Service civique

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative au service civique, présentée par M. Yvon Collin et les membres du groupe RDSE.

Discussion générale

M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi.  - De nombreux jeunes sont en mal de repères et certains -pas assez hélas !- manifestent un fort désir de s'investir pour leur pays. Avec cette proposition de loi, le RDSE veut leur donner l'occasion de s'engager au service des valeurs de la République. Il n'est nullement question de rétablir la conscription universelle -point de nostalgie !- mais de lui trouver un substitut qui remplisse son rôle de creuset républicain et sa mission de brassage social. Lors de la suspension du service militaire en 1997, cette option avait été discutée avant d'être repoussée et la conscription remplacée par une simple journée d'appel de préparation à la défense. Il aura fallu attendre la crise des banlieues de 2005 et la loi sur l'égalité des chances pour qu'un service civil volontaire soit institué en 2006. Mal conçu, il est rapidement apparu comme une fausse bonne réponse aux seuls problèmes des banlieues d'autant que la complexité du dispositif a freiné son développement. Pour tirer les leçons de ce rendez-vous manqué, le RDSE a proposé un débat, qui s'est tenu au Sénat le 10 juin dernier, dont un consensus s'est vite dégagé : le service civil volontaire souffrant d'un un triple déficit -manque de visibilité, manque de reconnaissance et absence de valorisation de l'expérience acquise- il doit être rénové. Monsieur le haut-commissaire, vous aviez alors partagé notre diagnostic et souhaité en faire part au Président de la République et au Premier ministre. Le service volontaire doit être revu et même rebaptisé pour atteindre son objectif : donner à chacun l'opportunité de s'engager au service de l'intérêt général et, donc, renforcer les valeurs républicaines et la cohésion d'une société française fragilisée...

Notre proposition de loi, déposée le 14 septembre dernier, crée un service « civique », terme qui traduit mieux son lien avec le civisme -cette valeur si chère à mon groupe, le plus ancien de la République- et fait cruellement défaut à nos sociétés modernes, individualistes et consuméristes. Cette opportunité sera proposée à tous dès l'âge de 16 ans. Autrement dit, les jeunes ne seront pas seuls concernés. Au reste, quand cesse-t-on d'être jeune ? Le sociologue Pierre Bourdieu n'a-t-il pas écrit un article intitulé « la jeunesse n'est qu'un mot »? L'on sait ici qu'elle est autant un état d'esprit... (Sourires) Bref, pour atteindre notre objectif, il paraît essentiel d'ajouter à la mixité sociale la mixité générationnelle... Nous souhaitons une participation financière de l'État importante, surtout pour les jeunes de moins de 25 ans afin d'éviter que ce service ne crée une concurrence déloyale dans le monde de l'emploi... Parce que nous voulons promouvoir la mixité sous toutes ces formes, il faudra veiller à ce que ce service civique ne devienne pas une voie de garage réservée aux seuls jeunes en situation d'échec. Monsieur le haut-commissaire, nous comptons sur vous pour que ce service s'adresse à tous, son succès en dépend ! De même, nous souhaitons l'ouvrir aux étrangers, aux citoyens des États membres de l'Union, mais aussi aux ressortissants des pays tiers qui résident depuis au moins un an dans notre pays. J'ai déposé, à ce sujet, un amendement revenant à notre texte initial. Il s'agit du seul point de désaccord avec la commission dont je salue, à cette occasion, le travail remarquable. Considérant qu'une majorité se dégagerait au Parlement pour le seul service civique volontaire, nous avons pris le parti de ménager une transition et de « laisser le dispositif monter en puissance jusqu'à devenir obligatoire ». Nous ne voulons pas d'une politique du nombre : si l'objectif de 10 000 volontaires en 2010 n'était pas atteint, nous préférerions que la qualité prime, c'est-à-dire que les premiers volontaires soient le mieux accueillis et le mieux pris en charge possible. Ces volontaires seront les premiers à faire la publicité du dispositif, réussir leur accueil est donc fondamental.

Un service civique attrayant et valorisant trouvera son ancrage, jusqu'à devenir un jour obligatoire. Dans notre proposition, il bénéficie de toutes les garanties économiques et sociales. Le contrat écrit ne sera pas soumis aux règles du code du travail : nous décrivons donc précisément les règles légales applicables, les droits, les devoirs. Conclu avec un organisme sans but lucratif ou une personne morale de droit public agréés, le service civique portera sur des missions d'intérêt général, utiles -et non pas « occupationnelles », car sinon, nous aurions manqué notre but. L'agrément sera délivré pour une durée déterminée par l'État ou une personne morale de droit public désignée à cet effet. La durée du service sera comprise entre six et vingt-quatre mois, le temps hebdomadaire sera de 48 heures au plus sur six jours. Le service pourra être effectué en même temps que des études ou une activité professionnelle, mais il ne s'agit pas d'une distraction de quelques heures par semaine et la commission de la culture a raison de le porter à au moins 24 heures par semaine.

Autre précision importante : le volontaire ne prendra pas la place d'un salarié. Nous interdisons le recrutement d'un volontaire pour un poste occupé moins de six mois auparavant par un salarié. L'indemnisation sera ajustée en fonction des circonstances. Le volontaire engagé à l'étranger ou dans un département ou une collectivité d'outre-mer pourra percevoir des indemnités supplémentaires et des prestations nécessaires à sa subsistance, son équipement et son logement. Pour autant, le service civique doit rester un engagement désintéressé : l'indemnité sera plafonnée et les indemnités complémentaires toujours proportionnées aux missions. Nous ne rejetons pas l'idée d'un plancher fixé par décret. Enfin, l'indemnisation n'ayant pas le caractère d'un salaire ou d'une rémunération, elle sera non imposable et exclue de l'assiette de certaines cotisations sociales ; elle ne sera pas prise en compte pour la détermination des droits à certaines aides à la personne. Le versement des indemnités de chômage, suspendu au début du service civique, reprendra au terme de l'engagement. Et un salarié qui rompra son contrat de travail pour souscrire un engagement civique conservera ses droits à l'assurance chômage.

La proposition fixe les règles de congés et de couverture sociale ; nous renvoyons à un décret mais posons le principe de congés payés et les assurances sociales sont définies à l'article 4. Enfin, point fondamental et original de cette proposition de loi, le service civique sera valorisé dans les cursus des établissements d'enseignement supérieur et pris en compte au titre de la validation des acquis de l'expérience. Ainsi l'engagement s'intégrera progressivement dans le parcours de tous les jeunes. L'État délivrera une attestation de service civique et une description des activités exercées et des connaissances et compétences acquises.

Nous avons jugé opportun de profiter de ce texte pour donner aux activités bénévoles, hors du cadre du service civique, une reconnaissance similaire. Sous certaines conditions de durée d'engagement et de formation, une activité bénévole pourra être sanctionnée par une attestation de l'État de même ordre. La commission a ajouté qu'un salarié ayant un minimum de douze mois d'ancienneté dans une entreprise pourra prendre un congé spécial pour effectuer un service civique. Celui-ci sera aussi une période d'apprentissage. Les organismes agréés qui recevront les volontaires seront donc soumis à des obligations de préparation aux missions, de formation civique et de tutorat.

Alors que la crise touche de plein fouet une jeunesse à la recherche de repères et en mal de citoyenneté, nous avons amélioré le dispositif existant, qui est inefficace et inopérant. Le service civique est un moment de sensibilisation à la Nation, à la citoyenneté, une occasion de parfaire son éducation civique. L'individualisme engendre incivilités et violence tout en diluant le sentiment d'appartenance à la collectivité. Le service civique recréera du lien social.

Il y a beaucoup à faire mais nous sommes sur la bonne voie. La communication sera cruciale. Une présentation lors de la Journée d'appel me semble une excellente idée ; et pourquoi ne pas envisager une information dès le collège ou le lycée ? Je me réjouis aussi que la commission ait fixé une date limite pour l'entrée en vigueur du texte.

Le but, je le redis, n'est pas de faire du chiffre mais de la qualité ; et ce, de toute urgence. J'espère que l'État donnera sa chance au service civique en accordant rapidement les financements nécessaires et en publiant les décrets d'application plus tôt qu'à l'accoutumée. Si la procédure parlementaire suit son cours et si les décrets d'application suivent sans tarder, peut-être verrons-nous le 14 juillet 2010 sur les Champs-Élysées la première promotion de jeunes volontaires ! Ce serait un bel outil de promotion pour que la proposition de loi du groupe RDSE, adoptée par le Parlement je l'espère à une très large majorité, rencontre auprès des jeunes Français le succès qu'elle mérite. (Applaudissements des bancs socialistes à la droite)

M. Christian Demuynck, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.  - L'histoire du service civique est celle des occasions ratées : la suppression du service militaire était légitime mais ses conséquences pour la cohésion sociale et la mixité n'ont pas été compensées ni même évaluées. La loi de 1997 comportait déjà le principe du volontariat, comme composante du service national universel. Mais rien n'est venu concrétiser cette idée. La loi du 14 mars 2000 a introduit de nouvelles formes de volontariat civil pour pérenniser les activités d'intérêt général du service national. Mais aucun cap n'a été donné, aucun cadrage précis. Les volontariats ont donc fleuri par décret : volontariat civil de cohésion sociale et de solidarité, volontariat civil à l'aide technique, volontariat de prévention, sécurité et défense civile, volontariat international en administration, volontariat international en entreprise... Avec autant de statuts différents, restés confidentiels, réservés aux connaisseurs... Le rapport de M. Luc Ferry sur le sujet dénonçait un dispositif « très complexe, voire illisible, resté confidentiel et méconnu ». Le recrutement n'a jamais dépassé 2 000 volontaires par an. Bref, l'esprit du service national universel a été détourné.

Après les émeutes dans les banlieues, la réflexion a été relancée et en 2006, le volontariat associatif était créé, répondant au souhait des jeunes de travailler dans les associations, auprès des plus démunis et dans les domaines culturel ou sportif. Ce dont on n'avait jamais douté s'est produit : les jeunes ont manifesté le souhait de s'engager pour la Nation. Les sondages réalisés dans le cadre du rapport Ferry ne laissent aucun doute à cet égard.

On a alors ajouté une nouvelle couche à l'empilement des volontariats. Le législateur a créé en 2006 le service civil volontaire : un même agrément chapeaute l'ensemble des volontariats. L'engagement financier de l'État était important. Le nouveau label aurait pu donner une notoriété au volontariat ; mais celui-ci a été miné par des démarches administratives d'une complexité inouïe, véritable défi même pour les esprits les plus sagaces. Procédure de double agrément, multiplicité des guichets, manque de moyens... C'est le constat établi à l'unanimité par notre mission commune d'information sur la jeunesse, menée en 2009 sous la houlette de Mme Le Texier. J'ai eu l'honneur d'en être le rapporteur. Je rends hommage à ceux qui oeuvrent en faveur du service civique, outil de cohésion sociale. Merci à M. Collin et au groupe RDSE pour cette proposition extrêmement pertinente. Bravo d'avoir donné le coup d'envoi et de porter ce texte avec talent. Saluons également le haut-commissaire, qui soutient cette initiative parlementaire grâce à des amendements portant engagement financier du Gouvernement. La discussion budgétaire montrera que l'investissement est conséquent et que le défi peut être relevé dès 2010.

Mes remerciements vont aussi aux associations qui défendent avec succès le service civil et souhaitent s'impliquer dans le service civique.

Lors de son discours du 29 septembre en Avignon, le Président de la République a annoncé l'objectif de 10 % d'une classe d'âge à moyen terme.

Le texte s'inscrit dans le code du service national. Le service civique doit être non seulement une forme du service national, mais son fer de lance. L'idée est simple : vous pouvez aider la Nation à travers un engagement civil et citoyen, avec le soutien de l'État. La commission a ainsi amendé le texte pour faire de la cohésion nationale un objectif majeur du service national universel et insister sur la mixité sociale. La journée d'appel de préparation à la défense nationale est par ailleurs renommée journée d'appel de préparation au service national.

Le service civique n'est pas un fronton unique pour différents volontariats mais un nouvel édifice qui se substitue aux dispositifs existants, les volontariats à vocation internationale restant hors du dispositif. Enfin, le nouveau dispositif harmonise les régimes vers le haut tant en matière de couverture sociale que de reconnaissance dans l'enseignement supérieur ou en validation des acquis de l'expérience. Il est ouvert à toute la population, sans condition d'âge.

La commission a imposé que le volontaire bénéficie, durant tout son volontariat, d'un accompagnement citoyen avec une formation sur le long cours et un tuteur permanent. Le Gouvernement devra s'engager à financer l'accompagnement par l'organisme d'accueil. Il faudra un accueil réel du volontaire et un bilan du volontariat, surtout pour les jeunes les plus défavorisés.

Elle a également imposé un nombre d'heures minimum par semaine, afin que l'on s'assure qu'il s'agit d'un véritable engagement au service de la Nation et non d'une activité accessoire. Enfin, elle a confié le pilotage du dispositif à l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, renommé Agence du service civique.

Je suis ravi que le Sénat soit à l'origine d'une telle initiative et j'espère que les apports de tous les groupes nous permettront de l'adopter à l'unanimité. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse.  - Ce texte est de ceux qui marquent, qui influent à la fois sur le destin individuel et sur le destin collectif d'une Nation. Il s'agit de créer un cadre nouveau, d'assouvir un désir d'engagement chez certains jeunes, de le déclencher chez d'autres. Le besoin de service civique dépasse les clivages politiques, les remparts générationnels, les ségrégations sociales. Le service civique rassemblera, mobilisera, épanouira l'engagement.

Des personnalités de tous horizons en ont demandé la création, à commencer par d'éminentes figures de l'engagement le plus noble, qui ont su qu'à certains moments, engagement rimait avec résistance. Avec le service civique, engagement pourra résonner avec environnement, solidarité, développement, service de l'autre.

Je suis reconnaissant envers la Haute assemblée qui a permis que le débat ait lieu et que s'ouvre ce nouveau chapitre de notre code du service national. Le service national, ce sera demain la possibilité d'accomplir un service civique en faveur d'une noble cause.

Je suis aussi reconnaissant envers ceux qui ces dernières années ont porté, contre vents et marées, la flamme du service civil, ces associations qui ont engagé des volontaires, ces collectivités territoriales qui y ont cru, ces premiers volontaires qui se sont engagés. Cette flamme du service civil, qui a parfois vacillé mais jamais ne s'est éteinte, nous la transmettons aujourd'hui au flambeau du service civique. Nous n'avons pas le droit de décevoir les espoirs, de tarir cette soif d'engagement, ces élans de générosités. Il y a eu des déceptions ; il doit maintenant y avoir une réponse à la hauteur.

Souhaitons que le service civique soit vite débordé par son succès. Que le nombre de volontaires augmente chaque année. Que le service civique devienne un réflexe. Qu'il soit un atout, reconnu dans le parcours universitaire ou via la valorisation des acquis de l'expérience. Que l'on en apprécie l'impact à travers ses réalisations.

Cette proposition de loi crée le service civique que beaucoup appellent de leurs voeux. Vous êtes nombreux à avoir signé l'appel de La Vie il y a trois ans, à avoir associé votre voix à celles d'associations, de la société civile, de grandes figures, de jeunes qui nous ont demandé de permettre cet engagement.

Faudra-t-il aller plus loin ? Peut-être, mais la qualité devra être au rendez-vous. Le service civique ne pourra être une simple formalité, vide de sens.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.  - Très bien.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Aux premiers volontaires de montrer l'exemple !

Vous légiférez pour une oeuvre durable qui marquera peut-être des générations entières. Combien d'entre nous parlent avec des trémolos dans la voix de leur service militaire ? J'espère qu'ils seront encore plus nombreux à évoquer, avec la même fierté, le service civique comme une expérience unique, qui a influé sur leur vie. Les auteurs de cette loi pourront dire, comme Horace préfaçant ses Odes, « Exegi monumentum aere perennius ». (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-François Voguet.  - Je salue l'opiniâtreté du groupe RDSE et de son président, qui fut à l'origine d'un débat en séance l'été dernier sur cette question. Chacun ayant exposé sa position, un vrai travail législatif pouvait alors s'ouvrir pour créer un service national d'un type nouveau, s'appuyant sur l'aspiration de notre jeunesse à l'engagement et à la reconnaissance.

Malheureusement, cette proposition de loi est victime d'un double hold-up. Tout juste déposée, elle se retrouve annoncée par le Président de la République dans le cadre d'un plan « Jeunesse » qui manque singulièrement d'ambition. En outre, la mesure ne s'adresse pas à la jeunesse, mais à toute la population ! Ainsi, le service civique serait d'une part une mesure de placement conservatoire des jeunes de 16 à 18 ans en rupture scolaire, d'autre part une possibilité offerte aux adultes en rupture d'activité professionnelle de se consacrer à des missions d'intérêt général.

D'une idée généreuse et novatrice, on en arrive à un texte portant diverses mesures concernant le volontariat, avec notamment un nouveau contrat d'activité qui renforce la précarité. Le texte réécrit la loi sur le volontariat associatif que nous avions combattue. L'accès est élargi aux moins de 18 ans ainsi qu'aux personnes occupant un emploi. On nettoie les textes existants pour réduire les avantages sociaux du volontariat associatif, en supprimant notamment la cotisation aux caisses de retraite complémentaire. N'est-ce pas d'ailleurs cette économie qui a permis d'inscrire la proposition de loi à l'ordre du jour ? La majorité fait d'ordinaire un usage strict de l'article 40 !

Deux de nos amendements ont ainsi été rejetés par le président de la commission des finances, alors qu'ils nous semblaient gagés. Comme je ne peux croire à une application différenciée de la Constitution, j'en déduis que cette proposition de loi n'engage aucune dépense supplémentaire... J'attends donc du débat des précisions...

Si nous sommes heureux que ce texte d'origine parlementaire soit débattu, nous exprimons de fortes réserves sur son contenu, et d'abord sur son intitulé. Penser qu'il faille inculquer les valeurs de la République aux jeunes, notamment ceux issus des milieux défavorisés est déjà critiquable ; viser toute la population est insupportable. Ni notre peuple, ni notre jeunesse ne le méritent. Nous plaidons à l'inverse pour un véritable service national de solidarité, attractif et souple, ouvert uniquement aux jeunes majeurs, qui leur permette de s'engager au service de la solidarité nationale ; un service qui leur soit utile comme à la Nation et qui ne soit pas considéré comme un instrument d'insertion sociale ou professionnelle -c'est une des raisons pour lesquelles nous sommes favorables à la prolongation de la scolarité jusqu'à 18 ans. Il faut que le dispositif soit piloté et contrôlé nationalement, avec des guichets uniques territorialisés au contact des services publics et des associations ; il faut qu'il ouvre droit à toutes les couvertures sociales et soit reconnu comme une composante de la formation. Il ne saurait enfin être isolé dans le désert des politiques publiques en direction de la jeunesse, mais s'inscrire dans un ensemble de mesures qui favorisent une autonomie responsable et solidaire. C'est à ces conditions seulement qu'une large majorité de jeunes s'y retrouvera. Mais il y faut une ambition que le Gouvernement n'a malheureusement pas, qui continue en effet d'empiler des mesures catégorielles.

Il était possible d'élaborer un autre texte, qui ne laisse pas par exemple au décret le soin de définir les conditions de sa mise en oeuvre. Ce rendez-vous manqué est dû à la précipitation du Gouvernement et du Président de la République, qui veulent que nous légiférions toujours plus vite sur des textes qui au final soit manquent leur cible, soit sont inapplicables. L'important n'est pas de faire ni de bien faire, mais de faire savoir. Ainsi s'est refermé le piège sur cette proposition de loi, qui n'aurait pas été débattue sans son intégration au plan « Jeunesse » du Président de la République ; mais intégrée, elle est détournée de son objet. On sait que le volontariat associatif est loin d'avoir le succès escompté, mais on dit attendre de ce texte 70 000 volontaires... qui n'y seront pas, sauf si on exerce de fortes pressions sur les jeunes décrocheurs de 16 à 18 ans ou sur les jeunes adultes engagés dans des petits boulots ou allocataires du RSA. Nous craignons qu'il y ait plus de volontaires désignés que d'engagés volontaires...

Nous espérons encore du débat qui vient et de la navette. Nous avons déposé des amendements. Le Parlement doit prendre le temps de réfléchir à un véritable service national digne de son époque et répondant aux enjeux. En l'état, nous ne voterons pas ce texte.

Mme Éliane Assassi.  - Bravo !

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Après le lycée, nous débattons d'un texte sur le service civique ; deux sujets qui concernent la jeunesse, à laquelle le Sénat a consacré une mission commune d'information. L'objectif de l'école est de transmettre des connaissances, de préparer à l'exercice d'un métier mais aussi d'aider les jeunes à se construire, à devenir des adultes épanouis et responsables. L'école est également le creuset de notre République, là où se transmettent les valeurs qui nous sont communes. Notre vision repose sur la construction d'une identité vivante. Et quel meilleur dispositif pour cela, au sortir de l'adolescence, qu'un service civique qui donne l'occasion d'un engagement au service des autres ?

Si la décision du Président de la République, en 1996, de supprimer le service militaire obligatoire était légitime, on sait que cette période était pour les jeunes hommes une occasion de brassage social et culturel, d'apprentissage de la vie en communauté et d'appartenance à la Nation. C'est pourquoi certains ont voulu recréer un dispositif qui permettrait de réunir les jeunes autour des valeurs fondatrices de notre société. Nous demandions dès 2001 la création d'un service civil obligatoire de six mois, qui concernerait les garçons comme les filles. L'idée a fait son chemin et s'est imposée après les émeutes de 2005. Un service civil volontaire a été institué par la loi du 31 mars 2006, qui permet aux jeunes de 18 à 25 ans d'accomplir des missions d'intérêt général de six à neuf mois pour une rémunération de 600 à 650 euros mensuels ; mais son bilan est décevant, à peine 3 000 volontaires ont été recrutés alors qu'on en attendait 50 000 en 2007. Comment l'expliquer, alors que tous les jeunes qui se sont engagés en sont satisfaits et que, selon un sondage de juin 2008, plus de 260 000 seraient prêts à accomplir un service de six mois ?

Le système souffre en réalité d'un déficit d'information, de la complexité et de l'opacité des procédures tant pour les volontaires que pour les structures d'accueil. Notre jeunesse passe ainsi à côté d'une opportunité et d'une aventure personnelle. C'est ce constat qui a conduit M. Collin à déposer sa proposition de loi, qui est un texte d'une portée philosophique certaine. Nous parlons enfin de service civique et non plus de service civil. Ce nouveau dispositif sera l'occasion d'un engagement au service des autres, d'une riche expérience humaine. Qui peut nier que l'échange, la confrontation, le brassage, le changement d'horizon sont utiles à qui veut construire sa personnalité, faciliter son entrée dans la vie active, sortir du cocon familial, briser les barrières ? Nombre de jeunes souffrent aujourd'hui d'un manque de repères. N'y a-t-il pas une forme de relation de cause à effet entre le délitement du lien social et un mal-être qui peut parfois être dramatique ? Les clés d'une société civile dynamique, ce sont l'aspiration à l'épanouissement personnel et l'adhésion à des valeurs collectives. L'affirmation de sa propre identité ne signifie pas l'indifférence aux autres. Le service civique doit être l'occasion de retisser du lien.

Le texte offre un cadre plus satisfaisant au dispositif. Il prévoit une indemnisation -c'est la condition du succès- au même niveau que précédemment ; le cadre juridique est précisé de sorte que le service civique ne puisse être assimilé au salariat ou à une forme déguisée de bénévolat. Il s'inscrira dans le parcours de formation des jeunes et permettra une validation des acquis de l'expérience, comme cela se pratique au Canada. Vont ainsi de pair valorisation de l'engagement personnel et juste reconnaissance de la Nation.

Enfin, je tiens à souligner que ce texte tend unifier les formes de volontariat, en harmonisant le régime par le haut.

Je salue la générosité de cette proposition de loi, tout en regrettant qu'elle ne fasse pas évoluer le dispositif plus en profondeur.

Ma première réserve porte sur la dimension européenne, affirmée dans l'exposé des motifs mais sans disposition concrète dans le corps du texte. Nous pourrions nous inspirer des réussites de nos voisins. Ainsi, le service civil volontaire italien mélange des jeunes de toutes classes sociales et attire deux fois plus de candidats qu'il n'y a de projets. Nous pourrions aussi songer à un statut européen pour le service civique, offrant aux jeunes de nouvelles opportunités de mobilité. La réussite des programmes Erasmus et Leonardo par exemple est encourageante.

J'en viens à mon dernier point. Ainsi que M. Zocchetto l'a rappelé le 10 juin, le service civique doit devenir obligatoire et universel, afin que toute une tranche d'âge puisse constituer un socle de valeurs communes fondées sur une même expérience. Je sais que la question reste posée, notamment en raison de son coût, qui devrait être compris entre 3 et 5 milliards d'euros. En outre, le contexte économique pourrait conduire les jeunes à y voir une occupation temporaire proposée faute de mieux en attendant le premier travail auquel ils aspirent. Ce n'est pas ce que nous souhaitons. Il faut donc attendre la montée en charge progressive d'un dispositif qui fera progressivement ses preuves. Nous souhaitons qu'une évaluation régulière permette d'apporter les ajustements nécessaires à la généralisation.

Reste que tout cela ne fonctionnera bien qu'avec une promotion volontariste et efficace. Ayons de l'ambition ! Comme l'a dit Léon Gambetta, « il ne suffit pas de décréter des citoyens, il faut en faire ». (Applaudissements au centre, à droite et sur plusieurs bancs socialistes)

M. Yannick Bodin.  - Le philosophe et écrivain Julien Benda déplorait que l'État moderne n'ait pas maintenu « une classe d'hommes, exempts des devoirs civiques, et dont l'unique fonction eut été d'entretenir le foyer des valeurs non pratiques ».

Alors que nous avons la chance de vivre dans un pays pétri de valeurs et d'histoire, notre jeunesse paraît avoir perdu les valeurs qui construisent l'homme ou la femme adulte vivant en société. L'harmonie du vivre ensemble devant être assurée, il revient au législateur d'aider la jeunesse à apprendre le civisme et la fraternité.

Nous sommes sans doute responsables de ne pas avoir bien transmis les valeurs que nos anciens nous avaient léguées, car notre jeunesse a désespérément besoin de valeurs auxquelles se raccrocher pour réussir sa vie.

Le service militaire obligatoire n'était pas sans défauts, mais nos concitoyens y voyaient en majorité un facteur de cohésion nationale, d'apprentissage de la vie en communauté et de brassage social. Il permettait aux jeunes une prise de conscience de leur devoir envers la communauté nationale, mais il fallait prendre acte des changements de notre société et des moyens de la défense nationale.

Au lieu de conserver les aspects positifs du service national, nous avons délaissé l'éducation au civisme et à la citoyenneté. Tous le déplorent ! Il est donc temps de remettre les valeurs de la République à l'ordre du jour. Nous avons la chance d'avoir un pays à l'histoire riche, sachant marier défense des droits et grandeurs des devoirs. Malgré quelques rappels sévères de la Cour européenne des droits de l'homme, la France doit rester le pays des droits de l'homme ; les enfants de la République doivent se le rappeler.

Apprendre à vivre ensemble, avec le respect réciproque que cela suppose, transcender les individualismes et s'ouvrir aux autres : tels sont les fondamentaux de la vie en collectivité.

La République a encore quelque chose à dire. Elle peut transmettre ses valeurs en transcendant les barrières de classe, de naissance et d'origine. Après la famille, il appartient à l'État de faire vivre le pacte républicain : c'est à lui de réinventer un système pouvant inculquer aux jeunes que le civisme est un devoir, et la citoyenneté un droit.

Je pense qu'il vaut mieux parler exclusivement de service « civique », car la terminologie est le premier élément du message.

Notre objectif à long terme doit être la création d'un service civique universel, mixte et obligatoire, assurant un brassage social et un brassage des cultures. Pendant une dizaine d'années, on n'a pas fait grand-chose dans ce but. Seules les violences urbaines de l'automne 2005 et l'image négative persistante de la jeunesse ont permis l'adoption en mars 2006 de la loi sur l'égalité des chances et la création du service civil volontaire. Or, ce dispositif est un échec, ce qui exclut malheureusement tout service civique obligatoire tant que ses conditions de réussite ne sont pas réunies.

La première est budgétaire. Je suis donc réaliste, même s'il faut toujours tendre vers l'idéal comme disait Jean Jaurès.

Obligatoire ou non, un service civique doit être attractif. Il faut donc laisser la version volontaire monter en puissance, ce qui n'est guère possible actuellement.

La mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes a fait le bilan, dont certains collègues ont tiré les conclusions dans cet hémicycle, notamment par la voix de Mme Le Texier, présidente de la mission. La loi devait attirer rapidement 10 000 volontaires et 50 000 à terme, mais seuls 3 134 ont été recrutés en quatre ans ! C'est donc un échec, dont les raisons sont parfaitement identifiées.

La première concerne les crédits, ridiculement faible au regard des objectifs. En effet, un jeune volontaire perçoit 652 euros par mois, mais coûte à l'État 14 232 euros par an avec les charges sociales et une partie des dépenses d'accompagnement. Les dotations actuelles ne permettent donc même pas de recruter 10 000 volontaires par an, loin des 50 000 annoncés ! En 2008, il manquait au premier trimestre 7 millions au budget de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, qui a dû demander aux structures d'accueil de cesser tout recrutement. Un comble ! Dans ces circonstances, comment atteindre les objectifs fondamentaux du service civil volontaire ? Le Gouvernement voulait-il véritablement refonder le lien entre citoyens et collectivité, voulait--il brasser toute une classe d'âge ? Le nouveau statut présenté aujourd'hui retiendra sans doute un peu mieux son attention.

Une autre raison du faible nombre de volontaires tient à un défaut de communication : ne connaissent le service civil que les jeunes faisant une démarche en ce sens. Il s'ensuit que les associations sont très majoritaires dans ce dispositif, où elles interviennent à plus de 95 %, ce qui réduit la diversité des missions et du recrutement.

L'objectif de mixité sociale ne semble pas atteint, car les catégories sociales ne sont guère mélangées : les jeunes sont isolés dans des dispositifs distincts. En outre, ceux issus de familles aisées s'orientent vers le volontariat international, alors que les jeunes provenant de milieux défavorisés vont vers des structures locales. Ils ne peuvent ni échanger, ni s'enrichir mutuellement de leur vécu, alors que la mixité sociale était un enjeu majeur du service civil.

Nous ne pouvons nous contenter de cette situation, mais il faut un minimum de concertation pour lancer un nouveau projet. Une association comme Unis-cités emploie plus de 900 volontaires chaque année. Elle peut donc nous aider à bâtir un véritable service civique, au plus près des besoins des jeunes et de leurs attentes, qui ne constitue pas une corvée, mais une superbe opportunité de rencontre, une occasion de découvrir des valeurs républicaines.

La proposition de loi de M. Collin est une étape nécessaire sur la route de l'idéal -le service civique obligatoire- dont la finalité tient à la rencontre entre l'engagement personnel et les services solidaires de la collectivité. Il appartient à la collectivité de permettre l'engagement de chacun. En plaçant l'obligation du côté de l'État, et non du côté de l'individu comme c'était le cas avec le service militaire, on rompt avec une tradition séculaire voulant que l'engagement citoyen soit subi.

La proposition de loi tend à unifier la dizaine de formes de volontariat civil qui existent actuellement, afin de simplifier les procédures administratives et de recentrer les missions confiées aux volontaires afin qu'elles répondent toujours à l'intérêt général. Les structures d'accueil pourront ainsi être diversifiées, afin que le service civique soit une expérience humaine enrichissante qui complète utilement le cursus académique des jeunes et, pour ceux qui ont décroché prématurément de l'école, serve de tremplin vers l'insertion professionnelle.

Des garanties économiques et sociales doivent être apportées afin que ce nouveau service soit accessible au plus grand nombre : une indemnisation ajustable et non imposable, un encadrement juridique des contrats. Il faudrait également prévoir d'évaluer le dispositif dans deux ou trois ans.

Les jeunes de notre pays crient leur besoin de cohésion, de compréhension et de découverte du monde. Rendons-leur l'espoir d'une vie plus sereine, menée non à côté du voisin mais avec lui.

Pour que le service civique soit à la hauteur de nos ambitions, il faut que l'État y consacre les moyens nécessaires, sinon il se résumera à quelques mots de plus dans le code du service national... J'attends de M. le haut-commissaire des assurances sur ce point. La prochaine discussion budgétaire sera l'occasion de vérifier la détermination de l'État.

Nous entamons donc cette discussion dans un état d'esprit plutôt favorable. Une quarantaine d'amendements ont été déposés, et nous serons attentifs au sort de ceux de notre groupe, qui visent à enrichir ou à préciser le texte. Il serait regrettable que d'autres amendements le vident de sa substance. Espérons qu'il ressortira de ce débat une loi qui permettra à la jeunesse de France de partager les valeurs qui constituent le ciment de notre communauté nationale et font rayonner à travers le monde nos idéaux nés des Lumières et de la Révolution française. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, RDSE et UC ; M. Christian Poncelet applaudit également)

M. François Fortassin.  - Parmi les actions promises en faveur de la jeunesse, l'une nous semble fondamentale : c'est la réforme du service civil. Lassés par les effets d'annonce, les membres du groupe RDSE ont décidé d'aller de l'avant, motivés par les aspirations et les difficultés des jeunes. Il est vital de recréer du lien social et de permettre aux jeunes d'assouvir leur sain désir de consacrer un peu de leur temps aux autres.

M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi.  - Très bien !

M. François Fortassin.  - Ce peut être une occasion privilégiée pour renforcer l'éducation civique et favoriser l'insertion. Notre objectif est de combattre l'individualisme qui conduit à la violence, aux incivilités, à la disparition du sentiment d'appartenance à une communauté nationale.

Il existe aujourd'hui plusieurs formes de service civil, mais les procédures sont excessivement lourdes, le financement complexe, et ces dispositifs manquent de lisibilité auprès des jeunes et de leur entourage, y compris professionnel. La réforme du service civil est attendue avec impatience depuis la crise des banlieues de 2005. Aujourd'hui la crise économique frappe durement les jeunes, et il est de notre devoir de mettre en place un nouveau service, que l'on appellera désormais « civique ».

Je me réjouis que le principe du volontariat soit préservé : les contraintes financières et matérielles, ainsi que la mauvaise réputation dont jouissait jusqu'à présent le service civil, ne permettaient pas qu'il en soit autrement. Il faut renforcer la visibilité du dispositif, afin que l'épanouissement des jeunes volontaires éclate aux yeux de tous. L'État doit quant à lui jouer un rôle incitatif.

Le nouveau service civique doit satisfaire le goût de l'engagement et de la solidarité, en France ou à l'étranger. Il pourra prendre la forme de missions humanitaires ou de coopération, attendues dans de nombreux pays africains, latino-américains et même asiatiques : ce que la France a de meilleur à donner, c'est son savoir et son expérience. Le service militaire de la coopération a disparu et n'a pas été efficacement remplacé. Il faut y remédier : il y va de l'image de la France dans le monde. Le service civique pourra également prendre la forme de missions d'éducation ou de défense de l'environnement.

Il durera entre six et 24 mois et sera ouvert à toutes les personnes de plus de 16 ans, sans limite supérieure d'âge, y compris les citoyens européens et les étrangers résidant régulièrement et continûment en France. Cette mixité est indispensable afin d'assurer le brassage social. Le service pourra s'accomplir dans un cadre institutionnel ou associatif.

Il est essentiel de valoriser le service civique auprès des établissements d'enseignement supérieur et des employeurs, par le biais de la valorisation des acquis de l'expérience. Une attestation doit être délivrée, ainsi qu'un document faisant la liste des activités accomplies et des connaissances et aptitudes acquises. Grâce à la préparation aux missions et à la désignation d'un tuteur chargé de former les volontaires à la citoyenneté et de faire avancer leur réflexion sur leurs projets d'avenir, ce dispositif favorisera l'insertion civique et professionnelle des jeunes. Il encouragera le don de soi à la collectivité et le brassage indispensable à la cohésion nationale. (M. Yvon Collin approuve) Le service civique sera le vent frais de l'espérance et de la générosité dont notre société a tant besoin.

Nous avons aujourd'hui l'occasion de faire un grand pas en avant dans notre politique en faveur des jeunes. Le Sénat est à l'origine de ce texte, que j'espère voir adopter dans la meilleure version possible. Il nous revient de sensibiliser les députés à ce sujet afin qu'ils l'inscrivent bientôt à leur ordre du jour : de la rapidité de mise en oeuvre de cette mesure dépend son succès. C'est ici que l'expression « chambre haute » prend tout son sens.

J'ajoute qu'il faudrait sans doute prévoir un dispositif spécifique pour les jeunes ayant eu maille à partir avec la police et la justice, afin de les faire souscrire au pacte républicain et de favoriser l'avènement de la société harmonieuse et pacifique dont nous rêvons tous. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Mlle Sophie Joissains.  - Je suis devant vous ce soir pour soutenir les avancées évidentes de ce texte. Une synthèse remarquable a été faite des différentes formes de volontariat, selon un schéma altruiste, avec un système d'équivalence des acquis séduisant et attractif. Le rapporteur l'a décrite et commentée avec le talent qu'on lui connaît. En partie fruit de la commission de la Jeunesse conduite par Martin Hirsch, dont les mérites ne sont plus à vanter, ces travaux ont été conduits avec rigueur, sérieux et esprit de consensus. Présenté par le RDSE, amendé et défendu par Christian Demuynck, rapporteur UMP, ce texte constitue une indéniable avancée par rapport à l'existant. Néanmoins, cette avancée qui fait l'unanimité ou presque, et à laquelle j'adhère moi aussi, doit n'être qu'un palier.

En effet, ce service civique dont les modalités ont été pensées profondément attractives demeure volontaire et ne présente pas encore de caractère universel. Je souhaite, à ce niveau, intervenir sur ce qui peut légitimement être attendu du service civique, son urgence, sa nécessité. Je le fais avec d'autant plus d'humilité que j'ai milité pour la suppression du service militaire. A l'époque, les traces de la Seconde guerre mondiale, de la guerre du Vietnam et de celle d'Algérie étaient vivaces. Mai 68 avait amené une prise de conscience aiguë des horreurs de la guerre. De plus, le service militaire, loin de la conscription glorieuse conçue par la loi Berteaux était devenu le lieu des injustices, où les exemptions se faisaient de plus en plus massives, où l'on avait le sentiment de perdre son temps. Tout cela avait galvaudé, miné de l'intérieur, le rôle citoyen qui, nonobstant l'empilement incessant des mesures sociales, n'a jamais été retrouvé.

Le rôle républicain du service militaire et son apport à la construction de la Nation par le brassage et le rapprochement des citoyens étaient majeurs. Il introduisait une coupure dans la vie ; chacun pouvait ainsi côtoyer des personnes qui seraient restées hors de son champ de vie quotidien. Il permettait à beaucoup de ne pas rester sur le bord du chemin : rattrapage des faiblesses scolaires, formation complémentaire, amélioration sanitaire, intégration professionnelle. Enfin, il apportait à la France l'évaluation d'une génération entière, tant en termes de compétences que de bilan sanitaire. Cela devait être intégré dans le programme de la journée d'appel à la défense. Mais, isolé, sans suivi réel ni contrôle, ce bilan ne pourra plus constituer le socle sur lequel mesurer les progressions et les améliorations.

Mon expérience d'élue à la politique de la ville m'incite à penser que ce ne sera qu'un bilan suivi d'une orientation considérée comme factice et non suivie. Combien de fois ai-je dirigé vers des structures compétentes des jeunes gens qui demandaient du travail, et que la collectivité ne pouvait embaucher ? Ces structures leur paraissaient tellement étrangères et dénuées de sens qu'ils n'essayaient même pas d'y mettre les pieds. Je ne parle pas de fainéantise, même si celle-ci existe, mais d'un phénomène bien plus grave : pour ces jeunes gens, le monde ne fait plus sens. L'information ne leur parvient pas car ils vivent totalement repliés sur leur environnement immédiat. J'ai eu la chance de pouvoir guider deux d'entre eux, ignorants de leurs propres compétences et de leur potentiel, vers l'armée. Celle-ci n'est pas la panacée et n'y prétend pas. Mais ces jeunes y ont trouvé la structure, la colonne vertébrale dont ils avaient besoin, et ce sont deux familles qui se sont redressées, prêtes à ne plus subir le monde qui les entourait.

Leur démarche était volontaire ? Certes. On ne peut qu'être sensible à la beauté de l'engagement volontaire. Mais, pour choisir, il faut avoir la capacité du choix. Or l'isolement social rend hermétique à tout ce qui vient du dehors.

L'obligation de proposer à tous le service civique est séduisante. Mais comment l'organiser ? Il ne peut s'agir d'une simple information. Ne souffre-t-elle pas aussi du problème constitutif qui touche le caractère obligatoire du service civique, le financement ? Veut-on réellement l'ouvrir à tous ? Le peut-on ? Cette formule du volontariat n'est-elle pas, malgré la séduction qu'elle exerce, le dévoiement de l'idée que chaque citoyen se fait à l'évocation de la formule : service civique ? Le terme de « service » renvoie à une nostalgie de la conscription, à l'idée d'un contrat avec la Nation, d'un devoir à accomplir envers la Nation, d'un rite de passage à la citoyenneté.

Servir son pays n'est plus forcément prendre les armes, bien qu'il ne faille pas dénigrer ce rôle et salir la mémoire de ceux qui sont morts pour la France, et auxquels nous devons la reconnaissance infinie de vivre dans un pays libre. Servir son pays, ce peut être s'engager dans ses forces de protection civiles ou militaires, ou aussi bien se former dans l'apprentissage des soins aux personnes, ou dans la protection de la nature et de l'environnement. Un tel apprentissage permet à notre pays de rayonner et d'être précurseur au sein de l'Europe et de la communauté internationale.

Le service civique a été conçu comme une mesure essentiellement, si ce n'est purement, sociale. Ne risque-t-on pas, s'il n'est appliqué à tous, que cet outil soit stigmatisé et accroisse ainsi les clivages que l'on se donne pour but de réduire ? Le service civil existe ; 50 000 volontaires étaient prévus, nous atteignons péniblement les 3 000. Ne créons pas une énième mesure, qui s'ajouterait aux autres et galvauderait ainsi ce mot « civique », évocateur de nos valeurs républicaines. Comment ces valeurs pourraient-elles s'exercer véritablement si ceux qui les ont à la bouche ne sont pas représentatifs de l'ensemble de la société française ? Celle-ci est diverse, tant en termes sociaux qu'ethniques, religieux et culturels. Si l'on désire qu'une richesse s'en dégage, c'est par la rencontre que cela pourra se faire.

Si la conscription n'avait pas existé, vous pourriez croire que je nage en pleine utopie ! Le cancer de la conscription a été l'exemption généralisée. Elle a conduit à la déliquescence du service miliaire. Le service civique, dans l'esprit de nos concitoyens, est obligatoire et universel. Faute de quoi, on ne prendra qu'une mesure de surface. Combien de jeunes et de moins jeunes sont au courant des mesures existantes ? Combien préfèrent rester dans un univers précaire à nos yeux mais rassurant aux leurs, parce qu'ils y ont leurs repères, et les partagent avec leurs frères, cousins ou voisins ? Le partage, la vie en commun, cette notion est au coeur du service civique obligatoire et universel.

Toute une jeunesse assiste en aveugle au mille-feuille de mesures qui fleurissent et se surajoutent au gré des angoisses légitimes du législateur. Nous avons besoin d'une mesure phare, qui soit l'athanor républicain du XXIe siècle. Et n'appartienne à aucune famille politique mais à la grande famille républicaine.

L'appel pour un service civique obligatoire et universel, lancé par Max Armanet, a été signé par 470 parlementaires de tout bord, et des personnalités aussi diverses que l'abbé Pierre, Valérie Pécresse ou Bernard Kouchner. Luc Ferry adhère aussi à l'idée d'offrir à tout Français l'occasion d'accomplir un service civique à toute époque de sa vie. Une véritable réserve citoyenne lui apparaît porteuse et exemplaire pour notre société et susceptible de faire l'objet d'une prochaine étude du Conseil d'analyse de la société.

Bien sûr, le financement est un obstacle grave, qui pourrait être tourné par une reventilation des crédits. Nombre de mesures coûteuses sont obsolètes... Pensons au gain formidable que serait une société de nouveau soudée, enthousiaste, à la générosité conquérante ! Si l'on n'a pas les moyens de sa politique, on doit construire la politique de ses moyens. L'Europe doit se construire avec l'idée d'une cohésion sociale et républicaine forte, autour des valeurs de liberté, d'égalité, et de fraternité.

Liberté : c'est d'abord la liberté de choix. Souvenez-vous de Lacordaire : « Entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » ! La contrainte du service obligatoire, comme celle de l'école, est là pour affranchir. L'égalité : c'est d'abord l'égalité des chances. Elle exige que la République embrasse l'ensemble des citoyens d'un même regard. Le service civique obligatoire et universel doit être le lieu de l'égalité dans l'initiation citoyenne. Fraternité : seule la mise en situation de la fraternité pourra, si l'on reste vigilant sur les exemptions, refonder une cohésion républicaine réelle. La France a besoin d'un renouveau, d'une adhésion profonde à ce qui est, demeure, et doit perdurer : la patrie des droit de l'Homme.

Je vous demande donc de voter ce texte et je vous invite à vous prononcer pour le principe d'un service civique obligatoire et universel, ainsi que pour l'obtention d'un rapport effectué par le Gouvernement, en concertation avec un comité de suivi constitué de parlementaires, pour en prévoir les modalités et le calendrier. Votons ensemble pour la République et le renouveau de la citoyenneté ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Claudine Lepage.  - Le service civique : tout le monde en parle depuis des années. Il y a même, depuis la crise des banlieues de l'automne 2005, consensus sur son principe même. Pourtant où en est-on treize ans après la fin du service militaire ? Pas bien loin...

II n'y a pas lieu de remettre en question la loi du 28 octobre 1997 qui a suspendu l'appel sous les drapeaux des jeunes Français. Le service militaire était devenu obsolète, inégalitaire et vécu comme une insupportable contrainte. Mais sa disparition a engendré un vide en termes de lien social, de sentiment d'appartenance à la communauté nationale et de brassage social et culturel. Et ce n'est pas la simple affirmation, dans la loi, du volontariat pour le service national universel qui pouvait combler cette lacune.

Dans ces conditions, dès mars 2000 est votée la loi sur le volontariat civil. En mars 2006, la loi sur l'égalité des chances donne un statut officiel au service volontaire civil et rassemble les différents dispositifs existants en matière de volontariat associatif. L'objectif était de parvenir à 50 000 jeunes volontaires... Pourtant, après trois années, ce service civil volontaire peine toujours à démarrer et, à ce jour, seuls moins de 4 000 jeunes ont été recrutés dans le cadre de ce dispositif.

Pourquoi un tel échec alors que 90 % des jeunes volontaires sont satisfaits de leur service civique et le recommanderaient à leurs proches ? La raison en est essentiellement budgétaire : au printemps 2008, il manquait 7 millions d'euros pour boucler le budget et, devant ce constat, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances a demandé aux structures d'accueil de « cesser les recrutements de volontaires associatifs »... Dans ces conditions, comment s'étonner de l'immense insuffisance de la communication ?

L'essentiel du recrutement a en effet lieu par le bouche à oreille et aucune campagne de communication n'a été financée pour promouvoir ce service. Or, cette belle idée ne peut vivre que si l'État manifeste clairement sa volonté de la soutenir et, donc, s'engage financièrement. Monsieur le haut-commissaire, votre détermination nous rassure !

Mais plusieurs dizaines de textes qui ont eu pour objet la création d'un service civil sont restés lettre morte. Les deux candidats à l'élection présidentielle de 2007 se sont aussi prononcés en faveur de ce service civique. Il est donc grand temps d'agir. Agissons donc, mais agissons bien !

L'exposé des motifs du texte que nous examinons aujourd'hui précise que le dispositif proposé, « basé sur le volontariat », constituerait une transition, préalable à la création d'un service civique obligatoire. A titre personnel, je veux le croire.

Bien sûr, l'engagement volontaire est une belle idée mais -cessons de rêver- difficile à porter au sein de notre société de plus en plus individualiste. N'oublions pas que l'un des objectifs de la proposition de loi est la mixité sociale et culturelle et que cette réforme sera en partie manquée si nous n'atteignons pas cet objectif. Dans ces conditions, le dispositif ne doit pas être envisagé comme une voie de secours pour les jeunes en échec scolaire. Comment empêcher le glissement vers l'idée que le service civique n'est qu'une expérience de « sous-emploi » pour certains, alors que, pour d'autres, ceux qui ont le privilège de faire des études et, en plus, de pouvoir les interrompre, ce service sera perçu comme un « bénévolat » à la puissance deux ?

Le service civique doit aussi favoriser, et même souvent initier, un véritable brassage social. II doit donner l'occasion « d'aller voir ailleurs » et « avec d'autres ». Les inégalités, les distances entre les jeunes issus de milieux socio-économiques différents ne cessent de s'accroître et c'était justement l'une des vertus du service militaire que de permettre à chacun d'appréhender « l'autre » différemment, c'est-à-dire non plus seulement socialement mais humainement. Ce brassage sera d'autant plus facile que ce service aura un caractère obligatoire. Lors d'une seconde étape, il semble donc indispensable de prévoir une période de formation collective avec les jeunes qui sont sur des lieux de missions différents. On peut aussi réfléchir à la possibilité de subordonner l'agrément à l'obligation, pour les organismes, d'accueillir au moins trois jeunes aux parcours scolaires différents.

Cette mobilité géographique, parce qu'elle peut engendrer des remises en question salutaires, serait positive dans la construction de notre jeunesse. Dans cette optique, je souhaite aussi évoquer ici le service civique à l'étranger. En qualité de sénatrice des Français de l'étranger, et comme l'avait déjà bien marqué notre collègue Monique Cerisier-ben Guiga lors de la discussion du texte sur le contrat de volontariat de solidarité internationale, je suis sensible à l'enrichissement qu'apporte un séjour à l'étranger. La proposition de loi prévoit cette possibilité.

Mais la simple « possibilité » de percevoir une indemnité supplémentaire est insuffisante. Les frais engendrés sont plus élevés à l'étranger. Et, ici, l'idéal de mixité sociale s'éloigne encore davantage ! L'affectation à l'étranger, si elle n'est pas plus encouragée, ne bénéficiera qu'à « ceux qui savent », c'est-à-dire aux jeunes qui déjà ont la possibilité de partir loin de leur famille, que ce soit dans le cadre de séjour linguistique, d'Erasmus ou de Volontariat international en entreprise (VIE).

Pourquoi ne pas promouvoir un dispositif européen de service civique, permettant aux jeunes de tous les pays d'Europe d'effectuer leur service dans un autre pays avec l'assurance d'un brassage tant social que culturel ? Cela favoriserait, en outre, l'apparition d'une véritable citoyenneté européenne.

La création d'un service civique est très positive. Il serait dommage de manquer cette occasion et nous n'avons pas droit à l'erreur. Alors, mettons tout en oeuvre pour que ce texte tienne ses promesses et que le service civique soit réellement une occasion unique pour les jeunes de consacrer un moment de leur vie à la société et d'être utiles à cette société qui les stigmatise si souvent. (Applaudissements à droite et au centre et sur les bancs socialistes)

M. Christian Poncelet.  - En ce début du XXIe siècle, la conscience citoyenne, qui fut à la source de notre République, est menacée par la montée de l'individualisme et de l'incivisme. La multiplication des incidents et des incivilités dans les banlieues montre bien que la société française est affaiblie par de nombreuses fractures.

Je me réjouis de la création du service civil volontaire qui vise à redonner à nos jeunes concitoyens le sens de l'intérêt général et le respect de la collectivité. La proposition de loi offre aux jeunes la possibilité de se rencontrer et de se connaître, dans la richesse et la diversité de leurs différences. Ce service civique leur offrira la possibilité de s'investir dans une cause collective, au service de l'intérêt général, de découvrir ainsi de nouveaux intérêts, voire d'acquérir une formation.

Cependant, j'aurais souhaité que ce service civique soit obligatoire. En 1997, le service militaire a été supprimé après que le Président de la République eut décidé de professionnaliser les armées. Le service militaire était devenu inadapté aux besoins de la France et il retardait d'une année l'entrée sur le marché de l'emploi pour des dizaines de milliers de jeunes. Mais il possédait des vertus évidentes : c'était un moule parfait d'intégration, il permettait à de nombreux jeunes d'en rencontrer d'autres, différents d'eux par l'origine et l'expérience. Il leur offrait la possibilité de connaître une discipline et la vie en collectivité.

Au-delà de ce brassage social et culturel, il contribua à la cohésion nationale parce qu'il s'y transmettait les valeurs de la République où civisme et patriotisme intimement liés n'ont rien à voir avec un nationalisme dont l'Europe sait ce qu'il lui a valu. Je rappellerai à cet égard le mot de Romain Gary : « le patriotisme, c'est l'amour des siens, le nationalisme c'est la haine des autres ». Du temps du service militaire, civisme et patriotisme nous rassemblaient par-delà nos différences. C'est pourquoi, à l'époque, j'ai proposé de remplacer le service militaire par un service civique obligatoire mais je me suis heurté à beaucoup d'oppositions et d'incompréhension.

M. Yannick Bodin.  - Celle de Chirac d'abord !

M. Christian Poncelet.  - Relisez le Journal officiel ! On m'a même reproché de vouloir recréer les chantiers de jeunesse du maréchal Pétain !

Et cela fut même repris par les médias en première page...

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Quelle horreur !

M. Christian Poncelet.  - Les esprits ont évolué depuis, je m'en réjouis. C'est un grand tort d'avoir raison trop tôt, avait coutume de dire Edgar Faure... Aujourd'hui, selon un sondage Sofres de mars 2006, 91 % des Français, et 86 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans, approuvent l'idée d'un service civique obligatoire. L'aide aux personnes âgées, isolées, exclues y apparaît comme la meilleure façon d'exprimer une fraternelle dignité. Selon Saint-Exupéry, « tout acte est prière, s'il est don de soi ». L'environnement, le patrimoine, le soutien scolaire, la protection civile, la défense sont également des champs d'application fréquemment cités. D'autres sondages ont montré qu'il existe chez les jeunes un réel besoin d'engagement pour une cause collective.

Reste qu'en retenant le principe du volontariat, nous permettrons seulement à des jeunes qui sont déjà motivés de se rassembler. Pour les autres, rien n'est prévu, alors les élus constatent chaque jour la situation dans laquelle se trouve une partie de la jeunesse, hors de l'école, désoeuvrée et en perte de repères. Le service civique obligatoire pourrait se définir comme le temps que chaque citoyen donne à la communauté au nom des valeurs du contrat social et républicain. Les citoyens ont, certes des droits, mais également des devoirs. Et, ajouterons-nous, pour exiger le respect de leurs droits, ils doivent d'abord accomplir leurs devoirs. Nombreux sont les domaines, de l'humanitaire aux services sociaux et de santé, où pourra se réaliser ce service civique. Si l'on veut prendre sa part de vie collective, les sujets ne manquent pas !

On m'opposera le coût de ce service civique obligatoire, mais ne mesurons-nous pas chaque jour le prix de l'incivisme ? En fait, il s'agit d'une question de volonté politique -cette volonté qui s'exprime aujourd'hui au Sénat. Si la réforme est jugée prioritaire, des crédits seront débloqués. Nous financions le service militaire, nous devrions pouvoir assumer un service civique. A défaut, il faudra admettre que la France n'a plus les moyens d'éduquer sa jeunesse !

Cette proposition de loi constitue une première étape. Le volontariat civique proposé vient remédier aux insuffisances du service civil, instauré en 2006, en matière de souplesse et d'information. Il permettra d'évaluer les besoins avant la création d'un service civique obligatoire, seul capable de mobiliser tous les jeunes, j'y insiste, autour des valeurs de la République : liberté, égalité et fraternité ! (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs socialistes)

Mme Maryvonne Blondin.  - La France peine à faire fructifier son « atout jeunes », pour reprendre le titre du rapport d'information de la mission d'information du Sénat. Après le débat du 10 juin dernier, ce texte vise à substituer un service civique simple et incitatif au service civil volontaire, instauré en 2006, qui souffrait d'un manque de visibilité, de la complexité des procédures et d'un déficit évident d'information et de communication, mais aussi, et le groupe socialiste l'avait souligné dans sa contribution, d'une insuffisance de moyens. En ces temps d'individualisme croissant et de méfiance envers notre jeunesse, nous devons répondre à l'attente de ces nombreux jeunes qui ont exprimé en audition les difficultés qu'ils rencontrent pour concrétiser leur volonté de se rendre utiles. Le service civique, qui rassemble les différents volontariats existants dans un cadre commun, va donc dans la bonne direction. Nos jeunes représentent un réservoir de compétences et de savoir-faire souvent sous-estimés, qui ne demandent qu'à s'exprimer. En outre, le service civique, en donnant la possibilité de travailler aux côtés de personnes malades et de découvrir un environnement social et culturel différent, participera à la lutte contre la tendance au repli sur soi et à l'intolérance si caractéristique de notre société.

Mais, pour aussi enrichissant qu'il soit, ce service civique ne doit en aucun cas desservir le jeune en constituant un obstacle supplémentaire dans un parcours professionnel déjà parsemé d'embûches. Nous ne voulons pas d'un service civique au rabais, qui serait synonyme de main-d'oeuvre bon marché pour des associations en manque de salariés. Par nos amendements, nous demanderons donc que l'indemnité de service civique couvre l'ensemble des frais du volontaire et que soit fixé, par parallélisme avec la proposition de la commission de prévoir son montant maximal, son montant minimal. Le service civique doit également être valorisé, et son apport en terme de compétences et de formation officiellement reconnu. Là est toute l'importance de l'attestation d'engagement de service civique qui sera délivrée par l'État et de la prise en compte des compétences acquises, qu'il faudra renforcer, selon nous, en prévoyant un dispositif dérogatoire pour que le service civique entre dans le champ de la validation des acquis de l'expérience. Nous devons veiller à ce que le service civique devienne partie intégrante de la formation professionnelle. A cet égard, je tenais à souligner le caractère hautement formateur des engagements de service civique effectués à l'étranger par le biais des volontariats de solidarité internationale et leur complémentarité avec le dispositif des volontariats internationaux d'échange et de solidarité qui sera mis en oeuvre en janvier 2010 par le secrétariat à la francophonie. La dimension civique et citoyenne du volontariat doit être constamment reconnue et valorisée. Comment pourrait-il en être autrement ? Le volontariat associatif est une expérience unique au service de l'autre, qui apporte une meilleure connaissance de soi. Les jeunes y acquièrent des savoir-faire, mais aussi des savoir-être. En quelque sorte, c'est une école de vie in nuce qui donne tout son sens aux valeurs républicaines de tolérance, de laïcité et de fraternité.

La volonté citoyenne de nos jeunes est réelle, elle ne demande qu'à s'exprimer... A nous de faire en sorte que ce soit dans les meilleures conditions pour que le service civique soit source d'épanouissement personnel et d'insertion professionnelle ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, au centre et à droite)

M. Serge Dassault.  - (Marques d'ironie sur les bancs socialistes) L'amendement que je vous propose...

Voix sur les bancs socialistes.  - Au boulot les jeunes !

M. Serge Dassault.  - ...est moins directif que celui de Mlle Joissains : je propose un service civique obligatoire pour les jeunes garçons de 18 ans...

M. Daniel Raoul.  - Et les filles ?

Voix sur les bancs de l'UMP.  - Et la mixité ?

M. Serge Dassault.  - ...qui n'exercent aucune activité professionnelle. Ces jeunes ne cherchent pas à travailler, ils ne font rien et deviennent rapidement de véritables délinquants vivant de trafics, comme celui de la drogue.

Quand le service militaire existait encore, les jeunes sortaient au moins de leur quartier et de l'inactivité pour connaître une nouvelle vie. Mais depuis qu'il a été suspendu, on ne s'occupe plus d'eux. Le service civique n'a de sens qu'obligatoire : s'il est facultatif, il ne sert à rien. Voyez l'échec du service civil de 2006. Lors du débat sur la loi de prévention de la délinquance, j'ai à nouveau réclamé un service civil obligatoire. En vain. Et ce qui a été mis en place n'a servi à rien. La délinquance et l'insécurité sont dues à l'inactivité des jeunes, elle-même résultat du manque de formation professionnelle, car l'éducation nationale n'a pas été capable de proposer un enseignement professionnel dès 14 ans.

M. Daniel Raoul.  - Ah !

M. Serge Dassault.  - Si l'obligation scolaire, intégrant une formation professionnelle, était portée de 16 à 18 ans, tout serait réglé. Car les délinquants seraient au travail. (Murmures sur les bancs socialistes) C'est le collège unique qui est responsable du chômage et de la délinquance des jeunes. On veut malgré tout le préserver et l'on dépense pour lui des milliards d'euros qui seraient mieux employés ailleurs. Débarrassons-nous de ce collège unique si néfaste, créé il n'y a pas si longtemps, sous la présidence de M. Giscard d'Estaing, par M. Haby. Avant, tout allait beaucoup mieux ! Un enseignement professionnel pour les enfants de 14 ans qui ne sont pas doués pour les diplômes, il faudra bien y arriver.

Monsieur le haut-commissaire, si vous ne retenez pas l'amendement Joissains, retenez au moins le mien, appliquez le service obligatoire mais pour les garçons uniquement, (marques d'étonnement) car les filles n'en ont pas besoin, elles ne posent aucun problème. (Rires) Ce sont les garçons qui, lorsqu'ils ne font rien, sont dangereux et empoisonnent la vie de nos communes et de nos quartiers. Pour résorber l'insécurité, les forces de police ne suffiront jamais, ni la police, il faut de la formation. (On approuve à gauche) Apprenez à ces garçons, perdus dans ce qu'ils appellent leur « galère », à travailler. Seule l'obligation de formation conduira à la réinsertion dans une vie normale. Pensez à ces jeunes, ne les abandonnez pas ! J'en ai beaucoup dans ma commune, aux Tarterêts ou ailleurs. Je les connais et je leur parle, ils veulent que l'on s'occupe d'eux, ils sont perdus. Ils tournent en rond, ils sont pris par la drogue. Il faut les occuper et s'en occuper. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

M. Charles Gautier.  - Au moins, c'était original.

Mme Maryvonne Blondin.  - Les filles resteront à la maison !

M. Jean-Paul Alduy.  - Je veux moi aussi remercier M. Collin ainsi que le rapporteur et le haut-commissaire. Ils mettent toute leur énergie dans un débat qui demain deviendra action concrète. Par rapport au service civil de 2006, qui fut un échec, les avancées sont nombreuses : indemnisation, accompagnement rémunéré, simplification des procédures d'agrément, validation des acquis et surtout, engagement de M. Hirsch à trouver un vrai budget, 40 millions d'euros aujourd'hui pour les 10 000 premiers volontaires mais 400 millions si l'on atteint l'objectif de 10 % de chaque classe d'âge. Cependant, si l'on trouve 3,5 milliards d'euros pour réduire la TVA sur la restauration, on doit bien pouvoir réussir à en dégager 400 millions pour sauver nos jeunes ! (Marques d'approbation) Je voterai sans états d'âme la proposition de loi.

C'est dans les quartiers éligibles à la politique de la ville que la réhabilitation du volontariat est le plus nécessaire. Il y a un élan de générosité et, dépassant la consommation, le souci du don. Or je crains que la loi, dans ces quartiers, ait moins de succès qu'ailleurs. Il serait bon par conséquent, dans les prochains contrats urbains de cohésion sociale, ceux de la période 2011-2014, que les préfets et les collectivités locales déterminent les associations susceptibles d'apporter un accompagnement solide et d'inclure des objectifs précis. (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)

Mlle Sophie Joissains.  - Très bien !

M. Jean-Paul Alduy.  - Je comprends le service civique comme un moyen de réhabilitation du volontariat...

M. Charles Gautier.  - Bien sûr.

M. Jean-Paul Alduy.  - ...et non comme un ersatz de service civil obligatoire.

M. Charles Gautier.  - M. Dassault est d'un autre avis !

M. Jean-Paul Alduy.  - Le volontariat est une valeur fondamentale de notre société. A mon sens, présenter ce service civil comme une petite étape vers le grand service civil obligatoire pollue la proposition de loi. Cela est contre-productif. Restons modestes. Ne répétons pas l'échec passé. L'objectif de 10 % d'une classe d'âge est déjà très ambitieux. Répondons déjà au besoin d'engagement des jeunes, sans prétendre régler tous les problèmes, lacunes de la formation professionnelle, délinquance, etc. Cela dit, je voterai ce texte sans états d'âme. (Applaudissements à droite)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Les orateurs ont apporté des éclairages complémentaires. Vous avez fait tous progresser le débat, comme en juin dernier, et vous avez placé la barre très haut. Vous demandez au Gouvernement des garanties, si la proposition de loi prospère. Je veux bien vous les donner. M. Voguet s'inquiète de l'ouverture du service civil aux jeunes de 16 ans. Mais les volontariats associatifs le sont déjà, nous en tenons compte. Ne voyez pas là une réponse au décrochage scolaire, auquel nous apportons d'autres solutions. Ne diabolisez pas notre démarche. Un passage par le service civique peut du reste amener des jeunes à reprendre des études ensuite.

M. Voguet s'est également interrogé sur la constitutionnalité de la proposition, dont les dispositions augmentent les dépenses publiques.

Le projet de loi de finances pour 2010 prévoit un budget de 40 millions ; c'est pourquoi je lève le gage.

Madame Morin-Desailly, je retiens votre idée de coopération avec les pays qui, comme l'Italie ou l'Allemagne, ont instauré ce système avec succès. L'organisme en charge du service civique devra mettre en place des échanges et préparer 2011, année européenne du volontariat.

Monsieur Bodin, le service civique devra être un atout pour le jeune. Parmi les avancées figure l'obligation pour les établissements d'enseignement supérieur de prévoir une équivalence en crédits académiques et de dégager des semestres pour permettre aux étudiants d'effectuer un service civique. C'est un moyen de valoriser cette période d'engagement -nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.

M. Fortassin a parlé de l'esprit civique et proposé que le service civique soit ouvert aux jeunes qui auraient eu maille à partir avec la justice. Nous souhaitons avant tout qu'il joue un rôle de prévention : la journée d'appel de préparation à la défense sera une occasion de sensibilisation, et les enseignements à la vie collective seront rappelés dès les premiers jours du service civique.

Mlle Joissains et le président Poncelet ont souhaité que ce texte soit une étape vers l'instauration d'un service civique obligatoire, et il y a eu une pétition en ce sens. Ce n'est pas par pingrerie que nous ne proposons pas un dispositif obligatoire. Il faut d'abord que la première étape soit réussie, qu'elle suscite une envie, un désir, un besoin de service civique. Nous ne fermons aucune porte, nous ne préjugeons pas de la suite. Comme l'a dit M. Alduy, imposer d'emblée un service obligatoire risquerait de démobiliser les acteurs, collectivités territoriales ou associations. (Marques d'approbation à gauche) Le plus difficile n'est pas l'aspect budgétaire ou juridique, mais la définition des missions et l'encadrement. Si les premiers volontaires montrent l'exemple aux suivants, ce sera un succès ; s'ils sont perçus comme les cobayes d'un service civique obligatoire purement occupationnel, le système calera.

Nous ne bottons pas en touche ; nous croyons à la capacité de construire ces missions.

M. Christian Poncelet.  - Vous nous donnez donc rendez-vous ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Nous vous rendrons compte.

Madame Lepage, le brassage, le vivre-ensemble, le mélange, pratiqués par de nombreuses associations, seront des marques de réussite. Le service civique concernera autant ceux qui réussissent leurs études que ceux auxquels la société ne fait pas confiance, et qui y trouveront le moyen de reprendre confiance en eux.

Mme Blondin a souligné la complexité des différents statuts actuels de volontaires : ce texte opère une salutaire simplification.

Monsieur Dassault, la mixité entre garçons et filles a été un facteur du succès du dispositif en Italie. (Marques d'approbation à gauche) Nous proposerons une obligation de formation pour les 16-18 ans : aucun jeune ne sera laissé sur le bord du chemin, comme s'y est engagé le Président de la République le 29 septembre, à la suite de la mission Le Texier-Demuynck et du Livre vert sur la jeunesse.

Monsieur Alduy, trois fois oui à l'intégration dans les contrats urbains de cohésion sociale de l'agrément des associations. Il faudra aller chercher les jeunes qui n'auraient pas spontanément pensé à cet engagement.

Avec ce texte, le président Collin propose un service civique civil, à vocation universelle, qui marque l'attachement à la Nation. Faire défiler les volontaires le 14 juillet serait le meilleur signe envoyé à la Nation d'un engagement citoyen, pacifique et passionné ! (Applaudissements à droite et au centre)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par Mlle Joissains, MM. Poncelet, J.C. Gaudin, du Luart, Haenel et Gilles, Mme Bruguière, MM. Cantegrit, Chatillon, P. Dominati et Faure, Mme G. Gautier, MM. Hérisson, Milon, Thiollière et Vestri, Mme Férat, M. de Montgolfier, Mme Morin-Desailly et MM. Amoudry, Portelli et Nègre.

Avant l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La cohésion sociale et républicaine bénéficie d'un investissement important de l'État. La mise en oeuvre de cette politique publique se fait dans le cadre d'un plan de relance pour la cohésion sociale et républicaine, et s'attache à ce que le service civique, obligatoire et universel, en soit l'un des piliers à travers une mise en place dès 2012 pour toute personne âgée de moins de 25 ans.

Mlle Sophie Joissains.  - Cet amendement, comme les amendements nos2 rectifié bis et 3 rectifié, propose de rendre le service civique obligatoire au bout de quelques années. Le haut-commissaire nous demande de laisser au dispositif la chance de se mettre en place... Soit. Je maintiens toutefois ma demande d'un rapport du Gouvernement au 31 décembre 2010 et d'un comité de suivi chargé d'améliorer le système. Je crois au caractère obligatoire, et je ne suis pas convaincue par le dispositif, mais la ferveur du haut-commissaire m'impressionne ! (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Sous-amendement n°48 rectifié à l'amendement n°1 rectifié de Mlle Joissains, présenté par M. Dassault.

Alinéa 2 de l'amendement n° 1, seconde phrase

À la fin de cette phrase, remplacer les mots :

toute personne âgée de moins de 25 ans

par les mots :

tous les garçons inactifs, n'ayant suivi aucune formation professionnelle et âgés d'au moins 18 ans

M. Serge Dassault.  - J'invite le haut-commissaire à venir à Corbeil rencontrer ces jeunes de 18 ans qui traînent dans la rue à longueur de journée, et à leur proposer un service civique volontaire : vous verrez ce qu'ils vous répondront.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par Mlle Joissains, MM. Poncelet, J.C. Gaudin, du Luart, Haenel et Gilles, Mme Bruguière, MM. Cantegrit, Chatillon, P. Dominati et Faure, Mme G. Gautier, MM. Hérisson, Milon, Thiollière et Vestri, Mme Férat, M. de Montgolfier, Mme Morin-Desailly et MM. Amoudry, Portelli et Nègre.

Avant l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La défense de la cohésion sociale et républicaine française est portée au niveau des besoins correspondants et nécessaires à son maintien et son amplification par la création d'un service civique obligatoire et universel, applicable de manière progressive et par tranches d'âge, selon des modalités juridiques contraignantes précisées avant l'année 2012, où il s'applique à toute personne âgée de moins de 25 ans.

Mlle Sophie Joissains.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par Mlle Joissains, MM. Poncelet, J.C. Gaudin, du Luart, Haenel et Gilles, Mme Bruguière, MM. Cantegrit, Chatillon, P. Dominati et Faure, Mme G. Gautier, MM. J. Gautier, Hérisson, Milon, Thiollière et Vestri, Mme Férat, M. de Montgolfier, Mme Morin-Desailly et MM. Amoudry, Portelli et Nègre.

Avant l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2010, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant, après consultation des organismes, institutions et partenaires, l'état des lieux de la politique française en matière de cohésion sociale et républicaines, et le rôle qu'un service civique obligatoire et universel peut jouer dans sa préservation et son développement, à travers notamment l'analyse des coûts sociaux et économiques. Ce rapport propose, le cas échéant, les adaptations et un calendrier propice à l'amélioration de la présente loi.

Un comité de suivi composé de députés et de sénateurs, désignés par leur assemblée respective, formule des recommandations et peut se prononcer sur les préconisations de ce rapport.

Mlle Sophie Joissains.  - Il est défendu.

M. Christian Demuynck, rapporteur.  - Ces amendements ont le mérite d'engager le débat sur le service civique obligatoire. Je n'y suis pas favorable : il ne me paraît pas souhaitable qu'un jeune s'engage au service de la Nation sous la contrainte. Se posent également des problèmes techniques, à commencer par le coût, estimé à 3 milliards.

Il faudrait ensuite trouver 700 000 tâches, ce qui n'a rien d'évident, des tâches qui risquent en outre de concurrencer les contrats de droit commun. Et quelle sanction imposera-t-on à ceux qui refuseront ? Comment les associations feront-elles pour contraindre ceux qui se résigneront à s'investir pour l'intérêt général ? Sans compter que les volontaires rechigneront peut-être si le service devient obligatoire...

C'est un autre débat. Celui d'aujourd'hui est porté par le Sénat, par sa mission d'information, par le groupe RDSE. La proposition de loi est bonne, la commission a travaillé, le Gouvernement met 40 millions d'euros sur la table, une somme considérable en cette période de difficulté budgétaire. Pour le reste, nous verrons plus tard...

Avis défavorable aux amendements nos1 rectifié bis et 2 rectifié bis ainsi qu'au sous-amendement n°48 rectifié. Avis favorable à l'amendement n°3 rectifié.

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Ne perdons pas de vue l'objectif que nous poursuivons. L'idée de donner du temps à la Nation et aux autres me parle. J'ai eu la chance d'effectuer mon service national en coopération ; je sais ce que cela m'a apporté et j'ai toujours souhaité que la même opportunité soit offerte à d'autres. Je dis « offerte » : je ne crois pas à la contrainte. Ne devons-nous pas d'abord faire en sorte qu'un maximum de garçons et de filles trouvent en eux-mêmes le désir de se mettre au service des autres ? Si nous y parvenons, il faudra que le Gouvernement puisse répondre dans de bonnes conditions à toutes les demandes de volontariat. Mais nous n'épuiserons pas le débat aujourd'hui. (Applaudissements à droite)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire.  - Je souhaite le retrait des amendements nos1 rectifié bis et 2 rectifié bis et suis favorable au n°3 rectifié, avec l'ajout d'un comité de suivi qui pourra être mis en place dès la promulgation de la loi.

Je suis prêt à venir à Corbeil, monsieur Dassault, voir comment proposer le volontariat à ces jeunes qu'on dit sans avenir, sans ambition ni envie. S'ils l'acceptent, ils pourront commencer dès janvier... Et je reviendrai devant le Sénat pour faire le point.