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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Sénateur en mission

CMP (Demande de constitution)

Missions d'information

Commission spéciale « Grand Paris » (Démission et candidature)

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

Application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution

Discussion générale commune

Discussion des articles du projet de loi organique

Article premier

Article additionnel

Discussion des articles du projet de loi

Article premier

Article 3

Représentation devant les cours d'appel

Discussion générale

Question préalable

Accord en CMP

Commission spéciale « Grand Paris » (Nomination)

Représentation devant les cours d'appel (Suite)

Renvoi en commission

Discussion des articles

Article premier

Article 2

Article 8

Article 9

Article 10

Article 13

Articles additionnels

Article 14

Article 14 bis




SÉANCE

du lundi 21 décembre 2009

53e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

Secrétaires : Mme Sylvie Desmarescaux, M. Jean-Noël Guérini.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Sénateur en mission

M. le président.  - Par courrier en date du 18 décembre 2009, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l'article L.O. 297 du code électoral, Mme Isabelle Debré, sénateur des Hauts-de-Seine, en mission temporaire auprès de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Cette mission portera sur les mineurs étrangers isolés.

Acte est donné de cette communication.

CMP (Demande de constitution)

M. le président.  - M. le Premier ministre a demandé la constitution d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009. En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du jeudi 17 décembre 2009 prennent effet.

Missions d'information

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des demandes présentées par les six commissions permanentes tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner des missions d'information ayant pour objet de concourir à la mission de contrôle du Sénat.

Il a été donné connaissance de ces demandes au Sénat au cours de sa séance du lundi 30 novembre 2009.

Les six commissions permanentes sont autorisées, en application de l'article 21 du Règlement, à désigner ces missions d'information.

Commission spéciale « Grand Paris » (Démission et candidature)

M. le président.  - Je vous informe que M. Robert Badinter a démissionné de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif au Grand Paris.

Le groupe socialiste a présenté la candidature de Mme Bariza Khiari pour le remplacer.

Conformément à l'article 10 de notre Règlement, cette candidature a été affichée. Elle sera ratifiée si la Présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de dix projets de loi autorisant l'approbation de conventions et accords internationaux. Je mets donc successivement aux voix le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention relative aux droits des personnes handicapées ; le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Maurice relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels ; le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de l'Inde sur le transfèrement des personnes condamnées ; le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Djibouti sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ; le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure ; le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole à l'accord du 3 juillet 1995 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume de Bahreïn relatif aux services aériens ; le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Bahreïn relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de défense civile ; le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord de coopération administrative pour la lutte contre le travail illégal et le respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume des Pays-Bas ; le projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel à l'accord de siège entre le gouvernement de la République française et l'Organisation internationale pour l'énergie de fusion en vue de la mise en oeuvre conjointe du projet Iter relatif au rôle de l'inspection du travail sur le site de l'Organisation internationale Iter et portant sur la santé et la sécurité au travail ; le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Slovénie. La Conférence des Présidents a retenu, pour l'examen de ces textes, le recours à la procédure simplifiée.

Les dix projets de loi sont successivement adoptés.

Application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. La Conférence des Présidents a décidé que l'examen de ces deux textes ferait l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.  - (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP) Les deux textes soumis à votre examen mettent en oeuvre une innovation importante de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui doit permettre au Parlement de contrôler les nominations envisagées par le Président de la République aux fonctions les plus éminentes, pour la garantie des libertés ou la vie économique et sociale de notre pays.

Le pouvoir de nomination du Président de la République fera l'objet d'un avis public préalable des commissions compétentes du Parlement. Selon la volonté du constituant, le Parlement aura la possibilité de s'opposer à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans ces commissions atteindra au moins les trois cinquièmes des suffrages exprimés. En encadrant la compétence du Président de la République, cette nouvelle prérogative des parlementaires participe au rééquilibrage des institutions de la Ve République voulu par le Président Sarkozy.

Cette nouvelle procédure est aussi une traduction concrète de la « République des compétences » voulue par le Président de la République, faisant le choix des talents, au-delà des affinités et des sympathies.

La procédure de l'article 13 garantira la transparence du choix des personnalités proposées à la nomination. Comme l'a souligné le président Hyest, le choix de l'exécutif s'appuiera désormais sur une délibération nourrie par l'expérience des parlementaires et leur diversité politique.

L'audition publique des candidats est à elle seule un gage déterminant de la dignité et de la qualité professionnelle des personnes nommées : les parlementaires auront pu, avant de se prononcer, évaluer leur compétence et la pertinence de leurs projets. Ce contrôle parlementaire garantira en outre l'indépendance des personnes nommées vis-à-vis de l'exécutif. C'est pourquoi le Premier ministre a souhaité, avant même l'adoption de la loi organique, que les candidats à la présidence d'Aéroports de Paris, d'EDF et de la Française des jeux soient entendus par les commissions parlementaires compétentes, y compris pour une reconduction aux mêmes fonctions.

L'entrée en vigueur du nouvel article 13 de la Constitution est conditionnée par l'adoption d'une loi organique qui doit préciser la liste des emplois et fonctions soumis à la nouvelle procédure, tandis qu'il revient à une loi ordinaire de préciser quelle est la commission permanente compétente pour donner un avis sur chaque nomination.

Le projet de loi organique a retenu au sein d'une liste extrêmement hétérogène une liste importante de 41 emplois ou fonctions ; il en a ainsi rajouté une vingtaine à ceux que le comité Balladur avait imaginé de soumettre à une audition préalable du Parlement. Ce texte ne concerne que les nominations proposées par le Président de la République et pas celles du Premier ministre. Conformément à l'article 13 de la Constitution, elle retient des emplois importants pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation. Le contrôle des nominations vise donc les fonctions dirigeantes d'organismes à compétence nationale ou dont l'action a des répercussions à l'échelle nationale.

Pour ne pas accroître démesurément le nombre de nominations soumises à cette procédure, n'ont été retenus que les emplois ou fonctions de direction effective, ceux de président ou de directeur général.

Le Gouvernement a souhaité donner tout son sens au contrôle parlementaire en ne retenant pas des emplois ou fonctions faisant l'objet de dispositions spécifiques, notamment lorsque le choix s'effectue sur une liste établie par le vice-président du Conseil d'État, le Premier président de la Cour de cassation ou le Premier président de la Cour des comptes.

Cette démarche, récemment approuvée par l'Assemblée nationale, est partagée par votre commission des lois, ce dont le Gouvernement ne peut que se féliciter. Ces critères ont conduit à inclure dans la liste la plupart des autorités indépendantes et de grandes entreprises publiques et des institutions financières comme la Banque de France et la Caisse des dépôts, ainsi que de grands établissements publics dans le domaine de la recherche, de la santé et de l'environnement. L'étendue du contrôle parlementaire est indiscutable.

L'Assemblée nationale a choisi de rajouter la présidence de la commission nationale de déontologie de la sécurité, de l'autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, de l'autorité des normes et la direction générale de la SNCF. Votre commission des lois, à l'initiative de son rapporteur, l'a également complétée par le président du conseil d'administration de Voies navigables de France, de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et de la Commission de sécurité des consommateurs. Le Gouvernement, qui salue le travail très approfondi de votre commission des lois et de son rapporteur, n'y voit pas d'objection.

L'Assemblée nationale a souhaité faire figurer dans la liste les emplois ou fonctions soumis à la même procédure en application de la Constitution elle-même ou de lois organiques antérieures : trois membres du Conseil constitutionnel, les personnalités qualifiées siégeant au Conseil supérieur de la magistrature et le défenseur des droits quand il sera effectivement créé, ainsi que les présidents de France Télévisions, de Radio France, de la société en charge de l'audiovisuel extérieur et le président de la commission de contrôle du redécoupage des circonscriptions électorales. Ainsi enrichie, la liste permet de mieux mesurer l'importance de la nouvelle prérogative donnée aux parlementaires.

La répartition entre les commissions paraît également arrêtée. Si le Gouvernement a formulé une proposition dans le projet de loi ordinaire, il appartient aux Assemblées d'adapter la ventilation. L'Assemblée nationale l'a modifiée sur deux points et, à l'initiative de M. Portelli, votre commission a déterminé dans la loi la commission compétente pour le défenseur des droits et pour les personnalités qualifiées siégeant au Conseil supérieur de la magistrature. Si de telles dispositions relèvent davantage de la loi organique, elles permettent d'accroître la lisibilité du dispositif.

L'Assemblée nationale a souhaité préciser la procédure applicable devant les commissions permanentes. Elle a modifié dans l'ordonnance du 7 novembre 1958, pour interdire explicitement la délégation de vote lors du scrutin sur l'avis de la commission compétente. Le projet de loi ordinaire a également été complété pour préciser que le scrutin doit être dépouillé au même moment dans les deux Assemblées. Votre commission des lois a souhaité revenir sur l'interdiction de délégation de vote. Le Gouvernement ne peut que prendre acte de cette divergence.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Et de la Constitution...

M. Henri de Raincourt, ministre.  - Il souhaite ardemment un accord entre les deux Assemblées pour conjuguer l'autonomie de fonctionnement de chacune...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Dans le respect de la Constitution...

M. Henri de Raincourt, ministre.  - ...et la spécificité du dispositif.

C'est dans un esprit constructif et responsable que nous abordons le débat sur ces deux textes qui renforceront le Parlement et la démocratie. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois.  - (Applaudissements au centre) Le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire dont nous sommes saisis portent application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. Cette modification apporte beaucoup de pouvoir au Parlement et va transformer considérablement notre vie démocratique. Le Parlement donnera son avis sur les nominations à des postes de responsabilité proposées par le Président de la République.

Je salue le travail très important accompli par l'Assemblée nationale sur la liste des 49 postes ou fonctions pour lesquels un avis sera nécessaire. Nous avons jugé utile d'en rajouter trois : le président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires, celui de la Commission de la sécurité des consommateurs, et celui du conseil d'administration de Voies navigables de France. Ces trois auditions interviendront devant la commission de l'économie, celle qui sera le plus chargée en matière d'avis.

Nous avons été amenés à modifier un élément de la liste : puisque c'est le président et non le directeur général du CNRS qui est l'autorité de décision, c'est lui qui doit être auditionné.

Je salue les deux amendements de M. Portelli, qui ont comblé une lacune pour le défenseur des droits (article 71-1) et les personnalités qualifiées siégeant au Conseil supérieur de la magistrature (article 65). Cet oubli est corrigé au sein de la loi ordinaire. On aurait pu le faire, comme l'a dit le ministre, au niveau de la loi organique, mais la solution retenue pose moins de problèmes de constitutionnalité.

Il demeure un petit problème pour les membres du Conseil constitutionnel. Les commissions des deux chambres rendront un avis sur les candidats présentés par le Président de la République, celle de l'Assemblée nationale sur les candidats présentés par le président de cette chambre, de même que celle du Sénat sur les candidats présentés par le président de la Haute assemblée. En revanche, le président du Conseil constitutionnel est choisi par le Président de la République et ce choix peut se porter, comme cela a été le cas pour M. Guéna, sur un membre nommé par le président d'une des deux chambres, et qui aura été auditionné par une seule commission. Je laisse au constituant le soin de se pencher sur cette question.

Deux amendements ont été adoptés à l'Assemblée nationale. Celui qui a été voté à l'article 3 du projet de loi organique interdit les délégations de vote lorsque les commissions se prononcent sur les candidats. Le droit de délégation est garanti par l'ordonnance du 7 novembre 1958 qui énonce explicitement les dérogations mais n'en prévoit pas dans cette hypothèse.

La pratique des députés diffère de celle des sénateurs en ce qu'une instruction du Bureau, contraire à l'ordonnance du 7 novembre 1958 et contraire au Règlement de l'Assemblée nationale elle-même, a décidé qu'il n'y aurait pas de délégation. En fait, l'article 3 apparait comme une dérogation à une règle générale observée depuis l'ordonnance de 1958 et qui a maintenant, à mon sens, valeur constitutionnelle. La Constitution n'interdit la délégation que dans un seul cas : lorsque le Président de la République est traduit en Haute cour. Dans tout autre cas, cette interdiction doit pouvoir être justifiée autrement que par un alinéa de la loi organique.

L'amendement de l'Assemblée nationale est donc inacceptable et ne peut s'expliquer que par la crainte qu'une commission du Sénat, plus nombreuse que celle des députés, n'ait un vote différent, surtout en cas de changement de majorité... L'Assemblée semble jouer à se faire peur.

En outre, comme l'a fait remarquer M. Hyest, la commission du Sénat n'auditionne pas le candidat le même jour que celle de l'Assemblée et l'audition peut ne pas avoir lieu le même jour que le vote -pour une affaire importante, un tribunal peut mettre l'affaire en délibéré. Le risque est donc que ceux qui ont auditionné soient absents lors du vote et que ceux qui votent n'aient pas auditionné. Rien que pour cela, la délégation est justifiée et elle pose d'autant moins de problèmes que, en général, les personnalités auditionnées sont très connues.

Nous sommes en revanche favorables à l'amendement voté par les députés à la loi ordinaire, imposant que le vote et le dépouillement aient lieu simultanément dans les deux chambres, afin qu'un vote n'influe pas sur l'autre. Nous y sommes favorables et d'abord pour une raison de diplomatie parlementaire. Si nous refusons son article 3 de la loi organique, ce n'est pas pour faire de la peine à l'Assemblée, et l'acceptation de son amendement à la loi ordinaire nous fournit une base de négociation. Comme il s'agit de lois qui ne concernent pas le seul Sénat, ces deux textes iront en navette, il y aura CMP et les députés auront le dernier mot : dès lors, autant garder une possibilité de négociation. C'est pourquoi, je serai au désespoir de m'opposer à l'amendement de M. Frimat...

Ces nouveaux droits accordés au Parlement permettront de choisir en toute transparence les personnalités appelées à diriger des institutions publiques ou de la vie économique. (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'article 13, alinéa 5 de la Constitution, était une des novations de la révision, présentée comme renforçant les droits du Parlement. Patrice Gélard estime dans son rapport que c'est là « un nouvel instrument de contrôle destiné à contribuer au rééquilibrage souhaité des institutions de la Ve République ».

Le Président de la République tient de l'article 13 de la Constitution un pouvoir de nomination très étendu qui procède évidemment des institutions originelles de la Ve République mais qui a été considérablement renforcé par l'évolution présidentialiste et aujourd'hui hyper-présidentialiste du régime. Un Président doté de pouvoirs plus importants, et à la fois chef du Gouvernement, chef de la majorité et chef du parti quasi unique de la majorité, échappant à toute responsabilité vis-à-vis du Parlement, c'est un cas unique en démocratie. Son pouvoir de nomination lui permet de contrôler en outre justice et médias. Les présidents qui se sont succédé sous la Ve République ont largement usé -voire abusé- de ce pouvoir et ce sont d'ailleurs les dérives clientélistes et la vassalisation des postes qui ont conduit à modifier la Constitution pour associer le Parlement à la procédure.

Mais, hélas, sans effet réel ! Certes, le Parlement est associé dans l'exercice par le Président de la République de son pouvoir de nomination, mais par une simple consultation pour avis des commissions permanentes compétentes qui ne disposent donc d'aucun pouvoir réel, et le Président peut parfaitement passer outre l'avis, même public, de ces commissions.

Certes, les commissions ont un droit de veto puisque « le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions ». Mais il est inapplicable ! Il est improbable, voire impossible, d'avoir un jour un rejet d'une nomination présidentielle avec cette procédure, dans la mesure où les trois cinquièmes se calculent sur les votes des deux commissions, de l'Assemblée nationale et du Sénat.

La procédure, je vous l'accorde, sert au Président de la République à informer les parlementaires de la décision qu'il a prise pour la nomination de telle ou telle personne et lui donne l'aval de sa majorité. Rien de comparable avec la procédure américaine, modèle pourtant pris comme exemple lors de la réforme...

Lors de la révision constitutionnelle, nous avions proposé des amendements destinés à renforcer le pouvoir du Parlement sur les nominations qui sont du ressort du Président de la République par un droit sur un nombre plus important de ces nominations et nous souhaitions montrer que les pouvoirs exorbitants dont dispose de fait le Président de la République, aujourd'hui chef du Gouvernement, ne pouvaient échapper à tout contrôle ! Nous avions proposé que le rôle du Parlement soit effectif, c'est-à-dire qu'il procède d'une commission unique composée de membres des deux assemblées désignés à la proportionnelle des groupes et que cette commission statue par un vote positif aux trois cinquièmes pour avaliser la nomination. Vous l'avez refusé avec des arguments spécieux : le risque de rendre difficile et de politiser les nominations. C'est faire peu de cas du Parlement ! Car cela sous-entend que les parlementaires n'ont pas le sens de l'intérêt général -moins que le Président de la République et que le Gouvernement-, qu'ils ignorent qu'il faut nommer les responsables de telle ou telle institution dans des délais raisonnables et que leurs choix seraient plus politiques que ceux du Président de la République !

La question, c'est la légitimité des personnes nommées, leur crédibilité, leur indépendance. Je me garderai de nommer qui que ce soit mais les polémiques suscitées par la nomination de tel ou tel à la tête d'une commission chargée du redécoupage électoral -commission elle-même non respectueuse du pluralisme- ou encore à l'occasion de nominations à France Télécom, manifestent, hélas, que l'hyper-présidentialisme doit sérieusement être contrôlé. Vous refusez même qu'une des commissions des deux assemblées puisse s'opposer à une nomination par trois cinquièmes des votants, ce qui donnerait plus de légitimité aux personnes retenues. La liste déjà impressionnante des personnes nommées, telle qu'annexée au projet de loi organique, confirme les pouvoirs très étendus du Président de la République, et donc la nécessité du contrôle parlementaire.

Nous ne pouvons donc que confirmer les propositions que nous faisions lors de la révision de la Constitution, c'est-à-dire une commission commune aux deux assemblées désignées à la proportionnelle des groupes et un avis positif sur les nominations aux trois cinquièmes. Nous voterons contre ces deux textes.

M. Pierre Fauchon.  - Avec la question des nominations aux principaux emplois de responsabilité politique, économique et sociale dans la République, nous retrouvons, après en avoir posé les principes le 23 juillet 2008, l'une des innovations majeures de cette réforme de nos institutions, et l'une des plus originales.

Majeure parce que l'action propre des hommes est souvent plus déterminante que ne le sont les définitions juridiques. La réalité des pouvoirs c'est ce qu'en font ceux qui les détiennent, vérité sous-estimée dans notre culture politique traditionnellement plus attirée par les spéculations sur Ies apparences que par la prise en compte des réalités.

Originale parce que, autant la restitution au Parlement des pouvoirs qui correspondent à ses responsabilités comme la restitution aux citoyens d'une capacité politique non strictement limitée aux votations constituent un rééquilibrage normal des pouvoirs, autant le partage du pouvoir de nomination des principaux agents de l'exécutif relevant normalement de ceux à qui ce pouvoir est confié -surtout s'il l'est directement par l'ensemble des citoyens- il peut apparaître singulier, voire contradictoire, d'y associer le pouvoir législatif. II s'agit là de tout autre chose que l'exercice du contrôle, ce dernier n'ayant que tardivement bénéficié d'une mise en oeuvre réelle grâce à notre Assemblée.

C'est l'occasion de citer de passage de L'Esprit des lois dans lequel Montesquieu écrit : « Le corps représentant ne doit pas être choisi non plus pour prendre quelque résolution active, chose qu'il ne ferait pas bien ; mais pour faire des lois, ou pour voir si l'on a bien exécuté celles qu'il a faites, chose qu'il peut très bien faire, et qu'il n'y a même que lui qui puisse bien faire. »

Qui participe au pouvoir de nomination partage le pouvoir exécutif dans l'une de ses attributions les plus essentielles. Mise à part la nomination des ambassadeurs aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Italie, il ne semble pas qu'un tel partage soit la règle.

Cette procédure va souvent constituer une dévolution du pouvoir nouvelle dans la mesure où elle ne relève ni d'un choix personnel, donc largement discrétionnaire, ni de l'élection, mais associe les deux dans une synthèse dont l'avenir seul dira si elle est pleinement satisfaisante.

La première conséquence, et peut-être la plus considérable, de cette réforme réside dans le passage d'un acte instantané dont les préalables restent confidentiels à un processus durable et public. Durable, car il faut le temps d'organiser les réunions des commissions parlementaires soit plusieurs semaines généralement. Public, car la presse et l'opinion seront prises à témoin, et pratiquement associées à la procédure. On imagine sans peine les investigations, les informations voire les révélations dont toute personne proposée fera l'objet, très au-delà de ce que le strict domaine de la fonction envisagée autoriserait. Heureusement, notre presse fait généralement preuve d'une discrétion louable sur la vie privée des personnes publiques. Souhaitons que cette déontologie soit respectée. II n'en demeure pas moins que ces investigations iront souvent plus loin que celles des commissions compétentes et qu'elles provoqueront du même coup une sorte de préemption par la presse et l'opinion des pouvoirs des commissions, dont le rôle s'en trouvera inévitablement amoindri.

L'expérience déjà faite dans quelques cas particuliers permet de penser que l'examen de passage devant la commission se déroulera d'une manière satisfaisante pour toutes les personnes concernées, je veux dire avec ce qu'il faut de sérénité, de sérieux et d'objectivité.

La question du vote a déjà suscité des critiques qui vont ressurgir, encore que la question soit tranchée par le texte constitutionnel. Nous sommes très largement et très résolument désireux d'éviter un vote majoritaire simple qui accentuerait la politisation de la décision, ce qui serait une grave erreur dans une attribution des responsabilités d'un service public qui doit autant que faire se peut échapper à la politisation. Il y a va de l'autorité morale dont bénéficiera le titulaire de cette fonction. Aussi bien, il est évident qu'une candidature qui susciterait une opposition majoritaire dans l'une ou l'autre des commissions se trouverait compromise.

S'agissant de la délégation de vote, nous approuvons aussi la position du rapporteur, marquée au coin de la sagesse.

Le choix des hommes est une des actions politiques les plus difficiles parce que des plus lourdes de conséquences. Il ne faudrait pas que le système mis en place aboutisse à favoriser les personnalités les moins caractérisées et qui pour cette raison ne suscitent aucun rejet. Ce qui serait d'autant plus fâcheux qu'il est quasiment impossible de revenir sur ce genre de réforme. Cette observation me conduit à penser que la liste des nominations concernées est longue et qu'elle dépasse le nombre des responsabilités publiques à l'égard desquelles la démocratie justifie la recherche d'un consensus entre le pouvoir exécutif et le législatif dont il faut reconnaître qu'il n'est pas réellement constitué pour se livrer à un tel exercice.

En dépit de ces réserves et non sans éprouver quelque inquiétude sur les dérives éventuelles, le groupe de l'Union centriste -grâce à qui a été adoptée cette réforme constitutionnelle !- approuve les dispositions proposées. Cette réforme marque une avancée considérable dans le sens d'une meilleure répartition des pouvoirs comme d'une meilleure reconnaissance des droits des citoyens, c'est-à-dire un grand progrès de notre démocratie, à condition toutefois que la mise en oeuvre soit à la hauteur de notre attente, ce qui suppose sans doute une meilleure compréhension mutuelle des forces politiques. Mais c'est une autre histoire. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Bernard Frimat.  - Bien que l'essentiel du débat soit dépassé suite à l'adoption de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, il n'est pas inutile de revenir sur son enjeu en termes d'amélioration des pouvoirs de contrôle de l'exécutif et singulièrement par le Parlement.

La volonté d'encadrer le pouvoir de nomination du Président de la République part d'une bonne intention. Nous en avons défendu le principe, voulant éviter que de telles nominations n'apparaissent comme le fait du prince. Nous avions proposé une procédure à la fois transparente et efficace, celle d'une commission ad hoc, constituée de députés et de sénateurs statuant par un vote positif à une majorité qualifiée. Le constituant, sur proposition du Sénat, a décidé que l'avis serait rendu dans le cadre d'une délibération distincte des commissions des deux assemblées, le sens de l'avis étant apprécié en additionnant les votes dans les deux commissions. Sur proposition de son rapporteur, l'Assemblée nationale a introduit un mécanisme de veto selon lequel, dans l'hypothèse où les votes des deux commissions seraient négatifs à une majorité des trois cinquièmes, le Président de la République ne pourrait procéder à la nomination et devrait soumettre une nouvelle proposition aux commissions.

C'est ainsi qu'au fil des lectures la majorité a volontairement compliqué un mécanisme qui devait être simple pour être transparent et en capacité de susciter l'adhésion.

Ce veto n'a aucune chance de trouver à s'appliquer puisqu'il reviendrait pour la majorité à désavouer le choix du Président de la République, ce qui est improbable en temps habituel et inconcevable dans la configuration politique actuelle. Le dispositif mis en place aboutit donc à ce que la décision reste aux mains de la majorité ; le chef de l'État pourra ainsi se mettre à l'abri des critiques en se prévalant de l'avis du Parlement.

Il fallait, au contraire, rechercher un consensus et adopter un dispositif qui associe l'opposition aux choix des nominations, sans lui accorder un pouvoir de blocage dès lors que l'avis n'était pas conforme mais simple. Le contrôle du Parlement en serait ressorti d'autant plus affermi que l'approbation aurait dépassé le champ de la majorité.

La pratique illustre mon propos. Nous avons pu, en effet, nous satisfaire des conditions dans lesquelles a été nommé le contrôleur général des lieux de privation de liberté, dont la nomination a été approuvée à l'unanimité sur le fondement de sa personnalité et de ses compétences. Il n'en a pas été de même pour le président de la commission dite indépendante, chargée de se prononcer sur les projets de délimitation des circonscriptions législatives ou de répartition des sièges de députés ou de sénateurs.

Voilà donc une première occasion gâchée. L'objectif allait dans le bon sens, mais le dispositif mis en place est un leurre. Nous en prenons acte : il ne s'agit pas de revenir sur la loi constitutionnelle de 2008 adoptée dans les conditions que nous savons. Il convient à présent de s'intéresser aux projets de loi sur lesquels porte le débat de ce jour. Textes d'application de la Constitution, ils ont hérité par transmission récessive du même défaut d'opacité.

Le système actuel de nomination aux emplois par le Président de la République repose sur un empilement de normes, tantôt de nature organique, tantôt de nature réglementaire, ou ne reposant sur aucun texte. Les articles 13 et 21 de la Constitution reconnaissent au Président de la République et au Premier ministre une compétence pour nommer « aux emplois civils et militaires de l'État ». L'ordonnance organique du 28 novembre 1958, intervenant sur la base de l'article 13 de la Constitution, énumère un certain nombre d'emplois pour lesquels la nomination intervient par décret du Président de la République en conseil des ministres.

Certaines nominations ne nécessitent qu'un décret simple du Président de la République, contresigné par le ou les ministres compétents. Le chef de l'État peut également déléguer son pouvoir pour les emplois autres que ceux énumérés par la Constitution ou par l'ordonnance. Enfin, de nombreuses dispositions particulières attribuent cette compétence aux ministres, voire aux autorités subordonnées.

Des raisons pratiques peuvent justifier de ne pas figer dans la Constitution une énumération nécessitant une mise à jour régulière. Sur ce point, il est regrettable que l'étude d'impact, censée « éclairer les choix législatifs, améliorer la qualité de la loi et remédier au désordre normatif » n'ait pas établi l'état du droit en dressant la liste complète des nominations relevant du Président de la République. Une liste établie par le secrétariat général du Gouvernement nous a été communiquée mais y figurent à tort le Haut conseil des biotechnologies et la Commission des sondages, les bases juridiques du pouvoir de nomination ne sont pas distinguées et les nominations relevant de la seule pratique ne sont pas mentionnées.

En dépit des recommandations du comité Balladur, le Gouvernement n'a pas saisi cette occasion pour clarifier les compétences respectives du Président de la République et du Premier ministre, et n'a pas délimité avec précision les nominations susceptibles d'être encadrées. Il a considéré que la Constitution n'enjoint pas de soumettre à la nouvelle procédure tous les emplois d'une certaine importance pour la garantie des droits et libertés.

Le champ d'application de la réforme se caractérise par un certain flottement. L'Assemblée nationale y a ajouté la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) -j'espère que l'hommage de notre rapporteur à la qualité des travaux de cette instance ne vaudra pas à titre posthume-, l'Office national des forêts (ONF), l'Autorité des normes comptables et l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (Acnusa). Notre commission des lois a choisi d'insérer l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf), la Commission de sécurité des consommateurs et les Voies navigables de France, organisme pourtant considéré par le rapporteur de l'Assemblée nationale comme non essentiel à la vie économique de la Nation.

Cette liste évoluera certainement à la demande des présidents des commissions permanentes qui feront leur marché ; à cet égard, notre collègue Jacques Legendre a fait panier vide, puisque sa tentative d'ajouter la nomination du directeur de la villa Médicis a échoué. (Sourires)

Pourquoi ne pas avoir inclus dans la liste annexée des organismes pourtant utiles à la garantie des droits et libertés ou à la vie économique et sociale de la Nation, telles la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) ? Il en est de même de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), de la Commission nationale de l'aménagement commercial (Cnac) ou de la Commission des participations et transferts.

Certes, nous devons légiférer à droit constant et il ne nous semble pas en effet que le chef de l'État détienne si peu de pouvoirs qu'il faille les étendre davantage... En contradiction manifeste avec cette règle, le projet de loi organique prévoit que le président du Haut conseil des biotechnologies relèvera désormais de la compétence du Président de la République. Le groupe socialiste n'a pas cédé à la tentation de déposer des amendements soumettant à la procédure d'avis la nomination du président de la Commission des sondages. Cela n'aurait pas été déplacé au moment où ces derniers sont utilisés par les plus hautes autorités de la République pour la communication politique et la propagande...

M. Robert Badinter.  - Très bien.

M. Bernard Frimat.  - En veillant à ce que les sondages n'influencent ni ne perturbent la libre détermination du corps électoral, cette commission joue un rôle important pour garantir les droits et la liberté d'expression. (M. Robert Badinter approuve)

L'Assemblée nationale a soulevé des questions de procédure injustifiées dans la mesure où l'habilitation du constituant limitait le champ d'intervention du législateur à la définition des emplois ou fonctions concernés et des commissions compétentes. En insérant dans le projet de loi organique un article 3, adopté à l'unanimité, interdisant les délégations dans le cadre de la procédure d'avis et en insérant un article 3 dans le projet de loi ordinaire visant à ce que le dépouillement du scrutin n'ait pas lieu avant que l'autre commission permanente compétente ne se soit prononcée, elle n'a pas respecté l'habilitation constitutionnelle. L'argument selon lequel ces nominations relèvent d'un choix personnel, et non politique, pour justifier le refus de délégation n'est pas recevable : il ne s'agit pas seulement de se prononcer sur la compétence du candidat pressenti mais également sur la pertinence de son projet, qui répond nécessairement à des considérations politiques.

La question de la simultanéité des votes est secondaire. Comment imaginer qu'un décalage fausserait le résultat de la consultation des commissions compétentes ? Jusqu'ici, personne n'a jugé que l'absence de simultanéité portait atteinte à l'expression des commissaires intéressés ou détériorait la sincérité du vote. Le rapporteur de notre commission des lois a justement rappelé le principe d'autonomie des assemblées, considérant que ni la lettre de la Constitution ni les travaux préparatoires ne permettent de penser qu'une procédure strictement identique doive être retenue dans les deux assemblées. En revanche, il n'a pas étendu son analyse à l'article 3 du projet de loi ordinaire relatif à la concomitance du dépouillement des scrutins. Le groupe socialiste a souhaité parfaire cette oeuvre inachevée en proposant de supprimer l'article 3 du projet de loi ordinaire. Il n'est pas utile d'avoir raison trop tôt... mais ces questions de procédure ne se seraient pas posées si le constituant de 2008 avait choisi d'instaurer une commission paritaire ad hoc.

Le cinquième alinéa de l'article 13 propose une avancée minime en associant le Parlement aux nominations du Président de la République. Mieux vaut une audition suivie d'un vote que pas d'avis du tout, mais ce mécanisme est vidé de son efficience car la majorité des trois cinquièmes nécessaire pour exercer un droit de veto est inatteignable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Absolument.

M. Bernard Frimat.  - En outre, sans clarification des modes de désignation du chef de l'État, une certaine opacité demeure. Le groupe socialiste, tout en reconnaissant la qualité du rapport de Patrice Gélard, s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur les bancs du RDSE)

M. Pierre Fauchon.  - C'est une bonne nouvelle ! Nous garderons tout le bénéfice de la réforme.

M. Jacques Mézard.  - L'ajout en 2008 du cinquième alinéa de l'article 13 constitue sur le principe un réel progrès pour notre République, mais les modalités d'application retenues tempèrent une procédure qui aurait mérité un meilleur sort. En choisissant une majorité des trois cinquièmes pour qu'un veto soit opposé, la procédure a été partiellement vidée de son efficacité. Dans un pays où le fait majoritaire étouffe l'aspiration de beaucoup à s'écarter du bipartisme, il est difficilement concevable qu'une partie de la majorité s'oppose à une nomination décidée par l'Élysée. Monsieur le ministre, les talents sont pourtant parfois compatibles avec l'efficacité.

Certes, il aurait été difficile d'attribuer à l'opposition un pouvoir de blocage inversement proportionnel à son poids politique, avec un risque d'abus et d'obstruction. Mais le Sénat américain, qui doit approuver les nominations du Président à la majorité des deux tiers, parvient toujours à trouver un modus vivendi.

Nous estimons que la commission des lois a raison d'écarter l'obligation d'une procédure identique dans les deux assemblées, tout en maintenant la simultanéité du dépouillement. De façon générale, il faut faire confiance aux parlementaires de tout bord pour défendre l'intérêt général.

A notre sens, il aurait été plus démocratique de pousser à son terme la logique de l'article 13 en permettant aux commissions d'approuver la nomination proposée, ce qui aurait conféré à l'intéressé une double légitimité ex ante. Il est en effet indispensable d'affermir le caractère irréprochable de la République, à un moment où les institutions sont mises en cause. Nous ne pouvons rester inactifs face aux exemples qui ont récemment alimenté la défiance de nos compatriotes, comme la nomination à la présidence d'EDF et le conflit d'intérêts avec Veolia.

Occasion manquée, la révision constitutionnelle le fut tout autant quant à la répartition du droit de nomination entre les chefs de l'État et de gouvernement. Ne réussissant pas à se prononcer sur l'essence de la Ve République, le constituant a maintenu cette architecture complexe. J'estime significatif que le juge administratif ait hésité aussi longtemps pour qualifier juridiquement le décret signé par le Président de la République en conseil des ministres et revêtu du contreseing ministériel. Or, cette qualification détermine le régime contentieux, donc le contrôle juridictionnel sur les nominations présidentielles.

La difficulté à dresser la liste exhaustive des emplois pourvus par décret me semble également significative car la loi organique n'évite pas l'éparpillement des postes entre divers textes, parfois réglementaires. Nous regrettons que l'hypothèque de la complexité et de l'opacité n'ait pas été levée, tout en convenant que les majorités qui se sont succédé ont su en user et en abuser. (Mme Nicole Borvo Cohen Seat approuve)

Au demeurant, la liste incluse dans la loi organique suscite quelques interrogations. En effet, le cinquième alinéa de l'article 13 dispose que les commissions doivent être consultées à propos des nominations importantes pour les « droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation », mais on peut se demander quels critères précis ont présidé à l'établissement de la liste. Vous avez ainsi fait figurer le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé mais ni l'Agence française de sécurité des aliments, ni l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, ni l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, dont les directeurs généraux sont pourtant nommés par le Président de la République.

La défense des libertés se trouvant au coeur de la réforme, pourquoi avoir omis la Commission consultative du secret de la défense nationale, ainsi que la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité ? Certes, ces deux autorités disposent d'un mode de nomination spécifique, mais tel est aussi le cas de France Télévisions, société pourtant incluse dans le projet de loi organique. Nous regrettons d'autant plus ces oublis que notre commission a enrichi le texte en ajoutant Voies navigables de France, l'Autorité de régulation des transports ferroviaires et la Commission de sécurité des consommateurs. La marge de progrès qui subsiste est considérable !

Nous saluons toutefois l'avancée apportée par ces deux textes, un premier pas vers une démocratie sans népotisme, ni clientélisme.

Même en écartant le spoil system américain, il est normal qu'un Président de la République dispose de personnes de confiance en poste, mais il est tout aussi normal que la représentation nationale, opposition comprise, soit associée à ces décisions importantes. On peut vraisemblablement espérer qu'un avis défavorable -même à la majorité simple d'une seule des commissions- suffise à rendre la nomination difficile. Mais alors, pourquoi ne pas être allé jusqu'au bout du raisonnement, que la commission a fait sien ?

La majorité de notre groupe votera ce texte, les autres s'abstenant.

M. Hugues Portelli.  - Ces deux textes tendent à mettre en oeuvre une des dispositions les plus importantes de la révision constitutionnelle votée en 2008 : la nouvelle procédure de nomination aux emplois et fonctions publics dont l'article 13 de la Constitution confie la responsabilité au Président de la République. Cet article renvoie à une loi organique, qui renvoie à un texte d'application, si bien que le champ des emplois couverts par l'article 13 a beaucoup varié pendant la Ve République en fonction des circonstances politiques.

C'est ainsi qu'en 1985, à la veille de la première cohabitation, le Président de la République a gonflé de façon démesurée le champ des emplois pourvus par ses soins en conseil des ministres. Le but était d'obtenir un droit de veto mais rien ne dit que de toute éternité, le Président de la République contrôlera le Gouvernement et les deux assemblées parlementaires : à trois reprises sous la l'empire de la Constitution de 1958, le chef de l'État n'a pas pu s'appuyer sur une majorité de l'Assemblée nationale ; il n'a pas pu compter sur le Sénat pendant les premières années de la Ve République et lors des deux premières cohabitations. Nous devons donc examiner ce texte avec pour seule préoccupation que cela fonctionne quel que soit le rapport de force.

La nouvelle rédaction de l'article 13 distingue les emplois régaliens et ceux ayant une grande importance pour les « droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ». Dans le premier cas, la procédure en vigueur depuis 1958 reste inchangée. Dans le second, les commissions parlementaires se prononceront après avoir auditionné la personne pressentie.

Cette nouvelle procédure introduit une incontestable transparence dans les nominations de personnalités dont les commissions parlementaires auront vérifié la compétence, l'éthique et l'indépendance. La publicité des auditions aura une incidence plus grande même que la menace d'un veto.

Songez à la procédure de nomination aux emplois fédéraux des États-Unis. La Constitution n'énumère pas les qualités requises pour être nommé à la Cour suprême, mais la pratique y a pourvu en exigeant la qualification juridique, l'éthique personnelle et professionnelle, l'indépendance du jugement. Les auditions par le Sénat s'apparentent à un grand oral permettant d'exclure tout candidat n'ayant pas les qualifications requises ou présentant un risque de conflit d'intérêts. On ose croire que nos commissions parlementaires sauront influencer jusqu'au choix initial des candidats !

Par analogie avec le système américain, la nomination des membres du Conseil constitutionnel sera soumise à l'avis des commissions parlementaires.

Avant même l'élaboration du présent texte, notre assemblée s'est prononcée sur certaines candidatures à la nomination présidentielle, qu'il s'agisse du président de la commission chargée de se prononcer sur le projet de circonscriptions législatives ou du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Notre commission des lois s'est assurée que le candidat présidentiel à ce dernier poste avait une connaissance suffisante du monde pénitentiaire grâce à son expérience à la tête de la commission de suivi de la détention provisoire. Après avoir entendu le programme présenté par le candidat, les membres de la commission lui ont posé des questions de fond.

Garant des libertés fondamentales, le législateur conforte la légitimité des personnes nommées. Jusqu'à présent, l'avis d'une commission parlementaire n'était sollicité que de manière ponctuelle, alors qu'il formera désormais une mission d'ensemble.

Le projet de loi organique détermine les fonctions et emplois relevant de la nouvelle procédure ; le projet de loi simple désigne concrètement la commission compétente de chaque assemblée. Nous estimons que les 49 emplois aux fonctions sont conformes au voeu du constituant. Notre commission a mentionné trois organismes supplémentaires : l'Autorité de régulation des activités ferroviaires, la Commission de la sécurité des consommateurs et Voies navigables de France. Par coordination, elle a complété le projet de loi ordinaire pour déterminer les commissions permanentes compétentes. Le groupe UMP se félicite de ces ajouts.

Nous saluons la précision introduite par l'Assemblée nationale pour imposer un dépouillement simultané des scrutins dans les deux commissions, ce qui préserve leur totale indépendance.

Enfin, la commission a supprimé l'article 3 du projet de loi organique, introduit par l'Assemblée nationale pour interdire les délégations de vote, ce qui excède sans aucune raison le cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

L'article 13 n'interdit pas la délégation de vote ; ce que fait en revanche l'article 68 pour la seule procédure de destitution du chef de l'État. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs validé tant la loi organique que les règlements des assemblées qui énumèrent les cas dans lesquels la délégation est permise. Les règlements des assemblées peuvent toujours étendre ou restreindre les possibilités de délégation, mais aucune disposition constitutionnelle ou législative n'impose que la procédure soit identique dans les deux chambres. Le groupe UMP apporte ainsi son soutien au rapporteur, considérant que cette question doit rester exclusivement du domaine des règlements des assemblées. Celles-ci ont d'ailleurs retenu des dispositifs différents. Il faut enfin rappeler à nos collègues députés que le Sénat s'est toujours montré respectueux de l'autonomie des deux chambres du Parlement.

Sous réserve de ces observations, le groupe UMP considère que l'adoption de ces textes donnera enfin sa pleine efficacité au dispositif tendant à renforcer les prérogatives du Parlement et à rééquilibrer le pouvoir de nomination du Président de la République. (Applaudissements à droite)

M. Aymeri de Montesquiou.  - M. Collin, retardé par les intempéries, m'a demandé de donner lecture de son intervention.

Lors de la discussion de la révision constitutionnelle de juillet 2008, révision que je n'ai pas approuvée, les promoteurs du texte nous ont vanté à l'envi un rééquilibrage des institutions en faveur du Parlement. Il était alors convenu que la toute-puissance de l'exécutif, péché originel de la Ve République, allait enfin trouver ses limites ; nous allions entrer dans l'ère de l'hyper-Parlement... Mais nous attendons toujours de sortir de l'hyper-présidence.

L'article 13 de la Constitution n'est pas sans rappeler un certain césarisme constitutionnel qui a laissé de biens mauvais souvenirs aux républicains en 1851. Prenant le contrepied d'une pratique opaque et clientéliste du pouvoir, les dirigeants de la IIIe République, et singulièrement Jules Grévy, ont voulu insuffler à la jeune République un nouvel élan en donnant au chef du Gouvernement ce pouvoir de nomination. Devant rendre des comptes devant la majorité, il ne lui était plus possible de céder à cette forme de népotisme. La rupture de 1958 fut donc majeure, qui a concentré à nouveau le pouvoir entre les mains d'un seul, dont on sait que l'irresponsabilité politique est l'un des piliers de son statut. Chacun connaît les abus auxquels cette situation a donné lieu. Aucune majorité parlementaire n'a été irréprochable, d'autant que l'article 13 de la Constitution dit peu des postes concernés. Seuls les régimes de cohabitation ont permis de tempérer des pratiques peu conformes à nos principes républicains.

Si je salue l'avancée que constitue, au plan des principes, le droit de regard donné au Parlement sur les nominations aux fonctions les plus éminentes, mon enthousiasme est tempéré tant sur la forme que sur le fond. Je m'interroge en premier lieu, comme d'autres, sur le calendrier. Pourquoi attendre le dernier lundi précédant l'interruption de nos travaux pour nous saisir, alors que les députés se sont prononcés il y a trois mois ?

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Bonne question !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Pourquoi avoir attendu près de dix-huit mois après l'entrée en vigueur de la nouvelle rédaction de l'article 13 ? Si l'on avait vraiment voulu donner de nouveaux pouvoirs au Parlement, il est clair que les textes nous auraient été soumis plus tôt, d'autant qu'ils ne présentent aucune difficulté technique. Ces retards sont d'ailleurs chroniques, qu'il s'agisse de la loi organique relative au Défenseur des droits ou, surtout, de celle relative au référendum d'initiative populaire de l'article 11 -il est vrai qu'il gêne considérablement le Gouvernement. Je relève en outre que le chef de l'État a précipité la nomination du nouveau PDG d'EDF peu de temps avant que les députés examinent ces textes. Singulière façon de montrer son respect de la démocratie représentative... Si M. Proglio a été auditionné par les commissions des deux assemblées, c'est sous la légitime pression de nos concitoyens, choqués par le fait du prince, et d'une grande partie des élus. Cet épisode illustre la pertinence de la proposition de loi sur le cumul des fonctions et des rémunérations des dirigeants d'entreprises publiques et privées, que j'ai déposée avec plusieurs de mes collègues du RDSE et que le Sénat a examinée le 18 novembre avant d'en approuver une version modifiée. De telles situations ne grandissent ni notre République ni notre État de droit ; elles ne doivent plus se reproduire.

J'en viens au fond. Dans la mesure où ces deux textes découlent de la nouvelle rédaction du cinquième alinéa de l'article 13, le législateur organique n'a guère de marge de manoeuvre. Le pouvoir d'approbation dont disposent désormais les commissions permanentes est une avancée, qu'il faut cependant relativiser au regard des modalités pratiques. Il faut, comme souvent, aller au-delà des apparences... Avec le mécanisme retenu par le constituant, il sera en effet impossible à l'opposition actuelle de bloquer la moindre nomination, sauf désaccord entre le Président et une partie au moins de sa majorité. II eût été plus démocratique -nous l'avions dit lors de la révision- d'inverser la logique et de soumettre la nomination à un vote d'adhésion par une majorité qualifiée. Une telle formule aurait d'ailleurs renforcé l'autorité du titulaire de la fonction. Comparaison n'est pas raison, mais cette procédure est en vigueur aux États-Unis ou en Allemagne, dans ce dernier cas pour la nomination des membres du tribunal constitutionnel de Karlsruhe. Chercher le consensus plutôt qu'un semblant d'approbation, tel devrait être le credo d'une démocratie parlementaire apaisée.

Ces textes pâtissent des lacunes originelles de la révision constitutionnelle. Ils sont cependant une avancée démocratique que nous devrons faire progresser. Fort de son républicanisme revendiqué, aucun membre de mon groupe ne s'opposera à l'adoption de ces deux textes ; certains les approuveront quand d'autres s'abstiendront. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur plusieurs bancs du RDSE)

M. Henri de Raincourt, ministre.  - Je remercie tous les intervenants, ceux qui soutiennent le texte comme ceux qui s'y opposent, en relevant cependant que ces derniers ont repris un débat que le constituant a clos lors de la révision de juillet 2008. Sur la procédure, on peut considérer, à l'instar de M. Fauchon, que le verre est à moitié vide ou à moitié plein... On voit mal un Président de la République, quel qu'il soit, faire peu de cas de la réaction négative des deux assemblées, fut-elle exprimée à la majorité simple. Les travaux des commissions étant publics, c'est l'auteur de la proposition de nomination qui serait mis en difficulté.

Le système retenu a d'autres vertus. La majorité seule ne pourra rien, l'opposition seule non plus. Comme l'a dit M. Collin par la bouche de M. de Montesquiou, il faut toujours rechercher le consensus -ce qui est l'habitude dans cette assemblée. Quant au calendrier, on ne peut vouloir une chose et son contraire. Depuis la révision constitutionnelle, l'ordre du jour du Parlement est partagé. Voyez l'organisation de la session qui a commencé en octobre : pouvait-on aller plus vite au regard des semaines d'initiative parlementaire, des semaines de contrôle et de celles réservées pour l'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale ?

Je ne le crois pas, et le Gouvernement souhaite l'adoption rapide de ce texte, car des nominations importantes doivent intervenir dès janvier, en particulier le directeur général du CNRS, le président du Cnes, le président du Comité national consultatif des droits de l'homme, ainsi que celle de membres du Conseil constitutionnel.

Quant à la liste même des nominations, si l'on peut commenter la répartition qu'elle établit entre le Président de la République et le Premier ministre, force est de reconnaître que le constituant l'a fait correspondre avec l'organisation des pouvoirs publics dans notre pays. La comparaison avec les États-Unis n'est pas pertinente, car ce pays connaît un régime présidentiel, quand notre régime comprend un président fort et un Parlement revalorisé -plutôt qu'un « hyper-Parlement », notion que le Président de la République n'a pas utilisée, à ma connaissance.

En définitive, je ne doute donc pas que nous parvenions à un accord ! (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Discussion des articles du projet de loi organique

Article premier

Le pouvoir de nomination du Président de la République aux emplois et fonctions dont la liste est annexée à la présente loi organique s'exerce dans les conditions fixées au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Gélard, au nom de la commission.

Annexe, ligne 20, deuxième colonne

Remplacer les mots :

Directeur général

par le mot :

Président

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Le président du CNRS exerce l'autorité effective, nous l'inscrivons dans la liste, au lieu du directeur général du CNRS.

L'amendement n°1, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

L'article 2 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Gélard, au nom de la commission.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L.O. 567-9 du code électoral est ainsi rédigé :

« La personnalité mentionnée au 1° de l'article L. 567-1 est désignée conformément aux dispositions de la loi organique n° ..... du ..... relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. »

II. - Dans l'article unique de la loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, les mots : « soumise à la procédure prévue au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution » sont remplacés par les mots « prononcée conformément aux dispositions de la loi organique n° .... du ..... relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13. »

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Coordination pour la personnalité qualifiée membre de la commission prévue par l'article 25, d'une part, et pour les présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, d'autre part.

L'amendement n°2, accepté par le Gouvernement, est adopté, et devient article additionnel.

L'article 3 demeure supprimé.

Le scrutin public est de droit

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 217
Majorité absolue des suffrages exprimés 109
Pour l'adoption 195
Contre 22

Le Sénat a adopté.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Bravo !

M. le président.  - Nous allons examiner les articles du projet de loi ordinaire.

Discussion des articles du projet de loi

Article premier

Les commissions permanentes de chaque assemblée parlementaire compétentes pour émettre un avis sur les nominations aux emplois et fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce dans les conditions fixées au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution sont celles figurant dans la liste annexée à la présente loi.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Gélard, au nom de la commission.

Annexe, ligne 20, première colonne

Remplacer les mots :

Directeur général

par le mot :

Président

L'amendement de coordination n°2, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

Les articles 2, 2 bis et 2 ter sont successivement adoptés.

Article 3 

L'article 5 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il est procédé à un vote en commission selon la procédure prévue au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, le scrutin doit être dépouillé au même moment dans les deux assemblées. »

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Bernard Frimat.  - Monsieur le rapporteur, vous écrivez que « ni la lettre de la Constitution ni les travaux préparatoires ne permettent de penser qu'une procédure strictement identique doive être retenue dans les deux assemblées pour prononcer l'avis prévu par l'article 13 de la Constitution » : c'est parce que nous sommes en plein accord, que nous supprimons l'obligation d'un dépouillement simultané du scrutin. L'article 13 de la Constitution est très clair, en disposant que « la loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernées », l'habilitation est exclusive de toute autre règle de procédure. Le constituant a voulu que l'avis des deux chambres soit unique, mais il n'a pas précisé les modalités d'expression de cet avis. Or, cet article 3 de la loi ordinaire laisse penser qu'une assemblée pourrait être influencée par le vote de l'autre, ce n'est pas sérieux, la pratique dément cette crainte.

Monsieur le rapporteur, vous auriez très bien pu proposer de supprimer cet article 3, par coordination avec la suppression de l'article 3 de la loi organique puisque nos motivations sont les mêmes !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Je suis d'accord sur le fond, mais nous devons être stratèges : pour que l'Assemblée nationale accepte de retirer l'article 3 de la loi organique, nous devons marquer envers la première assemblée, qui est élue au suffrage universel direct, un minimum de déférence.

C'est pourquoi, pour des raisons de stratégie diplomatique parlementaire, je vous demanderai de retirer votre amendement, ce qui nous facilitera la discussion dans la suite de la navette et nous évitera qu'elle ne se termine par un vote de l'Assemblée nationale à la majorité absolue de ses membres.

M. Henri de Raincourt, ministre.  - Le Gouvernement ne peut être favorable à votre proposition. Il est préférable que le résultat obtenu dans l'une et l'autre commission soit connu simultanément. D'autant plus que cette question est indépendante de ce que vous recherchez en matière de délégation de vote. Défavorable.

M. Richard Yung.  - J'écoute toujours avec attention ce que dit le président Hyest. Précisément, lors de nos récents débats sur le découpage des circonscriptions législatives, il a développé, à l'appui de la demande de vote conforme, l'argument selon lequel la tradition républicaine veut que chaque assemblée ne se mêle pas des décisions qui ne concernent que l'autre. Or voilà que l'Assemblée nationale se mêle ici de dire au Sénat comment il doit organiser son règlement intérieur. C'est paradoxal. C'est pourquoi je comprends parfaitement, sur le principe, l'amendement de M. Frimat.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Mais ceci concerne les deux assemblées, pas une seule. J'entends bien qu'il faudra prévoir dans le dispositif les moyens de communiquer les résultats à l'autre assemblée, y compris en cas de panne d'électricité ou de téléphone (on évoque un sémaphore sur les bancs socialistes), mais je comprends la nécessité de la simultanéité, sans laquelle on pourrait jouer sur le résultat partiel... Quant à la suppression de l'article 3 de la loi organique, elle est justifiée par le fait que cet article n'était pas conforme aux dispositions constitutionnelles.

M. Bernard Frimat.  - Notre collègue Gélard nous a permis de vérifier ce vieux principe qui veut que les arguments peuvent faire changer d'avis, mais pas de vote... Je m'appuyais sur ses propos pour arriver à des conclusions dont je sais qu'il les partage. Il y oppose les exigences de la diplomatie parlementaire. Je ne me risquerai pas sur ce domaine si aventureux des négociations secrètes et des accords sur lesquels elles peuvent déboucher, suscitant immanquablement l'allégresse, lorsqu'on les en informe, chez les populations concernées... Je m'en voudrais trop d'être le responsable d'un Waterloo diplomatique pour notre collègue Gélard. Et puisque le Gouvernement a eu la grande sagesse de ne pas demander la procédure accélérée, je fais confiance à notre rapporteur pour sceller un accord en mettant à profit la navette. Suppression de l'article 3 de la loi organique contre maintien de l'article de la loi ordinaire, peut-être ? Le mécanisme est d'une telle subtilité que je comprends qu'il ne faille pas prendre le risque de gripper la machine... Il ne me restera qu'à redéposer mon amendement si d'aventure cette équipée diplomatique de haut vol -qui n'atteint cependant pas les hauteurs du sommet de Copenhague- venait à se conclure par un échec...

L'amendement n°1 est retiré.

L'article 3 est adopté.

M. Robert Badinter.  - Nous nous sommes abstenus sur le projet de loi organique, et nous continuerons de le faire sur ce projet de loi ordinaire. Nous reconnaissons volontiers que solliciter le débat et l'avis des commissions compétentes constitue un progrès, mais nous estimons que c'est insuffisant et que cela appelle une réflexion plus générale.

Insuffisant, parce qu'établir un véritable contrôle parlementaire sur une nomination serait soumettre la proposition du Président de la République aux commissions compétentes, avec pouvoir de la rejeter à la majorité des suffrages. Or que fait-on ici ? On laisse à la seule majorité politique la possibilité de récuser cette proposition. Peut-on imaginer que cette majorité, que l'on n'appelle pas pour rien « majorité présidentielle », désavoue le choix du Président de la République ? Voilà un paradoxe que l'on ne retrouve dans aucune démocratie pratiquant ce contrôle. Aux États-Unis, le choix doit être agréé par une majorité des deux tiers. Même chose en Allemagne. C'est ainsi que l'on passe d'une république présidentielle à une république consensuelle. Si l'on nous demandait de recueillir ici un vote positif des trois cinquièmes, cela témoignerait de l'existence d'un consensus, et conforterait l'indépendance et l'autorité de la personnalité ainsi nommée. Mais tel n'est pas le cas. J'ai eu la curiosité d'examiner la composition de nos deux commissions des lois : 73 membres à l'Assemblée nationale et 48 au Sénat font 121 votants. Un vote négatif des trois cinquièmes requiert 73 voix. Or, l'opposition ne peut espérer en réunir que 55. Ce qui signifie qu'il faudrait un vote négatif de 18 membres de la majorité : c'est inconcevable dans le système politique qui est le nôtre.

On tombe là dans un des grands travers de nos institutions : on se donne l'air de voter des avancées démocratiques tout en contrôlant de près le pouvoir que l'on concède. La saisine du Conseil constitutionnel a ainsi été réservée jusqu'en 1974 aux plus hautes autorités de l'État. On l'a alors ouverte aux parlementaires, pourvu qu'ils fussent dans l'une ou l'autre chambre, au nombre de 60. Et il aura fallu attendre encore vingt ans pour qu'elle soit ouverte aux citoyens. Même processus pour le Médiateur de la république, que l'on a créé sur le modèle de l'Ombudsman des grandes démocraties du Nord, mais en en limitant aussitôt la saisine au Parlement, pour écarter le citoyen. Même chose pour d'autres institutions encore. Comme si l'on avait toujours peur d'aller vers une vraie démocratie.

Ici, on nous dit qu'enfin le Parlement pourra s'opposer à une nomination : ce n'est pas vrai. Le seul avantage de cette procédure, c'est qu'elle donnera quelque publicité à ces questions -et encore ne le croirais-je, puisque je n'ai rien vu venir dans notre Règlement, que si le président Hyest m'assure que la publicité est la règle. Car il ne faudrait pas en rester à des auditions menées dans la confidentialité de l'entre soi, l'avis seul étant rendu public... La publicité doit être la même qu'au CSA, les positions et leurs critiques étant ainsi portées devant l'opinion publique. C'est une nécessité au regard d'un texte qui revêt infiniment moins de portée que celle qu'une rhétorique flamboyante s'est accordée à lui reconnaître... (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous ne nions pas que le contrôle du Parlement soit une avancée, mais nous disons qu'en donnant l'illusion d'un contrôle effectif, on crée le trouble. M. Badinter l'a montré, dès lors que le fait majoritaire s'impose dans notre régime, un vote négatif des trois cinquièmes est impossible.

Dès lors qu'il y a tromperie, à la limite, ce n'est plus une avancée. Nous confirmons donc sur ce projet le vote que nous avions émis contre le cinquième alinéa l'article 13 de la Constitution.

Le projet de loi est adopté.

Représentation devant les cours d'appel

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de la représentation devant les cours d'appel.

Discussion générale

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - Le projet vise à simplifier la représentation des parties devant les cours d'appel ; il unifie les professions d'avocat et d'avoué à compter du 1er janvier 2011. L'Assemblée nationale l'a adopté le 6 octobre au terme de débats riches, denses et constructifs. Votre commission y a apporté de nouvelles modifications, des améliorations aussi, et je salue la qualité du travail de son rapporteur. Grâce aux parlementaires, le texte est plus clair, plus lisible et, sans doute, plus cohérent. Nous nous en félicitons avec ceux qui aiment que le droit soit bien écrit.

La réforme de la représentation devant les cours d'appel s'inscrit dans une ample stratégie de modernisation de la législation. Les règles actuelles sont à la fois complexes, coûteuses et mal comprises de nos concitoyens. Se pose en outre un problème de compatibilité avec le droit communautaire. L'unification étant déjà réalisée en première instance depuis 1971, il était d'autant plus logique, après quarante ans, de compléter cette réforme qu'avoués et avocats possèdent les mêmes diplômes et offrent une qualité de conseil identique. Bien entendu, il faut éviter les petites réformes et conduire une modernisation globale de la procédure en prévoyant un accompagnement adapté.

La préoccupation de modernisation et de simplification globale s'exprime en premier lieu par un recentrage sur les avocats, qui deviendront les uniques interlocuteurs en appel. Les offices d'avoués seront supprimés ; automatiquement inscrits au tableau de l'ordre du tribunal de grande instance, les avoués pourront demander leur inscription à n'importe quel autre barreau. En deuxième lieu, la modernisation entraîne une diminution des coûts pour les justiciables, surtout à moyen et long terme. Le tarif de postulation en appel sera en effet supprimé et les justiciables n'auront plus qu'à régler les honoraires d'avocat...

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois.  - ...qui doubleront...

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Une taxe destinée à l'indemnisation des avoués sera à la charge du perdant, au titre des dépens.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - C'est très bien.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Il s'agit en troisième lieu de développer les nouvelles technologies, la dématérialisation permettant une plus grande efficacité de la procédure et une rationalisation. Les avocats ne seront plus obligés de se déplacer pour les actes de procédure ; aux termes du décret du 9 décembre, la procédure doit être introduite par voie électronique. La dématérialisation, applicable aux déclarations d'appel à compter du 1er janvier 2011, sera progressivement étendue. Pour éviter toute difficulté, un groupe de travail réunit mensuellement le Conseil national des barreaux et la Chancellerie ; comme le sait votre rapporteur, deux expérimentations sont en cours à Versailles et Douai ; toutes les cours d'appel connaîtront la dématérialisation avant la fin 2010. Afin de favoriser le dialogue entre chefs de cour et avocats, le projet prévoit qu'un avocat, désigné par les bâtonniers du ressort, traitera des questions relatives à la communication électronique.

Malgré le précédent de 1971, il s'agit d'une réforme d'ampleur. Dès lors, elle peut emporter des conséquences, notamment pour les avoués et leurs salariés. Dès l'été dernier, je me suis attachée à limiter les effets négatifs. Les mesures d'accompagnement tendent d'abord à favoriser l'activité sur la base d'un libre choix. S'agissant des passerelles vers d'autres professions, l'accès à celle d'avocat est automatique pour les avoués et assoupli pour leurs collaborateurs juristes. L'accès aux métiers d'officiers ministériels sera facilité. L'ensemble de ces passerelles sera mis en oeuvre dès 2010, les décrets nécessaires paraissant dès la loi promulguée. Sous réserve des modifications que vous pourriez apporter au texte, je tiens les avant-projets à votre disposition, c'est de bonne méthode. J'ai aussi obtenu dans le budget 2010 la création de 380 postes dans les services judiciaires. Les salariés d'avoués pourront postuler à ces emplois qui seront de catégorie A, B et C. Un concours adapté, avec une épreuve valorisant l'expérience professionnelle, sera organisé pour les salariés souhaitant devenir greffiers. Pour ceux désirant rejoindre la catégorie C, une épreuve sur dossier et avec entretien sera mise en place dès avril prochain.

Le projet prévoit en second lieu une juste indemnisation.

Ce projet de loi prévoit une juste indemnisation de la fermeture des offices d'avoués. Sur ce point, dès ma nomination comme garde des sceaux, j'ai souhaité améliorer le texte initial qui limitait cette indemnisation à 66 %. Pour les avoués, le préjudice doit être réparé dans un délai raisonnable. J'avais proposé et j'ai obtenu à l'Assemblée nationale que l'indemnité soit portée à 100 % de la valeur de l'office et qu'elle soit directement versée par le fonds d'indemnisation de la profession d'avoué, ce qui garantit une indemnisation adaptée, rapide et uniforme.

D'autres mesures sont prévues pour adapter l'indemnisation aux situations concrètes. Comme il s'agit d'un public restreint, contrairement à ce qu'il en était en 1971, nous pouvons individualiser les mesures.

Pour les avoués qui ont acquis récemment leur office, l'indemnité sera portée à un montant égal à la somme de l'apport personnel et du capital restant dû au titre de l'emprunt contracté pour l'acquisition. L'indemnisation interviendra dans un délai raisonnable. Dès le début 2010, les avoués pourront bénéficier d'un acompte sur l'indemnisation qui leur sera due, qui s'élèvera à 50 % du dernier chiffre d'affaires connu. Les avoués endettés pourront obtenir le remboursement du capital restant et la prise en charge des éventuelles pénalités de remboursement anticipé. A compter du remboursement, ils pourront bénéficier des revenus tirés de l'office sans avoir à supporter de remboursement d'emprunt. Les avoués qui partiront à la retraite dans le cadre de la réforme bénéficieront des mêmes avantages fiscaux que ceux qui cédaient leurs offices pour partir en retraite.

Une attention particulière est apportée aux salariés. S'ils suivent leur employeur dans sa nouvelle profession d'avocat, ils conserveront les avantages qu'ils auront acquis en application de la convention collective. Mais le nombre de postes ouverts sera évidemment inférieur au nombre de salariés employés par les anciens avoués. Pour ceux qui perdront leur emploi, un accompagnement personnalisé sera mis en place dans chaque cour d'appel. Sous l'égide du ministère de l'emploi, une convention tripartite réunira l'État, la Chambre nationale des avoués et les représentants des salariés. Elle prévoira des aides à la mobilité, des allocations compensant les pertes de revenus, des formations, un suivi personnalisé par un prestataire privé. La convention sera signée dès la promulgation de la loi. Le comité technique préparatoire a déjà été réuni à plusieurs reprises et il le sera à nouveau le 14 janvier. En outre, l'ancienneté des salariés d'avoués sera mieux prise en compte. J'avais souhaité renforcer le texte initial sur ce point lors du débat à l'Assemblée nationale. Votre commission améliore encore le dispositif en retenant le principe d'un mois d'indemnisation par année d'exercice. Nous en discuterons. Ces indemnités, non soumises à l'impôt sur le revenu, n'entraîneront pas de différé dans le versement des indemnités de chômage.

L'aménagement d'une période transitoire a été préféré à la fusion immédiate des professions, pour préparer la reconversion des avoués et répondre aux conséquences sociales des fermetures d'offices. Certains avocats voudraient s'y opposer, craignant des distorsions de concurrence. Mais une transition, qui ne doit pas être infinie ni même excessive, est nécessaire. Il ne s'agit ni de créer des distorsions dans la concurrence entre avoués et avocats ni, pour les salariés d'avoués, de faire durer une situation d'incertitude. On m'a parlé de trois ou cinq années. Le projet de loi prévoit une fusion à compter de janvier 2011, date qui me paraît raisonnable. D'ici là, les avoués qui le souhaitent pourront aussi exercer la profession d'avocat et seront inscrits de plein droit au barreau de leur choix.

Ce dispositif s'inscrit dans notre ambition générale de simplifier et de moderniser notre justice, tout en prenant en compte de légitimes intérêts catégoriels. Il était en outre indispensable de s'adapter au droit européen. Avec cette fusion, le Gouvernement vous propose d'aller jusqu'au bout de la réforme entamée en 1971 et de franchir une étape supplémentaire vers une justice en phase avec les attentes de nos concitoyens et avec les exigences du XXIe siècle. (Applaudissements à droite)

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois.  - Je ne suis pas en parfaite harmonie avec la ministre, j'ai avec elle d'importantes divergences. Cependant, sur un point, je la félicite : comme il n'y a pas là de procédure accélérée, la navette améliorera un texte au départ inacceptable.

Je ne suis pas d'accord, madame la garde des sceaux, avec votre interprétation de la directive Services. La justice n'est pas un service comme les autres et nous aurions pu maintenir les avoués tout en respectant cette directive, comme c'est le cas en Alsace-Moselle où des avoués sont spécialisés auprès des cours d'appel. Mais pour le rapport Attali sur la croissance comme pour la commission Darois, la cause était entendue et les dispositions envisagées n'étaient plus discutables. D'où ce projet de loi qui supprime l'intervention des avoués dans les cours d'appel alors, que, à mon avis, il n'y a là aucune continuité avec la réforme de 1971.

Vous nous dites que la procédure sera plus simple et moins coûteuse. J'en doute. Le recours à l'avoué coûtait environ 900 euros. Cela coûtera autant, sinon plus, car l'avocat se fera payer doublement : pour sa plaidoirie et pour le recours en appel ; sans parler de la fameuse taxe de 330 euros. De plus, les avocats compenseront le travail qu'ils font dans le cadre de l'aide juridictionnelle en augmentant les honoraires de leurs clients solvables.

Je ne suis pas non plus sûr que la procédure soit plus simple, notamment avec la dématérialisation. Les 48 000 avocats ne sont pas en mesure d'informatiser leurs procédures et je plains les bâtonniers qui crouleront sous les recours des justiciables pour vice de forme. Les logiciels ne sont pas prêts et les avocats ne sont pas encore équipés. Sur ce point, l'étude d'impact a été bien insuffisante.

M. Robert Badinter.  - Très juste !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Y avait-il d'autres solutions ? En tout cas, la commission a décidé de suivre le Gouvernement.

Quelques remarques tout de même.

La loi de finances rectificative a prévu toute une série d'éléments qui concernent le texte dont nous commençons l'examen. La loi de finances initiale a même prévu les emplois ! Cela ne peut que poser des problèmes aux personnes concernées.

Je suis très insatisfait d'apprendre qu'un membre du cabinet a déclaré aux avoués venus le rencontrer que le travail de la commission des lois du Sénat n'était pas acceptable. Le législateur, c'est le Parlement, pas les membres des cabinets ministériels ! (Applaudissements sur la plupart des bancs)

J'avais préparé un amendement que j'ai finalement retiré mais je veux tout de même évoquer l'anomalie dont il s'agit : on supprime la postulation devant les cours d'appel mais pas devant les tribunaux d'instance ! L'avocat havrais ne pourra agir devant la cour de Rouen qu'en passant par un confrère rouennais alors que lui-même est avocat d'appel !

On a fait la comparaison avec la suppression des monopoles des commissaires-priseurs et des courtiers maritimes. Les commissaires-priseurs ont été indemnisés à 50 % et leurs salariés ont eu droit à un mois pour un an. Mais ils subsistent, même s'ils sont désormais soumis à la concurrence. Même chose pour les courtiers maritimes. On peut invoquer la jurisprudence du Conseil constitutionnel substituant au principe patrimonial celui de la rupture d'égalité. Dans le cas des avoués, l'argument ne tient pas, c'est d'un bien patrimonial qu'il s'agit.

Quand s'appliquera cette réforme ? Le projet de loi n'étant pas soumis à procédure accélérée, il y aura deux ou trois lectures. Nos divergences sont grandes, cela prendra du temps, dans un agenda parlementaire très chargé. La deuxième lecture ne pourra se faire dans un avenir proche, sans doute pas avant le printemps. Une adoption avant juin n'est rien moins qu'assurée, et elle serait nécessaire pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2011.

Notre désaccord touche essentiellement à l'indemnisation, et d'abord celle des 1 650 salariés dont la moitié va se retrouver sur le carreau. Un amendement de Mme Des Esgaulx prévoyant un mois pour un an a été adopté par notre commission. Le Gouvernement voudrait en limiter l'application à trente ans ; pourquoi pas ? Certains de ces salariés disposent des titres suffisants pour pouvoir entrer dans des professions juridiques ; ils sont 170. Le ministère compte en recruter 380 autres. Enfin, 350 vont devenir secrétaires d'avoués devenus avocats. Il faut les indemniser correctement. Il faut aussi une indemnisation de reconversion pour ceux qui exerceront un autre métier, moins bien rémunéré. Ce n'est pas parce que le nombre de personnes concernées n'est pas considérable qu'elles ne doivent pas être indemnisées intégralement. (Marques d'approbation au centre et à droite)

L'Assemblée nationale a reconnu la spécialité des avocats en procédure d'appel. Elle a, grâce à vous, madame la ministre, décidé une indemnisation à 100 %, mais de quoi ? Des charges, pas des préjudices ! Nous souhaitons que ce soit le juge des expropriations qui tranche. Nous souhaitons aussi l'exonération fiscale des plus-values. Nous nous sommes aussi préoccupés du sort des salariés. Cela fait beaucoup ? Nous sommes en début de discussion et on ne peut pas admettre le caractère très partiel des indemnisations proposées par le projet de loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Cette réforme nous est présentée comme concernant un cas bien particulier qui appelle des réponses pratiques et circonstanciées. Les lacunes et incohérences mises en évidence par les députés et par notre commission des lois montrent qu'en réalité, ce projet de loi n'a rien d'objectif : il est au service d'intérêts politiques qui n'ont rien à voir avec ceux des avoués, de leurs salariés et du justiciable. Ce texte sans rationalité ni pragmatisme a été rédigé à la hâte et dans une pleine méconnaissance de la profession visée.

Le cabinet de la garde des sceaux écrit que cette réforme a pour but de rendre plus simple et moins chère notre justice devant les cours d'appel. Nous récusons cette affirmation : si le justiciable n'aura plus à faire recours auprès de deux professionnels, il devra payer une taxe de 330 euros à laquelle s'ajoutera une somme forfaitaire exigée au titre de la simple postulation devant les cours et estimée par les barreaux à 800 euros, avec une majoration de 20 % pour chaque événement de la procédure nécessitant des diligences supplémentaires. En somme, faire appel ne sera ni plus simple, ni moins coûteux.

Le tarif des avoués, qui était fixé par le Gouvernement, sera totalement dérégulé. Ce seront donc les justiciables les plus fragiles économiquement qui en pâtiront le plus. Plus choquant encore, il nous est dit que la garde des sceaux a obtenu 380 postes dans les services judicaires auxquels pourront postuler les salariés d'avoués. Il n'est pas dit que cela ne représentera que 19 postes de catégorie A contractuels et 139 de catégorie B. Autant dire que 222 emplois seraient de catégorie C : plus des deux tiers des postes seraient des emplois sous-qualifiés et faiblement rémunérés. Et il n'est question que de 380 postes pour 1 852 salariés.

Selon la caisse de retraite du personnel des avocats et des avoués (Crepa), sur 1 852 salariés 1 687 seraient des personnels administratifs, dont 90 % de femmes, souvent seules avec des enfants à charge. Leur âge moyen est de 42 ans et 24 % ont plus de 50 ans. Pour cette catégorie salariale moins diplômée et spécialisée dans des tâches juridiques spécifiques, la reconversion professionnelle sera extrêmement difficile. Le Gouvernement aurait dû compenser ces suppressions de postes par un solide programme de reconversion professionnelle. Il n'en est rien.

Les exonérations fiscales accordées aux cabinets d'avocats permettront au mieux à ces derniers de recruter d'anciens salariés d'avoués à moindres frais, mais tous ne pourront se reconvertir ainsi. Le marché est saturé et des tribunaux sont supprimés par la réforme de la carte judiciaire. En outre, la composition salariale d'une étude d'avoués diffère de celle d'un cabinet d'avocats. Le ratio de salariés par avoué s'élève à 4,95 contre 0,8 pour un avocat.

Le devenir des avoués a été examiné avec une attention bien plus grande puisqu'ils pourront exercer les professions d'avocat, de notaire, de commissaire-priseur judiciaire, de greffier au tribunal de commerce, d'huissier de justice, d'administrateur et de mandataire judiciaire. La suppression de leur droit de présentation sera indemnisée. Le projet de loi initial prévoyait un taux de 66 % de la valeur de leur office, porté par un amendement gouvernemental à 92 %, puis à 100 % pour les jeunes avoués. Le compte n'y est pas, mais nous regrettons que leurs employés n'aient pas été traités avec la même considération. Les dispositifs assurant une réelle réinsertion professionnelle, et non un vague plan de reclassement qui mènera ces salariés de stages en emplois précaires, restent cruellement absents.

Pourquoi une telle réforme, qui ne fait qu'empirer la situation des justiciables et des personnels de justice ? Le Gouvernement s'abrite derrière la directive Services du 12 décembre 2006, mais des spécialistes du droit communautaire ont démontré que les avoués n'entraient pas dans son champ d'application. Une conception utilitariste de l'Europe permet de rendre cette dernière responsable d'une réforme impopulaire. En réalité, la suppression des avoués est une vieille revendication des gros cabinets d'avocats d'affaires parisiens. Sur le reste du territoire, cette réforme compliquera l'action des tribunaux et engorgera encore davantage les services des greffes.

Ce projet de loi s'inscrit dans une politique qui vise à insuffler le management dans le service public de la justice, comme le préconisait déjà le libéral Institut Montaigne en 2004. Les grands principes et l'architecture d'une justice libre et indépendante sont remis en cause. Toutes les fonctions de la justice sont touchées : les juges de l'application des peines sont stigmatisés à la moindre occasion tandis que les lois de circonstances s'amoncellent ; les juges des enfants font l'objet d'une suspicion permanente alors que leurs possibilités d'intervention se réduisent et que les moyens pour l'accompagnement des mineurs délinquants baissent ; les magistrats du parquet, de plus en plus encadrés et dont les nominations sont de plus en plus partisanes, s'inquiètent de leur avenir ; les juges civils et pénaux doivent gérer des flux ; un énième projet de réforme prévoit la mort du juge d'instruction... Quant au budget de la justice judiciaire, il stagne, et Ies effectifs sont réduits au point d'hypothéquer le fonctionnement normal de l'institution.

Cette réforme prend tout son sens dans ce contexte. Plutôt que d'augmenter les moyens de la justice, le Gouvernement cherche à diminuer les droits du justiciable. La nouvelle procédure d'appel ira encore davantage dans le sens d'une justice à deux vitesses. Les amendements que nous avions déposés pour améliorer la compensation et augmenter l'aide juridictionnelle n'ont pas résisté au couperet de l'article 40. C'est une raison supplémentaire pour refuser cette réforme entachée d'inconstitutionnalité. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

M. Yves Détraigne.  - Méfions-nous des idées si simples et évidentes qu'on se demande pourquoi on ne les a pas eues plus tôt : ce sont souvent de fausses bonnes idées. Ainsi en va-t-il de la suppression de la profession d'avoués devant les cours d'appel. Cette proposition du rapport Attali pouvait séduire ceux, dont j'étais, qui ne connaissaient pas leur rôle. Pourquoi les avocats ne pouvaient-ils se charger eux-mêmes d'une procédure assurée par une profession qui compte cent fois moins de membres ? Le remplacement des avoués par les avocats n'est pas aussi simple qu'il y paraît : je m'en suis aperçu en rencontrant des représentants de cette profession, en écoutant les chefs de cour d'appel et les avocats de ma région.

Sur le fond, les avoués ont-ils démérité et leurs études sont-elles dans une si mauvaise situation ? Non. Le monopole des avoués alourdit-il et renchérit-il à ce point la procédure ? Le rapporteur lui-même n'en est pas convaincu. Les avoués, comme les conseillers généraux par exemple, sont emportés par la vague de réformes et de simplification voulue par le Président de la République. La simplification des procédures d'appel avait déjà été envisagée, mais les premiers présidents des cours d'appel avaient considéré que l'intervention des avoués constituait un gage de sécurité pour la procédure civile.

Aujourd'hui, de nombreuses questions se posent. Les avocats pourront-ils assurer la postulation devant la cour d'appel dès le 1er janvier 2011 ? Les 440 avoués disposaient d'un système de communication électronique qui a nécessité quatre années de préparation ; dans un an, les 50 000 avocats de France pourront-ils tous introduire leurs instances avec une application informatique expérimentale ? La disparition de l'avoué va-t-elle réduire le coût de la procédure ? Il serait surprenant que les avocats ne revoient pas à la hausse leurs honoraires, auxquels s'ajoutera le droit de postulation de 330 euros. L'intervention de l'avoué coûtait 900 euros en moyenne et ce prix était réglementé.

Les avoués vont-ils tous s'installer comme avocats ? A priori non. Si Mme le garde des sceaux nous indique que la fusion sera d'autant plus aisée que les avoués ont les mêmes diplômes et qualifications que les avocats, un avoué n'est pas un avocat qui n'aurait pas réussi ! (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, approuve) L'avoué a choisi cette profession, qu'il a préférée à celle d'avocat. En outre, cette profession ne les attend pas : beaucoup d'avocats commis d'office sont rémunérés au tarif de l'aide juridictionnelle. Et les avoués n'ont aucune chance d'acquérir une clientèle propre d'ici le 1er janvier 2011 puisqu'ils vont concurrencer leurs pourvoyeurs d'affaires.

Que va-t-il advenir des 1 450 salariés qui perdront leur emploi ? Certes, 380 postes leur ont été réservés dans le budget du ministère de la justice, quelques-uns ont d'ores et déjà quitté la profession, d'autres vont partir en retraite, mais pour la grande majorité d'entre eux il ne s'agit pas d'un licenciement économique ou pour faute, mais d'un licenciement consécutif à une décision politique ! Dans la situation économique actuelle, le moment paraît fort mal choisi. Même si l'avoué devient avocat, il sera obligé de licencier car il n'aura pas besoin du même nombre de salariés qu'un avoué.

Les avoués recevront-ils une indemnisation juste et équitable ? Non ! Si l'Assemblée nationale a amélioré celle-ci, il s'agit en fait du simple rachat de l'étude qui ne dédommage pas les préjudices subis. Heureusement, notre commission des lois a bien travaillé. Le groupe centriste soutient les propositions du rapporteur. S'il y a une utilité publique à supprimer, comme en 1971, un échelon dans la procédure d'appel, les conditions dans lesquelles se fait cette réforme ne sont pas correctes. J'ai été frappé par la dignité des avoués que j'ai rencontrés. L'un d'eux m'a dit que leur profession était morte d'invisibilité. Les avoués, jusqu'à présent, faisaient leur métier, ne demandaient rien à personne, ne faisaient pas parler d'eux... Peut-être auraient-ils dû ?

Les avoués ont très mal vécu la publication du rapport de Jacques Attali. Leur proposition de faire évoluer leur métier n'a été ni entendue ni écoutée. Le texte de la commission des lois améliore les conditions d'indemnisation. Je proposerai toutefois quelques amendements de précision et un amendement prolongeant d'une année supplémentaire la période transitoire.

Ainsi, les avoués, leur personnel, la justice et les justiciables n'auront pas à déplorer les conditions de mise en oeuvre de cette décision politique... (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs à droite)

M. Alain Anziani.  - En écoutant le doyen Gélard, j'ai failli renoncer à prendre la parole, tant il a expliqué avec force et pertinence que cette réforme n'était motivée ni par le droit européen ni par la volonté de simplifier la procédure, tant il a critiqué avec vigueur les modalités d'application inscrites dans le texte originel. Nous sommes donc d'accord sur -presque- tous les points, puisque notre rapporteur conclut à l'adoption du projet de loi.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Amendé !

M. Alain Anziani.  - La commission des lois a beaucoup travaillé, mais sans enthousiasme, comme pour honorer une commande de la Chancellerie. Même certains commissaires membres de la majorité sénatoriale estiment qu'il existe d'autres urgences.

Qui a demandé cette réforme ? Probablement certains avocats, peut-être quelques magistrats, mais je ne crois pas que les justiciables la souhaitent, car ils ignorent la dualité de représentation devant la cour d'appel.

En réalité, cette réforme idéologique trouve son origine dans les idées d'un homme qui a parfois -mais pas toujours- des traits de génie. J'ai nommé Jacques Attali, dont la commission a publié un rapport proposant de renoncer à toutes les spécificités françaises pour niveler notre pays selon le modèle américain. Les suggestions du rapport n'ont pas toutes connu le même succès que la réorganisation des collectivités territoriales... Pour ce qui nous intéresse aujourd'hui, la commission Darois a estimé que la fusion-absorption des avoués et des avocats n'était pas discutable dans son principe.

La modernisation de la justice passe-t-elle par la mort des avoués ? Je ne pense pas qu'il faille les enterrer vivants avec leur personnel.

Que vont donc devenir les 434 avoués ? Ils devront affronter la concurrence de 50 000 avocats ! Tout le reste n'est qu'une fable car les avocats ne vont pas recruter un grand nombre d'anciens avoués, ne serait-ce que parce qu'ils connaissent déjà quelque peu la procédure. De même, il faudra beaucoup de temps à un ancien avoué pour se constituer une clientèle s'il veut devenir avocat.

J'en viens donc à leur indemnisation. Je vous remercie à ce propos, madame la ministre, car votre prédécesseur n'avait envisagé qu'une spoliation : rien ne justifiait qu'elle soit limité à 66 %. Pourquoi pas 50 % ou 80 % ? Il est bon d'être arrivé à 100 %. Je me demande toutefois si la France ne risque pas ici une condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme, dont l'arrêt Lallement de 2002, confirmé en 2003, exige, comme l'a relevé le rapporteur, que la perte de l'outil de travail fasse l'objet d'une indemnisation spécifique fondée sur la perte de revenus. La commission des lois a fait une bonne proposition, dont je regrette que le Gouvernement ne la soutienne pas, car il est naturel de confier l'indemnisation au juge de l'expropriation. Qui va payer l'indemnisation ? Le justiciable, donc le contribuable.

Quant aux 1 650 salariés des études d'avoués, ils seront licenciés. On connaissait jusqu'ici le licenciement pour faute ou pour cause économique ; l'innovation du licenciement du fait de la loi impose à l'État une responsabilité particulière. Avec un âge moyen de 43 ans, ce personnel en majorité féminin dont 55 % n'a pas dépassé le niveau du bac et qui, pour la moitié, n'a jamais exercé d'autre profession rencontrera beaucoup de difficultés en arrivant sur le marché du travail. Ne racontons pas de fable : l'embauche par des cabinets d'avocats restera marginale, car chaque avoué emploie en moyenne cinq fois plus de personnes qu'un avocat.

Le groupe socialiste a déposé à ce propos deux amendements acceptés par la commission, ce dont je la remercie. Ainsi, les salariés recrutés par un cabinet d'avocats resteront soumis à leur convention collective et cotiseront à la caisse de retraite du personnel des avocats.

L'État dit vouloir faire un geste en facilitant l'intégration dans les greffes : 380 postes leur seront réservés. C'est bien, mais insuffisant ! D'autant plus qu'il s'agit pour l'essentiel de postes en catégorie C, donc largement inadaptés à la situation.

En clair, la moitié des salariés n'auront aucune perspective d'emploi.

Grâce à la commission, les salariés licenciés percevront une indemnité égale à un mois de rémunération par année d'ancienneté. L'article 40 nous interdit de renchérir, mais le Gouvernement pourrait mettre en place une préretraite pour les personnes âgées de plus de 50 ans.

Voyons maintenant l'incidence de la réforme sur le coût de la procédure. Les émoluments des avoués atteignent 980 euros par affaire selon la Chancellerie, 500 à 600 selon la Chambre nationale des avoués. Pour l'avenir, le Conseil national des barreaux propose un forfait de 800 euros, majoré de 20 % par incident de procédure. Mais ce n'est pas tout, car il faudra financer aussi le fonds d'indemnisation des avoués et de leur personnel, si bien que les justiciables payeront une taxe fixée à 330 euros par l'article 28 de la loi de finances rectificative pour 2009. Cette disposition est d'ailleurs étrange, puisqu'elle a été introduite avant que nous n'ayons examiné la fusion des avoués et des avocats.

Comme l'écrit le rapporteur avec sa finesse habituelle, qui est oralement plus abrupt : « il n'est pas certain que le justiciable ait à supporter des dépenses plus faibles » ... Oui, la réforme va lui coûter plus cher, au moins 150 euros de plus pendant au moins dix ans ; c'est absurde.

L'étude d'impact relève que le taux d'appel devrait augmenter de 15 % ; c'est donc que le travail des greffes va s'alourdir. Qu'avez-vous prévu pour les aider à absorber 20 000 affaires supplémentaires par an ? Quant à la dématérialisation de la procédure, j'y suis favorable pourvu qu'elle soit menée avec efficacité. Je ne suis pas certain que les matériels et logiciels des greffes et des cabinets d'avocats seront compatibles à la date voulue ; qu'avez-vous prévu pour y faire face ?

La date d'application, enfin, n'est pas réaliste. Période de transition ou non ? Je suis pour qu'il n'y en ait pas, comme certaines organisations de salariés ; il faut éviter la confusion. Les uns, dans un réflexe de survie, essayeront d'obtenir des clients sous leur double casquette ; les autres, les cabinets d'avocat, par instinct de conservation, vont multiplier les échanges avec ceux qui les rejoindront... Si l'on ne veut pas de désordre, il y a plus simple encore : ne pas voter cette loi. (Applaudissements à gauche ; M. Jacques Mézard applaudit aussi)

M. Jacques Mézard.  - En cette semaine de Noël, nous ne célébrons pas un avènement, mais le décès de la profession d'avoué. Le choix de cette fin d'année est-il innocent ? Veut-on enterrer les avoués comme on enterrait les comédiens sous l'Ancien régime ? Faut-il, après le texte sur le travail dominical fin juillet, s'inquiéter des lois de fin de session ? Prenons garde à ce que la proximité des vacances ne rime pas avec la vacance de la démocratie. (M. Jean-Pierre Sueur approuve)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - C'est excessif !

M. Jacques Mézard.  - Je m'efforce à la mesure, mais je note que les semaines d'initiative parlementaire ont bon dos...

Vous avez hérité de ce texte, madame la garde des sceaux. Devant toute succession, le choix est entre l'acceptation, l'acceptation sous bénéfice d'inventaire et la renonciation. (On apprécie)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Je ne renonce jamais !

M. Jacques Mézard.  - La troisième solution avait notre préférence, au moins avez-vous choisi la deuxième, ce qui est un progrès tant le texte initial était provocateur, porteur d'excès, méprisant à l'égard de toute une profession, méprisant à l'égard des 1 850 salariés employés dans des entreprises en bonne santé et privés d'emplois en pleine crise par le fait du prince. Vous avez su faire preuve d'humanité pour améliorer un texte à l'origine inacceptable.

Ayant travaillé 37 ans avec les avoués, je peux témoigner de l'utilité de leur collaboration. Méritent-ils un tel opprobre ? D'être considérés comme une profession coûteuse, inefficace pour le justiciable et inutile pour le service de la justice ? Méritent-ils de ne plus être défendus par la majorité de leurs partenaires de toujours, qui guettent leurs dépouilles ? Et l'indifférence des magistrats dont ils ont été des siècles durant les auxiliaires ? S'il faut une voix, après d'autres, pour répondre non à ces questions, ce sera la mienne. La plupart d'entre eux ont acquis leur charge par leur travail, ils ont été d'utiles conseillers et ont rendu les procédures plus sûres et moins nombreuses. Tout n'était certes pas parfait, mais pourquoi cette précipitation ? Et dans quel but ?

L'accélération de la procédure ? Des économies pour l'État, qui y perdra des recettes fiscales ? Pour le justiciable, ce qui est très discutable ? Ou est-ce une friandise pour le Conseil national des barreaux ? S'agit-il de l'application de la « décision 213 » du rapport Attali, seize lignes péremptoires approximativement motivées ? Une graine de ce rapport aurait-elle germé sur le terreau des défunts avoués ? J'attends avec impatience la concrétisation des autres propositions Attali, l'ouverture des professions réglementées, la suppression du numerus clausus ou la suppression des greffes des tribunaux de commerce, sans parler de ce qui concerne les coiffeurs et les taxis...

Droit et justice doivent évoluer pour s'adapter à la marche de la société, ce qui impose autre chose qu'un salmigondis de lois médiatiques ou l'introduction asynchrone de morceaux de rapports divers, autre chose qu'une accumulation de lois sécuritaires, que la création de juges de proximité accompagnée de la disparition rapide de tribunaux au mépris de la proximité, que la création de pôles d'instruction aussitôt gelée par amendement gouvernemental... Sans compter les lois de simplification et de clarification, voitures-balais de la prolifération législative dont le dossier de la scientologie a montré les failles dans le balayage, lequel sera, n'en doutons pas, amélioré par le travail d'un cabinet conseil à la compétence coûteuse...

Pourquoi, donc, cette suppression brutale des avoués ? Brutale, dis-je, puisqu'on a cette année cyniquement délivré des diplômes à de jeunes avoués. L'accélération de la procédure ? Non, il y aura 15 % d'appels en plus que ne pourront absorber ni les magistrats ni les personnels des cours d'appel. La transposition d'une directive du Parlement européen ? Motif fallacieux, car ce texte demandait une réforme, non une suppression, ce que vous avez d'ailleurs reconnu devant la commission. Une simplification pour le justiciable, qui pourra s'adresser à un professionnel unique ? C'était déjà le cas dans l'immense majorité des dossiers. La réduction du coût de la justice d'appel ? Motif « discutable », note avec sagesse le rapporteur, en raison notamment de la taxe de 330 euros. Surtout, à moins d'imaginer que le travail de l'avoué ne servait à rien, il est original d'envisager que le cumul du travail de deux professions par une seule va réduire sensiblement les coûts. Il est en outre dangereux d'imaginer que c'est la concurrence entre avocats qui s'en chargera : valorise-t-on la qualité en spéculant sur la concurrence entre avocats impécunieux ?

Je me dois d'aborder ici la question fondamentale de l'aide juridictionnelle dans la procédure d'appel, que tous vos prédécesseurs ont occultée. Il s'agit de la défense du justiciable démuni, défense d'autant plus difficile à organiser lorsque le siège de la cour d'appel est à quatre ou cinq heures aller et retour de son domicile ou de celui de son avocat. II existait une indemnité ridicule de 14 unités de valeur pour l'avocat comme pour l'avoué ; allez-vous les réévaluer ? Les cumuler ? Il y va de l'équilibre des petits barreaux et surtout de la possibilité pour le justiciable impécunieux d'avoir un conseil efficace de proximité.

Autre raison invoquée pour l'urgence de la réforme : la concomitance avec la dématérialisation de la procédure d'appel et la mise en oeuvre du rapport Magendie -la transmission par voie électronique à la Cour, à peine d'irrecevabilité d'office, des actes de procédures pour le 1er janvier 2011. Mais Paris n'est pas la France ; le rapporteur souligne avec réalisme qu'il est improbable que les 28 cours et les 40 000 avocats soient prêts à cette date. Les conséquences ne paraissent pas avoir été mesurées d'un rendez-vous raté.

L'évolution de la procédure d'appel est nécessaire mais dans une approche globale incluant la dématérialisation, la fusion, un véritable tarif répétible, donc la postulation -dont la suppression brutale bouleverserait encore davantage l'existence des petits barreaux comme la qualité d'un service du droit en dehors des métropoles régionales.

« Une réforme aux modalités discutées » : ainsi M. Gélard a-t-il intitulé son rapport. Je salue sa remarquable indépendance d'esprit et sa technique juridique au service de l'humain. Nous n'approuvons pas la réforme du Gouvernement ; si elle devait être votée, qu'au moins elle soit assortie des propositions de la commission des lois, qui ne relèvent plus de la spoliation ni du mépris.

En espérant que la navette ne reviendra pas là-dessus. On se demande comment l'État a pu envisager de laisser quelque 1 850 salariés compétents sans indemnités : un mois de salaire par année d'ancienneté, qui leur sera versé directement par le fonds d'indemnisation, c'est indispensable, comme une indemnité de licenciement et une indemnité exceptionnelle de reconversion. Notre commission a également fait preuve de sagacité en se fondant sur la jurisprudence européenne pour confier au juge de l'expropriation le soin de déterminer le montant de l'indemnité des avoués : c'est le seul moyen d'assurer une indemnisation équitable de l'ensemble du préjudice futur et certain, surtout à l'égard des avoués les plus jeunes.

Quant à la période transitoire, nous souhaitons aller encore plus loin que la commission pour laisser plus de temps aux salariés et aux avoués pour s'adapter aux nouvelles conditions qui leur sont faites.

Monsieur le président de la commission, vous avez souligné que la réforme devait être guidée par l'intérêt général et par le souci du justiciable, vous avez dit que la justice ne saurait être un marché. Nous en sommes parfaitement d'accord, en précisant que l'intérêt général passe par l'existence de professionnels compétents, disposant de revenus du travail qui suffisent à leur indépendance financière, qui garantissent leur liberté au service de la défense du droit et du citoyen.

Cette loi ne va pas dans ce sens, et si la majorité veut décider de la mort de la profession d'avoué, faites que ce soit dans la dignité, ce qui n'était pas le cas du texte initial ! (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs du centre)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ce texte de 2008 poursuit une réforme initiée en 1971 et que nous ne saurions retarder davantage. De nombreux rapports ont appelé à modifier le fonctionnement du procès en appel, notamment celui de M. Attali et celui de M. Darrois, tant l'organisation actuelle est source de complexité. Aussi, madame le garde des sceaux, partageons-nous votre ambition d'une meilleure lisibilité et d'une simplification des démarches, mais aussi votre désir de réduire le coût du procès en appel.

Le justiciable pourra être conseillé et représenté par un même professionnel devant les deux degrés de juridiction, la dématérialisation des échanges devant la cour d'appel évitera les déplacements pour de simples actes de procédures : ces mesures vont dans le sens de la modernisation. Le groupe UMP se félicite que ces propositions aient été faites en concertation avec les professions juridiques et que vous-même, madame le garde des sceaux, vous ayez pleinement tenu compte de cette concertation.

Cependant, votre texte nous paraît s'arrêter en chemin pour l'indemnisation des avoués et de leurs salariés. Nous nous félicitons du travail de très grande qualité réalisé par la commission, en particulier par M. Gélard, pour aller plus loin.

Le groupe UMP se prononce pour une période de transition assez courte, car elle représente un temps d'incertitude pour les professionnels concernés et elle est susceptible de fausser la concurrence entre les avoués et les avocats. L'échéance de la publication de la loi, proposée par la commission plutôt que le 1er janvier prochain, va donc dans le bon sens.

Nous souhaitons ensuite que les quelque 2 000 professionnels concernés disposent des meilleures garanties pour saisir de nouvelles opportunités professionnelles. Nous nous réjouissons de la liberté de choix donnée aux 434 avoués entre plusieurs professions juridiques.

L'indemnisation, en revanche, était insuffisante : notre commission propose d'en confier la décision au juge de l'expropriation, c'est intéressant, mais nous sommes également ouverts à vos propositions, madame le garde des sceaux. Nous nous soucions aussi tout particulièrement des jeunes avoués, dont beaucoup ont dû contracter un prêt pour acquérir leur office : l'intervention du juge, là encore, va dans le bon sens.

Nous avons enfin complété les mesures particulières au bénéfice des salariés d'avoués. La commission a retenu l'amendement que j'avais déposé avec M. Couderc pour une indemnité d'un mois de salaire par année d'ancienneté. Elle a également suivi notre rapporteur pour un versement direct par le fonds d'indemnisation. Pour faciliter la reconversion, nous avons encore créé une indemnité de reconversion, ainsi qu'une exonération de charges sociales patronales pour l'emploi de salariés qui étaient employés par des avoués.

Vous avez annoncé la signature d'une convention entre l'État, la Chambre nationale des avoués et les représentants des salariés : cela va dans le bon sens.

Vous avez obtenu 380 postes pour les services judiciaires, auxquels les salariés d'avoués pourront prétendre : quand auront lieu les recrutements ?

Ce texte simplifie la gestion des caisses de retraite, puisque seuls les avoués qui deviendront avocats dépendront de la Caisse nationale des barreaux français pour leurs années d'avocat, les autres continuant à dépendre de la Caisse d'assurance vieillesse des officiers ministériels.

En conclusion, ce texte modernise notre justice et répond à nos obligations européennes. L'accès à la justice sera amélioré, l'indemnisation et la reconversion des avoués seront mieux assurées, tout comme celles de leurs salariés. Le groupe UMP votera pour ! (Applaudissements à droite)

M. Roland du Luart.  - La suppression de la profession d'avoué s'inscrit dans un mouvement continu, depuis plusieurs années, de modernisation de l'institution judiciaire. Certaines de ces réformes ont eu un retentissement très important, par exemple la réforme de la carte judiciaire, quand d'autres sont plus discrètes, ce qui ne signifie pas que leurs conséquences soient moins importantes pour le justiciable et les professionnels de la justice, comme c'est le cas de la réorganisation de la justice en appel.

En tant que rapporteur spécial des crédits de la mission Justice, j'insisterai sur les enjeux économiques et financiers de cette réforme.

Ce texte n'est que le « vaisseau amiral » d'une trilogie législative engagée avec la loi de finances pour 2010 et poursuivie par la loi de finances rectificative pour 2009.

La loi de finances pour 2010 aborde le volet « emploi » de la reforme : 190 emplois équivalents temps plein seront créés, au sein de la mission Justice, en milieu d'année 2010 pour permettre le recrutement de 380 personnes au total. Affectés aux greffes des juridictions, ces emplois se répartissent entre dix-neuf postes de catégorie A, 139 postes de greffiers de catégorie B et 222 postes d'adjoints administratifs de catégorie C. Cet effort est substantiel, mais on peut regretter que les emplois de catégorie A soient des contractuels, dont la pérennité est par définition sujette à caution.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2009 traite du volet financement, décisif, de cette réforme. Le texte discuté par la CMP fait reposer ce financement sur toutes les parties à l'appel, via la création d'un nouveau droit de 150 euros, qui ne pèse pas sur les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle. Selon les estimations de notre commission des finances, la ressource fiscale pourrait ainsi se monter à près de 347 millions.

Le collectif budgétaire anticipe également sur le volet indemnisation des avoués, puisqu'il prévoit déjà, pour ceux partant en retraite du fait de la suppression de la profession, l'exonération des plus-values de cession réalisées pour les offices. C'est équitable.

La passerelle ouverte par le présent projet de loi aux avoués vers la profession d'avocat est appréciable, mais ne règle pas tout. Les avoués n'ont guère de clientèle propre et ils étaient jusqu'à présent très dépendants des avocats, qui jouaient le rôle d'apporteurs d'affaires. Leur reconversion sera nécessairement difficile. Il en sera de même pour leurs salariés, qui ne pourront pas tous retrouver un emploi dans un cabinet d'avocat. On compte 4,3 salariés par avoué, contre seulement 0,8 salarié par avocat : ce seul rapport de 1 à 5 suffit à éclairer les difficultés du reclassement.

La réforme de la représentation en appel va bouleverser la vie professionnelle de près de 2 000 personnes, contraintes de s'adapter, de se former à un nouveau métier et, parfois, d'accepter la mobilité géographique.

Si l'on apprenait, demain, la fermeture d'une entreprise et le licenciement de 2 000 salariés, le choc serait fort, à n'en pas douter (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, le confirme) et l'on prévoirait un plan d'accompagnement soigneusement pensé. Le texte issu des travaux de la commission des finances va dans ce sens, et c'est justice. La tâche sera assurément difficile, mais l'objectif est clair : parvenir à une juste et équitable indemnisation du préjudice subi par les avoués et leurs personnels. Il revient au Sénat d'y veiller et j'ai la conviction que le président et le rapporteur de la commission des lois sont parvenus, avec le concours de ses membres, à un texte équilibré. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

Mme Muguette Dini.  - Le code du travail prévoit deux cas de licenciement : le licenciement pour motif personnel, qui sanctionne un manquement du salarié et le licenciement pour motif économique, dicté par des difficultés économiques, la suppression ou la transformation d'emplois.

Or, les salariés employés dans les études d'avoués seront licenciés sans avoir commis de faute et alors qu'aucune raison économique ne l'impose.

Leurs représentants parlent de « licenciement politique » tandis que le rapporteur, plus euphémistique, emploie les expressions de « licenciement du fait de la loi », de « licenciement pour motif économique survenant en conséquence directe de la loi », ou encore de « licenciement venant en conséquence de la réforme ».

Foin de ces considérations sémantiques : ce sont 1 650 salariés, dont 90 % de femmes, d'une moyenne d'âge de 43 ans, qui se retrouveront en recherche d'emploi, dans un contexte économique plus que défavorable, contraints d'accepter la mobilité géographique et une baisse de revenus. Car les avocats, ployant déjà sous les charges patronales, se montrent peu enclins à embaucher du personnel supplémentaire, dont la qualification et la spécificité ne correspondent pas forcément à leur attente.

Le décompte établi par le rapporteur montre combien la situation s'annonce critique pour une grande moitié de ces salariés, qui n'auront, au moment de leur licenciement, aucune perspective immédiate d'emploi.

Pour l'autre moitié, l'avenir se conjugue au conditionnel : 170 collaborateurs juristes bénéficieraient de passerelles vers d'autres professions ; 350 salariés pourraient accompagner leur ancien employeur devenu avocat ; 380 seraient recrutés par le ministère de la justice et affectés aux greffes des juridictions mais essentiellement dans le cadre d'emplois de catégories B et C.

Comme présidente de la commission des affaires sociales, je me suis montrée attentive aux mesures d'indemnisation et d'accompagnement prévues pour ces 800 salariés assurément licenciés. Elles consistent en des indemnités de licenciement plus élevées que celles prévues dans le cadre du régime légal de licenciement économique, fondées sur un mois de salaire par année d'ancienneté et directement versées par le fonds d'indemnisation créé à cet effet ; une convention de reclassement et d'accompagnement personnalisée ; une indemnité exceptionnelle de reconversion pour ceux des salariés qui trouveraient un nouvel emploi, avant d'être licenciés.

Il se murmure ça et là que ces mesures seraient plus que satisfaisantes : je ne suis pas d'accord. Avec plusieurs de mes collègues de l'Union centriste, j'avais déposé un amendement instaurant une indemnité exceptionnelle de reconversion d'un montant égal à l'indemnité majorée de licenciement. Ces salariés ne sont-ils pas tous contraints de renoncer à leur emploi ? Tous doivent donc bénéficier d'une indemnisation équivalente. Je regrette donc que notre amendement se soit vu opposer l'irrecevabilité au titre de l'article 40 de la Constitution. Ne revient-il pas au législateur de prévoir une juste indemnisation des salariés licenciés du fait de cette réforme ?

Quant à la période transitoire préalable à son entrée en vigueur, elle est essentielle. Affirmer que la réduire, c'est humaniser la réforme en ne laissant personne dans l'incertitude n'est pas défendable. Une fois la loi votée, il n'y aura plus d'incertitude. Les avoués devront se reconvertir et les salariés se reclasser. Mais pour cela, il leur faut du temps et le groupe de l'Union centriste estime qu'une période de deux ans est nécessaire : une nouvelle vie professionnelle, ainsi à marche forcée, ne se prépare pas en à peine huit mois. (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs UMP)

Mme Virginie Klès.  - J'avoue avoir été un peu désarçonnée par la charge du rapporteur : il m'a ôté les mots de la bouche. Cette convergence des arguments montre assez, en dépit de l'appréciation contraire du Gouvernement, qu'il y a consensus quant à l'analyse de ce texte. Ce qui ne préjuge hélas rien du vote...

Effet du hasard ou de la répétition, voici à nouveau un texte marqué par l'incohérence de son calendrier : programmation en fin d'année, précipitation dans la mise en oeuvre. J'estime qu'il méritait pourtant le temps d'une réelle et large concertation et que dans le contexte socio-économique et financier particulièrement défavorable que nous connaissons, l'obstination du Gouvernement quant à sa date de prise d'effet est incompréhensible.

Oui, une réforme générale de la postulation et de la représentation devant les cours d'appel est utile et nécessaire, mais elle est inséparable de la question des tribunaux de première instance. Elle ne dispense donc pas de s'interroger sur les incohérences, le coût réel prévisible de la contestable et contestée réforme de la carte judiciaire. Simplifier et moderniser la justice, en rendre l'accès à tous plus facile et moins onéreux : voilà de nobles objectifs mais auxquels il faut des moyens réalistes et adaptés. Malgré l'excellent travail de notre rapporteur, nous sommes encore loin du compte. D'autant que les amendements déposés par le Gouvernement laissent augurer qu'il prépare un mauvais sort au texte de la commission... Mais attendons les débats, et faisons confiance à la sagesse de mes collègues.

Seul le Gouvernement persiste à croire que la réforme peut entrer en vigueur au 1er janvier 2011 sans désorganiser gravement la justice. Provoquer des licenciements dits économiques, aliéner l'outil de travail de plus de 2 000 personnes, financer -mal- la réforme par la création d'une taxe acquittée par les justiciables : tout cela est-il vraiment urgent et indispensable ?

L'étude d'impact proposait d'autres solutions ; les avoués, quand ils ont enfin été reçus à la Chancellerie, aussi : mais trop tard, il était urgent de boucler ce texte.

Où est la simplification attendue ? Mettre fin à la persistance de régimes différents ? Mais nos 28 cours d'appel ont aujourd'hui 440 interlocuteurs, les avoués ; elles auront demain 45 000 interlocuteurs, les avocats, lesquels n'y seront pas préparés : le système de communication électronique mis en place par les avoués, et qui n'est que partiellement utilisé par les avocats, ne sera pas fonctionnel au 1er janvier 2011. On risque l'encombrement des cours d'appel, des irrecevabilités injustes liées à des problèmes de fonctionnement informatique. La justice sera plus simple, dites-vous, avec un seul intervenant dans les cours ? Mais seuls les avocats du ressort pourront accéder aux cours : quid des TGI ? Il aurait fallu prendre le temps de s'intéresser à la postulation devant l'ensemble des juridictions.

Et quel avenir cette réforme annonce-t-elle pour les petits cabinets, éloignés des cours d'appel et que la suppression de ces professionnels de la procédure d'appel, après la disparition des tribunaux d'instance proches de chez eux, va totalement désorganiser ? Le système informatique y remédiera, m'objecterez-vous ? Mais vous n'ignorez pas que les logiciels utilisés par les avocats sont incompatibles avec ceux utilisés par les avoués (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, le confirme) : obligation de se former, d'investir, perte de temps, perte d'argent... voilà la réalité. Seuls les plus gros cabinets, dans lesquels le volume des affaires traitées permet de disposer de compétences spécialisées, pourront suivre : et l'on sait que leurs tarifs sont loin d'être accessibles à tous.

Géographiquement, matériellement, financièrement, la justice s'éloigne de tous... Les professionnels ont l'impression d'être écrasés de multiples réformes, toutes plus destructrices les unes que les autres. Je pense à la réforme de la carte judiciaire, imposée sans tenir compte des difficultés de terrain.

La justice sera-t-elle moins chère ? Nullement parce que le coût de l'appel ne diminuera pas, mais, au, mieux, restera identique : 980 euros pour l'avoué, 1 014 pour l'avocat. Et elle ne sera pas plus rapide puisque les délais vont augmenter du fait de la multiplication des appels et de la désorganisation programmée ou annoncée. En tout cas, la justice sera moins accessible.

Quant au financement de la réforme, sans être une spécialiste des finances, je constate qu'on crée une taxe de 330 euros, qu'il y a 100 000 appels et qu'entre l'augmentation de leur nombre (15 %) et l'aide juridictionnelle qu'il faut défalquer (17 %), elle s'appliquera à environ 100 000 affaires, soit un produit de 250 millions à 260 millions sur huit ans pour un coût annoncé de la réforme de 350 millions plus les frais financiers, plus les pertes de recettes et les charges non compensées : on est loin du compte. Est-ce le moment de rajouter de telles charges à l'État ou aux contribuables ?

Il faudra indemniser les avoués mais de quelle indemnisation parle-t-on ? Si le droit à l'indemnisation de l'office est la conséquence inévitable de sa suppression par la loi, quid de l'indemnisation du préjudice lié à la perte de l'outil de travail ? La Chancellerie opérait volontairement une confusion et l'article 13, amélioré dans sa rédaction par la commission des lois, laisse toutefois le juge de l'expropriation dans l'ignorance des bases du calcul de l'indemnisation.

Une justice plus simple, moins chère, une justice plus juste ? Ce ne sera pas le cas pour les 1 850 salariés des avoués, dont beaucoup de femmes, seules avec des enfants, des charges et peu de diplômes. La commission a consenti un important effort pour les plus jeunes, mais on peut douter qu'ils retrouvent un poste dans la fonction publique judiciaire avec la RGPP. Les 380 postes évoqués seront-ils en CDI ou en CDD et, dans ce cas, pour quelle durée et avec quelles perspectives ? Quelles compensations y aura-t-il aux baisses de salaires ? Elles ne seraient que temporaires et plafonnées alors que les charges pour un logement sont à long terme. Comment la sélection respectera-t-elle le principe d'égal accès à la fonction publique et comment ces emplois seront-ils localisés ? Les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent...

Voilà beaucoup de questions en suspens pour un texte si bien préparé. En revanche, la spécificité de leur emploi voue les 1 470 autres salariés au chômage. La loi place les plus vulnérables dans une situation difficilement compréhensible.

Démantèlement, désorganisation, inaccessibilité d'une justice que le Président de la République, hanté par sa vie professionnelle passée et, peut-être, future, rêve à l'anglo-saxonne, avec des cabinets multi compétents mais loin des préoccupations des justiciables. Il faut des réformes menées en vraie concertation : nous voterons contre ce texte mal abouti et en trompe-l'oeil. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Certains ont parlé de précipitation. Il n'y en a ni vis-à-vis de la justice, ni vis-à-vis des intéressés, ni à l'égard du Sénat. La modernisation de la justice constitue une exigence. Je constate en effet une grande distance entre les citoyens et leur justice. Ils ont le sentiment de ne pas la comprendre et considèrent qu'elle leur est close, extérieure. La modernisation n'a que trop tardé : la justice, qui est une institution essentielle, n'a pas bénéficié d'une adaptation aux évolutions de notre société.

Il n'y pas non plus de précipitation à l'égard des avoués et de leurs salariés. La réforme a été annoncée en juin 2008. Nous voilà dix-huit mois après et certains ont déjà pris des dispositions.

Il n'y a pas non plus de précipitation sur le texte. Le Gouvernement n'a pas réclamé l'urgence ; l'Assemblée nationale s'est prononcée début octobre et nous sommes en décembre. Vous nous dites qu'il est trop tard ? On pourrait en effet dire que le Parlement ne doit plus débattre de textes après le 15 décembre, mais ce ne serait pas raisonnable. Nous nous sommes donc inscrits dans le temps de la réflexion et du progrès, et non dans la précipitation !

Il est indispensable, à l'égard de l'ensemble de nos concitoyens, que les différents éléments du puzzle de la modernisation se mettent en place. Trouverait-on avec plus de temps des solutions plus simples ? Je n'en suis pas sûre à vous entendre car, s'il fallait faire l'unanimité, à partir de quoi le pourrions-nous ? Rien dans les interventions ne dessine une réforme simple et consensuelle. Nous en resterions alors au statu quo dont vous reconnaissez qu'il n'est pas satisfaisant. Les solutions ne sont pas faciles et la conciliation des différents intérêts n'est pas évidente. On l'a vu sur les délais, certains demandant une période transitoire plus longue dont les autres ne veulent pas, comme sur l'indemnisation, que les uns demandent maximale, tandis que les autres souhaitent que la taxe acquittée par les justiciables ne soit pas trop importante.

Face à cela, une certaine humilité est de mise : nous sommes là pour trouver les solutions les plus justes et les plus adaptées. Tel est l'état d'esprit dans lequel il faut aborder le débat, même quand on est décidé à voter contre le texte. Évitons les procès en sorcellerie. Non, il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur les avoués, monsieur Mézard, ni d'enterrer une catégorie de personnes, mais de répondre aux attentes de nos concitoyens. Pour cela, il convient que chacun exprime sa position et argumente afin que la discussion permette d'avancer.

M. Gélard a évoqué des points sur lesquels nous avons déjà discuté. La directive Services ne s'appliquerait pas ? Des dispositions de notre droit sont en tout cas incompatibles, du nombre d'avoués à l'agrément par le ministre de la justice et au remboursement du droit de présentation....

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Je l'ai dit.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Je ne suis pas sûre qu'elles aient de l'importance sur le fond. S'agissant du coût de la procédure, les parties doivent aujourd'hui rémunérer deux professionnels ; il n'y en aura plus qu'un. Certes, il n'y a plus de garantie de baisse du coût car il n'y a plus de tarif. J'ai commencé à en discuter avec les avocats et certaines dispositions peuvent nous permettre d'avancer.

La dématérialisation des cours d'appel ? Mais la dématérialisation est en cours et j'ai récemment signé un texte en la matière. Elle va simplifier la procédure et la rendre plus sûre. Certes, il faut être attentif aux difficultés mais il s'agit de franchir un saut technologique. Je souhaite donc créer un groupe de travail de très haut niveau sur son impact.

Monsieur le rapporteur, vous avez fait une comparaison avec la situation des commissaires-priseurs et des courtiers. Mais le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État ont jugé qu'il n'y avait là aucune atteinte au droit de propriété. Les avoués peuvent continuer...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Non !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Si, ils pourront intégrer une autre profession. Il n'y a là ni privation du droit de propriété, ni rupture de l'égalité devant les charges publiques au regard du Conseil constitutionnel.

Pour les salariés, des mesures de reconversion ciblées prendront en compte chaque situation. Ce n'est pas la première fois, hélas, que je suis amenée à prévoir des reconversions. Dans mes anciennes fonctions, j'avais dû le faire pour Giat-Industrie, et ce pour des effectifs plus importants, et -j'en suis très satisfaite- personne n'a été abandonné au bord du chemin. Je ferai en sorte qu'il en soit de même pour les salariés d'avoués : c'est pour moi une obligation. Outre les 380 emplois créés dans les juridictions, on peut compter sur le maintien de personnels auprès des avocats ou des avoués devenus avocats, ainsi que sur un certain nombre de départs en retraite.

Mme Mathon-Poinat a évoqué le coût de la procédure. La taxe remplacera l'ensemble des frais d'avoué et la prise en charge d'une partie des frais d'avocat. Pour les salariés, il existe une convention de reclassement qui prendra en compte leur ancienneté.

M. Détraigne a évoqué l'utilité d'une réforme annoncée depuis longtemps et qui fera entrer notre justice dans la modernité. Quant à la communication électronique, elle n'est pas en place pour tous les avoués dans toutes les cours d'appel. Sur les compétences : les avoués sont des juristes de bon niveau et, lorsqu'ils seront devenus avocats, ils bénéficieront de leur acquis professionnel, en plus de formations continues. Et je propose une indemnisation à 100 %. (On le conteste au banc des commissions)

Monsieur Anziani, dans la situation actuelle, le justiciable ne comprend pas toujours le rôle des deux professionnels qu'il paie et ne rencontre pas. Et bien avant MM. Attali et Darrois, un rapport remis à Mme Lebranchu avait, en 2001, proposé cette fusion des deux professions. L'indemnisation des jeunes avoués comportera le remboursement du capital, ce qui leur permettra de vivre de leurs revenus sans avoir à rembourser d'emprunt pendant la phase transitoire. Le jugement de la Cour européenne des droits de l'homme auquel vous avez fait allusion traitait de l'expropriation d'un agriculteur, situation tout à fait différente. Un bâtonnier référent est prévu pour régler les difficultés éventuelles liées à la dématérialisation. Les expérimentations en cours nous permettent d'identifier les problèmes et, de plus, des formations sont prévues dans les greffes et les barreaux. Si l'étude d'impact a envisagé l'éventualité d'une augmentation des contentieux, c'est la preuve que, aujourd'hui, le justiciable ne fait pas appel à cause du coût de la procédure.

Monsieur Mézard, j'accepte d'autant mieux ce texte que je l'ai modifié. Pourquoi avoir organisé en 2009 un examen délivrant un diplôme d'avoué ? Cela a été décidé avec la profession afin que les nouveaux diplômés puissent profiter de la passerelle vers la profession d'avocat. Sur l'aide juridictionnelle, j'ai confié une mission à MM. Belaval et Arnaud, qui doit améliorer notre visibilité de cette réforme et dont j'espère le rapport en 2010.

Madame Des Esgaulx, je vous remercie d'avoir rappelé l'utilité de cette réforme. La période transitoire est utile mais ne doit pas être trop longue. Certaines personnes ont varié du tout au tout sur la durée de cette transition, preuve que la bonne solution réside dans un juste équilibre. Pour les anciens avoués existeront des passerelles vers le métier d'avocat et vers celui de magistrat. Leur indemnisation viendra directement du fonds d'indemnisation. Pour les exonérations de charges sociales, il existe déjà un « dispositif Fillon » de droit commun. Les dates de recrutement dans les professions judiciaires paraîtront dès la promulgation de la loi, les chefs de cour étant chargés d'un recensement des postes.

Mon souhait, monsieur du Luart, c'est qu'aucun salarié ne reste sans solution. Nous faisons déjà un geste important en offrant 380 postes, soit 20 % du total des effectifs.

La loi de finances rectificative est intervenue avant l'examen de ce texte ? Moi aussi, cela me gêne mais comment faire autrement ? Il aurait fallu, autrement, attendre la suivante.

La taxe ? Elle est partagée par toutes les parties prenantes à l'appel, pour 150 euros.

Nous avons aussi prévu un volet social important, qui ne se limite pas à l'indemnisation : le projet de loi de finances rectificative comporte ainsi une mesure d'exonération pour les avoués qui partiront à la retraite. .

L'indemnisation, madame Dini, tiendra compte de l'ancienneté ainsi que des spécificités, en particulier du cas des femmes peu diplômées. C'est pour cela que j'ai privilégié les postes de catégories B et C. Pour les plus diplômés, qui peuvent prétendre à des emplois de catégorie A, toutes les passerelles sont possibles.

Sur la période transitoire, nous avons tous hésité mais le projet est connu depuis 2008, les intéressés ont eu le temps de se préparer.

Je vous rappelle, madame Klès, que le recours à l'avoué n'est pas obligatoire devant la chambre sociale ni outre-mer ; on n'y constate pourtant pas de désorganisation de la justice.

La transmission électronique coûtera 60 euros par cabinet et par mois, en première instance et en appel. On compte 125 000 appels par an. Les avocats sont en train de s'équiper de matériel et de logiciels, des expérimentations sont en cours.

Je pense avoir répondu à toutes vos questions ; le cas échéant, nous y reviendrions à l'occasion de l'examen des amendements. J'ai déjà été très longue ; je vous remercie, monsieur le président, pour votre indulgence.

Cette réforme est nécessaire ; je souhaite que nous en débattions dans la sérénité pour rechercher ensemble les meilleures solutions. (Applaudissements sur les bancs UMP)

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°18, présentée par M. Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de la représentation devant les cours d'appel (n° 140, 2009-2010).

M. Robert Badinter.  - Je suis commis d'office. (Sourires) M. Michel est bloqué dans un train très en retard et vous prie de l'excuser. Les moyens de dématérialisation ne sont pas tels que l'on puisse atteindre un voyageur en chemin de fer depuis Belfort, je ne sais donc pas ce que mon collègue aurait dit.

Mais j'ai quelque titre à intervenir, en improvisant, parce que j'éprouve de la reconnaissance pour la profession d'avoué. Je l'ai connue du temps de ma basoche, il y a plus d'un demi-siècle, en tant que clerc d'avoué près d'un tribunal puis près de la cour d'appel. Je filais sur ma mobylette à travers Paris et je gagnais l'équivalent de 2 euros par mois.

M. Gélard a été comme d'habitude savant et aujourd'hui particulièrement talentueux. La chambre des avoués pourra lui élever une statue devant laquelle ils diront « Ave Gélard, morituri te salutant ! » (Sourires)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - La chambre aussi est supprimée.

M. Robert Badinter.  - Cela fait des décennies que tout le monde dit qu'il faut en finir avec la profession d'avoué ; je me souviens l'avoir entendu demander dans nos rangs. Est-ce le moment de le faire ? Aucun de nous n'en est convaincu.

On parle de moderniser la justice. Quand il entend le mot modernisation, mon ami Jacques Attali s'enthousiasme. Mais entre le dépôt de son rapport et la situation d'aujourd'hui, les conditions ne sont pas les mêmes. La ministre nous dit que la modernisation est nécessaire ; on me l'avait dit quand j'occupais cette fonction. De quoi s'agit-il avec cette modernisation ? De numérisation. Dans l'état où sont les professions judiciaires, les études d'avoués de cour d'appel, mieux équipées, sont plus à même de procéder à cette informatisation que la plupart des avocats. Commençons par l'informatisation et réformons ensuite le reste. Quant à l'argument selon lequel les justiciables ne comprendraient pas pourquoi ils doivent en appel recourir à un avoué... Les justiciables ne sont pas sots ! Je n'en ai jamais vu s'émouvoir de cette dualité.

Je ne crois pas que cette réforme soit porteuse d'économies pour les justiciables. Mesurez que tous les cabinets d'avocats ne seront pas à même de procéder à la numérisation demain matin. Quant aux plus grands, ils ont déjà des frais généraux considérables et ne voudront pas perdre de l'argent avec cette activité. Vous n'obtiendrez donc pas dans l'immédiat d'amélioration des services accompagnée d'une baisse des prix.

Et puis il faut voir la réalité humaine. C'est très important. Il est déjà difficile de quitter une profession que l'on a aimée. Les avoués les plus âgés ne pourront pas évoluer. Ceux qui retrouveront une activité les feront dans de grands cabinets. Ils passeront ainsi du statut de patron d'une PME à celui d'associé secondaire. Ce n'est pas une perspective souriante.

Et comment reclasser ceux qui n'ont pas le niveau d'études suffisant -je pense notamment aux avoués les plus âgés ? Les jeunes, qui se sont endettés, s'adapteront mais ce sera difficile.

Le véritable problème est la question des personnels. Je les ai bien connus, j'ai apprécié leur comportement chaleureux. Leur formation est différente de celle des personnels des grands cabinets d'affaires. Pendant plusieurs décennies parfois, ces femmes ont accompli les mêmes tâches. La reconversion sera pour elles une grande épreuve, surtout avec le marché de l'emploi actuel.

Cette réforme, envisageable à long terme, n'est pas indispensable aujourd'hui. Pourquoi ajouter des chômeurs aux chômeurs, des mécontents aux mécontents ? En fait, cette réforme ne résulte pas du souci d'améliorer le fonctionnement de la justice ; j'ai plutôt l'impression qu'il s'agit d'un mouvement presque autonome : une idée jaillit d'une commission, est reprise par le Président de la République, et nous voila votant une loi qui n'est ni urgente ni aboutie. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - La proposition de supprimer la profession d'avoué n'est pas nouvelle. On l'a envisagée en 1971 et en 1991. La commission Attali souhaitait créer une profession judiciaire unique mais cette idée s'est heurtée à l'importante question des notaires en France et à leur droit patrimonial -droit dont les avoués disposent également.

Ce texte prévoit d'indemniser la part patrimoniale mais omet le préjudice de carrière et de liquidation, ce qui se fait pourtant toujours lorsqu'on supprime une charge. Que penseraient nos concitoyens si nous ne prévoyions pas une indemnisation légitime ?

Cette simplification est envisagée depuis longtemps. On ne peut pas dire pour autant que les avoués ne servent à rien car les avocats ont envie de les remplacer ; ils ont même prévu de créer la fonction de spécialiste en postulation... La dématérialisation a déjà constitué une avancée dans le sens de la modernisation de la procédure.

Le processus a été engagé par l'Assemblée nationale, qui n'a pas bien réglé la question de l'indemnisation des charges et des personnels. Si nous votions cette question préalable, nous interromprions le dialogue, alors que nous avons obtenu des avancées sur les personnels et sur le fonds d'indemnisation. Nous tenons aussi beaucoup aux congés de reconversion, qui permettraient aux personnels de rebondir avant même le licenciement. En plus, cette solution serait économique.

La commission des lois a réalisé certaines avancées ; elle souhaite poursuivre le processus et affirmer clairement ses positions. Cette réforme est importante : nous n'avons pas le droit de l'empêcher, mais nous avons le devoir de permettre aux avoués comme à leurs salariés de trouver un avenir professionnel. Ce n'est pas la première fois qu'une loi prévoit des licenciements : cela a déjà été fait pour les commissaires-priseurs. Les conditions d'indemnisation étaient alors similaires à ce que la commission prévoit pour ce texte.

Je comprends les préoccupations exprimées par les auteurs de la question préalable, mais nous ne sommes pas favorables à son adoption. Nous devons poursuivre le dialogue avec l'Assemblée nationale. A défaut, celle-ci tranchera en dernière lecture sans tenir compte des améliorations que nous proposons.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Je crois en la justice, qui doit évoluer parallèlement à la société. Pour certains, on a toujours le temps de réformer. Pour moi, il y a urgence à adapter notre pays. Pour la justice, le défi est intérieur et extérieur. Il faut aborder toute réforme avec humilité car on n'est jamais sûr de ne pas se tromper. Faisons confiance aux hommes et aux femmes de cette profession ; nous devons réfléchir et les écouter afin de trouver la meilleure solution.

Je connais des avoués, j'ai travaillé avec eux. Je connais leur rôle de conseil, qui les amène parfois à dissuader leurs clients de faire appel. Je ne les mets pas en cause, pas plus que leurs salariés dont j'ai pu moi aussi apprécier la chaleur humaine, le dévouement et les compétences. Il ne s'agit pas seulement de les indemniser et de leur proposer une préretraite. Nous pouvons aussi les aider à continuer d'exercer leurs talents.

Il est des réformes qu'il ne faut pas repousser car cela ne sera pas forcément mieux demain. Il faut parfois savoir agir tout de suite. Je ne suis donc pas favorable à cette motion.

M. François Pillet.  - J'ai connu une expérience un peu particulière puisque ma première tâche de jeune avocat stagiaire a été d'administrer l'étude d'un avoué décédé. J'éprouve donc des sentiments comparables à ceux qu'à exprimés Robert Badinter et on ne pourra me mettre du côté des avocats silencieux qui attendent de se partager les dépouilles des avoués ni de celui des magistrats qui ont refusé de confirmer la nécessité de leur survie.

Quant aux avoués, à l'inverse du conscrit qui peut devenir maréchal, les jeunes n'ont pas tous une étude dans leur giberne car il leur faut acheter le droit d'exercer. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, approuve)

La réforme ne désorganisera pas les cours d'appel. Le ministère d'un avoué n'est pas obligatoire devant les chambres sociales, les tribunaux paritaires des baux ruraux, pour les appels des décisions des prud'hommes. Aucun syndicaliste ne s'en plaint. L'avoué n'est pas non plus nécessaire pour les appels de correctionnelle, où l'on juge parfois de l'indemnisation de préjudices corporels très importants.

Les litiges concernés ne sont pas tous de premier ordre : il peut s'agir d'un trouble du voisinage ou de la décision d'un juge aux affaires familiales pour une pension alimentaire. SI un industriel bâtit un gros complexe, il fera appel à de nombreux corps de métiers et à autant de contrats de droit privé et d'assureurs. S'il subit des malfaçons, puis des pertes, il ira devant le tribunal d'instance, puis devant la cour d'appel où le ministère d'un avoué sera obligatoire.

En revanche, il n'y a pas de ministère d'avoué devant la cour administrative d'appel si une commune plaide devant elle pour des malfaçons dans une grande structure pour la petite enfance qu'elle a fait construire avec architecte, maître d'oeuvre et intervenants multiples. La décision sera-t-elle pour autant critiquable ? Sur ce point, l'argument ne tient pas.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous voterons la question préalable. Il faut certes moderniser la justice et la rendre accessible à tous, mais ce n'est pas cette loi qui y contribuera. La directive Services ne s'applique pas directement, que nous critiquons comme nous critiquons les textes européens de libéralisation qui déstabilisent nos services publics. La suppression de la profession d'avoué sera douloureuse pour les salariés et n'améliorera pas le fonctionnement de la justice pour nos concitoyens, qui n'ont rien à attendre du transfert d'une charge publique à de grands cabinets d'avocats sinon des frais supplémentaires.

M. Jacques Mézard.  - Mon groupe votera majoritairement la motion. Je peux entendre les propos de Mme la garde des sceaux sur la nécessité de moderniser la justice, mais la priorité est-elle vraiment la suppression des avoués ? Est-ce là le défi auquel notre justice est confrontée ? Si l'idée que nos concitoyens se font de leur justice est ce qu'elle est, on le doit davantage aux difficultés que connaît depuis des décennies le budget de la justice. Là est le problème, là est l'enjeu.

Je n'ai entendu cet après-midi personne qui soit convaincu de l'urgence et de la nécessité de cette réforme. M. le président de la commission des lois soutient que le vote de cette question préalable pour des raisons de principes rendra difficile le dialogue avec l'Assemblée nationale.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il n'y aura plus de dialogue du tout !

M. Jacques Mézard.  - Nous pensons, nous, que nous devons exprimer un refus de principe. Nous pensons aussi que ce texte ne traite pas des questions fondamentales que sont la tarification et l'aide juridictionnelle et qu'il laisse les salariés dans l'incertitude. Nous ne doutons pas de votre engagement à trouver des solutions au cas par cas, madame la garde des sceaux, mais nous savons ce qu'il en sera sur le terrain. Cette réforme, extraite de la décision 213 du très médiatisé rapport Attali, n'est aucunement nécessaire. Il n'y a rien de positif à en attendre.

Un mot, pour terminer, à M. Pillet. Sans vouloir être désagréable avec les chambres sociales, je veux saluer la qualité des procédures avec le ministère d'avoué.

La motion n°18 n'est pas adoptée.

Accord en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la CMP chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Commission spéciale « Grand Paris » (Nomination)

M. le président.  - Je rappelle que le groupe socialiste a présenté la candidature de Mme Bariza Khiari pour remplacer M. Robert Badinter, démissionnaire, au sein de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif au Grand Paris. La présidence n'ayant reçu aucune opposition, cette candidature est ratifiée.

La séance est suspendue à 19 h 55.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance reprend à 22 heures.

Représentation devant les cours d'appel (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de la représentation devant les cours d'appel.

Renvoi en commission

M. Jean-Pierre Godefroy.  - En vertu de l'article 44-5 de notre Règlement, nous demandons le renvoi de ce projet de loi pour avis à la commission des affaires sociales. Cette réforme aura des conséquences sociales directes et lourdes pour 444 avoués et 1 850 salariés, parmi lesquels des jeunes qui commencent à peine leur carrière. Beaucoup risquent d'être licenciés dans un contexte économique très défavorable. Nous souhaitons donc que la commission des affaires sociales examine les offres d'indemnisation, de formation et de reconversion prévues par ce texte, qui nous paraissent très insuffisantes.

En ce qui concerne les avoués, la suppression de leur profession constitue un préjudice patrimonial, professionnel et économique. Or il n'est prévu d'indemniser que le préjudice patrimonial lié à la perte du droit de présenter un successeur. Encore est-ce l'Assemblée nationale qui a porté à 100 % de la valeur de la charge le montant de l'indemnisation, limité à 66 % dans le projet de loi initial : véritable spoliation puisque le droit de présentation constitue une créance sur l'État assimilable à un droit de propriété dont le titulaire ne peut être privé, selon les termes de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que « sous la condition d'une juste et préalable indemnité ».

En revanche, le Gouvernement n'a pris en compte ni le préjudice de carrière ni le préjudice économique liés à la liquidation des études. La Cour européenne des droits de l'homme a pourtant consacré, dans son arrêt Lallement contre France du 12 juin 2003, l'obligation pour l'État d'indemniser la perte de l'outil de travail et le préjudice matériel qui en résulte. Je me félicite donc de la proposition de la commission des lois de faire référence à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique et de confier au juge de l'expropriation le soin de déterminer le montant de l'indemnité accordée aux avoués. Mais les autres préjudices à prendre en compte ne sont pas clairement définis, ce qui pourrait donner lieu à des divergences d'appréciation entre magistrats. Il est désolant que le Gouvernement tente de faire machine arrière par un amendement de dernière minute.

Quant aux salariés des études d'avoués, une bonne partie d'entre eux seront licenciés comme le reconnaît l'étude d'impact. Neuf sur dix sont des femmes ; leur âge moyen est de 43 ans et leur niveau de diplôme faible, car ils ont acquis leurs qualifications sur le tas. Il est illusoire de penser que la plupart seront reclassés au sein des études d'avocats ou de notaires : le marché est saturé et la composition salariale de ces divers types d'études diffère : un avoué emploie en moyenne 4,95 salariés, un avocat 0,8.

Le Gouvernement n'a prévu qu'un « plan de reclassement » qui porte mal son nom. Il a inscrit la création de 380 emplois réservés à ces salariés au budget de 2010. Mais au moins 1 500 salariés seront privés de cette aide, qui ne représente d'ailleurs que 190 équivalents temps plein ; en outre chacun connaît la différence entre les emplois budgétisés et les postes effectivement ouverts et pourvus. Une rémunération d'agent de catégorie C à temps partiel suffira-t-elle à compenser la perte subie ? J'en doute.

Ces salariés sont menacés de licenciement économique du fait de la loi. Il revient à la collectivité publique d'en assumer le coût. Le préjudice subi est le même que lors des précédentes réformes des professions réglementées : il n'y a aucune raison de traiter les salariés d'avoués moins bien que, par exemple, les commissaires-priseurs en 2000. Je me réjouis donc que la commission des lois ait proposé une indemnisation égale à un mois de salaire par année d'ancienneté.

Pour ce qui est du reclassement, alors que les avoués pourront se tourner vers la profession d'avocat ou certaines fonctions judiciaires, leurs salariés sont les grands oubliés de la réforme. Pourtant, en cas de licenciement économique, une entreprise est tenue de favoriser le reclassement professionnel de ses salariés. L'État devrait au moins en faire autant ! Dès l'annonce de la réforme, les ministères de la justice et du travail s'étaient engagés à signer une convention tripartite entre l'État, la Chambre nationale des avoués et les syndicats comportant des mesures d'accompagnement. Mais en avril dernier, l'État a unilatéralement décidé que c'était juridiquement impossible, refusant ainsi de prendre en charge financièrement toute mesure conventionnelle. Les partenaires sociaux avaient pourtant progressé dans leurs négociations, s'inspirant des plans de sauvegarde de l'emploi élaborés en cas de licenciement collectif en entreprise. Faute d'engagement de l'État, ce dossier est actuellement en suspens. On ne sait pas même quelle sera l'aide du Fonds national pour l'emploi.

En avril dernier, le cabinet de votre prédécesseur, madame, avait annoncé une convention nationale d'allocation temporaire dégressive. Nous n'en avons pas entendu parler depuis : le Gouvernement se contente-t-il de déclarations d'intentions ? Je doute que vous apportiez aujourd'hui les réponses que vous avez refusées aux avoués depuis des mois. J'aurais souhaité que votre collègue ministre du travail fût présent : cela aurait témoigné de l'attention portée par le Gouvernement à la question du reclassement.

J'en viens au problème des caisses de retraite. L'article 8 du projet de loi dispose que les anciens avoués resteront affiliés à la Caisse d'assurance vieillesse des officiers ministériels (Cavom) sauf s'ils embrassent la profession d'avocat, auquel cas ils rejoindront la Caisse nationale des barreaux français (CNBF). La commission des lois a précisé les conditions dans lesquelles ces caisses assureront leurs obligations. Mais les conséquences de la réforme sur le régime de retraite surcomplémentaire des salariés d'avoués et d'avocats, actuellement géré par la Caisse de retraite du personnel des avocats (Crepa), ne sont pas prises en considération. Cette dernière caisse a connu récemment des problèmes de financement, et sa survie n'a été assurée que par l'augmentation des cotisations patronales et salariales. Les licenciements à venir vont déstabiliser ce plan de sauvegarde financier : le manque à percevoir est estimé à 17 millions d'euros, à quoi s'ajoute le paiement des indemnités de fin de carrière dues au personnel des études d'avoués, pour un montant de 14 millions d'euros.

Il est inconcevable de voter cette loi sans se pencher sur ces problèmes. Je ne méconnais pas le travail réalisé par la commission des lois...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - C'est pourtant notre impression !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - ...mais je considère que la commission des affaires sociales pourrait nous apporter un éclairage utile.

Madame la ministre, cette réforme est-elle indispensable et urgente ? A-t-elle été préparée sérieusement ? En cette période de crise économique et de montée du chômage, est-il judicieux de la part de l'État de supprimer plus de 2 000 emplois ? Je ne le pense pas. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Ce texte a été déposé au Sénat le 6 octobre, la commission des affaires sociales avait tout le temps de s'en saisir, elle ne l'a pas fait !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - J'en ai saisi le Président !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Vous n'avez pas été suivi !

Je note que vous puisez aux bonnes sources, car votre argumentation repose tout entière sur le rapport de M. Gélard, preuve que nous avons abordé tous les problèmes. Mais vous omettez les solutions que nous proposons !

Un mot sur les postes à temps partiel : vous oubliez qu'il s'agit de postes à temps plein disponibles à compter de juillet. La commission a travaillé sur le reclassement des salariés, et l'on peut se demander, madame le garde des sceaux, si les dispositions récentes relatives à la validation des acquis de l'expérience, ne trouveraient pas ici à s'appliquer.

Je vous rappelle, monsieur Godefroy, que la commission des affaires sociales ne s'était pas saisie de la réforme des commissaires-priseurs, qui posait aussi des problèmes analogues. Vous citez encore le problème des caisses de retraite, mais les questions que vous posez sont de nature réglementaire et nous les avons posées au Gouvernement qui devra y répondre.

Nous ne pouvons donc que vous remercier d'avoir si bien exposé chacune des questions posées par le rapport, en vous invitant à bien lire les réponses que nous leur avons apportées. Mais il n'est nul besoin de renvoyer en commission : la commission des affaires sociales avait le temps de se saisir pour avis, elle a eu ses raisons de ne pas le faire, tout comme la commission des lois ne se saisit pas de tous les textes qui concernent le droit, ce serait sans fin, il faut bien une certaine réserve ! Avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Avis défavorable.

La motion n°19 n'est pas adoptée.

Discussion des articles

Article premier

L'article 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Aux premier et deuxième alinéas, les mots : « et de conseil juridique » sont remplacés par les mots : «, d'avoué près les cours d'appel et de conseil juridique » ;

b) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Sous réserve des dispositions prévues à l'article 26 de la loi n°   du   portant réforme de la représentation devant les cours d'appel, les avoués près les cours d'appel sont inscrits, à la date de leur première prestation de serment dans l'une ou l'autre des professions d'avoué et d'avocat, au tableau du barreau établi près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est situé leur office et les sociétés d'avoués sont inscrites au barreau établi près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est fixé leur siège. » ;

b bis) Le quatrième alinéa est complété par les mots : « dont la spécialisation en procédure d'appel » ;

c) Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les avoués en exercice depuis plus de quinze ans à la date d'entrée en vigueur du chapitre Ier de la loi n°   du    précitée bénéficient des dispositions prévues à l'alinéa précédent. » ;

2° Le premier alinéa du III est ainsi rédigé :

« Par dérogation au deuxième alinéa de l'article 5, les avocats inscrits au barreau de l'un des tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre peuvent exercer les attributions antérieurement dévolues au ministère d'avoué près les tribunaux de grande instance auprès de chacune de ces juridictions. Ils peuvent exercer les attributions antérieurement dévolues au ministère d'avoué près les cours d'appel auprès de la cour d'appel de Paris quand ils ont postulé devant l'un des tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny et Créteil et auprès de la cour d'appel de Versailles quand ils ont postulé devant le tribunal de grande instance de Nanterre. »

M. le président.  - Amendement n°34 rectifié, présenté par M. Béteille, Mme Des Esgaulx et MM. Portelli et Lefèvre.

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

b bis) Le quatrième alinéa est complété par les mots : « obtenues dans les conditions fixées par l'article 21-1, dont une spécialisation en procédure d'appel, dont les anciens avoués devenus avocats bénéficient de plein droit » ;

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Il est défendu

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Les avoués demandaient cette précision, les avocats l'ont acceptée généreusement : avis favorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Favorable.

L'amendement n°34 rectifié est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

Article 2

L'article 2 de la même loi est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « tribunaux de grande instance » sont remplacés par les mots : « cours d'appel » ;

2° Au second alinéa, les mots : « chapitre V du présent titre » sont remplacés par les mots : « chapitre II de la loi n°   du    précitée ».

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par M. Gélard, au nom de la commission.

Alinéa 2

Rédiger comme suit cet alinéa :

1° Au premier alinéa, après les mots : « de grande instance », sont insérés les mots : « et les offices d'avoués près les cours d'appel ».

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Nous maintenons dans la loi du 31 décembre 1971 la mention de la suppression des offices d'avoués près les tribunaux de grande instance.

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il désigne également, parmi les anciens avoués près la Cour devenus avocats, celui qui sera chargé de traiter de ces questions conjointement avec le bâtonnier désignée à cet effet.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous associons un ancien président de compagnies des avoués de chaque cour, devenu avocat, à la mission dévolue aux délégués des bâtonniers des ressorts de cours d'appel pour traiter de toutes les questions « intéressant la cour d'appel, relative notamment à la communication électronique ».

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Le maintien d'une représentation spécifique pour les anciens avoués n'est pas utile dès lors que la profession aura disparu : avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Favorable à l'amendement n°59. Défavorable à l'amendement n°23.

L'amendement n°59 est adopté.

L'amendement n°23 devient sans objet.

L'article 2, modifié, est adopté.

L'article 3 est adopté, de même que les articles4, 5, 6 et7.

Article 8

L'article 43 de la même loi est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« La caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales et la caisse d'assurance vieillesse des officiers ministériels, des officiers publics et des compagnies judiciaires au titre du régime de base, du régime complémentaire et du régime invalidité-décès restent tenues aux obligations dont elles sont redevables en ce qui concerne les personnes exerçant à la date d'entrée en vigueur du chapitre Ier de la loi n°   du    portant réforme de la représentation devant les cours d'appel ou ayant exercé avant cette date la profession d'avoué près les cours d'appel, leurs conjoints collaborateurs ainsi que leurs ayants droit.

« Le temps passé dans l'une et l'autre professions d'avocat et d'avoué est pris en compte pour l'application des règles relatives à la liquidation des retraites, chacune des caisses intéressées assurant le versement des pensions au prorata de la durée d'exercice des personnes considérées dans chaque profession.

« Les transferts financiers résultant de l'opération sont fixés par convention entre les caisses intéressées et, à défaut, par décret. Ils prennent en compte les réserves de chacune des caisses intéressées et sont définis au prorata des effectifs d'avoués faisant partie de la profession d'avocat. »

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par M. Pillet.

I. - Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les règles relatives à la liquidation des retraites sont appliquées, dans chaque régime, en retenant le total du temps passé dans l'une et l'autre professions d'avoué et d'avocat et en rapportant le montant de la pension ainsi obtenu à la durée d'affiliation.

II. - Alinéa 4, seconde phrase

Remplacer les mots :

les réserves de chacune des caisses intéressées et sont définis au prorata des effectifs d'avoués

par les mots :

les perspectives financières de chacun des régimes et la proportion d'anciens avoués

M. François Pillet.  - Le calcul des pensions de retraite dues aux avoués prend en compte une clause de stage de quinze ans : elle ne doit pas jouer contre les anciens avoués devenus avocats. Nous laissons la possibilité aux caisses de retraite de négocier entre elles les conditions de leur soulte.

M. le président.  - Amendement n°40 rectifié, présenté par M. Vial et Mmes Des Esgaulx et Descamps.

Alinéa 4, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Pour chacune des caisses intéressées, ils sont calculés en fonction du nombre des points attribués aux avoués et anciens avoués, ainsi qu'à leurs ayants-droit et conjoints collaborateurs, déduction faite du prorata des réserves qui leur sont affectables.

M. Jean-Pierre Vial.  - Le mode de calcul des transferts résultant du texte de la commission pourrait avoir pour effet de faire supporter aux officiers ministériels adhérents de la Cavom et de la CNAVPL, et tout particulièrement aux huissiers de justice, dont les effectifs sont les plus nombreux, le financement de la retraite des avoués, alors qu'ils ne sont pas concernés par la réforme de la postulation devant les cours d'appel. Nous prévenons ce risque.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Il est judicieux de prendre en compte les modalités propres des caisses de retraite et de conserver une marge de négociation aux caisses sur leur soulte : avis favorable à l'amendement n°33. En revanche, la prise en compte des points retraites des anciens avoués au prorata de leurs réserves, risquerait de figer les négociations entre les caisses : avis défavorable à l'amendement n°40 rectifié.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Avis favorable à l'amendement n°33. Pour la soulte entre les caisses, nous avons privilégié la voie conventionnelle et l'amendement n°40 rectifié répond à une vision rétrospective du calcul des retraites, quand le calcul actuariel se fonde plutôt sur une vision prospective : retrait, sinon rejet de l'amendement n°40 rectifié.

L'amendement n°40 est retiré.

L'amendement n°33 est adopté.

L'article 8, modifié, est adopté.

Article 9

L'article 46 de la même loi est ainsi rédigé :

« Art. 46.  -  Les rapports entre les avocats et leur personnel sont régis par la convention collective nationale du personnel des cabinets d'avocats et ses avenants, quel que soit le mode d'exercice de la profession d'avocat.

« Toutefois, jusqu'à la conclusion d'une nouvelle convention collective de travail et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2011, les rapports entre les anciens avoués près les cours d'appel devenus avocats et leur personnel demeurent réglés par la convention collective et ses avenants qui leur étaient applicables avant la date d'entrée en vigueur du chapitre Ier de la loi n°   du    portant réforme de la représentation devant les cours d'appel, y compris pour les contrats de travail conclus après cette date.

« Pendant cette période, en cas soit de regroupement d'avocats et d'anciens avoués au sein d'une association ou d'une société, soit de fusion de sociétés ou d'associations, le personnel salarié bénéficie de la convention collective qui lui était applicable avant la date d'entrée en vigueur du chapitre précité ou, à défaut, de la convention collective nationale du personnel des cabinets d'avocats et ses avenants.

« A défaut de conclusion d'une nouvelle convention collective de travail à l'expiration du délai prévu au deuxième alinéa, les rapports entre les anciens avoués près les cours d'appel devenus avocats, les avocats déjà en exercice et leur personnel sont régis par la convention collective nationale du personnel des cabinets d'avocats et ses avenants. Les salariés conservent, dans leur intégralité, les avantages individuels qu'ils ont acquis en application de leur ancienne convention collective nationale. »

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par M. Pillet.

Alinéa 5, première phrase

Supprimer les mots :

, les avocats déjà en exercice

M. François Pillet.  - Cet amendement se veut très pragmatique. Outre que la mention visée se trouve déjà au deuxième alinéa, on peut craindre ici un effet pervers : les avocats pourraient hésiter à recruter d'anciens salariés d'avoués conservant les avantages individuels acquis en vertu de la convention applicable aux salariés d'avoués.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - En effet, le maintien des avantages obligerait notamment à servir des primes d'ancienneté plus importantes. Favorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Favorable, pour les mêmes raisons.

L'amendement n°32 est adopté.

L'article 9, modifié, est adopté.

Article 10

L'article 46-1 de la même loi est ainsi rédigé :

« Art. 46-1.  -  Le personnel salarié non avocat de la nouvelle profession d'avocat relève de la caisse de retraite du personnel des avocats et conserve le bénéfice de ses cotisations. »

M. le président.  - Amendement n°31, présenté par M. Pillet.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

et conserve le bénéfice de ses cotisations

par la phrase :

. Les prestations sont calculées en tenant compte, le cas échéant, des périodes d'affiliation en qualité de salariés d'avoués.

M. François Pillet.  - Il est défendu.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Amendement utile pour que les salariés d'avoués gardent le bénéfice de leurs cotisations. Favorable.

L'amendement n°31, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 10, modifié, est adopté.

L'article 11 est adopté.

L'article 12 est adopté.

M. le président. - Amendement n°60, présenté par M. Gélard, au nom de la commission.

Compléter l'intitulé de cette division par les mots :

et de leurs salariés

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - L'amendement modifie le titre de cette division, qui porte bien sur l'indemnisation des avoués et de leurs salariés.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - On peut considérer que les indemnités de licenciement, en principe à la charge de l'employeur, pris en charge par le fonds d'indemnisation sont aussi une forme d'indemnisation... Favorable.

L'amendement n°60 est adopté et l'intitulé du chapitre II est ainsi rédigé.

Article 13

I. - Les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer, en tenant compte de leur âge, la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi.

L'indemnité est versée par le fonds d'indemnisation visé à l'article 19.

II. - Les gains et rémunérations, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, versés au cours d'un mois civil par les avoués près les cours d'appel qui exercent à compter de l'entrée en vigueur du chapitre Ier la profession d'avocat, d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, de notaire, de commissaire-priseur judiciaire, de greffier de tribunal de commerce, d'huissier de justice, d'administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire, aux salariés justifiant, au plus tard le 1er janvier 2010, d'un contrat de travail d'une durée de douze mois minimum auprès d'un avoué, sont exonérés des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales, des allocations familiales et des accidents du travail, dans la limite du produit du nombre d'heures rémunérées par le montant du salaire minimum de croissance majoré de 50 %.

Cette exonération prend fin le 31 décembre 2014 et ne peut être appliquée aux gains et rémunérations d'un salarié pendant plus de vingt-quatre mois.

III. - Les pertes de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de l'application du paragraphe précédent sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

IV. - Les plus-values réalisées dans le cadre du versement de l'indemnité mentionnée au I sont exonérées de toute imposition.

V. - Les pertes de recettes résultant pour l'État de l'application du IV sont compensées, à due concurrence, par une augmentation des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Jacques Mézard.  - L'évolution qu'a connue le texte est symptomatique. Le projet initial prévoyait une indemnisation à 66 % dont Mme la ministre a elle-même reconnu qu'elle n'en retraçait pas l'origine et, la considérant très insuffisante, a fait adopter, à l'Assemblée nationale, un amendement en fixant la valeur à 100 % de la valeur de l'office. Nous considérons que cela n'est pas suffisant, et qu'il faut aller au-delà. D'où la proposition de la commission de faire fixer l'indemnité par le juge de l'expropriation, le but étant d'ouvrir le débat vers une harmonisation plus conforme à l'équité. Le Gouvernement ayant déposé ici un amendement visant à revenir à l'indemnisation à 100 %, nous défendrons pour notre part un amendement récapitulant les éléments qui assureraient une indemnisation complète de la perte subie par la profession. Outre que les jeunes avoués vont se trouver dans une situation très difficile, la fusion avec les avocats n'est pas équitable : elle oblige à repartir à zéro. Il nous faut trouver une solution plus juste, qui échappe aux inconvénients de l'expropriation, en matière de délais et de recours.

M. le président.  - Amendement n°50 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier et MM. Alfonsi, Fortassin et Plancade.

Rédiger ainsi cet article :

I. - Les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de publication de la présente loi sont indemnisés de la perte du droit qui leur est reconnu par l'article 91 de la loi du 28 avril 1816 de présenter un successeur à l'agrément du garde des sceaux, ministre de la justice. Ils ont droit à ce titre à une indemnité égale à la valeur totale de leur office, majorée d'une indemnité de réemploi égale à 20 % de cette valeur.

1° La valeur totale d'un office est calculée :

- En prenant pour base la moyenne entre la recette nette moyenne des cinq derniers exercices comptables dont les résultats sont connus de l'administration fiscale à la date de la publication de la présente loi et trois fois le solde moyen d'exploitation des mêmes exercices ;

- En ajoutant à ce résultat la valeur nette des immobilisations corporelles, autres que les immeubles, inscrites au bilan du dernier exercice clos à la date de publication de la présente loi.

La recette nette est égale à la recette encaissée par l'office, retenue pour le calcul de l'imposition des bénéfices, diminuée des débours payés pour le compte des clients et des honoraires rétrocédés.

Le solde d'exploitation est égal aux recettes totales retenues pour le calcul de l'imposition des bénéfices, augmentées des frais financiers et des pertes diverses et diminuées du montant des produits financiers, des gains divers et de l'ensemble des dépenses nécessitées pour l'exercice de la profession, telles que retenues pour le calcul de l'imposition des bénéfices en application des articles 93 et 93 A du code général des impôts.

Les données utilisées sont celles qui figurent sur la déclaration fiscale annuelle et dans la comptabilité de l'office.

Nonobstant les dispositions ci-dessus, la valeur totale de l'office peut être calculée à la demande du titulaire du droit de présentation selon la méthode dite du demi-net, retenue par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques pour l'indemnisation des avoués de première instance.

2° Le montant de l'indemnité, rapporté le cas échéant à la participation de l'avoué au capital social de la société au sein de laquelle il exerce, ne peut être inférieur au montant du prix, majoré des droits, acquitté pour l'acquisition de l'office ou de parts de la société titulaire de l'office, tel qu'il résulte du dernier traité approuvé par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.

II. - Ils ont droit à une indemnisation couvrant :

- le préjudice de carrière, évalué selon la méthode de calcul de la perte de revenus capitalisés, adopté par les juridictions du fond tendant à capitaliser la perte de revenus, en prenant en compte la réalité probable de l'activité future. Un décret en Conseil d'État précise, compte tenu de l'âge des titulaires d'office, les modalités d'application du présent alinéa ;

- le préjudice économique lié à la suppression de leur office, calculé, sous le contrôle de la commission nationale prévue à l'article 16, en prenant en compte les frais réels de toute nature engagés par les avoués près les cours d'appel pour liquider leur office.

L'ensemble des indemnisations accordées au titre du préjudice économique n'est soumise à aucune imposition ni charge sociale.

III. - Les pertes de recettes résultant pour l'État des I et II ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

IV. - Les pertes de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par la création d'une contribution additionnelle à la contribution visée à l'article L. 137-7-1 du code de la sécurité sociale.

M. Jacques Mézard.  - Cet amendement tente de pallier les inconvénients de l'idée de la commission, intéressante au demeurant, de recourir au juge de l'expropriation, qui comporte certains écueils -délais, recours, variation des jurisprudences... Il s'efforce d'intégrer l'ensemble des éléments du préjudice futur et certain.

M. le président.  - Amendement n°52, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

I. - Les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de publication de la présente loi ont droit à une indemnité fixée à 100 % de la valeur de leur office.

Cette valeur est calculée :

1° En prenant pour base la moyenne entre, d'une part, la recette nette moyenne des cinq derniers exercices comptables dont les résultats sont connus de l'administration fiscale à la date de la publication de la présente loi et, d'autre part, trois fois le solde moyen d'exploitation des mêmes exercices ;

2° Et en ajoutant à ce résultat la valeur nette des immobilisations corporelles, autres que les immeubles, inscrites au bilan du dernier exercice clos à la date de publication de la présente loi.

La recette nette est égale à la recette encaissée par l'office, retenue pour le calcul de l'imposition des bénéfices, diminuée des débours payés pour le compte des clients et des honoraires rétrocédés.

Le solde d'exploitation est égal aux recettes totales retenues pour le calcul de l'imposition des bénéfices, augmentées des frais financiers et des pertes diverses et diminuées du montant des produits financiers, des gains divers et de l'ensemble des dépenses nécessitées pour l'exercice de la profession, telles que retenues pour le calcul de l'imposition des bénéfices en application des articles 93 et 93 A du code général des impôts.

Les données utilisées sont celles qui figurent sur la déclaration fiscale annuelle et dans la comptabilité de l'office.

II. - Toutefois, le montant de l'indemnité, rapporté le cas échéant à la participation de l'avoué au capital social de la société au sein de laquelle il exerce, ne peut être inférieur à la somme de l'apport personnel ayant financé l'acquisition de l'office ou des parts de la société et du capital restant dû, le cas échéant, au titre du prêt d'acquisition de l'office ou de parts de la société à la date du 1er janvier 2010.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Nous divergeons sur ce sujet. Pourquoi le Gouvernement propose-t-il une indemnisation à 100 % de la valeur de l'office ? Tout d'abord, j'ai dit lors de la discussion générale la position du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État, dont il n'est pas sûr qu'elle varie si le texte leur revient : dès lors qu'il n'y a pas privation de propriété, le recours au juge de l'expropriation ne se justifie pas. Sans compter qu'une telle procédure serait au minimum du double, s'il n'y a pas appel, de celle que nous avions prévue.

Nous revenons sur la question de l'exonération des plus-values, par souci du respect du principe d'égalité devant l'impôt : le collectif budgétaire pour 2009 prévoit déjà des dispositions au profit des avoués partant en retraite.

Nous revenons également sur l'exonération des charges sociales : les employeurs privés bénéficient déjà des réductions Fillon, jusqu'à 1,6 Smic.

Nous revenons enfin sur l'exonération sur les cotisations accident du travail, supprimées depuis 2008 pour responsabiliser les employeurs.

J'ai bien conscience que cet amendement représente un point de vue différent.

M. le président. - Amendement n°17, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéas 1 et 2

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

Les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre de leur préjudice correspondant à la perte de leur droit de présentation, de leur préjudice de carrière, de leur préjudice économique et de leurs préjudices accessoires toutes causes confondues, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Notre amendement est quasiment identique à celui de M. Mézard. Comme l'a noté le rapporteur, la suppression des offices des avoués et de leur monopole constitue une atteinte au droit de propriété contraire à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Si la rédaction proposée par la commission marque un progrès, elle reste trop générale et il est utile de la préciser pour faire référence à la réparation : les avoués, qui n'ont pas une clientèle propre, devront se réinstaller et ne conserveront pas une structure identique. Enfin, notre rédaction supprime toute difficulté d'interprétation, en s'appliquant à tous les avoués.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par MM. Dubois et Détraigne, Mmes Dini et N. Goulet, MM. Amoudry, Merceron, Borotra, J. Boyer, Deneux et Soulage et Mmes Payet et Morin-Desailly.

Alinéa 1

Après les mots :

à une indemnité

insérer les mots :

au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues,

M. Daniel Dubois.  - Nous allons un peu plus loin que la commission des lois en qualifiant plus précisément le préjudice.

M. le président.  - Amendement identique n°45 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier et MM. Alfonsi, Fortassin et Plancade.

M. Jacques Mézard.  - Nous fixons le cadre à partir duquel le juge de l'expropriation fixera le montant de l'indemnité.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par M. Détraigne, Mme Dini, M. Dubois, Mme N. Goulet, MM. Merceron, Amoudry, Borotra, J. Boyer, Deneux et Soulage et Mmes Morin-Desailly et Payet.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

Le juge de l'expropriation se prononce dans un délai de six mois suivant la décision de la commission prévue à l'article 16 statuant sur la demande d'indemnisation présentée en application du présent article.

M. Yves Détraigne.  - Le ministre d'État a craint un allongement de la procédure. Il est bon, même s'il peut y avoir appel, de prévoir ce délai de six mois.

M. le président.  - Amendement n°39 rectifié, présenté par M. Vial et Mmes Des Esgaulx et Descamps.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Par dérogation aux règles de compétence territoriale, le juge de l'expropriation compétent est celui du tribunal de grande instance de Paris.

M. Jean-Pierre Vial.  - On assurera l'égalité et la rapidité de l'indemnisation si tous les dossiers sont traités par une même juridiction. Le tribunal de grande instance de Paris pourrait être chargé de ce contentieux clairement identifié de plusieurs centaines de dossiers posant des problèmes identiques.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - On ne peut imposer au juge de l'expropriation toute la série de conditions qu'énonce l'amendement n°50 rectifié, qui risque d'ailleurs de ne pas être complet. Tout en demandant le retrait de l'amendement de M. Mézard, je partage son avis sur ce qu'il n'y a pas un seul préjudice. Dans la rédaction actuelle, un jeune avoué qui n'a que des apports en industrie, n'aurait droit à aucune indemnisation et devrait ramer pendant deux ou trois ans pour survivre alors que le moindre cadre reçoit une indemnité.

Il y a toute une série de préjudices qui s'additionnent. Qu'est-ce que l'avoué fera de ses archives : les installera-t-il dans son salon ? Il appartiendra au juge de l'expropriation de fixer l'indemnisation.

Pour répondre à la ministre, je rappellerai que la commission avait d'abord envisagé que la commission fixe l'indemnisation avec une marge de 20 % mais qu'elle y a renoncé parce que ça n'avançait pas. Nous avons donc opté pour la procédure d'expropriation, et nous nous y tenons pour l'instant. Nous sommes donc défavorables à l'amendement n°52.

L'amendement n°17 procédant du même raisonnement que celui de M. Mézard, la commission y est défavorable. Avis favorable, en revanche, à l'amendement n°1 rectifié bis, dont je remercie les auteurs de l'avoir rectifié. La précision est bienvenue pour que la réparation soit intégrale. Nous sommes en effet face à des problèmes complexes et c'est le seul point sur lequel nous sommes en désaccord avec le Gouvernement, auquel nous demandons un effort. L'amendement n°45 rectifié est proche dans son esprit, aussi sera-t-il satisfait par le n°1 rectifié bis, mieux rédigé.

L'amendement n°5 rectifié instaure à côté de la procédure du juge de l'expropriation une autre chose qui n'est pas utile. J'en demande donc le retrait ou le rejet.

Tout à fait intéressant, l'amendement n°39 rectifié répond à une crainte de la ministre d'État. L'unité du juge de l'expropriation garantira celle de la jurisprudence et, vraisemblablement, des délais raisonnables.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Partant de présupposés assez différents, le Gouvernement est défavorable aux différents amendements qui entrent en contradiction avec le sien. Je veux néanmoins vous apporter une information : sur les dix dossiers déposés depuis trois ans, cinq étaient uniquement composés par des apports en capital, les cinq autres prévoyant aussi des apports en industrie, très minoritaires et rapidement convertis en capital.

Je comprends bien la logique de l'unité garantie par un même tribunal. Cependant, le tribunal de Paris est l'un des plus surchargés et, en le chargeant de cette responsabilité supplémentaire, on court le risque qu'il soit débordé et que les délais s'allongent. Je continue à préférer la commission et l'indemnisation prévue par le texte adopté à l'Assemblée nationale. On peut trouver des solutions spécifiques pour les archives et elles relèvent plus de l'organisation que de l'indemnisation.

M. Jean-Jacques Hyest.  - L'article 13 est central. (Approbations à droite) Pourquoi en fin de compte avons-nous choisi la procédure de l'expropriation dont nous voyons les inconvénients alors que la commission paraît tout à fait adaptée ?

Ce qui nous sépare, c'est que vous ne considérez pas le préjudice de carrière, distinct du préjudice purement économique. La commission que vous envisagez devrait avoir la possibilité de moduler l'indemnisation pour en tenir compte. Pour un avoué qui part en retraite, le préjudice de carrière est nul, mais ce n'est pas le cas pour un jeune ni pour un avoué en milieu de carrière qui va devenir avocat, certes, mais un avocat sans client et qui, du jour au lendemain, devra débuter à nouveau comme un jeune. Donc, nous pourrions être d'accord sur la commission mais à condition qu'elle ne se borne pas à indemniser le droit de présentation. La navette permettra d'y réfléchir.

Je reconnais, madame le garde des sceaux, qu'en portant l'indemnisation à 100 %, vous avez amélioré le texte, lequel était susceptible d'être frappé d'inconstitutionnalité. Cette indemnisation sera financée par la taxe et si celle-ci permettait une indemnisation convenable, d'une part ce serait équitable, d'autre part nous serions insoupçonnables aux yeux de la Cour européenne des droits de l'homme. Au vu de ses arrêts de 1985 et du premier protocole additionnel visé par l'indemnisation des commissaires-priseurs judiciaires, il existe un risque... (« Très bien ! » sur plusieurs bancs à droite)

M. Alain Anziani.  - Selon la logique de Mme le garde des sceaux, qui est de revenir au texte des députés, une sorte de « forfait administratif » serait attribué par une commission. Notre commission des lois suit une autre logique : celle d'une personnalisation judiciaire qui prendrait en compte les préjudices précis de chaque avoué.

D'après le Gouvernement, cette dernière logique ne serait pas juridique. Mais si ! Les deux arrêts de la Cour de justice européenne traitent de l'indemnisation de la perte de l'outil, agricole certes, mais d'un outil et, donc, d'une perte patrimoniale comme dans le cas présent.

La position de notre commission ne serait pas réaliste ? Quoi de plus réaliste que de faire examiner chaque préjudice par le juge de l'expropriation ?

Ce ne serait pas pragmatique ? Pour ne pas faire traîner les choses, accordons donc des provisions qui ne porteront aucune atteinte à l'équité de l'indemnisation ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

L'amendement n°50 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°52.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

L'amendement n°1 rectifié bis est adopté.

L'amendement n°45 rectifié est satisfait.

L'amendement n°5 rectifié est retiré.

L'amendement n°39 rectifié est adopté.

L'article 13, modifié, est adopté.

Articles additionnels

Les amendements nos27 rectifié, 28 rectifié et 29 rectifié ne sont pas défendus.

M. le président.  - Amendement n°49 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier et MM. Alfonsi, Fortassin et Plancade.

Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'indemnité perçue conformément à l'article 13 est soumise au régime d'imposition des plus-values ou moins-values professionnelles à long terme quelle que soit la durée de détention de l'office.

II. - Faute pour l'ancien avoué d'exercer la profession d'avocat ou l'une des activités prévues à l'article 21 de la présente loi, les plus-values soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies du code général des impôts constatées lors de la perception de l'indemnité de l'article 13, entrent dans le champ d'application, selon le cas, soit de l'article 151 septies A du même code en cas de départ en retraite, soit de l'article 238 quindecies du même code et ce quelle que soit la date à laquelle a été entreprise la nouvelle activité.

III. - En cas de poursuite de l'activité d'avocat ou de l'une des activités prévues à l'article 21, les plus-values nettes soumises au régime des articles 39 duodeciès à 39 quindeciès font l'objet d'un report d'imposition jusqu'à la date de la cessation de l'activité entreprise.

Par dérogation à l'article 39 quindecies, en cas de moins-value, celle-ci sera déductible des résultats de l'exercice en l'absence de poursuite de l'activité d'avocat ou de l'une des activités prévues à l'article 21.

IV. - Les associés des sociétés civiles professionnelles ou les sociétés d'exercice libéral, décidant de continuer l'exercice sous forme de société d'avocats, seront soumis aux dispositions suivantes :

- les reports d'imposition des plus-values d'apport prévues sous les articles 93-2 et 151 octiès du même code, continueront de s'appliquer ;

- les plus-values nettes constatées en cas de perception de l'indemnité font l'objet d'un report d'imposition jusqu'à la date de cessation de l'associé ou des associés exerçant au sein de la structure.

V. - La déclaration de cessation d'exercice de l'activité prévue à l'article 202 du même code doit intervenir dans le délai de douze mois de la date du versement des indemnités prévues à l'article 13.

VI. - Les plus-values à court terme ou à long terme constatées à l'occasion de la cession d'activité ne sont pas soumises aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine. »

VII. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des I à VI ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Jacques Mézard.  - Nous précisons le régime applicable à l'indemnité allouée au titre de la suppression du droit de présentation. Nous proposons d'étendre le bénéfice des exonérations en cas de départ en retraite et de cession de branche complète d'activité en cas de cessation d'activité. Nous proposons un report d'imposition des plus-values constatées en cas de poursuite d'activité en qualité d'avocat ou de membre d'une des professions mentionnées à l'article 21. Ce report est destiné à faciliter la reconversion des professionnels concernés. L'imposition deviendra effective lors de la cessation d'exercice. Ces dispositions seraient applicables quel que soit le mode d'exercice de l'office, en nom personnel ou sous le couvert d'une société d'exercice professionnel.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Cet amendement est largement satisfait par les dispositions déjà adoptées par la commission à l'article 13, alinéa 7. Retrait.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Lors des précédentes réformes, celle des commissaires-priseurs judiciaires, nous avons appliqué le droit commun. La réforme est fiscalement neutre pour ceux qui deviennent avocats et ceux qui partent en retraite sont soumis aux mêmes dispositions que ceux qui cèdent leur office. Retrait ou rejet.

L'amendement n°49 rectifié est retiré.

Article 14

Tout licenciement survenant en conséquence directe de la présente loi entre la publication de celle-ci et le 31 décembre 2012 est réputé licenciement économique au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail.

Dès lors qu'ils comptent un an d'ancienneté ininterrompue dans la profession, les salariés perçoivent du fonds d'indemnisation prévu à l'article 19 des indemnités calculées à hauteur d'un mois de salaire par année d'ancienneté dans la profession.

Le licenciement ne prend effet qu'au terme d'un délai de préavis de deux mois à compter de la transmission par l'employeur de la demande de versement des indemnités de licenciement adressée à la commission nationale prévue à l'article 16. L'employeur notifie au salarié le contenu de la demande et la date de sa transmission à la commission.

À compter de six mois après la promulgation de la présente loi, l'employeur signifie, par lettre recommandée avec accusé de réception, à tout salarié qui en fait la demande, s'il est susceptible ou non de faire l'objet d'une mesure de licenciement répondant aux conditions définies au premier alinéa. Dans l'affirmative, le salarié concerné qui démissionne par anticipation perçoit du fonds d'indemnisation prévu à l'article 19 une indemnité exceptionnelle de reconversion égale au montant le plus favorable des indemnités de licenciement auxquelles il pourrait prétendre en vertu de l'article L. 1234-9 du code du travail ou de la convention collective nationale du travail du 20 février 1979 réglant les rapports entre les avocats et leur personnel.

L'employeur qui s'abstient de répondre à la demande du salarié ou qui lui indique qu'il n'est pas prévu qu'il fasse l'objet d'une mesure de licenciement perd le droit de voir versé par le fonds d'indemnisation prévu à l'article 19, la part de l'indemnité majorée de licenciement correspondant aux indemnités légales ou conventionnelles de licenciement qu'il lui appartient de verser à l'intéressé au titre de la rupture du contrat de travail.

M. Jacques Mézard.  - Cet article 14 est un des éléments clés de cette réforme. Il rappelle que tout licenciement intervenu du fait de cette loi est réputé économique. C'est la conséquence du fait du prince, celle d'une loi contestable qui aura de graves répercussions sur les salariés. Les propositions de la commission -un mois de salaire d'indemnité par année d'ancienneté- sont certes un progrès par rapport au texte initial ou à celui de l'Assemblée nationale. Mais les conséquences sociales de cette loi seront catastrophiques. En cette période de crise économique, il était inutile de licencier 1 600 personnes dans des conditions inacceptables.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 1

Supprimer les mots :

entre la publication de celle-ci et le 31 décembre 2012

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous voulons supprimer toute limitation temporelle à l'indemnisation : ceux qui ont démissionné en anticipant cette loi doivent aussi être indemnisés.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Il n'est pas forcément souhaitable que l'avoué qui a changé d'activité bénéficie indéfiniment de la prise en charge des indemnités de licenciement pour les salariés de son office qu'il aurait gardés à son service, après la disparition de la profession d'avoué. Mieux vaut que les avoués qui se reconvertiront dimensionnent correctement leur nouveau cabinet et procèdent d'emblée aux licenciements nécessaires, sans renvoyer ce choix à plus tard, ce qui serait en outre susceptible de troubler les règles normales de concurrence.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - De fait, ce n'est pas raisonnable. On peut déjà étaler les licenciements sur trois ans !

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par M. Détraigne, Mme Dini, M. Dubois, Mme N. Goulet, MM. Merceron, Amoudry, J. Boyer, Deneux, Borotra et Soulage et Mmes Morin-Desailly et Payet.

Alinéa 1

après les mots :

31 décembre 2012

insérer les mots :

, ou le 31 décembre 2014 pour les personnels de la chambre nationale des avoués près les cours d'appel,

M. Yves Détraigne.  - Nous demandons qu'une exception soit faite pour la Chambre nationale des avoués, dont les salariés ne seront licenciés qu'après le 31 décembre 2014.  

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Cet amendement comble un oubli de notre part. Cela ne concerne certes qu'une demi-douzaine de personnes mais il était bon d'y penser.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Le problème est réel et nous allons l'étudier, je m'y engage. Mais la solution proposée ne nous convient pas. Le Gouvernement apprécierait que cet amendement soit retiré ; dans le cas contraire, sagesse.

L'amendement n°3 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°58, présenté par le Gouvernement.

I. - Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

dans la limite de trente mois

II. - Alinéa 3, première phrase

Remplacer les mots :

délai de préavis de deux mois

par les mots :

délai de trois mois

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Le Gouvernement a accepté une nouvelle avancée pour les salariés des avoués, après celle qu'il avait faite devant l'Assemblée nationale. Nous avions d'abord voulu privilégier les salariés les plus anciens. Après discussion avec M. Gélard, nous avons rejoint son idée d'indemnité de licenciement d'un mois de salaire par année d'ancienneté, que nous plafonnons à trente ans, comme pour les salariés des commissaires-priseurs judiciaires.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 3, première phrase

Supprimer les mots :

de préavis

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Jugeant insuffisant le dispositif prévu par l'Assemblée nationale pour l'indemnisation de ces salariés, la commission des lois a adopté un amendement prévoyant que les salariés perçoivent, dès lors qu'ils comptent un an d'ancienneté ininterrompue dans la profession, des indemnités de licenciement calculées à hauteur d'un mois de salaire par année d'ancienneté. La commission a également prévu le versement direct par le fonds d'indemnisation des sommes dues au titre du licenciement des salariés des avoués. II s'agit d'une amélioration incontestable dont nous nous réjouissons. Toutefois, nous vous proposons une modification rédactionnelle.

En effet, la notion de préavis n'existe, selon le code du travail, qu'après la prise d'effet d'un licenciement, pas avant.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - L'amendement n°58 confirme la position défendue par la commission des lois sur l'indemnisation des salariés des avoués, sur la base d'un mois de salaire par année d'ancienneté. Elle fixe cependant à cette indemnisation le plafond de trente mois, conformément à ce qui avait été retenu pour les salariés des commissaires-priseurs.

Cet amendement montre que nous pouvons trouver un terrain d'entente si le Gouvernement fait un effort. (Sourires)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Et vous aussi !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - L'amendement n°16 supprime la référence au délai de préavis prévu par le présent article, au motif que le préavis interviendrait après la prise d'effet du licenciement. Ce n'est pas exact : le préavis correspond au laps de temps qui s'écoule entre la notification du licenciement et la cessation du contrat de travail. Défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - L'amendement n°16 est satisfait par le mien, qui est plus généreux. Il peut être retiré.

M. Bernard Frimat.  - Je ne comprends pas, cette fois, le rapporteur, qui est pourtant excellent sur ce texte. Quand un amendement du Gouvernement supprime « de préavis », il lui est favorable ; quand c'est un amendement socialiste qui dit la même chose, il lui est hostile ! Il aurait pu dire que l'amendement était satisfait par celui du Gouvernement qui est meilleur.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Il est satisfait.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - L'amendement du Gouvernement limite à trente mois le versement de l'indemnité alors que la rédaction de la commission ne posait aucune limite. Nous voterons contre.

L'amendement n°58 est adopté.

L'amendement n°16 devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°57, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Celui qui démissionne par anticipation peut-il toucher les indemnités ? Ce serait contraire au droit du travail : c'est le licenciement que l'on indemnise ! Et surtout, c'est inutile car des salariés qui démissionnent le font parce qu'ils ont trouvé un autre emploi, que ce soit dans un cabinet d'avocat ou dans une juridiction. Le Gouvernement a d'ailleurs prévu des modalités d'accompagnement de toute sorte ; il a créé des postes de greffe, prévu des passerelles très avantageuses. Il n'est donc pas nécessaire de recourir à une indemnité supplémentaire.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Je suis en total désaccord. Nous cherchons à faire faire des économies à l'État !

L'indemnité de reconversion aidera les clercs d'avoués à créer une entreprise ou changer de métier et sera moins coûteuse que l'indemnité de licenciement. La plupart des employés des études d'avoués vont perdre une partie de leur revenu. S'ils démissionnent avant que cela se produise, nous devons les aider.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - C'est ce que nous faisons.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Ce n'est pas suffisant : s'ils subissent une diminution de leurs revenus durant trop longtemps, ils attendront de toucher leur indemnité de licenciement. Et cela coûtera plus cher à l'État que l'indemnité de reconversion.

M. le président.  - Amendement n°61, présenté par M. Gélard, au nom de la commission.

I. - Alinéa 4

Au début de cet alinéa, supprimer les mots :

A compter de six mois après la promulgation de la présente loi,

II. - Alinéa 5

Après les mots :

de répondre

insérer les mots :

dans le délai de deux mois

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Cet amendement prévoit que le salarié pourra, dès la publication de la loi, demander à son employeur s'il envisage de le licencier ou non. L'employeur disposerait de deux mois pour répondre ; à défaut, il perdrait le bénéfice du remboursement des indemnités de licenciement. Ainsi, la situation des salariés sera clarifiée.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Durant l'année de transition, les avoués pourront préparer leur reconversion. Dans cette période, ils continueront à assurer leurs fonctions. Si l'indemnité de reconversion incite leurs salariés à quitter l'office, les études se videront et connaîtront des difficultés de fonctionnement. L'intérêt des employés est déjà pris en compte grâce aux possibilités de reconversion. S'ils trouvent un emploi, ils peuvent quitter l'entreprise. Je ne peux être favorable à l'amendement de la commission.

L'amendement n°57 n'est pas adopté.

L'amendement n°61 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Un décret en Conseil d'État fixe les modalités selon lesquelles les indemnités de reclassement ainsi que toutes les mesures de reconversion et d'accompagnement dues aux salariés, négociées soit dans le cadre d'une convention tripartite entre l'État, la chambre nationale des avoués et les organismes syndicaux représentatifs, soit dans le cadre d'une convention bipartite entre la chambre nationale des avoués et les organismes syndicaux représentatifs, sont intégralement prises en charge par l'État, que ce soit par l'intermédiaire du Fonds national pour l'emploi ou du fonds d'indemnisation prévu à l'article 19, et versées à leurs bénéficiaires au fur et à mesure de leur exigibilité.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Une fois n'est pas coutume, nous présentons un amendement qui renvoie à un décret...

Le texte ne mentionne que la prise en charge par l'État via le FNE de la seule indemnité de licenciement, et non des autres indemnités liées à toute rupture de contrat de travail. La volonté du législateur de ne pas faire supporter à l'avoué les charges financières des licenciements doit être formalisée. Il faut également préciser que les mesures de reconversion et d'accompagnement négociées par l'État, la Chambre nationale des avoués et les organismes syndicaux représentatifs des salariés devront être intégralement prises en charge par l'État.

Lors de l'annonce de la suppression de la profession d'avoué, les ministères de la justice et du travail s'étaient engagés à formaliser les mesures d'accompagnement dans une convention tripartite. En avril, l'État a unilatéralement décidé que cela était juridiquement impossible. Il confirme aujourd'hui ce revirement. Si l'État ne signe pas cette convention, il risque de refuser de prendre en charge les mesures conventionnelles qui accompagnent habituellement les suppressions de postes, licenciements et fermetures d'entreprises. Les partenaires sociaux avaient pourtant progressé dans la préparation de ces mesures comme sur les budgets associés, inspirés du contenu des plans de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre lors des licenciements collectifs. Sans engagement financier de l'État, ce dossier est bloqué.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Cet amendement n'ajoute rien au dispositif prévu par le texte. Une partie des sommes versées par la Caisse nationale des avoués sera remboursée par le fonds d'indemnisation. Avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Je souhaite rassurer M. Godefroy : les mesures de reclassement et d'accompagnement seront intégralement prises en charge par l'État par l'intermédiaire du FNE ou du fonds d'indemnisation prévu à l'article 15. Votre amendement est satisfait : vous pouvez le retirer. A défaut, avis défavorable.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

L'article 14, modifié, est adopté.

Article 14 bis

I. - Les avocats, les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, les notaires, les commissaires-priseurs judiciaires, les greffiers de tribunal de commerce, les huissiers de justice, les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires bénéficient de l'exonération de charges sociales définie au II, lorsqu'ils emploient un salarié justifiant, au plus tard le 1er janvier 2010, d'un contrat de travail d'une durée de douze mois minimum auprès d'un avoué.

II. - Les gains et rémunérations, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, versés au cours d'un mois civil aux salariés des anciens avoués par une personne exerçant l'une des professions visées au I sont exonérés des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales, des allocations familiales et des accidents du travail, dans la limite du produit du nombre d'heures rémunérées par le montant du salaire minimum de croissance majoré de 50 %.

Cette exonération prend fin deux ans après l'entrée en vigueur du chapitre  Ier et ne peut être appliquée aux gains et rémunérations d'un salarié pendant plus de dix-huit mois.

III. - Les pertes de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de l'application du  II sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Jacques Mézard.   - Les salariés des avoués ne sont pas victimes de la crise, d'une mauvaise gestion de leur employeur ou d'une concurrence effrénée mais de ce projet de loi, qui résulte d'un choix. La commission, dans sa sagesse, a introduit l'article 14 bis qui exonère de cotisations sociales les professions juridiques et judiciaires qui embaucheraient des salariés ayant été employés au moins douze mois dans une étude d'avoué. Cette mesure facilitera la recherche d'emploi de ces personnels. Estimant que cette disposition n'est pas justifiée, le Gouvernement a déposé un amendement de suppression. Veut-on vraiment faciliter la recherche d'emploi de ces salariés ? Les dispositions prévues par cet article relèvent d'une véritable nécessité car ces employés sont les principales victimes de ce texte. Ils n'ont pas fait brûler leurs dossiers devant les palais de justice...

M. Bernard Frimat.  - Ou de la paille !

M. Jacques Mézard.  - ...ni installé des bombonnes de gaz : ils sont restés dignes et ont défendu leurs positions dans le respect de la démocratie. Nous devons faire tout notre possible pour les aider.

M. Jean-Pierre Michel.  - Nous voterons l'article inséré par la commission même si nous sommes sceptiques sur le dispositif prévu. L'exonération n'incitera pas les avocats à embaucher les anciens salariés des avoués car ils ont déjà suffisamment de personnel, et moins bien payé. Toutefois, si cette disposition peut aider un ou deux salariés, cet article sera bienvenu.

M. le président.  - Amendement n°53, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Nous faisons tout pour aider les salariés, mais le dispositif d'exonération de la part patronale des cotisations sociales est inutile, car il existe déjà un dispositif de droit commun, le « Fillon ». Cette exonération serait également inéquitable car elle s'appliquerait pour les salaires d'un montant jusqu'à 1,6 fois le Smic, ce qui créerait un effet de seuil -vous avez à de nombreuses occasions critiqué ces effets pervers. Il serait en outre problématique juridiquement car il méconnaît les dispositions du code de la sécurité sociale en vertu desquelles les allégements doivent être compensés par des crédits budgétaires ou la suppression d'une exonération du même montant. L'article ne prévoit ni compensation, ni gage.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - J'ai bien entendu les remarques de Mme la ministre d'État. Cet article, en quelque sorte d'appel, marque la volonté de la commission de prendre en charge au mieux les personnels des avoués. Je suis d'avis de laisser la navette faire son oeuvre et voir, par exemple, si le dispositif Fillon s'applique en l'espèce, ce dont je doute. Dans l'immédiat, avis défavorable.

L'amendement n°53 n'est pas adopté.

L'amendement n°42 rectifié est retiré.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - L'état des comptes sociaux impose d'être prudent avec les exonérations de charges ; je rappelle aussi que ces exonérations doivent être remboursées par l'État à la sécurité sociale, qui lui doit déjà 3 milliards d'euros...

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Je fais miens ces propos, en rappelant que le Gouvernement vient de faire adopter la fiscalisation des indemnités d'accident du travail. Attention à ne pas faire deux poids deux mesures...

L'article 14 bis est adopté.

Prochaine séance demain, mardi 22 décembre 2009, à 14 h 30.

La séance est levée à 23 h 50.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 22 décembre 2009

Séance publique

A QUATORZE HEURES TRENTEET, ÉVENTUELLEMENT, LE SOIR

1. Discours de fin d'année de M. le Président du Sénat.

2. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de la représentation devant les cours d'appel (n°16, 2009-2010).

Rapport de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°139, 2009-2010).

Texte de la commission (n°140, 2009-2010).

3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.

Rapport de M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour le Sénat (n°122, 2009-2010).

4. Éventuellement, suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de la représentation devant les cours d'appel (n°16, 2009-2010).