Questions orales (Suite)

Difficultés institutionnelles à Saint-Pierre-et-Miquelon

M. Denis Detcheverry.  - Conformément au souhait du Président de la République lors du premier Conseil interministériel de l'outre-mer et en cohérence avec le projet de réforme des collectivités territoriales, j'ai demandé qu'une mission sénatoriale soit diligentée sur les problèmes institutionnels de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui connaît de réels problèmes de gouvernance et de fonctionnement, entravant tout développement économique adapté et durable.

Pourtant, depuis l'arrêt brutal de la pêche en 1992, de nombreux projets de développement ont été élaborés : tous ont rencontré des barrières administratives infranchissables et n'ont jamais vu le jour malgré une aide financière importante de l'État. La situation se dégrade, aucun projet structurant d'avenir n'a été mis en place et la population est en déclin.

Il est vrai qu'en vertu de l'article 74 de la Constitution, la responsabilité du développement économique nous appartient : on me le rappelle assez souvent à Paris. Mais ce n'est pas avec les 6 000 habitants que nous sommes que l'on trouvera la ressource humaine nécessaire pour constituer des dossiers complexes, surtout quand il s'agit de servir de trait d'union entre le continent nord américain et l'Europe.

L'administration d'État, pléthorique, a pour mission de gérer au jour le jour une situation économiquement exsangue alors que le Conseil territorial n'a pas les moyens de se doter d'une administration de développement à hauteur de nos besoins.

Même si notre statut actuel, qui date de 1985, dispose que « les agents et les services de l'État sont mis à la disposition de la collectivité et du président du Conseil territorial de façon permanente et en tant que de besoin », il suffit, dans les faits, que le président du Conseil territorial et le préfet ne s'entendent pas pour que tout s'effondre. Ce système bicéphale est loin d'être satisfaisant : on attend souvent que le préfet s'en aille pour recommencer à zéro...

Le Président de la République dans son discours lors du Conseil interministériel de l'outre-mer, comme les états généraux à Saint-Pierre-et-Miquelon ont faire ressortir de nombreuses questions sur le paradoxe de notre statut : transfert d'un certain nombre de compétences vers la collectivité et demande concomitante de plus en plus forte de plus d'État, un État régulateur mais aussi un partenaire, non seulement financier mais technique, arbitrant en fonction d'indicateurs précis -songez que nous ne connaissons pas, à l'heure actuelle, la réalité du chômage ni celle des prix par rapport à la métropole.

A l'issue de cette mission sénatoriale, qui devrait être menée dans les mois à venir, pouvez-vous m'assurer, madame la ministre, que vous nous donnerez les moyens humains et techniques nécessaires pour bâtir ensemble le véritable projet de territoire dont Saint-Pierre-et-Miquelon a besoin ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - L'État, monsieur le sénateur, a toujours soutenu Saint-Pierre-et-Miquelon, et son aide n'a pas faibli. Dans le domaine de la pêche, il a accompagné toutes les initiatives. C'est ainsi qu'il a soutenu le rachat d'Interpêche par une société canadienne, en accordant, en 2009, une subvention de 2 millions à l'opération, de même qu'il finançait à hauteur de plus d'un million l'achat de deux navires et accordait 300 000 euros à une société d'exploitation de la coquille Saint-Jacques. Vous voyez que l'État répond toujours présent.

Au-delà des chiffres, je partage pourtant votre sentiment : l'économie de l'archipel a besoin d'être dynamisée et souffre toujours de l'effondrement de son secteur historique.

Le Président de la République, lors du Comité interministériel, a ouvert des pistes, qui passent par la structuration de la filière pêche, le développement de l'aquaculture, l'amélioration, en matière de transports, des circuits d'importation et de distribution, le développement, enfin, des coopérations avec le Canada, par l'accueil de sociétés canadiennes visant l'accès au marché européen : nos relations diplomatiques et économiques avec nos partenaires canadiens ont été renforcées à cette fin.

De nombreuses questions, enfin, persistent quant au statut. La mission sénatoriale sera l'occasion d'approfondir la réflexion et les pistes qu'elle dégagera seront soigneusement étudiées.

Elles complèteront utilement les mesures du conseil interministériel pour l'archipel et le Gouvernement étudiera leur articulation avec l'évolution statutaire.

S'agissant de l'accord de partenariat économique renforcé, une première réunion s'est tenue à Ottawa, avec le gouvernement fédéral et les provinces, dans une atmosphère très constructive. Une autre aura lieu à Bruxelles. L'Union y défendra les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon.

M. Denis Detcheverry.  - Je vous remercie de cette réponse qui m'a rassuré. Le but n'était pas de rédiger un nouveau rapport qui finira dans un tiroir -j'attends toujours la mise en oeuvre de celui que j'avais rédigé en 2007.

Sdis et handicap

M. Daniel Reiner.  - Puisque ma question a été redirigée vers le ministre de l'intérieur, j'attire votre attention, madame, sur l'application aux services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) de la loi du 11 février 2005 et du décret du 3 mai 2006 : comme dans toutes les autres collectivités employant au moins vingt personnes, l'obligation d'emploi en faveur de handicapés n'y est considérée réalisée que lorsque les bénéficiaires y représentent 6 % de l'effectif total. Or les Sdis emploient majoritairement des sapeurs-pompiers professionnels affectés en service opérationnel et soumis à de strictes conditions d'aptitude physique et médicale. Comment atteindre l'objectif des 6 %, même en prenant en compte les personnels administratifs et techniques ? Le code du travail prévoit des minorations dans le secteur privé pour des catégories d'emplois exigeant des conditions d'aptitude physique et médicale. La situation des Sdis apparaît donc aberrante. Pourquoi cette différence de traitement entre les secteurs public et privé et ne peut-on aménager les règles de calcul pour ne plus tenir compte des sapeurs-pompiers en service opérationnel ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - Le ministre de l'intérieur m'a chargée de vous apporter la réponse suivante. La loi du 11 février 2005 place l'emploi au coeur des enjeux de la solidarité nationale. Les employeurs publics se doivent d'être exemplaires. Des difficultés sont toutefois apparues du fait que les sapeurs-pompiers sont sélectionnés sur des critères d'aptitude. En outre, ne sont comptabilisés que les sapeurs-pompiers reclassés sur un poste non opérationnel alors que la majorité des reclassements s'opèrent sur des postes comportant une dimension opérationnelle, tel celui d'opérateur de centre d'alerte. Le ministre de la fonction publique vient donc d'accepter un assouplissement par une circulaire du 26 octobre dernier portée à la connaissance des Sdis : ceux-ci pourront comptabiliser au titre de leur obligation d'emploi de personnes handicapées les sapeurs-pompiers reclassés sur des fonctions non opérationnelles.

M. Daniel Reiner.  - J'enregistre avec satisfaction cette réponse. Ma question datait du début d'octobre, la circulaire est intervenue à la fin du mois. Je ferai part à ceux qui m'avaient interrogé de cette solution en espérant qu'elle les satisfera ; elle me paraît de bon sens.

Ingénieurs territoriaux, mention urbanisme

Mme Bernadette Bourzai.  - Je vous remercie de répondre à ma question qui s'adressait à M. le ministre du budget : le Gouvernement a voulu montrer qu'il sait entendre les collectivités. Ma question porte sur l'incompréhension que suscite la restriction apportée depuis cet été aux urbanistes diplômés de l'université qui souhaitent s'inscrire au concours d'ingénieur territorial, mention urbanisme. Ils doivent en effet passer devant une commission d'équivalence des diplômes qui rejetterait les deux tiers des dossiers. Ces candidats réussissaient de manière remarquable et apportaient au statut les compétences requises pour servir les collectivités recherchant des professionnels de l'analyse et de la prospective territoriale et de la politique de la ville. La transversalité de leur formation convient à leurs responsabilités et leurs futurs employeurs y sont attachés. Un minimum de pragmatisme devrait permettre de prendre en compte le métier d'urbaniste alors que les problèmes relevant de la politique de la ville sont loin d'être réglés. Le Gouvernement entend-il revoir ou préciser le décret afin que les collectivités territoriales continuent de disposer d'ingénieurs territoriaux, mention urbanisme, ayant reçu une formation qu'elles apprécient ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - Je vous prie d'excuser M. Woerth qui ne peut être présent ce matin. Depuis 2002, le diplôme permettant d'accéder au concours d'ingénieur territorial doit sanctionner une formation à caractère scientifique ou technique. Cette disposition a été prise pour corriger une distorsion entre le profil des candidats et les besoins des collectivités. Traduisant les conclusions d'un groupe de travail, elle répond à une demande des collectivités. La commission nationale des équivalences veille depuis 2007 au respect des qualifications exigées par les statuts de la fonction publique en s'appuyant sur la jurisprudence du Conseil d'État. Ont ainsi été écartés des candidats possédant un master de sciences humaines et sociales, mention géographie environnementale, ou un Dess de relations publiques de l'environnement, au motif que ces diplômes ne possèdent pas un caractère scientifique ou technique. Parce que l'urbanisme a une dimension transversale, le diplôme peut sanctionner une formation technique ou une formation plus générale mais dans ce cas, les candidats doivent être réorientés vers le concours d'attachés, spécialité urbanisme et développement des territoires. Il faut, pour répondre à la demande des élus, maintenir cette distinction.

Mme Bernadette Bourzai.  - Je remercie la ministre de sa réponse que je prendrai le temps d'examiner. Je suis un peu surprise de cette conception du diplôme scientifique et/ou technique car les sciences humaines sont des sciences. Écarter le titulaire d'un master de géographie environnementale parce qu'il est généraliste et non scientifique apparaît un peu byzantin.

Valeurs locatives à Orléans-La Source

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ma question s'adressait à M. le ministre du budget mais je pense que Mme la ministre représente ce matin tout le Gouvernement et nous en sommes ravis. Je voudrais attirer son attention sur la situation des habitants du quartier de La Source, à Orléans, dans le Loiret. En effet, s'il y a des écarts injustifiés entre les montants des valeurs locatives sur l'ensemble du territoire national, ils prennent de telles proportions dans ce quartier construit entre 1960 et 1980 qu'ils suscitent le mécontentement des habitants que je connais bien pour les côtoyer. Les valeurs locatives y sont de moitié supérieures à la moyenne de la ville d'Orléans alors que l'article 1496-II du code général des impôts dispose qu'elles sont déterminées de manière à assurer leur homogénéité dans la commune ou de commune à commune.

A situation égale au sein de la commune, les impôts locaux diffèrent très fortement, du fait des valeurs locatives mais aussi du coefficient d'entretien. Ces disparités ont conduit l'administration fiscale, à la demande de deux bailleurs sociaux, à réduire celui-ci ; il est incompréhensible qu'il n'ait pas été procédé à la même diminution pour tous les logements du quartier de La Source. La valeur locative des logements y est appréciée à la date du 1er janvier 1970 et n'a jamais été révisée, ce qui contrevient à l'article 1516 du code général des impôts qui dispose que « les valeurs locatives des propriétés (...) sont mises à jour suivant une procédure comportant la consultation annuelle des changements affectant ces propriétés ; l'actualisation tous les trois ans des évaluations résultant de la précédente révision générale ; l'exécution de révisions générales tous les six ans ». Le Président de la République a d'ailleurs récemment déclaré à Saint-Dizier qu'avant la fin de l'année -nous y sommes-, des marges de manoeuvre pour actualiser les valeurs locatives seraient proposées aux élus. Avez-vous des informations sur ces « marges de manoeuvre » ? Quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre à l'égard des contribuables du quartier d'Orléans-La Source ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.  - Je vous prie d'excuser M. Woerth, qui m'a chargé de vous répondre. Les valeurs locatives des logements du quartier d'Orléans-La Source ainsi que le coefficient d'entretien sont déterminés par l'administration en concertation avec les instances locales, et notamment la commission communale des impôts directs d'Orléans. Ce partenariat a permis de revoir les paramètres de plus de 3 000 logements HLM et, depuis 2008, de 800 pavillons individuels. Les valeurs locatives ont ainsi été modifiées pour 20 % des habitations, à la hausse comme à la baisse.

Comme l'ont déclaré le Président de la République à Saint-Dizier le 20 octobre et le Premier ministre devant le Congrès des maires le 17 novembre, la révision des bases de la fiscalité locale est une nécessité. Le Gouvernement lancera dans les jours qui viennent une concertation sur les modalités de cette révision avec les associations d'élus et le Parlement, les locaux commerciaux devant être concernés en priorité.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Votre réponse n'apporte malheureusement aucun élément nouveau. Ce n'est pas ce que j'avais compris de l'engagement du Président de la République. Il y a des injustices à réparer, au plan national comme dans le quartier d'Orléans-La Source. Je n'ignore pas que le coefficient d'entretien y a été abaissé pour un certain nombre de logements sociaux, ni que des habitants ont reçu un questionnaire des services des impôts -mais un tel questionnaire peut être envoyé à tout moment à tout habitant du territoire, il n'y a pas eu de traitement particulier. Ce n'est pas ce que nous demandons ; nous voulons une mesure générale qui tienne compte des spécificités du quartier. Le coefficient d'entretien est aujourd'hui fixé à 1,2 et s'applique indifféremment aux constructions neuves et anciennes ; il serait opportun de le ramener à 1. Il est tout autant justifié de le baisser pour les logements sociaux que pour les autres habitations du quartier. Je suis souvent intervenu sur cette question ; je continuerai tant que l'injustice ne sera pas réparée.

Fermeture de blocs opératoires

M. Jacques Mézard.  - Le Gouvernement a récemment confirmé la fermeture de 182 blocs opératoires pratiquant moins de 1 500 actes chirurgicaux par an. Cette décision concernerait 25 % des établissements chirurgicaux publics et 9 % des établissements privés. Il s'agit de fermer des services où la sécurité et la qualité des soins ne seraient pas assurées - existe-t-il des statistiques sur ces sujets ? Seul le nombre d'actes est retenu mais ni le type d'actes ni le nombre de chirurgiens en activité dans les établissements ne sont pris en compte. C'est dire que l'approche est plus technique qu'humaine et menace les petits établissements hospitaliers de proximité.

Je note que le Conseil national de la chirurgie avait fixé le seuil à 2 000 actes par an et que le Gouvernement l'a abaissé à 1 500 ; je note aussi qu'on ne semble guère se préoccuper de la qualité des soins dispensés dans les grands hôpitaux publics et privés, qui prendront en charge les malades en cas de fermetures des petits blocs... Nous craignons que ces fermetures ne contraignent les familles à de longs trajets dans les territoires les plus enclavés ; l'accès aux soins d'urgence serait alors en cause.

Je souhaite que le Gouvernement prenne en compte les difficultés particulières de certains territoires et précise ses intentions pour garantir une offre publique de soins de proximité.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - Votre question me permet de faire litière d'informations erronées. Les activités de médecine et de chirurgie sont réglementées par des décrets de mars 1956 qui ne s'appliquent d'ailleurs qu'aux établissements privés. Les choses ont évolué depuis... La refonte de ces textes a été entamée par M. Xavier Bertrand ; la concertation se poursuit avec tous les acteurs publics et privés, les fédérations hospitalières, les sociétés savantes, le Conseil national de la chirurgie, le Conseil de l'Ordre, la Haute autorité de santé. Plus que de fermeture d'établissements, il s'agit de sécurité et de qualité des soins. Parmi les critères retenus figure le nombre d'actes pratiqués ; chacun sait que ce qu'on fait bien est ce qu'on fait souvent. J'ai moi-même insisté pour que le seuil, fixé à 2 000 par le Conseil national de la chirurgie, soit ramené à 1 500.

C'est le minimum pour assurer des conditions de sécurité et de qualité optimales. Ce seuil, qui figure dans le projet d'arrêté annexé aux deux décrets, garantit également que les opérateurs ont une pratique suffisante pour conserver le niveau de compétences requis.

Les établissements de proximité connaissent des taux de fuite de 80 à 90 % car les patients votent avec leurs pieds et choisissent des plateaux techniques plus éloignés mais plus importants. Nous ne pouvons nous satisfaire d'une offre de soins qui ne réponde pas à toutes les exigences de qualité et de sécurité.

J'ai souhaité renforcer le rôle propre aux établissements de proximité afin qu'ils répondent au mieux aux besoins de la population. Si cette réponse peut passer par une reconversion partielle d'activités, je n'ai jamais fermé d'établissement. Les centres hospitaliers voient leur rôle de proximité renforcé, en développant des services de soins de suite et de réadaptation ou de gériatrie et en s'intégrant dans des filières de soins. Je suis attachée à la prise en charge graduée et coordonnée des patients en tout point du territoire.

Je renforce également les services d'urgences, qui ont évidemment vocation à rester dans l'hôpital de proximité. Je me suis engagée à ce que 90 % de la population puisse être prise en charge par une structure adéquate dans un délai très rapide, contre 80 % aujourd'hui.

Si un établissement n'est pas dans les clous, on ne ferme pas mais on pose des questions : comment améliorer les choses, faire de la coopération, transformer des activités ? Le recours à l'hôpital de proximité ne doit pas être une relégation.

M. Jacques Mézard.  - Merci de ces explications. Nous avons beaucoup parlé de déserts médicaux : évitons qu'il y ait aussi des déserts chirurgicaux ! Il faut penser aux départements qui n'ont pas de métropole régionale.

Situation des Chantiers de l'Atlantique

M. André Trillard.  - La dernière commande de paquebot enregistrée par les chantiers nazairiens date du 29 mars 2007. Depuis presque trois ans, seule une commande de l'État pour un navire militaire est venue garnir le carnet de commandes. En surcapacité de production, les chantiers sont contraints de mettre en place un plan de départs volontaires, qui concerne 351 salariés.

Certes, les postes liés à l'activité commerciale ou les bureaux d'études sont épargnés, afin de pouvoir redémarrer l'activité rapidement en cas de déblocage des offres. Le plan serait alors ajustable à la baisse d'ici la fin janvier. Certes, les Chantiers STX s'attachent à diversifier leur activité, en particulier vers l'offshore, mais cela exige patience et ténacité. Certes, la direction travaille à boucler la commande de deux paquebots pour MCS et l'État finalise le montage financier.

Même si un frémissement est aujourd'hui perceptible, les armateurs demeurent toutefois hésitants en raison de problèmes de financement, et il n'est pas réaliste d'espérer conserver un rythme annuel de 2,5 unités. La baisse d'activité aura des effets démultipliés sur la sous-traitance et affectera l'ensemble de l'économie régionale.

Le ministre de la défense a indiqué que « même actionnaire à 34 %, l'État ne peut pas tout ». Certes, mais son action comme son accompagnement financier peuvent être déterminants pour débloquer la prise de commandes et aider des projets à se concrétiser. Le Gouvernement peut-il nous communiquer des informations concrètes sur ce dossier ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - Veuillez accepter les excuses de M. Estrosi, retenu loin de Paris. Élue ligérienne, je suis très attachée à cette entreprise et je me suis souvent battue à vos côtés sur ce dossier.

La société STX France, détenue à hauteur de 33,34 % par le Fonds stratégique d'investissement depuis que l'État lui a transféré sa participation en juillet 2009, fait face à une sous-activité importante depuis l'annulation d'une commande par l'armateur NCL et du fait de la crise qui a frappé les compagnies de croisière.

L'État n'a pas ménagé ses efforts pour accompagner l'entreprise dans une période de transition. Sa prise de participation a eu pour effet d'injecter 110 millions dans l'entreprise : l'État ne peut pas tout mais il peut beaucoup ! La commande, en avril 2009, d'un bâtiment de projection et de commandement, dans le cadre du plan de relance, a également atténué l'impact de la crise.

La direction générale de STX France fait tout pour obtenir de nouvelles commandes et négocie notamment avec l'armateur MSC. L'État est vigilant sur l'avenir de cette société, fleuron de l'industrie française et des Pays de la Loire. Les services de M. Estrosi seront à vos côtés pour appuyer vos efforts.

M. André Trillard.  - Je remercie la ministre, que je sais attentive au dossier. C'est l'un des derniers constructeurs français capable de réaliser de grands paquebots dont l'avenir est menacé. Il nous faudra travailler tous ensemble à l'indispensable montage financier.

Adaptation de la fiscalité agricole à la crise

M. Alain Houpert.  - L'agriculture est en crise : il faut lui donner des outils fiscaux mieux adaptés et plus souples, qui lui permettent de corriger les évolutions sinusoïdales du revenu agricole.

Les entreprises agricoles ont peu de trésorerie et la fiscalité actuelle n'est pas en prise directe avec leurs résultats. Pour compléter le dispositif dotation fiscale à l'investissement (DFI), il faut ouvrir la dotation pour aléas (DPA), aujourd'hui réservée aux seuls aléas climatiques et sanitaires, aux aléas économiques et familiaux. Cette épargne professionnelle doit être utilisée avec souplesse en cas de chute de la marge brute de l'exploitation de plus de 10 %. Il convient d'y ajouter une assurance contre les risques économiques. Enfin, l'investissement, souvent lourd et peu rentable même s'il est indispensable, devrait donner lieu à un allégement fiscal.

Compte tenu de la crise, le Gouvernement envisage-t-il de réformer la fiscalité agricole, d'une part pour alléger la charge fiscale en contrepartie des efforts d'investissement et des aléas économiques et familiaux et d'autre part pour que l'impôt sur le revenu agricole soit calculé sur une moyenne triennale ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - M. Le Maire est retenu à Bruxelles par le Conseil agriculture, mais c'est une élue de l'une des premières régions agricoles de France qui vous répond.

L'agriculture traverse une crise exceptionnelle. Tous les secteurs sont touchés. C'est une crise de revenus mais aussi une crise d'identité. Le Gouvernement est pleinement mobilisé. Le plan présenté le 27 octobre dernier par le Président de la République est sans précédent. Doté de 1,6 milliard, il comprend des mesures bancaires et des mesures d'allégements de charges. Il répond aux besoins des exploitants en difficulté, quelles que soient les filières et les régions. Ce sont les résultats qui comptent. Le député Forissier a été nommé médiateur afin de s'assurer que les agriculteurs soient entendus.

La déduction pour aléa est déjà inscrite dans le code général des impôts en cas d'aléa climatique, naturel ou sanitaire afin d'inciter les agriculteurs à constituer une épargne de précaution.

Comme vous le souhaitiez, l'Assemblée nationale vient de l'étendre aux aléas économiques par un amendement du député Le Fur au projet de loi de finances pour 2010.

En outre, l'ambition du Gouvernement est de généraliser l'assurance récolte. Après l'augmentation des moyens qui y sont consacrés en 2009 afin de porter le taux de subvention à 40 et 45 % pour les jeunes dans les secteurs les plus exposés comme les fruits et légumes et la viticulture, l'inscription de la couverture des risques climatiques et sanitaires dans le cadre du premier pilier de la PAC libérera 100 millions de crédits communautaires dès 2010 pour financer un taux de subvention de l'assurance récole de 65 % dans les secteurs des grandes cultures, des fruits et légumes et de la viticulture. Cette évolution permet d'envisager après 2013 le développement d'autres dispositifs assurantiels, de type assurance revenus ou chiffre d'affaires. A cet égard, M. Le Maire souhaite que les assureurs expérimentent un produit d'assurances couvrant les productions fourragères. Fort des résultats de cette expérimentation, le Gouvernement pourra examiner, en toute connaissance de cause, la question de la réassurance lors du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

Enfin, les agriculteurs bénéficient déjà d'un dispositif d'étalement sur trois ans de leur impôt sur le revenu afin de tenir compte de l'irrégularité des bénéfices agricoles : il s'agit de la moyenne triennale prévue à l'article 75-0 B du code général des impôts.

M. Alain Houpert.  - Merci de cette réponse. L'entreprise agricole n'est pas une entreprise comme les autres. Sa croissance n'est pas linéaire, mais sinusoïdale. Qui plus est, les agriculteurs connaissent une situation un peu paradoxale : une bonne récolte n'est pas forcément le signe d'une augmentation des revenus car elle est excellente pour tous, ce qui entraîne la baisse des cours. D'où l'importance de requalifier l'assurance récole en une assurance revenus.

Financement de la prise en charge des mineurs étrangers isolés

M. Jean Besson, en remplacement de M. Jean-Pierre Bel.  - Permettez-moi d'excuser l'absence de M. Bel qui préside actuellement une réunion de notre groupe. Actuellement, un mineur étranger isolé en situation irrégulière qui manifeste sa présence sur notre territoire est confié par ordonnance du procureur de la République au président du conseil général du lieu où il se déclare. Ainsi la prise en charge financière, sociale et familiale du mineur étranger isolé, conformément aux dispositions du code de la famille et de l'aide sociale à l'enfance, représente une lourde charge pour les départements -12 % du budget de l'aide sociale à l'enfance de l'Ariège- alors que cette question, relevant de la solidarité nationale, devrait être financée par l'État. De surcroît, les structures d'accueil liées à l'aide sociale à l'enfance sont saturées. Récemment, une des deux ordonnances de placement prises dans l'Ariège n'a pu être honorée faute de places. Se pose donc la question du placement en urgence de tous les enfants, qu'ils soient étrangers ou non.

Monsieur le ministre, il ne s'agit nullement de remettre en question le principe d'accueil des mineurs étrangers ou d'opposer un jeune à un autre mais de savoir comment l'État assume ses responsabilités à l'heure où les départements connaissent une situation financière difficile à la suite de la réforme de la taxe professionnelle. L'État ne devrait-il pas exercer seul la compétence d'accueil des mineurs étrangers isolés ?

M. Eric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.  - Monsieur Jean Besson, j'espère ne pas vous porter préjudice au sein de votre groupe en indiquant que j'éprouve un plaisir particulier à vous donner ma réponse. Ce sujet complexe et délicat, qui concerne 3 à 4 000 jeunes sur notre territoire, ne doit pas donner lieu à des querelles partisanes et requiert une coopération étroite entre tous les acteurs concernés.

Après avoir rendu visite aux associations d'accueil en février dernier, j'ai créé un groupe de travail pluraliste sur la question des mineurs étrangers isolés en mai auquel participaient un représentant de l'Association des maires de France et un autre de l'Association des départements de France. En m'appuyant sur le rapport qu'il m'a rendu le 16 novembre, j'ai fait connaître mes premières propositions. Tout d'abord, le principe d'une séparation absolue des majeurs et des mineurs dans les zones d'attente créées par le gouvernement Bérégovoy en 1992. Ensuite, les mineurs étrangers isolés doivent d'abord être considérés comme des mineurs. Il n'est pas envisageable, en vertu des lois de notre République, d'opérer une distinction selon leur origine. La protection qui leur est accordée aux termes de la loi du 5 mars 2007 relève de l'aide sociale à l'enfance. L'État est déjà solidaire puisqu'il finance les structures d'accueil et d'hébergement pour 7 millions. A ce sujet, j'ai décidé l'ouverture d'un centre de 50 places à Vitry-sur-Orne afin de soustraire ces mineurs aux filières mafieuses de la « jungle » de Calais. Pour une répartition géographique plus équitable de ces mineurs, une des pistes serait de mieux utiliser le pouvoir de placement des juges et des parquets. Je suis prêt à rechercher avec le président de l'Association des départements de France des solutions pour améliorer l'efficacité de ce dispositif. La question étant également européenne, j'ai suggéré à l'Espagne, qui assumera la présidence de l'Union à partir du 1er janvier prochain, d'étudier la création d'un fonds européen pour les mineurs étrangers isolés, ce qu'elle a accepté. Enfin, je veux rappeler que la France est exemplaire en ce domaine : elle est le seul pays d'Europe à offrir une protection absolue aux mineurs en n'autorisant ni mesure d'éloignement contrainte ni remise du mineur à un autre État membre de l'Union.

M. Jean Besson, en remplacement de M. Jean-Pierre Bel.  - Merci de votre réponse qui va dans le bon sens. La question de la prise en charge financière des mineurs étrangers isolés se pose davantage dans l'Ariège de M. Bel, département transfrontalier, que dans le Drôme qui nous est cher à tous deux !

Avenir de la maison d'arrêt de Privas

M. Yves Chastan.  - En l'absence de réponse précise du directeur de l'administration pénitentiaire que j'ai interpellé le 29 juillet dernier, je m'inquiète de l'avenir de la maison d'arrêt de Privas, le seul établissement ardéchois. Selon la presse, cette maison d'arrêt, qui date de 1820 et accueille aujourd'hui dans ses 29 cellules près d'une centaine de détenus purgeant de courtes peines ou se trouvant en détention provisoire, pourrait disparaître dans le cadre de la restructuration du service public pénitentiaire. Un tel projet est étonnant quand cet établissement est exemplaire pour nombre d'acteurs du monde judiciaire. Non seulement, il enregistre des résultats très encourageants en matière de prévention contre les dépendances à l'alcool et aux drogues et de suivi psychologique des détenus mais il coopère également étroitement avec les principaux établissements publics de santé locaux et le théâtre de la ville. De plus, de nombreux travaux de réhabilitation et de modernisation des bâtiments ont été engagés, associant les détenus volontaires. Pourquoi fragiliser les services publics de proximité présents sur les territoires ruraux ? Vous connaissez la formule célèbre de Victor Hugo : « Celui qui ouvre une école ferme une prison ». Or, en Ardèche, on ferme aujourd'hui écoles et prison. Comment expliquer aux femmes et enfants de détenus ardéchois qu'ils devront désormais parcourir des dizaines, voire des centaines de kilomètres pour rendre visite à leur mari ou à leur père ? En outre, la fermeture de cette prison entraînerait pour l'Ardèche le départ de 35 fonctionnaires ainsi que de leurs familles et la disparition de près d'une centaine d'emplois induits. Qu'en est-il de l'avenir de cet établissement ?

M. Eric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.  - Mme Alliot-Marie, empêchée, m'a prié de vous répondre. La maison d'arrêt de Privas, mise en service en 1820, dispose de 64 places mais accueillait 80 détenus à la date du 1er novembre. Un programme immobilier pénitentiaire est à l'étude ; son objectif est de mettre à niveau nos prisons en les rénovant ou en les reconstruisant. Initialement, la suppression de 12 300 places dans des établissements vétustes ou inadaptés à une politique pénitentiaire moderne devait être compensée par la création d'autant de places nouvelles ; mais le Président de la République a annoncé l'ouverture de 5 000 places supplémentaires.

L'avenir de la maison d'arrêt de Privas sera bientôt évoqué dans ce cadre. Aucun arbitrage n'a encore été rendu sur l'emplacement des nouvelles prisons ou sur d'éventuelles fermetures ; vous serez bien entendu tenu informé de l'avancée de nos travaux.

M. Yves Chastan.  - La question est donc en suspens. Je souhaite que les cadres et les agents de la maison d'arrêt soient associés à la réflexion et que cet établissement ancien mais fort bien entretenu -le plan de relance y a récemment contribué- soit finalement maintenu. Il y a va de l'honneur de notre système pénitentiaire. Des événements récents ont montré l'utilité de tels établissements de petite taille, adaptés à des détenus condamnés à de courtes peines, qui y trouvent des conditions favorables pour payer leur dette envers la société et préparer leur réinsertion. Il faut aussi songer aux agents, qui méritent d'être soutenus.

Pollution des mers

M. Robert Tropeano.  - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'écologie. La Conférence de Copenhague qui se tient actuellement a pour objet de sauvegarder l'équilibre climatique de notre planète et d'anticiper les bouleversements écologiques des 30 prochaines années. C'est l'occasion pour la communauté scientifique, les élus et les associations de protection de l'environnement d'attirer l'attention du public sur la pollution de plus en plus inquiétante de nos mers et océans. La France possède la plus grande surface maritime au monde. La saison estivale vient à peine de s'achever que les élus locaux et les associations tirent une fois de plus la sonnette d'alarme sur l'état de délabrement de nos côtes et fonds marins. L'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) estime à plus de 540 millions de tonnes la quantité de déchets plastiques qui encombrent les fonds marins européens, la Méditerranée étant de loin la mer la plus polluée. Les déchets plastiques représentent entre 60 et 95 % des macro-déchets, avec une biodégradabilité polluante située entre 100 et 500 ans ; viennent ensuite les déchets en verre et en métal.

Cette pollution menace l'éco-système sous-marin en empêchant le renouvellement des biotopes et en provoquant la mort par étranglement ou étouffement des grands organismes marins -tortues, cétacés, thons...- et de milliers d'oiseaux en surface. Le développement de la navigation de plaisance aggrave la situation : 25 000 nouveaux bateaux sont immatriculés chaque année en France, sur un total de 900 000.

Le Gouvernement a lancé au printemps dernier le Grenelle de la mer qui doit aboutir à l'élaboration de normes réglementaires pour une gestion de la mer plus efficace et respectueuse de l'environnement. Les campagnes de communication locales et nationales ne suffisant plus, il faut traiter le problème à la source en empêchant que des centaines de milliers de tonnes de déchets soient rejetés à la mer. La solution la plus efficace, la plus simple et la moins coûteuse serait de mettre en place des collecteurs flottants de déchets domestiques dans les zones de mouillage et les réserves naturelles marines, comme l'ont déjà fait certaines collectivités et personnes morales en charge de la collecte des déchets. La mer n'est pas une poubelle !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - La gestion des macro-déchets du littoral est une question complexe. Derrière ce terme générique se cachent des déchets de nature, de taille et d'origine variées, dont 80 % proviennent de la terre. La réduction de leur impact environnemental nécessite des mesures complémentaires de prévention, de collecte et de traitement.

Entamée dans le cadre du comité opérationnel sur les déchets du Grenelle de l'environnement, la réflexion sur les macro-déchets s'est poursuivie de décembre 2008 à mai 2009 dans le cadre d'un groupe de travail spécifique, dont le plan de réduction et de gestion des macro-déchets flottants fut repris par l'engagement n°67 du Grenelle de la mer. Il est prévu à la fois de sensibiliser le grand public, d'encourager la recherche et l'innovation, d'améliorer la connaissance qualitative et quantitative des différents types de macro-déchets et de prendre en compte les zones d'accumulation dans les outils de planification.

Encore faut-il savoir comment financer ces mesures et qui doit en porter la responsabilité. Puisqu'il est impossible de remonter jusqu'aux producteurs de déchets, qui parcourent de vastes distances, il faut innover. Le groupe de travail sur les macro-déchets flottants a élaboré la notion de « solidarité amont-aval » afin de responsabiliser les acteurs en amont dans le traitement des déchets accumulés en aval ; l'engagement n°95 b du Grenelle de la mer prévoit la création d'un fonds de solidarité basé sur le principe du « pollueur-payeur ». Un groupe de travail chargé de la mise en oeuvre de cet engagement sera bientôt constitué ; il devra remettre ses conclusions avant le printemps 2010.

Enfin, le Gouvernement encourage les gestionnaires des ports et des zones de mouillage à mettre en place si nécessaire des collecteurs flottants de déchets. Mais ce sujet ne relève pas de la loi ; de même, la loi ne précise pas qu'il faut mettre des poubelles dans les rues !

M. Robert Tropeano.  - L'implantation de collecteurs flottants est la solution la plus simple. Les pêcheurs se plaignent de voir les deux tiers de leurs prises polluées par le plastique. La prolifération des méduses est aussi l'effet de la pollution, puisque leurs principales prédatrices, les tortues, meurent étouffées par des déchets. Quant aux dauphins, ils souffrent d'occlusions intestinales... La France, qui est dotée du territoire maritime le plus vaste du monde, doit donner l'exemple de la dépollution des mers.

Protection de captages d'eau

M. Philippe Leroy.  - L'article 27 de la loi Grenelle I dispose que des plans d'action seront mis en oeuvre d'ici à 2012 pour assurer la protection des 500 captages les plus menacés par les pollutions diffuses. Les ministères en charge du développement durable, de la santé et de l'agriculture ont jugé utile de publier dès le 1er juillet 2009, plus d'un mois avant la promulgation de la loi, une liste de 507 sites, dont huit en Moselle - il semble qu'il y en ait davantage encore. Cela suscite beaucoup d'interrogations sur le choix des sites et le respect de la procédure de concertation.

L'identification des captages Grenelle est nécessaire pour atteindre les objectifs contenus dans la loi Grenelle I, qui s'inscrit dans la lignée de la directive-cadre européenne sur l'eau, transcrite en droit français par la loi du 21 avril 2004. Je ne conteste pas la loi mais l'application qui en est faite. Quelle est la portée juridique de cette liste publiée avant même le vote du Parlement ? Les choix des services administratifs sont-ils pertinents ? L'absence de concertation ne conduira-t-elle pas certaines communes à délaisser des sites retenus pour éviter de supporter des charges nouvelles dont les modalités de compensation restent floues ? Qu'est-ce que le Gouvernement entend faire, y compris dans l'hypothèse d'un arrêt de ces captages ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - Fin 2007, les conclusions des tables rondes du Grenelle de l'environnement mirent en évidence la nécessité de protéger les ressources en eau. Un objectif ambitieux fut alors fixé : renforcer d'ici 2012 la protection des aires d'alimentation d'au moins 500 captages d'eau destinée à la consommation dont la qualité était menacée. Le Gouvernement demanda aussitôt à ses services de bâtir un programme de travail sans attendre la promulgation de la loi Grenelle II, afin de respecter l'échéance fixée.

Cinq cent sept captages, répartis sur tout le territoire, ont ainsi été identifiés suite à une concertation locale. Le choix s'est fondé sur trois critères : le niveau de pollution par les nitrates ou les pesticides, le caractère stratégique de la ressource au vu de la population desservie, la volonté de reconquérir certains captages abandonnés. Nous pourrons nous appuyer sur l'article 21 de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, qui prévoit la protection de « zones soumises aux contraintes environnementales ».

Dans la Moselle comme dans les autres départements, il faut donc définir et réaliser des programmes d'action dont la réussite reposera sur la participation de tous les acteurs territoriaux concernés. L'ampleur de cette phase de concertation justifie l'attribution de crédits d'État déconcentrés ou de moyens financiers engagés par les agences de l'eau.

L'arrêt de certains captages ne peut suffire à justifier leur retrait de la liste, puisque la reconquête de la qualité reste un objectif. Cependant, si l'opération était inévitable, le préfet du département devrait proposer un nouveau captage.

En tout état de cause, ces mesures sont exclusivement destinées à garantir une qualité des eaux conforme à la réglementation déjà en vigueur.

M. Philippe Leroy.  - Je ne veux pas polémiquer mais quatre des captages de mon département se trouvent dans le canton où je suis élu conseiller général. Les maires ont appris la situation en juin et juillet. Le président du conseil général que je suis n'a jamais été saisi par le préfet au cours des deux dernières années, bien que le conseil général finance la politique de l'eau à parité avec l'agence de l'eau. Je mets donc en doute les choix opérés en Moselle.

Si la même situation s'est reproduite dans toute la France, le sénateur que je suis pense que vous n'avez pas été bien informé.

Sans vouloir faire la guerre, je souhaite que nous protégions les captages là où la concertation aura permis le succès de cette politique. Dans ce genre d'affaires, rien ne sert de forcer le destin !

Démolition des navires de plaisance hors d'usage

M. Jean-Luc Fichet.  - Après quarante ans de coques en plastique, il est nécessaire de déconstruire les bateaux de plaisance hors d'usage, qui font courir des risques considérables à l'environnement. Avec l'aide du ministère de l'environnement et de l'Ademe, la fédération des industries nautiques a lancé un vaste projet national de déconstruction. La région Bretagne soutient cette initiative via la charte des espaces côtiers bretons.

Dans le cadre du Grenelle de la mer, les professionnels du secteur ont attiré l'attention de l'État sur l'urgence d'élaborer une réglementation sur ce sujet, puisque le droit inaliénable à la propriété empêche aujourd'hui de récupérer un bateau. Il faudrait pourtant que les propriétaires prennent conscience de leurs responsabilités pour l'avenir de la planète. Il est donc indispensable de les sensibiliser, de même que les chantiers navals et les gestionnaires de port. J'ajoute que la création d'une filière de déconstruction permettrait de créer des centaines d'emplois sur nos côtes.

Dans mon département, l'association Les Genets d'or, qui tend à développer l'emploi des personnes handicapées, a repéré 450 à 550 bateaux entre Saint-Malo et Lorient. Les experts estiment qu'il faudra traiter 20 000 tonnes à l'horizon 2025, puisque 20 000 bateaux arrivent chaque année en fin de vie.

Quels moyens législatifs envisagez-vous pour mettre en place des circuits de récupération et déconstruction respectant l'environnement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - On décomptait au 31 août 2008 quelque 907 000 navires de plaisance immatriculés en métropole pour une navigation en eaux maritimes. Mais de nombreux propriétaires ne signalant pas la destruction ou l'inaptitude de leur embarcation, la flotte active est estimée à 153 000 unités de plus de six mètres et à 379 000 de moins de six mètres.

Chaque année, quelque 23 000 nouvelles immatriculations ont lieu, dont les deux tiers font moins de six mètres et les trois quarts possèdent un moteur.

Selon une étude réalisée en 2003 par l'agence française de l'ingénierie touristique, 3 000 embarcations de plus de six mètres et 10 000 de moins de six mètres arrivent chaque année en fin de vie. Parmi ces dernières, les embarcations pneumatiques représentent quelque 2 000 unités, les scooters et motos de mer environ 2 200.

Consciente de cette situation, la Fédération des industries nautiques a créé l'Association pour la plaisance éco-responsable, afin de mettre en place une filière française de déconstruction et recyclage des bateaux de plaisance hors d'usage. En effet, la très grande majorité des coques de navires ayant été réalisée en matériaux composites, les filières classiques ne peuvent recycler la totalité des produits concernés malgré l'existence dans chaque port d'un plan de collecte et de traitement des déchets.

Pour anticiper la déconstruction des navires de plaisance, un colloque sur le développement durable de la filière nautique s'est déroulé à Lorient le 11 juin, à l'initiative de l'État. Son objectif était d'obtenir que la conception des navires prenne en compte le recyclage ultime en fin de vie.

Lors du Grenelle de la mer, les parties prenantes se sont engagées à favoriser la formation d'une filière française de démantèlement, recyclage et dépollution des navires. Le Premier ministre a donc nommé M. Cardo parlementaire en mission chargé de proposer des mesures concrètes et opérationnelles en ce sens. D'autres engagements tendent à éviter les « bateaux ventouses » en contraignant leurs propriétaires à les faire déconstruire s'ils sont hors d'usage. Enfin, les travaux sur le navire du futur devront faciliter le traitement ultérieur des matériaux.

M. Jean-Luc Fichet.  - Je vous remercie pour ces éléments, mais je vous avais interrogé sur la législation applicable aux bateaux arrivés en fin de vie, dont l'abandon provoque une pollution visuelle et chimique. Nous souhaitons que les propriétaires soient contraints de les faire détruire. Imaginer une solution industrielle pour l'avenir est très bien, mais rien n'a encore été fait.

L'association que j'ai citée pourrait créer une filière utile pour éliminer les bateaux et procurant un emploi à ceux qui en ont le plus besoin.

Application de la loi SRU à Trilport

Mme Nicole Bricq.  - Je suis très satisfaite que M. le secrétaire d'État réponde à ma question, qui porte sur l'urbanisme.

En effet, certaines municipalités soumises à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite loi SRU, rencontrent des difficultés pour atteindre le seuil de 20 %.

Ainsi, la commune de Trilport, en Seine-et-Marne, a engagé une démarche volontariste pour atteindre l'objectif légal dans les meilleurs délais. Mise à l'amende entre 2004 et 2006, la municipalité a été ensuite exonérée des pénalités en raison des efforts visibles qu'elle a fournis.

Mais le zonage établi par les administrations du logement et du budget freine cette démarche positive. En effet, le commune figure en zone II, alors que quatorze des dix-huit communes de l'agglomération du pays de Meaux sont classés en zone I. Par suite, tout bailleur social opérant à Trilport subit un surcoût de 20 % lorsqu'il investit et perd ensuite 20 % des loyers. Malgré ce handicap, la ville a signé avec l'État un contrat de mixité sociale.

Saisi à plusieurs reprises par le maire, le préfet de Seine-et-Marne a demandé à la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction que la commune soit classée en zone I, conformément à l'avis favorable formulé par la direction départementale de l'équipement et de l'agriculture. Pourtant, le reclassement se fait encore attendre.

Quel est le calendrier de cet ajustement, à Trilport ou ailleurs ?

J'estime d'autre part qu'il faut aussi favoriser la construction de logements sociaux par des collectivités à qui le taux de 20 % ne s'applique pas.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - La commune de Trilport compte 5 % de logements sociaux, après en avoir construit six en 2008. Vous expliquez ce faible chiffre par le classement en zone II, avec un loyer plafond plus faible qu'en zone I.

Cela impose donc une mobilisation de fonds propres plus importante pour les organismes de logement social.

Le cadre réglementaire des aides à la pierre présente des éléments de souplesse pour intégrer les réalités locales. Sur des zones restreintes et dans un cadre déconcentré, le préfet dispose d'un pouvoir d'appréciation pour moduler l'assiette de subvention et le niveau de loyer.

Les changements de zonage doivent être examinés avec beaucoup de précaution car ils ont pour effet d'augmenter les loyers des logements sociaux. Ce zonage a été modifié en novembre 2005 et a concerné 326 communes d'Ile-de-France. Ces changements ont été décidés sur la base du prix du foncier et des projets « prêts à sortir de terre ». Trilport n'a pas fait l'objet d'un reclassement en 2005 alors que cette commune fait partie de l'unité urbaine de Meaux et aurait pu légitimement être reclassée en zone I. Compte tenu de ces éléments, il a été demandé au préfet de se rapprocher de cette commune pour examiner avec elle les adaptations locales propres à faciliter la réalisation de logements locatifs sociaux. Nous veillerons, dans le cadre d'une prochaine révision de l'arrêté de zonage, à intégrer Trilport dans la zone I.

Mme Nicole Bricq.  - Fort bien, et le maire de Trilport vous a entendu. Mais j'attire votre attention sur les lenteurs de la procédure : un premier courrier est envoyé début 2007 ; le préfet y répond en janvier 2008 et nous sommes en décembre 2009 ! Vous m'annoncez une prochaine révision ; je voudrais être sûre qu'elle aura bien lieu en 2010 !

Cette lenteur n'est pas indolore, quand on connaît les prix en Ile-de-France. Si l'on veut encourager la construction de logements sociaux partout où c'est possible, il faut aller plus vite. Trilport s'est engagée à construire un éco-quartier avec des logements sociaux ; la commune est déterminée à franchir le seuil des 20 %.

Barrages

M. Alain Fauconnier.  - La transformation d'EDF en société anonyme va avoir, entre autres conséquences, la mise en concurrence des entreprises intéressées pour renouvellement des concessions hydrauliques. EDF, premier producteur hydro-électrique européen, gérait seul les barrages. Qui le fera si l'entreprise nationale n'était pas retenue, ou pas candidate dans certains cas malgré son savoir-faire reconnu dans le monde entier ? Et surtout, comment ? Les élus de mon département sont inquiets pour l'avenir du secteur hydro-électrique, la première source renouvelable d'électricité et la plus propre.

Le décret du 28 septembre 2008 est particulièrement flou, malgré le développement des huit étapes principales détaillant le processus de la mise en concurrence. Plusieurs arrêtés ministériels et une circulaire doivent le compléter. Considérant cependant que le renouvellement des concessions se fera toujours « dans le cadre de la délégation de service public », je me demande comment ce principe pourra être respecté si EDF n'était est pas retenue.

Comment le Gouvernement compte-t-il prendre l'avis des collectivités locales pour mieux cerner leurs besoins et leurs aspirations, tout en veillant à leur développement économique et social ? Comment le Gouvernement va-t-il s'assurer de la compétence des sociétés choisies pour garantir l'efficacité énergétique de l'exploitation des chutes d'eau, aussi bien en matière de projets nouveaux que de rénovation des barrages et de sécurité des berges ? Contrôle systématique de l'état et de la sûreté des ouvrages ; aménagements en période de crue ; sécurité du public, expertise, ajustement de la production aux variations de la demande d'électricité, amélioration des performances -autant de compétences reconnues à EDF. Qu'en sera-t-il de ses concurrents ?

Et pour le respect des autres contraintes environnementales, la gestion équilibrée de l'eau et des milieux aquatiques, la mise à disposition de millions de mètres cube pour soutenir le débit de nos rivières ? La Garonne a besoin des barrages de la Truyère !

Enfin, comment le Gouvernement compte-t-il préserver les emplois si le concessionnaire est dans la seule logique du profit ?

Les barrages n'appartiennent pas à EDF mais à la Nation, ils constituent une partie du patrimoine économique national. L'évidente fragilité du décret, conjuguée avec les zones d'ombres qui entourent les procédures techniques de renouvellement des concessions hydrauliques, me conduit à m'interroger sur ses véritables motifs. Cette mise en concurrence ne cache-t-elle pas une privatisation qui n'ose pas dire son nom, avec tout ce que cela implique en matière de sécurité ?

Votre réponse est attendue par les élus des zones de montagne, parmi lesquels ceux de l'Aveyron, où les seize aménagements hydro-électriques produisent l'équivalent de la consommation d'un million d'habitants, évitant ainsi la consommation de 200 000 tonnes de pétrole, et donc un rejet massif de CO2 dans l'atmosphère.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - La transformation d'EDF en société anonyme et la suppression du droit de préférence ont mis fin à la reconduction systématique du concessionnaire. Le principe est désormais la mise en concurrence des concessions hydro-électriques lors de leur renouvellement. Le Gouvernement a donc réformé la procédure d'attribution de ces délégations de service public avec un objectif énergétique, environnemental et patrimonial.

Avec le droit communautaire et la loi Sapin, c'est le décret du 26 septembre 2008 qui régit désormais la mise en concurrence des concessions hydro-électriques.

La consultation des collectivités locales s'effectuera d'abord avant l'appel à concurrence, dans le cadre de l'élaboration par le préfet d'un document relatif aux enjeux liés à la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau concernée par le projet. Ce document a vocation à informer l'État et les candidats potentiels des positions des différents acteurs concernés. Cette consultation sera renouvelée et actualisée lors de la procédure d'enquête publique à laquelle sera soumis le dossier du pétitionnaire retenu.

La compétence technique des sociétés sera un préalable à leur admission à concourir, qu'elles devront démontrer. L'État sera particulièrement vigilant lors de la vérification de cette capacité et sur son maintien durant la concession. Toute défaillance fonderait l'État à déchoir le concessionnaire. La sécurité des ouvrages et des tiers ne peut être en aucun cas un élément de concurrence dans l'attribution des concessions hydro-électriques ; elle est fondée sur un corpus réglementaire propre. L'État veillera avec la même rigueur qu'auparavant à son respect.

La mise en concurrence n'affaiblira pas l'exigence du respect des contraintes environnementales. Bien au contraire puisque toutes les normes applicables en ce domaine devront être respectées dans les dossiers de candidatures comme par le futur concessionnaire. A défaut, celui-ci sera passible des sanctions prévues par le code de l'environnement ainsi que par le droit commun des délégations de service public. Cette procédure permettra une prise en compte accrue des enjeux environnementaux spécifiques à la rivière concernée puisque, à côté du critère énergétique et du critère financier, ils constituent le troisième des critères sur lesquels les candidatures des pétitionnaires seront jugées.

L'État fera connaître, dès la publication de l'appel public à concurrence, les exigences environnementales spécifiques au cours d'eau qu'il entend voir inclure dans le cahier des charges de la concession.

M. Alain Fauconnier.  - L'Aveyron va essuyer les plâtres. Je ne suis pas tellement rassuré... Nous avons avec EDF une proximité que nous perdrions avec un opérateur italien ou norvégien qui ne se préoccuperait guère des réalités locales et ne s'intéresserait qu'aux enjeux financiers.

Un demi-siècle après la rupture du barrage de Malpasset, nous ne voulons pas voir se reproduire une pareille catastrophe.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Nous non plus !

M. Alain Fauconnier.  - Nous sommes très inquiets quand on nous dit que le barrage de la Barthe pourrait être géré depuis la Norvège.

Situation des ports maritimes

M. Thierry Foucaud.  - J'attire votre attention, monsieur le ministre, sur la situation des ports maritimes un an après la signature d'un accord-cadre national relatif à la réforme portuaire et la publication des décrets qui instituent les grands ports maritimes.

Cette réforme se voulait un plan de relance pour l'activité des ports. Selon M. Bussereau, personne ne resterait « sur le bord du chemin », il faudrait « faire du cousu main », il s'agirait de « trouver une boîte à outils qui permette à chaque grand port maritime d'appliquer la loi et l'accord cadre national ».

Or, douze mois plus tard, la réalité est bien différente. A quoi a servi cette réforme, censée mettre en place une nouvelle gouvernance des ports ? Les personnels et leurs organisations syndicales constatent que dans la plupart des cas, il n'en est rien, voire que ce principe n'a pas été respecté par le Gouvernement lui-même.

Les mesures de transfert des outillages et le détachement des personnels d'exploitation des ports chez les opérateurs privés étaient assortis de promesses de développement de l'activité et de la création de 30 000 emplois directs ou indirects. Là encore, les faits contredisent les intentions puisque les opérateurs et les grands armements, qui pourtant avaient été à l'origine de cette demande de réforme, sont aujourd'hui dans de grandes difficultés...

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - N'oubliez pas que la crise est passée par là...

M. Thierry Foucaud.  - Reste qu'ils sont incapables de faire face aux responsabilités que leur imposent la loi du 4 juillet 2008 et l'accord conclu le 30 octobre de la même année. Aucune perspective de développement des trafics ne figure dans les projets stratégiques des grands ports et, en fait de création d'emplois, ce sont des plans sociaux qui se préparent.

Le syndicat CGT des personnels du grand port maritime de Rouen, qui, s'appuyant sur le préambule de l'accord-cadre, a proposé la création d'une structure commune d'exploitation et de maintien, sous forme d'une maison de la main-d'oeuvre, pour contribuer au développement de ce port, s'est vu opposer jusqu'à présent une fin de non-recevoir. Pourtant, un tel dispositif permettrait de maintenir le potentiel d'exploitation sur tous les terminaux, de créer un système nouveau transparent avec un commandement unique et des règles identiques pour tous, de faire travailler chaque intervenant, à tous les niveaux, pour l'intérêt général du port de Rouen.

Êtes-vous en mesure, monsieur le ministre, de dissiper les inquiétudes des personnels portuaires, qui attendent garantie de l'emploi et embauche de nouveaux salariés sous statut, comme cela avait été acté ? Entendez-vous faire en sorte qu'une suite favorable soit donnée aux propositions du syndicat CGT du grand port de Rouen ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - Je vous rappelle, monsieur le sénateur, que depuis 2008, la crise mondiale la plus importante depuis 1930 s'est abattue sur le monde et a modifié les conditions économiques, y compris dans les ports.

Il n'en demeure pas moins que la réforme portuaire voulue par le Président de la République se déroule, ainsi que vous l'avez d'ailleurs rappelé, selon le calendrier prévu. Les instances de gouvernance des sept grands ports maritimes ont été mises en place et ont adopté, au printemps 2009, les projets définissant leur stratégie et leurs perspectives de développement. Les négociations de gré à gré pour la cession des outillages ont été conduites avec les opérateurs et ont abouti pour la quasi-totalité des terminaux à un accord. Les dossiers relatifs à ces cessions ont été transmis à la commission nationale d'évaluation chargée de garantir les intérêts patrimoniaux de l'État et des ports, qui aura rendu l'ensemble de ses avis avant la fin de l'année 2009.

Les cessions d'outillage et la poursuite du contrat de travail des agents chez les opérateurs interviendront donc au premier semestre 2010. Conformément à la loi, la réforme sera mise en place sur l'ensemble des terminaux des sept grands ports maritimes au plus tard au printemps 2011.

En dépit de la conjoncture économique, l'engagement des opérateurs n'a pas faibli. Ils sont, comme le Gouvernement, conscients que le report, au prétexte de la crise, des réformes indispensables, condamnerait les ports français, qui doivent être pleinement compétitifs lorsque l'activité économique redémarrera et que les armateurs redéfiniront leurs services desservant l'Europe.

L'État a engagé, pour accompagner la modernisation, un effort financier substantiel. Les crédits d'entretien des accès maritimes ont été augmentés pour couvrir d'ici à cinq ans l'intégralité des dépenses ; les crédits d'investissement prévus aux contrats de projets État-régions ont été doublés et une enveloppe exceptionnelle de 50 millions a été mobilisée dans le cadre du plan de relance. Ces efforts ont permis d'inscrire dans les projets stratégiques des ports de nouvelles opérations d'investissement, notamment la plate-forme multimodale du port du Havre, les projets de nouveaux bassins du port de Dunkerque, l'accélération du programme Fos XL à Marseille ou le nouveau terminal à conteneurs du port de Nantes-Saint-Nazaire.

Ces projets seront créateurs d'emplois. Mille conteneurs arrivant chaque année dans un port correspondent ainsi à cinq emplois tout au long de la chaîne logistique.

Pour le port de Rouen, la mise en commun de leurs salariés par les opérateurs ne pourrait se faire qu'à leur initiative, si cela correspondait à leur logique de développement. L'esprit de cette réforme est de mettre en place une gestion intégrée des terminaux dans laquelle les opérateurs sont pleinement responsables.

Pour autant, le dialogue doit se poursuivre. Je sais que de nouvelles réunions se sont tenues entre le port, les salariés et les entreprises et suis persuadé que l'esprit de responsabilité prévaudra pour trouver les solutions adaptées.

M. Thierry Foucaud.  - L'embarras avec lequel vous présentez l'état des lieux...

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Aucun embarras.

M. Thierry Foucaud.  - ... ne convainc guère. Vous évoquez la crise : elle a bon dos. On a déjà vu ce qu'a produit la réforme sur les conditions de l'emploi. Je rapporterai vos propos aux salariés, qui apprécieront.

Vous annonciez la création de 30 000 emplois. On attend toujours. La situation est extrêmement tendue. Vous n'avez pas apporté de réponse. Vous ne m'avez pas répondu sur la question des plans sociaux.

Mon groupe s'était, à l'époque, opposé à une loi imposée sans concertation préalable. En quoi les missions de service public sont-elles préservées ? Et que faites-vous du coût humain, de la question de l'emploi, de l'éviction des investissements ? Cinquante millions ont été débloqués sur le plan de relance, dites-vous ? Mais c'est une goutte d'eau dans l'océan.

J'ai bien entendu vos souhaits de dialogue. Les salariés ne demandent pas autre chose. Que comptez-vous faire de leurs propositions sur le port de Rouen ? Nous continuerons, bien évidemment, à suivre de près ce dossier.

M. le président.  - J'indique que la Conférence des Présidents se réunissant à 14 h 00, la séance ne reprendra qu'à 15 heures.

La séance est suspendue à midi vingt-cinq.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 h 30.