Récidive criminelle (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons nos débats.

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion présentée par MM. Badinter, Anziani, Charles Gautier, Mme Klès, M. Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée Nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale (n°258, 2009-2010).

M. Charles Gautier.  - Ce texte est caractéristique de la politique pénale du Gouvernement : il est fondé sur une accumulation de clichés médiatiques à propos des délinquants dangereux. Il vise à contourner la censure partielle par le Conseil constitutionnel de la loi du 25 février 2008.

Lorsqu'il fut déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale en novembre 2008, ce texte ne contenait que quelques dispositions. Le Gouvernement, n'y voyant aucune urgence particulière, a longtemps tardé à le mettre à l'ordre du jour. Mais un événement tragique a bouleversé le fond et la forme de ce projet. Le meurtre d'une femme par un criminel sexuel récidiviste a relancé le débat médiatique et la Présidence de la République s'est adonnée à la surenchère. Ce texte jusqu'alors en sommeil fut profondément modifié par voie d'amendements par le Gouvernement qui engagea la procédure accélérée afin de faire croire à sa réactivité.

Le principe de proportionnalité est bafoué. Un meurtre, aussi atroce et violent soit-il, justifie-t-il systématiquement une réforme pénale ? Voici le quatrième texte relatif à la récidive que nous examinons depuis quatre ans ; je n'évoquerai même pas la réforme pénitentiaire. Quel aveu d'échec ! Si la politique pénale et pénitentiaire du Gouvernement était efficace, nous n'aurions pas à modifier sans cesse le droit pénal !

Sommes-nous si mauvais législateurs qu'à chaque fait divers, nous devions faire le constat que tous les risques n'étaient pas prévus ? Attendons donc le prochain fait divers qui, inévitablement, servira à justifier un nouveau texte ! Nous sommes arrivés au bout de la logique de la « tolérance zéro ». Les statistiques relatives aux crimes les plus graves restent stables ou augmentent, ce qui prouve que la surenchère répressive ne sert à rien. Elle peut même être dangereuse car elle autorise l'arbitraire.

Malgré une forme très technique, ce projet de loi comporte des dispositions attentatoires aux principes démocratiques fondamentaux. De nombreux acteurs de la procédure pénale nous ont faire part de leur inquiétude. Tout d'abord, ce texte étend de manière injustifiée des mesures d'exception. Surveillance et rétention de sûreté ont été présentées lors de l'examen de la loi du 25 février 2008 comme des mesures exceptionnelles et voici qu'au premier drame, le Gouvernement tente de les généraliser ! La surveillance de sûreté ne sera plus révisée tous les ans mais tous les deux ans. A l'article 2 bis, la personne est déclarée libre de refuser son placement sous surveillance électronique mobile, mais elle sera alors passible d'une rétention de sûreté. Ce texte autorise le glissement de la surveillance à la rétention de sûreté et banalise cette dernière.

Dans le cadre des dispositions relatives à l'injonction de soins et à la surveillance judiciaire, les condamnés pourraient obtenir des réductions de peine. Mais le refus ou l'arrêt du traitement entraînerait un placement en rétention de sûreté dans le cadre de la surveillance de sûreté. Psychiatres et experts sont unanimes pour déclarer que les injonctions de soins sont tout à fait inutiles dans la plupart des cas.

En outre, ce texte entretient l'illusion qu'une surveillance constante est possible et normale après la peine. Il contient des mesures d'interdiction de paraître dans certains périmètres tout à fait inutiles puisque le code pénal contient déjà des mesures d'interdiction de séjour. Les mesures d'injonction de soins font apparaître une dangereuse confusion entre les rôles du juge et du médecin.

Comme dans chaque projet de loi que présente le Gouvernement, celui-ci étend le fichage. Il alourdit encore les obligations pesant sur les personnes inscrites dans le Fijais. Il étend le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg) aux personnes déclarées coupables et non plus seulement aux condamnés. Enfin, il crée un nouveau fichier qui ne dit pas son nom : le « répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires », qui contiendra les dossiers, expertises, examens, évaluations des experts. Inutile de préciser que ce nouveau fichier n'a pas fait l'objet d'une consultation de la Cnil. Sa création est en totale contradiction avec les conclusions du rapport des députés Mme Batho et M. Bénisti. Nous voici en pleine « fichéo-surveillance »...

M. le rapporteur a quelque peu édulcoré ce projet de loi, corrigeant les mesures les plus attentatoires aux principes démocratiques. Ce texte n'en reste pas moins en tout point opposé à notre philosophie pénale. Nous comptons parmi nos collègues l'éminent défenseur de l'abolition de la peine de mort. La rétention de sûreté n'est-elle pas une peine de mort sociale ? La majorité veut faire croire que l'on doit écarter définitivement de la société certains délinquants sous prétexte qu'ils récidiveront nécessairement. Cela nous place sur une pente très glissante : on justifie la privation de liberté d'un homme non pour ce qu'il a commis mais pour ce qu'il pourrait commettre un jour ! Que fait-on du risque d'erreur judiciaire ? Que fait-on de l'idée qu'un homme peut comprendre ses erreurs et se racheter ? On condamne à l'enfermement à vie des personnes considérées comme criminelles par essence. Certes, il est prévu des possibilités de révision régulière mais dans un tel contexte, quel magistrat ou quel médecin prendra la responsabilité de décréter que telle personne ne récidivera jamais ?

Je ne reviendrai pas sur les chiffres édifiants de la récidive : ils sont incontestables. La rétention de sûreté que la majorité nous présente comme la solution miracle ne s'appliquerait qu'à une petite dizaine d'individus. Certains demandent : « Avons-nous le droit de fermer les yeux ? » Ce discours est insupportable quand on connaît la faiblesse des moyens alloués aux unités médicales et psychiatriques et aux services d'aménagement des peines. Les recommandations du rapport Lamanda n'ont pas été suivies d'effets.

Enfin, l'expression de « castration chimique », qui vise avant tout à frapper les esprits, prouve le but médiatique de ce texte : un traitement hormonal n'est en rien une castration !

Le rapporteur a beau s'être appliqué à le nettoyer de ses pires assertions, ce texte viole plusieurs principes constitutionnels. Nous relayons les demandes des syndicats de psychiatres experts judiciaires qui demandent au minimum l'abandon de la procédure d'urgence et nous invitons nos collègues à voter cette motion d'irrecevabilité. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Si le Président de la République avait voulu, à Dieu ne plaise, contourner la décision du Conseil constitutionnel, il n'aurait pas demandé conseil au premier magistrat de France ! Il s'agissait de trouver des solutions pour faire face au risque de récidive, et nous sommes nombreux à avoir souligné le grand intérêt du rapport Lamanda !

Je ne partage pas votre pessimisme sur les textes déjà votés : avec la loi pénitentiaire, adoptée à une large majorité et sur laquelle les socialistes se sont abstenus, le nombre de personnes incarcérées a diminué et l'encellulement individuel est en passe de devenir réalité.

Si la surveillance de sûreté passe de un à deux ans, c'est qu'il faut aujourd'hui se préoccuper de son renouvellement dès six mois, alors que l'on souhaite précisément rendre le juge attentif à l'évolution de la personne. La commission a prévu une possibilité de mainlevée tous les trois mois : les libertés de la personne sont protégées.

Il n'y a pas de basculement automatique de la surveillance à la rétention de sûreté en cas de refus de placement sous surveillance électronique mobile ou d'injonction de soins : le texte préserve la liberté de choix des autorités.

Nous sommes loin d'un « fichage généralisé » : le répertoire des données à caractère personnel mis en place n'est pas un fichier répressif mais doit aider le juge à avoir une meilleure appréhension de la situation de la personne, qu'on va bien plus aider que stigmatiser.

Enfin, l'expression de « castration chimique » est à bannir. Un traitement médicamenteux peut avoir un intérêt pour certains délinquants sexuels, à certains moments : nous n'y voyons nullement une panacée. Il ne mérite ni cet excès d'honneur, ni cette indignité.

La différence majeure entre nous vient de ce que l'opposition n'a pas accepté le principe même de la rétention de sûreté. La loi vise un nombre homéopathique de détenus dont la remise en liberté fait courir un risque considérable à la société. La seule personne aujourd'hui en surveillance de sûreté est d'ailleurs plus proche du malade mental que du délinquant...

En refusant la révision du quantum de peine, qui aurait banalisé la rétention de sûreté, la commission des lois a rendu sa virginité au projet de loi, avec l'accord du ministre. Il n'y a pas l'ombre d'une esquisse d'inconstitutionnalité : j'invite donc le Sénat à repousser cette motion. (Applaudissements à droite)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Le rapporteur a très bien argumenté. Je ne vois pas comment un texte qui vise à se ranger aux remarques du Conseil constitutionnel pourrait être inconstitutionnel ! Je n'ai pas relevé beaucoup d'arguments chez M. Gautier, mais plusieurs erreurs...

Un meurtre mérite-t-il un texte législatif ? Oui, s'il est révélateur de lacunes. Nous avons le devoir d'adapter notre législation aux évolutions : la sécurité de nos concitoyens l'exige. Dès lors que nous portons atteinte à la liberté de quelqu'un, il faut une loi pour poser la question de la proportionnalité. Ce texte est perfectible -vous pourrez l'amender- mais son examen est nécessaire.

Je passe sur la confusion entre fichier et répertoire, ou sur les moyens alloués aux médecins et à la réinsertion, sur lesquels j'ai déjà répondu.

Je note que l'opposition est la seule à parler de « castration chimique »...

M. Charles Gautier.  - C'est l'expression courante dans les journaux !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Mieux vaut ne pas l'utiliser, même si elle est d'origine médicale.

Les cas visés par cette mesure sont en effet très rares, Dieu merci, mais toujours trop nombreux. Outre le meurtre de Mme Hodeau, il y a eu le viol d'un jeune garçon par un récidiviste ; dans mon département, j'ai rencontré des familles de victimes décapitées par quelqu'un aux lourds antécédents. On ne peut faire abstraction de ces drames : n'oublions pas notre part d'humanité. (« Très bien ! » et applaudissements à droite)

M. Alain Anziani.  - « Castration chimique », le mot est choquant. Nul ne l'a employé pour cautionner mais pour dénoncer ! Tous les rapports jugent le terme absurde. Vous nous faites un mauvais procès !

M. Badinter a mis l'accent sur la confusion des pouvoirs. Mécontent d'une décision du Conseil constitutionnel, le Président de la République demande au Premier président de la Cour de cassation de jouer les conseillers. Or en République, il doit y avoir séparation des pouvoirs !

Enfin, quid de la constitutionnalité de l'article 8 ter ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - M. Gautier ne l'a pas évoquée !

M. Alain Anziani.  - Par glissement, l'application immédiate de surveillance de sûreté se transpose à la rétention de sûreté. Il faudrait clarifier ce point. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous voterons la motion. Le motif principal d'inconstitutionnalité réside dans la loi précédente, motif encore élargi par celle-ci. La rétention de sûreté qui, décidée par un juge, est, qu'on le veuille ou non, une peine rétablit de fait la perpétuité. La question est grave, qu'il faut apprécier au regard des principes fondamentaux de notre droit.

Mme la garde des sceaux a estimé que j'avais travesti la réalité. Mais la population carcérale a bien doublé en trente ans, le fait qu'elle ait diminué récemment n'y change rien. Je continue de penser qu'il n'y a pas de lien direct entre l'aggravation de la loi pénale et l'évolution de la criminalité : à cette question de fond, la ministre n'a pas répondu. J'ai dit aussi qu'il y avait certes des intentions de soins en milieu carcéral mais que, comme en amour, seuls les actes comptaient. Francis Evrard avait passé trente deux ans en prison sans aucun suivi psychiatrique avant de commettre un viol en 2007. Nous devons nous interroger sur l'application des lois que nous votons et ne pas les adopter les unes après les autres, comme des girouettes, au gré des circonstances.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je voudrais répondre aux griefs soulevés par M. Alain Anziani, que M. Charles Gautier n'avait pas évoqués. Même si la surveillance de sûreté peut prolonger les obligations du suivi socio-judiciaire ou de la surveillance judiciaire, ne pourront y être soumises que les personnes condamnées à au moins quinze ans d'emprisonnement. La modification du seuil pour le placement sous surveillance judiciaire ne change rien : les personnes condamnées à moins de quinze ans, même si elles sont sous surveillance judiciaire, ne pourront être mises sous surveillance de sûreté, et encore moins en rétention de sûreté. Ensuite, si notre droit prévoit que des règles de procédure pénale plus sévères ne peuvent être rétroactives, ces règles n'ont qu'une valeur législative ; il peut donc y être dérogé par des dispositions législatives expresses. C'est précisément l'objet de l'article 8 ter.

A la demande du groupe UMP, la motion n°2 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 152
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1, présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe crc-spg.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale (n°258, 2009-2010).

Mme Éliane Assassi.  - C'est à la suite d'un fait divers atroce que ce texte, enterré pendant un an, est mis à l'ordre du jour. Si la compassion est pour tous naturelle, l'utilisation de drames à des fins politiques est inadmissible. Ils ne peuvent justifier la surenchère sécuritaire à laquelle nous assistons depuis 2002. Je rappelle que la loi de 2008 avait été votée dans un contexte similaire. Ni l'émotion ni la peur ne doivent fonder la loi. En s'appuyant sur l'émotion, le législateur manipule l'opinion. En étant guidé par la peur et par l'obsession sécuritaire, il est conduit par prudence à enfermer toujours plus longtemps, à surveiller toujours davantage, au nom de l'idée, non fondée scientifiquement, qu'une personne condamnée peut récidiver. Manipuler une émotion légitime, faire peur en agitant des faits divers, c'est entrer dans la société du spectacle dénoncée par Guy Debord, où le crime devient une marchandise médiatique jouant sur une fascination morbide.

Tout se passe comme Daniel Boorstin l'affirmait dans les années 1960 : « Nous n'allons pas mettre l'image à l'épreuve de la réalité mais mettre la réalité à l'épreuve de l'image ». Ces événements tragiques, mais heureusement isolés, laissent croire, à tort, à une inflation de ces crimes, ce qui permet de mettre en place une politique de surveillance et de justifier les mesures attentatoires aux libertés publiques. Si l'on s'efforce de sortir de l'émotion, on constate que la récidive n'est que de 1 %. A chaque horrible assassinat relayé par les médias, devrons-nous durcir la loi ? La rétention de sûreté créée en 2008 franchissait déjà des limites bien dangereuses en permettant l'enfermement d'un condamné une fois la peine purgée, sans jugement, sans nouveau fait, pour une durée indéterminée, en raison d'une éventuelle récidive. La prison après la prison pour un fait non commis ! Ce dispositif inadmissible est aujourd'hui encore durci avec la quasi-obligation de suivre un traitement antihormonal. Quelle sera la prochaine étape ? Éliminera-t-on demain les condamnés dangereux pour éviter leur récidive ?

Ce projet de loi permet au Gouvernement d'afficher sa prétendue efficacité dans la lutte contre la récidive en exploitant la fibre sensible de l'insécurité. Entre un texte sur les violences de groupe, la Loppsi II et ce projet de loi, la sécurité vous inspire à l'aube d'échéances électorales ! Encore une fois, la loi sert de support de communication au Gouvernement qui fait croire qu'il agit alors qu'il n'agite que les peurs populaires. Depuis 2002, nous en sommes à la quatrième loi sur la récidive, sans résultat.

Comme le souligne le rapport de M. Lamanda, Premier président de la Cour de Cassation, notre arsenal juridique suffit. En outre, méprisant le travail des parlementaires, le Gouvernement multiplie les textes à des fins d'affichage politique sans se soucier de la qualité du travail produit et du bon fonctionnement démocratique. Alors que la loi portant création de la rétention et de la surveillance de sûreté n'est que partiellement appliquée, ce nouveau projet de loi a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale en novembre 2008. Pourquoi le faire adopter en procédure accélérée un an après ? S'il y a une urgence, c'est celle qui consiste à amputer le Parlement de ses maigres pouvoirs. MM. Larcher et Accoyer ont annoncé la création d'un groupe de travail pour « améliorer la qualité de la loi et les conditions de son élaboration ». Ils constatent que la loi, redondante, se dévalorise. Ils estiment qu'« une bonne loi nécessite un temps de réflexion incompressible, il en va de la sécurité juridique de nos concitoyens et du bon fonctionnement de la démocratie ». L'examen de ce projet de loi doit donc être suspendu pour rétablir les conditions d'un débat parlementaire convenable.

En outre, il est invraisemblable de constater l'absence d'une quelconque étude d'impact. On ne comprend que trop bien les raisons de cette absence : une étude démontrerait que les mesures déjà adoptées par le Parlement en matière de récidive sont inefficaces, faute de crédits, comme le souligne le rapport Lamanda. Il est aussi nécessaire de renforcer les secrétariats des services de l'application des peines, d'augmenter le nombre de conseillers d'insertion et de probation de façon à permettre aux SPIP d'effectuer des suivis renforcés et de mettre en place un accompagnement adapté à chaque condamné pour prévenir le risque de récidive. Nous proposons également d'augmenter les effectifs des médecins coordonnateurs et les moyens dont sont dotés les services médico-psychologiques. A l'heure actuelle, les injonctions de soins ne peuvent être mises en place de façon satisfaisante dans plus de la moitié des juridictions. Il est d'autant plus inutile de généraliser l'injonction de soins et de rendre le traitement antihormonal quasiment obligatoire alors que le suivi médical ne sera pas assuré. Enfin, une attention particulière doit être portée à la médecine pénitentiaire en complétant la formation des médecins et en revalorisant les conditions matérielles de leur intervention en milieu pénitentiaire. L'utilisation de traitements antihormonaux doit faire l'objet d'une étude approfondie : elle est contestée par de nombreux médecins et ses effets secondaires sont encore mal connus, il serait aberrant de généraliser ce traitement alors que le problème est avant tout psychologique. Comment appliquer des décisions de prise en charge psychiatrique sans moyens humains et budgétaires supplémentaires ? La France est le pays d'Europe qui dépense le moins par habitant pour sa justice puisqu'elle était, en 2008, au trente-cinquième rang européen.

Cette absence d'étude permet également au Gouvernement de ne pas affronter la véritable cause de la récidive : la situation dramatique des prisons françaises. Les conditions de détention y sont inhumaines, avec une augmentation du nombre de suicides et des conditions de travail des personnels dégradées. La surpopulation carcérale, conséquence de la multiplication des lois répressives, provoque de nouvelles souffrances, de nouvelles pathologies et de nouvelles violences. La prison, espace de l'injustice sociale, de la misère et de la souffrance, est elle-même créatrice de violence et de récidive.

Il est urgent de changer de politique pénale en se dirigeant vers un accompagnement et un suivi social, médical, judiciaire adapté. L'accumulation des mesures pénales répressives ne résoudra en rien la question délicate de la récidive, elle l'aggravera même davantage tant que les prisons françaises resteront cette « humiliation pour la République » dénoncée par le Sénat en 2000.

Dans son rapport, M. Lamanda rappelle que « le phénomène de récidive criminelle a des degrés divers selon les lieux et les époques : il marque malheureusement l'histoire du monde. C'est pourquoi, il faut s'efforcer de le juguler au mieux, faute de ne pouvoir jamais le supprimer. L'objectif (...) était bien celui là : viser à une meilleure appréhension de ce risque, inhérent, en quelque sorte, à la nature humaine, et rechercher les moyens de le réduire toujours. (...) Il ne pouvait s'agir d'atteindre l'illusoire idéal d'une société sans récidive criminelle mais de contribuer à éclairer, (...) une société qui, consciente de sa propre part de violence, se doit d'être lucide et vigilante à la fois ».

Comme l'État ne dote pas la justice des moyens nécessaires pour prévenir la récidive criminelle, il n'y a pas lieu de poursuivre la discussion sur ce texte tellement dangereux pour la loi, le Parlement, la justice française et la démocratie. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Mme Assassi fait des propositions tout à fait intéressantes qui reprennent d'ailleurs certaines mesures prônées par le rapport Lamanda. Il serait effectivement souhaitable d'avoir davantage de conseillers d'insertion et de probation, de renforcer les secrétariats des juges d'application des peines, le rôle des médecins coordonnateurs. Mme le ministre nous a d'ailleurs dit que des progrès ont été accomplis.

En revanche, je ne suis pas d'accord avec cette idée reçue de l'affaiblissement des pouvoirs du Parlement. Même si l'on peut regretter la procédure accélérée, le Parlement a montré ses compétences. Depuis la dernière révision constitutionnelle, c'est davantage le cas encore avec la modification des textes du Gouvernement par la commission. En outre, ce thème n'est pas récent : je me souviens d'un débat à l'Assemblée nationale où le Premier ministre, Georges Pompidou, disait : « Si je comprends bien, vous n'existez pas ou à peine et le Gouvernement n'est guère mieux loti. Notre exercice de style ressemble à un exercice autrefois prisé qui était celui du dialogue des morts. » (Sourires)

Il me semblait que vous motiviez votre motion par un défaut d'études préalables mais nous ne manquons pas de rapports sur le sujet, voyez ceux de MM. Burgelin, Lamanda, ou encore Gautier et Goujon. Les statistiques précises font certes défaut, on évalue la récidive entre 1 et 5 %, certains vont même jusqu'à 25 % : ce sera la tâche de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales de fournir des chiffres précis.

Vous prétendez encore que ce texte serait inutile mais je lui trouve la qualité de codifier les réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel et d'améliorer l'état de notre droit. En particulier, une personne qui ne respecterait pas ses obligations de suivi pourra être interpelée directement par la police, ce qui est un progrès. Avis défavorable à la question préalable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Je veux rassurer Mme Assassi : ce texte répond si peu à un objectif de communication gouvernementale que la presse n'en parle quasiment pas ! Ce que nous voulons, c'est limiter la récidive. Votre attitude correspond à une politique constante de votre parti et les Français, élection après élection, vous disent ce qu'ils en pensent ! (Exclamations à gauche)

M. Guy Fischer.  - C'est bas ! On en reparlera !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce type d'argument n'est pas digne du Parlement !

M. Jean-Pierre Michel.  - Tout le monde ici veut limiter la récidive, mais nous différons sur les moyens d'y parvenir. Cependant, la meilleure méthode, c'est d'éviter toute sortie « sèche », c'est de garantir un accompagnement à la sortie de prison !

La question des moyens se pose immédiatement ! Or, malgré les assurances de Mme le garde des sceaux, nous savons qu'ils manquent, pour le suivi judiciaire, pour le suivi psychiatrique. Je le sais pour m'occuper d'une association spécialisée : on ne peut assurer que le suivi psychiatrique de ceux qui se présentent à l'hôpital mais pour les autres, on ne fait rien s'ils ne viennent pas.

Les moyens mis en oeuvre sont donc un préalable. M. le rapporteur en convient puisqu'il présentera un amendement qui reportera des mesures tant que les moyens nécessaires ne seront pas mobilisés.

Deuxième préalable, nous manquons d'études d'impact, en particulier des nombreuses mesures que les députés ont ajoutées, d'eux-mêmes ou en répondant au voeu du Gouvernement. L'efficacité du traitement anti-libido, en particulier, fait l'objet de débat : qu'en est-il ?

Troisième préalable, le répertoire que ce texte introduit n'a pas été visé par la Cnil, le président de la Cnil a émis des objections, en commission, et il vaudrait peut-être mieux améliorer les fichiers qui existent déjà, en particulier Cassiopée.

Ces trois préalables justifient donc parfaitement que nous votions la question préalable !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Madame le ministre, votre argument électoral n'est pas digne du Parlement, je pourrais vous dire que malgré une propagande électorale centrée sur l'insécurité, le Président de la République est au plus bas dans les sondages !

Ce qui est important, c'est de réduire la récidive et que la justice soit mieux rendue. Or, nous légiférons pour la quatrième fois contre la récidive et la dix-septième fois en matière pénale depuis 2002. A quoi cela sert-il ? L'adoption de tant de lois est-elle autre chose qu'un affichage permanent ? Quel en est le résultat ? Bien sûr qu'il se commet encore des crimes, et d'horribles, et la compassion pour les victimes est partagée sur tous les bancs ! Est-ce bien légiférer que de multiplier les lois sans que ni les professionnels ni les citoyens ne sachent pourquoi ? (Applaudissements à gauche)

A la demande du groupe UMP, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 325
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l'adoption 138
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion des articles

Article additionnel avant l'article premier A

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n°2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental est abrogée.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le Conseil constitutionnel a censuré la rétroactivité mais non l'institution d'une peine après la peine. Nous y sommes opposés et ce n'est pas par refus de lutter contre la récidive ou de surveiller les criminels dangereux. Mais là, nous sommes à la frontière de la psychiatrie et de la justice et cette loi nous parait inadaptée.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Notre législation n'est pas la tapisserie de Pénélope et nous n'avons pas à défaire en 2010 ce que nous avons voté en 2008. Nous sommes une majorité à être favorables à cette rétention de sûreté tout en souhaitant qu'elle soit pratiquée à dose homéopathique. Avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - En répondant à la décision du Conseil constitutionnel, sur la base du rapport Lamanda, nous faisons oeuvre législative utile et cohérente. L'actualité nous y invite : aujourd'hui encore, un jeune garçon a été agressé par un récidiviste. Les textes précédents étaient utiles mais présentaient des lacunes que nous sommes ici pour tenter de combler. Je ne dis pas que ce projet de loi était parfait et moi-même, j'étais opposée à certains amendements adoptés par les députés. Mais il est bon que nous tentions de l'améliorer avec les amendements et sur la base de l'excellent travail du rapporteur. Ce n'est pas là une affaire de communication préélectorale puisque ce texte a été soumis à l'Assemblée nationale il y a déjà un certain temps. Je souhaite donc que nous l'examinions de façon sereine et pragmatique pour répondre aux attentes de nos concitoyens. Nous règlerons ainsi des problèmes peu nombreux heureusement, mais qui ressurgissent régulièrement.

Ce n'est pas un problème de moyens. Même si nous disposions de tous les moyens de réinsertion, des problèmes subsisteraient encore, que ce texte permet de régler, par exemple l'interdiction, pour un condamné, de revenir à proximité de sa victime. Tentons donc d'améliorer ce texte pour le rendre le plus performant possible. Avis défavorable.

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°14 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 152
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Article premier A

Le deuxième alinéa de l'article 706-53-13 du code de procédure pénale est complété par les mots : « ou, lorsqu'ils sont commis en récidive, de meurtre, torture ou actes de barbarie, viol, enlèvement ou séquestration ».

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, ajoute comme qualification d'aggravation pour les actes visés celle de récidive. Or, comme le précise le rapport de la commission des lois, « l'état de récidive peut être considéré comme une circonstance générale d'aggravation susceptible de porter la peine encourue à la réclusion criminelle à perpétuité ». Autrement dit, la récidive aggrave la répression de l'infraction. Pourquoi, alors, cet ajout des députés de la majorité ? On peut craindre que se cache derrière cette nouvelle rédaction la volonté de faire de la rétention de sûreté une modalité ordinaire de la peine alors qu'elle doit demeurer exceptionnelle, selon l'article 706-53-13 du code de procédure pénale.

M. le président.  - Amendement identique n°39, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Alain Anziani.  - Nous nous sommes opposés à la création de la rétention de sûreté en 2007-2008. Cet article étend davantage encore son application, nous en proposons la suppression.

M. Jean-René Lecerf.  - Aux termes de l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, la rétention de sûreté est applicable aux crimes d'assassinat ou de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration commis sur mineurs et, à la condition qu'ils aient fait l'objet de circonstances aggravantes, commis sur majeurs. Le législateur n'avait cependant pas prévu, s'agissant des majeurs, que ces mêmes crimes, commis en état de récidive légale, entrent dans le champ d'application de la rétention de sûreté. Or, l'état de récidive peut être considéré comme une circonstance générale d'aggravation -susceptible de porter la peine encourue à la réclusion criminelle à perpétuité- qu'il importe également de prendre en compte. Et on ne peut pas parler, ici, de banalisation. Avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Le texte de la commission comble une lacune.

Les amendements identiques nos16 et 39 ne sont pas adoptés.

L'article premier A est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa de l'article 706-53-13 du code de procédure pénale est complété par quatre phrases ainsi rédigées :

« La situation de tous les condamnés susceptibles de faire l'objet d'une rétention de sûreté doit être examinée dès le premier mois qui suit leur condamnation. Les personnes condamnées sont ainsi placées pour une durée de six semaines au centre national d'observation. A l'issue de cette évaluation, un parcours individualisé d'exécution de la peine est déterminé sur la base d'une concertation entre l'administration pénitentiaire, l'autorité judiciaire et l'autorité sanitaire. Ce parcours fait l'objet d'une actualisation au cours de la détention. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'avais déjà présenté cet amendement de repli lors de la discussion de la loi sur la rétention de sûreté. Non, monsieur le rapporteur, cette demande n'est pas satisfaite malgré un semblant de similitude. On sait ce qu'il en est des évaluations dans les établissements pénitentiaires, raison de plus pour qu'elles interviennent dès l'incarcération.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Notre différend ne porte que sur un point. Nous avons prévu une double évaluation dans l'année de l'incarcération et dans l'année qui précède la sortie. Il est préférable d'attendre une certaine stabilisation de la personne, d'autant que les deux premières semaines sont quasiment perdues. Le texte n'interdit pas de faire l'évaluation avant douze mois. Sur le reste, nous sommes pleinement en harmonie avec Mme Borvo Cohen-Seat, nous allons plus loin et proposons le placement dans un service spécialisé pendant au moins six semaines. Avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Comme le rapporteur, j'estime que votre demande est satisfaite par la loi du 25 février 2008 comme par l'esprit de la loi pénitentiaire. Vous pourriez retirer votre amendement...

M. Charles Revet.  - Sait-on jamais ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - A défaut, j'y serais défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce n'est pas par esprit de contradiction que je persiste mais parce que ce n'est pas la même chose de dire que l'on procèdera à l'évaluation dans l'année ou peu après le jugement : la prise en charge doit commencer dès l'incarcération.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

Article premier

I (nouveau).  -   Avant le dernier alinéa de l'article 706-53-14 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La commission vérifie également que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l'exécution de sa peine, d'une prise en charge médicale, sociale et psychologique adaptée au trouble de la personnalité dont elle souffre ».

II.  -  (Non modifié) L'article 706-53-15 du même code est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La juridiction régionale de la rétention de sûreté ne peut prononcer une rétention de sûreté qu'après avoir vérifié que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l'exécution de sa peine, d'une prise en charge médicale, sociale et psychologique adaptée au trouble de la personnalité dont elle souffre. » ;

2° Le troisième alinéa est complété par les mots : « et de l'alinéa précédent. »

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cet article constitue une incontestable amélioration. Il s'inscrit néanmoins dans le cadre de la rétention de sûreté que nous contestons. Au surplus, le refus de notre amendement précédent montre que nous n'avons pas la même façon d'appréhender la prise en charge de la personne.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Faisant les questions et les réponses, vous vous opposez à une disposition dont vous reconnaissez l'intérêt. Avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

médicale, sociale et psychologique adaptée

par les mots :

et de soins adaptés

M. Alain Anziani.  - A la suite des débats en commission de ce matin, les amendements nos40 et 41 sont retirés.

Les amendements nos40 et 41 sont retirés.

M. le président.  - Amendement n°69 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Tropeano et Vall.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

et à son état médical

M. Jacques Mézard.  - L'amendement élargit les critères sur lesquels la juridiction régionale de sûreté peut être amenée à se prononcer. Le Conseil constitutionnel a subordonné la rétention de sûreté à des conditions qui ne se limitent pas à l'état psychiatrique. Or la rétention de sûreté, que nous réprouvons, pose la question de la sortie : en cas de récidive, et il y en aura, quelle sera la responsabilité de ceux qui l'auront autorisée ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cette précision ne se contente pas de lever une difficulté d'interprétation de la décision du Conseil constitutionnel. Il s'agit en l'occurrence de vérifier les troubles de la personnalité, et il est d'autant moins nécessaire de considérer l'état médical général que les soins somatiques en milieu pénitentiaire sont de grande qualité et parfois supérieurs à ceux que l'on peut trouver à l'extérieur. Avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Ou bien les troubles mentaux ont des conséquences physiques et la précision est surabondante, ou bien ils n'en ont pas et l'amendement n'est pas dans son cadre. Je comprends mal...

L'amendement n°69 rectifié n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

Article premier bis

Le même code est ainsi modifié :

1°  Le premier alinéa de l'article 706-53-19 est ainsi modifié :

a) A la fin de la première phrase, les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans » ;

b) Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :

« La mainlevée de la surveillance de sûreté peut être demandée selon les modalités prévues à l'article 706-53-17. » ;

2° A la fin du premier alinéa de l'article 723-37, les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans » ;

3° A la fin du premier alinéa de l'article 763-8, les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans ».

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - L'Assemblée nationale a étendu la surveillance de sûreté à deux ans parce qu'un an ne suffirait pas à la procédure de renouvellement. La commission des lois, qui n'a pas remis en cause cette durée, a intégré en contrepartie la possibilité de demander la mainlevée. Nous sommes favorables à l'inscription de cette possibilité dans la loi -on aurait pu y penser plus tôt si l'on n'avait pas examiné en urgence la loi de 2008. Reste que la mainlevée suppose des démarches juridiques que certains n'accompliront pas, faute d'y être aidés.

De même que nous avions refusé l'aggravation que constituait la loi de 2008, de même nous refusons la banalisation de ce mode de surveillance. Pourquoi d'ailleurs ne pas allonger la rétention de sûreté ? Plus on allonge les délais de surveillance et plus on allonge ceux du réexamen de la situation de l'intéressé, lequel n'a pas à subir les contraintes de cette procédure.

M. le président.  - Amendement identique n°42, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Alain Anziani.  - Amendement identique, raisonnement identique. Je connais les objections qui nous ont été faites ce matin. L'argument technique ne tient pas ou n'est que de peu de poids.

Cette mesure porte atteinte à la liberté de la personne concernée. On ne peut lui opposer un raisonnement administratif.

Pour ce qui est de demander une mainlevée, encore faut-il être en état de le faire. Nous connaissons tous des personnes qui ont tourné la page de la société et pensent que la liberté n'est plus faite pour eux. Il serait plus sage de conserver un examen automatique annuel et non bisannuel.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Monsieur Anziani, je vous rappelle que la personne est placée en surveillance de sûreté, donc libre. En l'état du droit, le renouvellement de cette mesure intervient dans les mêmes conditions que la décision initiale : lorsque celle-ci suit une surveillance judiciaire ou un suivi socio-judiciaire, le juge de l'application des peines ou le procureur de la République doit saisir la juridiction régionale de la rétention de sûreté six mois avant le terme prévu. Dans ce délai, l'expertise médicale est réalisée. Il est donc nécessaire d'engager la procédure de renouvellement avant la fin de la moitié de la durée de la mesure de sûreté. Cela permettra un examen plus attentif de la demande.

Madame Assassi, l'intéressé peut demander la mainlevée de la mesure de sûreté tous les trois mois et il peut bénéficier d'une aide juridictionnelle. Il s'agit généralement de cas psychiatriques lourds, comme on le voit pour la seule personne placée aujourd'hui sous surveillance de sûreté. Le délai prévu permettra à l'autorité décisionnaire de ne pas demander automatiquement la prorogation de la mesure de sûreté.

Je comprends les motivations de ces amendements mais j'y suis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Même avis. La surveillance de sûreté bénéficie de nombreuses garanties procédurales. La personne peut notamment demander une mainlevée quasiment à tout moment, comme la commission l'a précisé dans le texte. Je vous indique en outre qu'en Allemagne, les demandes de renouvellement sont examinées tous les deux ans.

L'amendement n°18, identique à l'amendement n°42, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°70 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Tropeano et Vall.

I. Alinéas 3, 5 et 7

Supprimer ces alinéas

II. Alinéa 4

En conséquence, supprimer la référence :

b)

M. Jacques Mézard.  - L'allongement de un à deux ans de la durée de la surveillance de sûreté n'était pas prévu dans le texte initial. Étant opposés par principe aux mesures de sûreté, nous ne pouvons accepter que l'exercice d'une liberté fondamentale soit soumis à de simples considérations administratives et pratiques. Le manque de moyens ne peut justifier le durcissement de sanctions pénales.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La possibilité de demander une mainlevée est très large puisqu'elle est possible après trois mois. Elle est accordée d'office si la juridiction n'a pas statué dans les trois mois. Si la demande est rejetée, une nouvelle demande peut être déposée au bout de trois mois.

Les délais ne sont pas justifiés par des contraintes de personnel mais par le fait que les personnes placées en surveillance de sûreté présentent un danger de récidive. Avant de lever cette décision, il faut mener une expertise complexe et longue. Avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°70 rectifié n'est pas adopté.

L'article premier bis est adopté.

Article 2

I.  -  L'article 706-53-19 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le placement en centre socio-médico-judiciaire de sûreté prévu à l'alinéa précédent ne peut être ordonné qu'à la condition qu'un renforcement des obligations de la surveillance de sûreté apparaisse insuffisant pour prévenir la commission des infractions mentionnées à l'article 706-53-13. »

II.  -  Au dernier alinéa de l'article 723-37 du même code, les mots : « du dernier alinéa » sont remplacés par les mots : « des quatre derniers alinéas ».

III.  -  Au second alinéa de l'article 763-8 du même code, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « septième ».

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Sur les 23 recommandations du rapport Lamanda, seules 4 ont été reprises par ce texte, dont cet article qui renforce le placement en rétention de sûreté. Ces dispositions risquent de banaliser et de généraliser une mesure qui devrait demeurer exceptionnelle. En outre, l'article 8 ter prévoit que le dispositif de surveillance de sûreté s'applique de manière immédiate. Ainsi, on tente de contourner la décision du Conseil constitutionnel.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Madame Borvo Cohen-Seat, il ne s'agit pas de faciliter la rétention de sûreté mais, au contraire, d'en restreindre l'usage « à la condition qu'un renforcement des obligations de la surveillance de sûreté apparaisse insuffisant ». Dans le texte actuel, le placement est automatique en cas d'entorse à l'obligation de surveillance. Désormais, il faudra vérifier les autres possibilités de surveillance et on pourra, par exemple, ordonner la pose d'un bracelet mobile. Avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Même avis. Cet article limite les possibilités de placement en rétention de sûreté. Madame Borvo Cohen-Seat, seules 4 recommandations du rapport Lamanda figurent dans ce texte car les autres ne relèvent pas du domaine législatif.

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

La séance est suspendue à 19 h 25.

présidence de M. Roger Romani,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.