  - Vraiment...

M. Alain Gournac.  - Tout ce qui est excessif...

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous ne voterons pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG ; M. Edmond Hervé applaudit aussi)

M. Dominique Braye.  - Votre groupe ne vous applaudit même pas !

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.  - A 513,8 millions, les crédits de la mission marquent une petite baisse par rapport aux 602 millions en crédits de paiement de l'an dernier. Le programme 303 « Immigration et asile » reçoit 436 millions ; le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » se voit attribuer le solde, soit 177,8 millions.

Le phénomène de l'immigration irrégulière est massif outre-mer, en particulier en Guyane, à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et à Mayotte, qui est sans doute le territoire de la République connaissant la situation la plus critique. Sur une population de 186 402 personnes, on dénombrait en 2007 60 000 étrangers, soit le tiers du total, dont 50 000 à 55 000 Comoriens, pour la plupart en situation irrégulière. Selon un récent rapport interministériel, le nombre de naissances au centre hospitalier de Mamoudzou augmente régulièrement, passant de 7 179 en 2005 à 7 779 en 2006 et 7 903 en 2007, 68 % des mères n'étant pas affiliées à notre régime de sécurité sociale, autrement dit en situation irrégulière. (Mme Éliane Assassi s'exclame) Le taux de fécondité des Comoriennes est de 5 enfants par femme alors qu'il est tombé à 3,5 enfants chez les Mahoraises.

D'après les estimations de M. Torre, les élèves étrangers, dont 85 % seraient en situation irrégulière, forment 22,5 % des effectifs dans le premier degré et 30 % dans le second.

L'on sait aussi que les clandestins forment 75 % de la population carcérale et que 90 % des affaires traitées aux assises de Mayotte mettent en cause des clandestins.

Lors de son passage à Mayotte, la commission d'enquête sénatoriale sur le travail clandestin a évalué à 10 000 sur 23 634 salariés le nombre des étrangers en situation irrégulière, ils forment même plus de la moitié des effectifs dans les PME du bâtiment.

Le nombre des reconduites à la frontière est passé de 7 714 en 2005 à 13 300 en 2007 et 16 000, dont 2 000 mineurs, en 2008. Si 30 % des clandestins éloignés récidivent, l'amélioration de la surveillance radar a permis d'intercepter 200 embarcations depuis le début de l'année. Malheureusement, les naufrages se multiplient car, pour y échapper, les passeurs choisissent des trajectoires de plus en plus longues et périlleuses : c'est ainsi que le 20 novembre, on a déploré quatorze morts et sept disparus au sud de Mayotte. La lutte contre l'immigration clandestine a coûté en 2007 2,3 millions à la police de l'air et des frontières et 941 000 euros à la gendarmerie. Malgré les naufrages et les interceptions, les kwassas continuent de charrier primo-arrivants et récidivistes. Le nombre des reconduites à la frontière n'endigue donc pas leur flux.

Le centre de rétention administratif de Pamandzi, qui a une capacité d'accueil de 60 places, est vite surchargé et peut compter jusqu'à 200 personnes, de sorte qu'il faut ou libérer les clandestins ou renoncer à les appréhender. La commission nationale de déontologie de la sécurité a estimé ce centre « indigne de la République ». Qu'en est-il, monsieur le ministre, du projet de construction d'un nouveau centre ?

Pour réduire la pression migratoire, il faut appuyer sur les leviers du codéveloppement et de la coopération régionale. Or jamais les relations avec les Comores n'ont été aussi chaotiques parce que le Président Sarkozy est déterminé à organiser le 29 mars une consultation pour transformer Mayotte en département d'outre-mer. La quatrième rencontre du groupe de travail de haut niveau qui devait se tenir à Moroni les 19 et 20 novembre a été reportée alors que la signature solennelle de l'accord de coopération bilatérale est prévue pour 2009.

De quels moyens budgétaires disposez-vous pour répondre à ces inquiétudes ? Nous avons bien noté les 23 millions prévus pour la police nationale et les 14 millions affectés à la gendarmerie nationale mais rien n'est prévu sur l'aide publique au développement, non plus que sur le programme « Accueil des étrangers ». Enfin, quelle sera la part de Mayotte dans le milliard du Fonds de coopération régionale ?

Je voterai les crédits de la mission, monsieur le ministre. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.  - Je suis heureux de vous présenter, pour la deuxième année consécutive, le budget de mon ministère. Je remercie tout d'abord l'ancien rapporteur spécial, André Ferrand : à son initiative, le Gouvernement a publié un document transversal consacré à l'immigration et à l'intégration. J'ai par ailleurs repris l'essentiel des recommandations de son rapport sur l'immigration professionnelle dans le cadre de la création, en 2009, de l'OFII. Le travail de M. Bernard-Reymond a été tout aussi constructif et le Gouvernement donne d'ores et déjà un avis favorable aux quatre amendements de la commission des finances. Je félicite également les rapporteurs pour avis, M. Trillard et M. Buffet, pour leur excellent travail.

A l'heure de la réforme de l'État et dans le contexte économique actuel, un bon budget n'est pas nécessairement un budget qui augmente optiquement : ce serait trop facile ! (M Alain Gournac approuve) Il ne s'agit pas de dépenser plus, mais mieux. Un bon budget, c'est un budget efficace ! (Marques d'approbation à droite) N'en déplaise à certains, qu'ils soient de bonne ou de mauvaise foi, ce budget me fournit les moyens de mon action, tout particulièrement en matière d'intégration. Les autorisations d'engagement reculent de 6,9 % -on est loin de 53 % ; les crédits de paiement, à périmètre constant, de 5,1 %. Les crédits du programme « Immigration et asile » augmentent de 7,3 %, à périmètre constant.

Première évolution majeure, un transfert de 17,5 millions au programme du Conseil d'État pour assurer l'indépendance fonctionnelle et budgétaire de la Cour nationale du droit d'asile, comme je m'y étais engagé l'an dernier.

Que de mauvaise foi à gauche sur le transfert de 40 millions au programme « Politique de la ville » ! Me serais-je mal exprimé devant la commission des lois ? J'ai souhaité que soit partagées les responsabilités entre mon ministère et le secrétariat d'État à la ville car il n'y a pas pire que l'empiètement des ministères dans leurs compétences. L'efficacité passe avant les considérations de préséance ! Fadela Amara m'a demandé 48 millions ; je lui en ai transféré 40 millions. Ces sommes n'ont pas disparu ! (Marques d'approbation à droite)

Enfin, nous réduisons fortement la subvention budgétaire versée à l'Anaem car son fonds de roulement est très important et la réforme des taxes qui lui sont affectées lui procurera plus de 20 millions de recettes supplémentaires l'année prochaine ; autant de crédits qui ne sont pas inscrits au budget du ministère mais qui financeront l'intégration des étrangers légaux.

Au total, la capacité d'action en propre de mon ministère en matière d'intégration sera équivalente à celle de 2008, autour de 76-77 millions.

Première priorité : poursuivre notre effort de promotion de l'immigration professionnelle en tenant compte de la situation économique et des évolutions des besoins en matière d'emploi. (Mouvements à gauche) Si cela ne vous plaît pas, allez donc discuter au sein de l'Internationale socialiste avec les ministres britanniques ou espagnols, qui ont été catégoriques ! (Applaudissements à droite ; M. Richard Yung s'exclame)

Nous voulons aussi améliorer l'efficacité de la politique d'éloignement, financer l'acquisition du matériel biométrique pour les consulats, enfin, renforcer notre partenariat avec les pays d'origine et de transit. De nouveaux accords seront conclus avec l'Égypte -qui en a formulé la demande !-, Haïti, le Burkina, le Cameroun, les Philippines et le Mali. Pourquoi n'avoir pas rappelé que le Sénégal, pays d'origine de la première communauté subsaharienne en France, a conclu un accord ?

M. Richard Yung.  - Le Mali a refusé de signer ! (M. Dominique Braye s'exclame)

M. Brice Hortefeux, ministre.  - C'est totalement faux ! Vous êtes mal informé : sans doute étiez-vous trop préoccupé par les soubresauts de votre famille politique ? (Rires et applaudissements à droite)

Deuxième priorité : réussir le parcours d'intégration lors des cinq premières années du séjour avant de passer le relais au secrétariat à la ville. Troisième priorité : mieux remplir nos obligations en matière d'asile. Enfin, poursuivre la modernisation des structures et des procédures.

Je salue la qualité des analyses et des propositions de M. Bernard-Reymond. Merci d'avoir souligné l'ambition de la politique que je conduis en matière de lutte contre l'immigration clandestine, de contrôle des flux migratoires, de droit d'asile, d'intégration des étrangers légaux et d'identité nationale.

Nous sommes une administration d'état-major, grâce à laquelle nous avons pu relever le défi de la présidence de l'Union européenne, comme en témoigne l'adoption, à l'unanimité des Vingt sept, du Pacte européen sur l'immigration et l'asile.

Il y a un an, ce ministère n'existait pas administrativement. Il a fallu tout créer, en recevant des compétences du ministère de l'intérieur, du ministère des affaires sociales et du ministère des affaires étrangères. Nous avons su en parallèle mener à bien l'exercice exigeant que constitue la révision générale des politiques publiques. Les quatorze mesures structurelles qui nous concernent sont à un stade très avancé, comme l'a souligné Éric Woerth. Le système automatisé de contrôle dans les aéroports fera de la France un leader dans le domaine du contrôle biométrique : 27 sas seront installés à Roissy et à Orly dès 2009.

Après trois années de baisse continue, la demande d'asile est repartie à la hausse, avec une augmentation de 14,7 % des premières demandes fin octobre. La Russie est au premier rang. Cette évolution pèse sur les dépenses relatives à l'asile, qui représentent 53,4 % de mon budget. Il nous appartiendra, avec le ministre du budget, de rechercher les solutions adaptées pour faire face à ces dépenses supplémentaires. Nous sommes déterminés à réduire les délais de procédure, pour passer de 17 à 9 mois en 2010, comme le préconise le rapport Richard. La réforme de la Cour nationale du droit d'asile sera mise en oeuvre dès 2009, avec la création de dix formations de jugement présidées par des magistrats professionnels.

Ensuite, nous gèrerons le dispositif d'accueil des Cada de la manière la plus rigoureuse possible : tel est l'objet du contrat d'objectif et de moyen avec l'Ofpra qui sera prochainement signé. D'ailleurs, le taux d'occupation des Cada est de l'ordre de 96 %, ce qui est tout à fait satisfaisant.

En matière d'éloignement, M. le rapporteur spécial souhaite que l'aide au retour volontaire soit confortée. C'est le cas puisque nous terminerons l'année avec un taux qui sera au-delà du tiers. Il y a deux ans, nous n'en étions qu'à 7 %. Il s'agit donc d'une véritable rupture. Nous poursuivrons sur cette voie en 2009. M. le rapporteur a estimé le coût de l'éloignement à près de 21 000 euros par personne. Il a d'ailleurs précisé qu'il s'agissait d'une simple estimation provisoire. Nous devons avancer sur cette question en prenant en compte les données disponibles. Je saisirai rapidement l'inspection générale de l'administration pour en calculer le coût. Nous devrions aussi nous interroger sur le coût net des dépenses évitées du fait de la diminution de l'immigration clandestine, qui a baissé d'environ 8 %. (On en doute sur les bancs socialistes)

Nous évoquerons les politiques d'intégration à l'occasion de l'examen des amendements de la commission des finances. Je proposerai à l'Agence et au futur Office de signer avec l'État un contrat d'objectif et de moyens.

Je remercie le rapporteur pour avis de la commission des lois d'avoir souligné que ce nouveau ministère avait su s'imposer rapidement dans le paysage ministériel. Il a, à juste titre, évoqué une administration en ordre de marche. Il a également souligné les effets budgétaires de la hausse de la demande d'asile en rappelant qu'un décret d'avances de 36 millions avait été publié afin de faire face aux dépenses d'hébergement d'urgence. Nous avons totalement autofinancé cette mesure sur les crédits de la mission.

J'en viens aux étrangers placés en centre de rétention administrative (CRA). Cette réforme sera conduite à son terme : rien ne justifie qu'une seule association, en situation de monopole, intervienne au sein des CRA. En tant qu'élu du Rhône, vous savez combien une association importante -et éloignée politiquement de nous- souhaite s'investir dans les CRA. Un nouvel appel d'offres sera prochainement publié à cette fin.

S'agissant des agents des consulats en charge des politiques de visa, il a été convenu qu'ils continueraient à relever du Quai d'Orsay mais la coordination sera très étroite entre mon ministère et celui de M. Kouchner afin de prévoir la meilleure affectation possible de ces agents en fonction de nos priorités.

M. le rapporteur m'a interrogé sur les aides au retour autres qu'humanitaires ; il en existe deux, dont l'aide au retour volontaire créée en 2005 ; son montant est de 2 000 euros par personne, de 3 500 euros par couple et 1 000 euros par enfant jusqu'au troisième. C'est à peu près ce qui se fait chez nos voisins, notamment en Grande-Bretagne. L'an passé, 2 000 personnes ont bénéficié de cette aide. Il existe aussi une aide à la réinstallation qui encourage les migrants à créer une entreprise dans leur pays d'origine. Le montant de ces aides est de l'ordre de 7 000 euros et hier, Michel Charasse a souhaité qu'elles soient augmentées pour atteindre 10 à 15 000 euros. Je suis assez favorable à cette proposition que je vais faire examiner par mes services. Mais il faut bien évidemment que les projets soient sérieux et qu'ils participent à la circulation des compétences.

J'en viens aux observations du rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Ainsi qu'il l'a signalé dans son rapport, les moyens de I'Ofpra vont être confortés. Le plafond d'emplois de l'Office restera stable sur la durée du budget triennal avec 412 équivalents temps plein. Nous augmenterons la subvention pour charge de service public à l'Ofpra de 1,5 million en soutenant l'amendement du rapporteur spécial, ce qui portera la subvention à 30,5 millions, soit plus de 5 millions par rapport à 2008.

Nos moyens d'action en matière de délivrance des visas et de circulation des étrangers vont être renforcés. Dix agents de la Commission de recours contre les refus de visa seront transférés du Quai vers mon ministère, qui est désormais en charge de la politique des visas.

M. Yung a reconnu que je ne ménageais pas mes efforts et, à titre personnel, je lui suis reconnaissant de ce jugement. Mais il faut aller un peu plus loin : si je ne ménage pas mes efforts, c'est pour mettre en oeuvre la politique que les Français ont choisi en 2007. Ces efforts répondent à la demande de la majorité de nos concitoyens !

M. Alain Gournac.  - Eh oui !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Vous êtes très cordial en commission, monsieur le sénateur, mais un peu plus excessif en séance publique. (M. Richard Yung le conteste)

M. François Marc.  - C'est l'excès qui est au pouvoir !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Quelle drôle d'idée de parler de chasse aux étrangers et d'une politique de chiffres ! Ce n'est pas du tout cela !

M. Richard Yung.  - Ah bon ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Je cherche à obtenir des résultats, c'est vous qui parlez des chiffres ! Nous avons trois principes : la France a le droit de choisir qui elle souhaite accueillir sur son territoire. Si vous n'êtes pas d'accord, dites-le haut et fort aux Français ! Un étranger en situation légale doit avoir les mêmes droits économiques et sociaux qu'un citoyen français. Enfin, un étranger en situation irrégulière, c'est-à-dire un étranger qui a menti (exclamations à gauche) sur le motif de sa venue sur le territoire, doit être condamné. (Mêmes mouvements) Accepteriez-vous que quelqu'un vienne chez vous sans votre autorisation ? (On s'indigne sur les mêmes bancs)

Vous vous trompez en ce qui concerne les accords bilatéraux, monsieur le sénateur : les ratifications ont bien été engagées et je regrette que, pour l'instant, il n'y ait qu'un seul pays où les accords aient été totalement ratifiés. Mais les projets de loi sur les accords avec le Bénin, la République du Congo, la Tunisie et le Sénégal sont sur le bureau de la Haute assemblée. Les projets relatifs à l'île Maurice et au Cap-Vert, ce dernier ayant été signé la semaine dernière, seront prochainement transmis au Conseil d'État.

Quant au Mali... (Exclamations à droite)

M. Richard Yung.  - Enfin !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - ...il souhaitait signer pendant la conférence euro-africaine sur le développement. Le ministre malien des affaires extérieures a indiqué publiquement qu'il n'y avait aucun problème technique mais qu'il restait un sujet à régler sur la situation des vieux travailleurs maliens de retour. En outre, il y a aussi une difficulté concernant le retour d'immigrés maliens non pas du continent européen mais africain. Je n'en dis pas plus pour ne pas gêner les autorités maliennes.

Sur la Cimade et les centres de rétention, je ne vais pas redire ce que j'ai déjà dit devant la commission, encore que comme cela n'a servi à rien, je serais prêt à recommencer. (Exclamations à gauche)

M. Henri de Raincourt.  - C'est ça, la pédagogie !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Selon tous les experts, la seule procédure possible est celle d'un marché de prestations de services, c'est-à-dire d'un marché public. J'ai donc décidé de mettre fin à une situation de monopole de fait, sans que cela remette en cause le sérieux et l'honnêteté de la Cimade dont je reçois régulièrement les responsables. Certes, ils ne sont pas totalement d'accord avec la politique que je mène (sourires) mais ce n'est pas pour cette raison que j'ai mis fin au monopole.

M. Richard Yung.  - Un peu, quand même !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - A partir du moment où on a lancé ce nouvel appel d'offres, après avoir tenu compte des remarques faites par le tribunal administratif, six associations ont déposé leurs candidatures. Or, la plupart d'entre elles ne partagent pas nos objectifs, mais cela n'a aucune importance : il faut de la diversité ! Tâchez d'ailleurs de vous en inspirer dans ce domaine comme dans d'autres ! (Exclamations sur les bancs socialistes)

M. Alain Gournac.  - Eh oui !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Nous, nous ne sommes pas frileux, recroquevillés, cramponnés à une position idéologique.

M. Dominique Braye.  - Soyez ouverts !

M. Richard Yung.  - Et vous donc !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Nous voulons simplement que cela fonctionne et je préfère la diversité au monopole. Je rappelle les associations candidates : le collectif Respect, le Forum réfugiés, France Terre d'Asile, l'Association service social familial migrants, ou Asfam, et l'Ordre de Malte. Espérons que, cette fois, j'aurai été entendu.

M. Alain Gournac.  - Rien n'est moins sûr !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Madame Assassi, je vous écoute toujours avec attention car j'ai la volonté de comprendre vos arguments, même s'il s'y mêle beaucoup d'idéologie.

Oui, la présidence française de l'Union européenne a été un grand succès. Je m'étonne d'ailleurs que vous ne partagiez pas cet avis. Ne discutez-vous donc pas entre camarades ? Le ministre de l'intérieur chypriote, M. Silikiotis, était permanent du parti communiste. C'est le plus enthousiaste, c'est le plus élogieux ! Si je comprends bien, vous avez autant de mal à vous mettre d'accord avec les partis frères qu'entre vous... (Protestations à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - « Soyez ouverts », venez-vous de dire...

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Pourquoi votre camarade soutient-il ce pacte, adopté à l'unanimité ? Parce qu'il a parfaitement compris qu'il permettait d'atteindre un point d'équilibre en les deux écueils que sont l'Europe bunker et l'Europe passoire. Les socio-démocrates allemands, les communistes chypriotes et les travaillistes britanniques l'ont voté.

M. Dominique Braye.  - Des gens raisonnables, quoi !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Auriez-vous raison seuls contre tous, y compris contre vos propres amis ? Ce n'est pas faire preuve d'humilité que de le penser. (Applaudissements à droite)

M. Alain Gournac.  - Belle démonstration !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Concernant le codéveloppement, je n'ai pas bien saisi votre argumentation. (Mme Éliane Assassi s'exclame) Nous ne voulons pas instrumentaliser mais partager et aider les pays d'origine. Quant aux centres de rétention, encore une fois, discutez entre vous ! J'avais cru comprendre que M. Braouezec, député communiste, avait considéré, sur France Inter, que c'était un moindre mal car cela permettait d'éviter la prison...

Mme Éliane Assassi.  - Eh bien, voyez-vous, c'est la diversité au sein du parti !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - S'agissant de la transparence dans les centres, dois-je rappeler que c'est notre majorité qui a créé le contrôleur général des lieux de privation de liberté ?

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Vous y étiez obligés par l'Europe !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Sur les centres toujours, mettez-vous d'accord avec Harlem Désir, qui a écrit sur son blog que la Cimade ne pouvait seule assumer cette tâche. Donc, soyez cohérents !

M. Dominique Braye.  - L'incohérence, c'est la raison pour laquelle il n'y a plus de gauche !

M. Richard Yung.  - Arrêtez ce baratin...

M. François Marc.  - Nous ne sommes pas à la kermesse !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Sur le nombre d'éloignements, nous n'avons pas encore fixé d'objectifs pour 2009. Les éléments qui apparaissent dans le budget sont, comme l'an passé, de simples références techniques.

Monsieur Dominati, je vous remercie de votre soutien sur la dimension européenne de notre politique, les progrès de l'immigration professionnelle ainsi que d'avoir indiqué que le ministère a obtenu le prix de la modernisation de l'État.

Madame Escoffier, je salue également la mémoire de Jacques Pelletier et ses travaux sur l'aide à l'épargne des migrants : le dispositif proposé n'est pas totalement satisfaisant, ce qui ne nous empêche pas d'avancer sur ce dossier. Vous avez cité la devise de la République. En la matière, mon principe est simple : on ne peut respecter que ce que l'on comprend. Il faut donc mieux expliquer les valeurs de la République aux migrants. Vous souhaitez que je veille à la situation humanitaire, je m'y emploie justement. S'agissant des consignes aux préfectures, dont vous venez de quitter le corps -je vous félicite d'avoir été élue-, je dis et répète que j'ai adressé une circulaire à tous les préfets, il y a dix jours, pour éviter les situations que vous avez évoquées. Ceci devrait satisfaire vos préoccupations. S'agissant de l'accueil des primo-arrivants, la fusion du visa de long séjour et du titre de long séjour sera un progrès. Concernant la régularisation des clandestins, il faudrait, m'avez-vous dit, travailler au cas par cas. C'est justement la politique que j'ai suivie en régularisant 1 000 personnes en Ile-de-France. Un syndicat, qui ne partage pas ma position politique, m'en a d'ailleurs donné acte.

Madame Boumediene-Thiery, vous avez bien compris qu'il ne s'agit pas d'une diminution du budget de 40 millions mais d'un transfert. Vous devriez vous réjouir que la CNDA soit dotée d'un budget autonome et devienne indépendante, c'est une avancée ! Sur les centres de rétention et l'accueil des familles, vous parliez de populisme, mais attention lorsque vous évoquez la situation des enfants. Voudriez-vous vraiment qu'on les sépare de leurs parents ? Au-delà des postures idéologiques, il faut considérer les situations concrètes... (Mmes Alima Boumediene-Thiery et Nathalie Goulet s'exclament) Sur la possibilité de publier des rapports sur les centres, pardonnez-moi l'expression, mais vous êtes complètement à côté de la plaque ! (M. Dominique Braye rit) J'ai précisé à toutes les associations, dans le cadre du marché public, que cela était possible et qu'elles pouvaient soulever des cas individuels quand les personnes concernées en étaient d'accord. Je suis trop attentif à la liberté d'expression pour la condamner.

Monsieur Ibrahim Ramadani, Mayotte est effectivement soumis à une forte pression migratoire. Je ne me suis pas rendu dans l'île mais le cas est comparable à celui de la Guyane. Des efforts ont été consentis, un troisième radar est opérationnel depuis juillet 2008. Avec une meilleure coordination des moyens entre la gendarmerie et la douane, nous avons obtenu des résultats : 225 kwassas ont été interceptés, autant de drames humains évités... Par parenthèse, j'apprends que nous avons ce matin intercepté un autre bateau à bord duquel se trouvaient seize personnes, dont quatre femmes et deux enfants. Je vais proposer de porter la capacité du centre de rétention de 60 à 140 places d'ici le premier semestre 2011.

Un dernier mot, enfin, sur l'opinion publique de laquelle tout le monde se réclame. L'opinion publique comprend, partage, approuve notre politique (Mme Éliane Assassi le conteste vivement) parce qu'elle est équilibrée, cohérente et juste ! (Vifs applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)

Examen des crédits

Mme la présidente.  - Amendement n°II-190, présenté par M. Gouteyron.

M. Adrien Gouteyron.  - Pour mettre en valeur la politique du Gouvernement en matière du droit d'asile, je propose de créer un programme intitulé « Garantie de l'exercice du droit d'asile » auquel seraient transférés les 287,6 millions qui y consacrés dans le programme 303 « Immigration et asile » ; lequel serait renommé, par coordination, « Immigration ».

Je remercie M. le rapporteur spécial d'avoir accepté que je présente cet amendement de clarification politique que la commission aurait pu reprendre.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - La commission est très favorable à cet amendement qui évitera ces amalgames auxquels d'aucuns se livrent.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Appliquer cet amendement dès ce budget me semble difficile. Je serais favorable à une telle évolution à condition que Bercy en soit d'accord. Et l'on sait combien le ministère du budget est réservé sur toute modification de la maquette budgétaire. Sagesse.

M. Richard Yung.  - Je vais vous surprendre : je soutiendrai cet amendement car il permet de souligner les crédits consacrés au droit d'asile. Ainsi preuve sera faite que nous ne cherchons pas à instrumentaliser le débat parlementaire.

M. Charles Pasqua.  - Nous ne parlions pas de vous... (Sourires)

M. Richard Yung.  - Ce serait une bonne chose que d'isoler ces crédits dès ce budget.

M. Adrien Gouteyron.  - Je suis prêt à rectifier mon amendement pour tenir compte des observations du ministre, en prévoyant la création du programme, sans transfert de crédits dès 2009. Il serait alors rédigé comme suit : « A compter du projet de loi de finances pour 2010, créer le programme : Garantie de l'exercice du droit d'asile. » En même temps que l'intention politique serait là, on tiendrait compte des difficultés pratiques d'une mise en oeuvre dès 2009.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Même avis : sagesse.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je me réjouis de la convergence de vues entre le ministre et le rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État », qui ayant, à ce titre, longtemps suivi ces questions, tant qu'elles relevaient du ministère des affaires étrangères, a acquis des convictions fortes. J'étais cependant tenté de demander au Sénat de voter l'amendement initial qu'il avait proposé, étant entendu que la commission mixte paritaire a rendez-vous dans deux semaines, ce qui nous laisse le temps de voir si nous devons ou non le valider. Auquel cas nous vous aurions proposé un sous-amendement, pour prendre en compte l'amendement que se proposait de défendre notre rapporteur spécial, ajoutant un million et demi aux crédits déplacés par l'amendement Gouteyron, étant entendu que je m'engagerai, dans ce cas, à faire ce qu'il convient en CMP pour que le Gouvernement ne soit pas gêné dans la conduite de sa politique.

M. Adrien Gouteyron.  - Je souscris à cette proposition et laisse mon amendement en l'état.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°II-9 rectifié, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission des finances.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - Ce redéploiement, de 1,5 million, du programme « Intégration et accès à la nationalité française » vers l'action « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme 303, en autorisations d'engagement et crédits de paiement, vise à prendre en compte l'augmentation des demandes d'asile constatées en 2008. Cette somme doit permettre de réduire les délais d'instruction des dossiers en maintenant la qualité de leur traitement. Elle est prélevée sur le fonds de roulement de l'Anaem, qui n'a pas vocation à financer l'aide à l'expatriation des travailleurs français et l'aide à l'emploi des Français établis hors de France, missions déjà assurées soit par l'ANPE ou la Maison des Français de l'étranger, en France, soit par les consulats, à l'étranger. Les 29 emplois concernés seront plus utiles ailleurs.

M. Richard Yung.  - Autant j'étais favorable à l'amendement de M. Gouteyron, autant je ne puis souscrire à ce transfert, qui ne fait que déshabiller Pierre pour habiller Paul. Les Français de l'étranger en seront les victimes, alors que les crédits de formation qui leur sont consacrés ont déjà été réduits de moitié. Si ce sous-amendement était adopté, je ne pourrais voter l'amendement.

Le sous-amendement n°II-9 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°II-190, ainsi sous-amendé, est adopté.

Les crédits de la mission « Immigration, asile, intégration » sont adoptés.

Article 62

I.  -  Le chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Dispositions fiscales

« Art. L. 311-13.  -  A.  -  La délivrance d'un premier titre de séjour figurant parmi ceux mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 311-2 donne lieu à la perception, au profit de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou de l'établissement public appelé à lui succéder, d'une taxe dont le montant est fixé par décret entre 200 € et 340 €. Ces limites sont respectivement ramenées à 55 € et 70 € pour les étrangers auxquels est délivrée une carte de séjour au titre des articles L. 313-7 et L. 313-7-1, du 9° de l'article L. 313-11, du 3° de l'article L. 314-11, ainsi que la carte de séjour portant la mention ?salarié? ou ?salarié en mission? prévue aux 1° et 5° de l'article L. 313-10. Elles sont ramenées à 100 € et 170 € pour les étrangers entrés en France au titre du regroupement familial en tant qu'enfants mineurs.

« Ces dispositions ne sont pas applicables aux étrangers qui sollicitent un titre de séjour au titre des 10° et 11° de l'article L. 313-11, de l'article L. 313-13 et des 4°, 5°, 6°, 8° et 9° de l'article L. 314-11 ni aux travailleurs temporaires et saisonniers mentionnés aux 1° et 4° de l'article L. 313-10. La délivrance d'un visa de long séjour valant ou dispensant de titre de séjour donne lieu, outre les droits de visa prévus par la réglementation en vigueur, à la perception, au profit de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou de l'établissement public appelé à lui succéder, de la taxe correspondant au titre de séjour que ce visa remplace.

« B.  -  Le renouvellement des titres de séjour ainsi que la fourniture de duplicata donnent lieu à la perception, au profit de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou de l'établissement public appelé à lui succéder, d'une taxe dont le montant est fixé par décret entre un minimum égal à 55 € et un maximum égal à 110 €. Ces limites sont respectivement ramenées à 15 € et 30 € pour les étrangers auxquels est délivrée une carte de séjour au titre de l'article L. 313-7. La taxe de renouvellement n'est acquittée qu'une fois par période d'un an. Elle n'est pas exigée des réfugiés et des étrangers bénéficiaires de la protection subsidiaire.

« C.  -  La délivrance, le renouvellement et la fourniture de duplicata des documents de circulation délivrés aux étrangers mineurs au titre des articles L. 321-3 et L. 321-4 donnent lieu à la perception, au profit de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou de l'établissement public appelé à lui succéder, d'une taxe dont le montant est de 30 €.

« D.  -  Les taxes prévues aux A, B et C  sont acquittées soit au moyen de timbres mobiles d'un modèle spécial à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou à l'établissement public appelé à lui succéder, soit par la voie électronique au moyen d'un timbre dématérialisé, dans les conditions prévues au chapitre II du titre IV de la première partie du livre Ier du code général des impôts.

« E.  -  Les modalités d'application du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par décret.

« Art. L. 311-14.  -  L'article L. 311-13 est applicable à la délivrance, au renouvellement et à la fourniture de duplicata des titres de séjour et des documents de circulation pour étrangers mineurs prévus par les traités ou accords internationaux, sauf stipulations contraires prévues par ces traités ou accords.

« Art. L. 311-15.  -  Tout employeur qui embauche un travailleur étranger acquitte, lors de la première entrée en France de cet étranger ou lors de sa première admission au séjour en qualité de salarié, une taxe au profit de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou de l'établissement public appelé à lui succéder.

« Lorsque l'embauche intervient pour une durée supérieure ou égale à douze mois, le montant de cette taxe est de :

«  -   900 € lorsque le salaire versé à ce travailleur étranger est inférieur ou égal à une fois et demie le montant mensuel à temps plein du salaire minimum de croissance ;

«  -   1 600 € lorsque le salaire versé à ce travailleur étranger est supérieur à une fois et demie le montant mensuel à temps plein du salaire minimum de croissance.

« Lorsque l'embauche intervient pour un emploi temporaire d'une durée supérieure à trois mois et inférieure à douze mois, le montant de cette taxe, fixé par décret, varie selon le niveau du salaire dans des limites comprises entre 50 € et 300 €.

« Lorsque l'embauche intervient pour un emploi à caractère saisonnier, le montant de cette taxe est modulé selon la durée de l'embauche à raison de 50 € par mois d'activité salariée complet ou incomplet. Chaque embauche donne lieu à l'acquittement de la taxe.

« La taxe prévue au présent article est perçue comme en matière de recettes des établissements publics nationaux à caractère administratif.

« Les modalités d'application du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par décret. »

II.  -  La sixième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 311-9 du même code est ainsi rédigée :

« Toutes ces formations et prestations sont dispensées gratuitement et financées par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ou par l'établissement public appelé à lui succéder. »

III.  -  La section 4 du chapitre III du titre III de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts et l'article L. 5221-10 du code du travail sont abrogés.

IV.  -  Le premier alinéa de l'article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable avant le 31 décembre 2011 aux conjoints et aux enfants d'étrangers dont la demande de regroupement familial a été autorisée avant la publication de la présente loi et ayant acquitté à ce titre la redevance prévue par la réglementation en vigueur.

V.  -  L'article L. 311-15 du même code s'applique aux demandes d'autorisation de travail présentées par l'employeur postérieurement à la publication de la présente loi.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-186, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Sous couvert de simplifier le régime des taxes affectées à l'Anaem, vous supprimez un certain nombre d'exonérations dont bénéficiaient les étrangers dans le cadre du regroupement familial, les étudiants, les salariés, les retraités ou encore les étrangers titulaires d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle avec plus de 20 % d'incapacité permanente.

Alors que le rendement de ces redevances a atteint 90 millions en 2008, au lieu des 72 millions prévus en loi de finances, il est inacceptable de supprimer des exonérations et d'augmenter le montant des redevances pour financer l'aide au retour des étrangers en situation irrégulière.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - Le budget pour 2009, élaboré dans un contexte de crise internationale de première ampleur, n'autorise pas à renoncer à des recettes dont l'Anaem aura besoin pour faire face à l'augmentation de ses tâches. Je n'ai entendu, venant de vos bancs, que complaintes sur l'insuffisance du budget, et voilà que vous demandez une diminution de recettes ! (Mme Éliane Assassi proteste) Il est pourtant légitime que celles et ceux qui sont accueillis dans notre pays participent un tant soit peu aux charges que crée leur venue. Défavorable.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-17 rectifié, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission des finances.

(article L. 311-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile)

Après le quatrième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« A compter du 1er janvier 2010, le montant de cette taxe est égal à 60 pour cent du salaire versé à ce travailleur étranger, pris en compte dans la limite de 2,5 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - La taxe versée par l'employeur au titre de l'embauche d'un travailleur étranger, composée de deux paliers, comporte un effet de seuil important à 1,5 Smic. Nous avons voulu le lisser en substituant au tarif actuel un taux proportionnel, jusqu'à 65 % du salaire, dans la limite, cependant, de 2,5 fois le Smic, pour ne pas dissuader l'embauche de travailleurs qualifiés.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-28 rectifié, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission des finances.

Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

I bis. - Les montants prévus aux articles L. 311-13 et L. 311-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont revalorisés tous les trois ans dans la même proportion que l'évolution des prix à la consommation constatée sur la période et arrondis à l'unité supérieure. Il en est de même pour les montants prévus à l'article L. 311-15 au titre de l'embauche pour un emploi temporaire ou saisonnier. La revalorisation triennale prend effet au premier janvier de l'année concernée.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial.  - Les droits de timbre présentent le défaut, en fiscalité, de n'être que rarement actualisés. Il s'ensuit des tarifs souvent datés, voire archaïques, sans rapport avec les politiques poursuivies par les organismes qui en bénéficient. Lorsqu'une revalorisation intervient, elle est souvent brutale, afin de compenser le retard pris dans l'actualisation du tarif. En conséquence, il est proposé une indexation automatique des droits de timbre applicables aux étrangers en fonction de l'inflation. Cette revalorisation, périodique, serait appliquée tous les trois ans.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-32, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission des finances.

Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

I ter.- L'article L. 8253-1 du code du travail est ainsi modifié :

1° La première phrase est complétée par les mots : « ou de l'établissement public appelé à lui succéder » ;

2° Dans la seconde phrase, le montant : « 500 fois » est remplacé par le montant : « 1000 fois ».

M. Pierre Bernard-Reymond.  - L'employeur qui a employé un travailleur étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France peut être condamné à une amende de 1 655 euros. Ce montant n'est pas sensiblement différent de la taxe acquittée par un employeur qui respecte ses obligations légales lorsqu'il emploie un salarié étranger, et qui peut aller de 900 à 1 600 euros. Il serait plus normal qu'un employeur indélicat doive s'acquitter d'un montant double.

La contribution spéciale employeur a longtemps été mal recouvrée. Le législateur a, en 2007, donné de nouveaux moyens à l'administration financière. Ont-ils été, monsieur le ministre, suivis d'effet ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Très défavorable à l'amendement n°II-186. La réforme que nous proposons est cohérente et répond à un principe d'équité, d'efficacité et de transparence. Elle permettra de doter l'Anaem de 20 millions de ressources propres supplémentaires.

Très favorable, en revanche, aux trois amendements présentés par la commission.

L'amendement n°II-186 n'est pas adopté.

L'amendement n°II-17 rectifié est adopté, ainsi que les amendements nsII-28 rectifié et II-32

L'article 62, modifié, est adopté.

L'article 63 est adopté.

Organismes extraparlementaires (Nominations)

Mme la présidente.  - Les commissions des affaires culturelles, des affaires économiques, des affaires étrangères et des affaires sociales ont proposé des candidats pour siéger dans plusieurs organismes parlementaires. Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure, ces candidatures sont ratifiées.

Politique des territoires

Mme la présidente.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Politique des territoires ».

Orateurs inscrits

M. François Marc, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Cette mission qui, par le volume de ses crédits, est la plus petite qui soit dotée d'objectifs de performance : 386 millions en autorisations d'engagement et 375 en crédits de paiement, se situe au coeur de la politique d'aménagement du territoire, notamment par son programme -bien nommé- « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire ».

L'aménagement du territoire dans son ensemble bénéficiera au total de 5,6 milliards de crédits, portés par 34 programmes relevant de 16 missions différentes. La mission « Politique des territoires » ne correspond qu'au douzième de ces crédits.

Cette mission a été réduite à deux programmes en 2008. Le programme « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » reçoit les crédits affectés à la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (Diact), -l'ex-Datar-, soit 90 % des crédits de la mission, qui financent des dispositifs divers mais essentiels tels que les Contrats de projets État-régions, la prime d'aménagement du territoire, le plan d'accompagnement du redéploiement des armées, les pôles de compétitivité, ou encore les pôles d'excellence rurale. En 2007 et en 2008, un effort de couverture en crédits de paiement des engagements antérieurs a été entrepris. L'endettement du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire a diminué en conséquence. Or, en 2009, le niveau des autorisations d'engagement doit être supérieur à celui des crédits de paiement. Ce serait inquiétant, si la programmation pour les années 2010 et 2011 ne rétablissait un rapport vertueux, c'est-à-dire contraire, entre autorisations d'engagement et crédits de paiement. Le Gouvernement devra respecter cette orientation, sous peine de renouer avec les récentes tensions de financement. Par ailleurs, pas moins d'une trentaine de dépenses fiscales sont rattachées au programme, les principales bénéficiant à la Corse. Il y a lieu de s'interroger sur la tendance au saupoudrage observé en la matière. En outre, je déplore l'absence d'une mesure de la performance relative à ces dépenses et souhaite qu'on progresse sur ce point pour le projet de loi de finances 2010.

Le second programme, « Interventions territoriales de l'État » -le Pite- est dérogatoire au droit commun du budget, parce qu'il rassemble des actions de portée régionale, correspondant à des plans interministériels. Après l'expérimentation de la période 2006-2008, le Pite est reconduit pour 2009, dans un nouveau périmètre. Réduit à quatre actions, il concerne l'eau en Bretagne, les investissements en Corse, le marais poitevin et, enfin, la présence de chlordécone en Guadeloupe et en Martinique. La majorité de ses crédits est affectée aux actions « Eau en Bretagne » et « Investissements en Corse ».

Le premier bilan du Pite s'avère mitigé : les performances sont souvent restées en-deçà des objectifs fixés. En revanche, il présente le double avantage de permettre une réelle souplesse de gestion, car les préfets peuvent mobiliser en un seul budget les contributions de plusieurs ministères et de conférer une visibilité politique aux actions qu'il finance. En 2007 et en 2008, cela a bénéficié au plan « Nitrates » destiné à restaurer la qualité de l'eau en Bretagne : sans le Pite, la France aurait sans doute été condamnée par Bruxelles, faute d'avoir pu démontrer la réalité de ses efforts en ce domaine.

Ce programme utile doit encore atteindre ses objectifs. Or la mesure même de cette performance, actuellement, reste insuffisante. Non seulement l'action « Chlordécone en Guadeloupe et Martinique » ne fait l'objet d'aucun objectif ni indicateur dans le « bleu » mais, surtout, la sélection d'un objectif par action, trop dense ou trop partiel, n'est pas une bonne solution : chaque action relève en réalité de plusieurs objectifs et indicateurs de performances, choisis de façon pertinente. J'attends donc les aménagements qui s'imposent.

Sous le bénéfice de ces observations la commission des finances vous propose d'adopter les crédits de cette mission.

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.  - Notre assemblée qui représente les territoires de la République ne peut être que très sensible à cette mission. La politique d'aménagement du territoire, c'est 5,6 milliards au total mobilisés sur la moitié des missions du budget général. La présente mission n'en regroupe qu'une petite partie mais elle donne à l'ensemble de cette politique une visibilité indispensable pour les élus locaux. La mission proprement dit regroupe des moyens mis directement au service de l'aménagement du territoire, à savoir ceux de la Diact et ceux du Pite, gérés par les préfets.

Il est temps d'achever la couverture de l'ensemble des communes de France en téléphonie mobile et en haut débit, un vrai haut débit de 2 Mégabits/seconde, sans parler du très haut débit car le haut débit d'aujourd'hui sera le bas débit de demain. Quels moyens compte mettre le Gouvernement au service de cette ambition ? C'est une question qu'on se pose dans les territoires, comme on se la posait autrefois à propos de l'électricité et de l'eau courante. L'internet haut débit est indispensable au développement et à l'attractivité des territoires.

Autre outil du développement des territoires, les pôles de compétitivité ont fait l'objet en juin dernier d'une évaluation approfondie qui les a jugés prometteurs. On peut le confirmer sur le terrain, tout en regrettant que cela ne se concrétise pas toujours pour certains acteurs de ces pôles : je pense aux petites entreprises, qui ne sont pas suffisamment impliquées dans ces pôles ; je pense également à celles qui sont trop éloignées les unes des autres et ne se connaissent pas suffisamment. Nous devons davantage communiquer sur cette action, qui représente 1,5 milliard sur trois ans, et favoriser les rencontres entre entreprises. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quel est l'avenir des 13 pôles de compétitivité, sur 71, qui entrent en phase de surveillance ?

Le développement de nos territoires, c'est notamment celui des territoires ruraux et notre commission est très attentive à l'évolution des zones de revitalisation rurale, chargées de soutenir des territoires qui cumulent les handicaps mais, en pratique, la complexité du système et le manque de communication font obstacle à sa prise en main par les entreprises et les élus locaux qui ne savent pas toujours ce qu'ils ont exactement à y gagner, si bien que tout le potentiel de ces ZRR n'est pas mis à profit. En outre, les services fiscaux n'accordent pas toujours les exonérations prévues : c'est le cas pour les médecins qui veulent déplacer leur cabinet d'une zone urbaine vers une ZRR. Enfin, pouvez-vous nous éclairer sur la pérennité de ces zones de revitalisation ?

Les pôles d'excellence rurale entrent dans leur dernière année. Depuis 2006, grâce à leurs financements ils ont joué un vrai rôle d'impulsion sur le tissu économique local. L'effort de l'État mérite d'être signalé : 175 millions au total, dont 90 en 2009.

Ces 379 PER ont pleinement participé à l'aménagement du territoire ; ils sont répartis sur la quasi-totalité des départements.

Et pourtant, leur fonctionnement souffre de rigidités : ainsi, lorsqu'une entreprise mentionnée dans la convention se retire finalement du projet, il est impossible de la remplacer par une autre. Une certaine fongibilité dans la gestion des fonds par le préfet serait donc bienvenue car la vie d'un pôle comporte de l'imprévu ! Une clause de revoyure à mi-parcours serait également utile pour débloquer des situations difficiles.

La commission des affaires économiques s'intéresse de très près aux pôles d'excellence rurale. Elle souhaite contribuer à leur évaluation l'année prochaine et travailler sur le nouvel appel à projet.

Je me réjouis de l'intervention du Président de la République au Congrès des maires de France la semaine dernière. Il a appelé à définir une politique d'aménagement du territoire adaptée à la ruralité d'aujourd'hui. Il y voit un chantier majeur. C'est un signe fort pour les territoires ruraux. Je soutiens une politique des territoires ambitieuse pour mieux affronter la crise. La commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

M. Thierry Repentin.  - Je m'exprimerai ici comme élu de la montagne. Tout n'est pas inscrit dans la loi de finances et votre action, monsieur le ministre, a une forte dimension interministérielle.

Les élus de la montagne réunis à Saint-Flour ont appelé le Gouvernement à faire adopter avant la fin de la présidence française de l'Union européenne une directive-cadre visant à préserver les services d'intérêt général dans les zones difficiles. C'est que la révision générale des politiques publiques commence à nous coûter cher en suppressions et fermetures : écoles, postes, perceptions, etc. ! Or les technologies de consultation à distance sont peu développées en zone de montagne.

Le respect de la libre administration des collectivités locales exige qu'elles disposent des moyens suffisants pour maintenir une offre de services publics de proximité. Une école, dans une commune, est un élément crucial pour attirer ou conserver les familles. Le nombre d'enfants devrait du reste être combiné avec le temps de transport vers une autre commune pour évaluer les conséquences d'une fermeture. La décentralisation ouvre le jeu de la gestion des postes. Celle-ci ne peut demeurer cloisonnée et viser seulement la plus grande concentration au nom de l'efficacité. Elle doit tenir compte des besoins de la population locale. Les regroupements pédagogiques coûtent chers aux conseils généraux en organisation de transports scolaires. Les collectivités locales devraient se voir notifier deux ans à l'avance les fermetures de classes prévues.

Un bureau de poste est également essentiel pour ancrer la population dans la commune. L'ouverture à la concurrence ne remet pas cette fonction en cause. Sur les 17 000 points-contact, 9 700 sont situés dans des petites communes, notamment en zone de montagne. La levée et la distribution du courrier ont un aspect social non négligeable ; le facteur apporte parfois aussi des médicaments, des vivres et se charge d'opérations bancaires à domicile. Trop souvent les élus sont mis devant le fait accompli : les horaires et les jours d'ouverture des bureaux sont modifiés sans qu'ils en soient prévenus, quand ils n'ont pas à mettre à disposition un agent en mairie.

La poste relève d'une compétence de l'État. La règle est pourtant inique : le service universel doit desservir tout point du territoire sauf lorsque les infrastructures de transport ou les caractéristiques géographiques y font obstacle !

L'accès aux soins est une exigence de solidarité nationale et elle vaut en toute saison ! Le 24 octobre dernier, lors de leur congrès, les élus de la montagne ont appelé la ministre de la santé à prendre en compte les spécificités de la montagne dans le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires ». La tarification à l'activité ne vaut qu'accompagnée par une compensation financière des sujétions particulières.

La mission de l'aménagement du territoire va bien au-delà de la seule mission budgétaire. Monsieur le ministre, vous viendrez au mois de janvier dans les Alpes pour envisager comment compenser les fermetures d'implantations militaires dans les zones de montagne. Faites preuve d'initiative, prévoyez des contreparties plus substantielles pour les zones de montagne car elles ont un handicap ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean Boyer.  - La place des collectivités doit rester prioritaire, y compris dans le budget, car le socle de notre pays réside dans leurs forces humaines et économiques. Ne l'oublions pas, la France demeure un pays rural ; l'espace rural occupe plus des deux tiers du territoire national. C'est pourquoi le Gouvernement a pris des initiatives, pôles d'excellence, programmes « leaders » et zones de revitalisation rurale.

La mission « Politique des territoires» poursuit des objectifs clairs, indispensables à la vitalité de notre France rurale. Oui, nos petites communes ont droit à une parité sociale ou simplement humaine en ce début de troisième millénaire.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Jean Boyer.  - L'appel à projets, pour les pôles d'excellence, avait déjà suscité en décembre 2005 près de 400 initiatives locales innovantes, ambitieuses et tendant à développer les richesses locales. Pour gagner, il faut travailler ensemble, bâtir ensemble, y compris au service de nos territoires. En effet, une terre sans projet, c'est une terre en déclin.

Monsieur le ministre, une nouvelle vague de projets est-elle envisagée ? J'ai souhaité présenter une question orale avec débat afin de faire le point. Le bilan est globalement très positif. Il faut clarifier et simplifier pour être efficace. Les financements croisés sont difficiles à gérer concrètement !

Nous devons penser aussi aux zones de revitalisation rurale, réalité forte d'une France souvent désarmée car le trépied homme, richesse et territoire est difficile à coordonner. Ces actions constituent en quelque sorte un Samu collectif : ne permettons pas que l'oxygène se raréfie ! Quelles sont les perspectives pour demain, monsieur le ministre ? Ce soutien équitable est indispensable sur des territoires dont certains ont moins de cinq habitants au kilomètre carré. J'en compte dans mon département, M. Gouteyron les connaît aussi.

Lorsqu'il y a une volonté, n'y a-t-il pas un chemin ? Merci, monsieur le ministre, d'aider cette France rurale qui compte sur nous ! (Applaudissements à droite)

Mme Odette Terrade.  - Ni la création d'un secrétariat d'État chargé de l'aménagement du territoire ni les quatre actions du programme « Interventions territoriales du l'État » ne sauraient cacher le marasme dans lequel se trouvent aujourd'hui plongés certains de nos territoires. L'aménagement du territoire ne peut être conçu sans la préservation d'un service public de qualité, sauf à renoncer aux principes d'égalité et de solidarité.

Les crédits de cette mission, vous le reconnaissez, sont modestes : le Gouvernement ne se donne pas les moyens financiers de répondre à la crise traversée par les territoires ruraux isolés ou les quartiers urbains en difficulté. La RGPP a donné le la : un fonctionnaire partant à la retraite sur deux ne sera pas remplacé, ce qui porte un coup mortel aux services publics et compromet l'aménagement équilibré du territoire. En réalité, c'est la politique du Gouvernement qui coûte cher à nos concitoyens en portant atteinte à leur qualité de vie, à leur santé, à l'égal accès de tous aux services de l'énergie, de la poste, de l'éducation !

Le rapporteur de la mission à l'Assemblée nationale déclarait que les relais-poste dans les épiceries, cafés et restaurants fonctionnaient mal dans certaines régions pour des raisons historiques et politiques : s'ils fonctionnent mal, c'est parce qu'ils n'assurent aucune confidentialité, parce que le commerçant doit faire l'avance sur son fond de caisse, parce qu'un service public de qualité est impossible dans un lieu commercial sans formation des agents !

Le service public postal joue un rôle central : dans les régions enclavées, les postiers sont souvent le dernier contact avec le monde. Pourtant, le Gouvernement n'a pas renoncé à privatiser La Poste. Pour nous, moderniser le service public postal, ce n'est pas vendre les activités rentables et abandonner les autres : c'est conserver une péréquation tarifaire et assurer à tous, sur l'ensemble du territoire, un haut niveau de service public.

Les moyens proposés pour réparer les dégâts causés par la réforme de la carte militaire, dénoncée par l'Association des maires de France, sont insuffisants. Les communes concernées se trouvent souvent dans des régions enclavées ou en proie à des difficultés économiques. Souvent peu peuplées, elles sont d'autant plus dépendantes des retombées économiques de la présence militaire.

Cette désertification concertée des territoires s'étend à tous les domaines. Même l'accès aux soins médicaux est remis en cause. Après la fermeture de la maternité de Saint-Agrève, une jeune mère en plein travail a mis près de quatre heures pour rejoindre la maternité la plus proche ! Voilà votre conception de l'aménagement du territoire et de la modernisation du service public !

Quant à la réforme de la carte judiciaire, qui consiste pour l'essentiel à supprimer des tribunaux, elle éloigne la justice du justiciable et les professionnels de la justice de leur lieu de résidence. Les magistrats, les avocats et les professionnels de la justice s'indignent : ce sont les juridictions les plus proches des citoyens, celles qui fonctionnent le mieux qui sont touchées en premier !

Depuis le « Grenelle I », le Gouvernement ne cesse de proclamer son attachement aux transports collectifs. Mais rien n'est fait pour le transport interrégional. A cause du désengagement de l'État, certaines régions ont du mal à entretenir et à régénérer leurs voies. Pour répondre aux impératifs de la défense de l'environnement et de l'aménagement du territoire, il faudrait au contraire assurer un maillage fin de l'ensemble du pays et développer l'offre ferroviaire. Le financement des infrastructures de transport est une mission régalienne de l'État, qui est le garant de l'intérêt général, de la cohésion sociale et territoriale. Mais la politique gouvernementale est aux antipodes de ces principes, comme en témoigne le projet de loi sur la privatisation du transport ferroviaire des passagers.

En ce qui concerne l'aménagement numérique du territoire, le Gouvernement multiplie les déclarations de bonnes intentions sur la couverture des zones blanches de téléphonie mobile et l'accès à internet à haut débit, mais lorsque nous avons déposé un amendement au projet de loi de modernisation de l'économie visant à imposer partout le haut débit plutôt qu'une « fréquence suffisante », on nous a opposé l'article 40...

Enfin, c'est au nom de l'aménagement du territoire que le Gouvernement annonce la délocalisation d'administrations ou d'établissements publics comme l'Insee à Metz et l'Office national des forêts (ONF) à Compiègne. Ces projets compromettent gravement la qualité du service et ne tiennent aucun compte de la vie du personnel.

Le Premier ministre déclarait : « La reforme de l'État supposera que chacun d'entre nous accepte qu'il y ait moins de services, moins de personnel, moins d'État sur son territoire ». C'est parce que nous nous opposons à cette politique rétrograde et considérons que la mission « Politiques des territoires » ne saurait pallier le recul massif des services publics que nous voterons contre ces crédits.

M. Alain Fouché.  - En ce début de législature, les impératifs de l'aménagement du territoire revêtent une acuité particulière. Dans le cadre de la RGPP, le Gouvernement a lancé deux grandes réformes qui auront un fort impact territorial : celles de la carte judiciaire et de la carte militaire.

Votre nomination au mois de mars à la tête du secrétariat d'État à l'aménagement du territoire témoigne de l'importance décisive de cette politique aux yeux du Gouvernement. La lettre de mission qui vous a été adressée rappelle que le développement de la compétitivité et la préservation de la cohésion territoriale sont les deux principes fondamentaux de l'aménagement du territoire. L'effort budgétaire de l'État en la matière ne se limite pas aux crédits que nous examinons : 34 programmes sont concernés, relevant de 16 missions, pour un montant total de 5,6 milliards d'euros environ.

En matière de compétitivité et de dynamique territoriale, l'année 2009 sera marquée par le passage à la version « 2.0 » des pôles de compétitivité. Ce sera aussi l'année des premières fermetures de sites militaires. Le plan national d'accompagnement des restructurations de la Défense mettra à contribution l'ensemble des instruments de la politique d'aménagement du territoire : contrats de projets États-régions, programmes opérationnels, dispositifs fiscaux territorialisés, etc. Mais les dépenses fiscales, dont trente sont rattachées au programme 112 pour un montant de 910 millions d'euros, devraient faire l'objet d'une évaluation approfondie. (M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire, marque son assentiment) En ce qui concerne la fermeture de sites de la gendarmerie, par exemple de l'école de gendarmerie de Châtellerault, pourquoi ne pas engager une politique de délocalisation d'équipements publics au profit des territoires concernés ? De telles mesures ont montré leur efficacité dans le passé : je pense par exemple à la délocalisation de l'Institut national de la propriété industrielle et du Centre national d'enseignement à distance, à laquelle M. Chevènement avait donné son accord lorsqu'il était au gouvernement. (M. Jean-Pierre Chevènement acquiesce) Il y a là une piste à explorer.

Dans les campagnes, les pôles d'excellence rurale feront l'objet cette année d'une évaluation. En fonction des résultats, l'État décidera s'il poursuit cette politique et lance de nouveaux appels à projets pour la mutualisation de services publics. Les services publics sont essentiels à la vitalité des espaces ruraux. L'exemple du service postal, maintenu grâce aux points-poste créés en partenariat avec des communes ou des commerçants, mérite d'être suivi.

Depuis 1975, notre pays connaît une dynamique de retour vers les campagnes : aujourd'hui, la population rurale augmente trois fois plus vite que la population urbaine. Dès lors, nous devons relever le défi de la fracture territoriale d'abord : il faut encourager les projets de territoire et le télétravail, développer les énergies vertes et engager une politique ambitieuse de péréquation financière pour remédier à l'hyper concentration dans quelques régions du produit fiscal, par exemple du produit de la taxe professionnelle. Le défi de la fracture numérique ensuite : il faut atteindre en 2012 l'objectif du haut débit, de la téléphonie mobile et de la télévision numérique terrestre pour tous !

Enfin, le défi de l'offre de soin, avec des maisons de santé pluridisciplinaires.

Le Président de la République, qui a nommé l'un de nos collègues parlementaires en mission, a dit sa volonté de mener une vaste et ambitieuse politique d'aménagement du territoire. Le groupe UMP soutient cette ambition, son action et votera les crédits. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Vous avez du mérite, monsieur le ministre, car à côté de votre petite mission, avec ses 386 millions en autorisations d'engagement et ses 375 millions en crédits de paiement, l'État engage 5,6 milliards. Vous avez du mérite parce que vous subissez de plein fouet les politiques qui restreignent le rôle de l'État, à commencer par la fameuse RGPP qui n'est qu'une régionalisation des administrations déconcentrées qui marginalisera les départements périphériques. Vous avez du mérite parce que la réduction des moyens aux collectivités territoriales vous empêche de vous appuyer sur les élus, ces stratèges de l'aménagement du territoire. Il faut pourtant vous appuyer sur eux -c'est tout le rôle des contrats de plan que de favoriser les synergies autour de quelques priorités nationales et de faire jouer les compétences croisées que l'on décrie à tort en nous rebattant les oreilles de la nécessité de clarifier les compétences.

Les contrats entre l'État et les régions mobilisent 8,2 milliards sur la période 2007-2013, mais on a pris du retard pour exécuter la précédente génération -la construction de l'université technologique de Belfort n'est pas achevée- et je crains fortement que le Fonds national de l'aménagement du territoire ne permette pas un rattrapage. Mais peut-être que le plan de relance... Il faudra trouver 12,7 milliards pour honorer les engagements pris sur 2007-2013. Or les crédits Feder baissent en raison d'un élargissement mal négocié et qui a provoqué des délocalisations, notamment dans l'automobile -j'en sais quelque chose à Belfort.

Bref, nos moyens sont modestes, même si on y inclut la dépense fiscale. Toutefois, l'action de la Délégation à l'aménagement et à la compétitivité du territoire est interministérielle par essence et vous avez une capacité d'entraînement pour déployer les synergies et faire face aux mutations des territoires comme le mien, où vous êtes venu récemment.

M. Fouché a parlé d'une grande politique d'aménagement du territoire mais comment la mener dans ce contexte de globalisation financière ? Depuis les années 90, le lien entre les entreprises et les territoires s'est distendu sous l'effet de l'ouverture aux mouvements financiers par l'Acte unique européen et aux mouvements de marchandises avec la quasi-disparition du tarif extérieur commun, ramené, sous la pression de l'OMC, de 14 à 1 %. Les entreprises françaises réalisent à l'étranger une part de plus en plus grande de leur chiffre d'affaires et se délocalisent. Notre croissance potentielle s'en ressent et la part de l'Union européenne est revenue de 30 à 20 % du commerce mondial pendant que celle de la Chine passait de 2,6 à 14 %. L'avidité des actionnaires a creusé les inégalités au détriment des petites entreprises. Quand la société se fracture, les couches populaires sont reléguées dans des zones périphériques. Quelle erreur ce serait de substituer à une logique globale une concurrence entre les territoires ! Nous le voyons bien, quand le marché commande sous le nom des Girondins, on fustige l'État jacobin, ce pelé, ce galeux d'où nous vient tout le mal. Pernicieuse idéologie contre laquelle il faut organiser le retour de l'État républicain -M. Fouché ne me démentira peut-être pas.

La Diact ne fait pas assez d'études prospectives -les hommes ne sont pas ici en cause, on l'a vu avec la disparition du Commissariat au plan. L'ancien ministre de l'industrie que je suis sait de quoi il parle. On a juxtaposé au niveau européen des plans nationaux de sauvetage des banques et suspendu les règles de la concurrence, comme s'il s'agissait seulement d'une parenthèse : il faut apprendre à penser à long terme, en commençant par la politique de l'aménagement du territoire. Le ministère de l'industrie pourrait utilement nous signaler les pôles ou les recherches à développer et les doublons ou les gaspillages à éviter. Quant au Fonds d'investissement stratégique, il est bien peu doté par rapport aux grands fonds souverains.

Mme Nathalie Goulet.  - Ils sont excédentaires !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Il faut aller plus loin dans la réglementation des OPA et les interdire aux sociétés non opéables. On a vu les conséquences de la fusion Péchiney-Alcan ; on voit ce qu'il en est avec Mittal et Arcelor. Il est important de préserver la nationalité française de nos entreprises par des pactes d'actionnaires stables. L'État doit se doter d'une politique digne de ce nom et reconstituer des équipes d'ingénieurs au ministère de l'industrie mis à sac par Alain Madelin et ses successeurs.

Les réseaux numériques ? Mais il y a encore trop de zones d'ombre du fait de l'abandon du service public. Le plan de relance ne nous donnera pas de moyens car il est trop ciblé sur la trésorerie des entreprises.

Vous exercez une magistrature d'influence. Usez-en pour le tronçon Petit-Croix-Lutterbach, qui fera gagner 25 minutes entre Strasbourg et Lyon, comme pour la liaison Belfort-Delle.

Il faut rétablir le tarif extérieur commun pour inciter les entreprises à investir dans l'Union européenne.

Je n'ai qu'une raison pour m'opposer à la mission, la modestie de ses crédits. Il faut surtout inscrire son action dans la perspective longue d'un retour de la puissance publique. En avez-vous la volonté ?

M. Jean-Jacques Lozach.  - L'aménagement du territoire, cette belle et grande idée, suppose une politique cohérente à long terme, des moyens significatifs et des outils adaptés. Or son périmètre ne cessant de se réduire, la mission se borne à juxtaposer des projets sans beaucoup de moyens et qui peinent à trouver une traduction lolfienne. Vous ciblez des points particuliers, comme les lois particulières de l'Ancien Régime. Tout se passe comme si on attribuait des primes aux concentrations de capital humain et financier. Cela mettra-t-il fin aux délocalisations ? Les pôles d'excellence rurale peuvent-ils concrétiser des projets peu subventionnés ? On manque de moyens pour la prime d'aménagement du territoire ; la part de l'État dans les contrats de projet est inférieure à celle de l'Union. Il est indispensable que l'AFITF soit dotée des moyens de ses ambitions car il n'y a pas d'aménagement du territoire sans investissements dans le respect de l'égalité entre citoyens.

Vos réponses ponctuelles masquent mal le renoncement de l'État à une vision de long terme.

L'exécutif n'a aucun grand dessein mobilisateur depuis 2002. Pourtant, le transport, la téléphonie mobile, le haut débit sont au coeur des préoccupations de nos concitoyens.

Aujourd'hui, tout service public jugé non rentable est menacé de disparition. La charte des services publics locaux signée en 2002 par les trois associations d'élus, sous le parrainage du Sénat, n'a pas été mise en oeuvre. La conférence de la ruralité, prévue par la charte sur l'organisation de l'offre de services publics au public en milieu rural, signée en juin 2006 par le Premier ministre, ne s'est pas réunie depuis l'élection présidentielle...

La loi sur le développement des territoires ruraux de 2005 est vidée de son contenu, avec la remise en cause des exonérations dont bénéficient les zones de revitalisation rurale (ZRR). Président du seul département intégralement classé en ZRR, j'en sais quelque chose !

Certes, encourageons l'excellence mais, sans infrastructures de transport et de télécommunications dignes de ce nom, il n'est pas de développement possible ! Or les restructurations se multiplient. La RGPP agit par paliers de compression : après la réforme de la carte judiciaire, celle de la carte militaire. Le plan d'accompagnement des territoires touchés par les restructurations militaires est bien insuffisant... Tous les ministères sont visés : la RGPP est une machine à détricoter le maillage des solidarités nationales et territoriales. Bientôt, la réforme hospitalière, tandis que La Poste est promise à l'ouverture du capital, avant la privatisation : toujours la même logique comptable, sans concertation avec les élus locaux !

Votre politique renforce les territoires favorisés et néglige ceux qui sont dévitalisés, voire en détresse. « On peut aussi faire de la discrimination positive à la française pour les départements qui souffrent. Il faut aider la Creuse plutôt que les Hauts-de-Seine » affirmait le candidat Sarkozy. Pure déclaration d'intention, qui n'a pas été suivie d'effet : les écarts de richesse et de développement des territoires se creusent et la péréquation recule, malgré son inscription dans la Constitution en 2003.

La dotation de fonctionnement minimale des départements, créée à l'origine pour aider les plus défavorisés d'entre eux, progressait jusqu'ici de 3 à 4 % par an. Pour la Creuse, département le plus âgé de France, au plus faible revenu par habitant et au plus faible potentiel fiscal, elle n'aura augmenté que de 0,013 % en 2008 : du jamais vu ! Moins de services, moins de personnel, moins d'État sur le territoire, voilà votre dogme ! L'autonomie financière des collectivités va prendre de mauvais coups : en 2009, le manque à gagner sera de 734 millions, dont 250 pour les seuls départements dont l'endettement -de 23 milliards seulement- ne sert qu'à l'investissement. Lors de son congrès des 28 et 29 octobre, l'ADF, à l'unanimité, a réitéré sa demande que toute réforme des compétences des collectivités territoriales soit accompagnée d'une réforme fiscale, pour une péréquation plus forte et plus juste.

A structure constante, les autorisations d'engagement augmentent de 9 % mais les crédits de paiement baissent d'autant, et la programmation pour 2009-2011 prévoit une baisse constante des autorisations d'engagement. Les engagements pris dans le cadre du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) seront-ils tenus ? Cela va de la politique des pôles à l'accès aux nouvelles technologies. La couverture numérique reste incomplète, n'en déplaise à M. Besson : il est urgent d'intégrer le haut débit dans le service universel.

Efficacité économique et solidarité sociale et territoriale vont de pair. L'aménagement du territoire doit affirmer le rôle de l'État et traduire les principes d'égalité, de solidarité. Le groupe socialiste votera contre ce projet de budget, qui va à l'encontre de ces objectifs. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Biwer.  - Je me fais également le porte-parole de M. Détraigne, qui a dû s'absenter.

Alors que l'aménagement volontariste du territoire dans les années 1960 et 1970 a contribué à l'équipement du pays, à son développement économique, et a promu l'égalité entre les citoyens, les Français ont aujourd'hui le sentiment que la politique territoriale de l'État recule. Les 386 millions prévus par ce budget suffiront-ils à poursuivre le double objectif de cohésion et de compétitivité des territoires ? J'en doute, tant les inégalités entre régions restent importantes.

Les réorganisations successives de la carte judiciaire, de la carte militaire, demain de la carte hospitalière, des services publics font craindre à nombre d'élus ruraux l'émergence de déserts territoriaux. Les pôles de compétitivité, plutôt urbains, mobilisent 1,5 milliard, dont 831 millions de crédits de l'État, contre seulement 235 millions pour les pôles d'excellence rurale. Sans parler des conditions de présentation et de délais qui nous sont imposées, de l'évolution de la présence postale, de la fermeture des trésoreries, des grands projets toujours différés, comme le projet d'électrification de la ligne Paris-Bâle...

Les crédits affectés à la DSU, versée à quelques dizaines de villes, s'élèvent à plus d'un milliard d'euros, contre 700 millions pour la DSR qui concerne près de 20 000 communes. Pourquoi un traitement aussi déséquilibré ? Pourquoi les ZRR ne bénéficieraient-elles pas des mêmes réductions de charges que les ZFU ? Je regrette que ma proposition de loi sur le sujet n'ait toujours pas été inscrite à l'ordre du jour... Je demande seulement que zones rurales et zones urbaines soient traitées sur un pied d'égalité !

L'aménagement du territoire, c'est aussi des infrastructures de transport qui irriguent les territoires. Or l'AFITF sera en quasi-cessation de paiement en 2009 : dès lors, comment mettre en oeuvre un ambitieux programme d'infrastructures et désenclaver les zones rurales les plus vulnérables ? Là encore, une proposition de loi est dans les tiroirs...

Je crains que la fracture numérique ne s'aggrave avec le développement du très haut débit. Dans certaines communes de la Meuse, la téléphonie mobile n'est toujours pas reçue correctement. Quant au haut débit, je me contente, dans mon village, d'un débit inférieur à 512 kilobits. Le très haut débit coûtera quinze fois plus cher dans les territoires ruraux qu'en Ile-de-France, sans être assuré de la même rentabilité. C'est pourquoi j'avais proposé une taxe péréquatrice à la charge des fournisseurs d'accès à internet. Les technologies particulières sont trop chères pour beaucoup de communes rurales qui se sentent doublement victimes : situées dans des zones moins attractives, elles doivent en plus payer pour accéder à des technologies leur permettant d'améliorer leur situation ! Qu'allez-vous faire pour que l'aménagement numérique ne laisse pas de côté des pans entiers de notre territoire ? Une véritable politique d'aménagement du territoire suppose des moyens autrement plus importants si nous ne voulons pas faire de nos zones rurales un nouveau désert technologique.

Toutefois, le volontarisme du Gouvernement m'engage à lui faire confiance et le groupe UC-UDF soutiendra ce projet de budget. (Applaudissements sur le banc des commissions)

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - Je suis heureux d'être parmi vous pour vous présenter cette mission. Comme vous, je suis intimement convaincu qu'il ne faut pas opposer les territoires ruraux aux territoires urbains. Notre pays est riche de sa diversité. D'ailleurs, avant d'être maire d'une grande ville, j'ai été très longtemps à la tête d'une commune rurale. Notre politique tente de réduire les disparités entre les villes et les campagnes.

Je veux remercier et féliciter les rapporteurs pour la qualité de leurs travaux qui témoignent de l'attachement du Sénat à la politique de l'aménagement du territoire.

La mission politique des territoires reste bien identifiée dans ce budget. Certes, comme l'ont observé vos rapporteurs, elle ne regroupe pas toutes les actions sectorielles qui contribuent à l'aménagement du territoire. Mais elle joue un rôle pivot avec plus d'un milliard en autorisations d'engagement et plus de 1,1 milliard en crédits de paiement pour les années 2009 à 2011.

Au sein de cette mission, le programme « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » retrace les moyens de fonctionnement et d'intervention de la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (Diact), que je ne désespère d'ailleurs pas de pouvoir renommer Datar. La Délégation pourra accompagner les grandes mutations de notre territoire dans les prochaines années, tout en s'inscrivant dans la politique de maîtrise des dépenses publiques.

La politique des pôles de compétitivité a rencontré un réel succès. Le Président de la République a annoncé le 26 juin à Limoges, le lancement d'une deuxième phase avec un budget global de 1,5 milliard, soit autant que pour la première phase.

Pour les pôles existants, nous avons adopté une attitude équilibrée. En ce qui concerne les treize pôles qui posent problème, nous avons demandé à la Diac de procéder à une évaluation. Nous allons les reconfigurer afin de les maintenir jusqu'à la fin 2009 ; ces pôles disposent donc d'une année supplémentaire pour faire leurs preuves. J'ai tenu à ce que l'État les accompagne individuellement. Pour chacun d'eux, un plan de progrès et des objectifs seront fixés afin de mener une évaluation d'ici la fin de l'année 2009. Si elle se révèle positive, le label sera maintenu en 2010 et en 2011. Ces treize pôles bénéficient donc d'une deuxième chance pour atteindre leurs objectifs.

Dans son rapport, M. Pointereau a rappelé certaines faiblesses du dispositif : place minime accordée aux PME, insuffisante implication de certains établissements de recherche et de formation, association des collectivités aux projets qui laisse à désirer ; ces observations correspondent aux pistes d'amélioration retenues par le Gouvernement.

Mais il n'y a pas que les pôles de compétitivité. La dynamique des réseaux d'entreprises est multiple et ceux qui se tournent vers la recherche et le développement s'inscrivent dans la logique des pôles de compétitivité. D'autres se préoccupent plus de la compétitivité des entreprises et leur composante recherche est limitée. Je proposerai un dispositif de soutien à cette seconde catégorie de réseaux innovants, qui n'ont pas la taille critique d'un pôle, mais qui participent à la compétitivité des territoires.

Les autorisations d'engagement s'élèvent à 346,5 millions, en augmentation de 22,5 %, et les crédits de paiement à 339 millions. Ces montants ont été réduits en seconde délibération par l'Assemblée nationale de 2,3 millions en autorisations d'engagement et en crédits de paiement dans le cadre d'un prélèvement général pour financer des contrats aidés supplémentaires.

La dette du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) est aujourd'hui maîtrisée et les efforts pour la réduire encore seront poursuivis. Nous restons, monsieur Chevènement, dans le cercle vertueux de 2007. Comme a bien voulu le souligner M. Marc dans son rapport, la dette exigible était de 123 millions en 2006. Elle s'est réduite à 75 millions en 2007, et devrait être identique à la fin de cette année. Le montant des restes à payer diminue en parallèle.

Sans préjuger des mesures que vient d'annoncer le Président de la République, ce budget permettra de relancer notre économie tout en renforçant la cohésion territoriale et la compétitivité.

Monsieur Chevènement, je ne vais pas opposer l'ombre et la lumière ; il y a toujours eu des zones d'ombre et personne n'est jamais parvenu à apporter toute la lumière dans ce pays. Mais le plan de relance permettra d'ajouter au moins 400 millions aux interventions normalement prévues en 2009 par l'État pour les contrats de plan État région (CPER), soit environ 1,8 million par an.

Comme l'ont constaté MM. Emorine, Pointereau, Fouché et Boyer, la politique des pôles d'excellence rurale est essentielle pour nos territoires ruraux. Lors mes déplacements, j'ai pu vérifier sur le terrain la pertinence des projets mis en oeuvre par les CPER.

Où en est-on après trois ans ? Il y a eu 379 pôles d'excellence rurale qui ont été labellisés. En juin 2007, à mon arrivée, nous avions procédé à une première estimation : une centaine de pôle d'excellence rurale était à la traine. On les a engagé à se reprendre afin qu'ils tiennent leurs objectifs. Après une vigoureuse relance, seuls six n'ont pas rempli leurs objectifs. Si aucune action n'est engagée avant la fin de l'année, ils seront délabellisés sauf circonstances exceptionnelles, comme une restructuration défense, pouvant justifier une prolongation exceptionnelle de ce délai. Avec six échecs sur 379 pôles, on peut estimer que l'objectif est atteint.

Je souhaite effectivement lancer un nouvel appel à projet en 2009 qui portera prioritairement sur les deux enjeux majeurs du monde rural : la mutualisation des services publics et le développement durable des territoires. Je suis sensible aux propositions de M. Pointereau : sans renoncer au principe de l'appel à projet, nous devrons effectivement alléger certaines contraintes de gestion, renforcer la position du FNADT et donner une certaine marge d'appréciation aux préfets lorsqu'il y a des changements dans les CPER dès lors qu'ils ne remettent pas en cause les projets labellisés. Nous avons en effet tout à gagner en simplifiant les procédures. Les résultats des évaluations devraient être bientôt disponibles.

Au reste, monsieur Biwer, l'expérience des pôles d'excellence rurale montre qu'il faut s'appuyer sur la complémentarité entre campagnes et villes.

J'en viens à la cohésion territoriale. L'État a lancé un plan pour les territoires touchés par le redéploiement des armées, dont la coordination m'a été confiée et le pilotage assuré par la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, la Diact. Pas moins de 126 millions sur trois ans y sont consacrés via le Fonds de restructuration de la défense, le Fred, et 75 millions, dont 30 pour 2009, via le FNADT. Madame Terrade, si les délocalisations constituent effectivement un outil de solidarité territoriale -vous avez cité l'exemple de l'Insee-, nous voulons procéder de manière plus progressive qu'en 1992 (Mme Odette Terrade s'exclame) en entreprenant d'abord une réflexion sur les modalités -une mission s'y consacre- et en opérant des regroupements cohérents. L'objectif est notamment de constituer à Metz un pôle interministériel de statistiques et d'études.

Concernant la carte militaire, madame Terrade et monsieur Lozach, l'effort de l'État est extrêmement important : 320 millions de crédits, plus de 700 millions d'exonérations fiscales, auxquels il faut ajouter des mesures de cessions gratuites du foncier militaire pour lesquelles le Président de la République et moi-même nous sommes battus. Ainsi à Briançon, quatre hectares ont été cédés au maire pour un euro symbolique.

M. Jean-Jacques Lozach.  - Est-ce que toutes les communes concernées bénéficieront de ces mesures ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Oui, toutes les communes qui auront signé un contrat de site. Les règles de la République sont les mêmes pour tous...

Toutefois, les mesures seront ciblées sur les territoires les plus fragiles.

S'agissant des ZRR, monsieur Biwer, les mesures fiscales qui font de ces territoires de véritables zones franches sont effectivement insuffisamment connues des entreprises. J'ai donc demandé aux préfets, par une circulaire du 27 mai 2008, d'être particulièrement vigilants sur la publicité et la mise en oeuvre effective de ce dispositif. Les avantages fiscaux liés aux ZRR seront évalués en 2009, comme le prévoit d'ailleurs la loi. Par parenthèse, je pense, comme MM. Fouché et Marc, que certaines dépenses fiscales ont été rattachées à la DIACT par commodité. Quoi qu'il en soit, toutes celles liées à la politique d'aménagement du territoire doivent être évaluées.

M. François Marc, rapporteur spécial.  - Très bien !

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Pour répondre à MM. Biwer, Fouché et Boyer, l'internet et le téléphone mobile, c'est un peu aujourd'hui comme l'eau courante et l'électricité... Le plan de couverture des zones blanches a été exemplaire tant par ses résultats que par le partenariat entre l'État, les collectivités territoriales et les opérateurs. Depuis mon arrivée au ministère, les 364 communes orphelines ne sont plus oubliées ; elles seront reliées au réseau avant 2010. En outre, le Premier ministre a affecté les fréquences du dividende numérique, qui seront disponibles fin 2011, à la réalisation d'un réseau de très haut débit sans fil. Nous veillerons à l'aménagement du territoire lors de l'appel à candidatures. Ainsi, en attendant la généralisation de la fibre optique, pourra-t-on trouver partout du très haut débit.

J'en viens aux services publics dans le monde rural et en montagne.

Mme la présidente.  - Monsieur le ministre, veuillez conclure.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - La semaine dernière, lors du Congrès des maires, le Président de la République m'a demandé, comme au ministre de l'intérieur, de veiller à ce que les restructurations de services publics n'handicapent pas outre mesure certains territoires. De surcroît, conformément à la demande du Premier ministre, je travaille au bilan de la Charte des services publics, signée en 2006, avec les seize partenaires que je réunirai en 2006. Je soutiens l'action de l'Observatoire national de la présence postale : La Poste s'est engagée à créer 80 nouveaux points de contact dans les neuf départements métropolitains où les normes de présence postale fixées dans la loi de 2005 ne sont pas encore respectées.

Monsieur Marc, le programme Pite sera mis à niveau en concertation avec le ministère de l'intérieur. L'évolution du périmètre traduit les résultats obtenus.

Monsieur Biwer, l'AFITF, qui était en cessation de paiement l'an passé, est maintenant dotée d'un financement assuré jusqu'en 2011. Son budget progresse de 16 % en un an, hors plan de relance.

Monsieur Fouché, les fermetures d'écoles de gendarmerie, dont celle de Chatellerault, ne relèvent pas du plan réservé aux communes touchées par les restructurations des armées. Toutefois, Mme le ministre de l'intérieur examinera la question avec les collectivités territoriales concernées.

Monsieur Repentin, pour les fermetures de classe, nous devons privilégier la concertation dans le cadre de la charte du service public.

Mme la présidente.  - Monsieur le ministre, il faut conclure.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - La politique d'aménagement du territoire nous est chère et l'équilibre est son maître-mot. Veuillez croire que je m'emploierai à n'oublier aucun territoire de ce magnifique pays qu'est la France ! (Applaudissements à droite)

Les crédits de la mission « Politique des territoires » sont adoptés.

Ville et logement

Mme la Présidente.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Ville et logement » (et articles 82 et 83).

Orateurs inscrits

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Bien que le temps qui m'est imparti soit trop bref au regard du montant des crédits de cette mission et de l'importance des questions que soulève une conjoncture qui met à mal le secteur de la construction, je ne puis manquer de saluer l'annonce faite aujourd'hui par le Président de la République, dans le cadre du plan de relance qui fera l'objet d'une loi de finances rectificative au tout début de l'année prochaine, de mesures en faveur du logement : 70 000 logements supplémentaires, un doublement du prêt à taux zéro ainsi que des mesures concernant l'Anru et l'Anah qui posent quelques questions sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir. Voilà qui démontre que les doutes que nous avions émis sur l'adéquation de ce budget à l'ampleur de la crise n'étaient pas sans justification. Cette remise à niveau est salutaire.

Ma première observation sur ce budget concerne le transfert du financement du logement vers des sources extrabudgétaires. De fait, on relève une forte diminution des crédits -moins 14,5 % en autorisations d'engagement et moins 6,22 % en crédits de paiement- qui touche plus particulièrement ceux consacrés à la rénovation urbaine, à la réhabilitation des quartiers indignes ainsi qu'au financement du logement locatif social et à l'Anah.

Ce net désengagement de l'État est le résultat du choix, a priori vertueux, d'appliquer avec volontarisme les conclusions de la révision générale des politiques publiques et les préconisations de réduction des dépenses de l'État.

Les réductions de crédits se concentrent logiquement sur les dépenses d'intervention et sont confirmées pour les trois prochaines années par la loi de programmation des finances publiques. Elles sont cependant compensées en grande partie par le recours aux ressources du 1 % logement, prévu par le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, en cours d'examen, sans laquelle ne peut s'apprécier ce projet de budget.

On peut donc vous croire, madame la ministre, quand vous affirmez que vous disposerez des moyens financiers pour atteindre l'objectif de 120 000 logements sociaux en 2009.

De même, les ressources de l'Anah seront préservées. J'ajoute que les financements extrabudgétaires étant plus sûrs que les crédits du budget de l'État (M. Jean Arthuis, président de la commission, s'amuse) soumis, eux, aux aléas de la régulation budgétaire, l'Agence disposera effectivement de l'intégralité des dotations qui lui ont été promises. Mais tout retard dans l'adoption de la loi de mobilisation pour le logement pourrait lui valoir de vrais problèmes de trésorerie...

Reste que la débudgétisation de certaines politiques du logement soulève bien des interrogations. Le risque d'un assèchement, à terme, de la ressource du 1 %, désormais consacrée en grande partie à des subventions en lieu et place des prêts, qui assuraient le renouvellement de la ressource, ne saurait être exclu. On peut de même s'inquiéter de l'avenir du Pass-travaux, destiné à la rénovation de copropriétés dégradées et jusqu'ici financé sur le 1 %. Par quoi ces prêts seront-ils remplacés, sachant que le nouvel Eco-PTZ prévu à l'article 45 du projet de loi de finances n'est pas destiné à financer ce genre de réhabilitation ? Le Président de la République vient d'annoncer la création d'un fonds temporaire, pour 2009 et 2010, de lutte contre l'habitat indigne et les dépenses d'énergie, doté de 200 millions. Ce fonds sera-t-il en mesure d'assurer les mêmes fonctions que le Pass-travaux et comment sera-t-il financé ?

Au-delà du recours au 1 %, ce budget repose sur l'hypothèse que le logement social se tournera vers de nouvelles sources de financement -produit des ventes de logements HLM, de la nouvelle taxe sur les organismes HLM, des surloyers. Cet autofinancement sera-t-il, à terme, à la hauteur des besoins de construction de logements sociaux ?

La deuxième grande interrogation porte sur l'avenir des projets Anru. Si leur réalisation n'est pas remise en cause en 2009 puisque, compte tenu de la cadence annuelle de mise en oeuvre des opérations conventionnées ou pré-conventionnées et du rythme annoncé des paiements, le plan de trésorerie du plan national de rénovation urbaine est soutenable dans les conditions actuelles, grâce aux apports de trésorerie, dès fin 2011, la trésorerie de l'Anru deviendra négative sans l'apport de crédits de paiement de l'État à hauteur de ses engagements initiaux. Les opérations de rénovation urbaine, dans lesquelles les collectivités territoriales se sont engagées avec les bailleurs sociaux, sur la base d'un engagement financier de l'État, ne seront pas soutenables au-delà de trois ans si les termes de l'équilibre budgétaire et extrabudgétaire actuel ne sont pas revus.

La suppression, à hauteur de 1,5 milliard d'autorisations d'engagement, correspondant aux conventions déjà conclues dans le cadre du PNRU, même si vous affirmez, madame la ministre, qu'elle ne doit être interprétée que comme le résultat d'une contrainte comptable, est un signal très négatif pour les collectivités territoriales qui se sont engagées dans des projets lourds de restructuration de quartiers sur la foi des engagements de l'État. Que penser, dans ces conditions, de l'annonce de l'anticipation, dès 2009, de travaux programmés pour un montant total de 600 millions ? S'agit-il d'opérations accélérées du fait de la simplification des règles d'urbanisme et de marchés publics ? D'où proviendront les 200 millions supplémentaires annoncés ? De ressources budgétaires ou extrabudgétaires ? Autant de questions qui appellent des réponses précises.

Le 1er décembre, le droit au logement opposable est entré dans la deuxième phase de sa mise en oeuvre. Désormais, le recours contentieux devant le juge administratif est ouvert aux demandeurs prioritaires qui n'auront pas obtenu satisfaction après une décision favorable de la commission de médiation. Je souhaite que les amendements que j'ai défendus sur votre projet de loi, madame la ministre, au nom de la commission des finances, et que le Sénat a bien voulu adopter, apportent certaines améliorations au dispositif, notamment en ce qui concerne l'information des publics et le traitement des demandes en région Ile-de-France.

Je m'étonne que les premiers mois d'application du Dalo ne soient pas pris en compte dans ce projet de budget. Alors que nous savons les faiblesses de la procédure d'instruction et les lacunes en matière d'enquête sociale dans les départements les plus concernés, le montant des crédits de fonctionnement pour la mise en oeuvre du Dalo, en vue du financement de l'externalisation de certaines prestations liées à l'instruction des dossiers présentés aux commissions de médiation, a été reconduit à l'identique, soit 4,12 millions. Aucune dotation n'a été inscrite au titre des condamnations auxquelles l'État est exposé en 2009. Bien que le projet annuel de performances ajoute les contentieux liés à la mise en oeuvre du Dalo à la liste des contentieux envisagés, vous n'en tirez aucune conséquence financière : les crédits restent à 700 000 euros.

J'en viens au plan « Espoir banlieues ». Les débats suscités par le financement extrabudgétaire de la politique du logement ont quelque peu éclipsé le travail accompli dans le cadre de la politique de la ville et les points positifs du projet de budget en ce domaine, comme d'ailleurs dans les domaines de l'hébergement d'urgence et de l'aide alimentaire, avec une remise à niveau des dotations qui mérite d'être saluée.

Les départements ministériels ont dû produire des programmes précis, sur trois ans, de mobilisation de leurs services sur les quartiers en difficulté : c'est une démarche novatrice. Si le suivi de ces programmes est effectivement assuré, nous arriverons peut-être à dépasser l'opposition traditionnelle entre crédits budgétaires et extrabudgétaires.

Je note aussi que les crédits contribuant au financement des associations qui interviennent dans les quartiers, gérées pour l'essentiel par l'Acsé (Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances), restent substantiels et je salue leur déblocage rapide, c'est une première.

Un bémol, cependant, sur la création des 350 délégués des préfets. Je me félicite de cette innovation qui cimente le lien entre l'administration et les habitants des quartiers, je regrette la professionnalisation de ces fonctions dont le coût, 22,4 millions, mériterait d'être comparé à celui d'une généralisation et d'un recentrage sur les quartiers prioritaires, ainsi que je les avais proposés à la suite d'un contrôle budgétaire.

La délégation interministérielle à la ville a connu une période d'incertitude. Elle doit retrouver rapidement sa capacité de coordination et d'animation de la politique de la ville, alors qu'elle devra préparer le renouvellement des contrats urbains de cohésion sociale et prendre toute sa place dans la réforme de la géographie prioritaire de la politique de la ville que le Sénat appelle depuis longtemps de ses voeux.

L'article 82 rattaché modifie en profondeur le dispositif d'exonération des charges sociales dans les zones franches urbaines en plafonnant à 1,4 fois le Smic le niveau de salaire ouvrant droit à exonération totale de cotisations, l'exonération devenant dégressive au-delà. Est également supprimé le mécanisme de sortie en sifflet en trois ans, porté à neuf ans pour les entreprises de moins de cinq salariés. Il fallait trouver à économiser 100 millions. Fort bien. Mais la commission des finances, avec d'autres, estime que c'est jouer un mauvais tour aux entreprises qui ont joué le jeu, alors que le dernier rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles juge positif l'effet du dispositif sur l'emploi. Pourquoi changer les règles en cours de route ?

Sur l'article 83, la commission des finances présentera, pour l'heure, un amendement de suppression.

Elle vous présente, enfin, deux amendements créant des articles additionnels.

Le premier, que nous avions déjà présenté lors de l'examen du budget 2007, vise à indexer la valeur du terme constant de la participation minimale des bénéficiaires des aides personnelles au logement.

M. Thierry Repentin.  - Dès 2009 !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Ce serait difficile... mais nous en reparlerons.

Le second amendement concerne le droit au logement opposable et il précise les conditions dans lesquelles l'État fait figurer dans ses comptes la provision pour risque contentieux lié au Dalo.

Sous le bénéfice de ces observations et des amendements de votre commission des finances je vous invite à adopter les crédits de cette mission en souhaitant que ce budget, et les mesures annoncées ce jour, nous permettent d'espérer une atténuation des conséquences de la crise immobilière, à défaut d'une relance immédiate de ce secteur, essentiel pour l'économie, l'emploi et la vie quotidienne de nos concitoyens, y compris ceux des quartiers concernés par la politique de la ville. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.  - Cette année la politique de la ville est au coeur de nombreuses réformes : dotation de solidarité urbaine, zones franches urbaines, ou encore plan « Espoir-banlieues » qui traduit les engagements du Président de la République en direction des quartiers. Ce budget est donc l'occasion d'examiner la pertinence de mesures qui toucheront une large partie de nos concitoyens, 65 % des français vivant aujourd'hui en zone urbaine.

Pour 2009, la gouvernance de la politique de la ville évolue : programme unique, mission de la délégation interministérielle à la ville revue et recentrée sur les fonctions de secrétariat du comité interministériel des villes, rôle de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances dans les quartiers réaffirmé, ce dont nous nous félicitons puisqu'il s'agit de recommandations que nous avions formulées. Je relève toutefois que la création des délégués du préfet dans les quartiers ne répond qu'imparfaitement aux difficultés de gouvernance au niveau local. J'aurais souhaité un renforcement du rôle des préfets et des sous-préfets en matière de politique de la ville et de partenariats avec les maires.

Je suis heureux de voir que l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru) participera au futur programme national de rénovation des quartiers anciens dégradés. Toutefois, notre commission s'est inquiétée des perspectives de financement de cette agence, le recours au 1 % logement la faisant douter de la volonté de l'État de tenir ses engagements. Les mesures annoncées ce matin à Douai par le Président de la République nous rassurent puisque la rénovation urbaine fera partie du plan de relance pour 600 millions dont 200 supplémentaires pour l'Anru dès l'année prochaine.

Pour le développement social et économique, une mobilisation massive des politiques de droit commun a été annoncée par le Gouvernement en juin dernier. J'espère que les 4,3 milliards mobilisés par l'ensemble des ministères en 2009 seront bien déployés en faveur des quartiers. Il est indispensable de maintenir intacts les moyens spécifiques de la politique de la ville pour servir de levier à la mobilisation des crédits de droit commun. A cet égard, les contrats urbains de cohésion sociale doivent absolument être pérennisés dans l'esprit qui a animé leur création, car ce sont d'efficaces instruments de partenariat entre l'État, la ville et le tissu associatif.

Si nous nous félicitons des 22 millions du plan « Espoir-banlieues » nous souhaitons que ces financements, à l'avenir, soient à la hauteur des besoins. Je prends bonne note de l'attention particulière réservée au volet éducation et égalité des chances avec les internats d'excellence, les écoles de la deuxième chance ou encore l'accompagnement dans les classes préparatoires aux grandes écoles. J'insiste toutefois sur la nécessité d'inscrire ces mesures dans le prolongement des dispositifs existants, en complémentarité avec les stratégies locales en cours afin d'éviter toute incohérence sur le terrain.

Sur les zones franches urbaines (ZFU), la réforme, envisagée à l'article 82, du dispositif d'exonération de charges sociales sur les bas salaires est malvenue. Elle peut avoir des répercussions sur la répartition des emplois créés dans ces quartiers. Le risque est de voir les entreprises segmenter leurs activités en réservant aux quartiers difficiles les emplois à faible valeur ajoutée, ce qui est en totale contradiction avec les objectifs poursuivis.

Mme Dominique Voynet.  - Très bien !

M. Pierre André, rapporteur pour avis.  - D'autre part, cette réforme risque de toucher lourdement les entreprises installées en ZFU et donc d'avoir des répercussions majeures sur l'emploi dans les quartiers, emplois qui sortent des familles entières de la désespérance. Cette réforme est à l'opposé des excellentes mesures annoncées ce matin par le Président de la République en faveur de l'emploi. C'est pourquoi la commission des affaires économiques propose un amendement supprimant l'article 82.

M. Dominique Braye.  - Très bien !

M. Pierre André, rapporteur pour avis.  - Sous réserve de ces observations, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements à droite)

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.  - Ce budget est un budget de contrastes. Contraste entre le discours et les actes : d'un côté on sonne, par un projet de loi, la mobilisation générale en faveur du logement, de l'autre, les dotations budgétaires de l'État sont soumises à une très forte cure d'amaigrissement. Contraste, également, entre ce désengagement budgétaire et l'ampleur de la crise économique et financière que traverse notre pays, qui rendrait d'autant plus légitime une action contracyclique de l'État.

Certes, je reconnais un effort en matière de crédits affectés à l'hébergement, qui permettent à l'État d'honorer ses engagements au titre du Plan d'action renforcé pour les sans-abri (Parsa).

Mais je m'interroge, au sujet des aides personnelles au logement, sur la sincérité d'un budget, construit sur l'hypothèse d'une baisse de 100 000 chômeurs et d'un accroissement de 4 % de la masse salariale. Comment sérieusement tabler sur une telle réduction du chômage et sur une telle croissance de la masse salariale en 2009 ? Il y a donc fort à parier qu'au cours de l'année l'État soit amené à abonder ce budget pour garantir son équilibre.

Pour les aides à la pierre, la situation est encore plus problématique puisque les dotations sont en chute libre, pour le parc social comme pour le parc privé. Pour le parc social, les objectifs de production pour 2009 sont ambitieux : 120 000 nouveaux logements sociaux mais la subvention pour chaque logement construit reste homéopathique. D'une part, la subvention budgétaire versée pour chaque logement social reste stable, d'autre part, on assiste à une réduction très importante de la « surcharge foncière » qui donne pourtant un coup de pouce aux opérations locatives sociales dans les zones tendues.

Enfin, plus aucun crédit ne sera consacré à la Palulos, entièrement remplacée par la création de prêts à taux bonifié de la Caisse des dépôts et consignations pour la rénovation thermique des logements sociaux. Certes, les organismes HLM sont invités à se tourner vers de nouvelles sources de financement : produits de cessions HLM à leurs occupants, création d'un prélèvement sur les organismes HLM qui n'investiraient pas suffisamment, augmentation des recettes de surloyer. J'avoue être sceptique. D'abord, il paraît douteux que, dans le contexte actuel, les ventes de HLM augmentent. Ensuite, le principe d'un prélèvement sur la trésorerie des bailleurs sociaux semble discutable. Enfin, il est surprenant que l'augmentation des loyers, via le surloyer, serve d'argument au désengagement de l'État.

Sur la rénovation thermique du parc HLM, il y a décalage entre les objectifs ambitieux et les moyens. Alors que le parc privé aura à sa disposition un outil puissant, l'éco-PTZ d'un montant de 30 000 euros par logement sans intérêt d'emprunt, le parc social se voit allouer des enveloppes de prêts, certes bonifiés, mais qui portent néanmoins intérêt et dont le montant n'est que de 12 000 euros par logement. Pourquoi une telle différence de traitement ?

Enfin, pour le financement du logement social, je souhaiterais obtenir, madame la ministre, quelques information sur la centralisation des fonds du livret A, dans la mesure où le projet de décret a fait l'objet de réserves de la part de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.

A propos de la réhabilitation du parc privé, je voudrais dénoncer le détournement des ressources du 1 % logement vers l'Anah, qui diminue les moyens affectés à la politique du logement. Il paraît d'ailleurs ahurissant de contraindre l'Anah à s'endetter sur les marchés financiers, par l'intermédiaire de l'agence France-Trésor, pour honorer ses paiements en début d'année, dans l'attente du déblocage des fonds du 1 %. Cela occasionnera des frais financiers prélevés sur les moyens de l'Agence, Enfin, l'augmentation des interventions du 1 % sous la forme de subventions, au détriment des prêts qui donnent lieu à des retours, pèsera gravement, à moyen terme, sur son budget et tarira une de ses ressources.

Compte tenu de ces arguments, j'ai appelé votre commission des affaires économiques à émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission. La commission, toujours soucieuse de vous accompagner, ne m'a pas suivi et vous recommande d'adopter les crédits de cette mission.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - L'examen du budget de cette mission est perturbé, cette année, par les annonces du Président de la République. Le Gouvernement est déterminé à réagir rapidement, mais les mesures proposées vident un peu de sens le budget qui nous est soumis ce soir. Nous allons en effet discuter d'un document qui ne reflète plus les choix du Gouvernement pour 2009. J'essaierai donc de commenter à la fois la mission « Ville et logement » et les mesures présentées ce matin et nous verrons que leur articulation n'est pas sans poser de problèmes.

Concernant l'hébergement, les chiffres parlent d'eux-mêmes : on dénombrait 51 000 places d'hébergement en 2004, il y en a aujourd'hui près de 70 000 et 72 000 sont budgétées pour 2009.

En 2009, le chiffre atteindra 72 000 : les 1 000 places annoncées par le Président de la République s'y ajoutent-elles ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville.  - Oui !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - Le total est encore insuffisant, comme l'a tragiquement rappelé la mort de plusieurs SDF ces dernières semaines. Mais pour que l'augmentation régulière du budget de l'hébergement ne soit pas, selon l'expression de M. Martin Hirsch, un « rocher de Sisyphe mâtiné du tonneau des Danaïdes », il nous faut respecter certains principes. D'abord, l'hébergement d'urgence doit être régulé. Le temps n'est plus aux atermoiements d'associations qui rechignent à travailler ensemble ! Gérer des hébergements d'urgence, c'est participer à un service public, donc en accepter les contraintes. Ensuite, L'Ile-de-France exige un régime spécifique...

Mme Christine Boutin, ministre.  - Absolument.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - Enfin, il faut regarder de plus près le travail des centres d'hébergement : pourquoi, à dotations égales, les prestations sont-elles si différentes d'une structure à l'autre ? Pourquoi certaines parviennent-elles mieux que les autres à orienter les personnes accueillies vers le logement durable ?

Jamais on n'a en France construit autant de logements sociaux qu'au cours de ces dernières années : 42 000 en 2000, 72 000 en 2004, 92 000 en 2007, 108 000 cette année et 120 000 en 2009. Les PLAI suivent la même courbe de progression. En commission, vous avez précisé, madame la ministre, que le budget 2009 comprenait au total 120 000 logements sociaux, contre 140 000 prévus en 2008, parce que le secteur du bâtiment, au niveau de 120 000, tourne déjà à plein régime. En annonçant 70 000 logements supplémentaires, le Président de la République n'a-t-il pas cédé à la précipitation ?

Et pourquoi vouloir maintenir le prélèvement de 850 millions d'euros sur le 1 % logement tout en prévoyant une relance des aides à la pierre et un doublement du prêt à taux zéro ? Il s'agit toujours de dépense publique, la finalité est la même ! Des explications s'imposent pour que nous percevions mieux la cohérence d'ensemble...

Aucun crédit n'est prévu pour les Palulos. Je sais que leur financement sera désormais assuré par une mutualisation des ressources des sociétés HLM, mais le Sénat a décidé de reporter cette réforme à 2011. Comment fera-t-on entre-temps ?

Le succès du plan « Dynamique espoir banlieues » repose sur la mobilisation de tous les ministères concernés. La population des quartiers sensibles a besoin de plus d'aide, pour l'éducation, l'accès aux soins, la sécurité, les services publics : tout le monde en est d'accord. Mais vous ne contrôlez, madame la ministre, que 17 % des crédits de la politique de la ville. Or cette politique plus que toute autre a besoin d'un pilote, doté de moyens de contrôle, voire de contrainte. De quels outils disposez-vous ?

La création de 350 délégués du préfet était l'une de nos demandes. Mais comment assureront-ils la coordination des actions si les parties prenantes refusent de travailler ensemble ?

Ce budget 2009 traduit un effort incontestable et important, mais il n'est pas sans contradictions et soulève des questions sensibles sur lesquelles, mesdames les ministres, nous attendons des réponses les plus claires ! (Applaudissements à droite)

La séance est suspendue à 19 h 50.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

La séance reprend à 22 heures.

Rappel au Règlement

Mme Odette Terrade.  - Ce rappel au règlement se fonde sur l'article 36 de notre Règlement.

En effet, nous débattons d'une mission « Ville et Logement » quelque peu en décalage avec la réalité des besoins sociaux et -c'est plus surprenant- avec le discours du Président de la République prononcé aujourd'hui à Douai. En effet, le Président Sarkozy a annoncé un effort budgétaire nouveau pour le logement, renforçant les moyens de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, avec de nouvelles constructions de logements sociaux.

Un collectif budgétaire est annoncé, qui sera le troisième cette session. Mais les annonces seront-elles suivies d'effets ? 

Renforcer l'Anru est une nécessité évidente, mais les millions promis aujourd'hui sont ceux qui n'ont jamais été mobilisés, alors que l'État s'y était engagé lors de la création de l'Agence. En confisquant l'argent du 1 %, l'État s'exonère du financement de l'Agence dans le présent budget.

La construction de logements sociaux est indispensable, mais l'aide restera limitée à 6 000 euros pour chacun des 100 000 logements annoncés. Il y aura donc plus de PLS que de PLAI. On est encore loin des sommes dépensées pour le logement locatif privé, avec, notamment, les 5 milliards destinés à racheter 30 000 logements aux promoteurs engoncés dans leurs stocks d'invendus ! Ceci ramène à de justes proportions la réalité des annonces présidentielles et montre que nous sommes loin de répondre aux besoins.

Orateurs inscrits (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion des crédits de la mission « Ville et logement ».

Mme Odette Terrade.  - Ce budget 2009 de la ville et du logement est mauvais : c'est ainsi que l'on peut le résumer simplement. Il porte pourtant sur une question essentielle.

La mise en oeuvre délicate du droit au logement opposable, le plan Marshall des banlieues sans cesse annoncé mais sans cesse reporté, les discours incohérents sur le mal-logement et le traitement des difficultés des sans domicile fixe : telle est la réalité !

La situation dramatique du logement cumule demande massive de logement locatif social, hausse des loyers dans le secteur privé, persistance d'un haut niveau de prix à l'achat et déshérence de l'accession sociale à la propriété.

Depuis plusieurs mois, des phénomènes nouveaux apparaissent, avec des familles étranglées par l'endettement, la chute des mises en chantier, l'effondrement des transactions dans l'ancien et la liquidation massive d'emplois dans l'ensemble de la filière. Le décalage entre vos intentions et la réalité de votre action est marqué par des tours de passe-passe destinés à contribuer à la maîtrise du déficit. Pourtant, avec un déficit prévisionnel supérieur à 50 milliards d'euros, on n'est plus à quelques millions près, subrepticement retirés à une mission essentielle !

Ce budget 2009 consacre la quasi-disparition des crédits de la Ville. La mission « Relations avec les collectivités locales » verra émerger une dotation anecdotique de développement urbain avec 50 millions d'euros, qui ne compenseront ni la dissolution des crédits de la ville dans la présente mission, ni la mise en cause de la solidarité urbaine, même si cette dotation bénéficie d'un délai de grâce dû à l'intervention des élus locaux et des parlementaires de tous les groupes.

Ce budget 2009 consacre également les orientations de l'inutile et inefficace loi dite de « mobilisation pour le logement ».  La captation des ressources du 1 % logement, c'est-à-dire la confiscation de l'argent des salariés au profit de la régulation budgétaire, en est la plus parfaite illustration.

Vous prétendez que les ressources du 1 % seront effectivement consacrées aux besoins de logement des salariés. C'est faux ! Parce qu'il faudrait prouver que les fonds du 1 % n'ont pas permis de construire des logements sociaux, ni de financer des sociétés HLM ! Parce qu'il faudrait prouver que le Pass-travaux n'a pas permis à de nombreuses familles modestes d'accéder à la propriété de leur logement et de le rendre confortable ! A ce propos, vous avez prétendu, lors du débat sur la loi dite de mobilisation, que le Pass-travaux allait disparaître, passant de 900 millions d'euros à 200 millions aujourd'hui, parce que monterait en puissance le crédit d'impôt « gros travaux » à portée écologique. Mais les 700 millions confisqués aux petits accédants à la propriété se doublent des 550 millions que l'État va économiser sur le crédit d'impôt, qui exclut les opérations sans qualité environnementale. « Tous propriétaires donc, mais à vos frais », pouvons nous dire aux Françaises et aux Français !

Il suffit d'examiner l'évaluation des voies et moyens, notamment le tome consacré aux dépenses fiscales, pour voir de quoi il retourne. Dans cette loi de mobilisation, vous avez consacré des sommes importantes aux difficultés des promoteurs immobiliers. Comment apprécier, au moment où des milliers de personnes sans abri sont en danger, alors que certains sont déjà morts de froid aux portes de la capitale, que le Gouvernement utilise 5 milliards d'euros pour racheter aux opérateurs immobiliers 30 000 logements invendus ? C'est pratiquement l'équivalent de votre budget, c'est deux fois et demie ce que vous allez consacrer au total en 2009 à la construction de logements neufs, à la réhabilitation du patrimoine, à la politique de la ville. Expliquez à nos concitoyens qu'il est indispensable d'utiliser l'argent public à couvrir les gâchis financiers des promoteurs, plutôt qu'à répondre à l'urgence du mal logement !

Je ne peux évidemment passer sous silence le fait que les crédits de la mission soient astucieusement préservés grâce au rapatriement des crédits liés à l'hébergement d'urgence, inscrits jusqu'ici dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Cette opération ne doit pas masquer l'essentiel : vous allez consacrer plus de 1 100 millions d'euros à payer des nuitées d'hôtel aux mal-logés et aux victimes de la crise du logement, sans apporter de solution durable. En reprochant au Sénat de ne pas vous avoir suivie, vous voulez contraindre les collectivités locales et les collecteurs du 1 % à prendre en charge cette question. Pourtant, le mal-logement est une affaire de solidarité nationale, et relève donc de votre compétence.

Autant de raisons pour ne pas voter les crédits et amplifier la mobilisation pour imposer d'autres choix politiques et budgétaires ! (Applaudissements à gauche.)

M. Alain Vasselle.  - L'excellent rapport de M. Vanlerenberghe m'a inspiré quatre sujets de réflexion.

Nos rapporteurs veulent supprimer l'article 82, qui semble se télescoper avec les déclarations du Président de la République en matière d'emploi. Sans doute n'avons-nous pas bien compris. Il serait intéressant d'en débattre, cela pourrait peut-être modifier notre position, dans la mesure où on pourrait concilier vos objectifs et ceux du Président de la République.

Les sans-papiers n'ont pas vocation à séjourner dans les centres d'hébergements traditionnels, si bien que les pouvoirs publics leur donnent accès à des chambres d'hôtel. Sur les 10 400 places d'hôtel réservées par l'État, 8 700 leur sont accordées. Quel est le coût de cet hébergement ? Le rapporteur souhaite qu'il soit évité.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Absolument !

M. Alain Vasselle.  - Le rapporteur propose que les sans-papiers ayant de la famille régulièrement installée sur le territoire national soient régularisés. Quel lien de parenté retenir alors ?

Si l'on se contente d'une parenté éloignée, cela créera un appel d'air à nos frontières.

M. le rapporteur propose d'appliquer strictement la loi à ceux qui n'ont pas de famille sur le territoire français, c'est-à-dire de les reconduire à la frontière.

Mme Dominique Voynet.  - Ce n'est pas le sujet ! Le budget de l'immigration, c'était cet après-midi !

M. Alain Vasselle.  - J'aimerais savoir quels sont les résultats de l'évaluation de l'application de la loi.

J'en viens au 1 % logement. Le Gouvernement a décidé de détourner 850 millions d'euros du 1 % pour financer le Programme national de rénovation urbaine (PNRU) et l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Sans doute y a-t-il des raisons à cela. Mais quelles seront les conséquences de cette mesure sur l'équilibre financier des programmes de construction de logements ? Vous affichez votre volonté de construire 110 000 logements sociaux par an au lieu de 50 000 il y a dix ans. Mais cela n'ira pas sans mal. Je suis président d'un organisme HLM qui a en charge environ 8 000 logements.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Je l'ai bien compris !

M. Alain Vasselle.  - Le taux du Livret A va probablement évoluer dans un sens favorable aux organismes HLM. Mais la plupart des opérations de construction ne sont possibles que grâce au produit du 1 % logement et aux contributions des collectivités locales, notamment par un apport du foncier. Les collectivités risquent donc d'avoir à supporter une charge supplémentaire. Il y aura moins de constructions de logements et moins de créations d'emplois.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Il y en aura davantage !

M. Alain Vasselle.  - Comment le Gouvernement entend-il concilier le financement de l'Anru et de l'Anah et la construction de plus de 100 000 logements par an ? Je le répète : l'équilibre financier des programmes de construction est assuré par les contributions des collectivités locales et le 1 %.

M. Thierry Repentin.  - C'est vrai !

M. Alain Vasselle.  - La disparition des crédits Palulos, qui s'élevaient à 60 millions d'euros, freinera la réhabilitation des logements sociaux, leur mise aux normes, l'amélioration de leur confort, la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement au titre des économies d'énergie. (M. Thierry Repentin marque son approbation) J'ai été surpris par cette mesure...

M. Thierry Repentin.  - Déçu !

M. Alain Vasselle.  - Nous ne pouvons pas rétablir ces crédits par voie d'amendement car la commission des finances veille au respect de l'article 40. Quelles solutions le Gouvernement envisage-t-il donc ?

En ce qui concerne le financement des centres sociaux, je souhaite faire part de mon inquiétude face à la diminution des crédits du Fonds national d'action sociale, qui finance ces centres. Ces derniers jouent un rôle primordial dans la politique de la ville. Ils permettent aux collectivités de mettre en oeuvre des politiques dynamiques, notamment en direction des adolescents en voie de sombrer dans la délinquance.

Je souhaite que le Gouvernement nous apporte un éclairage sur ces différents points. Cela ne fera que conforter mon intention de voter les crédits de cette mission, avec l'ensemble du groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Dominique Voynet.  - Le tableau terrifiant de la crise du logement que traverse notre pays, chacun le connaît. Sur la cruauté du diagnostic, le scandale de la situation présente et l'urgence d'en sortir, nous sommes d'accord et je n'épiloguerai pas. Attardons-nous plutôt sur les réponses que le Gouvernement prétend y apporter.

Voici quelques semaines, le Sénat examinait le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion. Nous dénoncions alors l'érosion des crédits et le tour de passe-passe qui consistait, pour masquer la misère, à prélever sur le 1 % les centaines de millions qui faisaient défaut pour boucler le budget de l'Anah et de l'Anru. Bien sûr, nous avions émis des doutes sur l'équilibre général d'un budget élaboré au cours de l'été, bien avant la tempête financière, et qui ne devait être revu qu'à la marge. Que s'est-il passé depuis ? L'examen du budget se poursuit imperturbablement, bien que tout le monde reconnaisse que les hypothèses de croissance qui le fondent sont au mieux optimistes, au pis fantaisistes. Le Parlement a voté un plan d'urgence qui transforme les pertes des financiers de haut vol en dettes pour nous tous, sans aucune contrepartie. Il y eut bien des voix pour insister sur l'urgence d'un plan de soutien à l'économie réelle, celle qui produit des biens utiles, prépare l'avenir et génère des emplois qualifiés non délocalisables dans la construction, la réhabilitation et l'isolation de logements ou dans les transports publics. Elles ne furent pas écoutées. Il y eut des voix pour insister sur le rôle de premier plan des collectivités territoriales, qui financent 75 % des investissements publics, pour demander s'il était raisonnable de les déstabiliser par une réforme de la dotation de solidarité urbaine (DSU) préparée sans évaluation sérieuse des impacts ou de les soumettre à un régime de rigueur. Elles ne furent pas davantage entendues, ce qui provoqua chez bien des maires incompréhension et consternation.

Dans le projet de budget qui nous est présenté, que constatons-nous ? Pas de débauche de milliards, pas de pluie de grands gestes. Bien peu de réponses à celles et ceux qui s'émeuvent d'un paradoxe saisissant : alors que tout le monde déplore la crise du logement, personne dans ce Gouvernement ne semble s'émouvoir de la baisse des crédits qui continuera l'année prochaine, et l'année suivante encore.

Mme Raymonde Le Texier.  - Très bien !

Mme Dominique Voynet.  - Madame la ministre, vous pourrez nous parler de vos valeurs, de vos convictions et de votre bonne foi. Mais je sais que vous n'êtes pas dupe des artifices de présentation de ce budget : loin d'amortir les effets brutaux de la crise, il marque un désengagement de l'État d'une ampleur inédite.

Il y a trois semaines, le quotidien Le Monde rendait publiques les conclusions d'un rapport du comité de suivi et d'évaluation de l'Anru, qui pointait sévèrement le désengagement de l'État dans les opérations de rénovation urbaine. L'information n'a pas fait l'ouverture des journaux télévisés mais elle a attiré l'attention des élus locaux et des militants associatifs. Le 24 novembre, la condamnation de l'association Droit au logement (DAL) a fait bien plus de bruit. Les arguments avancés par le tribunal ont fait frémir : les tentes installées par le DAL ont été considérées comme des objets laissés à l'abandon, assimilables à des poubelles, des gravats ou des amas d'ordures.

Ce jour-là, j'ai espéré, madame, que vous vous poseriez la même question que moi : est-ce bien la France que nous aimons, ce pays où il coûte plus cher à une association d'alerter l'opinion sur la détresse des mal logés qu'à un maire de refuser de se soumettre aux obligations de construction de logement sociaux ? Quelle déception de vous entendre, vous la ministre des mal logés, des pas logés du tout, justifier la condamnation de l'association !

Mme Christine Boutin, ministre.  - Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Mme Dominique Voynet.  - Mardi matin devant l'Assemblée Nationale, des militants associatifs, indignés de ce qu'on trouve des milliards pour sauver les banques quand on compte si chichement les crédits destinés au logement, ont déployé sur le sol des affiches de quelques mètres carrés, d'une surface comparable à celle que doivent se partager des familles de trois, quatre ou cinq personnes... Leur indignation, madame, je veux croire que vous la comprenez, et la partagez même. Tous ceux-là, les mal logés, les militants qui les soutiennent, les élus locaux confrontés chaque jour à des familles en attente d'un logement, attendent vos réponses. Tous ceux-là auraient souhaité que votre budget fût à la hauteur. Ils ne demandent pas tout tout de suite. Ils connaissent la longueur des procédures, les délais nécessaires à la construction. Mais ce qu'ils ne comprennent pas, et ce que je ne comprends pas non plus, c'est pourquoi nous acceptons de perdre encore du temps. Ce qu'ils ne comprennent pas, c'est que nous n'augmentions pas les crédits destinés au logement, pis encore : que nous les diminuions.

Il est temps de faire les comptes. Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République il y a plus de dix-huit mois. Il avait promis de restaurer le volontarisme en politique ; il avait pris, auprès des Français, l'engagement que tout deviendrait possible. Cet engagement, madame la ministre, vous oblige. Votre majorité gouverne le pays depuis plus de six ans. Vous disposez d'une majorité écrasante à l'Assemblée nationale et d'une majorité qui reste confortable au Sénat. Vous ne pouvez pas continuer à répéter que tout est de la faute de ceux qui vous ont précédée. Il est temps d'assumer vos responsabilités et d'entendre ceux qui vous disent qu'il y a quelque chose de scandaleux dans les choix budgétaires du Gouvernement ou dans l'idée, martelée encore et encore, d'une France de propriétaires quand tant de familles peinent à devenir locataires. II y a quelque chose de scandaleux à faire mine de s'indigner le lundi de ce que plus d'un habitant sur deux craint de devenir sans-abri avant de détricoter méthodiquement le reste de la semaine tous les filets de sécurité et de solidarité sociales qui, s'ils étaient renforcés, donneraient peut-être à chacun le sentiment d'être un peu moins exposé à basculer dans un total dénuement.

Et puis, à quoi riment ces contre-feux et ces ballons d'essai ? Je veux parler de cette invraisemblable idée d'hébergement obligatoire des sans-abri, qui n'avait pas même été soumise aux associations ni aux organisations humanitaires qui auraient dû en assumer les conséquences sur le terrain. (Marques d'impatience à droite) La polémique a enflé quelques jours puis, une annonce chassant l'autre, votre étonnante suggestion a été écartée. Était-ce une idée en l'air ? Ou partagez-vous cette vision détestable des pauvres et de la pauvreté selon laquelle, à défaut de savoir garantir leurs droits fondamentaux, il faudrait les protéger d'eux-mêmes ?

M. Dominique Braye.  - Arrêtez de donner les violons ! C'est un peu facile !

Mme Dominique Voynet.  - Je voudrais enfin revenir sur le budget de la politique de la ville, et sur la réforme non concertée de la DSU. Concentrer les moyens sur les villes qui en ont le plus besoin, pourquoi pas ? Mais cela suppose que les critères d'attribution soient incontestables : ils devraient notamment comprendre la proportion de logements sociaux, et peut-être celle des bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement (APL).

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Ce serait une bonne idée.

Mme Dominique Voynet.  - Un minimum de visibilité doit également être accordé aux maires.

Quant au plan Marshall pour les banlieues, annoncé à grand renfort de formules choc par Mme Amara -ce devait être « la tolérance zéro pour la glandouille »...- il a rétréci comme peau de chagrin. Contestez-vous les chiffres avancés par la presse, madame Amara ?

Nous expliquerez-vous, comme votre ministre de tutelle, que ça ne va pas fort mais que tout ira mieux demain ?

Face aux grands enjeux, le Gouvernement nous appelle à l'union nationale. La solidarité est possible, à condition que les efforts soient partagés équitablement et que les moyens aillent à ceux qui en ont le plus besoin. Tel n'est pas le cas dans ce budget, vidé d'un milliard d'euros aux dépens de ceux qui en ont le plus besoin mais qui maintient un cadeau scandaleux de plusieurs milliards à ceux qui en ont le moins besoin. C'est injuste et indécent ; nous ne le voterons pas. (Applaudissements à gauche)

M. Dominique Braye.  - Démago...

Mme Raymonde Le Texier.  - Un budget qui perd 1,7 milliard et revient de 8,7 à 7,6 milliards, ce n'est pas seulement un effet d'optique, comme dit M. Woerth qui nous explique que la baisse serait due au courage d'un gouvernement qui n'aurait rien sacrifié de ses priorités. Non, moins 12 %, cela ne change rien, puisque nous sommes convaincus qu'on peut, formule miraculeuse, faire plus avec moins. En fait de courage, ce que vous dites avec cette baisse à nos 600 000 concitoyens en droit d'invoquer le droit opposable au logement, aux 6 millions de mal logés, à tous ceux qui vivent à quatre ou cinq dans 12 mètres carrés, ce que vous dites à tous ceux qui attendent un logement dans le parc social, c'est que vous les abandonnez. Évidemment, ce n'est pas comme si nous étions au début d'une terrible crise économique et que l'aide de l'État au logement était vitale...

La baisse des aides aux personnes est de 1 %. Cela peut paraître minime, mais ça ne l'est pas parce que c'est récurrent et qu'on en est à un sixième sur huit ans : ces aides ont perdu 12 à 15 % de leur pouvoir d'achat pendant que les loyers et les charges augmentaient de 30 %.

En raison de la crise, le nombre de leurs bénéficiaires potentiels va s'accroître. On les diminue au moment où elles vont être plus demandées. Faire le contraire de ce que dicte la raison, cela s'appelle marcher sur la tête. On va ainsi pénaliser deux millions de travailleurs pauvres qui ne peuvent se loger sans l'aide financière de l'État. Leur proposerez-vous des places en centre d'hébergement ? Ceux-ci accueillent déjà des personnes qui ont réussi leur parcours de réinsertion et qui n'aspirent qu'à vivre avec leur famille. Ne cédez pas, madame, à la facile tentation de les en exiler : ce serait les remettre en situation d'exclusion.

L'effort en faveur du logement social diminue fortement. Le nombre des constructions chute de 100 000 à 78 000. En trois ans, la subvention de l'État pour chaque logement social n'a pas bougé mais leur coût s'est alourdi de 4 %. Quelle conclusion en tirer sinon celle d'un désengagement de l'État ? Détourner le 1 % n'arrangera rien car ce racket programme la mort d'un outil qui avait fait ses preuves.

Le locatif social suscite la même préoccupation. Le nombre de Plus augmente bien mais 70 % des demandeurs sociaux ne peuvent y prétendre. Vous construisez moins de logements sociaux et ceux que vous construisez sont inaccessibles aux demandeurs -c'est incompréhensible. Vous voulez assurer le turn-over dans le parc locatif mais les promoteurs ont annulé des programmes et les refus de crédit par les banquiers ont quintuplé : ceux qui y sont locataires le resteront, ce qui accroîtra l'embouteillage immobilier.

Les dotations pour les sans domicile fixe et contre l'exclusion progressent de 12 %. Cette augmentation ne fait que rattraper un retard structurel et, alors que les besoins vont progresser, les crédits diminueront en 2010-2011. Au-delà de l'indignation que soulève la situation des sans domicile fixe, quelle est votre volonté d'investir dans cette mission autrement que par vos déclarations de ces derniers jours ? En désengageant l'État des aides à la personne, vous renoncez au premier outil de prévention, celui qui assure la solvabilité des locataires. Mais, dans le même temps, vous augmentez les moyens pour les logements d'urgence car le nombre de personnes condamnées à la rue va s'élever, C.Q.F.D. Le Gouvernement ne cesse de proclamer la cohérence de sa politique ; pour une fois, j'en suis d'accord.

Ce n'est pas faute d'avoir été alertée, madame. Il y a un an, lors d'une conférence de consensus, une centaine de professionnels vous a recommandé d'éviter une politique asilaire et de prendre le problème à la source en développant la prévention en amont et l'offre de logement social en aval. Sous l'Ancien Régime, on augmentait le budget de la police quand les récoltes étaient mauvaises ; dans la démocratie à la mode UMP, quand on s'attend à voir plus de sans abri dans les rues, on prépare des lits pour la nuit. Vu comme ça, c'est un progrès...

Le groupe socialiste votera résolument contre vos crédits. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Je salue la première intervention de Mme Ghali. (Applaudissements à gauche et au centre)

Mme Samia Ghali.  - L'année qui nous attend sera particulièrement difficile pour les Français. Nous le constatons déjà aux chiffres et aux indices qui tombent jour après jour, semaine après semaine, mois après mois. La situation se dégrade rapidement, le chômage vient de franchir la barre des deux millions, la pauvreté progresse, les SDF sont de plus en plus nombreux et l'hiver précoce vient de faire ses premières victimes. C'est à ces hommes et ces femmes que je pense en montant pour la première fois à cette tribune, à ces Français soi-disant égaux mais privés d'emploi et de logement.

Alors que les effets de la crise des subprimes affectent le secteur du logement et de la construction, vous avez fait le choix inacceptable d'un désengagement de l'État des quartiers et du logement social. Vos crédits baissent de 8,7 à 7,6 milliards et ils baisseront encore pour revenir à 7,3 milliards en 2011. Pour endiguer la crise, vous sauvez le monde de la finance mais rognez sur la ville et sur le logement.

« Mon premier budget véritable sera celui de 2009 » disiez-vous l'an dernier pour vous exonérer d'une première baisse, mais celle-ci est pire. Les crédits d'intervention baissent, les outils sont dénaturés, qu'il s'agisse de la manipulation du 1 % logement, de l'Anru ou encore de l'Anah, mais je ne reviens pas sur les critiques que nous avions exprimées lors de l'examen du projet dit de mobilisation pour le logement.

Il est choquant de tenter de compenser ce désengagement de l'État en demandant deux euros de plus de contribution forfaitaire aux locataires, mais en ne relevant pas les aides personnelles non plus que les barèmes, et en maintenant le non-versement jusqu'à 15 euros, pour ne rien dire de l'évaluation forfaitaire pour les moins de 25 ans : autant de mesures d'ajustement prises sur le dos des plus fragiles.

Tout aussi incompréhensible, la mise à mal des zones franches urbaines et l'article 82, à l'opposé de vos déclarations sur les quartiers en difficulté. Depuis la loi de 1996, la politique de la ville se déploie dans les zones urbaines sensibles, dans les zones de redynamisation urbaine et dans les zones franches urbaines. Ces dernières ont été créées parce que dans nos quartiers, des populations avaient été abandonnées par la République et oubliées par les politiques. Des zones de non-droit ? Peut être mais des zones de chômage et de misère, assurément.

II fallait donc déroger à la règle, même si nous ne sommes en principe pas favorables aux exonérations de charges sociales, sachant que certains chefs d'entreprises sans scrupules délocalisent au gré des subventions et autres allègements publics...

La stratégie adoptée en 1997, élargie en 2003 avec la loi sur le renouvellement urbain, puis en 2006, vise à maintenir l'emploi là où il fait défaut : les employeurs ont ainsi l'obligation d'embaucher 33 % de salariés du quartier. De fait, la création des zones franches a permis l'implantation d'entreprises dans des secteurs improbables : 12 000 nouveaux emplois dans les deux ZFU de Marseille en dix ans.

Reste que les jeunes TPE, qui constituent l'essentiel du tissu économique de ces quartiers, sont fragiles : ces partenariats sont longs à mettre en place, et la situation économique se détériore. Or c'est le moment que choisit le Gouvernement pour trahir sa parole ! L'article 82 du projet de loi de finances prévoit ainsi la suppression progressive des exonérations de charges patronales pour les salaires supérieurs à 2,5 Smic, ainsi que la suppression des sorties dégressives pour l'ensemble des salaires, au risque de mettre en danger les entreprises qui, elles, jouent le jeu !

Vous en espérez une économie de 90 millions en 2009, de 105 millions en 2010 et de 120 millions en 2011. Alors que l'on accorde des dizaines de milliards aux banques, et que l'on annonce un plan de relance de 25 milliards, ces économies dérisoires, au détriment des plus fragiles, désespèrent les élus locaux et contredisent tous vos grands discours sur la politique de la ville ! Le Président de la République en est-il seulement informé ? Gare, madame la ministre, on finira par ne plus vous croire ! C'est d'ailleurs ce qui s'est dit, dimanche, du côté d'Arcachon...

Nous avons donc déposé un amendement supprimant cet article. L'État doit augmenter ses engagements financiers. Les quartiers doivent devenir grande cause nationale ! Devant l'urgence et la gravité de la situation, je vous suggère d'organiser une table ronde avec l'ensemble des acteurs. (Applaudissements à gauche ; Mme Nathalie Goulet applaudit aussi)

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville.  - Le projet de budget de la mission « Ville et logement » prévoyait une enveloppe globale de 7,6 milliards en autorisations d'engagement et de 7,64 milliards en crédits de paiement. Le plan de relance présenté ce matin même par le Président de la République me permet de vous indiquer que ces montants seront majorés, sur deux ans, de 160 millions pour l'hébergement et les structures spécialisées, et de 400 millions pour le logement. En comptant les dépenses fiscales et la surcharge foncière, nous disposerons de 1,4 milliard supplémentaire sur les deux années à venir. A ces crédits s'ajoutent les ressources extrabudgétaires mobilisées par l'Anru et l'Anah : 1,951 milliard en autorisations d'engagement et 1,301 milliard en crédits de paiement. Ainsi consolidés, et hors plan de relance, les crédits en faveur du logement et des quartiers sensibles augmentent de 3,3 % par rapport à 2008.

Le programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables », désormais rattaché à cette mission, reçoit 1,117 milliard, ainsi qu'une part significative des 160 millions annoncés dans le plan de relance : 80 millions, dont la moitié dès 2009, seront consacrés à l'humanisation des centres d'hébergement.

Les moyens dédiés à l'hébergement augmentent de plus de 15 %, l'hébergement et l'accès au logement ayant été déclarés grand chantier prioritaire 2008-2012. Les engagements pris dans le cadre du Parsa seront honorés, et même majorés grâce au plan de relance, avec un objectif de 12 à 15 000 places en maisons-relais d'ici 2011 et de 5 000 logements en intermédiation locative dès 2009.

Les capacités d'accueil dépassent déjà les 99 600 places, pour environ 100 000 sans abri. Avec les 1 000 places supplémentaires du plan de relance, les besoins seront satisfaits. Il s'agit maintenant de mieux gérer les places disponibles et d'améliorer les conditions d'accueil. Il arrive souvent au 115 de ne pouvoir satisfaire des demandes alors que des places sont encore disponibles. Afin d'améliorer la coordination entre les différents prestataires, j'ai installé, le 13 novembre, un groupe de travail qui réunit le 115, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars) et des associations gestionnaires de centres d'hébergement. Il devra me rendre d'ici la fin décembre des propositions visant d'une part à une meilleure adéquation de l'offre d'hébergement aux demandes, d'autre part, à une meilleure connaissance des publics et une amélioration globale du dispositif d'urgence et de veille sociales.

Les crédits initialement prévus pour le nouveau programme « Politique de la ville » seront majorés de 200 millions, dans le cadre du plan de relance, au profit de l'Anru pour conforter le financement du PNRU, dont le financement sera désormais assuré principalement par le 1 % logement. Une contribution complémentaire de 320 millions portera le montant total de la participation de l'UESL à 770 millions par an sur la période 2009-2011.

L'annulation d'un stock d'autorisations d'engagement de l'Anru non affectées en fin d'année n'est envisagée que pour des raisons comptables : elle ne signifie aucunement une remise en cause du PNRU. Éric Woerth s'est engagé à l'Assemblée nationale à assurer dans sa totalité le financement des 12 milliards prévus au titre du PNRU ; cet engagement figurera dans le projet de loi de mobilisation pour le logement en cours d'examen à l'Assemblée. Le Président de la République s'est engagé clairement : l'Anru, dotée de 200 millions supplémentaires, aura les moyens de faire face à ses paiements en 2012.

M. Dallier dénonce le nombre élevé des contrats urbains de cohésion sociale (Cucs). Ont reçu le label Cucs des quartiers qui ne faisaient pas l'objet d'un contrat de ville, mais bénéficiaient déjà de financements de la politique de la ville. D'autre part, certains élus n'ayant pas souhaité proroger l'approche intercommunale privilégiée jusqu'alors, un contrat de ville a pu donner naissance à deux, voire trois Cucs. Ont également été intégrés à la géographie prioritaire, des quartiers dégradés dans lesquels intervient l'Anru, ainsi que certains centres anciens, qui accueillent des populations fragiles vivant dans un habitat dégradé. Les risques de dilution des crédits sont limités, parce que cette extension a largement consisté en une labellisation unique de sites dans lesquels la politique de la ville intervenait déjà.

En outre, les quartiers prioritaires sont classés en trois catégories, selon les difficultés socio-économiques qu'ils rencontrent et les crédits sont mobilisés en fonction de l'importance des problèmes.

La politique de la ville s'appuie plus largement que par le passé sur les crédits de droit commun des ministères. C'est le principe fondateur de la dynamique « Espoir-banlieues » ce qui explique, messieurs André et Repentin, que les crédits figurant à ce titre dans le projet de loi de finances vous paraissent modestes. Ils vont servir à fédérer les initiatives des autres départements ministériels qui en assurent également le financement. Le Gouvernement a voulu que mon ministère ne soit pas le seul financeur de ce plan afin que tous les ministères le mettent en oeuvre.

La géographie prioritaire de la politique de la ville n'est pas figée. Elle sera révisée avant la fin du premier semestre 2009 et, comme l'a souhaité le Parlement, elle sera actualisée tous les cinq ans. En outre, le Conseil de modernisation des politiques publiques a décidé que « les moyens de la politique de la ville feront l'objet d'une plus grande concentration géographique et temporelle dans les quartiers les plus en difficulté où la solidarité locale est insuffisante ». Les associations d'élus seront associées à cette politique. C'est dans ce cadre que la nouvelle génération de Cucs 2010-2013 sera négociée. Comme leur nombre est appelé à diminuer, monsieur Vanlerenberghe, certaines dépenses de fonctionnement vont pouvoir être réduites comme le financement des directions de projet. La part des crédits bénéficiant directement aux habitants des quartiers ne diminuera pas.

Je vous propose de revenir sur la réforme des zones franches urbaines lorsque nous examinerons les amendements déposés sur l'article 82.

Le programme « Aide à l'accès au logement » est le principal poste de dépenses de la mission avec plus de 65 % des crédits. Il permet à plus de six millions de ménages de percevoir une aide personnelle au logement. Vous considérez que ce programme est sous-doté. Conformément au calendrier budgétaire, mes besoins ont été calculés, avec les services de l'administration des finances, au mois de mars, c'est-à-dire avant la crise économique actuelle.

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis.  - Tout s'explique !

Mme Christine Boutin, ministre.  - A cette date, il était raisonnable de pouvoir compter sur une baisse du nombre de bénéficiaires et sur une augmentation annuelle de 4 % de la masse salariale. Le scénario retenu était donc très prudent mais pourrait ne pas se réaliser, compte tenu de la dégradation de la conjoncture économique.

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis.  - Merci de nous donner raison.

Mme Christine Boutin, ministre.  - En tout état de cause, les APL sont des dépenses obligatoires et le Gouvernement les financera. Dès lors, une inscription en collectif budgétaire s'avérera nécessaire.

De plus, le projet de loi de finances rectificative pour 2008 prévoit une dotation complémentaire pour les APL afin de régler une grande partie de la dette de l'État envers le Fonds national d'aide au logement.

Le programme « Développement et amélioration de l'offre de logements » sera doté de 798 millions en autorisations d'engagement et de 805 millions en crédits de paiement. En outre, 480 millions seront versés par le 1 % logement et un puissant dispositif fiscal sera mis en place.

En ce qui concerne le logement social, la dotation budgétaire initialement prévue permettait d'assurer le financement de 120 000 logements locatifs sociaux, dont 20 000 logements très sociaux. Ce matin même, lors de l'annonce du plan de relance, le Président de la République a décidé que 15 000 Plai et autant de Plus donneraient lieu, en 2009, à l'inscription de crédits supplémentaires sur le programme 135.

M. Repentin m'a interrogée sur le taux de centralisation et sur la réforme du livret A. La loi de modernisation de l'économie prévoit un niveau plancher de centralisation des ressources collectées par le livret A et le livret de développement durable (LDD), qui, à ma demande, a été fixé dans la loi à 1,25 fois le montant total des prêts du logement social ce qui permet de couvrir l'ensemble des besoins de financement. Les parlementaires sont allés plus loin encore en prenant en compte dans ce calcul les prêts au logement social mais aussi les prêts consentis au bénéfice de la politique de la ville. La loi de modernisation de l'économie prévoit également que l'épargne collectée sur les livrets A sera utilisée en priorité pour le financement du logement social : ce n'est donc qu'une fois que tous les besoins de logement social auront été satisfaits que les ressources excédentaires seront affectées à d'autres priorités. Les organismes HLM sont ainsi certains de disposer des ressources nécessaires. Des décrets destinés à mettre en oeuvre le dispositif de centralisation seront publiés d'ici la fin du mois. Il faut prévoir un dispositif transitoire en attendant la stabilisation du système de collecte. La centralisation de la collecte du livret A et du LDD devrait atteindre 160 milliards au 1er janvier, soit un taux supérieur à 70 % de la collecte réalisée à ce jour. Il n'y a donc pas d'inquiétude à avoir en ce qui concerne le financement du logement social qui n'a jamais été aussi garanti par la loi qu'aujourd'hui.

L'objectif est de satisfaire la demande de logements locatifs dans les zones tendues, ainsi que de mieux répartir les logements sociaux au sein des agglomérations, pour tenir compte des objectifs triennaux des communes relevant de l'article 55 de la loi SRU, article auquel je suis très attachée.

Ce projet de loi de finances a été préparé avant la crise économique, monsieur Vanlerenberghe : à l'époque, le bâtiment connaissait une surchauffe et il n'était pas possible d'augmenter le programme de logements aidés car les appels d'offre des organismes HLM était infructueux. La baisse générale de l'activité du bâtiment permet aujourd'hui de lancer un programme supplémentaire de logements sociaux.

Comme l'a remarqué M. Vasselle, le financement de la Palulos n'est plus inscrit dans le budget de l'État car le projet de loi de mobilisation pour le logement en cours de discussion à l'Assemblée nationale prévoit d'organiser, dès l'an prochain, une péréquation financière entre organismes de logement social pour que ceux qui ont une trésorerie importante puissent aider les autres à entretenir leur parc. Le montant de cette péréquation est évalué à 60 millions. De plus, des prêts « superbonifiés » au taux de 1,9 % seront proposés par la Caisse des dépôts, soit une subvention de 2 300 euros par logement, pour aider les bailleurs sociaux à financer les travaux d'isolation thermique de leurs logements, ce qui était la principale destination de la Palulos. L'accord que j'ai passé avec les partenaires sociaux a permis d'augmenter les subventions du 1 % aux organismes HLM, en passant de 225 à 300 millions. Vous n'avez donc pas à vous inquiéter sur l'apport du 1 % au financement du logement social, monsieur Vasselle.

Je ne veux pas polémiquer avec Mme Voynet : le plan de relance présenté par M. le Président de la République se monte à 1,8 milliard pour le logement. A situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle.

Les moyens destinés à l'amélioration du parc privé, y compris la lutte contre l'habitat indigne, seront sensiblement augmentés. Par ailleurs, l'Anah contribuera avec l'Anru à un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, prévu par le projet de loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion. En ce qui concerne la question de l'humanisation des structures d'hébergement, pour laquelle j'ai prévu 50 millions cette année, l'article de loi prévoyant le transfert de cette compétence à l'Anah n'a pas été adopté par le Sénat...

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Eh oui !

Mme Christine Boutin, ministre.  - ...car il n'était pas clairement établi que cette agence disposerait de ressources suffisantes.

L'Anah disposera bien des moyens suffisants pour ce transfert, d'autant que le plan de relance décidé par le président de la République prévoit d'accélérer les travaux d'humanisation en mobilisant, au cours des trois prochains exercices, 60 millions en plus des 90 millions déjà programmés. De la réalisation de ces travaux dépend l'attractivité du dispositif d'hébergement d'urgence pour les sans-abri. De plus, le plan de relance fait apparaître une dotation supplémentaire à l'Anah de 200 millions afin de lutter contre l'habitat indigne.

Monsieur Dallier s'est interrogé sur les 200 millions prévus pour le fonds exceptionnel de l'Anah et sur les 200 autres millions destinés à renforcer le programme national de rénovation urbaine. M. le Président de la République a annoncé qu'une loi de finances rectificative vous serait présentée dès le début de l'année prochaine.

M. Vasselle m'a posé une question sur les sans-papiers : les services d'accueil et d'hébergement sont le dernier filet de sécurité pour ceux qui n'ont plus rien. Les services sociaux et les associations sont très attachés au caractère inconditionnel de l'accès au service d'accueil et d'hébergement d'urgence. Devant le Conseil économique et social, le Président de la République a réaffirmé, le 17 octobre 2007, ce principe d'inconditionnalité. Les personnes déboutées du droit d'asile et les sans-papiers y ont droit dès lors qu'ils sont en situation de détresse. En outre, l'article L. 111-2 du code de l'action sociale et des familles ne conditionne pas le bénéfice de l'accès à l'aide sociale et à l'hébergement à la régularité du séjour. Je prévois 9 150 nuitées d'hôtel pour l'année prochaine, mais elles ne seront pas toutes réservées aux demandeurs d'asile. Le développement des Plai et des maisons-relais feront diminuer ce nombre de nuits d'hôtel qui coûtent très cher à l'État et qui n'offrent pas toujours des conditions très dignes.

En ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, le Gouvernement a décidé, dans un contexte budgétaire contraint, de maintenir les effectifs de mon ministère, soit 3 155 agents en équivalents temps plein. Ces personnels permettront de faire face à la forte augmentation de la charge de travail liée à la négociation des conventions d'utilité sociale avec les organismes HLM qui doivent être conclues d'ici fin 2010 et à la mise en oeuvre de la loi Dalo. Ceci explique, monsieur Dallier, pourquoi je n'ai pas jugé utile d'augmenter les crédits me permettant d'externaliser une partie des tâches relevant des commissions de médiation. En outre, 350 emplois de délégués du préfet dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, sont en cours de recrutement. Ces postes budgétaires figurent sur le programme 135 qui sert de support à l'ensemble des dépenses de personnel de la mission. Cette création s'opère par transfert entre ministères et n'alourdit donc pas les charges de l'État. Ces délégués du préfet assureront leurs fonctions à temps plein : les personnels de l'État ainsi recrutés ne rompront pas le lien qui les unit à leur administration d'origine. Ceci est fondamental pour que la légitimité de ces délégués soit totale aussi bien aux yeux des habitants, des acteurs locaux que des services de l'État.

En ce qui concerne le contentieux Dalo, il était prématuré de demander une dotation spécifique, d'autant qu'il est encore difficile aujourd'hui même de déterminer les besoins.

Pour m'en tenir à un exemple, d'après le préfet du Nord, avec qui je me suis entretenue aujourd'hui, aucun recours n'a été déposé dans sa région qui connaît pourtant, quoique moins que l'Ile-de-France, une situation tendue.

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis.  - C'est un peu tôt pour en tirer des conclusions...

Mme Christine Boutin, ministre.  - Reste qu'il est aussi trop tôt pour présumer de la suite. Je prends l'engagement que l'État règlera les dépenses liées à la mise en oeuvre de la loi Dalo.

Ce budget, j'en ai conscience, paraît désormais quelque peu surréaliste. Mais, en temps de crise, nous devons nous retrousser les manches. Le Président de la République vient d'annoncer un plan de relance qui comporte des crédits importants pour le logement, ce qui devrait rassurer le Sénat. Pour m'aider à donner un toit aux plus fragiles, je vous demande d'adopter les crédits de ce budget ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.  - Permettez-moi de remercier les rapporteurs de la qualité de leur expertise. Constatant, comme vous, l'empilement des plans sur la politique de la ville, j'ai privilégié, en accord avec le Président de la République, une dynamique du sur-mesure, baptisée « Espoir banlieues », articulée autour de l'éducation, l'emploi, le désenclavement et la sécurité. Pour être efficace, ce processus exige la mobilisation de tous : de l'État, parce que la solidarité est une exigence républicaine ; des collectivités territoriales, parce que les élus locaux sont les pivots de notre démocratie ; des associations, parce qu'elles tricotent au quotidien le tissu social ; des entreprises, parce que l'emploi donne la clé de la promotion sociale ; et, enfin, des habitants des quartiers, parce que je crois, comme vous, à la démocratie de proximité.

Cette dynamique, qui nécessite de constantes adaptations et, parfois, des ruptures pour lever les barrières mentales qui font obstacle à la transformation de notre société, tend vers un seul objectif : le retour de la République dans nos quartiers populaires. Pour moi, cela signifie le retour du respect et de l'émancipation, le retour de la solidarité et de l'engagement collectif, le retour de la promotion sociale et d'un cadre de vie sûr, mais aussi, comme l'a rappelé Mme la ministre, le retour du droit commun.

Les contributions triennales chiffrées de chaque ministère à cette dynamique ont été actées durant le conseil interministériel de la ville du 20 juin 2008 de Meaux. Certes, elles sont inégales et, monsieur Dallier, comptez sur moi pour ne faire aucun compromis comme je compte sur vous pour aiguillonner les ministres dont l'action reste trop modeste. Au prochain conseil interministériel de la ville du 20 janvier, nous dresserons un bilan. Signalons que les ministères de l'éducation nationale et de l'emploi ont déjà débloqué 67 et 51 millions, ce qui n'est pas négligeable.

Le retour au droit commun passe aussi par une meilleure péréquation. Nous avons réformé la DSU en ce sens et 70 millions seront réservés aux 150 communes les plus pauvres ; nous avons également créé la dotation de développement urbain, dotée de 50 millions, qui profitera aux 100 communes les plus pauvres. De plus, le programme 147 est doté de 769,3 millions de crédits. Monsieur André, pour maintenir le rythme des réformes, notre politique doit effectivement reposer sur un budget spécifique et pérenne. Veuillez croire que je serai vigilante, comme je serai attentive à la maîtrise de la dépense.

Les engagements que j'avais pris envers les associations, dont on connaît le rôle mais dont on mesure mal les difficultés, ont été tenus. Plus de 148 millions sont consacrés au financement des Cucs en 2009 et, en appui des financements territorialisés, 31,9 millions pour les acteurs de terrain. Adepte de la logique de projet, je veux systématiser les conventions pluriannuelles d'objectifs que l'État signe avec les associations et passer de 30 à 80 % de crédits versés dans le cadre de ces contrats. S'agissant des associations d'éducation populaire, je répondrai à leurs attentes à condition qu'elles se soumettent à cette logique de projet.

La rénovation urbaine, sur laquelle de nombreux élus s'interrogent, doit permettre d'améliorer le cadre de vie et, au-delà, de relancer la croissance. Mme Boutin vient de confirmer que les 12 milliards prévus seront dépensés, mais il ne faut pas fermer la porte à d'autres sources de financement. Je me réjouis que le Président de la République ait annoncé aujourd'hui 600 millions pour le PNRU, ainsi qu'une contribution de 200 millions à l'Anru. Dans mon budget, 4 millions sont consacrés à la réalisation des diagnostics. Pour que les habitants des quartiers n'aient plus le sentiment qu'on les abandonne devant la lenteur avec laquelle l'État règle leurs problèmes, nous avons pris des mesures immédiates. Dans le projet de loi de mobilisation pour le logement est mis en place un système de responsabilisation des bailleurs dans le cadre de la convention d'utilité sociale. Par ailleurs, j'ai donné instruction à l'Anru de veiller au respect des conventions de gestion urbaine de proximité et de prendre, si besoin est, des sanctions à l'égard des contrevenants. Enfin, je continuerai de soutenir les collectivités locales et les habitants qui oeuvrent à l'entretien des espaces publics.

S'agissant de la révision des zones urbaines sensibles prévue par la loi de finances pour 2008, je veux rappeler que l'évaluation des Cucs, durant le premier trimestre 2009, sera suivie d'une large concertation -j'en fixerai les contours lors du prochain conseil interministériel de la ville du 20 janvier dans le Livre vert intitulé « Améliorer ensemble la géographie et les instruments de la politique de la ville ». Les arbitrages seront rendus lors du conseil interministériel de la ville de juin 2009, après consultation du Conseil national des villes.

Enfin, je veux tracer le chemin du retour à la normalité, car l'objectif de la politique de la ville est bien de sortir, à terme, les quartiers des dispositifs dérogatoires.

Cette réforme implique une nouvelle gouvernance de la politique de la ville. Au niveau national, le Conseil interministériel des villes, qui deviendra une véritable unité de commandement, se réunira deux fois par an sous l'autorité du Premier ministre ; la fonction consultative du Conseil national des villes sera renforcée ; la délégation interministérielle à la ville, qui assure le secrétariat du conseil interministériel, sera chargée du pilotage et de la coordination de la politique de la ville et assurera la tutelle effective sur l'Anru et l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé) ; enfin, l'Observatoire national des zones sensibles concentrera les missions d'évaluation pour jouer son rôle de poil à gratter. Au niveau local, les préfets de région deviendront les délégués territoriaux de l'Acsé à partir du 1er janvier 2009 et les directions régionales de l'Acsé intégreront les directions régionales de la jeunesse l'année suivante selon des modalités qui seront discutées avec les partenaires sociaux. Monsieur André, rassurez-vous, je sais l'importance du binôme préfet-maire. Et c'est sous l'autorité du préfet que les 350 délégués incarneront le retour physique de la République dans les quartiers. Je souhaite, au reste, professionnaliser ces délégués en leur créant un véritable statut et en ouvrant leur recrutement pour qu'ils jouent leur rôle de lien entre l'État et les acteurs de terrain.

Le dispositif de la deuxième chance me tient à coeur parce qu'il est intolérable qu'autant de jeunes qui représentent l'avenir de la France quittent chaque année le système scolaire sans qualification ni diplôme. Arrêtons le gâchis ! Je veux faire de l'année 2009 l'année de la promotion de la deuxième chance. Nous allons lancer, avec les missions locales, un système de suivi sur mesure de chaque jeune en cours de décrochage. Les crédits dédiés au réseau des « Écoles deuxième chance » seront doublés et portés à 3 millions pour en créer une vingtaine de plus en 2009. Quant aux activités de l'Établissement public d'insertion de la défense, elles seront davantage orientées vers les jeunes des quartiers prioritaires : grâce à un financement de 26 millions, l'objectif est d'atteindre 75 % de sorties positives vers l'emploi ou la formation professionnelle qualifiante.

Il existe aujourd'hui une véritable attente de nos citoyens, mais aussi l'amorce d'une dynamique, comme en atteste le dernier rapport de I'Onzus, d'après lequel les évolutions sont encourageantes, dans tous les domaines. Nous traversons un moment difficile. Mais la crise est aussi un rendez-vous salutaire pour ceux qui sont porteurs d'un dessein collectif pour la France. Elle nous offre une raison d'aller encore plus loin dans notre action en faveur des quartiers populaires et de mettre en place une véritable solidarité. (Applaudissements à droite)

Examen des crédits

Article 35 (État B)

M. le président.  - Amendement n°II-202, présenté par M. Repentin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Raymonde Le Texier.  - Pour éviter à l'Anah de devoir emprunter pour honorer ses engagements en début d'année 2009, cet amendement propose de ponctionner la trésorerie qui existe dans les fonds prévus pour l'aide au logement, c'est-à-dire 125 millions sur l'action 02 du programme 177, pour les attribuer au programme 135, action 01.

Compte tenu des contraintes légales qui risquent de retarder le transfert des fonds du 1 % à l'Anah, certains propriétaires pourraient ne pas être aidés comme prévu au début de l'année 2009. Déjà, seuls les propriétaires occupants dont les revenus sont inférieurs à 50 % des plafonds sont réellement payés. Les autres ont pour consigne d'attendre des jours meilleurs...

Au lendemain de la suppression du Pass-travaux, on voit bien que vos décisions conduisent à une réaction en chaîne. La source étant tarie, les travaux d'amélioration de l'habitat disparaissent : situation dramatique au regard de vos ambitions sur le Grenelle, et révélatrice de la politique de Gribouille du Gouvernement. A l'heure où la crise du bâtiment devient la préoccupation majeure, la réhabilitation du parc existant devrait être soutenue mais vous fermez les robinets et, à terme, vous mettez l'Anah dans une situation budgétaire intenable.

Notre solution a le mérite d'imaginer une transition moins onéreuse pour le budget de l'État : une fois que les fonds du 1 % destinés à abonder l'Anah auront été débloqués, alors une régulation de trésorerie pourra être faite.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Je comprends votre préoccupation mais votre solution est techniquement difficile à réaliser. Retrait.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Je ne comprends pas : il s'agit d'une avance de trésorerie tout à fait classique et l'Anah ne connaîtra aucun problème de trésorerie. Le plafond de 125 millions a été porté à 240 millions par un amendement du Gouvernement : retrait ou rejet.

L'amendement n°II-202 n'est pas adopté.

Les crédits de la mission « Ville et Logement » sont adoptés.

Article 82

La loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa du I de l'article 12 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« A partir du 1er janvier 2009, le montant de l'exonération décroît de manière linéaire lorsque la rémunération horaire est supérieure au salaire minimum de croissance majoré de 40 % et devient nul lorsque la rémunération horaire est égale à 2,4 fois le salaire minimum de croissance du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009 inclus, à 2,2 fois le salaire minimum de croissance du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 inclus, et à 2 fois le salaire minimum de croissance à partir du 1er janvier 2011. » ;

2° Au premier alinéa du II bis du même article 12, la date : « 1er janvier 2009 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2011 ».

3° Le V bis du même article 12 est abrogé ;

4° Au V quinquies du même article 12, les mots : « et aux deuxième et troisième alinéas du III » sont supprimés ;

5° La dernière phrase du septième alinéa de l'article 12-1 est supprimée ;

6° La dernière phrase du premier alinéa et le second alinéa du I de l'article 14 sont supprimés.

Mme Odette Terrade.  - Les exonérations fiscales et sociales sont présentées comme le moyen essentiel de favoriser le développement économique dans les quartiers en difficulté, et notamment dans les zones franches urbaines (ZFU) de première génération où environ 16 000 entreprises bénéficient, en moyenne, de 10 000 euros de remise d'impôt tandis que dans les zones franches de seconde génération, moins de 4 000 entreprises coûtent environ 35 millions au budget. Les exonérations de cotisations sociales visées expressément par cet article s'élèvent à un peu moins de 340 millions. Cette logique d'incitation fiscale et sociale est donc remise en cause pour économiser 100 millions.

Nous n'avons jamais été des partisans acharnés des incitations fiscales et sociales en faveur des petites et moyennes entreprises, ne serait-ce que parce qu'il y a belle lurette que les grands groupes ont su configurer leur localisation sur le territoire pour bénéficier de ces dispositifs. Un artisan ou une jeune entreprise de service comptant au plus trois salariés a moins besoin d'être dispensé de l'impôt sur le revenu, de celui sur les sociétés ou de payer un peu moins de cotisations sociales que de bénéficier d'un accès au crédit bancaire, d'un soutien à ses projets. Les enseignes de restauration rapide qui sont autant de réseaux de petites et moyennes entreprises bénéficient plus des exonérations fiscales et sociales que le moindre des artisans de nos quartiers.

Si l'article 82 revient à simplement économiser 100 millions pour une inavouable raison de régulation budgétaire, ce n'est pas un bon article. S'il illustre un changement de priorité, faisant de l'accès au crédit la priorité des priorités de l'État, ce peut être l'amorce une évolution intéressante. Je crains cependant que ce ne soit pas le cas et que, par cet article, vous ne fassiez contribuer la politique de la ville à la réduction du déficit ! Les habitants des quartiers sensibles qui, eux, paient l'impôt sur le revenu, la TVA ou les impôts locaux, ont aussi des comptes bancaires. II serait peut-être temps que l'argent qu'ils y déposent serve, enfin, à développer l'activité économique dans leur quartier.

En tout cas, cet article 82 montre que nous ne devons pas en rester au statu quo, comme nous y invitent les amendements de suppression. Mais nous ne devons pas sacrifier le devenir des quartiers sur l'autel de la régulation budgétaire. Nous voterons donc contre les amendements de suppression, mais aussi contre l'article 82.

Mme Raymonde Le Texier.  - Cet article a pour objectif de « recentrer les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires » dans les ZFU en modifiant profondément le dispositif qui avait été confirmé par la loi de mars 2006 pour l'égalité des chances. II supprime le mécanisme de la « sortie en sifflet » en trois ans ou neuf ans. Ces modifications ont essentiellement pour objet d'économiser 100 millions : 70 millions au titre du plafonnement des exonérations et 30 au titre de la suppression de la sortie progressive. Le coût des exonérations de charges sociales en ZFU serait ainsi ramené à 239 millions en 2009.

Si l'on ne peut être que favorable à la recherche d'économies par la suppression de dispositifs inefficaces et coûteux, le choix de concentrer les allégements de charges sur les bas salaires est contre-productif. Ces allégements ont un effet négatif sur les salaires : pourquoi mieux rémunérer le travail si l'entreprise, de ce fait, perd le bénéfice de l'allégement ?

La défiscalisation dans les ZUS est parfois détournée de son objet : certaines entreprises n'y installent que des boîtes aux lettres et en profitent pour bénéficier des exonérations ; d'autres s'y installent mais ne recrutent que des salariés qui n'habitent pas sur place ; enfin, certaines ne consentent à y créer que des emplois peu qualifiés. Cela n'est pas sans conséquences pour les habitants de ces territoires : selon le tout récent rapport de l'Onzus, entre 2004 et 2007, on constate une précarisation accrue des emplois occupés par les habitants des ZUS ainsi qu'une extension du temps partiel, souvent subi. Pour les salariés masculins, la proportion des bas salaires a progressé de trois points alors qu'elle est restée stable pour les autres salariés masculins des mêmes villes.

Les ZFU n'ont pas répondu aux attentes des habitants ni joué pleinement le rôle de levier espéré pour les territoires ciblés mais votre proposition risque de détruire le peu qui fonctionne. Dans ces zones, les besoins sont toujours aussi criants, l'exclusion se développe, le chômage augmente et vous n'abordez ces questions qu'en termes comptables. Ces économies, finalement dérisoires face aux ponctions réalisées sur le budget du logement ou celui de la ville, risquent d'avoir des conséquences plus graves encore pour nos territoires en mettant certaines entreprises, notamment les petites PME, en péril. Plutôt que de modifier le système brutalement et sans concertation, en pénalisant les entreprises comme les salariés, il est temps d'admettre qu'un dispositif fiscal ne peut pas, à lui seul, sortir les ZUS de leur situation.

Ce sont les fondements mêmes des ZFU qu'il faut revoir, en s'appuyant sur les ressources des territoires. Une partie des élus franciliens souhaite depuis longtemps, pour leurs zones franches, un système fondé sur l'origine géographique des salariés, autrement dit les aides à la personne, afin de susciter l'embauche sur place et de créer l'avantage comparatif qui manque actuellement. La situation s'aggrave, il ne faut rien négliger pour favoriser dans ces territoires l'accès à l'emploi.

M. le président.  - Amendement n°II-39, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances.

Supprimer cet article.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - C'est donc à moi qu'il revient d'ouvrir le feu ! (Sourires) Notre position est partagée sur tous les bancs, même si j'ai quelque difficulté à suivre le raisonnement de notre collègue, qui est pour, mais aussi contre les ZFU et qui veut supprimer la suppression...

Mme Raymonde Le Texier.  - Vous avez très bien compris.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Depuis deux ans, le nombre de ZFU a augmenté, des entreprises se sont installées et les élus locaux concernés n'émettent aucune critique : Neuilly-sur-Marne compte une ZFU et je n'ai jamais entendu M. Mahéas s'en plaindre. Quant à l'association des industriels de cette zone franche, elle souhaite ardemment conserver les exonérations.

Mme Raymonde Le Texier.  - Évidemment !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Le Président de la République a annoncé 700 millions d'euros d'exonérations de charges, il doit être possible d'en trouver 70 pour maintenir le système. Et s'agissant des 30 millions d'euros de la sortie en sifflet, le Gouvernement a déposé un amendement pour les inscrire. Donc, le compte y est !

M. le président.  - Amendement identique de suppression n°II-105, présenté par M. P. André, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Pierre André.  - Mme la Ministre a dit que la politique de la ville avait besoin de lisibilité : elle a également besoin de continuité. Quelle malédiction touche les ZFU ? Lorsque M. Gaudin et M. Juppé les ont créées, en 1995, elles constituaient le troisième pilier de la politique économique ; et elles sont en train de réussir, parce que la volonté est là. Mme la secrétaire d'État a parlé de cohésion sociale et met en place un remarquable plan « Espoir banlieues ». Mais n'oublie-t-on pas le plus important, le développement économique ? Sans lui, rien ne s'améliorera dans nos quartiers difficiles. Des bas salaires ne suffiront pas, il faut ramener l'excellence dans ces territoires.

Je me réjouis que les socialistes se soient convertis aux ZFU : car la première à avoir demandé leur suppression, en 1997, fut Mme Martine Aubry ! Devenue maire de Lille, elle a bien sûr changé d'avis. Chargé d'un rapport sur les ZFU par la commission des affaires économiques, j'ai découvert avec stupéfaction que le gouvernement français - Mme Aubry, en l'occurrence- avait commandé un rapport, un an après la création des ZFU, pour démontrer qu'il n'y avait pas eu de créations d'emplois !

C'est M. Jacques Chirac, après 2002, qui a relancé le dispositif. Une nouvelle génération de ZFU est née en 2003, grâce à M. Borloo. Et 125 000 emplois ont été créés. Pas un seul maire pour s'en plaindre ! Mme le maire de Lille y voit désormais le moyen le plus sûr de la réussite économique. A présent que tous voient dans les ZFU une chance pour nos quartiers, ne la laissons pas passer. Ne cherchons pas à faire des économies de bouts de chandelle pour payer ensuite des indemnités à des chômeurs. Après les annonces du Président de la République, nous ne sommes plus à 70 millions d'euros près... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Amendement identique de suppression n°II-153 rectifié bis, présenté par MM. J-C. Gaudin, Gilles, Alduy, Dufaut et Juilhard, Mlle Joissains et MM. J-P. Fournier et Braye.

M. Dominique Braye.  - Les cosignataires sont tous maires de communes qui abritent une ZFU. La ville de Jean-Claude Gaudin en compte même deux !

Nous partageons les objectifs et la volonté du Gouvernement de réformer le pays en profondeur et de diminuer la dépense publique. Mais ne faisons pas aujourd'hui des économies qui dès demain entraîneraient des dépenses supérieures, sans parler du coût social et humain. Supprimer les exonérations, ce serait renier une promesse de l'État. Madame la ministre, la première vice-présidente du conseil général des Yvelines ne peut demeurer insensible au sort de Mantes-la-Jolie et de sa grande ZFU. A Marseille, entre 1996 et 2007, 2 797 entreprises et 13 000 emplois ont été créés ; à Mantes, en dix ans, 211 entreprises et 1 200 emplois. Mais, plus important encore, le retour à l'activité au sein même des quartiers a rétabli une certaine normalité. Au Val-Fourré, me disait un commerçant, on revoit enfin ce que l'on ne voyait plus depuis dix ans : des hommes en complet-cravate, un attaché-case à la main.

Je connais les contraintes qui s'imposent aux ministres : c'est donc le Gouvernement que je veux placer devant ses responsabilités. Avez-vous pensé aux entreprises que vous ferez disparaître, en revenant ainsi sur la parole donnée ? Est-ce le message que vous voulez adresser à ces quartiers, touchés de plein fouet par la crise actuelle et où je sens de nouveau une grande tension ? Une étincelle pourrait les enflammer ! Est-ce une proposition cohérente par rapport aux déclarations du chef de l'État qui veut tout faire pour aider les PME et PMI ? Pour une petite économie de 100 millions d'euros, que de faillites à venir, que de drames humains ! Enfin, est-ce le bon sens de condamner les ZFU quand une évaluation de ce dispositif a été confiée à la délégation interministérielle à la ville ? Elle n'a pas encore rendu ses conclusions.

Notre responsabilité est grande : nous entendons aider le Gouvernement à réformer et réduire la dépense publique, mais nous ne pouvons le suivre dans une voie qui n'est pas la bonne.

Il faut absolument supprimer l'article 82.

Je vous fais confiance pour trouver une solution d'ici la CMP, dans le cadre du plan de relance annoncé par le Président de la République, pour respecter la parole de l'État en soutenant les PME des zones franches urbaines. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite et au centre.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - Les orateurs, précédents ont très bien démontrés que l'article 82 était une erreur. Quand les choses sont aussi claires, supprimer l'article rend service au Gouvernement.

Comme l'a souligné M. Braye, les zones franches urbaines sont fragiles. Les chefs d'entreprise qui ont investi sont des gens courageux ; ils ont pris des risques car l'État leur avait dit qu'il les soutiendrait. Nous n'avons pas le droit de trahir leur confiance, ni celle des populations, qui comptent sur l'État plus encore aujourd'hui qu'hier !

La commission unanime a voté l'amendement.

M. le président.  - Amendement identique n°II-201, présenté par M. Repentin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Raymonde Le Texier.  - J'espère être claire. Je ne suis pas hostile aux zones franches urbaines, mais il faut que les entreprises embauchent les habitants des quartiers concernés.

Les amendements de suppression ont suscité des plaidoyers brillants. Je serai donc brève.

Le Gouvernement veut mettre progressivement fin aux exonérations de charges patronales à partir du 1er janvier 2009. Elles disparaîtraient totalement pour les rémunérations supérieures à 240 % du Smic. La Fédération des associations d'entreprises de ZFU s'inquiète de décisions susceptibles d'avoir des conséquences graves pour les entreprises qui jouent le jeu, car le bouleversement de trésorerie qu'elles subiraient les mettrait sérieusement en difficulté, alors que tous les indicateurs sociaux et économiques sont déjà au rouge.

D'autres orateurs ont rappelé qu'il faudrait au moins attendre les résultats de l'évaluation nationale en cours avant toute modification, car on ne peut voter une telle réforme à la va-vite !

M. le président.  - Amendement n°II-247, présenté par le Gouvernement.

Supprimer les cinquième (3°), septième (5°) et dernier (6°) alinéas de cet article.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Rappelez-vous l'histoire de la chèvre de M. Seguin. (Sourires)

Mme Odette Terrade.  - Qui est la chèvre ?

Mme Christine Boutin, ministre.  - Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression, mais conscient des incidences qu'aurait une modification rapide des règles en vigueur, il propose une sortie en sifflet : le délai serait allongé de trois ans, sauf pour les petites entreprises employant moins de cinq salariés, qui sortiraient du dispositif après neuf ans.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Toute la nuit, Mme la ministre aura lutté avant de rendre les armes...

Je salue l'effort du Gouvernement en vue d'une sortie en sifflet, mais je reste favorable à la suppression de l'article. Une solution pourra être dégagée en CMP.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je salue l'attitude du Gouvernement, qui fait face ce soir à un Sénat très solidaire : tous les groupes et toutes les commissions convergent pour supprimer l'article.

L'actualité ne vous sert pas ! Vous voulez aménager l'article 82, alors que le discours du Président de la République prononcé à Douai vous oblige à revenir dans quelques semaines devant le Parlement avec un collectif budgétaire tirant les conséquences des 700 millions attribués au secteur dont vous avez la charge.

Ne prenez pas en mauvaise part la position de la commission des finances. Je serai sans doute membre de la CMP. D'ici sa réunion, nous aurons eu le temps de réfléchir ensemble. Ce soir, notre ambition est de vous aider à conduire la politique qui est la vôtre : notre vote n'est pas une mauvaise manière.

M. Thierry Repentin.  - Je serai concis.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Très bien !

M. Thierry Repentin.  - Des instants de cette nature grandissent notre institution, où une expérience partagée dans les collectivités territoriales transcende les clivages politiques pour dégager une solution pragmatique.

Conseiller général d'une ZRU, je ne jalouse pas le dispositif fiscal des ZFU. Je voterai donc l'amendement de suppression.

En effet, il ne faut pas faire croire à nos concitoyens, ni aux élus locaux, que les zones franches urbaines seraient destinées aux emplois de petite qualification, donc de petite gratification. L'article 82 inciterait les employeurs à limiter les salaires pour conserver les avantages fiscaux.

Je me souviens avec émotion de la mission d'information conduite sous la présidence de M. Türk : nous avons constaté les efforts réalisés par les maires des zones franches urbaines pour attirer les entreprises avec des emplois de toute nature.

A l'Assemblée nationale, nos collègues n'ont pas réussi à convaincre la majorité. Ce soir, notre ambition est visiblement partagée.

M. Pierre André a involontairement rendu hommage à Martine Aubry : faisant preuve d'ouverture, elle a montré que les combats du passé étaient derrière nous, et qu'il fallait regarder vers l'avenir. Voilà un signe supplémentaire de notre consensus !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je ne souhaite ni retarder les débats, ni exercer la moindre pression. Nous avons reporté déjà deux discussions prévues pour jeudi. Elles doivent commencer samedi à 14 heures, à condition de ne pas finir trop tard la prochaine séance. Selon les meilleurs prévisionnistes du Sénat, si elle débute à 9 heures 30, nous en aurons fini à 5 heures 08 (sourires) dans la nuit de vendredi à samedi. Mais pour commencer à 9 heures 30, nous devons conclure notre débat avant minuit et demi.

M. le président.  - Nul n'a ressenti vos propos comme une pression.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement II-39, identique aux amendements n°sII-105, II-153 rectifié bis, II-179 et II-201 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 339
Contre 0

Le Sénat a adopté. (Applaudissements)

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis. - Bravo !

L'amendement II-39, identique aux amendements n°sII-105, II-153 rectifié bis, II-179 et II-201 est adopté et l'article 82 est supprimé.

L'amendement n°II-247 devient sans objet.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°II-40, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances.

Après l'article 82, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 351-3 du code de la construction et de l'habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« - le terme constant de la participation personnelle du ménage. »

II. - L'article L. 542-5 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« - le terme constant de la participation personnelle du ménage. »

III. - Après le septième alinéa de l'article L. 831-4 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - le terme constant de la participation personnelle du ménage. »

IV. - Les dispositions des I à III s'appliquent à compter du 1er janvier 2010.

V. - La perte de ressources résultant pour l'État des dispositions des I à IV est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - La commission des finances avait déjà présenté un amendement similaire l'année dernière. Il s'agit d'indexer selon les mêmes règles que les autres composantes du calcul des aides personnelles au logement la valeur du « reste à payer » pour les locataires. Cette participation minimale a été portée en 2008 de 30 à 31 euros. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, il est prévu de la porter à 33 euros, soit une hausse de 10 % en deux ans. Plutôt que de gratter ainsi quelques millions d'une année sur l'autre, il serait préférable que ce reste à payer évolue comme les autres variables des aides personnelles.

M. le président.  - Sous-amendement n°II-104 à l'amendement n°II-40 de M. Dallier , au nom de la commission des finances, présenté par M. Repentin, au nom de la commission des affaires économiques.

Dans le IV de l'amendement n°II-40, remplacer le millésime :

2010

par le millésime :

2009

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis.  - La commission des finances propose d'indexer la participation minimale des allocataires aux dépenses de logement sur l'indice de référence des loyers (IRL). Nous souscrivons à cette démarche, qui vise à instaurer une règle claire pour les locataires.

Mais nous voulons faire de cette très bonne mesure une excellente mesure. L'amendement prévoit que la nouvelle règle ne s'appliquera qu'à partir du 1er janvier 2010 ; il laisse donc le Gouvernement libre d'augmenter à sa discrétion le reste à payer en 2009, et de récupérer ainsi une soixantaine de millions d'euros sur le dos des locataires. La commission des affaires économiques a donc adopté à l'unanimité ce sous-amendement qui tend à avancer au 1er janvier 2009 la date d'entrée en vigueur de la nouvelle règle.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Nous nous en remettons à l'avis du Gouvernement sur ce sous-amendement, qui risque d'augmenter les dépenses de l'État en 2009.

Mme Christine Boutin, ministre.  - La loi Dalo a indexé sur l'IRL le montant de l'APL : ce fut un net progrès. Votre commission des finances propose d'indexer aussi sur l'IRL le montant de la participation minimale, sorte de ticket modérateur qui représente 8,5 % des dépenses de logement. Cette participation est actuellement forfaitaire, et le projet de loi prévoit de la porter de 31 à 33 euros. Je ne suis pas favorable à son indexation sur l'IRL : il est bon que nous puissions déterminer le montant de sa réévaluation en fonction de la situation des ménages concernés et de l'évolution des autres paramètres. Cette année par exemple, cette évolution est favorable aux ménages et représente un coût de 245 millions d'euros pour l'État. Il n'est donc pas illogique d'augmenter de 2 euros le reste à charge.

Le sous-amendement de M. Repentin reviendrait à porter la participation minimale à 31,91 euros en 2009 au lieu des 33 euros prévus par le projet de loi, ce qui coûterait 37 millions d'euros à l'État.

Enfin, on peut s'interroger sur l'opportunité d'inclure dans le PLF pour 2009 la mesure proposée par M. Dallier, qui n'entrerait en vigueur qu'en 2010.

Retrait, sinon rejet de l'amendement et du sous-amendement.

Le sous-amendement n°II-104 n'est pas adopté.

L'amendement n°II-40 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°II-41, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances.

Après l'article 82, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le compte général de l'État, annexé au projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion, inscrit la provision au titre des litiges résultant de la mise en jeu de la responsabilité de l'État en application de la loi n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Nous craignions qu'une disposition votée par l'Assemblée nationale n'en contredît une autre, adoptée à l'initiative du Sénat dans le cadre du projet de loi de mobilisation pour le logement, mais nos entretiens avec les députés nous ont rassurés. Nous retirons donc l'amendement.

L'amendement n°II-41 est retiré.

Article 83

Le Gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l'année, un rapport récapitulant, pour l'exercice budgétaire en cours d'exécution et l'exercice suivant, la contribution de la participation des employeurs à l'effort de construction au financement du programme national de rénovation urbaine et de l'Agence nationale de l'habitat, en indiquant la répartition détaillée de ces crédits.

Cette annexe générale est déposée sur le bureau des assemblées parlementaires et distribuée au moins cinq jours francs avant l'examen, par l'Assemblée nationale, en première lecture, de l'article d'équilibre du projet de loi de finances de l'année.

Mme Odette Terrade.  - L'article 83 porte sur le 1 % logement. Sur la forme, il fait doublon avec un article introduit dans le projet de loi de mobilisation pour le logement, qui oblige le Gouvernement à informer le Parlement des engagements financiers contractés au titre du 1 % logement avec l'Anru et l'Anah. Il serait d'ailleurs préférable de supprimer l'article en question du projet de loi de mobilisation, plutôt que cet article 83.

Sur le fond, l'article 83 révèle l'inquiétude partagée jusque dans les rangs de la majorité sur l'avenir du 1 % logement. Ce qui était jusqu'ici une forme de salaire socialisé de l'ensemble des salariés deviendra une recette du budget général de l'État. La solution serait de ne pas voter l'article 3 de la loi de mobilisation qui organise ce véritable hold up sur les ressources du 1 %, et de ne pas voter non plus ce budget !

M. le président.  - Amendement n°II-42, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances.

Supprimer cet article.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - C'est en fait l'amendement n°II-42 que je voulais retirer tout à l'heure ! L'amendement n°II-41 présentait, lui, un véritable intérêt ! Nous n'aurions pas dû aller si vite...

L'amendement n°II-42 est retiré.

L'article 83 est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°II-180, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 83, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article L. 351-8 du code de la construction et de l'habitation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le montant remboursé est proportionnel au nombre d'allocataires bénéficiant de l'aide. »

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - Cet amendement tend à indexer le montant du remboursement versé aux Caisses nationales d'allocations familiales (Cnaf) pour les frais de gestion de l'APL sur le nombre de dossiers traités, plutôt que sur le montant des prestations versées, comme c'est le cas actuellement.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Avis favorable.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Retrait, sinon rejet. Les frais de gestion de l'APL dépendent plutôt du nombre d'actes réalisés pour chaque dossier que du nombre de bénéficiaires, ce qui rend très difficile l'évaluation de ces frais. La règle des 2 % du montant des prestations présente l'avantage de la simplicité pour le Fonds national d'aide au logement et pour les organismes payeurs. D'ailleurs la récente simplification des modalités de calcul des ressources des demandeurs, grâce à la télétransmission des données fiscales, réduira le coût de l'instruction des dossiers.

Enfin, la détermination des modalités du remboursement des frais de gestion relève du règlement et non pas de la loi.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - Je comprends qu'on vous ait présenté ces arguments mais je sais qu'on peut compter les dossiers.

Mme Christine Boutin, ministre.  - C'est possible, mais cela coûte de l'argent.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - C'est ce qu'on vous dit ! Je voulais vous faire faire des économies mais si le Gouvernement n'en veut pas, je retire l'amendement.

L'amendement n°II-180 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-181, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 83, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa du III de l'article 85 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 est ainsi rédigé :

« L'octroi de la garantie de l'État prévue au I et II est subordonné au respect des conditions d'éligibilité des locataires des logements concernés. Sous réserve du respect des autres conditions d'éligibilité, la garantie de l'État est accordée lorsque le montant du loyer est inférieur à 50 % des ressources du locataire. »

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - La garantie de revenu locatif a été instituée en 2007 afin d'inciter les propriétaires à remettre des logements sur le marché et pour qu'ils les louent à des actifs qui ont souvent du mal à se loger, comme les travailleurs à temps partiel ou les allocataires du RMI. Or rien ne garantit que la cible visée soit atteinte car la loi ne précise pas le taux d'effort minimum. Imaginons une personne qui gagne 800 euros par mois et qui choisisse un logement dont le loyer est de 400 euros, elle aura droit à une aide personnalisée de 200 euros, ce qui ramènera son taux d'effort à 25 %. Si le minimum avait été fixé à 33 %, comme le demandent avec insistance les assurances, cette personne serait exclue du dispositif. Cet amendement est donc crucial pour les plus vulnérables. J'ajoute que selon les estimations du 1 % logement, 50 000 logements supplémentaires pourraient ainsi être remis sur le marché tandis que l'État réaliserait une économie puisque la garantie de revenu locatif développe une approche intelligente : en cas d'impayé, un auxiliaire social se déplace et dans 95 % des cas, il trouve une solution : voilà autant de frais de justice économisés.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Avis du Gouvernement ?

Mme Christine Boutin, ministre.  - La question est d'importance et je partage votre intérêt pour la garantie de revenu locatif : c'est un amendement que j'avais déposé à la loi sur le droit au logement opposable qui a affirmé son caractère universel. Il est légitime de s'interroger sur la fixation du taux d'effort par la loi, mais le hasard du calendrier fait que les négociations entre les partenaires sociaux et les assurances aboutiront demain -ils s'étaient engagés à les conclure avant la fin de l'année. Je les ai encore eus tout à l'heure et ils m'ont indiqué que prendre aujourd'hui cette décision enverrait un mauvais signal aux assurances. Vous connaissez ma détermination à aboutir et c'est précisément parce que je suis déterminée que je souhaite le retrait de l'amendement.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - Je sais combien vous êtes sensible à ce sujet, mais je crois que c'est au législateur qu'il revient de définir le taux de cette garantie en fonction du public visé. Or il s'agit des publics les plus sensibles. Il restera ensuite à négocier les modalités. Je maintiens donc l'amendement.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Pouvez-vous, madame la ministre, nous rappeler la date butoir de la négociation ?

Mme Christine Boutin, ministre.  - Je vous l'ai dit : demain, il y aura un accord.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Nous pourrions prendre rendez-vous pour le collectif, qui viendra dans trois semaines.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Bien sûr !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - Je me méfie toujours des rendez-vous, (sourires) mais puisque la commission des finances et le Gouvernement sont d'accord sur cette date...

Mme Christine Boutin, ministre.  - Absolument !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - Je reprendrais alors l'amendement et j'espère qu'il aurait alors un avis favorable, car c'est le bon sens que de fixer un plafond et un plancher de la garantie.

L'amendement n°II-181 est retiré.

Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 5 décembre 2008, à 9 h 45.

La séance est levée à minuit quarante.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du vendredi 5 décembre 2008

Séance publique

A 9 HEURES 45, A 15 HEURES ET LE SOIR

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l'Assemblée nationale (n°98, 2008-2009)

Rapport (n°99, 2008-2009) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation

Examen des missions :

- Action extérieure de l'État

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial (rapport n°99, annexe n°1)

M. Yves Dauge, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n°100, tome I)

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Action extérieure de l'État : Moyens de l'action internationale - avis n°102, tome I)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Action extérieure de l'État : action culturelle et scientifique extérieure - avis n°102, tome II)

- Administration générale et territoriale de l'État (+ articles 56 à 58)

Mme Michèle André, rapporteur spécial (rapport n°99, annexe n°2)

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (avis n°104, tome I)

- Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 67 à 72)

Compte spécial : avances aux collectivités territoriales

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial (rapport n°99, annexe n°24)

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (avis n°104, tome IX)

- Médias

Compte spécial : avances à l'audiovisuel (+ articles 86, 87 et 88)

M. Claude Belot, rapporteur spécial (rapport n°99, annexe n°17)

MM. Michel Thiollière et David Assouline, rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles (Avances à l'audiovisuel  -  avis n°100, tome VI)

M. Joseph Kerguéris, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Médias : audiovisuel extérieur - avis n°102, tome VIII)

- Culture (+ articles 59 octies et 59 nonies)

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial (rapport n°99, annexe n°7)

MM. Philippe Nachbar et Serge Lagauche, rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n°100, tome III)

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces.