Victimes des essais nucléaires français (Suite)

Discussion des articles

Article premier

Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'État conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi.

Si la personne est décédée, la demande de réparation peut être présentée par ses ayants droit.

Mme Michelle Demessine.  - Cet article premier pose le principe de la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires et établit un droit à réparation au profit des personnes irradiées. Mais il ignore la situation des victimes indirectes et l'indemnisation de leurs préjudices propres, excluant ainsi totalement -ce qui ressort pourtant du droit commun en matière de responsabilité administrative ou de responsabilité civile- que certains ayants droit puissent réclamer pour eux-mêmes une indemnisation du préjudice lié à la perte ou au handicap d'un parent décédé des suites d'une maladie radio-induite. Certes, la douleur d'une veuve, d'un orphelin ou la charge d'un mari invalide, ou bien encore la compensation des pertes de revenus d'un conjoint sont difficiles à évaluer. Mais tout cela est prévu dans notre droit et il n'est donc pas acceptable que l'ensemble des victimes des essais nucléaires, puisqu'elles sont maintenant reconnues, ne soient pas indemnisées. C'est d'autant moins acceptable que certains tribunaux, notamment ceux de la sécurité sociale, ont déjà accordé l'indemnisation du préjudice propre de ces ayants droit. Ce projet de loi créerait un dispositif inférieur à celui, pourtant déjà insuffisant, qui indemnise les travailleurs victimes de l'amiante.

Nous avions donc, par un amendement, permis l'indemnisation des préjudices propres des ayants droit. Mais au prétexte de l'irrecevabilité financière et du refus du Gouvernement de l'accepter, la disposition que nous proposions n'a pas pu être introduite dans la loi. Cela prouve bien que, contrairement à ce que vous prétendez, monsieur le ministre, ces indemnisations ne seront pas totales et elles laisseront du monde sur le côté car vous voulez, en fait, indemniser les victimes que le ministère de la défense reconnaitra lui-même. Cela révèle bien qu'avant même que le nombre exact de victimes soit établi, vous aviez déjà verrouillé le budget d'indemnisation. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)

M. Philippe Madrelle  - Cinquante ans après les premiers essais nucléaires français, il était grand temps d'apporter enfin reconnaissance et justice aux victimes. Comme nombre de mes collègues, j'ai depuis longtemps été attentif au travail effectué par les associations de défense, dont je salue la ténacité. Il était temps d'agir, comme l'ont fait le Royaume-Uni et les États-Unis.

Mais il faut modifier le texte pour affirmer plus fermement la présomption du lien de causalité entre le travail effectué dans les zones d'essai et la maladie contractée. Ce principe doit être inscrit noir sur blanc dans la loi.

Nous nous interrogeons également sur la composition du Comité d'indemnisation : avec les différents représentants des ministres concernés, l'État y est majoritaire et devient ainsi juge et partie. Ce verrouillage est inacceptable. Un fonds d'indemnisation doté d'une personnalité morale et d'une autonomie financière aurait rendu ses décisions dans une plus grande indépendance qu'un comité directement rattaché au ministère. A quelques semaines de l'examen de la loi de finances, et dans le contexte qu'on sait, nous souhaitons que les sommes prévues suffisent pour toutes les victimes que nous avons le devoir d'indemniser.

M. le président.  - Amendement n°31, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery, M. Desessard, Mme Blandin et M. Muller.

Alinéa 1 

Remplacer les mots :

peut obtenir

par les mots :

a droit à

Mme Dominique Voynet.  - Les deux conditions requises -la maladie et le séjour sur les lieux- ne donnent que le droit de déposer une demande d'indemnisation, non le droit d'être indemnisé. Ces deux conditions doivent être non seulement nécessaires mais aussi suffisantes pour avoir droit à réparation.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par MM. Tuheiava, Antoinette, Patient, Gillot, Serge Larcher et Lise.

Alinéa 1

Remplacer les mots :

peut obtenir

par les mots :

peut bénéficier d'un droit à

M. Richard Tuheiava.  - Amendement de repli : à défaut de « a droit à... ».

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur.  - L'article premier donne un droit mais un droit conditionnel. Avis défavorable au n°31.

Je n'ai pas saisi la nuance introduite par l'amendement n°14. Il dit autrement la même chose que l'article premier. Je préfère la rédaction initiale, plus économe en mots. Avis défavorable.

M. Hervé Morin, ministre.  - Mêmes avis.

M. Guy Fischer.  - Le ministre ne prend même pas la peine d'argumenter ! Nous devons un peu plus aux vétérans et aux populations sahariennes et polynésiennes et c'est pourquoi nous voterons ces deux amendements. Les scientifiques poursuivent leur recherche et, si la liste de l'UNSCEAR est à ce jour l'instrument le plus approprié, elle a été établie à partir de conditions d'exposition différentes. Des scientifiques et des associations de victimes font valoir qu'il faut aussi inclure dans cette liste des maladies non cancéreuses, et le rapporteur lui-même remarque que certaines pathologies induites par ces essais n'y figurent pas. Nous ne pouvons pas voter tel quel cet article premier.

L'amendement n°31 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°14.

L'article premier est adopté.

Article 2

La personne souffrant d'une pathologie radio-induite doit avoir résidé ou séjourné :

1° Soit entre le 13 février 1960 et le 31 décembre 1967 au Centre saharien des expérimentations militaires, ou entre le 7 novembre 1961 et le 31 décembre 1967 au Centre d'expérimentations militaires des oasis ou dans les zones périphériques à ces centres ;

2° Soit entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998 dans les atolls de Mururoa et Fangataufa ou entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1974 dans des zones exposées de Polynésie française inscrites dans un secteur angulaire ;

3° Soit entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998 dans certaines zones de l'atoll de Hao ;

4° Soit entre le 19 juillet 1974 et le 31 décembre 1974 dans certaines zones de l'île de Tahiti.

Un décret en Conseil d'État délimite les zones périphériques mentionnées au 1°, les zones inscrites dans le secteur angulaire mentionné au 2°, ainsi que les zones mentionnées au 3° et au 4°.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par MM. Tuheiava, Antoinette, Patient, Gillot, Serge Larcher et Lise.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

défini en concertation avec les institutions de la Polynésie française

M. Richard Tuheiava.  - J'avais proposé beaucoup d'amendements auxquels on a opposé l'article 40. Même sur l'élargissement des zones géographiques exposées, on me l'a opposé ! A croire qu'un risque éventuel grèverait le budget de l'État, c'est insensé ! Cet amendement est le seul, sur le zonage, à avoir été retenu. Il demande d'associer le Gouvernement, l'Assemblée et le Conseil économique, social et culturel de la Polynésie française à la définition des zones exposées pendant la période des tirs atmosphériques.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur  - La définition des zones exposées répond à des critères scientifiques et le ministère de la défense a défini ces zones à partir des relevés dosimétriques. Les décrets d'application seront donc établis à partir des zones décrites à l'article 2 du projet de loi et des relevés dosimétriques. Il n'y a donc pas matière à concertation avec les institutions de la Polynésie française parce qu'il s'agit de données scientifiques dans lesquelles aucune considération politique ne doit interférer. Autant il paraît naturel que ces institutions fassent partie de la commission de suivi, autant leur association à la définition des zones parait inutile.

M. Hervé Morin, ministre.  - J'aurai mot pour mot la même argumentation.

M. Richard Tuheiava.  - Ces propos m'étonnent. Est-ce à dire qu'il n'y a pas de scientifiques en Polynésie française ? Qu'on ne peut prendre en considération le rapport dont j'ai tout à l'heure fait état à la tribune ? Qu'un zonage plus équitable n'est pas possible ?

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Article 3

Le demandeur justifie que la personne visée à l'article 1er a résidé ou séjourné dans les zones et durant les périodes visées à l'article 2 et qu'elle est atteinte de l'une des maladies figurant sur la liste établie en application de l'article 1er.

Mme Michelle Demessine.  - La preuve d'un séjour dans les zones et aux périodes définies par l'article 2 risque d'être, pour certains, difficile à apporter. C'est la raison pour laquelle nous avions voulu ouvrir le droit à réparation aux personnes atteintes d'une maladie radio-induite postérieurement aux dates indiquées, étant entendu que les demandeurs devraient alors prouver que leur maladie est imputable aux retombées des essais. L'article 40 nous a été opposé. Si le Gouvernement reprenait notre proposition, il ferait la démonstration qu'il n'a pas fait le choix d'une indemnisation réduite au minimum budgétairement acceptable.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par MM. Tuheiava, Antoinette, Patient, Gillot, Serge Larcher et Lise.

Après le mot :

justifie

insérer les mots :

, avec le concours du ministère de la défense,

M. Richard Tuheiava.  - Les enjeux sont tels qu'il faut impérativement faciliter l'accès à la procédure. Certaines victimes ont renoncé à l'engager pendant plusieurs décennies, éprouvant des difficultés psychologiques à agir du fait du secret défense et de la mauvaise perception, par l'armée ou le CEA, des procédures contentieuses à leur encontre.

A la lecture de l'article 3, on comprend que la victime doit justifier par ses propres moyens des conditions de recevabilité de son dossier d'indemnisation. Mais les documents professionnels sont souvent mal conservés ou ont disparu ; pour nombre de vétérans des atolls, il fallait avant tout obéir et faire silence.

J'ai demandé, le 23 juillet 2009, par question écrite au ministre de la défense, de bien vouloir me communiquer la liste des travailleurs salariés ressortissants du régime de prévoyance sociale de la Polynésie française, afin de permettre à la Caisse de prévoyance sociale (CPS) d'évaluer le coût des remboursements de frais médicaux en faveur des ressortissants ayant travaillé sur les sites d'expérimentation. Je n'ai reçu aucune réponse. Or, seuls le ministère de la défense et le CEA sont en possession des éléments qui permettraient aux travailleurs salariés victimes de justifier de leur présence sur les sites et aux périodes prévus par le texte. Le concours du ministère de la Défense n'aurait en l'espèce aucun coût pour le budget de l'État. J'espère que je serai entendu.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur.  - Il est vrai que toutes les personnes potentiellement concernées n'ont pas conservé les documents nécessaires. L'amendement est donc opportun, à ceci près qu'il ne concerne pas tout le monde. L'avis de la commission sera favorable si M. Tuheiava accepte de rectifier son amendement pour écrire : « avec le concours, le cas échéant, du ministère de la Défense ». (M. Richard Tuheiava accepte)

M. le président.  - Il s'agira de l'amendement n°19 rectifié.

M. Hervé Morin, ministre.  - Pour bien montrer que le ministère ne cherche pas à réduire le champ de l'indemnisation, je serai favorable à cet amendement. Me demandez-vous cependant de publier une liste de 100 000 noms ? Je sais pourquoi vous me la demandez : pour que la CPS soit au final indemnisée des frais qu'elle a engagés. Mais j'ai déjà indiqué qu'elle le serait. Encore faut-il qu'elle fournisse les éléments nécessaires, que j'attends depuis des mois...

Mme Dominique Voynet.  - M. Tuheiava ne demande pas que des données personnelles soient rendues publiques. La CPS est aujourd'hui incapable de dire, pour chacun de ses affiliés, s'il a séjourné dans les zones et aux dates considérées. Seul le ministère détient ces éléments. Là est le problème.

Sur le fond, deux démarches sont possibles : soit on attend que les demandes se manifestent, qui seront, les années passant, en nombre limité ; soit on fait un travail scientifique pour étudier l'ensemble des populations qui ont été exposées. Dans certains territoires, 90 % à 95 % de la population sont concernés. Pourquoi refuser un véritable dispositif de suivi ? Parce que cela coûte cher ? N'y a-t-il pas là une question de santé publique ?

Il faut aussi considérer que certains parcours de vie sont chaotiques et que la culture du papier n'est pas là-bas ce qu'elle est ici. Certaines personnes auront de grandes difficultés à fournir les documents demandés -documents dont dispose, elle, l'administration en ordre qu'est le ministère de la Défense.

M. Hervé Morin, ministre.  - Nous demandez-vous d'instruire 100 000 dossiers même en l'absence de demandes ? Le texte a fait l'objet d'un large écho médiatique, les personnes concernées sauront qu'elles peuvent engager une procédure -les associations les y aideront, et c'est tant mieux.

Vous réclamez aussi un travail scientifique ; nous avons financé une étude qui a concerné 32 000 vétérans et qui sera bientôt publiée. Je n'imagine pas qu'une personne qui estime devoir être aidée ne se tourne pas vers le comité, pas plus que je n'imagine qu'elle ne puisse s'adresser au ministère si elle éprouve des difficultés à fournir les pièces qu'on lui demande. Vous faites un procès d'intention.

M. Michel Charasse.  - La rectification suggérée par la commission est opportune. J'observe cependant que d'autres administrations que la défense peuvent détenir des éléments utiles. Il vaudrait mieux écrire : « notamment avec le concours du ministère de la Défense et des autres administrations concernées. »

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur.  - L'hypothèse est plausible.

M. Hervé Morin, ministre.  - Si c'est pour être agréable à M. Charasse...

Mme Marie-France Beaufils.  - L'appel au ministère de la Défense n'a malheureusement pas toujours été suivi d'effet, surtout envers les victimes des essais réalisés au Sahara, dont beaucoup n'ont pas été indemnisées. J'approuve l'amendement.

M. Richard Tuheiava.  - J'accepte la rectification proposée par M. Charasse mais je souhaite remplacer « le cas échéant » par « en tant que de besoin ».

M. le président.  - La formulation suggérée par M. Charasse supprime les mots « le cas échéant ».

M. Richard Tuheiava.  - Je rectifie l'amendement en ce sens.

M. le président.  - C'est l'amendement n°19 rectifié bis, présenté par MM. Tuheiava, Antoinette, Patient, Gillot, Serge Larcher et Lise.

Après le mot :

justifie

insérer les mots :

, notamment avec le concours du ministère de la défense et des autres administrations concernées,

M. Hervé Morin, ministre.  - Je suis toujours disposé à faire preuve de bonne volonté, mais l'article 4, alinéa 5, satisfait l'amendement. Voulez-vous des dispositions redondantes ?

M. Bernard Frimat.  - (Marques d'impatience à droite) Il serait dommage d'interrompre un concours de bonne volonté... L'article 4 porte sur les comités d'indemnisation.

M. Hervé Morin, ministre.  - Je le sais !

M. Bernard Frimat.  - M. le ministre ayant dit que l'État n'avait pas l'intention de restreindre l'indemnisation, ce que ne manquera pas de retenir la juridiction administrative, nous pourrions mettre aux voix la rédaction suggérée par M. Charasse.

L'amendement n°19 rectifié bis, accepté par la commission, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Il bénéficie alors de la présomption d'un lien de causalité entre la maladie et les essais nucléaires, sauf pour la partie défenderesse de rapporter la preuve contraire.

Mme Marie-France Beaufils.  - Les victimes des essais nucléaires ne comprennent pas l'entêtement à ne pas inscrire dans ce projet de loi un lien de causalité entre les maladies radio-induites et les essais.

L'article 3 exige des victimes qu'elles prouvent leur présence dans les zones contaminées lors des retombées radioactives, ainsi que l'existence d'une maladie radio-induite, mais l'article 4 écarte la présomption de causalité lorsque le risque attribuable aux essais nucléaires peut être « considéré comme négligeable ». Cette restriction fait perdre sa substance au principe de présomption, en fonction d'un critère particulièrement flou.

Les victimes de risques professionnels sont indemnisées en raison de la présence sur un site exposé lorsqu'elle s'accompagne de la maladie correspondante. Pour les victimes de l'amiante aussi, on prend en compte la présence sur un site exposé à condition d'avoir contracté une maladie figurant sur un tableau. Pourquoi imposer une régression aux victimes des essais nucléaires ?

Dans cette affaire, le Gouvernement veut être juge et partie. Ce sera au détriment des victimes, qui subissent déjà les appels systématiquement interjetés par le ministère de la Défense à tout jugement qui leur serait favorable.

M. Hervé Morin, ministre.  - Je n'ai pas fait appel !

Mme Marie-France Beaufils.  - L'exemple de M. Mézières est révélateur : il est décédé il y a un peu plus d'un an, très affecté par les durs combats menés aussi pour tous ceux qui avaient connu des souffrances analogues aux siennes. Le tribunal des pensions militaires d'Indre-et-Loire avait reconnu en 2005 une invalidité à 70 %, par un jugement favorable dont le ministère a fait appel. La dernière expertise a mis sa maladie sur les comptes de certains médicaments. Venant après de multiples tracasseries judiciaires et administratives, cette annonce lui a porté un coup fatal.

Monsieur le ministre, je vous ai écrit pour déplorer que vous fassiez systématiquement appel des décisions de justice fondées sur une présomption d'origine des maladies. Interviewé par France 3, M. Mézières a déclaré : « La montre tourne, le temps passe... pour obtenir quoi ? Que faut-il faire ? Est-ce qu'il faut être au cimetière pour être reconnu ? »

Il est temps que la Nation applique aux militaires malades, à l'instar de ce qu'elle fait envers les travailleurs civils, une reconnaissance fondée sur leur présence lors des essais nucléaires : c'est ce que je vous ai écrit au lendemain des obsèques de M. Mézières.

Si la décision vous appartient en dernier ressort, nous sommes inquiets. C'est pourquoi la présomption du lien de causalité doit figurer dans la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG)

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur.  - Nous avons consacré beaucoup de temps à définir cette présomption. La rédaction de la commission satisfait l'amendement.

M. Hervé Morin, ministre.  - Même avis.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement essentiel reviendra sous d'autres formes.

Comme beaucoup d'entre vous, je suis en contact avec les associations de victimes. Ce qui est en cause, c'est l'effectivité de la présomption de causalité, sur laquelle se joue la crédibilité de cette loi. Les intéressés n'auront pas satisfaction si les associations ne sont pas suffisamment représentées, ni si le texte exige des victimes qu'elles apportent des preuves difficiles à réunir.

Atténuer la présomption de causalité réduirait grandement le nombre de personnes indemnisées, donc le coût total.

Nous donnons acte au Gouvernement du dépôt de ce projet -que de batailles avons-nous dû livrer pour obtenir quelque chose de semblable en faveur des victimes de l'amiante ! Mais il faut que ce débat soit véritablement positif pour les victimes. Je soutiens l'amendement n°1, indispensable à la crédibilité du texte.

M. Guy Fischer.  - Le rapporteur et la commission ont fait un pas mais des interrogations demeurent. Ce qui ne passe pas ? Le qualificatif « négligeable », que les victimes trouvent méprisant.

L'interprétation qui pourra être faite de cet article pose problème. Nous aurions dû le prendre en compte et tirer les leçons du long débat qui a précédé la reconnaissance de la présomption de causalité dans le cas de l'amiante. Attendons-nous à ce que ce problème ressorte dans le futur, notamment par le biais de la jurisprudence.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

Article 4

I.  -  Les demandes individuelles d'indemnisation sont soumises à un comité d'indemnisation, présidé par un conseiller d'État ou un conseiller à la Cour de cassation et composé notamment d'experts médicaux nommés conjointement par les ministres chargés de la défense et de la santé sur proposition du Haut Conseil de la santé publique.

Les ayants droit des personnes visées à l'article 1 décédées avant la promulgation de la présente loi peuvent saisir le comité d'indemnisation dans un délai de cinq ans à compter de cette promulgation.

II.  -  Ce comité examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. Lorsque celles-ci sont réunies, le demandeur bénéficie d'une présomption de causalité à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions d'exposition de l'intéressé, le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable.

Le comité procède ou fait procéder à toute investigation scientifique ou médicale utile, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel.

Il peut requérir de tout service de l'État, collectivité publique, organisme gestionnaire de prestations sociales ou assureur, communication de tous renseignements nécessaires à l'instruction de la demande. Ces renseignements ne peuvent être utilisés à d'autres fins que cette dernière.

Les membres du comité et les agents désignés pour les assister doivent être habilités, dans les conditions définies pour l'application de l'article 413-9 du code pénal, à connaître des informations visées aux alinéas précédents.

Dans le cadre de l'examen des demandes, le comité respecte le principe du contradictoire. Le demandeur peut être assisté par une personne de son choix.

III.  -  Dans les quatre mois suivant l'enregistrement de la demande, le comité présente au ministre de la défense une recommandation sur les suites qu'il convient de lui donner. Ce délai peut être porté à six mois lorsque le comité recourt à des expertises médicales. Dans un délai de deux mois, le ministre, au vu de cette recommandation, notifie son offre d'indemnisation à l'intéressé ou le rejet motivé de sa demande. Il joint la recommandation du comité à la notification.

Dans l'année suivant la promulgation de la présente loi, les délais d'instruction par le comité d'indemnisation sont portés à huit mois à compter de l'enregistrement de la demande.

IV.  -  La composition du comité d'indemnisation, son organisation, les éléments que doit comporter le dossier présenté par le demandeur, ainsi que les modalités d'instruction des demandes et notamment les modalités permettant le respect du contradictoire et des droits de la défense sont fixées par décret en Conseil d'État.

Mme Michelle Demessine.  - Avec cet article, qui crée un comité d'indemnisation et détermine la procédure d'instruction des demandes, nous sommes toujours au coeur du projet de loi. Or ces dispositions n'assurent pas un droit intégral à indemnisation.

Tout d'abord, les neuf membres qui composent le comité sont, pour l'essentiel, des experts et des membres de l'administration. Ils seront tentés de faire valoir en priorité les intérêts de l'État, comme en témoigne le cas cité par Marie-France Beaufils. Selon le Médiateur de la République, il aurait été nécessaire, pour assurer la crédibilité et l'impartialité du dispositif, de garantir l'indépendance des membres du comité vis-à-vis des ministères qui les ont désignés. La représentation des associations de victimes n'est pas prévue : il y a là un manque préjudiciable à un fonctionnement équitable et à la défense des droits des seules victimes. En outre, ces organismes auraient pu faire valoir leur connaissance des réalités du terrain. La présence d'associations de victimes est pourtant la règle quand existe un fonds d'indemnisation spécifique, tel celui créé pour les victimes de l'amiante.

Ensuite, la décision finale d'indemnisation appartient, sans aucun encadrement, au ministre de la Défense : le comité ne dispose donc pas d'une pleine responsabilité. Afin d'améliorer la procédure, nous avions présenté un amendement qui instituait un fonds d'indemnisation spécifique, doté d'une personnalité juridique propre et d'un budget, et où les représentants des associations de victimes seraient représentés. Une fois encore, l'irrecevabilité financière a été invoquée.

M. Jean Louis Masson.  - L'expérience prouve que, lorsque l'on crée des droits, les commissions et les circuits administratifs tentent de vider la loi de sa substance en limitant le nombre de personnes susceptibles d'en bénéficier. En témoignaient les délais de traitements dissuasifs pratiqués par les Cotorep : dix-huit mois en moyenne, comme cela me l'avait été confirmé par une réponse ministérielle à une question écrite. Pendant ce temps, certains handicapés ne disposaient d'aucunes ressources. Les irradiés connaîtront les mêmes difficultés : ils se heurteront aux barrières administratives et à l'arbitraire ministériel.

En tant que député de la Moselle, j'ai siégé pendant dix ans aux côtés de Pierre Messmer. Ce dernier avait, lorsqu'il était ministre de la Défense, assisté à un essai nucléaire souterrain au Sahara pour lequel on avait mal rebouché le tunnel : la montagne avait explosé et tous les rejets radioactifs s'étaient répandus dans l'air. Ce secret a été gardé pendant vingt cinq ans et pendant trente ans, l'administration a nié l'existence du problème. Certes, il fut un temps où personne n'avait conscience des risques encourus. Ce qui est condamnable, c'est l'attitude de ceux qui ont continué, jusqu'à ces dernières années, à prétendre, contre l'évidence, qu'il n'y avait ni problème ni irradiés. (Marques d'impatience sur le banc de la commission)

Si nous ne prenons pas les précautions suffisantes, on continuera à inventer des prétextes pour nier le lien de causalité entre les cancers et les irradiations, et on viendra dire aux malades : « Un cancer ? Vous l'auriez eu de toute façon autrement » ou bien « C'est statistique, il y en a un pour x habitants ». Cette loi est tout à fait positive mais son application me laisse sceptique. Je crains que l'administration, par son inertie, ne respecte pas le souhait du pouvoir législatif et continue à opposer aux irradiés une mauvaise foi manifeste. Il faut mieux bétonner ce texte afin d'empêcher ces dérives et lutter contre les combats d'arrière-garde.

M. Bernard Piras.  - Très bien !

Mme Dominique Voynet.  - J'ai eu envie d'applaudir ! Si, à gauche, nous avions dit la moitié de ce que Jean-Louis Masson vient d'exprimer, nous aurions été sévèrement critiqués !

M. le ministre estime étrange et injuste la méfiance des victimes envers le ministère. Si nous saluons le travail accompli pour la présentation de ce texte, cette défiance s'explique par l'historique et la complexité du dispositif d'indemnisation. Comprenez leur réticence à confier au responsable de leurs souffrances le soin de fixer, unilatéralement, le périmètre concerné. Vous avez refusé que l'assemblée de Polynésie y soit associée, au prétexte qu'il ne faut pas politiser cette décision. Certes, l'État se doit d'être impartial mais, dans 99 % des cas, la délimitation du périmètre n'aurait pas causé de problème et certaines données risquent de manquer.

Il faut restaurer la confiance en donnant des gages, dont cet article peut poser les bases en affirmant la présomption de causalité. Vous craignez que cette dernière ne devienne irréfragable, mais il y a des maladies sans signature. Ainsi du grand fumeur, irradié, qui ne peut prouver que son cancer n'est pas dû à la cigarette -sans oublier que l'État a longtemps fourni du tabac de troupe à son personnel... Cette présomption est nécessaire car on ne pourra prouver le lien de causalité entre les essais et ces maladies sans signature. C'est le seul moyen d'éviter des chicaneries. Si nous transformons la demande d'indemnisation, et la reconnaissance d'un nouveau droit, en parcours du combattant, nous aurons raté notre cible.

M. le président.  - Certains collègues ont l'impression que les temps de parole ne sont pas respectés mais je vous rappelle les dispositions de notre nouveau Règlement : cinq minutes pour la prise de parole sur l'article, trois minutes pour la présentation d'un amendement et cinq minutes pour l'explication de vote. Cela peut sembler long mais c'est le Règlement, et je le fais respecter ! (M. Guy Fischer approuve)

Amendement n°6, présenté par M. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

, il comprend aussi des membres des associations représentatives des victimes des essais nucléaires

M. Jacques Berthou.  - Le rôle des associations, solidaires des victimes et qui ont porté leur combat, mérite d'être reconnu. Il serait bon de s'appuyer sur leur bonne connaissance des situations vécues par les demandeurs. Le comité d'indemnisation ne doit pas être seulement composé de juristes et de scientifiques. La présence en son sein de représentants des associations, outre qu'elle éclairerait l'examen des dossiers, lui assurerait plus d'indépendance, gage d'impartialité, à l'égard des ministères concernés.

M. Guy Fischer.  - Très bien !

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur.  - Je comprends les intentions des auteurs de l'amendement. La présence des associations au sein du comité d'indemnisation placerait celui-ci sous la surveillance bienveillante des victimes... Mais le texte adopté par l'Assemblée nationale reconnaît déjà un large rôle à ces associations puisqu'elles peuvent assister les victimes lors de la procédure contradictoire et sont membres de droit du comité de suivi de la loi. J'ajoute que le comité est une instance d'expertise au sein de laquelle des associations n'ont, par conséquent, pas leur place. Outre qu'elles ne sauraient se substituer aux experts, on ne peut les mettre en position d'être juges et parties, membres du comité et représentantes des demandeurs. Quant à l'indépendance du comité, le texte adopté par votre commission la conforte. Défavorable.

M. Hervé Morin, ministre.  - Ce sujet important méritait réflexion. Si j'ai écarté cette option, c'est que les amendements adoptés à l'Assemblée nationale et au Sénat confortent le rôle des associations, ainsi que vient de le rappeler le rapporteur.

Au sein du comité d'indemnisation, l'analyse doit être menée par les hommes de l'art. D'autant qu'elle s'appuie sur des dossiers médicaux individuels : il est logique que leur contenu ne soit partagé qu'entre personnes tenues par la même obligation de confidentialité.

Se pose, de surcroît, le problème de la représentativité de ces associations, que l'on pourrait voir fleurir à mesure qu'avancera la procédure. Souhaitons-nous que chaque dossier soit préempté par un défenseur mandaté, représentant d'une association chargé de plaider pour l'un de ses membres ?

Mme Dominique Voynet.  - Ce que vous venez de dire, monsieur le ministre, est grave. Vous jetez le discrédit sur la loyauté, l'équité et la représentativité des associations. Croyez-vous donc qu'aux Prud'hommes, les représentants du personnel jugent en fonction de leur appartenance syndicale ? Qu'au sein de la commission d'indemnisation des victimes de l'amiante, les représentants des associations ne s'emploient qu'à défendre leurs membres à jour de cotisation ? Un peu de respect, que diable !

M. Guy Fischer.  - Nous voterons cet amendement. Cet article est déterminant et nous demanderons un scrutin public. Depuis le début des années 2000, quand ont commencé les recours en indemnisation, les deux principales associations concernées ont eu une attitude très responsable. C'est pourquoi nous souhaitons leur présence au sein du comité, sachant qu'un débat contradictoire permet souvent d'approcher la vérité de plus près. Rappelez-vous l'époque fâcheuse où les Cours des pensions rejetaient systématiquement les demandes de pensions, après appel du ministère. Vous avez déjà fait un pas, mais vous pourriez aller plus loin.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par Mme Voynet, MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

Ce comité examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. Lorsque celles-ci sont réunies, le demandeur bénéficie d'une présomption de causalité entre les essais nucléaires et sa maladie. Il revient au comité d'indemnisation de faire la preuve, le cas échéant, de l'absence de lien de causalité entre les essais nucléaires et la maladie du demandeur.

Mme Dominique Voynet.  - La question de la présomption de causalité a fait l'objet de nombreux débats. Dans la rédaction initiale, le comité d'indemnisation devait décider si le lien de causalité pouvait « être regardé comme existant ». L'Assemblée nationale l'a tempéré, en remplaçant cet « existant » par un « possible ». Grâce au travail de notre rapporteur, la rédaction s'est encore améliorée : le comité examine si les conditions d'indemnisations sont réunies -lieu de résidence et inscription de l'affection sur la liste-, auquel cas le demandeur bénéficie de la présomption de causalité. Si l'on s'en était tenu là, tout serait parfait. Mais vient la suite de la phrase : à moins qu'au regard de ces deux conditions, « le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable ». Voilà un tour de passe-passe grammatical que je comprends mal. La présomption de causalité ne saurait être récusée que s'il est établi, par exemple, que l'une des deux conditions posées par la loi n'est pas remplie.

L'amendement n°23 est retiré.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur.  - L'avis de la commission est le même que sur l'amendement n°1 à l'article 3. D'accord sur l'introduction d'un principe de précaution mais il faut bien préciser les modalités de la preuve a contrario. Votre amendement est partiellement, si ce n'est entièrement, satisfait. Défavorable.

M. Hervé Morin, ministre.  - Même avis. Une présomption de causalité irréfragable interdirait l'analyse au cas par cas.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est clair que des progrès ont été accomplis depuis la première version. Mais je persiste à penser que ce n'est pas une simple nuance qui sépare la rédaction de Mme Voynet de celle du rapporteur. L'une et l'autre procèdent d'un choix profondément différent. La rédaction de la commission laisse la porte ouverte à bien des arbitraires. Il est vrai que la rédaction de Mme Voynet laisse la possibilité de voir indemnisé quelqu'un dont la maladie procède d'autres causes. Mais le doute ne doit-il pas bénéficier au demandeur ?

La différence est considérable puisque la charge de la preuve est renversée.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°32 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 152
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Guy Fischer.  - Le coup n'est pas passé loin !

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par MM. Tuheiava, Antoinette, Patient, Gillot, Serge Larcher et Lise.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Réunissent de plein droit les conditions d'indemnisation les personnes qui ont obtenu la reconnaissance irrévocable d'une maladie professionnelle radio induite inscrite sur la liste prévue à l'article 3, occasionnée par les essais nucléaires français, au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de la législation des pensions civiles et militaires d'invalidité.

M. Richard Tuheiava.  - Il faut prévoir l'indemnisation complémentaire des personnes qui auront bénéficié d'un droit à indemnisation irrévocable et éviter une éventuelle contradiction entre les décisions administratives ou judiciaires et celles du Comité d'indemnisation.

Certaines autorités administratives mais aussi des décisions de justice ont qualifié de maladie professionnelle les maux dont soufrent diverses victimes civiles et militaires. En cas de demande d'une indemnisation complémentaire des intéressés, le Comité ne devra pas remettre en cause ces décisions. Son instruction serait alors limitée à l'indemnisation complémentaire.

Cet amendement permettrait d'accélérer la procédure.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur.  - Dans le dispositif que nous avons adopté, rien n'interdit à une personne qui a déjà été indemnisée au titre des essais nucléaires de demander à l'être par le Comité. C'est même une des vertus de cette loi de remettre les compteurs à zéro, surtout pour les demandeurs déboutés par les tribunaux.

Si une personne a déjà été indemnisée, elle ne le sera pas deux fois. Les sommes déjà reçues seront retranchées du montant de l'indemnisation décidé par le Comité. Le Comité doit prendre sa décision en toute indépendance, en fonction des dossiers qui lui seraient soumis et des éléments statistiques en sa possession.

Il n'apparaît donc pas souhaitable de prévoir que ces personnes pourront obtenir ce complément sans passer par l'examen au cas pas cas. Le lien de causalité ayant été retenu par des tribunaux, ce sera sans doute une formalité. Il serait curieux que le Comité adopte une position différente. L'avis est donc défavorable.

M. Hervé Morin, ministre.  - Même avis pour les mêmes raisons.

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par MM. Tuheiava, Antoinette, Patient, Gillot, Serge Larcher et Lise.

Alinéa 7, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, y compris lors des investigations scientifiques ou médicales

M. Richard Tuheiava.  - Il faut conforter le principe du contradictoire lors de l'instruction de la demande individuelle d'indemnisation.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur.  - Vous souhaitez que le contradictoire s'impose même lors des expertises. La commission n'a pas souhaité préciser dans quelles circonstances ce principe s'imposera car il devra être respecté tout au long de la procédure.

C'est également pourquoi nous avons prévu que le demandeur serait assisté par toute personne de son choix. Cet amendement est donc satisfait. Avis défavorable.

M. Hervé Morin, ministre.  - Avec cette rédaction, vous risquez de limiter le principe du contradictoire qui est plus global : avis défavorable.

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par MM. Tuheiava, Antoinette, Patient, Gillot, Serge Larcher et Lise.

I. - Alinéa 8, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Il en adresse également copie au demandeur.

II. - En conséquence, supprimer la dernière phrase du même alinéa.

M. Richard Tuheiava.  - L'impartialité du dispositif aurait pu être garantie si le Comité transmettait directement l'offre au demandeur, sans intervention du ministère concerné. La mise en place d'un Comité placé sous l'autorité du ministre de la défense ne permet pas de conclure au respect des règles élémentaires de procédure, tel que le respect du contradictoire, la garantie des droits de la défense ou encore l'assurance d'un accès effectif aux voies de recours.

Il ne s'agit pas d'un procès d'intention de ma part mais il convient de tenir compte du passif entre les victimes et le ministère.

Afin de respecter le droit du contradictoire, le Comité doit permettre au demandeur de consulter son dossier à l'issue de l'instruction, au moment où il est adressé au ministère.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur.  - Je suis tout à fait d'accord avec l'esprit de cet amendement mais nous sommes là dans le domaine du droit commun. La Cour de cassation a déjà défini le principe du contradictoire dans de telles procédures. De plus, on est là clairement dans le domaine du réglementaire. Avis défavorable.

M. Hervé Morin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par MM. Tuheiava, Antoinette, Patient, Gillot, Serge Larcher et Lise.

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par les mots :

, rédigé en concertation avec les institutions de la Polynésie française pour tenir compte des spécificités de cette collectivité

M. Richard Tuheiava.  - Compte tenu des spécificités de la Polynésie française, notamment en ce qui concerne l'organisation familiale, le contexte linguistique et culturel, les distances géographiques et le coût des déplacements, il importe de prévoir, en concertation avec les institutions polynésiennes, certaines dispositions pour l'application de la loi. Je ne fais pas de mauvais esprit, je cherche à rendre ce texte applicable.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur.  - Je comprends bien que vous évoquiez des spécificités comme le coût des voyages mais je ne puis qu'être défavorable à cet amendement car un décret en Conseil d'État ne se rédige pas en concertation avec quelque collectivité territoriale que ce soit.

M. Hervé Morin, ministre.  - Une disposition législative ne peut pas encadrer le pouvoir réglementaire du Premier ministre. Bien entendu, le Gouvernement tiendra compte des débats parlementaires ; bien entendu, nous nous concerterons avec les institutions polynésiennes.

M. Richard Tuheiava.  - Il me semblait pourtant que l'avis des institutions polynésiennes avait été demandé pour l'élaboration de ce projet de loi...

M. Hervé Morin, ministre.  - Vous avez entendu parler de la Constitution ?

M. Richard Tuheiava.  - Il m'est arrivé de lire quelques livres de droit...

M. Hervé Morin, ministre.  - Vous savez peut-être que tout projet de loi concernant la Polynésie doit être soumis aux institutions de celle-ci. Mais il s'agit ici d'un décret !

M. Richard Tuheiava.  - Je ne vois vraiment pas en quoi mon amendement violerait la Constitution du fait qu'il propose de prévoir dans la loi dans quel sens doit se faire le règlement.

M. Hervé Morin, ministre.  - Lisez l'article 37 !

L'amendement n°26 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté, ainsi que les articles 5 et 6.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par MM. Tuheiava, Antoinette, Patient, Gillot, Serge Larcher et Lise.

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le recours juridictionnel du demandeur, en cas de refus d'indemnisation ou de contestation du montant de l'indemnisation proposée, est intenté devant le tribunal administratif de Papeete lorsque le demandeur réside en Polynésie française, ou devant le tribunal administratif de Paris pour les autres demandeurs.

M. Richard Tuheiava.  - Je conserve mon calme.

Les recours contre les décisions d'un ministre relèvent du tribunal administratif de Paris. Nous souhaitons qu'ils puissent se faire devant le tribunal administratif de Papeete, du fait de l'éloignement.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur.  - Je suis désolé de devoir encore vous opposer un avis défavorable, d'autant que j'avais déposé un amendement comparable devant la commission. J'ai dû le retirer parce que cela relevait du règlement mais le ministre s'est engagé à ce que cette disposition figure dans le décret. Il va vous confirmer son engagement.

M. Hervé Morin, ministre.  - Défavorable à l'amendement. Cela figure à l'article 11 de l'avant-projet de décret.

L'amendement n°27 est retiré.

Article 7

Le ministre de la défense réunit au moins deux fois par an une commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires. Cette dernière peut également se réunir à la demande de la majorité de ses membres. La commission comprend des représentants des ministres chargés de la défense, de la santé, de l'outre-mer et des affaires étrangères, le président du gouvernement de la Polynésie française ou son représentant, le président de l'assemblée de la Polynésie française ou son représentant, deux députés, deux sénateurs, cinq représentants des associations représentatives de victimes des essais nucléaires ainsi que quatre personnalités scientifiques qualifiées dans ce domaine.

La commission est consultée sur le suivi de l'application de la présente loi ainsi que sur les modifications éventuelles de la liste des maladies radio-induites. A ce titre, elle peut adresser des recommandations au ministre de la défense et au Parlement.

Un décret en Conseil d'État fixe la liste des membres, leurs modalités de désignation et les principes de fonctionnement de la commission.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit cet article :

Il est créé auprès du Premier ministre une commission nationale de suivi des essais nucléaires.

Elle comprend notamment les ministres chargés de la défense, de la santé, de l'environnement et des affaires étrangères ou leurs représentants, le  président du gouvernement de la Polynésie française ou son représentant, deux députés et deux sénateurs, des représentants des associations représentatives des victimes des essais nucléaires, de leurs veuves et de leurs descendants, des représentants des organisations syndicales patronales et de salariés ainsi que des personnalités scientifiques qualifiées dans ce domaine.

La commission a pour  mission de participer à l'élaboration et aux modifications ultérieures de la liste des maladies radio-induites mentionnée à l'article 3.

Elle assure le suivi des questions relatives à l'épidémiologie et à l'environnement jusqu'ici dévolues au département du suivi des centres d'expérimentations nucléaires.

Elle organise le suivi médical des personnels civils et militaires présents lors des essais nucléaires ainsi que des populations vivant ou ayant vécu à proximité des sites visés à l'article 2.

Un décret en Conseil d'État fixe la liste des membres de cette commission, les modalités de leur désignation, ses principes de fonctionnement et son financement.

Mme Michelle Demessine.  - Cette commission de suivi des conséquences des essais nucléaires nous semble être amenée à jouer un rôle minime, en tout cas pas à la hauteur des problèmes. Elle est purement consultative et sa vocation est floue et limitée : elle se bornera à donner des avis sur l'application de cette loi et sur les modifications à apporter à la liste des maladies radio-induites.

Nous voulons la rattacher directement au Premier ministre pour souligner l'ampleur et la transversalité de problèmes qui ne devraient plus être pilotés par le ministre de la Défense. Il faudrait aussi la doter de compétences dans le domaine du suivi médical afin qu'elle puisse susciter par elle-même les études épidémiologiques qui restent à faire auprès des populations exposées à des rayonnements ionisants. Je pense à nos compatriotes de Polynésie, qui ont aussi subi une dégradation de leur environnement. Atmosphériques ou souterrains, nos essais ont sans doute eu des conséquences négatives sur la faune, la flore, les récifs coralliens. Je dis « sans doute » car aucune étude n'a encore été faite là-dessus.

Trop longtemps, les autorités de notre pays ont nié toute conséquence négative des essais nucléaires. Cette absence de transparence a suscité la méfiance des Polynésiens envers les différents gouvernements. Étendre les missions et les compétences de cette commission de suivi serait le signe fort donné par le Gouvernement qu'il veut vraiment une ambitieuse loi d'indemnisation.

L'amendement n°13 rectifié n'est pas défendu.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur.  - Avec l'accord de nos collègues concernés, je souhaite que nous discutions de cet amendement en même temps que les suivants.

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par Mme Voynet, MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery.

Alinéa 2, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et des zones mentionnées à l'article 2

Mme Dominique Voynet.  - Il s'agit là d'un amendement de repli par rapport à celui de Mme Demessine. La commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires doit être consultée sur les modifications potentielles des zones mentionnées à l'article 2 et ainsi pouvoir émettre des recommandations. C'est une question de responsabilité pour la France et pour nous, même si un toilettage des zonages peut élargir le champ des bénéficiaires.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, après la première phrase

Insérer deux phrases ainsi rédigées :

La commission mettra en place un contrôle continu des conséquences environnementales sur les lieux définis à l'article 2 concernés par les essais nucléaires. La commission veillera à la mise à jour régulière des zones et des périodes définies à l'article 2.

M. André Vantomme.  - La commission doit exercer un rôle de veille afin d'apporter si nécessaire des améliorations au dispositif d'indemnisation. Elle doit aussi mettre à jour régulièrement les zones et périodes définies à l'article 2.

Il faut aussi se préoccuper des conséquences environnementales des essais, tant à l'époque des tirs qu'aujourd'hui. Il serait utile de rassembler les informations disponibles sur les effets sur la faune et la flore des essais atmosphériques, mais aussi des essais souterrains ; je pense aux retombées constatées sur les massifs coralliens des atolls polynésiens.

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par Mme Voynet, MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La commission consultative de suivi a également pour mission de participer à l'évaluation des conséquences environnementales des essais nucléaires français dans les zones mentionnées à l'article 2. Elle s'appuie notamment sur les apports scientifiques disponibles en la matière.

Mme Dominique Voynet.  - L'inconvénient de la nouvelle procédure législative, c'est qu'elle nous conduit à répéter en séance des arguments déjà avancés en commission mais qui méritent d'être portés à la connaissance du public.

Le comité d'indemnisation, principalement composé d'experts médicaux, statuera sur la base d'éléments objectifs définis par la loi. Mais la commission de suivi, dont le rôle sera consultatif, aura plus de liberté : il serait raisonnable de lui permettre d'aborder des sujets qui doivent être débattus et sur lesquels les connaissances doivent être actualisées. Cet amendement vise à lui confier le soin d'évaluer les conséquences environnementales des essais nucléaires français dans les zones définies à l'article 2. Un essai manqué au Sahara a eu par exemple des effets désastreux ! Les retombées environnementales -pollution des pluies et des sols, atteintes à l'écosystème- sont inséparables des conséquences sanitaires. Ce n'est pas seulement aux ayants droit des victimes qu'il faut penser mais aux générations futures qui continueront de subir les effets de l'exposition aux radiations : malformations, déficiences immunitaires, etc.

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par MM. Tuheiava, Antoinette, Patient, Gillot, Serge Larcher et Lise.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La commission assure un suivi épidémiologique des conséquences des essais nucléaires français à partir des données agrégées fournies par le comité d'indemnisation mentionné à l'article 3 et par le centre médical de suivi (CMS) en Polynésie française.

M. Richard Tuheiava.  - La procédure d'indemnisation permettra de rassembler des renseignements sur les personnes qui ont été exposées dans des conditions de protection variables selon les époques et les modes d'organisation des essais. Il serait intéressant, d'un point de vue épidémiologique, que la commission puisse émettre des recommandations sur la manière de garder trace de ces informations ou en organiser elle-même la conservation.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur.  - Les amendements nos4, 13 et 8 placent la commission de suivi après du Premier ministre : pourquoi pas ? Ils intègrent l'environnement parmi ses domaines de compétence : il est vrai que les essais ont eu des retombées sur la faune et la flore, qui persistent même si elles se sont atténuées avec le temps. Le problème se pose aussi des déchets radioactifs immergés dans les lagons de Mururoa et de Hao. Mais je ne crois pas que la commission de suivi soit le lieu adapté pour en discuter. Ce dossier relève des ministères de l'environnement et de la défense et des collectivités territoriales concernées. La vocation de la commission est de suivre l'application de la loi.

Ces amendements chargent également la commission d'organiser le suivi médical du personnel civil et militaire ainsi que des populations qui ont séjourné dans les zones de retombées radioactives. Certes, une politique de prévention et de dépistage est nécessaire. Mais ce n'est pas le rôle de la commission de suivi : il existe pour cela des administrations compétentes. Je rappelle qu'une convention relative au suivi sanitaire des anciens travailleurs civils et militaires du Centre d'expérimentation du Pacifique et des populations vivant ou ayant vécu à proximité de sites d'expérimentation nucléaire a été conclue entre l'État et la Polynésie française le 30 août 2007. (M. le ministre le confirme) Cette convention a créé un centre de suivi médical qui assure des consultations individuelles pour les anciens travailleurs du CEP, les personnes justifiant avoir résidé habituellement dans les communes de Tureia, Reao, Pukarua et Gambier entre 1966 et 1974 et celles qui ont leur résidence principale dans ces communes.

La commission de suivi doit se réunir deux fois par an, peut-être davantage si l'amendement voté par la commission est définitivement adopté, mais ce n'est pas suffisant pour organiser le suivi de plusieurs dizaines de milliers de personnes. En outre, parmi les personnes qui ont séjourné dans les zones définies à l'article 2, il y a les populations nomades du sud de l'Algérie.

Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à ces amendements ainsi qu'à l'amendement n°33.

Même avis sur l'amendement n°34 : en prévoyant que la commission pourra recommander de modifier les zones définies à l'article 2, nous jetterions le doute sur le bien-fondé de leur délimitation avant même que le dispositif ne commence à fonctionner.

Quant à l'amendement n°28, il est judicieux de se servir des données examinées par le comité pour affiner les études épidémiologiques sur les conséquences des essais nucléaires. Mais cette disposition ne relève pas de la loi ; on peut même se demander si elle relève du règlement ou d'un programme de recherche. En outre, je doute que la commission de suivi qui se réunira deux fois par an soit l'organe adapté pour piloter des études épidémiologiques. Avis défavorable.

M. Hervé Morin, ministre.  - Même avis. Nous avons beaucoup discuté de ces amendements en commission.

M. Bernard Frimat.  - La révision constitutionnelle n'a pas abouti à ce que la loi soit votée en commission ! Nous sommes sénateurs avant d'être membres de telle ou telle commission et puisque nous sommes présents dans cet hémicycle, il serait bon que l'on nous fasse l'aumône de quelques explications. En l'espèce, M. le rapporteur s'est largement expliqué sur les raisons qui le conduisent à rejeter ces amendements. Mais il ne faudrait pas que l'habitude se prenne de renvoyer les intervenants aux débats en commission ! Je félicite d'ailleurs les nombreux membres de l'UMP ici présents qui n'appartiennent pas à la commission des affaires étrangères et se montrent convaincus par les explications du Gouvernement...

M. Didier Boulaud.  - C'est la garde montante !

M. Bernard Frimat.  - Pour que la séance publique soit fréquentée, comme le souhaite, si j'ai bien compris sa pensée, M. le Président Larcher, il ne faut pas qu'on nous réponde à chaque fois que les problèmes soulevés ont été abordés en commission ! Si cette tendance se perpétue, les membres de l'opposition réserveront tous leurs amendements pour la séance publique, où ils ne pourront plus se voir opposer cet argument ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La révision constitutionnelle, je l'ai souvent dit, a abaissé les pouvoirs du Parlement. Tous les textes sont désormais examinés selon la procédure accélérée, et la navette parlementaire ne sera bientôt plus qu'un souvenir dont seuls les plus anciens d'entre nous pourront faire part à leurs proches à la veillée... Gardons-nous d'une nouvelle dérive, par fidélité à l'esprit d'une révision dont je me réjouis chaque jour de ne pas l'avoir votée... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marie-France Beaufils.  - Je partage entièrement l'avis de M. Frimat. Pas plus que Mme Demessine en commission, je n'ai été convaincue par les arguments de M. le rapporteur. Nous manquons une belle occasion d'envisager l'ensemble des conséquences des effets nucléaires, afin que les générations futures puissent les affronter sans trop de mal. M. le rapporteur a rappelé que les populations du Sahara sont nomades : c'est justement pourquoi il faut intensifier nos recherches. Les retombées des essais se font sentir bien au-delà des zones où ceux-ci ont eu lieu !

M. Marc Laménie.  - Je n'appartiens pas à la commission mais il faut reconnaître la qualité du travail accompli. On peut comprendre les propositions et les réactions de nos collègues de l'opposition.

Il faut faire confiance aux membres de la commission qui ont fait un travail de fond : je voterai cet article.

L'amendement n°4 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos34, 8, 33 et 28.

L'article 7 est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un décret en Conseil d'État formule un titre de reconnaissance de la Nation qui sera accordé aux personnels militaires et civils ayant participé aux essais nucléaires français qui en feront la demande.

M. Bernard Piras.  - Les vétérans des essais nucléaires n'ont certes pas combattu mais ils ont contribué à un outil de sécurité et de dissuasion qui bénéficie à la communauté nationale. Ils méritent le titre de reconnaissance de la Nation, comme l'indique déjà le titre du projet de loi.

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur.  - Les vétérans des essais nucléaires méritent non seulement une juste réparation mais aussi une légitime gratitude parce qu'ils ont construit notre force de dissuasion nucléaire et, ainsi, ils ont contribué à notre sécurité collective autant que ceux qui se sont battus sur des théâtres extérieurs. La commission est favorable à cet amendement sous réserve que le ministre, lors de l'élaboration de ce décret, consulte la Chancellerie ainsi que les associations d'anciens combattants.

M. Hervé Morin, ministre.  - Je comprends le souci des auteurs de l'amendement mais le titre de reconnaissance de la Nation obéit à des règles précises. Pour l'obtenir, il faut ainsi avoir participé à des opérations de guerre ou à des opérations extérieures au moins pendant 90 jours. Je suis d'accord pour examiner la question avec la Chancellerie mais pas pour l'introduire dans la loi.

M. Jacques Gautier.  - Je suis d'accord avec le ministre. Nous sommes tous solidaires des vétérans et des populations qui ont été exposées mais la reconnaissance de la Nation est un titre militaire qui récompense des combattants. Il faut trouver une solution avec la Chancellerie, mais sans utiliser ce titre. Le groupe UMP ne votera pas cet amendement.

M. Gaston Flosse.  - Je propose à M. Piras de modifier son amendement pour accorder ce titre de reconnaissance de la Nation à l'ensemble de la population de la Polynésie française qui a supporté ces essais nucléaires sur son territoire pendant trente trois ans et qui, de ce fait, a droit à notre reconnaissance.

M. Bernard Piras.  - Monsieur Flosse, l'amendement concerne les militaires et les civils polynésiens...

Monsieur le ministre, dans le passé, la France n'a pas toujours fait preuve de dignité lorsqu'il s'est agi de prouver sa reconnaissance, envers les harkis par exemple. Quant aux anciens combattants de nos ex-colonies, il a fallu un film pour faire reconnaître leurs droits... J'aimerais que le ministre prenne un engagement ferme.

M. Richard Tuheiava.  - J'appartiens à un groupe politique de Polynésie qui ne pourrait pas accepter cet amendement tel qu'il est rédigé et, personnellement, je m'abstiendrai. Le titre de reconnaissance de la Nation ne peut être attribué seulement à ceux qui ont travaillé aux essais nucléaires sans l'être aussi à la population qui, sans y avoir travaillé, les ont subis.

Mme Dominique Voynet.  - Nous sommes tous mal à l'aise car si nous comprenons la nécessité d'un geste symbolique en plus de la réparation financière, il serait déraisonnable de ne le faire qu'en faveur des civils et militaires ayant travaillé aux essais. Aucune excuse n'est présentée aux populations environnantes qui ont été flouées. Beaucoup de Polynésiens ont subi ces essais sans les avoir demandés et sans avoir la moindre idée de ce qui se passait, tandis que d'autres en tiraient sans vergogne d'énormes profits. Cela me choque que cela ne soit pas dit ici.

M. René Garrec.  - Comme tous les gens de mon âge, j'ai servi en Algérie. Certains ne se sont pas battus mais on a reconnu le préjudice que tous avaient subi du fait de passer deux ans et demi loin de chez eux dans des conditions toujours difficiles. Cela me dérange qu'on assimile les deux situations. Je voterai contre cet amendement.

M. Bernard Piras.  - Ayant entendu tous ces arguments, je retire mon amendement. Mais je prends acte de l'engagement du ministre à trouver une solution. (Applaudissements à droite et au centre et sur certains bancs socialistes)

L'amendement n°9 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery, MM. Muller, Desessard et Mme Blandin.

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement mènera des études d'impact sur la santé des personnels civils et militaires présents sur les sites ayant accueilli des essais et des activités nucléaires, afin d'informer et de protéger les populations.

Mme Dominique Voynet.  - Je suis obligée de modifier cet amendement en faisant référence aux « activités nucléaires militaires » parce que celles-ci ne sont pas soumises aux mêmes obligations que les activités nucléaires civiles ; ce qui n'aurait pas été accepté sur des sites civils l'a été sur des sites militaires.

Certes, il s'agit d'un problème périphérique, mais je ne veux pas qu'on se retrouve dans dix ou quinze dans la situation que connaît aujourd'hui la Polynésie. Nous disposons des témoignages d'appelés racontant comment, à Valduc par exemple, on a brûlé à l'air libre des matières contaminées et, cela, à proximité de cours d'eau. A Marcoule, on a entreposé des quantités considérables de déchets de catégorie B, à l'air libre, hors conteneurs. Ils sont toujours là... Les commissions locales d'information mises en place sur les sites civils n'existaient pas sur les sites militaires. Ce serait à l'honneur de l'État de faire en sorte que les élus locaux sachent ce qui s'y passe...

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur.  - Vous l'avez dit vous-même, cet amendement est hors sujet. Le problème que vous soulevez est réel, cependant.

M. Hervé Morin, ministre.  - L'amendement n'a en effet aucun lien avec le texte. J'ajoute que la Haute autorité assure un suivi sur toutes les installations. Une étude a été menée par un organisme indépendant sur plus de 30 000 personnes et j'ai ouvert, en 2007, en Polynésie française, un suivi médical permanent. Toute personne qui a participé aux essais peut demander une consultation et un suivi médical dans les hôpitaux du service de santé des armées.

L'amendement n°36 n'est pas adopté.

L'article 8 est adopté.

L'amendement n°35 rectifié n'est pas soutenu.

Vote sur l'ensemble

M. Jacques Gautier.  - La portée de ce texte dépasse celle du symbole, qui est pourtant très grande. Il s'agit de mettre enfin un terme à un tabou de l'histoire de notre défense et de tourner dans la justice et la dignité une page de celle de la France. Ce texte était très attendu par les vétérans, les personnels civils et tous ceux qui ont développé des pathologies cancéreuses à la suite d'une exposition aux rayonnements ionisants des essais nucléaires. Il apporte des réponses concrètes aux difficultés rencontrées par les demandeurs pour obtenir une juste indemnisation. Je salue l'engagement et l'excellent travail du rapporteur. (Applaudissements à droite)

Il n'était pas aisé d'inscrire dans notre droit un mécanisme d'indemnisation fondé sur le lien de causalité alors que les pathologies constatées n'ont pas de signature ; à la reconnaissance est jointe la rigueur avec un examen au cas par cas des dossiers par un comité d'experts qui devra fonder ses avis sur les recherches les plus avancées, dont celles menées par les Nations unies. Les associations participeront au suivi de l'application de la loi.

Je remercie le Gouvernement et le ministre de la Défense qui ont eu le courage d'inscrire ce texte à l'ordre du jour du Parlement. Le groupe UMP le votera. (Applaudissements à droite)

Mme Dominique Voynet.  - Les principaux mérites de ce texte sont son existence et son titre. Sa portée, après l'affirmation de principes non contestables, est cependant amoindrie par l'usage répété du conditionnel et de multiples précautions oratoires. Que se passera-t-il lorsqu'un demandeur âgé, malade, peu familier de la parole ou de l'écrit, viendra déposer son dossier ? Que de temps perdu, de douleurs et de désarroi lorsqu'il lui sera demandé de prouver que c'est bien aux essais nucléaires qu'il doit la pathologie dont il souffre !

Je salue à mon tour la bonne volonté du Gouvernement ainsi que l'engagement et la courtoisie du rapporteur. Les cinq sénateurs Verts ne voteront pas ce texte.

Mme Michelle Demessine.  - Tout en reconnaissant la portée du geste, nous sommes, après ce débat, déçus et mécontents. Nous ne nous faisions guère d'illusion : les travaux en commission, malgré la bonne volonté du rapporteur, avaient montré que le Gouvernement n'était pas prêt à un dispositif d'indemnisation à la mesure de la souffrance des victimes. L'irrecevabilité financière a été opposée à nos amendements ainsi qu'à ceux du groupe socialiste qui tendaient à étendre le dispositif. Je proteste une nouvelle fois contre cette méthode mesquine qui interdit à la représentation nationale de proposer des dispositions ayant un impact financier pour l'État.

Si le texte reconnaît enfin que les essais nucléaires ont fait des victimes, si la charge de la preuve est opportunément inversée, la juste réparation n'est pas au rendez-vous. Nous avons voté les améliorations proposées par le rapporteur, la suppression de l'adjectif « directe » qualifiant l'exposition aux radiations, l'accompagnement des demandeurs, le respect du contradictoire, la possibilité de réunir la commission de suivi à la demande de la majorité de ses membres ; mais l'équilibre n'est pas rétabli, le ministère de la Défense reste juge et partie ; et des mesures importantes ont été repoussées par le Gouvernement et la majorité, comme la création d'un fonds spécifique d'indemnisation, la réparation du préjudice des ayants droit ou encore la mise en place d'un dispositif de retraite anticipée.

La loi est restée à mi-chemin. Nous avons la désagréable impression, comme les associations, que le Gouvernement n'a pas voulu régler dignement la question pour de médiocres raisons financières, qui ne sont rien au regard des dépenses militaires du pays. C'est manquer de considération pour ces femmes et ces hommes qui ont hier contribué à la grandeur de la France. La reconnaissance est enfin là et l'opinion s'y retrouvera, c'est important ; mais nombre de victimes subiront une double peine, la souffrance due à la maladie et celle de se voir exclues du dispositif d'indemnisation. Le groupe CRC votera contre.

M. André Vantomme.  - Le groupe socialiste s'abstiendra. Nous saluons le travail rigoureux et ouvert du rapporteur et nous reconnaissons que ce texte est un acte positif en direction des victimes. Mais nous regrettons les réticences du Gouvernement, l'utilisation paradoxale de l'article 40, le rôle réduit des associations ou encore l'absence de prise en compte des conséquences environnementales passées et à venir des essais. Le texte est perfectible. Nous serons au côté des associations pour plus de justice et d'équité. Le combat continue. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Richard Tuheiava.  - Avec l'accord de mes collègues, je voterai personnellement contre ce texte. N'étant pas membre de la commission des affaires étrangères, j'ai suivi attentivement les débats de l'après-midi et j'ai bien noté les améliorations apportées grâce au travail rigoureux et objectif du rapporteur. Le dispositif reste insuffisant, qui ne reconnaît pas comme il le faudrait la présomption de causalité entre l'exposition aux radiations et la maladie et qui ne répond pas aux revendications des Polynésiens relatives à la délimitation des zones concernées.

En fait, toute la Polynésie française a été exposée de 1966 à 1974 aux retombées radioactives des essais nucléaires atmosphériques. Le préjudice spécifique aux ayants droits n'est toujours pas reconnu.

Nous attendons encore la création d'une caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, car nous n'avons que des engagements verbaux. Vous demandez aujourd'hui un vote à l'aveuglette.

Je pensais m'abstenir, comme le reste de mon groupe. (M. le ministre échange quelques mots à voix basse avec M. le rapporteur) Je regrette que lorsque les parlementaires s'adressent au Gouvernement, ils ne voient le ministre que de dos. C'est une question de symbole, mais il faudrait au moins que nous ayons l'impression d'être écoutés... Cette considération n'est pour rien dans ma décision de voter contre ce texte.

En fait, mon vote négatif est largement dû à une application de l'article 40 qui travestit nos débats. Je connais très bien cette disposition constitutionnelle mais son application conduit en l'espèce à considérer l'indemnisation de populations irradiées comme dangereuse pour les finances publiques, alors que tel est précisément l'objet du projet de loi que nous discutons. Nous sommes véritablement aux confins d'une interprétation surprenante de l'article !

Ce texte est censé dédouaner la France de sa responsabilité (M. le ministre ne partage pas cette opinion) en apurant le passif des essais nucléaires. Je ne suis pas sûr que l'objectif soit atteint, que les populations des atolls exclus acceptent ses dispositions ni que les ayants droits dont l'ADN a été altéré par les radiations approuvent des dispositions que je ne voterai pas. (Applaudissements à gauche)

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur.  - Je remercie mes collègues pour leur soutien et la qualité de leurs interventions. Je pense bien sûr aux orateurs de la majorité sénatoriale, mais aussi à Mmes Demessine et Voynet, ainsi qu'à M. Vantomme pour leur participation active à l'élaboration du texte. Nous n'avons pas toujours été d'accord mais le dialogue est resté constructif.

Je me félicite du quasi-consensus dont bénéficie ce projet de loi dont le sujet ne se prête pas aux réflexes partisans.

Ma gratitude s'adresse particulièrement à nos collègues ultramarins. Le dispositif s'appliquera aux personnes ayant participé aux essais nucléaires, quelle que soit leur origine, mais les Polynésiens ont été plus particulièrement affectés par les conséquences sanitaires des essais. Il était donc important que leurs élus expriment leur sentiment.

Je remercie les associations pour leur patience et pour leur disponibilité à nous éclairer. Je n'oublie pas le ministre, qui a défendu ce projet avec détermination, ni ses services, dont la bonne volonté ne s'est pas démentie lorsque la commission a modifié un texte qui les avait occupés pendant des mois.

Une commission mixte paritaire se réunira prochainement. J'ai bon espoir d'aboutir à un accord avec nos collègues députés car nos travaux se complètent utilement. Ainsi, la loi pourra sans doute être promulguée à la fin de l'année, permettant au nouveau dispositif d'entrer en vigueur début 2010 ; toutes les personnes concernées pourront alors déposer une demande d'indemnisation.

Le cancer est une maladie lourde. Ses traitements éprouvants ne sont pas toujours couronnés de succès. Le texte est dédié à ses victimes. (Applaudissements à droite)

M. Hervé Morin, ministre.  - Je remercie à mon tour les parlementaires qui ont amélioré le projet initial.

Nous étions animés par une volonté de concertation car des propositions de loi avaient été déposées depuis des années sur tous les bancs, sans parvenir jusqu'à l'ordre du jour prioritaire.

J'éprouve aujourd'hui un sentiment de joie, et même de fierté : comme président du groupe UDF de l'Assemblée nationale, j'avais reçu les associations de victimes et j'avais même suggéré au candidat à l'élection présidentielle que je soutenais d'inscrire leur indemnisation dans son programme électoral. Je n'ai pas été suivi mais j'ai persévéré dans l'idée que la France devait faire comme les autres démocraties et indemniser les victimes des essais nucléaires. Lorsque je suis arrivé au ministère, mes services ont expliqué que tout était parfait... Lorsque je quitterai mes fonctions actuelles, cette réalisation figurera haut dans mon coeur.

Mais j'éprouve aussi de la tristesse car j'avais la naïveté de croire que chacun reconnaîtrait les avancées plutôt que les lacunes d'un texte que des membres de tous les groupes politiques avaient souhaité, sans qu'aucune majorité ne les a satisfaits. J'ai vécu cette déception à l'Assemblée nationale. J'espérais que la sagesse de la Haute assemblée lui réserverait un autre sort. Ce ne sera pas le cas.

Nous ferons en sorte que la commission mixte paritaire se réunisse le plus vite possible et nous allons élaborer dès maintenant, en concertation avec les institutions polynésiennes, le décret d'application afin qu'il soit publié quelques jours après la promulgation de la loi, pour commencer à travailler dès le début de l'année 2010, ce que nous attendons tous. (Applaudissements au centre et à droite)

L'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public à la demande du groupe socialiste et du Gouvernement.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 216
Majorité absolue des suffrages exprimés 109
Pour l'adoption 187
Contre 29

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs UMP)