SÉANCE

du jeudi 4 juin 2009

112e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente

Secrétaires : Mme Michelle Demessine, M. Jean-Paul Virapoullé.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Contribution exceptionnelle de solidarité (Proposition de loi)

Mme la présidente.  - Nous abordons la troisième journée mensuelle réservée aux groupes de l'opposition et aux groupes minoritaires en application de l'avant-dernier alinéa de l'article 48 de la Constitution révisée, entré en vigueur le 1er mars 2009.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à créer une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises ayant réalisé des bénéfices records, présentée par MM. François Rebsamen, Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Discussion générale

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Ce texte, qui s'inscrit dans la continuité des travaux menés par notre groupe, crée, en son article premier, une contribution exceptionnelle de solidarité à l'égard des grandes entreprises dont les bénéfices en 2008 étaient au moins supérieurs de 10 % à ceux de 2007. Nous instituons, à l'article 2, une modulation de l'impôt sur les sociétés en fonction du comportement de l'entreprise en matière de réinvestissement des bénéfices -bref, un système de bonus-malus- et, à l'article 3, une contribution complémentaire à l'égard des entreprises pétrolières. Enfin, sans surprise, nous supprimons, à l'article 4, le dispositif de la loi Tepa, dont les effets se sont fait tant sentir sur les finances publiques.

M. François Marc.  - Exact !

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi. - Les recettes de Bercy sont en chute libre...

M. Jean Arthuis, rapporteur de la commission des finances.  - N'exagérons rien !

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Les rentrées de l'impôt sur les sociétés ont fondu de 11 milliards au cours du premier trimestre 2009. Au reste, le Premier président de la Cour des comptes notait hier que les recettes nettes de l'impôt sur les sociétés avait connu un recul sensible dès 2008, sous l'effet des dégrèvements et autres remboursements, correspondant à 20 % de l'IS brut.

Cet effondrement, associé aux cadeaux fiscaux accordés aux plus favorisés et à une situation économique extrêmement préoccupante, creusera encore le déficit de l'État fixé à 104 milliards dans le dernier collectif budgétaire. Or plus le déficit sera important, plus la reprise économique sera difficile. Ne nous voilons pas la face ! L'État doit retrouver la capacité financière d'intervenir et le Gouvernement, nous l'avons souligné à maintes reprises, ne doit pas s'entêter à maintenir des mesures fiscales injustes et inefficaces par dogmatisme. Trouvons d'autres voies.

La contribution exceptionnelle de solidarité financerait des mesures anticrise : outre qu'elle corrigerait les effets du bouclier fiscal, elle servirait, entre autres, à abonder le fonds stratégique d'investissement, à soutenir les PME et à apporter un début de solution pour lutter contre le chômage. Car, sur l'emploi, la situation est également préoccupante, voire dramatique. Selon l'Unedic, quelque 600 000 emplois seront détruits en 2009 et près de 1 million d'ici 2010 -autant de traumatismes pour les familles concernées.

Une telle contribution sur les sociétés a déjà été mise en oeuvre mais, il est vrai, par le Gouvernement Jospin. Elle avait conservé son caractère exceptionnel, ce qui devrait rassurer tous ceux pour qui une taxe exceptionnelle est suspecte et contraire aux principes de stabilité et de prévisibilité de l'impôt.

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Hélas !

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - De surcroît, nous proposons non une taxe mais une contribution temporaire...

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Un impôt remboursable !

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - ...dont le principe n'a pas été écarté par Mme Bachelot, hier, pendant les débats sur la loi portant réforme de l'hôpital, contrairement à celui d'une taxe, et la mise en oeuvre envisagée par le ministre des finances en 2005. Celui-ci avait alors appelé les acteurs du secteur pétrolier à se comporter en entreprises citoyennes, faute de quoi il n'excluait pas la possibilité de soumettre au vote des députés » -et des sénateurs, aurait-il dû ajouter- « une taxe exceptionnelle correspondant à une situation exceptionnelle ».

M. François Marc.  - Ils l'ont dit, nous le faisons !

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Rien ne justifie donc que l'on nous oppose aujourd'hui la dangerosité des taxes dérogatoires. Il est question non d'une taxe mais d'une contribution temporaire à l'effort national, affectée au budget de l'État.

Les grands groupes éligibles à la contribution sont GDF-Suez, qui a dégagé 13 % de bénéfices supplémentaires en 2008 -nous ne sommes pas contre les bénéfices mais contre la manière dont ils sont utilisés-, Total avec 14 % et Lagardère avec 11 %. Total, justement, qui annonce la suppression de 555 emplois, qualifiée d'ajustement progressif des effectifs, sans oublier la mise en chômage partiel de 6 000 salariés dans sa filiale Hutchinson, tout en procédant au rachat d'actions et en distribuant 5,4 milliards de dividendes. Encore hier, un de ses dirigeants se félicitait de ne pas payer d'impôts grâce aux niches fiscales et aux retraites chapeau. Nous ne pouvons donc pas nous satisfaire des 50 millions sur cinq ans, soit 0,07 % des bénéfices de 2008, que Total décide de verser au fonds d'expérimentation pour les jeunes. Cela ne suffit pas. Cette participation, annoncée immédiatement après la nouvelle des suppressions de poste, a été décidée unilatéralement. Or c'est au Parlement de décider d'une participation financière aux efforts nationaux, c'est à lui de s'exprimer sur le bien-fondé d'une contribution exceptionnelle de solidarité !

L'arme fiscale doit être l'arme anticrise et l'outil de la solidarité sans aggraver les déficits. Nous n'héritons pas la dette de nos parents mais nous la léguons à nos enfants... Récemment, un sénateur expliquait qu'il y a deux solutions pour obtenir une contribution significative des entreprises françaises. La première, contraignante, consiste à créer une contribution additionnelle exceptionnelle, objet des articles 1 et 3 de ce texte.

L'autre, plus partenariale, repose sur l'incitation fiscale, avec le bonus-malus prévu à l'article 2. Estimant qu'un tel débat méritait d'être approfondi, le ministre du budget s'était engagé à interroger le Trésor et la direction de la législation fiscale et à y revenir lors de la prochaine loi de finances. Pourquoi ne pas anticiper ce débat ?

Il faut donner des signaux de justice aux citoyens, frappés par la crise, doublement victimes de la hausse des prix et du chômage, nargués par les annonces récurrentes de parachutes dorés, de retraites chapeau et autres dividendes mirifiques.

Les entreprises ici visées ont les moyens d'être mises à contribution : elles ont été largement bénéficiaires, malgré une baisse de leurs bénéfices en 2009.

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Ça tombe mal...

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Les profits se comptent toujours en milliards d'euros.

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Ils sont déjà imposés à l'étranger.

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Le prix du pétrole va continuer son ascension. Il faut mettre fin à cette maximisation du retour aux actionnaires, alors que les consommateurs supportent des prix croissants. Ce n'est qu'en avril que le prix du gaz a fini par baisser, bien après la période de chauffage !

Le Gouvernement a renoncé à lutter contre les montages fiscaux imaginés par les experts financiers, véritables abus de droit, et recule aujourd'hui sur le contrôle des prix de transfert, à l'heure où le Président des États-Unis entend pour sa part vérifier que les entreprises paient bien leurs impôts à l'État fédéral -représentant 35 %, contre 33,33 % pour notre impôt sur les sociétés- et lutter contre la défiscalisation et l'évasion fiscale.

L'explosion des profits de ces entreprises ne s'est pas traduite par une hausse des investissements productifs mais par une dérive exponentielle des plus hautes rémunérations, alors que les salaires des ouvriers sont comprimés. On ne peut donc arguer que la contribution proposée réduirait la capacité d'investissement des entreprises et pénaliserait les « fleurons » de l'économie française !

Opposer que les résultats du premier trimestre 2009 seraient moins bons ne tient pas non plus. Les records de 2008 étaient difficiles à dépasser. Qui plus est, des entreprises publiques sont appelées à contribuer au plan de relance, à commencer par EDF.

Le gouvernement américain a annoncé l'abrogation de plusieurs niches fiscales dont bénéficiaient les compagnies pétrolières.

On ne peut opposer l'argument du risque de délocalisations. Total a besoin de la puissance diplomatique de la France -même si elle devrait être plus prudente dans certains pays comme la Birmanie...

Heureusement qu'il reste quelques entreprises publiques pour financer le plan de relance ! Pourquoi appliquer ainsi deux poids, deux mesures ? Il faut tout mettre en oeuvre pour réduire le déficit.

M. Mestrallet, à l'époque président de l'Institut de l'entreprise, écrivait que « l'optimisation fiscale est une pratique aussi ancienne que la fiscalité elle-même ; il est clair, en revanche, que ses techniques tendent à se complexifier à mesure que progresse la mondialisation des échanges et que s'intensifie la concurrence fiscale internationale ».

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - C'est évident.

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - La complexité de notre système fiscal est due avant tout à la mondialisation des échanges.

Les collectivités -qui représentent 75 % des investissements publics- ne doivent pas être les seules à servir de « parachutes » aux victimes de la crise. Il faut répondre à cette situation de crise exceptionnelle par des mesures justes et efficaces. L'État doit protéger les plus faibles et aider l'économie à repartir le moment venu. D'autres ont déjà proposé des taxations ou sur-taxations temporaires -celle de M. Juppé a duré, duré...

Refuser notre proposition de loi serait faire preuve d'un dogmatisme idéologique dont les Français n'ont que faire. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Arthuis, rapporteur de la commission des finances.  - M. Rebsamen vient de tenter de nous faire partager ses convictions.

M. Daniel Raoul.  - Il a réussi !

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Sans dogmatisme aucun, je salue son intention.

M. Richard Yung.  - Ça commence bien.

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Une telle proposition témoigne d'une préoccupation légitime : la dégradation des finances publiques résultant à la fois d'une baisse des recettes fiscales et d'une augmentation des besoins de financement.

Cette proposition a pour conséquence de majorer, sous certaines conditions, l'impôt sur les sociétés.

La France connaît d'ores et déjà un des taux nominaux d'impôt sur les sociétés les plus élevés d'Europe. A ce titre, votre commission des finances rappelle régulièrement la nécessité d'envisager une réforme de cet impôt fondée sur une diminution du taux et un élargissement de l'assiette, par abrogation des multiples niches et autres dérogations spécifiques, qui font le bonheur des experts en optimisation fiscale. (M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi, approuve)

Notre commission est attachée à une simplification et une clarification de notre système fiscal. Cela étant, l'alourdissement de fiscalité proposé pour certaines entreprises apparaît donc malheureusement contre-productif et inefficace.

Premièrement, il aggrave la dégradation de la compétitivité de la France et accroît les risques de délocalisations. Je rappelle que les grands groupes français investissent à l'étranger ; j'espère, madame la ministre, quelques précisions à ce sujet. En se focalisant sur les entreprises bénéficiaires, la proposition fragilise, à court terme, une activité économique déjà affaiblie. Je rappelle que notre commission s'est félicitée, lors de la dernière loi de finances rectificative, que le Gouvernement ne procède à aucun ajustement pour compenser les moins-values fiscales attendues, soutenant ainsi indirectement l'activité par le jeu des stabilisateurs automatiques. Dans la même ligne, notre commission a appelé à un moratoire fiscal en 2009, le grand rendez-vous sur ce sujet devant être à l'automne avec la loi de finances. La proposition fragilise également, à long terme, une compétitivité qui nécessite d'être maintenue, voire renforcée, afin de réussir la sortie de crise et l'après-crise. Il faut conserver sur notre territoire les entreprises dynamiques ; or, si la fiscalité n'explique pas à elle seule la localisation des activités, elle en est un facteur décisif.

Deuxièmement, les mesures proposées ajouteraient de la complexité à un système fiscal déjà peu lisible : ainsi devrait-on non seulement distinguer les entreprises dont le chiffre d'affaires est de moins de 7,63 millions d'euros, dont l'impôt sur les sociétés est supérieur à 763 000 euros, mais aussi les entreprises qui ne sont pas des PME au sens communautaire mais qui réalisent des bénéfices dont la croissance annuelle est supérieure à 10 %, les entreprises qui réinvestissent leurs profits, celles qui distribuent leurs profits, celles qui appartiennent au secteur pétrolier, etc. Vous donnez du grain à moudre à tous les optimisateurs. Ces micro-régimes, qui se superposeraient à l'ensemble des niches fiscales, sont contraires aux options de votre commission qui milite depuis plusieurs années pour un dispositif simple basé sur une assiette élargie et un taux d'imposition abaissé.

M. François Marc.  - Que fait le Gouvernement ?

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Troisièmement, les dispositions proposées ont une efficacité incertaine. Elles ont notamment pour objectif d'accroître la contribution fiscale de certaines sociétés et de les inciter à renforcer leurs fonds propres. Mais les modalités retenues pour atteindre ces objectifs apparaissent discutables. En premier lieu, on peut s'interroger sur le nombre de redevables de la contribution exceptionnelle de solidarité en 2010. Cette contribution concerne des entreprises qui réalisent des bénéfices en hausse de plus de 10 % par rapport à l'exercice précédent. Or, au vu des résultats du premier trimestre, le nombre d'entreprises qui afficheront des bénéfices à deux chiffres pour 2009 risque d'être très réduit. Si tel était le cas, la mesure aurait non seulement le tort de présenter les inconvénients que je viens d'indiquer mais aussi celui de ne pas apporter de recettes supplémentaires à l'État.

En second lieu, la proposition de modulation de l'impôt sur les sociétés (IS) en fonction de la politique de distribution des bénéfices des entreprises, aussi intéressante soit-elle, ne permettra ni de renforcer significativement leurs fonds propres, ni d'augmenter les recettes fiscales. L'article 2 distingue entre profits distribués et profits réinvestis, c'est-à-dire soit mis en réserve soit incorporés en capital. Le taux de l'impôt sur les sociétés serait majoré de 10 % dès lors que l'entreprise distribue plus de 60 % de ses bénéfices imposables, et minoré de 10 % lorsque, a contrario, elle réinvestit 60 % et plus de ces derniers. Ce dispositif serait opportun si la distinction profits distribués/profits réinvestis avait un sens pour le plus grand nombre des entreprises établies sur notre territoire, mais tel n'est pas le cas. Comme le souligne le rapport Colis sur le partage de la valeur ajoutée, le nombre d'entreprises qui distribuent des dividendes est in fine restreint : en 2006, 16,4 % des PME ont distribué des dividendes, cette proportion étant de 30,6 % pour les entreprises de taille intermédiaire et de 41 % pour les grandes entreprises. En outre, ce dispositif serait intéressant s'il était réellement incitatif pour les entreprises potentiellement concernées. Or, la référence au bénéfice imposable, c'est-à-dire avant soustraction de l'IS, compte tenu des éléments non déductibles du bénéfice comptable, conduit à un dispositif non opérationnel : en effet, très rares seraient les sociétés à dépasser un taux de distribution supérieur à 60 % dans les conditions de la proposition de loi car cela signifierait qu'elles distribuent la quasi-totalité de leur résultat net. La mesure proposée n'aurait pas l'impact souhaité puisque la moyenne du taux de distribution des entreprises privées du CAC 40 -calculé, selon l'usage, par le ratio montant des dividendes nets/bénéfice net- était, en 2007, de 40,56 %, soit un taux d'environ 27 %, si l'on prend comme dénominateur le bénéfice imposable. Avec cette proposition de loi, les entreprises bénéficieraient de facto d'une minoration de leur taux d'IS sans avoir pour autant à changer leur politique de distribution. Par ailleurs, l'actionnaire peut avoir intérêt à ne pas percevoir de dividendes, la mise en réserve de l'intégralité du bénéfice ayant pour conséquence d'augmenter la valeur des titres. Souhaite-t-il disposer de trésorerie qu'il peut vendre quelques actions bien valorisées. En conclusion, la modulation de l'IS en fonction de la politique de distribution n'apparaît pas comme le vecteur adéquat pour renforcer les fonds propres des entreprises, notamment petites et moyennes. La consolidation du capital des PME passe davantage par une modification du dispositif de réduction d'impôt de solidarité sur la fortune. Je renvoie, à ce titre, à ma proposition de loi qui devrait être discutée en séance publique le 29 juin prochain. En application de la loi Tepa, les redevables de l'ISF peuvent souscrire des parts dans le capital de PME. Or, les banques ont inventé des holdings -une intermédiation financière- pour collecter ces fonds d'ISF et les mettre à disposition des PME. Il faut savoir que certaines de ces holdings conservent les fonds collectés pendant trente mois avant de les transférer aux PME. (Exclamations sur les bancs socialistes) Ma proposition de loi vise à réduire à six mois le délai pendant lequel ces holdings conservent ce matelas de ressources dormantes.

L'article premier de la proposition de loi socialiste crée une contribution exceptionnelle de solidarité de 5 % sur l'IS -soit 1,66 point- sur les entreprises qui dégagent des bénéfices au moins supérieurs à 10 % à ceux de l'année précédente. Outre que cet article s'appuie sur des dispositions abrogées du code général des impôts, cette mesure est inopportune pour les raisons que j'ai dites.

L'article 2 module le taux de l'impôt sur les sociétés, de plus ou moins 3,33 points, en fonction de l'affectation des bénéfices réalisés par les entreprises afin d'inciter ces dernières à renforcer leurs fonds propres. Comme je l'ai dit, on peut s'interroger sur la pertinence d'un tel dispositif eu égard à l'objectif recherché. En outre, la neutralité fiscale est sur ce point souhaitable car l'arbitrage entre ce qui doit être mis en réserve pour l'autofinancement et ce qui doit être distribué sous forme de dividendes relève de l'entière responsabilité des organes sociaux des entreprises.

L'article 3 créé une contribution exceptionnelle de solidarité pour les entreprises du secteur pétrolier. La « taxe Total » est une idée récurrente mais son application selon les modalités proposées alourdirait de façon très significative, et de surcroît permanente, la fiscalité de ce secteur. Or, d'une part, ce dernier contribue à la compétitivité de notre pays et, d'autre part, il convient de prendre du recul sur ces « superprofits » en tenant compte de l'importance des budgets d'investissement de ces entreprises -14 milliards pour Total en 2009, soit un montant quasi équivalent à ses bénéfices pour 2008- et du caractère international de leur activité. Par ailleurs, on peut s'interroger sur le caractère arbitraire du périmètre de la disposition au regard de l'ensemble des entreprises relevant du secteur énergétique. Le groupe Total est actionnaire dans diverses sociétés sur notre territoire où il contribue ainsi à maintenir des emplois en aidant des PME.

L'article 4 prévoit, afin de compenser une éventuelle perte de recettes fiscales, quatre gages, dont l'abrogation de la loi dite Tepa et la suppression de l'indexation automatique de l'ISF. Cette compensation financière remet en cause la politique économique du Gouvernement. Rappelons que la loi Tepa a défiscalisé les heures supplémentaires, encouragé l'accession à la propriété, allégé les droits de succession et de donation, amélioré le financement des PME et mis en place le bouclier fiscal. Ces deux derniers points font certes l'objet de réflexions au sein de la commission mais ils ne sauraient être supprimés sans mesure alternative. Je rappelle que j'ai eu l'occasion de défendre ici un triptyque : suppression du bouclier fiscal, abrogation de l'ISF, institution d'une tranche de l'impôt sur le revenu pour compenser la moins-value fiscale. Nous aurons l'occasion d'en reparler...

La commission vous propose donc de n'adopter aucun des articles, bref, de rejeter la proposition de loi. (Applaudissements à droite)

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - Nous partageons sur deux points l'analyse qui sous-tend la proposition, la crise actuelle est grave et la situation des finances publiques préoccupante. Mais elle n'apporte pas une réponse pertinente et je conteste la manière qui consiste à désigner comme boucs émissaires les grandes entreprises et les ménages qui acquittent l'ISF : cela ne règlera rien. Il est dangereux, même, de détériorer la situation relative de nos grandes entreprises qui sont des leaders mondiaux dans leur secteur d'activité. Elles sont un moteur pour nos échanges extérieurs. N'allons pas susciter non plus des délocalisations par le taux d'impôt sur les sociétés, réjouissons-nous quand nos groupes investissent à l'étranger, félicitons-nous que la France soit le deuxième pays d'accueil des investissements étrangers. La compétitivité doit en effet constituer le fil directeur de notre politique économique et fiscale.

Je ne suis pas favorable à l'article premier qui est à l'opposé de nos orientations, lesquelles tendent à diminuer les charges fixes des entreprises. La mesure objet de votre article 2 pose de grandes difficultés techniques, au point que la gauche y avait renoncé en 2000 ! Elle induit des distorsions de concurrence car elle ne prend pas en compte les différences de structure de financement, d'actionnariat, d'activité. J'ajoute que les grandes entreprises publiques ont financé les infrastructures de leur secteur, transport, électricité.

S'agissant de la contribution exceptionnelle, le débat a déjà eu lieu. Les grandes entreprises sont déjà lourdement taxées, impôt sur les sociétés de 33,3 % et contribution sociale de 3,3 %, soit un taux effectif global de 34,43 %. Total dégage des bénéfices mondiaux consolidés, déjà imposés à l'étranger et distincts de son bénéfice imposable réalisé en France, lequel représente moins de 5 % du résultat net. Il ne me semble pas opportun de surtaxer notre champion alors qu'il investit, crée des emplois directs et induits, fait travailler des sous-traitants. Le Gouvernement est défavorable à l'adoption de la proposition de loi.

Je m'inscris en faux contre certains propos de M. Rebsamen. Concernant le contrôle des montages fiscaux abusifs, nous n'avons renoncé à rien et notre dispositif de répression des abus de droit est très performant. Quant au contrôle du prix de transfert, avec l'Allemagne par exemple, le plus grand nombre de redressements se fait sur ce motif. M. Woerth travaille à un durcissement des outils de contrôle des grandes entreprises, en particulier sur les obligations documentaires. Vous dénoncez comme une niche fiscale le bénéfice mondial consolidé mais cette notion comptable est en application depuis les années 60. Les entreprises sous ce régime se comptent sur les doigts d'une main, et encore ! Le Gouvernement veille chaque année à transmettre aux présidents des deux assemblées et aux présidents de leurs commissions des finances toutes les informations correspondantes.

La crise exige de nous un soutien aux entreprises et à l'activité. Ce n'est pas en supprimant les avancées de la loi Tepa que l'on y parviendra mais par un plan de relance cohérent et construit. Des mesures d'urgence ont ainsi été prises en fin d'année 2008 en faveur des ménages et des entreprises, à quoi se sont ajoutés les chantiers de relance suivis par M. Devedjian et le remboursement du trop perçu de TVA pour améliorer la trésorerie des entreprises. Il y a eu ensuite, en février, le sommet social et le plan pour l'automobile. Le renforcement de la compétitivité passe par l'innovation, l'information, l'investissement, non par des mesures inspirées par une approche idéologique. (Applaudissements à droite)

M. Marc Massion.  - L'idéologie, c'est chez vous qu'elle réside !

M. Alain Houpert.  - Cette proposition de loi fait suite à la question orale avec débat du 7 mai dernier sur une contribution exceptionnelle de solidarité pour les grandes entreprises du secteur de l'énergie. L'opposition a de la suite dans les idées ! Mais cette fois, toutes les entreprises sont concernées si elles réalisent des bénéfices.

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Faux.

M. Alain Houpert.  - Le groupe socialiste préconise une relance fondée sur l'augmentation des impôts et la taxation des entreprises. Ce choix politique n'est pas le nôtre.

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Vous ne faites pas le bon !

M. Alain Houpert.  - Le Président de la République a déclaré sans ambages qu'il n'était pas élu pour augmenter les impôts.

M. Daniel Raoul.  - Mais pour augmenter le pouvoir d'achat...

M. Alain Houpert.  - Le groupe UMP dans son immense majorité s'y refuse également. La crise ne nous fera pas changer de cap, parce que notre logique est la bonne et que les difficultés actuelles n'en diminuent pas la valeur, au contraire. Une hausse des impôts sur les ménages pèserait sur la consommation, donc réduirait l'activité économique et l'emploi. Une taxation accrue des entreprises freine la compétitivité et l'investissement, affecte le dynamisme et la santé des entreprises, menace l'emploi.

Pour notre part, nous luttons contre les abus, en encadrant la rémunération des hauts dirigeants et en plafonnant les niches fiscales. Nous poursuivons indéfectiblement nos efforts de diminution de la dépense, par la révision générale des politiques publiques. Avec des résultats ! Le deuxième rapport d'étape de la RGPP souligne que déjà 95 % des 374 décisions de modernisation sont en cours d'application.

Vous prônez une majoration de l'impôt sur les sociétés. Nous n'y souscrivons pas, pour des raisons politiques mais aussi techniques, que le rapport de la commission a parfaitement soulignées.

La proposition de loi est préjudiciable, inopportune et inefficace. La France a déjà un taux d'impôt sur les sociétés parmi les plus élevés d'Europe. Alourdir encore notre fiscalité causerait une perte de compétitivité et provoquerait des délocalisations. II serait contre-productif d'augmenter la pression fiscale sur ses entreprises les plus solides, qui parviennent à réaliser des bénéfices en dépit d'une conjoncture économique difficile. Les mesures proposées seraient également inefficaces, voire inopérantes. Elles rapporteraient peu de recettes à l'État car le nombre d'entreprises concernées serait très faible.

De même, la modulation du taux de l'impôt sur les sociétés en fonction de l'affectation des bénéfices et la majoration de 10 %, dès lors que l'entreprise en distribue plus de 60 %, seraient inopérantes, car très peu d'entreprises sont susceptibles de distribuer la quasi-totalité de leur résultat net !

Non seulement cette surtaxe augmenterait fortement, de 13,33 points, l'imposition du secteur pétrolier mais elle serait automatique et sans lien avec les bénéfices, ce qui est en contradiction avec l'intitulé de la proposition de loi.

Comme la commission des finances, le groupe UMP juge cette surtaxe inopportune car les entreprises pétrolières françaises participent au dynamisme de notre économie. En outre, une hausse aussi significative de leur fiscalité risquerait d'entraîner des délocalisations. Nous ne voterons donc pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. François Fortassin.  - Cette proposition donne l'occasion de débattre des inégalités flagrantes existant entre ceux qui sont frappés de plein fouet par la crise et ceux dont les gains, très importants, sont jugés parfois indécents. De même, nous devons nous interroger sur le bien-fondé du bouclier fiscal dans un contexte de crise très grave. (M. Jean Arthuis, rapporteur, approuve)

Les radicaux, à l'origine de la création de l'impôt sur le revenu (M. le rapporteur évoque Caillaux), sont particulièrement attachés à la progressivité de l'impôt, seule manière d'assurer une solidarité nationale. (Mme Bariza Khiari approuve) Toutefois, cette proposition de loi alléchante présente un caractère insidieux : le mieux est parfois l'ennemi du bien. (M. Jean Arthuis, rapporteur, approuve) Tout d'abord, un prélèvement exceptionnel risque d'être durable. Ensuite, il n'est pas bon de montrer du doigt certaines entreprises : il n'y a rien de choquant à ce qu'elles soient performantes. Il faut éviter de créer une sorte d'imposition « racket ».

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Très bien !

M. François Fortassin.  - Cela risquerait d'accélérer les délocalisations, surtout en période de décroissance.

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Quelle sagesse !

M. François Fortassin.  - Nous ne devons pas faire fuir les entreprises qui sont les fleurons économiques de notre pays. Nous préférons que l'État incite les entreprises bénéficiaires à participer à la relance par le biais d'une sorte de solidarité économique.

M. Jean-René Lecerf.  - Original !

M. François Fortassin.  - Ces sommes ne doivent pas être directement versées au budget de l'État, mais plutôt fléchées grâce à une sorte de parrainage entre entreprises qui participerait à un aménagement équilibré et harmonieux de notre territoire. Ce parrainage existe, mais n'a pas très bien fonctionné : il faut étudier cette piste. Nous sommes favorables à un abondement librement négocié pour financer également des actions à vocation sociale ou écologique, dans l'esprit de l'économie solidaire.

Je me méfie des mesures fiscales de circonstance, surtout si elles sont autoritaires et contraignantes. Je leur préfère des dispositions mûrement réfléchies avec les partenaires sociaux et les entreprises. Pour ces raisons, la majorité de mon groupe s'abstiendra lors du vote de ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Marc Massion.  - Avec ce texte, nous continuons à proposer avec obstination des remèdes fiscaux -et moraux- à la crise. La dégradation de la situation économique et sociale nous inquiète beaucoup, d'autant plus que la crise était déjà présente en France avant l'effondrement financier international, comme Philippe Séguin l'a signalé. Elle menace la cohésion nationale en dressant l'un contre l'autre deux pans entiers de la société D'un côté, les géants du CAC 40 : ainsi, Total a été qualifié tout à l'heure d'entreprise vertueuse, mais un membre du Gouvernement a quand même qualifié les agissements de la société dans la région du Havre de « dégueulasses » -pardonnez le mot.

De l'autre côté, on trouve les PME qui survivent difficilement, les salariés victimes du chômage et de la précarité et les collectivités locales asphyxiées par le désengagement de l'État. Je ne suis pas partisan d'une approche manichéenne, souvent caricaturale, mais je constate que le gouffre ne cesse de s'élargir entre ces deux catégories. Madame la ministre, rencontrez-vous des salariés brutalement licenciés ? Dans ma commune, trois entreprises ont fermé en quatre mois, supprimant 500 emplois directs. Des groupes dont la situation financière est saine annoncent ces décisions brutalement, puis « mégotent » -pardonnez encore l'expression- sur les plans sociaux. Les salariés concernés sont écoeurés. Selon eux, le Gouvernement et le Président de la République ne peuvent continuer à rouler des mécaniques à la télévision en parlant des patrons « voyous » si de tels comportements ne cessent pas. D'autant que Jean Arthuis nous apprend que les banques stockent pendant trois mois les fonds de l'ISF destinés aux PME. Que fait le Gouvernement ?

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Soutenez notre proposition.

M. Marc Massion.  - Nous proposons un outil fiscal efficace, pour une politique plus juste et solidaire. Les grandes entreprises devront verser une contribution de solidarité sur leurs bénéfices. « Solidarité » : ce mot simple est indispensable pour défendre le pacte républicain. Il s'agit de faire participer ces entreprises à l'effort d'investissement et d'innovation.

Un plafonnement favorise les grandes entreprises. Les profits des géants du CAC 40 n'ont jamais été aussi élevés : jusqu'en 2008, 220 millions d'euros par jour pendant cinq ans ! Leurs efforts en matière d'investissements ou de salaires étaient-ils alors à la hauteur de ces sommes ? En réalité, leur prospérité ne génère pas, pour le reste de l'économie, les retombées espérées. L'effort de solidarité nationale doit être fait par tous et pour tous ! Pourquoi se priver d'une telle recette fiscale alors même que le déficit record menace les finances publiques ?

Il faut donc décider rapidement de mesures en faveur de nos concitoyens et des entreprises les plus fragiles. Nous pouvons changer un modèle archaïque et injuste de répartition des richesses : une modulation du taux d'impôt sur les sociétés privilégierait les entreprises qui participent à la relance et pénaliserait les autres. Comme l'a rappelé François Rebsamen, cette mesure de bonus-malus a déjà été discutée, par voie d'amendement, lors du second collectif budgétaire : le ministre du budget s'est engagé à interroger le Trésor et la direction de la législation fiscale et nous a donné rendez-vous pour le projet de loi de finances pour 2010. Pourquoi attendre ?

Le chef de l'État a proposé une règle des trois tiers pour la distribution des profits destinés à l'investissement, aux actionnaires et aux salariés.

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Il faut que les entreprises soient bénéficiaires.

M. Marc Massion.  - Il a confié au directeur général de l'Insee, Jean-Philippe Cotis, la rédaction d'un rapport sur l'évolution du partage de la valeur ajoutée et la répartition des profits. Ses conclusions sont fort intéressantes : la croissance des salaires nets depuis vingt ans est extrêmement faible du fait de l'insuffisance de la croissance économique, de l'impact accru des cotisations sociales et de l'augmentation des emplois précaires.

Les écarts de salaires se sont creusés, avec une forte accélération dans la dernière décennie pour les 1 % les mieux payés. Cela a contribué au sentiment de déclassement relatif du salarié médian, progressivement rejoint par le bas de l'échelle et fortement distancé par l'extrémité haute de cette même échelle. Et l'intéressement et la participation occupent, ajoute ce rapport, « une place réduite mais croissante » depuis le début des années 90.

Les dividendes versés aux actionnaires ont quintuplé depuis 1993, tandis que l'autofinancement des investissements par les entreprises a baissé. Les profits vont pour 36 % aux revenus du capital, pour 57 % à l'investissement -et pour 7 % à la participation et l'intéressement ! Ce, avec de grandes différences entre grandes entreprises et PME. Bref, les salariés n'ont profité ni de hausses de salaires ni d'une meilleure répartition des profits.

Face à ces conclusions critiques, le Président de la République s'est défaussé de sa responsabilité sur les partenaires sociaux en leur demandant de lui soumettre des propositions avant le 15 juillet prochain. Cet attentisme est fallacieux puisque le Medef restera arc-bouté sur son refus de toute avancée significative.

On retrouve ici la cacophonie gouvernementale qui préside depuis deux ans. En février, Nicolas Sarkozy réclame une meilleure répartition des profits ; il suggère « la règle des trois tiers », qu'il qualifie de surcroît de « bonne règle ». Deux mois plus tard, le Premier ministre et la ministre des finances écartent toute application de ladite règle en arguant de différences trop grandes entre les entreprises. Dans cette période de crise sociale et économique, les déclarations d'un jour, qui n'ont pas bénéficié d'une étude de faisabilité préalable et qui ne se concrétiseront pas, sont inutiles, anxiogènes et mal venues. Elles sont le fait d'un capitaine qui navigue à vue. Les nombreuses victimes de la crise mériteraient une politique fiscale bien définie et rapidement redistributive.

Les discours officiels sont pleins de références aux « valeurs de la République ». A nos yeux, celles-ci sont formulées dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Je vous en relis l'article 13 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés ». L'article 14 doit aussi continuer à nous inspirer : « Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ».

Le Gouvernement nous reproche souvent de n'être que des opposants. Avec cette proposition de loi, nous voulons l'aider à mettre en oeuvre ses propres propositions. (Applaudissements à gauche et sourires)

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Mais votre texte est inopérant !

M. Thierry Foucaud.  - Un déficit budgétaire atteignant les 44 milliards en trois mois, une contraction du PIB de 1,5 % pour le premier trimestre, la probabilité de compter 640 000 chômeurs de plus d'ici la fin de l'année, voici la situation de la France aujourd'hui. Avec une sorte d'autosuggestion, le Gouvernement escompte que le plan de relance sera vraiment mis en oeuvre dans les semaines à venir et que tout sera ainsi presque bouclé. Or, après la loi Tepa, après les rodomontades de l'automne, après la brillante présidence française de l'Union européenne -qui a failli permettre aux salariés de notre pays de travailler 65 heures par semaine-, au moment où remonte un discours autoritariste qui fait aveu d'échec des politiques répressives menées depuis 2002, nous sommes face à la réalité. Le nombre des chômeurs enfle, celui des sans-abri ne diminue pas ; les fermetures d'entreprises succèdent aux périodes de chômage technique, qui accompagnent les plans de licenciement et les redressements judiciaires ; les comptes de l'État et ceux de la sécurité sociale sont dans le rouge vif. Tout cela malgré la cure d'austérité que vous imposez aux Français depuis de trop longues années, fidèles en cela à ces exigences européennes de baisse des dépenses publiques, de dérégulation, d'ouverture à la concurrence des services publics, de dumping fiscal et social.

La proposition de loi de nos collègues socialistes vise à rechercher les voies et moyens d'une inflexion de cette dérive des comptes publics dont, il faut bien le dire, nous ne trouvons aucunement la justification pour l'heure dans la mise en oeuvre du plan de relance. Parce qu'enfin, à quoi cela sert-il de rembourser plus vite la TVA ou l'impôt sur les sociétés si c'est pour constater la persistance des plans sociaux, de l'ajustement à la baisse des salaires, du chômage technique ? Cela signifierait-il que l'argent dont l'État s'est délesté auprès des entreprises ne sert qu'à alimenter les banques créancières de nos PME, banques dont nous constatons d'ailleurs qu'elles sollicitent relativement peu la ligne de trésorerie que vous leur aviez accordée cet automne ?

Cette proposition de loi vise expressément les entreprises qui roulent sur l'or et n'assument pour autant aucune responsabilité sociale dans le cadre de l'utilisation de ces ressources. Total utilise ses profits à racheter ses propres actions pour les détruire plutôt qu'à assurer l'approvisionnement du pays en produits pétroliers. La même compagnie doit sans doute avoir quelques obligations vis-à-vis des dirigeants de ces grandes démocraties productrices de pétrole que sont la Birmanie, le Gabon ou le Congo.

En sollicitant des ressources fiscales nouvelles, pour certaines de caractère exceptionnel, en proposant de revenir sur les dispositions de la loi Tepa, nos collègues socialistes placent dans le débat une question clé, qui engage l'avenir du pays. Quelle politique fiscale concevoir, dans un contexte de crise économique sérieuse, pour redresser les comptes publics et éviter que toute politique ultérieure soit préemptée par les conséquences du déficit abyssal que deux années d'agitation élyséenne ont réussi à creuser ? Le débat est ouvert et il est regrettable que le président de la commission des finances, dont nous avons connu par le passé la grande inquiétude devant l'accroissement des déficits, nous recommande de ne pas voter le moindre article de cette proposition de loi.

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - C'est qu'elle est inopérante.

M. Thierry Foucaud.  - Comme nous sommes des parlementaires conséquents et que nous croyons à l'initiative parlementaire, dont on prétendait en juillet dernier qu'elle sortirait grandie de la révision constitutionnelle, nous avons porté quelques amendements au texte proposé. Parce que, effectivement, il faut mettre un coup d'arrêt à l'aggravation des déficits publics. Non parce que M. Barroso le demande, mais parce que cela est nécessaire pour ne pas hypothéquer l'avenir en laissant filer un déficit qu'il faudra ensuite résorber et privera les Français de toute réforme fiscale avant longtemps. Nécessaire aussi parce que les choix du Gouvernement actuel ont conduit au désastre qu'il est trop facile d'imputer à une crise économique qui a bon dos quand il s'agit de fuir ses responsabilités.

La loi Tepa porte une grande responsabilité dans la dérive des comptes publics et le coût de cette loi imbécile et inefficace ne se mesure pas qu'en termes de moins-values fiscales ! Il se mesure aussi en emplois sacrifiés sur l'autel des heures supplémentaires défiscalisées, en chute de l'activité du bâtiment et de l'immobilier du fait de l'allégement des droits de succession.

Nombre des réformes mises en oeuvre par le Gouvernement montrent aussi leurs limites. On recommande à la justice d'être exemplairement rigoureuse ? Résultat : surpeuplement des prisons et mouvements. On supprime des milliers de postes d'enseignants ? Résultat : on feint de découvrir la violence à l'école et on se prépare à recruter une brigade volante de plusieurs centaines de super surveillants scolaires qui ne remplacera jamais les 80 000 emplois supprimés dans l'éducation nationale en quatre ans.

C'est parce que ceux qui peuvent supporter le poids des déficits publics doivent le faire qu'il faut voter cette proposition de loi. Mais c'est aussi parce qu'il faut définir les voies et moyens de nouveaux choix fiscaux et budgétaires, justes, efficaces et détachés des exigences européennes. La France doit porter d'autres choix et montrer la voie à une Europe exténuée par les politiques récessives imposées par Bruxelles. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Etienne Antoinette.  - En 2009, la France est entrée en récession, avec son lot de faillites d'entreprises et ses cohortes de chômeurs. Plus de 138 000 emplois auront été détruits au premier trimestre 2009 et on aura enregistré plus de 240 000 nouveaux demandeurs d'emplois. L'Unedic prévoit 630 000 chômeurs supplémentaires et la destruction de 591 000 emplois en 2009. L'OFCE prévoit la destruction de plus de 800 000 emplois d'ici 2010.

Dans ce contexte désastreux, quelques entreprises d'envergure internationale battent leurs records de bénéfices. Nous devrions nous réjouir que quelques bastions de notre économie résistent à la crise. Trois fois hélas, ces entreprises, suivant la logique extrême d'un capitalisme sans âme, licencient malgré leurs résultats, distribuent d'énormes dividendes à leurs actionnaires, augmentent de façon indécente les salaires de leurs dirigeants, leur accordent bonus, stock-options, parachutes dorés. Et leurs salariés de base voient diminuer leur pouvoir d'achat, tandis que le taux d'investissement de ces entreprises diminue lui aussi.

Ainsi, les profits de Total se sont montés à 14 milliards en 2008 et ils seront sans doute identiques cette année. Or, pour l'essentiel, ils sont dus à des restructurations drastiques, notamment dans le secteur du raffinage : 555 suppressions de postes à Gonfreville ont été annoncées le 10 mars et 6 000 salariés de la société Hutchinson, filiale du groupe, sont au chômage partiel depuis janvier. Pendant ce temps, chez GDF-Suez, l'assemblée générale des actionnaires du 4 mai décidait d'attribuer 6,8 milliards aux détenteurs de parts sociales.

Alors que notre pays compte parmi les plus développés de la planète, il sanctuarise la croissance et la prospérité de quelques-uns tout en paupérisant le plus grand nombre. Nous vivons une crise sans précédent qui oblige le système économique libéral à réclamer l'intervention de l'État. Or, ce dernier maintient le bouclier fiscal, il donne des milliards à ceux qui sont responsables de la crise, il sauve les banques et les multinationales en danger, et il instaure le RSA pour ceux qui n'ont rien !

Où allons-nous donc ? Sommes-nous encore dans une démocratie ? « Liberté, égalité, fraternité », termes auxquels il faudrait d'ailleurs ajouter « solidarité », ont-ils encore un sens ?

Devant cette situation, grave sur le plan économique, explosive sur le plan social, nous entendons donner des ressources supplémentaires à l'État, alors que sa dette publique explose et que son déficit se creuse. Il convient donc de faire participer les entreprises réalisant des bénéfices record à l'effort de solidarité.

A situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. C'est pourquoi cette contribution est conçue comme temporaire. Notre proposition se situe au-delà d'une vaine tentative de moralisation du capitalisme, et nous n'avons pas l'ambition de le « refonder », contrairement aux voeux du Président de la République, qui y a d'ailleurs bien vite renoncé une fois l'émotion des premiers jours passée.

Les agissements de ces grandes entreprises, peu citoyennes, dévoile la nature véritable d'un système inique, amoral, qui a perverti la définition même du mot économie, qui n'est pas « moralisable » car ne respectant que la seule logique du profit. Nous avons la responsabilité historique de l'encadrer pour en limiter les perversions et les dégâts collatéraux.

C'est pourquoi ce texte traite du problème de la répartition de la richesse produite, qui est au coeur du drame social vécu par nos concitoyens. Les effets de cette injustice peuvent être redoutables à la longue. En temps de crise, l'État doit certes sauver l'économie mais aussi tout faire pour maintenir la cohésion sociale qui est aujourd'hui plus que menacée. Elle a d'ailleurs explosé aux confins de la République, dans ces territoires les plus durement frappés par cette crise où la population, désespérée, criait à « l'exploitation » et à la « profitation ». Le secrétaire d'État à l'outre-mer, Yves Jégo, s'est d'ailleurs ému du scandale des prix de l'essence pratiqués par la Sara, filiale de Total, en parlant « d'enrichissement sans cause des compagnies pétrolières ».

En métropole, les schémas du fonctionnement économique ne sont pas si différents. Cette proposition de loi nous invite donc à dépasser le débat stérile qui opposerait la justice sociale à l'efficacité économique, en apportant à la puissance publique, par une fiscalité juste, des moyens supplémentaires afin d'améliorer le sort de nos concitoyens et celui des entreprises qui en ont le plus besoin pour relancer l'économie. Pour financer la relance, l'État creuse son déficit, alors même que ses recettes s'affaiblissent. Sans ressources supplémentaires, jusqu'à quand pourra-t-il financer son plan de relance ?

Sous prétexte de protéger les superprofits, ne renonçons pas à ce texte qui permettrait de mieux répartir l'investissement et d'améliorer la situation des salariés. C'est ce à quoi nous invite l'article 2. Ne nous laissons pas troubler par le chantage à la délocalisation, car tel ne sera pas le cas pour ces entreprises. Des groupes qui sont installés dans des pays européens moins imposés qu'en France, comme la Grande-Bretagne, délocalisent aussi. Les causes doivent en être cherchées ailleurs. De plus, un plus faible taux d'imposition n'a pas empêché ces groupes d'être touchés par la crise.

Une trop forte imposition pèserait sur la compétitivité de nos entreprises, nous dit-on. C'est faux. Ne rien faire permettrait de conforter la politique d'optimisation fiscale et de recherche du profit immédiat de ceux qui foulent aux pieds nos valeurs fondamentales et qui ne se préoccupent même pas de la pérennité de leurs groupes.

Un des facteurs de compétitivité des entreprises, c'est l'investissement. Or il s'agit d'une des principales faiblesses des entreprises françaises, à laquelle justement, l'article 2 cherche à remédier en favorisant l'investissement.

Il est du ressort de l'État, surtout en temps de crise, d'assurer l'équilibre entre la réussite micro-économique de quelques-uns et la réponse aux enjeux macro-économiques qui se posent à la Nation. C'est pourquoi nous vous proposons une démarche socialement juste, économiquement responsable, politiquement courageuse, et dont les résultats seront bénéfiques pour tous. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

Après l'article 235 ter ZA du code général des impôts, il est inséré un article 235 ter ZB ainsi rédigé :

« Art. 235 ter ZB. -- Les personnes morales sont assujetties, dans les conditions prévues aux II à V de l'article 235 ter ZA, à une contribution exceptionnelle de solidarité égale à une fraction de l'impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés au 1 de l'article 219 quand ceux-ci font apparaitre des bénéfices supérieurs de 10 % à ceux de l'exercice précédent.

« Cette fraction est égale à 5 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2010 inclus. Elle est réduite à 2,5 % pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2011 inclus.

« Sont exonérées les personnes morales ayant réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions d'euros et qui occupent moins de 250 salariés. Le chiffre d'affaires à prendre en compte s'entend du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise au cours de l'exercice ou la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. Le capital des sociétés, entièrement libéré, doit être détenu de manière continue, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant aux même conditions dont le capital est détenu pour 75 % au moins par des personnes physiques.

« Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de capital risque, des fonds communs de placements à risques, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 1 bis de l'article 39 terdecies entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds. »

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

L'article 235 ter ZB du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :

M. Thierry Foucaud.  - Il est défendu.

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Cet amendement modifie à la marge notre proposition de loi. Or, nous ne souhaitons pas la dénaturer. C'est pourquoi nous nous abstiendrons.

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Cet amendement rédactionnel ne modifie pas la position de la commission sur l'article. J'ai déjà dit combien ce dispositif nous semble inopérant et même dangereux. En outre, si les résultats de certaines entreprises ont été satisfaisants, voire impressionnants, en 2008, tout laisse à penser que ceux de cette année seront décevants. Cette proposition de loi s'appliquerait donc à une assiette qui se serait dissipée, estompée, évaporée. Nous serions alors dans l'incantation.

De plus, ne nous méprenons pas : ces grands groupes opèrent à l'international et une grande partie de leurs bénéfices, réalisée hors du territoire national, est également imposée hors de France. Ne prenons donc pas le risque de faire fuir les bénéfices français qui nous restent. C'est pourquoi je vous demande de rejeter cet amendement et cet article.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Je me suis déjà exprimée sur cet article pour dire que le Gouvernement y était opposé. Cet amendement proposant une modification mineure d'un dispositif qui ne nous convient pas, l'avis est défavorable.

M. Henri de Raincourt.  - C'est logique !

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Certains arguments ne correspondent pas à la réalité économique : on ne peut dire à la fois que nous sommes le deuxième pays d'accueil pour les investissements étrangers et que nos taux d'imposition font fuir les fleurons de notre industrie. En outre, notre texte ne vise que les grandes entreprises et les PME, au sens communautaire du terme, sont écartées du dispositif. D'ailleurs, quand de tels dispositifs ont été mis en place, ils ont fonctionné et ont permis de relancer l'économie.

Quand le Gouvernement augmentera les prélèvements obligatoires, il ne pourra pas prétendre qu'aucune proposition n'avait été faite !

M. Thierry Foucaud.  - En juillet 1995, à l'époque de la fameuse fracture sociale, la dérive des comptes était telle que le projet de loi de finances rectificative présenté par le gouvernement Juppé avait prévu d'augmenter certains impôts.

Par un tour de passe-passe, les parlementaires de la majorité s'étaient chargés, au nom de l'emploi et du contrat initiative emploi, de majorer la TVA de deux points, et une proposition de loi en ce sens fut adoptée. Le collectif 1995 majorait temporairement l'impôt sur les sociétés et augmentait de 10 % l'impôt de solidarité sur la fortune, deux mesures rendues nécessaires par l'état des finances publiques, en déficit de 300 milliards au terme de la gestion Balladur-Sarkozy. On avait même fait abstraction de tous les correctifs et déductions. La situation particulièrement catastrophique des finances publiques justifie bien l'initiative du groupe CRC-SPG.

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Je vous remercie de cette explication mais votre amendement concernait un texte remontant aux années 1995-1997, qui a disparu : son application au texte de M. Rebsamen ouvre un champ d'égarement absolu.

M. Thierry Foucaud.  - Le rappel historique vous gêne !

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Il est tout à fait intéressant, mais s'il est extrêmement correct de dire que des impôts sont payés par les entreprises, il est bien rare qu'ils ne soient pas en définitive supportés par les consommateurs et le jour viendra où il faudra avoir le courage de le reconnaître.

L'amendement n°1 n'est pas adopté, non plus que l'article premier.

Article 2

Avant le a du I de l'article 219 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« aa. Les taux fixés au présent article sont diminués d'un dixième lorsqu'une fraction du bénéfice imposable au moins égale à 60 % est mise en réserve ou incorporée au capital au sens de l'article 109, à l'exclusion des sommes visées au 6° de l'article 112. Ils sont majorés d'un dixième lorsqu'une fraction du bénéfice imposable inférieure à 40 % est ainsi affectée. »

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Je mesure bien ce qu'a dit le président Arthuis sur la complexité du dispositif, mais celle qui existe aujourd'hui ouvre des possibilités d'évasion fiscale d'autant plus importantes que l'on a affaire à des spécialistes. Vous regrettez que le texte vise le bénéfice imposable et non le bénéfice net ; s'il suffisait de rectifier le texte pour que vous y deveniez favorable, je le ferais. En l'état, vous devriez le soutenir, car beaucoup d'entreprises bénéficieraient d'un bonus.

Votre argument selon lequel la répartition des bénéfices ne relève pas de nous n'est pas recevable, en ce qu'elle contredit les propos du Président de la République sur la nécessité d'une plus juste affectation des bénéfices. Pour nous, oui, il faut mieux répartir des bénéfices qui sont le produit du travail des salariés. Or les seuls qui n'en profitent pas sont ceux qui les créent ! C'est bien beau de créer des retraites chapeau dans ces conditions. Quant le Président de la République déclare à la télévision qu'il faut un tiers des bénéfices pour les actionnaires, un tiers pour les salariés et un tiers pour les investissements, est-ce que ce ne sont que des mots ? Il est profondément injuste que les salariés, les travailleurs, les ouvriers n'aient jamais un retour minimum sur investissement.

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Il est bon que ces propositions nous donnent au moins l'occasion d'échanger des arguments et ne restent pas des gesticulations politiques. Votre texte est inopérant.

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Mais perfectible !

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - La répartition en trois tiers n'a rien à voir avec le texte. Il vaut mieux, pour profiter de cette idée formidable, travailler chez un donneur d'ordre que chez ses sous-traitants, qu'il incite à consacrer une part significative de leurs investissements à développer l'emploi à l'étranger. A force d'imagination, nous avons ruiné le travail en France : voilà comment les rêves politiques peuvent conduire à des désastres économiques. (M. Marc Massion s'exclame) Votre article crée un formidable outil pour les actionnaires qui savent que la part non distribuée des bénéfices est portée dans les réserves et qu'elle accroît la valeur des actions ; il suffira aux porteurs de vendre quelques titres un peu plus cher. Vous pouvez donc renoncer à l'article 2.

L'article 2 n'est pas adopté.

Article 3

Après l'article 235 ter ZA du même code, il est inséré un article 235 ter ZB bis ainsi rédigé :

« Art. 235 ter ZB bis - A compter du 1er janvier 2009, les sociétés dont l'objet principal est d'effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation sont assujetties à une contribution supplémentaire égale à 40 % de l'impôt sur les sociétés calculée sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés aux I et IV de l'article 219. »

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Voilà une nouvelle occasion d'échanger des arguments en cheminant vers la fin du texte. Nos collègues CRC-SPG ont rappelé les contributions exceptionnelles adoptées dans l'histoire récente. Nos collègues de l'actuelle majorité avaient voté la contribution Juppé ; quant à la contribution temporaire qu'avait instaurée le gouvernement Jospin, elle n'a pas été supprimée, madame la ministre, parce qu'elle n'avait pas été efficace mais parce qu'elle était arrivée à son terme, et Mme Parly avait alors parlé de « son succès relatif » -il faut être précis.

Celle que nous proposons ne fait pas de Total un bouc émissaire. Ce groupe n'a pas besoin d'avoir de tels zélateurs dans notre assemblée, il se défend lui-même en investissant dans tous les pays du monde et le jour où il quittera notre pays n'est pas arrivé.

M. Henri de Raincourt.  - Cela peut arriver...

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Il pourrait participer à l'effort de solidarité et au redressement des finances publiques.

L'article 3 n'est pas adopté.

Article 4

Les pertes de recettes résultant pour l'État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par :

1° La suppression du dernier alinéa de l'article 885 U du code général des impôts ;

2° L'abrogation de la loi n°2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat ;

3° Les recettes dégagées par les articles 1 et 3 de la présente loi ;

4° La création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit cet article :

Les articles 1er, 8, 9, 10, 11, 14 et 16 de la loi n°2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat sont abrogés.

M. Thierry Foucaud.  - Il est défendu.

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Quoiqu'en retrait sur l'article 4, cet amendement reste contraire aux positions de la commission des finances et j'en demande le retrait.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Les trois précédents n'ayant pas été adoptés, cet article est devenu inopérant. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Mon explication sur cet article vaudra pour l'ensemble d'un texte qui a permis à la diversité du RDSE de s'exprimer dans un riche débat avant qu'apparaisse une position largement majoritaire. J'ai entendu le président Arthuis et j'ai lu le rapport de la commission, qui nous ont confirmés dans la conviction que, dans un monde en crise, il y a des signes à envoyer.

Dire à une entreprise : « tu as gagné de l'argent grâce à un nouveau marché extérieur, eh bien !, je vais taxer tes bénéfices s'ils sont supérieurs de 10 % à ceux de l'an passé », cela n'a pas de sens ! En revanche, ce texte n'évoque pas une autre piste, celle d'une répartition différente des bénéfices entre salariés, actionnaires et investissement. Pour le groupe RDSE, les entreprises qui travaillent à l'étranger doivent participer davantage à la solidarité nationale, mais non par une contribution exceptionnelle. Par conséquent, nous nous abstiendrons.

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Très bien !

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - Permettez-moi de revenir rapidement...

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Oui, de grâce !

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - ...sur l'abrogation de la loi Tepa qui commence sérieusement à agacer les membres de la majorité. Rien de plus normal puisqu'ils mesurent tous les jours la profonde injustice du bouclier fiscal : les agents des services fiscaux rendent le trop-perçu aux plus fortunés quand, au même moment, le RSA est créé pour les travailleurs pauvres. La loi Tepa est le péché originel de cette législature, nous y reviendrons inéluctablement. L'an dernier, ce dispositif a amputé les recettes fiscales de plus de 3,5 milliards. Monsieur le président de la commission des finances, vous le savez bien, puisque vous militez, avec d'autres, pour la suppression du bouclier fiscal.

L'article 4 n'est pas adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 4, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 885 U du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 885 U. - Le tarif de l'impôt est fixé à :

« Fraction de la valeurnette taxable du patrimoine

Tarifapplicable (%)

N'excédant pas 790 000 €

0

Supérieure à 790 000 € et inférieure ou égale à 1 280 000 €

0,60

Supérieure à 1 280 000 € et inférieure ou égale à 2 520 000 €

0,85

Supérieure à 2 520 000 € et inférieure ou égale à 3 960 000 €

1,10

Supérieure à 3 960 000 € et inférieure ou égale à 7 570 000 €

1,45

Supérieure à 7 570 000 € et inférieure ou égale à 16 480 000 €

1,80

Supérieure à 16 480 000€ ou égale à 30 000 000€

2

Supérieure à 30 000 000€

2,25

« Les limites des tranches du tarif prévu au tableau ci-dessus sont actualisées chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu et arrondies à la dizaine de milliers d'euros la plus proche. »

M. Thierry Foucaud.  - Par cet amendement, nous majorons d'un dixième le taux d'imposition de chaque tranche de l'ISF et nous créons une nouvelle tranche pour les patrimoines supérieurs à 30 millions. Certes, nous visons les particuliers, et non les entreprises concernées par cette proposition de loi. Mais l'ISF, particulièrement depuis la loi Tepa, est partie liée avec le monde de l'entreprise : versement au capital des PME et souscription des pactes d'actionnaires permettent de le diminuer. En somme, notre proposition favoriserait indirectement le financement des PME et la stabilité du capital des entreprises. Si la majorité sénatoriale est attachée, comme elle l'affirme, au devenir de nos PME et à la protection de nos entreprises contre les raids boursiers et les OPA hostiles, elle votera cet amendement. Cela dit, il s'agit surtout d'accroître le rendement d'un impôt mis à mal par la loi Tepa, mais indispensable à tout système fiscal qui se respecte !

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Ce débat a eu lieu à maintes reprises, il n'y a pas lieu de le reprendre, d'autant que vous n'avez pas proposé de modifier l'intitulé de la proposition de loi. Rejet.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - La position du Gouvernement est identique. Pour répondre à M. Massion, sur le 1,1 milliard levé en faveur des PME grâce à la réduction d'ISF, 800 millions ont déjà été distribués aux PME. Restent 300 millions pour lesquels le médiateur du crédit a signé une convention avec les gestionnaires de fonds et les établissements financiers afin de réduire les délais entre la collecte et la redistribution, qui sont effectivement choquants, avant la fin de l'année 2009. M. le président de la commission des finances a déposé une proposition de loi en la matière que le Gouvernement soutiendra. Pour autant, rappelons que cette difficulté ne concerne pas l'ISF investi directement dans les PME et les holdings.

M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.  - La question relevant de la loi de finances, cet amendement était l'occasion, pour nos collègues communistes, de rappeler leur position. Nous nous abstiendrons.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 4, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le 2 de l'article 200 A du code général des impôts, le taux : « 18 % » est remplacé par le taux : « 22 % ».

M. Thierry Foucaud.  - Défendu.

M. Jean Arthuis, rapporteur.  - Rejet. Ce débat trouvera sa place lors de l'examen du budget pour 2010.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Chaque article de la proposition de loi ayant été rejeté, il n'y a pas lieu de voter sur l'ensemble. En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

M. Marc Massion.  - Quelle déception !

La séance, suspendue à 11 h 40, reprend à 11 h 45.