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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Saisine du Conseil constitutionnel

CMP (Nominations)

Commission d'enquête parlementaire (Grippe A)

Récidive criminelle (Procédure accélérée)

Discussion générale

Commission d'enquête parlementaire(Nominations)

Récidive criminelle (Procédure accélérée - Suite)

Exception d'irrecevabilité

Question préalable

Discussion des articles

Article additionnel avant l'article premier A

Article premier A

Article additionnel

Article premier

Article premier bis

Article 2

Renvois pour avis

Récidive criminelle (Procédure accélérée - Suite)

Candidatures à une éventuelle CMP

Discussion des articles (Suite)

Article 2 bis

Article 3

Article 4

Article 5 bis

Article 5 ter




SÉANCE

du mercredi 17 février 2010

73e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

Secrétaires : Mme Michelle Demessine, Mme Christiane Demontès.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président.  - M. le Président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 février 2010 d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution, par plus de soixante sénateurs, de la loi renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

CMP (Nominations)

M. le président.  - Monsieur le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 16 février 2010 prennent effet.

Commission d'enquête parlementaire (Grippe A)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la désignation des 21 membres de la commission d'enquête sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A (H1N1)v.

Je vous rappelle que cette commission d'enquête a été créée à l'initiative du groupe CRC-SPG, en application de l'article 6 bis du Règlement du Sénat qui prévoit pour chaque groupe un « droit de tirage » pour la création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information par année parlementaire.

En application de l'article 8, alinéas 3 à 11, de notre Règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été affichées.

Elles seront ratifiées si la Présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.

Récidive criminelle (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale.

Discussion générale

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - Adopté par l'Assemblée nationale le 24 novembre dernier, ce texte a bénéficié de l'excellent travail de votre commission, en particulier de son rapporteur.

La qualité de la loi dépend largement de la qualité de la coopération entre le Sénat et l'Assemblée et entre le Gouvernement et le Parlement. Celle-ci s'est effectuée dans un climat de confiance, de franchise et de responsabilité que je veux saluer.

Ce texte complète la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pour trouble mental, conformément aux demandes de précision formulées par le Conseil constitutionnel et en tenant compte du rapport remis par M. Lamanda, premier président de la Cour de cassation. Ce texte renforce aussi la protection de nos concitoyens contre les criminels dangereux, répondant au souci des Français d'être mieux protégés contre la récidive. Aujourd'hui, l'incarcération est la première des réponses pénales contre les actes criminels graves. Pour autant, la prison n'est pas toujours une réponse suffisante. Des événements récents, qui ont provoqué l?incompréhension de nos concitoyens, l'ont rappelé. Face aux risques que font peser certains récidivistes, les Français attendent de l'État qu'il sache les protéger. Cela impose de la fermeté mais aussi des réponses adaptées. Certains criminels présentent un risque grave de récidive. Il faut réduire leur dangerosité, donc renforcer leur suivi judiciaire, médical et psychiatrique, en prison puis à la sortie de prison.

S'inspirant du rapport de M. Lamanda, ce texte clarifie les conditions de placement en rétention de sûreté et il renforce l'efficacité des mesures de surveillance de sûreté.

Le placement en rétention de sûreté supposera que l'intéressé ait été en mesure, pendant sa détention, de bénéficier d'une prise en charge médicale, sociale ou psychologique adaptée et ce placement interviendra seulement lorsque le renforcement des mesures de surveillance apparaîtra insuffisant pour prévenir la récidive.

Ce texte étend les possibilités de placement sous surveillance de sûreté : ce placement pourra intervenir à l'issue d'une surveillance judiciaire ayant accompagné une libération anticipée, ou bien directement à la sortie de prison. Si une personne est condamnée à une peine de prison pendant l'exécution des mesures de surveillance ou de rétention, ces mesures ne seront que suspendues. Elles pourront reprendre à l'issue de l'exécution de la peine. Enfin, des personnes remises en liberté dans l'attente d'une procédure de révision pourront également être placées sous surveillance de sûreté.

La protection de nos concitoyens contre la récidive ne saurait se limiter au temps de la détention ; nous devons aller plus loin dans le suivi des criminels dangereux.

C'est pourquoi ce texte renforce le suivi médico-judiciaire des délinquants et criminels sexuels. Désormais, un condamné soumis à une injonction de soins qui refuserait, dans le cadre du suivi socio-judiciaire, un traitement anti-libido pourrait se voir incarcéré s'il exécute sa peine en milieu ouvert ou s'il est sous surveillance judiciaire, ou encore placé en rétention de sûreté s'il est sous surveillance de sûreté. Ensuite, tout incident grave ou interruption de traitement devra être dûment signalé.

Certains délinquants tentent de contourner leur traitement, soit en l'interrompant, soit en prenant des médicaments qui interfèrent avec lui. Les députés ont prévu une information du médecin coordonateur mais votre commission des lois a supprimé ce dispositif. Pourtant, l'efficacité suppose que le juge soit informé par le médecin de toute interruption du traitement. Le médecin coordonateur doit avoir la simple obligation d'informer le juge sur l'exécution de la mesure et non sur le protocole suivi qui, lui, relève du secret médical.

Pour assurer le contrôle des criminels après leur libération, il faut renforcer l'information des services enquêteurs. Je suis donc favorable à ce que soient communiquées aux services de police et de gendarmerie l'identité et l'adresse des criminels dangereux sortant de prison. Le texte actuel limite cette information aux condamnés à des peines de plus de cinq ans. Un seuil de trois ans me paraît plus adapté.

Pour renforcer l'efficacité des policiers et gendarmes, il faut moderniser le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et envisager une interconnexion avec celui des personnes recherchées. Une meilleure connaissance du parcours individuel du condamné doit permettre au juge de mieux évaluer sa dangerosité. Il n'est pas acceptable qu'un cas de cannibalisme ait été déploré au centre pénitentiaire de Rouen parce que le juge n'était pas informé de l'état mental du détenu. Je souhaite que, pour chaque détenu le justifiant, soit créé un dossier unique de personnalité comprenant l'ensemble des expertises psychiatriques, psychologiques et autres enquêtes sociales réalisées lors d'une procédure pénale ou de l'exécution d'une mesure de sûreté. De même, les mesures de sureté et les décisions de surveillance judiciaire doivent être inscrites au casier judiciaire.

Pour mieux garantir la protection des victimes contre les multirécidivistes, il faut interdire qu'un criminel sortant de prison puisse s'installer près des lieux où habite ou travaille sa victime. Je souhaite que tout condamné pour un crime sexuel et bénéficiant d'un aménagement de peine soit soumis à cette interdiction par le juge d'application des peines, sauf décision contraire motivée.

Aujourd'hui, quand les services de police ou de gendarmerie constatent la violation d'une interdiction de s'approcher de la victime, ils n'ont aucun moyen légal pour intervenir. Je souhaite qu'ils puissent interpeller l'intéressé et, si le juge de l'application des peines l'estime nécessaire, le déférer devant celui-ci, éventuellement pour l'incarcérer.

Ce projet de loi répond aux demandes de précisions du Conseil constitutionnel sur la mise en oeuvre de la loi de février 2008 et il institue des mesures de bon sens réclamées au vu de réalités récurrentes. Il répond aux souhaits de nos concitoyens : protéger les Français, ce n'est pas se contenter de sanctionner le criminel, c'est aussi anticiper et prévenir en évaluant lucidement et efficacement les risques de récidive. En adaptant le suivi médico-judiciaire, en mutualisant les informations et en assurant la tranquillité des victimes, nous franchirons une étape supplémentaire dans la prévention de la récidive. Garantir la sécurité de nos concitoyens relève de notre responsabilité ...partagée. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois.  - Ce projet de loi impose un bref rappel historique. II puise sa raison d'être initiale dans la décision du Conseil constitutionnel sur la loi 25 février 2008. Outre quelques importantes réserves d'interprétation, le Conseil a considéré que la rétention de sûreté, bien que n'étant « ni une peine ni une sanction ayant le caractère d'une punition », ne saurait, « eu égard à sa nature privative de liberté, à la durée de cette privation, à son caractère renouvelable sans limite et au fait qu'elle est prononcée après une condamnation par une juridiction », être appliquée de manière rétroactive. Ainsi les personnes condamnées avant la publication de la loi ou faisant l'objet d'une condamnation postérieure à cette date pour des faits commis antérieurement ne pourront faire l'objet d'un placement direct en rétention de sureté à l'issue de leur période de réclusion. Cette hypothèse se trouvait donc reportée à un avenir lointain puisque le champ d'application de la rétention de sûreté vise les personnes condamnées à une peine égale ou supérieure à quinze ans de réclusion criminelle pour assassinat, meurtre, tortures, actes de barbarie, viol, enlèvement, séquestration commis sur un mineur ou pour les mêmes infractions, avec circonstance aggravante, sur une victime majeure. Cette jurisprudence constitutionnelle n'avait pas surpris votre commission des lois ni le rapporteur que j'étais déjà puisque nous avions défendu la même position devant votre assemblée au nom du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. En revanche, le Conseil constitutionnel avait admis l'application immédiate de la surveillance de sûreté qui peut déboucher sur la rétention de sûreté.

Le jour même de la promulgation de la loi Rétention de sûreté, le Président de la République invitait le premier président de la Cour de cassation, M. Vincent Lamanda, à présenter « toutes propositions utiles d'adaptation de notre droit pour que les condamnés exécutant actuellement leur peine et présentant les risques les plus grands de récidive puissent se voir appliquer un dispositif tendant à l'amoindrissement de la récidive. » Le rapport Lamanda, remis en mai 2008, suggère de modifier sur certains points la loi du 25 février 2008 afin d'en corriger les lacunes ou les insuffisances mais il comporte également de nombreuses propositions concrètes qui n'emportent pas de traduction législative mais touchent notamment à la prise en charge des délinquants sexuels. Nous souhaiterions, madame Ia ministre, recueillir votre sentiment sur les aspects non législatifs du rapport du président Lamanda.

Prenant acte à la fois de la décision du Conseil constitutionnel et des propositions de nature législative du premier Président de la Cour de cassation, le projet de loi initial déposé par le Gouvernement devant l'Assemblée nationale ne comportait que sept articles dont les principaux pouvaient rencontrer un accord quasi général.

Ainsi, l'article premier consacre dans la loi la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel posant, pour la juridiction régionale de la rétention de sûreté, l'obligation de vérifier que la personne condamnée a bénéficié, pendant l'exécution de sa peine, d'une prise en charge et de soins adaptés au trouble de la personnalité dont elle souffre.

L'article 2 prévoit que le placement en rétention de sureté, qui doit demeurer l'ultime recours, n'est possible que si un renforcement des obligations dans le cadre de la surveillance de sûreté s'avère insuffisant pour prévenir la récidive criminelle.

L'article 4 permet d'ordonner une surveillance de sûreté dès la libération d'une personne qui avait été incarcérée en raison d'un manquement aux obligations qui lui avaient été fixées et à laquelle toutes ses réductions de peine ont été retirées. L'article 5 prévoit la rétribution de l'avocat des personnes retenues dans un centre socio-médico-judiciaire, s'agissant de décisions prises à leur encontre pour assurer le bon ordre du centre. Toutes ces mesures ne nous auraient pas retenus très longtemps mais le texte a été très largement étoffé à l'Assemblée nationale.

Les députés ont étendu le champ d'application de la surveillance judiciaire et de la surveillance de sûreté par l'extension de un à deux ans de la durée de la surveillance de sûreté, par une réduction de quinze à dix ans du quantum de peine permettant le placement sous surveillance de sûreté et de dix à sept ans pour la surveillance judiciaire. Parallèlement, l'Assemblée nationale a réparé une incohérence de la loi du 20 février 2008, pour tenir compte de la récidive légale.

L'Assemblée a renforcé les dispositions relatives à la prescription de traitements antihormonaux pour les délinquants sexuels. La personne qui refuse ou interrompt un traitement inhibiteur de libido s'exposera à un retrait de son crédit de réduction de peine si elle est détenue, à une incarcération si elle est en milieu ouvert, à une réincarcération si elle est placée en surveillance judiciaire ou à une rétention de sûreté si elle est en surveillance de sureté.

Pour améliorer l'évaluation de la dangerosité des personnes susceptibles d'être placées sous surveillance judiciaire, leur situation sera examinée par le juge de l'exécution des peines et, éventuellement, par le Centre national d'observation. Le signalement par le médecin traitant de l'arrêt ou du refus de traitement devient obligatoire. L'Assemblée nationale a mis en place un nouveau répertoire relatif aux expertises psychiatriques et introduit de nouvelles obligations concernant les fichiers existants. Les députés ont encore défini plus précisément les interdictions de paraître et prévu un dispositif prévenant leur violation. Le prononcé de l'interdiction de rencontrer la victime serait obligatoire à l'encontre des auteurs de crimes sexuels ou violents ; la personne qui violerait l'interdiction pourrait être retenue 24 heures pour présentation à un juge, lequel aurait la possibilité de procéder à sa réincarcération.

L'Assemblée nationale a enfin adopté deux amendements : l'identité et l'adresse des personnes ayant encouru un suivi socio-judiciaire seront communiquées à la police et à la gendarmerie; l'observatoire créé par la loi pénitentiaire publiera dans son rapport annuel des données statistiques relatives à l'exécution réelle des peines.

Si votre commission des lois partage le souhait de renforcer la lutte contre la récidive, elle estime des garanties indispensables. L'abaissement de quinze à dix ans de la durée de la peine de réclusion criminelle permettant une surveillance de sûreté appelle des objections sérieuses, le Conseil constitutionnel ayant, dans sa décision du 21 février 2008, admis la constitutionnalité de la rétention de sûreté dans la mesure où son champ d'application apparaissait en adéquation avec sa finalité. Par la modification du quantum, qui en constitue comme le sas, le champ d'application se trouverait étendu en contradiction avec ces exigences.

M. Robert Badinter.  - C'est évident !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le dispositif français comporte d'ailleurs déjà des mécanismes efficaces. La commission a donc maintenu le seuil de quinze années de réclusion criminelle. Elle a confié à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté le soin de s'assurer de l'effectivité de l'offre de soins pendant la détention et précisé les conditions dans lesquelles l'intéressé pouvait demander la mainlevée d'une décision de surveillance de sûreté. Elle a en outre rappelé que le placement en centre socio-médico-judiciaire de sûreté exigeait une méconnaissance des obligations imposées à la personne faisant apparaître une particulière dangerosité et un risque élevé de récidive.

Votre commission s'est attachée à préciser les conditions de prescription d'un traitement hormonal. Elle a indiqué sans ambiguïté que celle-ci relevait du seul médecin traitant et a tiré les conséquences de cette affirmation unanime du corps médical : le traitement n'est efficace qu'au moment ou à l'approche de la libération du condamné. Elle a supprimé l'obligation pour le médecin traitant de signaler au juge d'application des peines le refus ou la cessation du traitement inhibiteur mais a maintenu le principe d'une information obligatoire du médecin traitant en la soumettant à des conditions très strictes afin de ne pas dissuader les médecins de prendre en charge des injonctions : si le refus intervient contre l'avis du médecin traitant, s'il concerne la totalité du traitement et non le seul traitement hormonal...

M. Nicolas About, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Très bien !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - ...le médecin traitant passera nécessairement par l'intermédiaire du médecin coordonateur afin d'établir une concertation sur la situation née de l'attitude du patient.

Votre commission a également réécrit une partie des dispositions concernant le répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires en réservant notamment l'accès à ce fichier à l'autorité judiciaire. S'agissant du Fijais, elle a maintenu les règles actuelles de fréquence de justification d'adresse, au demeurant déjà rigoureuses, d'autant plus que les modifications introduites par l'Assemblée nationale généraient ou un risque d'inconstitutionnalité ou une complexification considérable de la gestion du fichier par le casier judiciaire.

La commission a cherché à préciser et améliorer l'information des services de police et des unités de gendarmerie sur les adresses des personnes condamnées ainsi que les missions de l'observatoire national chargé de collecter et de traiter des données statistiques sur la récidive. Quelques semaines après l'a publication de la loi pénitentiaire, il serait impensable que les aménagements de peine apparaissent comme des cadeaux consentis aux condamnés.

Nous sommes amenés à voter beaucoup de réformes de la justice, trop disent les magistrats les plus éminents. Encore faut-il veiller à la cohérence de notre code pour qu'il ne ressemble pas à la tapisserie de Pénélope. (Sourires) Le projet doit s'inscrire dans un ensemble dense et complexe dont la loi pénitentiaire n'est que l'élément le plus récent. Ne revenons pas sur ce que nous nous venons de voter et qui n'a pas toujours eu le temps de s'appliquer.

Enfin, je ne puis passer sous silence une des faiblesses essentielles de notre droit : la prise en charge des malades mentaux. La fermeture de lits psychiatriques, la distinction manichéenne entre abolition et altération du discernement amènent en prison bien des personnes qui n'en sortiront que tardivement puisque l'altération du discernement est devenue une circonstance aggravante. Demi-fou, double peine ! Une initiative commune Justice-Santé sur ce lancinant problème apparaît nécessaire. Le profil de la seule personne placée en surveillance de sûreté montre que la question ne peut être absente de notre débat. (Applaudissements à droite, au centre et sur certains bancs socialistes)

M. Nicolas About, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - La volonté de protéger la société contre ceux que l'on considère comme fous est ancienne. La loi des 16 et 24 août 1790 assignait déjà « à la vigilance des corps municipaux le soin d'obvier ou remédier aux événements fâcheux occasionnés par les insensés et les furieux laissés en liberté ainsi que par les animaux malfaisants ou féroces ». L'hospitalisation d'office découle de ce pouvoir de police dans lequel le juge n'intervient pas. La faculté de proposer des soins comme alternative ou complément de peine a été prévue en 1954 pour les alcooliques et en 1958 pour tous les malades. En dix ans, ces dispositifs ont été complétés à quatre reprises par les lois des 17 juin 1998, 12 décembre 2005, 10 août 2007 et 25 février 2008. Celle du 12 décembre 2005 a permis au juge d'ordonner une hospitalisation d'office dans les cas où l'irresponsabilité pénale du malade fait qu'il ne serait pas condamné.

L'intitulé des textes adoptés depuis 1998 reflète les inquiétudes liées aux infractions sexuelles et à la récidive. L'ampleur de la violence faite aux femmes et aux enfants a fait l'objet d'une prise de conscience récente. L'augmentation du nombre d'infractions sexuelles constatées résulte essentiellement de la rupture du silence des victimes. Cette libération de la parole n'est pas achevée : entre 2000 et 2006, le nombre de personnes ayant déclaré avoir été victimes de ce type de violence a doublé tandis que le nombre de plaintes est resté stable. Le renforcement progressif de la législation ne semble pas en avoir amélioré l'efficacité.

La loi de juin 1998, qui a créé le suivi socio-judiciaire et la possibilité d'injonction de soins, est unanimement saluée par les soignants. Si l'expertise psychiatrique le justifie, le juge peut décider qu'à l'issue de la peine, le condamné devra accepter d'être traité ou retourner en prison. Ce dispositif permet de préserver le principe du consentement aux soins tout en imposant une contrainte suffisamment forte pour surmonter le refus, une des principales difficultés rencontrées par les médecins. Il ne s'agit pas simplement de protéger un droit mais d'une nécessité médicale pour obtenir des résultats durables. Ainsi, le médecin peut conduire le condamné à devenir un patient, engagé dans une démarche de soins.

L'injonction de soins permet de commencer le traitement. Chacun est dans son rôle : le juge d'application des peines s'assure du respect de l'injonction, le médecin traitant prescrit la thérapeutique appropriée. Afin de respecter la séparation entre pouvoir judiciaire et médecine, l'interlocuteur du juge est un médecin coordonnateur qui veille au respect par le patient du suivi thérapeutique. Il n'interfère pas avec les prescriptions du médecin traitant et peut seulement refuser que le condamné n'ait recours qu'à un psychologue traitant.

Cette séparation claire entre justice et soins est aujourd'hui remise en cause car on demande à la médecine d'assurer une mission qui n'est pas la sienne : protéger la société. La dangerosité psychiatrique et la dangerosité criminelle ne se confondent pas. (Approbation à gauche)

Un psychiatre peut déterminer le risque d'auto et même d'hétéro-agressivité d'un malade mais ne peut en déduire un risque de commettre un crime ou un délit. La criminologie est une science en devenir : elle a beaucoup de mal à évaluer la dangerosité d'un condamné, et donc le risque de récidive. Le meilleur outil pour cela serait un instrument presque totalement empirique, le tableau actuariel, sorte de barème confrontant des critères liés au condamné et aux faits qui lui sont imputés. C'est dire le degré de fiabilité qu'on peut lui accorder... Est-il légitime de faire compenser par la médecine les incertitudes de la criminologie ? La loi de février 2008 a instauré la rétention de sûreté, c'est-à-dire l'internement des personnes dangereuses dans des établissements de soins. Il y là un grave risque d'amalgame : toute personne dangereuse n'est pas soignable ; la dangerosité n'est pas une pathologie et on ne peut, par exemple, soigner un psychopathe.

La commission des affaires sociales s'est donc saisie des deux articles de ce projet de loi ajoutés par l'Assemblée nationale qui pourraient renforcer la confusion entre justice et soins. Ainsi, le juge pourrait prescrire, voire imposer un traitement appelé par les urologues « castration chimique », inhibiteur de la testostérone et donc, dans une certaine mesure, de la libido. Le terme de castration me paraît impropre, d'autant que les effets du traitement sont réversibles : je préfère parler de traitement antihormonal. En outre, ce texte impose de demander aux experts d'apprécier l'utilité du traitement, dont l'interruption entraînerait un retour en prison ou en rétention de sûreté. Il crée là un cas unique où des conséquences judiciaires sont attachées à une thérapie.

Le traitement antihormonal dispose d'un statut légal particulier : c'est le seul médicament qui figure explicitement dans le code de la santé publique comme pouvant être prescrit. Cette disposition a été introduite dans la loi de 2005 sur la récidive à l'initiative du rapporteur de notre commission des lois, François Zocchetto. A l'époque, les traitements antihormonaux étaient utilisés pour soigner le cancer de la prostate et n'avaient pas d'indication en matière de pathologie mentale. Il fallait donner une base légale à leur utilisation dans ce cadre. Cette exception n'est aujourd'hui plus justifiée.

Il existe désormais trois médicaments pour traiter la « déviance sexuelle », selon les termes de l'annuaire Vidal. Le traitement, pris en charge par la sécurité sociale, a fait ses preuves mais il ne s'agit en aucun cas d'un remède miracle. Il ne peut soigner que 5 à 10 % des délinquants sexuels et, comme il crée une andropause, les effets secondaires sont importants. Un médecin peut donc commencer le traitement puis le modifier, l'interrompre ou l'abandonner tout en continuant les soins. Le malade doit-il pour autant retourner en prison ?

Surtout, il ne s'agit pas d'un traitement pour condamnés dangereux. Les médecins peuvent le prescrire à des personnes qui souffrent de pulsions envahissantes, mais beaucoup d'entre elles ne passent jamais à l'acte. En faire une obligation légale, c'est laisser entendre que la médecine a les moyens d'empêcher les délinquants sexuels de récidiver.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est important de le dire.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - C'est dangereux : tout échec serait alors considéré comme un échec de la médecine.

Le texte adopté par la commission des lois a, grâce à l'excellent travail du rapporteur, apporté de nombreuses clarifications pour réduire la confusion entre le rôle du juge et celui du médecin et pour préserver le secret médical. Toutefois, la commission des affaires sociales souhaite aller plus loin en supprimant toute référence au traitement antihormonal et en mettant fin à l'exception dont il fait l'objet dans le code de la santé publique. Le médecin doit pouvoir prescrire le meilleur traitement, sans autre contrainte que la volonté de suivre son patient. C'est à cette condition que justice et santé pourront oeuvrer sans ambiguïté pour le soin et la protection des personnes. (Applaudissements au centre, sur plusieurs bancs à droite et sur plusieurs bancs socialistes)

M. Jean Louis Masson.  - Nous examinons régulièrement des projets de loi ayant trait à la police ou à la justice. Ce caractère répétitif est particulièrement flagrant alors que sont présentés, à la veille d'une échéance électorale, un texte contenant des mesures pénales au Sénat et un autre contenant des mesures de police à l'Assemblée nationale. Ces sujets sont importants et pertinents, mais ne serait-il pas plus judicieux de les aborder dans le cadre d'un grand projet visant à modifier le code pénal et à régler les problèmes de police ? Le Gouvernement veut donner l'impression qu'il s'occupe de ces questions mais il ne prend pas de réelles mesures pour les résoudre. Elles méritent pourtant qu'on y travaille dans une plus grande sérénité.

A chaque fait divers, le Gouvernement réagit par un projet de loi : ce n'est pas de bonne méthode. Nous ne savons plus où nous en sommes, tant les modifications du droit sont incessantes. Il serait temps d'adopter une démarche plus cohérente.

Je déplore vivement que le Gouvernement ait recours à la procédure accélérée sur un sujet ayant une telle dimension morale. C'est tout bonnement inacceptable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très juste !

M. Jean Louis Masson.  - Quelle mouche a donc piqué le Gouvernement ? S'il était aussi urgent d'agir, que ne l'a-t-il fait depuis 2007 ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Bonne question !

M. Jean Louis Masson.  - Le traitement subi par le Parlement est intolérable. A l'Assemblée nationale, les ministres recourent systématiquement au vote bloqué : les scrutins sont regroupés le mardi et le reste de la semaine, l'hémicycle est vide. Ici même, le Gouvernement use du vote bloqué (M. Nicolas About, rapporteur pour avis, le conteste) et de la procédure accélérée. C'est indécent ! C'est se moquer du Parlement ; sur des sujets de société, c'est incohérent. Il s'agit d'un dévoiement de la procédure parlementaire !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - C'est dans la logique de la révision constitutionnelle.

M. Jean Louis Masson.  - Je ne suis pas hostile au contenu de ce projet de loi, qu'il s'agisse de la rétention, des autres mesures de sûreté ou de surveillance, mais je m'élève contre la procédure retenue. Ne nous étonnons pas si des incidents se produisent, comme c'est arrivé il y a quelque temps lorsqu'un de nos collègues s'est trompé d'urne en votant ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'amuse) Il serait temps pour le Gouvernement de changer de méthode !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le Gouvernement, en effet, donne le vertige au législateur. C'est la quatrième fois depuis 2005 qu'il nous soumet un texte sur la récidive criminelle, toujours selon la procédure d'urgence devenue procédure accélérée. Pourquoi ? Les lois précédentes sont-elles caduques, insuffisantes ou mal appliquées ? Le Gouvernement a affirmé devant les députés que ce projet de loi répondait à une attente de l'opinion publique, comme ses prédécesseurs l'avaient fait en 2005, 2007 et 2008.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Eh oui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous sommes tous d'accord pour dire que certains crimes sont odieux, qu'ils nous conduisent à nous interroger sur les comportements humains, la capacité de la société à y réagir convenablement, celle des pouvoirs publics à appliquer la loi. Mais répondre à l'émotion par une nouvelle loi, c'est laisser croire que la loi aurait pu à elle seule empêcher le crime. Le législateur ne doit pas l'accepter.

Les effets de la loi pénale sur les criminels dangereux ne peuvent être immédiats : la menace n'empêche pas le crime. C'est pourquoi il est impossible d'évaluer dès aujourd'hui les résultats des lois votées depuis 2005. On sait d'ailleurs que l'évolution de la délinquance et de la criminalité est multifactorielle et que son lien avec la loi pénale est très difficile à établir.

La loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs a instauré le suivi socio-judiciaire après la sortie de prison et rendu possible l'injonction de soins. Il est encore impossible d'en mesurer les effets sur les criminels lourdement condamnés après 1998. Cela n'a pas empêché le législateur de voter la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, qui a créé la surveillance judiciaire des personnes dangereuses, la surveillance électronique mobile et le Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles (Fijais). Selon le rapport de la commission des lois, la surveillance judiciaire est peu appliquée. La loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs a instauré des peines plancher et le suivi médical et psychiatrique des personnes condamnées, notamment pour des infractions de nature sexuelle. Elle a rendu obligatoire l'injonction de soins alors que tous les délinquants sexuels ne sont pas susceptibles de traitement, comme l'indique la commission des affaires sociales. Vous signalez, madame la garde des sceaux, 14 000 condamnations de récidivistes à des peines égales à la peine plancher, sans qu'il soit possible de savoir à quelle peine ils auraient été condamnés à défaut. Là encore, quel recul pouvons-nous avoir ? La loi du 25 février 2008 a instauré la surveillance et la rétention de sûreté : le Gouvernement voulait ainsi montrer qu'il mettait la population à l'abri de récidivistes dangereux. Nous avons combattu, à l'époque, ce texte qui permet d'enfermer des gens sans qu'ils aient commis de nouvelles infractions au nom de leur dangerosité supposée : mesure inconcevable dans notre droit, que le Gouvernement voulait de surcroît rendre rétroactif. Le Conseil constitutionnel ayant censuré cette disposition, il a fallu revoir la loi.

Le meurtre horrible de Marie-Christine Hodeau a été l'occasion de mettre à l'ordre du jour ce nouveau projet de loi, sans que l'on se soit interrogé sur l'application des précédents textes. Or la population carcérale a doublé en moins de trente ans ; les peines de sûreté et les peines plancher ont augmenté la durée de détention et, faute de personnel, on n'emploie plus ce temps pour soigner et réinsérer. Francis Evrard a été enfermé sans soins pendant trente deux ans ! La récente loi pénitentiaire, hélas, n'y changera rien.

Malgré le caractère toujours plus répressif de notre droit pénal, la société est de plus en plus violente. Aux États-Unis, où les détenus sont proportionnellement dix fois plus nombreux qu'en France et où la peine de mort existe toujours, il y a trois fois plus d'homicides. La politique d'élimination, qui réduit le délinquant à son acte et lui conteste toute capacité d'évolution, a montré son inefficacité ; pourtant, la rétention de sûreté pousse cette logique à l'extrême. On criminalise la maladie mentale et l'on confond soins et sanctions. De nombreux psychiatres refusent cette politique qui fait de la psychiatrie la gardienne de l'ordre social, en contradiction avec les finalités des soins, le temps et l'individualisation qui leur est nécessaire : M. le rapporteur pour avis l'a bien noté. La circulaire signée, le 11 janvier, par Mme Bachelot et M. Hortefeux a renforcé leur inquiétude : désormais il appartiendrait aux préfets de départements ou, à Paris, au préfet de police de décider des sorties d'essai d'hospitalisation d'office selon le seul critère du risque de trouble à l'ordre public, ce qui fait fi des considérations sanitaires.

Cette dérive est dangereuse. C'est faire croire à l'opinion publique que le risque zéro est possible et que la relégation de certaines personnes obéit au principe de précaution. C'est une illusion, et il est grave de fonder une politique sur une illusion. Comme le disait M. Lamanda, « une société totalement délivrée du risque de la récidive criminelle, sauf à sombrer dans les dérives totalitaires, ne serait plus une société humaine ». Il n'y a pas, dans cet hémicycle, ceux qui auraient le souci des victimes et ceux qui prendraient le parti des agresseurs. La souffrance des victimes est insupportable et l'empathie à leur égard naturelle. Oui, il faut répondre à leur souffrance. Mais le rôle de la justice, c'est de juger l'accusé pour ce qu'il a fait, d'apaiser les victimes et de les indemniser s'il y a lieu ; c'est de rendre un jugement équitable et non de venger. C'est pourquoi l'instrumentalisation politique de la souffrance est insupportable.

Le législateur doit dire : « Assez ! ». Il faut arrêter de légiférer dans l'urgence sans évaluer les effets des lois précédentes. Le président Lamanda, sollicité après la censure partielle de la loi de 2008, a formulé 23 recommandations fort intéressantes, qui concernent surtout l'application des lois : développer la recherche en criminologie, instaurer une gradation des mesures de surveillance judiciaire, renforcer les effectifs et les moyens de l'administration pénitentiaire et des services psychiatriques. Mais le Gouvernement préfère l'affichage. Le débat sur ce texte à l'Assemblée nationale a autorisé tous les débordements. On voudrait que les juges de l'application des peines informent les maires de l'installation dans leur commune de certains condamnés ! Pourquoi ne pas publier la liste sur internet, comme cela s'est fait aux États-Unis ? On voudrait autoriser une garde à vue de 96 heures en cas de séquestration ou d'enlèvement et rendre imprescriptibles les crimes de pédophilie. Comme en 2008, les députés ont méthodiquement aggravé les dispositions du projet de loi ; ils ont notamment autorisé la castration chimique, cette mesure d'affichage. Au bout du compte, ce texte comprend des dispositions extrêmement graves qui outrepassent même la logique de la rétention de sûreté, qui devrait être réservée aux infractions les plus graves.

Les députés avaient prévu d'abaisser de quinze à dix ans le quantum de peine pour la surveillance de sûreté : in fine, avec la tendance à l'allongement des peines, la rétention de sûreté se banalisera.

Je sais gré à nos rapporteurs d'avoir écarté un certain nombre de dispositions de l'Assemblée, encadré certains dispositifs, supprimé des incohérences. Reste que ce projet s'inscrit dans une spirale répressive : extension de la rétention de sûreté, surveillance, fichage... Autant de mesures qui, pour être souvent inapplicables, n'en sont pas moins dangereuses ! Le traitement est avant tout considéré comme une sanction : le traitement anti-libido aurait ainsi été prescrit par le juge !

La commission a refusé nos amendements qui visaient à prendre en considération les recommandations du président Lamanda avant toute nouvelle législation, mais a admis que le débat était nécessaire. C'est pourquoi nous défendrons la question préalable.

Nous avons soulevé ces points, en vain, lors d'autres débats, notamment sur la loi pénitentiaire. Permettez-moi d'être sceptique, quand le budget de la justice pour 2010 est loin de répondre aux besoins, sinon pour financer de nouvelles places de prison... Plutôt que des lois votées à la va-vite, il faut des moyens. C'est ainsi qu'au Canada, un délinquant sexuel sur deux peut être considéré comme guéri ! Or l'offre de psychiatrie en prison est calamiteuse...

Certes, il faut protéger la société. Aggravation des peines, mise à l'écart, enfermement : vous persévérez dans cette logique sans fin. Qu'inventerez-vous au prochain drame ? En démocratie, la fin ne justifie pas les moyens. Nous ne voterons pas ce texte : cela suffit. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Anziani.  - Voici la quatrième loi sur la récidive en quatre ans et demi, la deuxième en deux ans... Quelle impérieuse raison vous conduit à faire et à défaire ainsi la loi ? Vous aviez commis l'erreur de rendre votre dernière loi rétroactive. Face à la censure constitutionnelle, vous auriez pu vous contenter d'un texte de rattrapage « technique », tenant compte des réflexions du Premier président de la Cour de cassation. Ce choix initial n'a pas résisté à l'émotion provoquée par le meurtre de Milly-la-Forêt et au déferlement de la majorité à l'Assemblée nationale, où l'on entendit Mme Morano accuser les socialistes de se ranger du côté des assassins !

Le Sénat fait preuve de plus de modération. Commission des lois et commission des affaires sociales ont éliminé les aspects les plus redoutables. Je leur en donne acte, mais ce texte demeure inacceptable.

Son inspiration est simple : rassurer l'opinion, car l'opinion a peur. Le législateur ferait mieux de se demander si l'opinion a toujours raison ! Y a-t-il plus de délinquance et de récidive aujourd'hui qu'hier ? Ou la délinquance est-elle mieux connue, plus médiatisée ? Il est ardu de trouver des statistiques en la matière. Selon le rapport Lamanda, il y avait deux fois moins d'assassinats ou de viols sur mineurs à la fin des années 80 qu'un siècle plus tôt. Les viols ont fortement augmenté entre 1976 et 1998, puis décru, sauf sur les mineurs. En 2005, le taux de récidive était de moins de 3 % chez les personnes condamnées pour assassinat, un peu plus pour les délinquants sexuels. M. Lecerf note pour sa part un taux de réitération de 1,8 % pour les viols, de 5,3 % pour les affaires de moeurs. Le rapport Zocchetto donnait pour 2005 un taux moyen de récidive de 2,6 % pour les crimes et de 6,6 % pour les délits, avec de fortes disparités selon la nature de l'infraction. Le professeur Tournier distingue à juste titre la récidive au sens légal de la re-condamnation pour des délits différents.

Il est irrationnel de légiférer si souvent en disposant de si peu de données ! Ces chiffres ne permettent pas de constater une aggravation de la délinquance, non plus que de la récidive.

Quelle est la meilleure voie pour prévenir la récidive ? Votre réponse est de distinguer sanction et responsabilité. Lors de l'examen de la loi pénitentiaire, nous nous sommes interrogés sur le sens de la peine : pour nous tous, le rôle de la prison devait être de prévenir la récidive. Un an plus tard, nous n'avons guère progressé... Il aurait fallu évaluer les actions menées en matière d'éducation, de soins, de conditions de détention pour préparer la sortie de prison. Or vous préférez interdire définitivement cette sortie. L'idée n'est pas nouvelle : c'est la relégation de 1885 ! Une fois sa peine purgée, le détenu était envoyé dans les colonies ; aujourd'hui, il fera l'objet d'une rétention de sûreté. Seul le vocabulaire a évolué : la « présomption irréfragable d'incorrigibilité » est devenue la « dangerosité ».

La privation de liberté doit sanctionner une infraction : c'est un principe fondamental. Avec la rétention de sûreté, elle pourra désormais sanctionner ce qui pourrait être fait. Certains disent que la rétention de sûreté n'est pas une sanction -ce n'est pas l'avis de celui qui la subit ! La CEDH n'a d'ailleurs toujours pas rendu son arbitrage... J'ai à l'esprit l'arrêt du 17 décembre 2009.

Votre deuxième réponse, cette fois pour les délinquants sexuels, est la castration chimique, présentée comme la panacée contre la récidive. N'entretenons pas cette chimère : les traitements anti-libido rassurent l'opinion mais ne peuvent pas grand-chose si le patient est traité contre son gré ! La commission a heureusement remis de l'ordre dans les rôles de chacun : juge, expert, médecin.

Votre troisième solution ? Un nouveau fichier, qui s'ajoute aux 70 fichiers de police existants !

Nous en aurons donc un soixante-et-onzième, qui inquiète la Cnil et est jugé inutile par les magistrats. Dernière arme de votre arsenal, la défiance envers ces derniers, dont la latitude pour individualiser les peines est sans cesse rognée.

Chaque crime en état de récidive est une tragédie pour les victimes et un échec pour la société. Mais la législation d'émotion et la surenchère ne régleront rien. Nous pourrions reprendre à propos de la rétention de sûreté ce que Clémenceau, en 1885, disait de la relégation : « vous n'aurez rien fait que d'éloigner le condamné de notre vue ; le problème sera demeuré le même, vous aurez dépensé des sommes énormes, vous aurez soustrait les criminels à la vue de la vieille Europe mais vous n'aurez fait ni réforme sociale, ni réforme pénale, ni réforme criminelle. Vous aurez recouru à un misérable expédient pour masquer le crime mais vous l'aurez maintenu, que dis-je ? Vous l'aurez créé vous-mêmes plus abominable que vous le connaissez ici. » (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Mézard.  - Neutraliser les criminels ne saurait suffire à fonder une politique pénale. Pour nous, il convient tout à la fois de réduire le risque de récidive et d'endiguer la vague sécuritaire ; nous ne sommes pas de ceux qui considèrent que la rétention de sûreté est un progrès, pas plus que les peines plancher. Loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance, loi du 25 février 2008 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs et maintenant projet de loi de février 2010 intitulé « Amoindrir le risque de récidive criminelle » : traiter, renforcer, amoindrir, où est la cohérence de cette cascade, je devrais dire cette récidive législative, encore aggravée par l'utilisation de la procédure accélérée ? Nous avons là une récidive réitérée en dépit des injonctions ! Il faut noter que le verbe « amoindrir » est celui qu'a utilisé le Président de la République le 25 février 2008 dans son courrier missionnant M. Lamanda, quatre jours après la décision du Conseil constitutionnel censurant deux dispositions de la loi sur la rétention...

Selon le rapporteur, dont je salue le travail, le sens de l'humain et la capacité à amoindrir les excès de la majorité des députés, le rapport Lamanda suggérait de modifier sur certains points la loi de février 2008, d'en corriger les lacunes ou les insuffisances. C'est dire la difficulté de faire des lois qui doivent tout à l'affichage. Nous déplorons une fois de plus la réaction législative à des faits divers qui suscitent à juste titre l'indignation et l'exaspération de l'opinion ; mais ni les discours sécuritaires ni les lois sécuritaires ne résoudront la question, nous le savons tous. Ceux qui, il ya trente ans, s'opposaient à la suppression de la peine capitale au motif qu'on verrait les crimes de sang se multiplier ont égaré sciemment l'opinion ; ceux qui, aujourd'hui, soutiennent que l'alourdissement des peines freinera la récidive l'égarent tout autant.

Ces lois témoignent d'une certaine défiance vis-à-vis des magistrats qui ne feraient pas preuve de suffisamment de sévérité. On n'a cessé d'encadrer leur pouvoir d'appréciation. Pour les gardes à vue, ne vous méfiez pas des avocats ! Pour les sanctions, ne vous méfiez pas des magistrats ! Quel triste constat, sinon, pour l'image de notre justice !

Le texte issu de l'Assemblée nationale est inquiétant. C'est avec un grand sens de la mesure et de la diplomatie que le rapporteur estime que certaines orientations « soulèvent des difficultés juridiques et pratiques ». Qu'hommage lui soit pour cela rendu ! Nous savons tous qu'il ne faut pas considérer la récidive comme un problème général que la sanction résoudrait parce qu'elle prend des formes très diverses. Raison pour laquelle l'individualisation de la peine est indispensable. Nous savons tous aussi que le problème de l'irresponsabilité pénale pour maladie mentale n'est pas réglé -l'ancien article 64 a-t-il vraiment été amélioré ? Nous savons tous que le meilleur moyen d'éviter la récidive est la préparation de la sortie du détenu, d'autant plus que l'incarcération a été plus longue. Le danger de la sortie, c'est aussi la solitude.

Protéger les victimes, éviter la récidive : voilà des objectifs que nous partageons sans aucun angélisme. La société doit se protéger. Lors des débats sur la loi pénitentiaire, le rapporteur avait noté que les taux de récidive étaient différents selon le type d'établissement. Il est regrettable que le texte ne soit pas accompagné d'une étude d'impact, notamment sur les traitements hormonaux. Toute récidive est une récidive de trop ; mais il faut regarder les chiffres au-delà de l'affichage et du sensationnel : le taux de récidive est en moyenne de 2,5 % pour les crimes -c'est trop- et de 6,5 % pour les délits -encore note-t-on des différences importantes selon le type de délinquance. Marteler l'opinion avec la récidive criminelle, ce n'est pas une politique pénale, c'est une politique à usage médiatique, pour ne pas dire électoral. Ne pas tenir compte du rapport de la commission de suivi, où on lisait que « l'essence de la peine est d'être aménagée », c'est refuser l'efficacité.

Oui, la récidive baisse lorsqu'il y a libération conditionnelle ; oui, elle baisse avec les peines alternatives à l'emprisonnement ; oui, elle baisse en fonction des conditions de détention ; oui, elle baisse grâce au suivi socio-judiciaire. La surpopulation carcérale, l'absence de préparation à la sortie sont facteurs de récidive. « Il faut en finir avec les sorties sèches » disait justement M. Yves Détraigne lors du débat du 5 juillet 2007. Les analyses contenues dans le rapport de M. Jean-René Lecerf et dans l'avis admirable de M. Nicolas About sont pertinentes, humaines et correspondent aux réalités du terrain -mais pas aux lois successives. Avant toute évaluation des lois précédentes, l'Assemblée nationale a porté d'un à deux ans renouvelables la durée de la surveillance de sûreté, abaissé de quinze à dix ans le quantum de peine permettant cette même surveillance et de dix à sept ans le seuil de peine pour le placement sous surveillance judiciaire, le tout assorti d'un nouveau répertoire relatif aux expertises psychiatriques et de nouvelles obligations pour les fichiers existants. Je vous remercie, madame la garde des sceaux, des propos pertinents et indispensables que vous avez tenus lors d'un récent fait divers.

Nous considérons que les dispositions existantes permettaient pour une bonne part de répondre aux objectifs de la lutte contre la récidive. Le problème est qu'il manque toujours les moyens ; il faut en dégager pour appliquer la loi pénitentiaire. Le rapport relève l'absence de structures adaptées, en contradiction avec l'article 763-7, et le manque de moyens dans les structures existantes ; la pénurie de psychiatres, le faible nombre de spécialistes formés à la prise en charge thérapeutique de la délinquance sexuelle et de médecins traitants, le fait que 40 TGI et 17 départements sont dépourvus de médecins coordonnateurs.

Je salue à nouveau la sagesse de la commission des lois, qui a réservé à l'autorité judiciaire le répertoire des données à caractère personnel et n'en a pas rajouté pour le fichier des infractions sexuelles. Il était temps d'affirmer que le traitement anti-libido ne peut être prescrit que par le médecin traitant, en supprimant l'obligation faite à ce dernier d'informer le JAP du refus ou de l'interruption du traitement. Nous savons gré au président About d'avoir rappelé que soigner n'est pas la même chose qu'empêcher de nuire (M. Jean-Pierre Sueur le confirme), qu'une attention disproportionnée était accordée aux traitements hormonaux et que la médecine ne saurait être instrumentalisée à des fins de défense sociale. « Dans toute maison où je serai appelé, je n'entrerai que pour le bien du malade » dit le serment d'Hippocrate. Le juge ne doit pas prescrire, le médecin ne doit pas juger. (M. Jean-Pierre Sueur approuve)

La criminalité est l'une des expressions de la nature humaine et de sa complexité, notait M. Serge Portelli dans son livre Récidivistes ; cette complexité est incompatible avec « les solutions toute faites, toutes plus régressives les unes que les autres, qui font le bonheur des bateleurs de foire et le succès des démagogues. » Une pause dans la frénésie législative sécuritaire, des moyens pour préparer la sortie, l'amélioration de notre système de libération conditionnelle : voilà la meilleure injonction de soins pour la tranquillité des citoyens, la réinsertion des délinquants, pour la justice tout simplement. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ce projet de loi touche un sujet particulièrement grave. Comme l'a dit Mme le ministre d'État : « Première des libertés, la sécurité est la condition de toutes les autres ». Vivre en sécurité dans notre société est en effet un droit légitime et les parlementaires doivent le garantir. Les peines d'emprisonnement constituent la première réponse aux actes criminels les plus graves. Cependant, elles se révèlent parfois insuffisantes pour protéger efficacement notre société. L'actualité nous rappelle régulièrement les drames dus à la récidive. A ceux qui nous accuseraient de ne réagir que sous le coup de l'émotion, je rétorque que ce texte répond à l'attente des Français. En outre, plusieurs de nos voisins européens ont déjà entrepris cette évolution législative.

Certes, les taux de récidive en matière criminelle sont faibles : 0,5 % pour les homicides et 1 % pour les auteurs d'agressions sexuelles sur mineurs. Néanmoins, il est de notre responsabilité de mieux protéger ces victimes d'actes d'autant plus insupportables qu'ils sont commis en récidive de crimes d'une particulière gravité.

La loi du 10 août 2007, qui a institué des peines plancher à l'égard des multirécidivistes, et la loi du 25 février 2008 sur la rétention de sûreté ont déjà apporté de nombreuses réponses. Cependant, sur la base du principe de non-rétroactivité de la loi, le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs dispositions essentielles de la loi du 25 février 2008. Les propositions du rapport de M. Lamanda, Premier président de la Cour de cassation, et qui figurent dans ce texte, vont permettre de remédier à ces difficultés techniques. En outre, il convient d'aller plus loin : face à l'évolution de la délinquance et de la criminalité, nous devons nous adapter en permanence, comme vous le faites d'ailleurs, madame le ministre d'État, ce dont les membres du groupe UMP se réjouissent.

J'en viens aux six apports essentiels de ce projet de loi. Tout d'abord, au-delà des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel, ce texte pallie certaines lacunes sur la rétention de sûreté qui pourra désormais s'appliquer aux crimes de meurtre, torture ou actes de barbarie, viol, enlèvement ou séquestration commis en état de récidive légale contre des personnes majeures, ce qui n'était pas le cas auparavant. De plus, il permet aux forces de l'ordre de connaître l'identité et l'adresse des condamnés à une peine de cinq ans d'emprisonnement lorsque leur détention prend fin, ce qui garantit la tranquillité des victimes. En outre, il accroît la sanction si un condamné ne respecte pas l'interdiction d'entrer en contact avec sa victime. Jusqu'à présent, la violation de cette interdiction ne constituant pas une infraction, les forces de l'ordre ne pouvaient pas placer la personne en garde à vue, même dans l'attente de sa présentation au juge d'application des peines pour décider de sa réincarcération. Pour pallier ce vide juridique, il est instauré une mesure de rétention pendant 24 heures qui garantit les mêmes droits au condamné que ceux de la garde à vue.

En second lieu, le texte définit une politique de prévention de la récidive. Le législateur doit en effet réprimer les actes de délinquance, mais aussi les prévenir. Or, la meilleure prévention de la récidive, c'est la réinsertion. Seulement, nous ne pouvons nous montrer laxistes à l'égard des criminels qui présentent les risques les plus graves de récidive. Là aussi, le pragmatisme doit nous guider : la culpabilité appelle une peine, la dangerosité une mesure de sûreté.

Troisièmement, ce texte protège les criminels d'eux-mêmes. En réduisant la dangerosité des criminels, nous protégeons nos concitoyens mais nous les protégeons aussi d'eux-mêmes. Le renforcement de leur suivi ne saurait donc être que judiciaire : il doit être aussi médical et psychiatrique. Le projet de loi prévoit ainsi, conformément à la décision du Conseil constitutionnel, que tout placement en rétention de sûreté sera conditionné au préalable à une prise en charge médicale, sociale ou psychologique de l'intéressé pendant sa détention.

Quatrième axe majeur, le projet de loi garantit, à l'initiative des députés, le suivi des criminels en dehors de la prison. Le placement sous surveillance de sûreté pourra intervenir soit à l'issue d'une surveillance judiciaire, soit à la sortie de prison. En outre, des mesures de contrôle pourront être mises en place à l'égard de personnes remises en liberté dans l'attente d'une procédure de révision.

En cinquième lieu, ce texte améliore l'information des magistrats et des équipes médicales. L'organisation de notre système judiciaire et médical ne permet pas de rendre compte suffisamment de la dangerosité des criminels. Ainsi, jusqu'à ce jour, les expertises réalisées pendant l'instruction n'étaient pas transmises aux équipes médicales qui soignaient le condamné en détention. Ce cloisonnement et l'absence de centralisation des données ont parfois contribué à ce que certaines décisions judiciaires soient prises sans que le juge dispose des informations suffisantes pour évaluer la dangerosité d'un criminel. C'est pourquoi la création du répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires va dans le bon sens. Regroupant les diverses expertises et examens, il facilitera la prise de décision sur la dangerosité des personnes condamnées. Pour favoriser une meilleure information des forces de l'ordre, le texte renforce les obligations de l'inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles. Les personnes qui y sont inscrites devront ainsi justifier de leur adresse tous les six mois, voire même tous les trois mois pour les plus dangereuses.

Enfin, ce projet de loi renforce l'incitation au traitement inhibiteur de libido. La référence dans le code de la santé publique à ce traitement est une nouveauté majeure qui permettra de mieux lutter contre la récidive.

Le droit à la sécurité est tout aussi important que le respect des libertés individuelles : l'un ne va pas sans l'autre. Si ce texte a pour objectif principal de mieux protéger les victimes, nous ne saurions bafouer les droits fondamentaux des condamnés. Je tiens à rendre hommage à l'excellent travail de notre rapporteur qui a su trouver un subtil équilibre entre respect du secret professionnel et décloisonnement des relations entre le corps médical et les services judiciaires. Ainsi, il est prévu que lorsqu'un condamné refusera ou interrompra un traitement proposé dans le cadre d'une injonction de soins, son médecin traitant devra en informer le médecin coordonateur. Cette mesure permettra de mieux lutter contre la récidive. Notre commission, guidée par la recherche d'un équilibre entre respect des libertés individuelles et nécessité de prévenir la récidive, a apporté des modifications essentielles. Ainsi, le texte de la commission prévoit la faculté de mainlevée de la surveillance de sûreté dont la durée a été portée de un à deux ans par l'Assemblée nationale. Nous nous félicitons, en outre, que le seuil de la peine requis pour l'application de la surveillance de sûreté ait été rétabli à quinze ans.

En respectant l'avis du Conseil constitutionnel, le Sénat est bien dans son rôle de garant des libertés. Le groupe UMP votera donc ce projet de loi. (Applaudissements à droite)

M. Yves Détraigne.  - La discussion de ce texte était attendue depuis que le Conseil constitutionnel avait censuré une partie des dispositions de la loi relative à la rétention de sûreté et que le Président de la République avait chargé le Premier président de la Cour de cassation de lui faire des propositions en vue de prévenir la récidive criminelle.

Cela dit, le texte que nous examinons aujourd'hui n'est plus tout à fait celui qui avait été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 5 novembre 2008 et qui ne comportait que quelques articles destinés à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel et des propositions du rapport Lamanda.

A la suite d'une affaire tragique et largement médiatisée, mettant en cause un récidiviste, le Gouvernement a soudainement déclaré l'urgence alors que le texte était déjà déposé depuis onze mois sur le bureau de l'Assemblée et de nouvelles dispositions, destinées à rassurer l'opinion, ont été ajoutées au cours du débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale.

Nous voilà donc, à nouveau, devant ce que l'on appelle parfois la « législation d'émotion », c'est-à-dire devant un texte dont on se demande si l'objectif principal n'est pas tant d'améliorer et de rendre plus efficace notre arsenal juridique que d'apaiser l'émotion populaire. Car enfin, nous examinons aujourd'hui le quatrième texte sur la récidive en à peine quatre ans, sans compter les textes sur la sécurité intérieure qui ne cessent de se multiplier.

En 2005 déjà, à la suite d'un rapport d'information de la commission des lois de l'Assemblée sur le traitement de la récidive des infractions pénales, les députés Pascal Clément et Gérard Léonard déposaient une proposition de loi ayant pour objectif de « placer la lutte contre la récidive au coeur de la politique pénale » en réprimant plus sévèrement les récidivistes et en prévenant plus efficacement la récidive grâce à un meilleur suivi des condamnés les plus dangereux. A l'époque déjà, les sénateurs centristes s'inquiétaient qu'on veuille compléter le dispositif existant en matière de lutte contre la récidive sans s'interroger d'abord sur la manière dont étaient mises en oeuvre les dispositions du code pénal.

A l'époque déjà, nous souhaitions qu'il soit d'abord remédié au tiers des peines de prison qui étaient prononcées sans être exécutées, nous demandions qu'aucune remise de peine ne soit plus accordée sans prise en compte de la dangerosité du prisonnier, nous demandions plus de moyens pour le suivi et la réinsertion des détenus. Nous nous inquiétions aussi de ce que 3 000 postes étaient vacants en prison pour le suivi psychiatrique des détenus et de ce que les 26 services médicaux spécialisés étaient en nombre insuffisant pour 190 établissements pénitentiaires, dont ils ne suivaient de fait qu'à peine 40 % des détenus.

Qu'en est-il aujourd'hui ?

Dix ans après la création du suivi socio-judiciaire, 40 tribunaux n'ont toujours pas de médecins coordonnateurs, ce qui rend le dispositif inapplicable et la première des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) ouvrira dans un mois, alors que la loi les a créées en 2002 pour la prise en charge psychiatrique en détention des criminels et délinquants sexuellement dangereux. La réduction des budgets est telle qu'on ne peut même pas payer correctement les expertises demandées.

Alors qu'un hebdomadaire rappelait, ce matin, que nous avons voté 23 lois depuis 2002 pour durcir le code pénal en créant chaque fois de nouveaux délits, il est temps de se demander si la priorité n'est pas d'améliorer les conditions de suivi en prison et à la sortie de prison, plutôt que d'ajouter une loi de plus. Car si le rôle de la prison est de punir, sa mission est aussi de préparer la réinsertion sociale des détenus. Et si l'on peut limiter le risque de récidive, il faut reconnaître qu'il ne saurait être parfaitement nul !

Nous savons que nos finances publiques ne permettent pas de tout faire, mais prenons garde que ce texte ne soit pas un cache-misère !

Cependant, je tiens à féliciter notre rapporteur, qui a su dépasser le registre émotionnel, échapper à la surenchère. Nous approuvons les amendements de la commission, qui reviennent sur les mesures plus dures adoptées par l'Assemblée nationale et qui placent le médecin au coeur des prescriptions et du suivi médical.

Sous réserve que cet équilibre trouvé en commission soit maintenu, le groupe de l'Union centriste, dans sa majorité, votera ce texte et nous souhaitons que le code pénal ne soit plus modifié avant que ses dispositions actuelles ne soient appliquées ! (Applaudissements au centre, sur de nombreux bancs à droite et sur quelques bancs socialistes et RDSE)

Mme Virginie Klès.  - Si seulement il était possible de parler de sécurité avec sérénité et lucidité, de s'y fixer des objectifs durables plutôt que de se laisser dicter ses positions par ses émotions, par ses visées électoralistes ! Mais voilà : plutôt que d'utiliser la loi et les techniques modernes pour servir les principes de la République et la société, le Gouvernement cède à un véritable emballement législatif et technologique, sans se poser la question du pourquoi ni du comment ! Le Gouvernement confond les besoins et les envies, il fait de la loi et des technologies des objets de consommation, dont il use avec frénésie ! Les gadgets plaisent, c'est l'époque, mais il est grave de voir les décideurs céder ainsi à la mode, sous pression médiatique ! Que les victimes soient prises par l'émotion, c'est humain, mais le rôle du Gouvernement, c'est de défendre l'intérêt général !

Ce texte est liberticide, mensonger et inefficace. Liberticide parce qu'il punit l'intention, voire l'intention probable, parce qu'il instaure des fichiers inutiles et sans rien prescrire pour leur utilisation et parce qu'il entretient une confusion grave entre les malades mentaux et les délinquants.

Il est mensonger parce qu'il figure que l'homme est binaire, comme un robot, pas même un animal, parce qu'il fait mine de croire que l'homme pourrait se réduire à une somme d'hormones et qu'il suffirait de contrôler ces hormones pour maîtriser les pulsions. Mais l'être humain dispose d'un cerveau, d'émotions, d'intelligence, c'est ce qui le distingue d'un robot, ce qui rend possible sa responsabilité, au lieu que tout soit décidé par la génétique et les hormones ! Comment laisser croire qu'un traitement chimique, qu'une simple injection d'hormones pourrait dicter le comportement humain ? Si la chimie peut aider, c'est dans des cas très précis et dans un cadre thérapeutique déterminé : les cachets ne sont pas la potion magique d'Astérix !

Ce texte est mensonger, encore, en prétendant conduire à la récidive zéro, qui n'existe pas.

Il sera inefficace, enfin, et il pourrait même encourager la récidive, ne serait-ce qu'en déresponsabilisant de fait le délinquant. Car lorsqu'il y aura récidive, ce que jamais on empêchera totalement, cela ne pourra plus être la faute du délinquant, ce sera celle du juge, qui aura remis en liberté, ou celle du travailleur social, qui aura mal assuré son suivi, ou encore du médecin ! En tous les cas, le délinquant sera entretenu dans l'idée que face à la génétique, il ne peut rien pour s'améliorer.

Je n'ai pas de complexe à parler de la récidive, pour connaître suffisamment ces questions sur mon territoire. Cependant, je préfère m'attacher aux solutions, aux réussites plutôt que de m'en tenir aux échecs. La réinsertion sociale doit se préparer dès l'entrée en prison, c'est comme cela qu'on limitera la récidive ! M. Lamanda lui-même écrit dans son rapport qu'un téléphone portable, avec lequel le délinquant pourrait joindre son médecin, serait plus efficace contre la récidive que votre bracelet électronique !

Avec ce texte, vous confondez la punition et la prévention, l'éducation et la surveillance, l'affirmation de l'autorité et la création d'une angoisse, la protection et l'espionnage. Nous voterons contre car nous respectons trop les victimes pour leur mentir en prétendant que ces mesures nouvelles les protègeront de la récidive ! (Applaudissements à gauche)

M. Robert Badinter.  - Je commencerai par féliciter M. le rapporteur, ainsi que M. About, pour avoir su remettre les pendules à l'heure.

La justice et la médecine doivent coopérer, sans jamais se substituer l'une à l'autre comme on a vu le faire dans les régimes totalitaires où les psychiatres ont parfois pris la place des juges. Or, la loi de février 2008, mal accueillie par les juges comme par les médecins, a consacré une double dérive : elle a psychiatrisé la justice et elle a judiciarisé la psychiatrie.

La procédure d'irresponsabilité pénale, inutile dans notre droit, est née de l'émotion légitime face au malheur qui a frappé les familles de deux victimes tuées par un irresponsable. Mais cette procédure a introduit une rupture dans notre tradition judiciaire, où nous nous interdisions de juger les fous ! La psychiatrisation de la justice a consisté à accepter un concept particulièrement flou de « dangerosité criminologique », dont les contours sont incertains et la mise en oeuvre difficile.

J'ai noté, lorsqu'il s'est agi d'appliquer cette loi, la résistance des psychiatres et le mécontentement des magistrats. Car c'était là une rupture avec ce qu'a été notre ordre juridique fondamental depuis la Révolution : en France, nul jusqu'à présent n'avait été détenu s'il n'était fortement soupçonné d'être l'auteur d'une grave infraction -c'est la détention provisoire- ou s'il n'avait été condamné pour avoir commis un crime.

Or avec la détention de sûreté, un détenu, après l'expiration de sa peine, pourrait l'être encore au titre d'un crime virtuel qu'il pourrait éventuellement être amené à commettre. Avec cette loi sombrent notre droit pénal et la procédure pénale dont le principe premier est la présomption d'innocence. Comment se défendre de l'accusation de porter en soi le germe d'un crime virtuel ? Qui décidera et au nom de quoi ? C'est aux experts psychiatres qu'on transfère la responsabilité de la décision. On quitte la justice de responsabilité pour pratiquer une justice de sûreté.

Pour justifier le vote de cette loi -bien entendu en urgence puisque toutes les lois désormais sont examinées en urgence-, on nous a dit que 32 condamnés dangereux étaient libérables dans les mois qui venaient. J'ai suivi la mise en oeuvre de cette rétention de sûreté. J'en ai relevé un cas, en avril 2009. Et les 30 autres pour lesquels il était urgent, disait-on, d'instituer cette rétention de sureté ? Les a-t-on libérés sans même leur appliquer les mesures de surveillance de sureté ? Alors, où était l'utilité de cette loi ?

Le présent projet de loi, nous le devons à l'impatience et à l'irritation du Président de la République, après la décision du Conseil constitutionnel. Décision bien prévisible tant la non-rétroactivité constitue le premier rempart de la liberté, comme le disait déjà Mirabeau. On ne plaisante pas avec la non-rétroactivité ; on sait ce que sa violation a signifié à des époques sinistres de l'Histoire. La décision du Conseil constitutionnel reportait à une quinzaine d'années la première application de la rétention de sûreté. Nous avions, grâce à vous, monsieur le rapporteur, la surveillance de sureté ; ce n'était donc pas le vide juridique complet.

Mais le Président de la République a saisi le Premier président de la Cour de cassation. Je ne crois pas que ce soit la vocation du premier magistrat de France que de voler au secours des lois votées quand elles ne satisfont pas l'exécutif... Le président Lamanda, connu pour sa compétence et son caractère aimable, a fait quelques intéressantes propositions d'ordre réglementaires et ses suggestions d'ordre législatif, cosmétiques et portant sur des détails n'imposaient pas l'urgence.

Nous pensions que c'était oublié et que nous allions passer à des choses plus sérieuses quand est arrivée une tragédie : l'assassinat par un récidiviste d'une femme qui faisait son jogging en forêt. D'où émotion. D'où réponse législative immédiate, sans qu'on se soit interrogé sur ce qui aurait pu ou dû être fait ! Il fallait agir ! Alors, on a agi !

Le projet de loi initial, inspiré des propositions Lamanda, ne posait aucun problème mais l'Assemblée nationale a surchargé l'esquif pour en faire un cargo législatif. A la faveur de cet emportement, le texte comporte désormais des dispositions inconstitutionnelles ou inutiles -parce que d'ordre réglementaire ou parce qu'elles auraient très bien pu faire l'objet de recommandations au Parquet. Nous créons un fichier de plus ! Au lieu de nous satisfaire de ceux qui existent déjà. Bientôt, à chaque infraction pénale correspondra un fichier national !

Il faut lutter contre la récidive. Trouvez-moi un seul législateur, un seul juriste qui se déclare partisan de la récidive ! Mais il s'agit d'avoir pour cela les meilleures lois possibles, pas de réagir à chaque événement. Ceux qui multiplient les lois font la preuve qu'ils sont de bien médiocres législateurs, incapables de prévoir l'effet des lois qu'ils ont votées précédemment. Plutôt qu'une accumulation de textes précipités -et qui désespèrent le Palais et la rue Soufflot-, mieux vaudrait un peu de réflexion, un peu de concertation entre les autorités judiciaires et médicales et un peu de comparaisons avec les législations étrangères. Si cela était, nous n'aurions plus des textes sans cesse remis en chantier, nous ne serions plus des « récidivistes législatifs ».

Le texte venu de l'Assemblée nationale s'explique par le fait qu'il est toujours électoralement profitable de paraître défendre la sécurité. Malgré cela, nous voterons les amendements, ô combien raisonnables, des commissions et nous nous opposerons à tous les autres. Car, dans ce problème grave, l'heure est à la réflexion plus qu'à la précipitation. (Applaudissements à gauche)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Voici aujourd'hui le quatrième texte sur la récidive en quatre ans. Officiellement, il met en oeuvre un dispositif de rechange après la censure du Conseil constitutionnel relative à la rétention de sûreté. Aidé en cela par le rapport Lamanda, le Gouvernement a entrepris d'aller au bout de sa logique, en dépit, notamment, des réserves du Conseil constitutionnel. Il en résulte, après une lecture à l'Assemblée nationale, un texte fourre-tout, dangereux et témoignant d'une approche extrêmement sécuritaire.de la notion de récidive. Fruit d'une inventivité répressive devenue obsessionnelle, ce texte est un nouveau texte de circonstance, un texte d'affichage pour lequel nos ministres sont même allés très loin dans le populisme pénal, évoquant par exemple la castration physique comme possible prévention de la récidive.

Au-delà d'une méthode très contestable, le texte, qui prolonge celui sur la rétention de sûreté que nous avions combattu, souffre de nombreuses incohérences. Il marque une nouvelle étape vers une régression majeure : on ne jugera plus sur des faits mais en raison d'une dangerosité supposée. Nous sommes résolus à lutter contre cette dérive qu'est la peine après la peine. Et ce n'est pas, comme l'a supposé un de vos collègues, être du côté des assassins : ce sont ces propos scandaleux qui témoignent d'une méconnaissance de nos principes juridiques. Combattre le texte, c'est être du côté du droit et d'une justice qui ne se fonde pas sur du virtuel mais sur des faits.

La mesure avait été présentée comme exceptionnelle en 2008 et voilà qu'on nous propose d'en accroître le périmètre sans étude d'impact, de la banaliser sans que rien le justifie. Vous contournez par un tour de passe-passe juridique les exigences formulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 février 2008 ; qu'une personne déjà condamnée à dix ans de réclusion criminelle puisse se voir placée en rétention de sûreté si elle manque à ses obligations dans le cadre de la surveillance de sûreté revient à bafouer la décision du Conseil constitutionnel. Ce texte est une insulte à son égard puisqu'il rétablit par une contorsion juridique ce que le Conseil avait refusé il y a deux ans. Il est aussi une insulte pour tous ceux qui défendent les droits humains en ce qu'il introduit dans notre droit l'idée nauséabonde que l'homme dangereux peut être enfermé à vie en raison de sa dangerosité présumée. Avec une habileté grossière, le texte multiplie les cas de placement immédiat sous surveillance de sûreté ; partant, en rétention de sûreté. Et la banalisation se poursuivra au prochain fait divers. Il n'est ni acceptable ni digne de légiférer ainsi.

Peine sans infraction, la rétention de sûreté est contraire à la Convention européenne des droits de l'homme. Le 17 décembre dernier, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que la détention de sûreté en Allemagne, dont vous vous êtes inspirés, constitue bien une peine, ce qui détruit la distinction opérée par le Conseil constitutionnel entre mesure de sûreté et peine, une distinction très fragile et dont vous abusez aujourd'hui.

Je suis convaincue que la Cour européenne des droits de l'homme condamnera ce système : ce sera la victoire du droit contre la surenchère populiste et médiatique que vous menez. (Applaudissements à gauche)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Je veux d'abord remercier le rapporteur de son travail et de ses propositions. Que sont devenues les propositions non législatives du rapport Lamanda ? S'agissant de la formation initiale et continue en criminologie clinique, l'École nationale de la magistrature, qui l'intègre déjà dans ses programmes, développera son offre de formations pluridisciplinaires. Le nombre de conseillers d'insertion et de formation a été augmenté de 516, de manière à permettre un suivi renforcé. Quant à l'inscription de la prévention de la récidive dans les missions des services pénitentiaires d'insertion et de probation, l'expérimentation en cours sur onze sites pourra être généralisée dès 2011. Si la criminologie n'est pas une nouvelle discipline -je me souviens avoir suivi des cours de criminologie-, elle a évolué et la création d'une chaire de criminologie au Cnam est le signe de l'attention que nous lui portons. Enfin, la criminologie entrera dans le champ des travaux de l'ISJ.

Pour le reste, le rapporteur a détaillé des propositions de rétablissement du texte initial, dont je le remercie. Il a enfin évoqué des initiatives communes Justice-Santé. Dès mon arrivée à la Chancellerie, je me suis entretenue avec Mme Bachelot pour que nos cabinets travaillent ensemble sur les problèmes communs comme sur ceux qui relèvent de la compétence de l'une mais intéressent l'autre. Des réunions ont eu lieu et nous avons eu des résultats sur la sensibilisation des psychiatres à l'importance de leur présence en milieu pénitentiaire. Le problème est ici moins de moyens que de motivation et, depuis trois mois, nous voyons se créer des groupes.

Bien sûr, monsieur About, le traitement inhibiteur de la libido n'est pas la solution miracle ; je l'avais précisé dans mon intervention liminaire, il doit être accompagné. Pourquoi caricaturer ? Il ne s'agit que d'une réponse parmi d'autres, qu'il convient de combiner. J'admets la nécessité d'avoir l'adhésion de la personne. On ne demande pas aux médecins de prendre en charge la délinquance mais aux sachants de concourir à l'évaluation de la personnalité pour déterminer la solution la plus adaptée. Les médecins ont leur place dans ce processus, dans le respect de la déontologie médicale.

On peut toujours dire qu'un projet intervient à la veille d'une échéance électorale mais alors, il ne faudrait plus en présenter parce qu'on est toujours à la veille d'une consultation. Je fais surtout observer à M. Masson que cela fait un certain temps que la nécessité de ce texte existe et qu'il a été examiné par l'Assemblée nationale il y a cinq mois. Il faut donc être un peu plus sérieux. Enfin, M. Masson ignore les effets de la réforme constitutionnelle, c'est son affaire.

Mme Borvo Cohen-Seat a dit des choses inexactes. Le nombre de personnes en prison n'a pas augmenté ; il a, depuis trois ans, diminué de quelque 2 000, c'est un fait ; je lui communiquerai le chiffre précis.

Vous dites que le temps de prison n'est pas utilisé pour des soins : c'est faux. Le texte est tout à fait clair sur ce point. Selon vous, notre politique réduirait le délinquant à son acte, distancié de ce qu'il est. Bien au contraire, ce projet de loi prend en compte sa psychologie et son psychisme. En outre, vous déclarez qu'il faut juger l'agresseur à l'aune de ce qu'il a fait. Vos propos sont contradictoires !

L'acte législatif est au service de nos concitoyens. La criminalité et la délinquance évoluent, le droit doit faire de même. Tous les gouvernements ont fait des lois en ce sens.

M. Guy Fischer.  - A ce rythme-là, jamais.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - En outre, nous devons tenir compte des observations du Conseil constitutionnel. Je tiens à m'inscrire dans la lignée des institutions.

Ce projet de loi ne confond nullement le soin et la sanction car il identifie bien le rôle du médecin et du juge. En revanche, vous avez raison de dire qu'une loi n'est pas efficace si l'on ne prévoit pas les moyens adaptés. Nous nous y employons et avons créé de nouveaux postes dans les services d'insertion et de probation. En complément, nous avons émis une circulaire en octobre dernier.

Monsieur Anziani, vous nous reprochez de présenter deux lois en deux ans sur le même sujet. Le Conseil constitutionnel nous a demandé d'apporter certaines précisions, il était normal de nous y conformer. Nous avons ajouté certains éléments pour combler des lacunes, notamment pour protéger les victimes. Cela relève de notre responsabilité.

Il ne me semble ni inefficace ni inutile de créer un répertoire des expertises et des enquêtes sociales concernant les détenus. Cela permettra d'individualiser l'incarcération et de lutter contre le risque de récidive. De même, serait-ce inutile que police et gendarmerie puissent interpeller un individu qui va à la rencontre de sa victime alors que cela lui est interdit ? Elles ne le pouvaient pas !

Ce projet de loi ne manifeste aucune défiance vis-à-vis des magistrats, que j'ai toujours défendus. Au contraire, nous leur apportons de nouveaux éléments. Ce n'est pas de la défiance que de rendre automatique l'interdiction aux délinquants sexuels de s'approcher de la victime. Ainsi, dans le cas de la joggeuse assassinée, la cour d'assises avait oublié de le mentionner. Le magistrat conserve la possibilité de lever l'interdiction.

Monsieur Mézard, la nécessité de préparer la sortie du prisonnier est une évidence, qui a été largement traitée par la dernière loi pénitentiaire. Pour ce qui concerne les malades mentaux, nous devons agir conjointement avec le ministère de la santé car l'implication des médecins est indispensable. Le juge d'application des peines est informé par le médecin coordonnateur du respect de l'obligation de soins.

Madame Des Esgaulx, je vous remercie pour la façon dont vous avez approché une problématique difficile, qui doit être abordée avec lucidité et pragmatisme. Vous avez rappelé à juste titre que nous prévoyons un décloisonnement des acteurs pour améliorer l'efficacité du suivi des délinquants. Leurs interventions, complémentaires, doivent être coordonnées. De même que j'estime que la chaîne de sécurité est la clé de l'efficacité de la lutte contre la délinquance, la chaîne de l'application des peines est la clé de la lutte contre la récidive.

M. Détraigne a rappelé la nécessité d'augmenter le nombre de médecins coordonnateurs. Il en existe 218, mais 13 départements métropolitains et 3 ultramarins n'en ont pas. Par arrêté, nous avons autorisé les médecins non-psychiatres à suivre une formation pour exercer cette fonction. Les premiers seront désignés prochainement.

Les unités hospitalières spécialisées ont mis du temps à se mettre en place, mais quatre ans se sont écoulés entre 1998 et 2002 : on aurait pu penser que la loi aurait suscité un certain élan. Nous nous y sommes attelés : la première unité ouvrira en 2010, la deuxième en 2011. Roselyne Bachelot et moi avons obtenu la mise en place d'une unité par région pénitentiaire, sans attendre le retour d'expérience initialement prévue.

Mme Klès a employé le mot « liberticide ». C'est un mot excessif. Face à la douleur de nos concitoyens et à l'ampleur des problèmes, notre grandeur est de rester modérés, justes et crédibles. De même, lorsque vous accusez les autres de mentir, il serait mieux de ne pas utiliser des arguments mensongers. Ainsi, vous nous accusez de céder aux victimes : nous sommes simplement à l'écoute des Français. Ce n'est peut-être pas votre choix, mais c'est le mien. Notre devoir est d'être à l'écoute des plus fragiles. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Nous n'avons nullement présenté le traitement des délinquants sexuels comme une potion magique. Vous caricaturez : il peut s'appliquer dans certains cas et dans le cadre d'un ensemble de mesures. En outre, vous déclarez que la sortie de prison se prépare dès l'entrée mais pourquoi avoir protesté quand nous avons présenté la loi pénitentiaire et l'approche différenciée afin que la prison serve à quelque chose ? Vous avez alors crié au scandale mais aujourd'hui, vous affirmez le contraire. Malgré vous, nous avons inscrit dans la loi pénitentiaire que, dès l'entrée en prison, la personnalité des détenus sera prise en compte pour apporter les réponses les plus efficaces possibles.

Mme Virginie Klès.  - Nous l'avons voté, mais nous le regrettons.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Monsieur Badinter, je crois à une entente entre la justice et la médecine dans le strict respect de chacun. Ce texte ne demande pas aux psychiatres de juger mais de constater l'acceptation ou le refus des soins.

Point à la ligne.

Ce texte n'impose pas aux juges de soigner : seuls les médecins peuvent décider d'un traitement. Il ne concerne pas les crimes virtuels : le fondement juridique de toutes les décisions est la condamnation antérieure et le risque de récidive. C'est parce que la rétention de sûreté est fondée sur une précédente condamnation que le Conseil constitutionnel en a refusé la rétroactivité. Certes, il serait dangereux de « psychiatriser » la justice. Mais il le serait également que la justice ne prît pas en compte le psychisme des criminels.

Je suis étonnée d'entendre un éminent juriste comme M. Badinter dire que les recommandations du rapport Lamanda pouvaient être mises en oeuvre par voie réglementaire. Seule la loi pouvait interdire aux condamnés de paraître dans les lieux liés à leur condamnation et donner à la police le droit de les interpeller s'ils le font. Faisons preuve de modération et de pragmatisme.

Quant à Mme Boumediene-Thierry, elle a déclaré qu'elle combattrait ce texte comme naguère la rétention et la surveillance de sûreté : tout est dit et il n'est pas besoin de lui répondre dans le détail. (Applaudissements sur les bancs UMP et sur la plupart des bancs UC)

La discussion générale est close.

Commission d'enquête parlementaire(Nominations)

M. le président.  - Je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la commission d'enquête sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A (H1N1)v. La présidence n'a reçu aucune opposition. En conséquence, elles sont ratifiées et je proclame MM. François Autain, Gilbert Barbier, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Christian Demuynck, Marcel Deneux, Claude Domeizel, Guy Fischer, Bruno Gilles, Jean-Pierre Godefroy, Michel Guerry, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Odette Herviaux, MM. Alain Houpert, Jean-Jacques Jégou, Mme Christiane Kammermann, MM. Serge Lagauche, Marc Laménie, Jacky Le Menn, Alain Milon, Mme Patricia Schillinger et M. Alain Vasselle membres de cette commission d'enquête.

Récidive criminelle (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons nos débats.

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion présentée par MM. Badinter, Anziani, Charles Gautier, Mme Klès, M. Michel, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée Nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale (n°258, 2009-2010).

M. Charles Gautier.  - Ce texte est caractéristique de la politique pénale du Gouvernement : il est fondé sur une accumulation de clichés médiatiques à propos des délinquants dangereux. Il vise à contourner la censure partielle par le Conseil constitutionnel de la loi du 25 février 2008.

Lorsqu'il fut déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale en novembre 2008, ce texte ne contenait que quelques dispositions. Le Gouvernement, n'y voyant aucune urgence particulière, a longtemps tardé à le mettre à l'ordre du jour. Mais un événement tragique a bouleversé le fond et la forme de ce projet. Le meurtre d'une femme par un criminel sexuel récidiviste a relancé le débat médiatique et la Présidence de la République s'est adonnée à la surenchère. Ce texte jusqu'alors en sommeil fut profondément modifié par voie d'amendements par le Gouvernement qui engagea la procédure accélérée afin de faire croire à sa réactivité.

Le principe de proportionnalité est bafoué. Un meurtre, aussi atroce et violent soit-il, justifie-t-il systématiquement une réforme pénale ? Voici le quatrième texte relatif à la récidive que nous examinons depuis quatre ans ; je n'évoquerai même pas la réforme pénitentiaire. Quel aveu d'échec ! Si la politique pénale et pénitentiaire du Gouvernement était efficace, nous n'aurions pas à modifier sans cesse le droit pénal !

Sommes-nous si mauvais législateurs qu'à chaque fait divers, nous devions faire le constat que tous les risques n'étaient pas prévus ? Attendons donc le prochain fait divers qui, inévitablement, servira à justifier un nouveau texte ! Nous sommes arrivés au bout de la logique de la « tolérance zéro ». Les statistiques relatives aux crimes les plus graves restent stables ou augmentent, ce qui prouve que la surenchère répressive ne sert à rien. Elle peut même être dangereuse car elle autorise l'arbitraire.

Malgré une forme très technique, ce projet de loi comporte des dispositions attentatoires aux principes démocratiques fondamentaux. De nombreux acteurs de la procédure pénale nous ont faire part de leur inquiétude. Tout d'abord, ce texte étend de manière injustifiée des mesures d'exception. Surveillance et rétention de sûreté ont été présentées lors de l'examen de la loi du 25 février 2008 comme des mesures exceptionnelles et voici qu'au premier drame, le Gouvernement tente de les généraliser ! La surveillance de sûreté ne sera plus révisée tous les ans mais tous les deux ans. A l'article 2 bis, la personne est déclarée libre de refuser son placement sous surveillance électronique mobile, mais elle sera alors passible d'une rétention de sûreté. Ce texte autorise le glissement de la surveillance à la rétention de sûreté et banalise cette dernière.

Dans le cadre des dispositions relatives à l'injonction de soins et à la surveillance judiciaire, les condamnés pourraient obtenir des réductions de peine. Mais le refus ou l'arrêt du traitement entraînerait un placement en rétention de sûreté dans le cadre de la surveillance de sûreté. Psychiatres et experts sont unanimes pour déclarer que les injonctions de soins sont tout à fait inutiles dans la plupart des cas.

En outre, ce texte entretient l'illusion qu'une surveillance constante est possible et normale après la peine. Il contient des mesures d'interdiction de paraître dans certains périmètres tout à fait inutiles puisque le code pénal contient déjà des mesures d'interdiction de séjour. Les mesures d'injonction de soins font apparaître une dangereuse confusion entre les rôles du juge et du médecin.

Comme dans chaque projet de loi que présente le Gouvernement, celui-ci étend le fichage. Il alourdit encore les obligations pesant sur les personnes inscrites dans le Fijais. Il étend le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg) aux personnes déclarées coupables et non plus seulement aux condamnés. Enfin, il crée un nouveau fichier qui ne dit pas son nom : le « répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires », qui contiendra les dossiers, expertises, examens, évaluations des experts. Inutile de préciser que ce nouveau fichier n'a pas fait l'objet d'une consultation de la Cnil. Sa création est en totale contradiction avec les conclusions du rapport des députés Mme Batho et M. Bénisti. Nous voici en pleine « fichéo-surveillance »...

M. le rapporteur a quelque peu édulcoré ce projet de loi, corrigeant les mesures les plus attentatoires aux principes démocratiques. Ce texte n'en reste pas moins en tout point opposé à notre philosophie pénale. Nous comptons parmi nos collègues l'éminent défenseur de l'abolition de la peine de mort. La rétention de sûreté n'est-elle pas une peine de mort sociale ? La majorité veut faire croire que l'on doit écarter définitivement de la société certains délinquants sous prétexte qu'ils récidiveront nécessairement. Cela nous place sur une pente très glissante : on justifie la privation de liberté d'un homme non pour ce qu'il a commis mais pour ce qu'il pourrait commettre un jour ! Que fait-on du risque d'erreur judiciaire ? Que fait-on de l'idée qu'un homme peut comprendre ses erreurs et se racheter ? On condamne à l'enfermement à vie des personnes considérées comme criminelles par essence. Certes, il est prévu des possibilités de révision régulière mais dans un tel contexte, quel magistrat ou quel médecin prendra la responsabilité de décréter que telle personne ne récidivera jamais ?

Je ne reviendrai pas sur les chiffres édifiants de la récidive : ils sont incontestables. La rétention de sûreté que la majorité nous présente comme la solution miracle ne s'appliquerait qu'à une petite dizaine d'individus. Certains demandent : « Avons-nous le droit de fermer les yeux ? » Ce discours est insupportable quand on connaît la faiblesse des moyens alloués aux unités médicales et psychiatriques et aux services d'aménagement des peines. Les recommandations du rapport Lamanda n'ont pas été suivies d'effets.

Enfin, l'expression de « castration chimique », qui vise avant tout à frapper les esprits, prouve le but médiatique de ce texte : un traitement hormonal n'est en rien une castration !

Le rapporteur a beau s'être appliqué à le nettoyer de ses pires assertions, ce texte viole plusieurs principes constitutionnels. Nous relayons les demandes des syndicats de psychiatres experts judiciaires qui demandent au minimum l'abandon de la procédure d'urgence et nous invitons nos collègues à voter cette motion d'irrecevabilité. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Si le Président de la République avait voulu, à Dieu ne plaise, contourner la décision du Conseil constitutionnel, il n'aurait pas demandé conseil au premier magistrat de France ! Il s'agissait de trouver des solutions pour faire face au risque de récidive, et nous sommes nombreux à avoir souligné le grand intérêt du rapport Lamanda !

Je ne partage pas votre pessimisme sur les textes déjà votés : avec la loi pénitentiaire, adoptée à une large majorité et sur laquelle les socialistes se sont abstenus, le nombre de personnes incarcérées a diminué et l'encellulement individuel est en passe de devenir réalité.

Si la surveillance de sûreté passe de un à deux ans, c'est qu'il faut aujourd'hui se préoccuper de son renouvellement dès six mois, alors que l'on souhaite précisément rendre le juge attentif à l'évolution de la personne. La commission a prévu une possibilité de mainlevée tous les trois mois : les libertés de la personne sont protégées.

Il n'y a pas de basculement automatique de la surveillance à la rétention de sûreté en cas de refus de placement sous surveillance électronique mobile ou d'injonction de soins : le texte préserve la liberté de choix des autorités.

Nous sommes loin d'un « fichage généralisé » : le répertoire des données à caractère personnel mis en place n'est pas un fichier répressif mais doit aider le juge à avoir une meilleure appréhension de la situation de la personne, qu'on va bien plus aider que stigmatiser.

Enfin, l'expression de « castration chimique » est à bannir. Un traitement médicamenteux peut avoir un intérêt pour certains délinquants sexuels, à certains moments : nous n'y voyons nullement une panacée. Il ne mérite ni cet excès d'honneur, ni cette indignité.

La différence majeure entre nous vient de ce que l'opposition n'a pas accepté le principe même de la rétention de sûreté. La loi vise un nombre homéopathique de détenus dont la remise en liberté fait courir un risque considérable à la société. La seule personne aujourd'hui en surveillance de sûreté est d'ailleurs plus proche du malade mental que du délinquant...

En refusant la révision du quantum de peine, qui aurait banalisé la rétention de sûreté, la commission des lois a rendu sa virginité au projet de loi, avec l'accord du ministre. Il n'y a pas l'ombre d'une esquisse d'inconstitutionnalité : j'invite donc le Sénat à repousser cette motion. (Applaudissements à droite)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Le rapporteur a très bien argumenté. Je ne vois pas comment un texte qui vise à se ranger aux remarques du Conseil constitutionnel pourrait être inconstitutionnel ! Je n'ai pas relevé beaucoup d'arguments chez M. Gautier, mais plusieurs erreurs...

Un meurtre mérite-t-il un texte législatif ? Oui, s'il est révélateur de lacunes. Nous avons le devoir d'adapter notre législation aux évolutions : la sécurité de nos concitoyens l'exige. Dès lors que nous portons atteinte à la liberté de quelqu'un, il faut une loi pour poser la question de la proportionnalité. Ce texte est perfectible -vous pourrez l'amender- mais son examen est nécessaire.

Je passe sur la confusion entre fichier et répertoire, ou sur les moyens alloués aux médecins et à la réinsertion, sur lesquels j'ai déjà répondu.

Je note que l'opposition est la seule à parler de « castration chimique »...

M. Charles Gautier.  - C'est l'expression courante dans les journaux !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Mieux vaut ne pas l'utiliser, même si elle est d'origine médicale.

Les cas visés par cette mesure sont en effet très rares, Dieu merci, mais toujours trop nombreux. Outre le meurtre de Mme Hodeau, il y a eu le viol d'un jeune garçon par un récidiviste ; dans mon département, j'ai rencontré des familles de victimes décapitées par quelqu'un aux lourds antécédents. On ne peut faire abstraction de ces drames : n'oublions pas notre part d'humanité. (« Très bien ! » et applaudissements à droite)

M. Alain Anziani.  - « Castration chimique », le mot est choquant. Nul ne l'a employé pour cautionner mais pour dénoncer ! Tous les rapports jugent le terme absurde. Vous nous faites un mauvais procès !

M. Badinter a mis l'accent sur la confusion des pouvoirs. Mécontent d'une décision du Conseil constitutionnel, le Président de la République demande au Premier président de la Cour de cassation de jouer les conseillers. Or en République, il doit y avoir séparation des pouvoirs !

Enfin, quid de la constitutionnalité de l'article 8 ter ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - M. Gautier ne l'a pas évoquée !

M. Alain Anziani.  - Par glissement, l'application immédiate de surveillance de sûreté se transpose à la rétention de sûreté. Il faudrait clarifier ce point. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous voterons la motion. Le motif principal d'inconstitutionnalité réside dans la loi précédente, motif encore élargi par celle-ci. La rétention de sûreté qui, décidée par un juge, est, qu'on le veuille ou non, une peine rétablit de fait la perpétuité. La question est grave, qu'il faut apprécier au regard des principes fondamentaux de notre droit.

Mme la garde des sceaux a estimé que j'avais travesti la réalité. Mais la population carcérale a bien doublé en trente ans, le fait qu'elle ait diminué récemment n'y change rien. Je continue de penser qu'il n'y a pas de lien direct entre l'aggravation de la loi pénale et l'évolution de la criminalité : à cette question de fond, la ministre n'a pas répondu. J'ai dit aussi qu'il y avait certes des intentions de soins en milieu carcéral mais que, comme en amour, seuls les actes comptaient. Francis Evrard avait passé trente deux ans en prison sans aucun suivi psychiatrique avant de commettre un viol en 2007. Nous devons nous interroger sur l'application des lois que nous votons et ne pas les adopter les unes après les autres, comme des girouettes, au gré des circonstances.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je voudrais répondre aux griefs soulevés par M. Alain Anziani, que M. Charles Gautier n'avait pas évoqués. Même si la surveillance de sûreté peut prolonger les obligations du suivi socio-judiciaire ou de la surveillance judiciaire, ne pourront y être soumises que les personnes condamnées à au moins quinze ans d'emprisonnement. La modification du seuil pour le placement sous surveillance judiciaire ne change rien : les personnes condamnées à moins de quinze ans, même si elles sont sous surveillance judiciaire, ne pourront être mises sous surveillance de sûreté, et encore moins en rétention de sûreté. Ensuite, si notre droit prévoit que des règles de procédure pénale plus sévères ne peuvent être rétroactives, ces règles n'ont qu'une valeur législative ; il peut donc y être dérogé par des dispositions législatives expresses. C'est précisément l'objet de l'article 8 ter.

A la demande du groupe UMP, la motion n°2 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 152
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1, présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe crc-spg.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale (n°258, 2009-2010).

Mme Éliane Assassi.  - C'est à la suite d'un fait divers atroce que ce texte, enterré pendant un an, est mis à l'ordre du jour. Si la compassion est pour tous naturelle, l'utilisation de drames à des fins politiques est inadmissible. Ils ne peuvent justifier la surenchère sécuritaire à laquelle nous assistons depuis 2002. Je rappelle que la loi de 2008 avait été votée dans un contexte similaire. Ni l'émotion ni la peur ne doivent fonder la loi. En s'appuyant sur l'émotion, le législateur manipule l'opinion. En étant guidé par la peur et par l'obsession sécuritaire, il est conduit par prudence à enfermer toujours plus longtemps, à surveiller toujours davantage, au nom de l'idée, non fondée scientifiquement, qu'une personne condamnée peut récidiver. Manipuler une émotion légitime, faire peur en agitant des faits divers, c'est entrer dans la société du spectacle dénoncée par Guy Debord, où le crime devient une marchandise médiatique jouant sur une fascination morbide.

Tout se passe comme Daniel Boorstin l'affirmait dans les années 1960 : « Nous n'allons pas mettre l'image à l'épreuve de la réalité mais mettre la réalité à l'épreuve de l'image ». Ces événements tragiques, mais heureusement isolés, laissent croire, à tort, à une inflation de ces crimes, ce qui permet de mettre en place une politique de surveillance et de justifier les mesures attentatoires aux libertés publiques. Si l'on s'efforce de sortir de l'émotion, on constate que la récidive n'est que de 1 %. A chaque horrible assassinat relayé par les médias, devrons-nous durcir la loi ? La rétention de sûreté créée en 2008 franchissait déjà des limites bien dangereuses en permettant l'enfermement d'un condamné une fois la peine purgée, sans jugement, sans nouveau fait, pour une durée indéterminée, en raison d'une éventuelle récidive. La prison après la prison pour un fait non commis ! Ce dispositif inadmissible est aujourd'hui encore durci avec la quasi-obligation de suivre un traitement antihormonal. Quelle sera la prochaine étape ? Éliminera-t-on demain les condamnés dangereux pour éviter leur récidive ?

Ce projet de loi permet au Gouvernement d'afficher sa prétendue efficacité dans la lutte contre la récidive en exploitant la fibre sensible de l'insécurité. Entre un texte sur les violences de groupe, la Loppsi II et ce projet de loi, la sécurité vous inspire à l'aube d'échéances électorales ! Encore une fois, la loi sert de support de communication au Gouvernement qui fait croire qu'il agit alors qu'il n'agite que les peurs populaires. Depuis 2002, nous en sommes à la quatrième loi sur la récidive, sans résultat.

Comme le souligne le rapport de M. Lamanda, Premier président de la Cour de Cassation, notre arsenal juridique suffit. En outre, méprisant le travail des parlementaires, le Gouvernement multiplie les textes à des fins d'affichage politique sans se soucier de la qualité du travail produit et du bon fonctionnement démocratique. Alors que la loi portant création de la rétention et de la surveillance de sûreté n'est que partiellement appliquée, ce nouveau projet de loi a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale en novembre 2008. Pourquoi le faire adopter en procédure accélérée un an après ? S'il y a une urgence, c'est celle qui consiste à amputer le Parlement de ses maigres pouvoirs. MM. Larcher et Accoyer ont annoncé la création d'un groupe de travail pour « améliorer la qualité de la loi et les conditions de son élaboration ». Ils constatent que la loi, redondante, se dévalorise. Ils estiment qu'« une bonne loi nécessite un temps de réflexion incompressible, il en va de la sécurité juridique de nos concitoyens et du bon fonctionnement de la démocratie ». L'examen de ce projet de loi doit donc être suspendu pour rétablir les conditions d'un débat parlementaire convenable.

En outre, il est invraisemblable de constater l'absence d'une quelconque étude d'impact. On ne comprend que trop bien les raisons de cette absence : une étude démontrerait que les mesures déjà adoptées par le Parlement en matière de récidive sont inefficaces, faute de crédits, comme le souligne le rapport Lamanda. Il est aussi nécessaire de renforcer les secrétariats des services de l'application des peines, d'augmenter le nombre de conseillers d'insertion et de probation de façon à permettre aux SPIP d'effectuer des suivis renforcés et de mettre en place un accompagnement adapté à chaque condamné pour prévenir le risque de récidive. Nous proposons également d'augmenter les effectifs des médecins coordonnateurs et les moyens dont sont dotés les services médico-psychologiques. A l'heure actuelle, les injonctions de soins ne peuvent être mises en place de façon satisfaisante dans plus de la moitié des juridictions. Il est d'autant plus inutile de généraliser l'injonction de soins et de rendre le traitement antihormonal quasiment obligatoire alors que le suivi médical ne sera pas assuré. Enfin, une attention particulière doit être portée à la médecine pénitentiaire en complétant la formation des médecins et en revalorisant les conditions matérielles de leur intervention en milieu pénitentiaire. L'utilisation de traitements antihormonaux doit faire l'objet d'une étude approfondie : elle est contestée par de nombreux médecins et ses effets secondaires sont encore mal connus, il serait aberrant de généraliser ce traitement alors que le problème est avant tout psychologique. Comment appliquer des décisions de prise en charge psychiatrique sans moyens humains et budgétaires supplémentaires ? La France est le pays d'Europe qui dépense le moins par habitant pour sa justice puisqu'elle était, en 2008, au trente-cinquième rang européen.

Cette absence d'étude permet également au Gouvernement de ne pas affronter la véritable cause de la récidive : la situation dramatique des prisons françaises. Les conditions de détention y sont inhumaines, avec une augmentation du nombre de suicides et des conditions de travail des personnels dégradées. La surpopulation carcérale, conséquence de la multiplication des lois répressives, provoque de nouvelles souffrances, de nouvelles pathologies et de nouvelles violences. La prison, espace de l'injustice sociale, de la misère et de la souffrance, est elle-même créatrice de violence et de récidive.

Il est urgent de changer de politique pénale en se dirigeant vers un accompagnement et un suivi social, médical, judiciaire adapté. L'accumulation des mesures pénales répressives ne résoudra en rien la question délicate de la récidive, elle l'aggravera même davantage tant que les prisons françaises resteront cette « humiliation pour la République » dénoncée par le Sénat en 2000.

Dans son rapport, M. Lamanda rappelle que « le phénomène de récidive criminelle a des degrés divers selon les lieux et les époques : il marque malheureusement l'histoire du monde. C'est pourquoi, il faut s'efforcer de le juguler au mieux, faute de ne pouvoir jamais le supprimer. L'objectif (...) était bien celui là : viser à une meilleure appréhension de ce risque, inhérent, en quelque sorte, à la nature humaine, et rechercher les moyens de le réduire toujours. (...) Il ne pouvait s'agir d'atteindre l'illusoire idéal d'une société sans récidive criminelle mais de contribuer à éclairer, (...) une société qui, consciente de sa propre part de violence, se doit d'être lucide et vigilante à la fois ».

Comme l'État ne dote pas la justice des moyens nécessaires pour prévenir la récidive criminelle, il n'y a pas lieu de poursuivre la discussion sur ce texte tellement dangereux pour la loi, le Parlement, la justice française et la démocratie. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Mme Assassi fait des propositions tout à fait intéressantes qui reprennent d'ailleurs certaines mesures prônées par le rapport Lamanda. Il serait effectivement souhaitable d'avoir davantage de conseillers d'insertion et de probation, de renforcer les secrétariats des juges d'application des peines, le rôle des médecins coordonnateurs. Mme le ministre nous a d'ailleurs dit que des progrès ont été accomplis.

En revanche, je ne suis pas d'accord avec cette idée reçue de l'affaiblissement des pouvoirs du Parlement. Même si l'on peut regretter la procédure accélérée, le Parlement a montré ses compétences. Depuis la dernière révision constitutionnelle, c'est davantage le cas encore avec la modification des textes du Gouvernement par la commission. En outre, ce thème n'est pas récent : je me souviens d'un débat à l'Assemblée nationale où le Premier ministre, Georges Pompidou, disait : « Si je comprends bien, vous n'existez pas ou à peine et le Gouvernement n'est guère mieux loti. Notre exercice de style ressemble à un exercice autrefois prisé qui était celui du dialogue des morts. » (Sourires)

Il me semblait que vous motiviez votre motion par un défaut d'études préalables mais nous ne manquons pas de rapports sur le sujet, voyez ceux de MM. Burgelin, Lamanda, ou encore Gautier et Goujon. Les statistiques précises font certes défaut, on évalue la récidive entre 1 et 5 %, certains vont même jusqu'à 25 % : ce sera la tâche de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales de fournir des chiffres précis.

Vous prétendez encore que ce texte serait inutile mais je lui trouve la qualité de codifier les réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel et d'améliorer l'état de notre droit. En particulier, une personne qui ne respecterait pas ses obligations de suivi pourra être interpelée directement par la police, ce qui est un progrès. Avis défavorable à la question préalable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Je veux rassurer Mme Assassi : ce texte répond si peu à un objectif de communication gouvernementale que la presse n'en parle quasiment pas ! Ce que nous voulons, c'est limiter la récidive. Votre attitude correspond à une politique constante de votre parti et les Français, élection après élection, vous disent ce qu'ils en pensent ! (Exclamations à gauche)

M. Guy Fischer.  - C'est bas ! On en reparlera !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce type d'argument n'est pas digne du Parlement !

M. Jean-Pierre Michel.  - Tout le monde ici veut limiter la récidive, mais nous différons sur les moyens d'y parvenir. Cependant, la meilleure méthode, c'est d'éviter toute sortie « sèche », c'est de garantir un accompagnement à la sortie de prison !

La question des moyens se pose immédiatement ! Or, malgré les assurances de Mme le garde des sceaux, nous savons qu'ils manquent, pour le suivi judiciaire, pour le suivi psychiatrique. Je le sais pour m'occuper d'une association spécialisée : on ne peut assurer que le suivi psychiatrique de ceux qui se présentent à l'hôpital mais pour les autres, on ne fait rien s'ils ne viennent pas.

Les moyens mis en oeuvre sont donc un préalable. M. le rapporteur en convient puisqu'il présentera un amendement qui reportera des mesures tant que les moyens nécessaires ne seront pas mobilisés.

Deuxième préalable, nous manquons d'études d'impact, en particulier des nombreuses mesures que les députés ont ajoutées, d'eux-mêmes ou en répondant au voeu du Gouvernement. L'efficacité du traitement anti-libido, en particulier, fait l'objet de débat : qu'en est-il ?

Troisième préalable, le répertoire que ce texte introduit n'a pas été visé par la Cnil, le président de la Cnil a émis des objections, en commission, et il vaudrait peut-être mieux améliorer les fichiers qui existent déjà, en particulier Cassiopée.

Ces trois préalables justifient donc parfaitement que nous votions la question préalable !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Madame le ministre, votre argument électoral n'est pas digne du Parlement, je pourrais vous dire que malgré une propagande électorale centrée sur l'insécurité, le Président de la République est au plus bas dans les sondages !

Ce qui est important, c'est de réduire la récidive et que la justice soit mieux rendue. Or, nous légiférons pour la quatrième fois contre la récidive et la dix-septième fois en matière pénale depuis 2002. A quoi cela sert-il ? L'adoption de tant de lois est-elle autre chose qu'un affichage permanent ? Quel en est le résultat ? Bien sûr qu'il se commet encore des crimes, et d'horribles, et la compassion pour les victimes est partagée sur tous les bancs ! Est-ce bien légiférer que de multiplier les lois sans que ni les professionnels ni les citoyens ne sachent pourquoi ? (Applaudissements à gauche)

A la demande du groupe UMP, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 325
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l'adoption 138
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion des articles

Article additionnel avant l'article premier A

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n°2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental est abrogée.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le Conseil constitutionnel a censuré la rétroactivité mais non l'institution d'une peine après la peine. Nous y sommes opposés et ce n'est pas par refus de lutter contre la récidive ou de surveiller les criminels dangereux. Mais là, nous sommes à la frontière de la psychiatrie et de la justice et cette loi nous parait inadaptée.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Notre législation n'est pas la tapisserie de Pénélope et nous n'avons pas à défaire en 2010 ce que nous avons voté en 2008. Nous sommes une majorité à être favorables à cette rétention de sûreté tout en souhaitant qu'elle soit pratiquée à dose homéopathique. Avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - En répondant à la décision du Conseil constitutionnel, sur la base du rapport Lamanda, nous faisons oeuvre législative utile et cohérente. L'actualité nous y invite : aujourd'hui encore, un jeune garçon a été agressé par un récidiviste. Les textes précédents étaient utiles mais présentaient des lacunes que nous sommes ici pour tenter de combler. Je ne dis pas que ce projet de loi était parfait et moi-même, j'étais opposée à certains amendements adoptés par les députés. Mais il est bon que nous tentions de l'améliorer avec les amendements et sur la base de l'excellent travail du rapporteur. Ce n'est pas là une affaire de communication préélectorale puisque ce texte a été soumis à l'Assemblée nationale il y a déjà un certain temps. Je souhaite donc que nous l'examinions de façon sereine et pragmatique pour répondre aux attentes de nos concitoyens. Nous règlerons ainsi des problèmes peu nombreux heureusement, mais qui ressurgissent régulièrement.

Ce n'est pas un problème de moyens. Même si nous disposions de tous les moyens de réinsertion, des problèmes subsisteraient encore, que ce texte permet de régler, par exemple l'interdiction, pour un condamné, de revenir à proximité de sa victime. Tentons donc d'améliorer ce texte pour le rendre le plus performant possible. Avis défavorable.

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°14 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 152
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Article premier A

Le deuxième alinéa de l'article 706-53-13 du code de procédure pénale est complété par les mots : « ou, lorsqu'ils sont commis en récidive, de meurtre, torture ou actes de barbarie, viol, enlèvement ou séquestration ».

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, ajoute comme qualification d'aggravation pour les actes visés celle de récidive. Or, comme le précise le rapport de la commission des lois, « l'état de récidive peut être considéré comme une circonstance générale d'aggravation susceptible de porter la peine encourue à la réclusion criminelle à perpétuité ». Autrement dit, la récidive aggrave la répression de l'infraction. Pourquoi, alors, cet ajout des députés de la majorité ? On peut craindre que se cache derrière cette nouvelle rédaction la volonté de faire de la rétention de sûreté une modalité ordinaire de la peine alors qu'elle doit demeurer exceptionnelle, selon l'article 706-53-13 du code de procédure pénale.

M. le président.  - Amendement identique n°39, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Alain Anziani.  - Nous nous sommes opposés à la création de la rétention de sûreté en 2007-2008. Cet article étend davantage encore son application, nous en proposons la suppression.

M. Jean-René Lecerf.  - Aux termes de l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, la rétention de sûreté est applicable aux crimes d'assassinat ou de meurtre, de torture ou actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration commis sur mineurs et, à la condition qu'ils aient fait l'objet de circonstances aggravantes, commis sur majeurs. Le législateur n'avait cependant pas prévu, s'agissant des majeurs, que ces mêmes crimes, commis en état de récidive légale, entrent dans le champ d'application de la rétention de sûreté. Or, l'état de récidive peut être considéré comme une circonstance générale d'aggravation -susceptible de porter la peine encourue à la réclusion criminelle à perpétuité- qu'il importe également de prendre en compte. Et on ne peut pas parler, ici, de banalisation. Avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Le texte de la commission comble une lacune.

Les amendements identiques nos16 et 39 ne sont pas adoptés.

L'article premier A est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa de l'article 706-53-13 du code de procédure pénale est complété par quatre phrases ainsi rédigées :

« La situation de tous les condamnés susceptibles de faire l'objet d'une rétention de sûreté doit être examinée dès le premier mois qui suit leur condamnation. Les personnes condamnées sont ainsi placées pour une durée de six semaines au centre national d'observation. A l'issue de cette évaluation, un parcours individualisé d'exécution de la peine est déterminé sur la base d'une concertation entre l'administration pénitentiaire, l'autorité judiciaire et l'autorité sanitaire. Ce parcours fait l'objet d'une actualisation au cours de la détention. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'avais déjà présenté cet amendement de repli lors de la discussion de la loi sur la rétention de sûreté. Non, monsieur le rapporteur, cette demande n'est pas satisfaite malgré un semblant de similitude. On sait ce qu'il en est des évaluations dans les établissements pénitentiaires, raison de plus pour qu'elles interviennent dès l'incarcération.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Notre différend ne porte que sur un point. Nous avons prévu une double évaluation dans l'année de l'incarcération et dans l'année qui précède la sortie. Il est préférable d'attendre une certaine stabilisation de la personne, d'autant que les deux premières semaines sont quasiment perdues. Le texte n'interdit pas de faire l'évaluation avant douze mois. Sur le reste, nous sommes pleinement en harmonie avec Mme Borvo Cohen-Seat, nous allons plus loin et proposons le placement dans un service spécialisé pendant au moins six semaines. Avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Comme le rapporteur, j'estime que votre demande est satisfaite par la loi du 25 février 2008 comme par l'esprit de la loi pénitentiaire. Vous pourriez retirer votre amendement...

M. Charles Revet.  - Sait-on jamais ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - A défaut, j'y serais défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce n'est pas par esprit de contradiction que je persiste mais parce que ce n'est pas la même chose de dire que l'on procèdera à l'évaluation dans l'année ou peu après le jugement : la prise en charge doit commencer dès l'incarcération.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

Article premier

I (nouveau).  -   Avant le dernier alinéa de l'article 706-53-14 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La commission vérifie également que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l'exécution de sa peine, d'une prise en charge médicale, sociale et psychologique adaptée au trouble de la personnalité dont elle souffre ».

II.  -  (Non modifié) L'article 706-53-15 du même code est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La juridiction régionale de la rétention de sûreté ne peut prononcer une rétention de sûreté qu'après avoir vérifié que la personne condamnée a effectivement été mise en mesure de bénéficier, pendant l'exécution de sa peine, d'une prise en charge médicale, sociale et psychologique adaptée au trouble de la personnalité dont elle souffre. » ;

2° Le troisième alinéa est complété par les mots : « et de l'alinéa précédent. »

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cet article constitue une incontestable amélioration. Il s'inscrit néanmoins dans le cadre de la rétention de sûreté que nous contestons. Au surplus, le refus de notre amendement précédent montre que nous n'avons pas la même façon d'appréhender la prise en charge de la personne.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Faisant les questions et les réponses, vous vous opposez à une disposition dont vous reconnaissez l'intérêt. Avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

médicale, sociale et psychologique adaptée

par les mots :

et de soins adaptés

M. Alain Anziani.  - A la suite des débats en commission de ce matin, les amendements nos40 et 41 sont retirés.

Les amendements nos40 et 41 sont retirés.

M. le président.  - Amendement n°69 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Tropeano et Vall.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

et à son état médical

M. Jacques Mézard.  - L'amendement élargit les critères sur lesquels la juridiction régionale de sûreté peut être amenée à se prononcer. Le Conseil constitutionnel a subordonné la rétention de sûreté à des conditions qui ne se limitent pas à l'état psychiatrique. Or la rétention de sûreté, que nous réprouvons, pose la question de la sortie : en cas de récidive, et il y en aura, quelle sera la responsabilité de ceux qui l'auront autorisée ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cette précision ne se contente pas de lever une difficulté d'interprétation de la décision du Conseil constitutionnel. Il s'agit en l'occurrence de vérifier les troubles de la personnalité, et il est d'autant moins nécessaire de considérer l'état médical général que les soins somatiques en milieu pénitentiaire sont de grande qualité et parfois supérieurs à ceux que l'on peut trouver à l'extérieur. Avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Ou bien les troubles mentaux ont des conséquences physiques et la précision est surabondante, ou bien ils n'en ont pas et l'amendement n'est pas dans son cadre. Je comprends mal...

L'amendement n°69 rectifié n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

Article premier bis

Le même code est ainsi modifié :

1°  Le premier alinéa de l'article 706-53-19 est ainsi modifié :

a) A la fin de la première phrase, les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans » ;

b) Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :

« La mainlevée de la surveillance de sûreté peut être demandée selon les modalités prévues à l'article 706-53-17. » ;

2° A la fin du premier alinéa de l'article 723-37, les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans » ;

3° A la fin du premier alinéa de l'article 763-8, les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans ».

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - L'Assemblée nationale a étendu la surveillance de sûreté à deux ans parce qu'un an ne suffirait pas à la procédure de renouvellement. La commission des lois, qui n'a pas remis en cause cette durée, a intégré en contrepartie la possibilité de demander la mainlevée. Nous sommes favorables à l'inscription de cette possibilité dans la loi -on aurait pu y penser plus tôt si l'on n'avait pas examiné en urgence la loi de 2008. Reste que la mainlevée suppose des démarches juridiques que certains n'accompliront pas, faute d'y être aidés.

De même que nous avions refusé l'aggravation que constituait la loi de 2008, de même nous refusons la banalisation de ce mode de surveillance. Pourquoi d'ailleurs ne pas allonger la rétention de sûreté ? Plus on allonge les délais de surveillance et plus on allonge ceux du réexamen de la situation de l'intéressé, lequel n'a pas à subir les contraintes de cette procédure.

M. le président.  - Amendement identique n°42, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Alain Anziani.  - Amendement identique, raisonnement identique. Je connais les objections qui nous ont été faites ce matin. L'argument technique ne tient pas ou n'est que de peu de poids.

Cette mesure porte atteinte à la liberté de la personne concernée. On ne peut lui opposer un raisonnement administratif.

Pour ce qui est de demander une mainlevée, encore faut-il être en état de le faire. Nous connaissons tous des personnes qui ont tourné la page de la société et pensent que la liberté n'est plus faite pour eux. Il serait plus sage de conserver un examen automatique annuel et non bisannuel.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Monsieur Anziani, je vous rappelle que la personne est placée en surveillance de sûreté, donc libre. En l'état du droit, le renouvellement de cette mesure intervient dans les mêmes conditions que la décision initiale : lorsque celle-ci suit une surveillance judiciaire ou un suivi socio-judiciaire, le juge de l'application des peines ou le procureur de la République doit saisir la juridiction régionale de la rétention de sûreté six mois avant le terme prévu. Dans ce délai, l'expertise médicale est réalisée. Il est donc nécessaire d'engager la procédure de renouvellement avant la fin de la moitié de la durée de la mesure de sûreté. Cela permettra un examen plus attentif de la demande.

Madame Assassi, l'intéressé peut demander la mainlevée de la mesure de sûreté tous les trois mois et il peut bénéficier d'une aide juridictionnelle. Il s'agit généralement de cas psychiatriques lourds, comme on le voit pour la seule personne placée aujourd'hui sous surveillance de sûreté. Le délai prévu permettra à l'autorité décisionnaire de ne pas demander automatiquement la prorogation de la mesure de sûreté.

Je comprends les motivations de ces amendements mais j'y suis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Même avis. La surveillance de sûreté bénéficie de nombreuses garanties procédurales. La personne peut notamment demander une mainlevée quasiment à tout moment, comme la commission l'a précisé dans le texte. Je vous indique en outre qu'en Allemagne, les demandes de renouvellement sont examinées tous les deux ans.

L'amendement n°18, identique à l'amendement n°42, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°70 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Tropeano et Vall.

I. Alinéas 3, 5 et 7

Supprimer ces alinéas

II. Alinéa 4

En conséquence, supprimer la référence :

b)

M. Jacques Mézard.  - L'allongement de un à deux ans de la durée de la surveillance de sûreté n'était pas prévu dans le texte initial. Étant opposés par principe aux mesures de sûreté, nous ne pouvons accepter que l'exercice d'une liberté fondamentale soit soumis à de simples considérations administratives et pratiques. Le manque de moyens ne peut justifier le durcissement de sanctions pénales.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La possibilité de demander une mainlevée est très large puisqu'elle est possible après trois mois. Elle est accordée d'office si la juridiction n'a pas statué dans les trois mois. Si la demande est rejetée, une nouvelle demande peut être déposée au bout de trois mois.

Les délais ne sont pas justifiés par des contraintes de personnel mais par le fait que les personnes placées en surveillance de sûreté présentent un danger de récidive. Avant de lever cette décision, il faut mener une expertise complexe et longue. Avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°70 rectifié n'est pas adopté.

L'article premier bis est adopté.

Article 2

I.  -  L'article 706-53-19 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le placement en centre socio-médico-judiciaire de sûreté prévu à l'alinéa précédent ne peut être ordonné qu'à la condition qu'un renforcement des obligations de la surveillance de sûreté apparaisse insuffisant pour prévenir la commission des infractions mentionnées à l'article 706-53-13. »

II.  -  Au dernier alinéa de l'article 723-37 du même code, les mots : « du dernier alinéa » sont remplacés par les mots : « des quatre derniers alinéas ».

III.  -  Au second alinéa de l'article 763-8 du même code, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « septième ».

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Sur les 23 recommandations du rapport Lamanda, seules 4 ont été reprises par ce texte, dont cet article qui renforce le placement en rétention de sûreté. Ces dispositions risquent de banaliser et de généraliser une mesure qui devrait demeurer exceptionnelle. En outre, l'article 8 ter prévoit que le dispositif de surveillance de sûreté s'applique de manière immédiate. Ainsi, on tente de contourner la décision du Conseil constitutionnel.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Madame Borvo Cohen-Seat, il ne s'agit pas de faciliter la rétention de sûreté mais, au contraire, d'en restreindre l'usage « à la condition qu'un renforcement des obligations de la surveillance de sûreté apparaisse insuffisant ». Dans le texte actuel, le placement est automatique en cas d'entorse à l'obligation de surveillance. Désormais, il faudra vérifier les autres possibilités de surveillance et on pourra, par exemple, ordonner la pose d'un bracelet mobile. Avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Même avis. Cet article limite les possibilités de placement en rétention de sûreté. Madame Borvo Cohen-Seat, seules 4 recommandations du rapport Lamanda figurent dans ce texte car les autres ne relèvent pas du domaine législatif.

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

La séance est suspendue à 19 h 25.

présidence de M. Roger Romani,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Renvois pour avis

M. le président.  - J'informe le Sénat que la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, dont la commission des lois est saisie au fond, est renvoyée pour avis à la commission des affaires sociales, à la commission de la culture, à la commission de l'économie et à la commission des finances, à leur demande,

J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dont la commission des lois est saisie au fond, est renvoyé pour avis à la commission des affaires étrangères et à la commission des finances, à leur demande.

Récidive criminelle (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale.

Candidatures à une éventuelle CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission des lois a procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de ce projet de loi. Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - Dans la discussion des articles, nous en étions parvenus à l'amendement n°20 au sein de l'article 2 bis.

Article 2 bis

L'article 706-53-19 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le président de la juridiction régionale de la rétention de sûreté avertit la personne placée sous surveillance de sûreté que le placement sous surveillance électronique mobile ne pourra être mis en oeuvre sans son consentement mais que, à défaut ou si elle manque à ses obligations, le placement dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté pourra être ordonné dans les conditions prévues par l'alinéa précédent. »

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - A la suite de cet amendement de cohérence marquant notre totale opposition à la surveillance et à la rétention de sûreté, nous proposons un amendement n°21 de repli. Le refus de porter le bracelet électronique ne doit être considéré que comme un élément parmi les autres manquements aux obligations. La rétention de sûreté ne doit intervenir qu'en dernier recours.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Avant de pouvoir ordonner le placement en centre socio-médico-judiciaire, la juridiction d'application des peines adopte tous les moyens intermédiaires adaptés et prévus dans le cadre de la surveillance de sûreté par le 1° et le 2° de l'article 723-30. »

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission, par cohérence également, est hostile à l'amendement n°20. S'agissant du n°21, l'article 2, que le groupe CRC-SPG voulait supprimer par l'amendement n°19, instaure déjà des garanties quant au caractère subsidiaire d'un placement en rétention de sûreté. En outre, ce placement n'est pas ordonné par le juge de l'application des peines mais par le président de la juridiction régionale de rétention de sûreté. Retrait, sinon défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Mme Borvo est logique avec elle-même : elle avait déjà proposé, avec l'amendement n°14 rectifié, de supprimer la totalité de la loi sur la rétention de sûreté. Or cette loi, si elle doit être aménagée -et les travaux de la commission ont permis d'avancer en ce sens-, est utile. L'avis est donc défavorable à l'amendement n°20. L'amendement n°21 est satisfait par l'article 2 : retrait, sinon défavorable.

L'amendement n°20 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°21.

L'article 2 bis est adopté.

Article 3

L'article 706-53-21 du même code devient l'article 706-53-22 et après l'article 706-53-20, l'article 706-53-21 est ainsi rétabli :

« Art. 706-53-21.  - La rétention de sûreté et la surveillance de sûreté sont suspendues par toute détention intervenue au cours de leur exécution.

« Si la détention excède une durée de six mois, la reprise de la rétention de sûreté ou de la surveillance de sûreté doit être confirmée par la juridiction régionale de la rétention de sûreté au plus tard dans un délai de trois mois après la cessation de la détention, à défaut de quoi il est mis fin d'office à la mesure. »

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'amendement n°22 est de principe. Le n°23, de repli, vise à instaurer une égalité de traitement entre les personnes condamnées à des mesures de surveillance ou de rétention de sûreté. Toute évolution mentale du condamné, toute possibilité de progrès doit être prise en compte par la juridiction régionale de rétention de sûreté.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission, favorable à la rétention de sûreté, est hostile à l'amendement n°22. Le texte initial prévoyait que la situation de la personne soumise à une surveillance de sûreté ou à une rétention de sûreté et incarcérée pour avoir commis une infraction était réexaminée à sa libération lorsque sa détention avait excédé un an. Le temps de détention devant permettre, selon le Conseil constitutionnel, une prise en charge effective et adaptée de la personne, la commission a ramené le seuil d'un an à six mois. En revanche, obliger la juridiction à se prononcer pour des peines de très courte durée, parfois de quelques jours, ne semble pas adapté car les éléments ayant justifié le placement n'ont sans doute pas évolué. Six mois nous semble la juste mesure : défavorable à l'amendement n°23.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Rejet de l'amendement n°22 : l'article 3 s'inspire des recommandations du rapport Lamanda. Même avis à l'amendement n°23 car il serait difficile, pour des raisons objectives, comme le rapporteur l'a montré, de retenir un seuil de détention inférieur à six mois.

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

Si la détention excède une durée de six mois,

par les mots :

Quelle que soit la durée de la détention,

M. le président.  - Amendement n°43 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

Si la détention excède une durée de six mois

par les mots :

À l'issue de la détention

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'abaissement du seuil de détention d'un an à six mois par la commission constitue une amélioration indéniable. Pour autant, nous considérons que la juridiction régionale de rétention de sûreté, quelle que soit la durée de la détention, doit vérifier si la personne bénéficie effectivement de la prise en charge adaptée décrite à l'article premier et si la mesure de surveillance ou de rétention, au regard des nouveaux éléments, est toujours justifiée.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Défavorable : songez un peu aux conditions quotidiennes dans lesquelles doivent travailler les juridictions régionales ! Il ne faudrait pas, en outre, qu'une très brève incarcération de quelques jours suffise à changer le statut de la personne.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°23 n'est pas adopté, non plus que le n°43 rectifié.

L'article 3 est adopté.

Article 4

L'article 723-37 du même code est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La juridiction régionale de la rétention de sûreté peut également, selon les modalités prévues à l'article 706-53-15, ordonner une surveillance de sûreté à l'égard d'une personne placée sous surveillance judiciaire à laquelle toutes les réductions de peine ont été retirées, en application du premier alinéa de l'article 723-35 à la suite d'une violation des obligations auxquelles elle était soumise dans des conditions qui font apparaître des risques qu'elle commette à nouveau l'une des infractions mentionnées à l'article 706-53-13. La surveillance de sûreté s'applique dès la libération de la personne. »

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Notre commission des lois a opportunément retiré une disposition votée par la majorité à l'Assemblée nationale, qui baissait de quinze à dix ans le quantum de la peine susceptible d'être suivie d'une surveillance de sûreté à l'issue de la surveillance judiciaire. Une telle disposition était inconcevable. Elle l'était parce que le seuil de dix ans est précisément celui prévu pour la surveillance judiciaire par l'article 723-29. Elle l'était, comme vous l'avez vous-même rappelé, madame la ministre, parce que la surveillance de sûreté est une disposition exceptionnelle pour des faits d'une extrême gravité. Ce qu'a confirmé le Conseil constitutionnel. Un tel dispositif juridique est tellement dérogatoire aux principes fondamentaux de notre droit qu'il ne saurait être banalisé.

Le risque existe pourtant, puisqu'a été intégré à l'article 4 une nouvelle extension du champ d'application de la surveillance de sûreté. Celle-ci étend en conséquence la possibilité de placement en rétention de sûreté, qui peut sanctionner la violation des obligations de la surveillance de sûreté. C'est donc une sanction extrêmement grave qui pourra être prononcée contre l'intéressé, au seul motif qu'il ferait apparaître un risque de récidive.

Outre ces observations, nous refusons en tout état de cause le dispositif de surveillance de sûreté inclus dans la loi du 25 février 2008.

M. le président.  - Amendement identique n°95 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade et Tropeano.

M. Jacques Mézard.  - Nous sommes contre le principe même de ce dispositif, et donc contre son extension. Or, en dépit des efforts appréciables de la commission, cet article étend encore davantage la possibilité de placement en sûreté.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Il est vrai que cet article étend le dispositif mais c'est pour remédier à un paradoxe relevé par M. Lamanda et rendre possible l'application de la surveillance de sûreté à une personne placée sous surveillance judiciaire et à qui toutes les réductions de peine ont été retirées. En effet, une surveillance de sûreté ne pouvant être ordonnée que dans le prolongement d'une surveillance judiciaire, elle ne peut être décidée directement après la libération d'une personne incarcérée en raison de la révocation de l'intégralité des réductions de peine. Cela fait que la surveillance de sûreté n'est possible que lorsque la surveillance judiciaire est menée à son terme sans incident et, partant, lorsque l'intéressé présente les meilleurs gages d'une possible réinsertion. L'article 4 corrige cette anomalie.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Même avis défavorable : cet article applique une des recommandations du rapport Lamanda, sur lesquelles j'ai cru comprendre que tout le monde s'accordait.

Les amendements identiques nos24 et 95 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 4 est adopté, ainsi que l'article 5.

Article 5 bis

Après le titre XX du livre IV du code de procédure pénale, il est inséré un titre XX bis ainsi rédigé :

« Titre XX bis

« Du répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires

« Art. 706-56-2.  - Le répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires, tenu par le service du casier judiciaire sous l'autorité du ministre de la justice et placé sous le contrôle d'un magistrat, est destiné à faciliter et à fiabiliser la connaissance de la personnalité et l'évaluation de la dangerosité des personnes poursuivies ou condamnées pour l'une des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru, et à prévenir le renouvellement de ces infractions.

« Le répertoire centralise les expertises, examens et évaluations psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires des personnes mentionnées à l'alinéa précédent qui ont été réalisés :

« 1° Au cours de l'enquête ;

« 2° Au cours de l'instruction ;

« 3° A l'occasion du jugement ;

« 4° Au cours de l'exécution de la peine ;

« 5° Préalablement au prononcé ou durant le déroulement d'une mesure de surveillance ou de rétention de sûreté ;

« 6° En application des articles 706-136 ou 706-137 ;

« 7° Durant le déroulement d'une hospitalisation d'office ordonnée en application de l'article 706-135 du présent code ou de l'article L. 3213-7 du code de la santé publique.

« En cas de décision de classement sans suite, hormis les cas où cette décision est fondée sur le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, de décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, les données concernant la personne poursuivie sont immédiatement effacées.

« Les informations contenues dans le répertoire sont directement accessibles, par l'intermédiaire d'un système de télécommunication sécurisée, aux seules autorités judicaires.

« Les membres de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, les experts et les personnes chargées par l'autorité judiciaire ou l'administration pénitentiaire d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité peuvent également être destinataires, par l'intermédiaire de l'autorité judiciaire et pour l'exercice de leurs missions, des informations contenues dans le répertoire.

« Les modalités et conditions de fonctionnement du répertoire sont déterminées par décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

« Ce décret précise les conditions dans lesquelles le répertoire conserve la trace des interrogations et consultations dont il a fait l'objet, ainsi que la durée de conservation des informations inscrites et les modalités de leur effacement. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - La commission a largement récrit cet article pour clarifier la nature des données susceptibles d'être collectées et encadrer l'accès à ce répertoire, en le réservant à l'autorité judiciaire. Demeure cependant un problème de fond, qui agite d'ailleurs notre commission depuis plusieurs mois : quel régime souhaitons-nous pour les fichiers ? Quel contrôle le Parlement est-il en mesure d'exercer sur eux ? Comment assurer qu'ils respectent le droit de chacun à sa vie privée ? Nous nous sommes accordés sur l'idée qu'ils devaient être créés par la loi, comme l'ont recommandé nos collègues Yves Détraigne et Anne-Marie Escoffier dans leur excellent rapport sur La vie privée à l'heure des mémoires numériques.

Dans notre rôle de protection des libertés individuelles, nous ne pouvons nous contenter de donner notre aval à la création d'un fichier sans contrôler son contenu et sa compatibilité avec le respect de la vie privée. Or, avec cet article, on nous demande de donner un blanc-seing à un fichier dont le contenu serait fixé par le pouvoir réglementaire. Les précisions sur ses modalités de fonctionnement sont renvoyées à un décret en Conseil d'État, avec un contrôle préalable de la Cnil.

Je note la volonté de M. Türk de donner un peu plus de place à la Cnil dans ce processus mais nous devons exiger plus que cela : la loi doit prévoir les modalités et la durée de conservation, les modalités d'effacement ainsi que le droit d'accès et de rectification aux données enregistrées. Si le Parlement renonce à ces exigences, il renonce à son rôle de protection des libertés fondamentales. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - L'article 5 bis crée un « répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires ». Le principe d'une telle base de données n'est pas choquant mais cet article pose des problèmes très sérieux.

D'abord, sans que l'avis de la Cnil ait été sollicité, on crée un énième fichier, qui porte sur des données sensibles, collectées à toutes les phases de procédures judiciaires antérieures, de l'enquête à l'exécution de la peine. Y seraient inscrites les personnes poursuivies, autrement dit présumées innocentes. Que des données recueillies dans une affaire en cours, sur une personne non encore condamnée, puissent faire l'objet d'une consultation par les magistrats et experts, soit. Mais l'inscription ne devrait pas être possible avant la condamnation. Ce fichier a pour finalité une connaissance de la personnalité et de l'évaluation de la dangerosité de ces personnes poursuivies ou condamnées pour une infraction pour laquelle elles peuvent encourir un suivi socio-judiciaire.

Le contenu aussi serait bien large : toutes les pièces des examens et évaluations psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires. Pourquoi ne pas se contenter de leur liste et de leurs conclusions ? La commission des affaires sociales a d'ailleurs limité cette longue liste.

Sur les modalités, l'article 5 bis renvoie à un décret en Conseil d'État, sans rien dire de la durée de conservation. Quant à la promesse d'effacement en cas de classement sans suite, de décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, on voit ce qu'il en est du casier judiciaire ou du Stic. Il est illusoire de penser que les moyens actuels de la justice permettront de le faire fonctionner et cela, dans de bonnes conditions.

Le comité des droits de l'homme de l'ONU, examinant la situation de la France en matière d'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, soulignait en juillet 2008 que la France devait veiller à ce que « la collecte et la conservation de données personnelles dans les ordinateurs, dans des banques de données et selon d'autres procédés, que ce soit par les autorités publiques, des particuliers ou des organismes privés, soient régies par la loi ». On en est loin ! Et quel droit d'accès auraient les personnes concernées ?

Quel est, enfin, le véritable intérêt de ce répertoire ? La situation de la personne concernée peut avoir évolué ; elle nécessite en tout état de cause de nouvelles évaluations. Et la notion de dangerosité est peu fiable...

M. le président.  - Amendement identique n°44, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Alain Anziani.  - Ce matin, en commission des lois, le président de la Cnil a fait des observations pertinentes.

Il existe aujourd'hui environ soixante-dix fichiers, me semble-t-il.

M. Alex Türk.  - Cinquante-huit.

M. Alain Anziani.  - Soit. Un cinquante-neuvième est-il nécessaire ? Toutes les garanties ont-elles été apportées ? Non. Ce fichier est-il utile ? Non plus. La justice dispose déjà de nombreux outils d'information, comme l'application Cassiopée qui ne rencontre pas le succès attendu. La numérisation des pièces de procédure est en marche. En pratique, le fichier fonctionnera-t-il ? Les greffes manquent de moyens et les organisations professionnelles nous ont avertis qu'il serait impossible de traiter 35 000 dossiers supplémentaires. La sagesse consiste à renoncer à ce fichier qui n'est ni sans danger, ni utile, ni facile à entretenir. (Applaudissements à gauche)

M. le Président.  - Amendement identique n°71 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Tropeano et Vall.

M. Jacques Mézard.  - J'en appelle à l'esprit cartésien de M. le rapporteur. Certes, il a réservé la consultation de ce fichier à l'autorité judiciaire. Mais les syndicats de magistrats contestent son utilité. La connaissance des expertises antérieures n'évitera pas de recourir à de nouvelles expertises lorsque le code pénal le prévoit. D'ailleurs, l'application Cassiopée permettra déjà aux juridictions, aux enquêteurs et à l'administration pénitentiaire d'avoir accès aux informations relatives aux personnes soupçonnées ou condamnées. Rien ne dit que ce nouveau fichier limitera la déperdition d'informations. Tous ces arguments justifient amplement la suppression de l'article. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je crains que mon cartésianisme n'en souffre (sourires) mais je dois formuler un avis défavorable à la suppression de l'article. Ce répertoire, créé par les députés, centralisera les expertises, examens et évaluations psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires des personnes poursuivies ou condamnées pour une infraction pouvant donner lieu à un suivi socio-judiciaire. Il limitera la déperdition des informations que beaucoup d'experts psychiatriques constatent lorsque la même personne est poursuivie dans des procédures distinctes ou même lors des étapes successives d'une même procédure.

Votre commission a d'ailleurs apporté certaines clarifications et proposé de réserver l'accès direct au répertoire à la seule autorité judiciaire : les experts judiciaires et les personnes chargées d'évaluer la dangerosité des personnes dans le cadre d'une procédure judiciaire n'accéderaient à ces informations que par l'intermédiaire des magistrats.

Lors d'une visite à la maison d'arrêt de Rouen, j'ai appris que deux détenus avaient été tués par leur codétenu à un an d'intervalle. (M. Charles Revet le confirme) Ce fichier aurait peut-être permis d'éviter de tels drames. Il existe des établissements où « l'échange d'informations opérationnelles », comme on dit, entre les médecins et l'administration laisse à désirer !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Quant à la forme, si la Cnil et le Conseil d'État n'ont pas été consultés, c'est parce que cette disposition a été introduite par amendement. Ces institutions seront naturellement consultées avant la publication des décrets d'application.

Quant au fond, ce répertoire est destiné à faciliter l'appréciation par le juge du caractère des personnes mises en cause et, par conséquent, à assurer la personnalité des peines et du suivi socio-judiciaire. Toutes les garanties nécessaires ont été apportées. Quant à l'application Cassiopée, elle n'a rien à voir avec la chaîne pénale ; elle est d'ailleurs accessible à bien d'autres personnes que les juges. La rationalité consiste donc à rejeter ces amendements.

L'amendement n°25 n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques nos44 et 71 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Alinéa 4

Supprimer les mots :

poursuivies ou

II. - Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

M. Alain Anziani.  - Cet amendement, comme les suivants, est un amendement de repli : il s'agit de préciser le contenu du fichier. Nous proposons d'abord que n'y figurent que les informations relatives aux personnes condamnées : tout le monde devrait souscrire à cette proposition. On nous répondra sans doute que les données relatives aux personnes mises hors de causes seront effacées ; mais l'administration en aura-t-elle les moyens ? On a vu, par le passé, certaines informations demeurer des années dans des fichiers alors qu'elles auraient dû en être retranchées !

M. le président.  - Amendement n°46 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Alinéas 11 et 12

Supprimer ces alinéas.

II. - Alinéa 13

Supprimer les mots :

hormis les cas où cette décision est fondée sur le premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal,

M. Alain Anziani.  - Nous souhaitons aussi exclure de ce fichier les personnes dispensées de peine pour cause d'irresponsabilité, c'est-à-dire les malades. Les informations qui leur sont relatives doivent figurer dans un dossier médical et non dans un dossier judiciaire. J'en appelle moi aussi au cartésianisme du rapporteur.

M. le président.  - Amendement n°47, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 13

Après les mots :

de relaxe ou d'acquittement,

insérer les mots :

ou pour les condamnés non inscrits au bulletin n°2 du casier judiciaire

M. Alain Anziani.  - Nous voulons enfin exclure du fichier les condamnés non inscrits au bulletin n°2 du casier judiciaire car l'autorité judiciaire a considéré que ces personnes condamnées à des peines légères ne devaient pas être handicapées par leur passé judiciaire et, par exemple, empêchées de postuler à des emplois publics : elles ont droit à l'oubli. A cela, on voudrait opposer un devoir de perpétuité. Pensons à ces jeunes militants condamnés à la suite d'une infraction mineure commise lors d'une manifestation et qui risqueraient de se trouver fichés à cause de leur prétendue dangerosité ! (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°96, présenté par M. Türk.

Après l'alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La conservation des données concernant les personnes poursuivies ou condamnées pour l'une des infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru ne peut excéder une période de trente ans.

M. Alex Türk.  - Cet amendement tend à fixer une durée maximale de conservation des données, conformément à la règle observée dans tous les pays européens, à la différence des États-Unis. La proposition de loi de M. Détraigne et Mme Escoffier est tout entière animée par le principe du droit à l'oubli ! C'est également une priorité affichée par le secrétariat d'État à l'économie numérique. Je propose donc que nous nous alignions sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Une durée maximale de trente ans ne me paraît pas mettre en cause l'efficacité du fichier.

On assiste aujourd'hui à une multiplication des fichiers. Il est donc nécessaire de les encadrer juridiquement. Il faut aussi donner aux administrations les moyens d'en assurer la maintenance.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - S'agissant de l'amendement n°45, il faut distinguer deux aspects : la consultation des données, surtout pertinente pour les personnes poursuivies, et leur conservation. Or le treizième alinéa de cet article impose l'effacement des données en cas de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Avis défavorable.

Défavorable à l'amendement n°46 rectifié. Ces expertises sont utiles pour mieux connaître la personnalité de l'intéressé. Il n'y a pas lieu d'invoquer le droit à l'oubli quand le contenu du répertoire peut servir la personne concernée !

Défavorable à l'amendement n°47, à défaut de retrait. Casier judiciaire et répertoire n'obéissent pas aux mêmes finalités : le second peut venir en appui de la défense de l'intéressé.

En matière de durée de conservation des données, le législateur a appliqué des règles différentes. Si les durées de conservation pour le fichier national des empreintes génétiques ont été renvoyées au décret, celles visant le fichier des auteurs d'infractions sexuelles sont fixées dans la partie législative du code de procédure pénale. Il est vrai que l'inscription au Fijais est source d'obligations pour la personne, ce qui n'est pas le cas d'une mention au répertoire. La commission s'en remet donc à l'avis du Gouvernement sur l'amendement n°96.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Le répertoire ne vise que les infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru : meurtres, viols, agressions sexuelles. Il n'est pas question d'y inscrire de simples manifestants !

Toutes les données relatives à des personnes relaxées ou acquittées seront bien évidemment effacées. Mais faut-il interdire l'inscription d'expertises et d'analyses concernant des personnes en attente de jugement ? Une personne peut être poursuivie dans différentes procédures pour viols, par exemple : il serait absurde d'interdire au magistrat instruisant l'une de ces affaires d'accéder aux expertises psychiatriques réalisées dans le cadre d'une autre affaire ! (M. Charles Revet approuve) Défavorable à l'amendement n°45, s'il n'est pas retiré. Idem pour les amendements nos46 et 47 : retrait, sinon rejet.

Monsieur Türk, la durée de conservation des données dans un fichier ne relève pas du domaine de la loi. Nous en reparlerons prochainement. De même que le Parlement ne doit pas se substituer à la Cnil, chacun doit rester dans son rôle : il en va de la lisibilité de la loi.

Sur le fond, votre proposition n'est pas cohérente avec la durée d'inscription des faits criminels au casier judiciaire, qui est de quarante ans. Supposons qu'une personne condamnée à trente ans pour des faits de nature sexuelle récidive une fois libérée : faut-il se priver d'un accès simple et rapide aux expertises réalisées à l'époque, qui pourraient utilement éclairer le juge ? Retrait, sinon rejet : la Cnil sera de toute façon saisie du texte sur les fichiers.

L'amendement n°45 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°46 rectifié et que l'amendement n°47.

M. Alex Türk.  - En vertu du principe de proportionnalité, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé raisonnable trente ans pour le Fijais. Dans le cadre réglementaire, il faudra se limiter à trente ans. Si le droit à l'oubli ne peut être le même pour celui qui n'a rien à se reprocher et pour celui qui représente un danger pour la société, des expertises de trente ans d'âge n'auront guère de valeur scientifique... Cela étant, je retire mon amendement.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La proposition de loi Escoffier-Détraigne, que nous examinerons prochainement, sera l'occasion pour M. Türk d'intervenir afin de fixer une règle générale en la matière.

L'amendement n°96 est retiré.

M. Alain Anziani.  - Nous reprenons l'amendement de M. Türk, dont l'argumentation nous a convaincus. Pourquoi attendre quand nous pouvons remédier dès ce soir à cette situation inacceptable ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Bravo !

L'amendement n°96 rectifié est adopté.

(Applaudissements à gauche et au centre)

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 5

Supprimer le mot :

, examens

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Le terme « examens » est trop vaste et crée une ambiguïté sur la nature des documents susceptibles de figurer dans le répertoire.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Il semble en effet suffisant de s'en tenir aux expertises ordonnées dans le cadre de la procédure pénale ainsi qu'aux évaluations telles que celles du Centre national d'observation. Avis favorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Dans le code de procédure pénale, le terme « examens » revêt une signification précise. Sa suppression risque d'empêcher le versement au répertoire de données utiles pour des raisons purement formelles. Retrait ? Il faudrait sinon préciser que l'on entend « examens » « au sens du code de procédure pénale »...

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Si l'on entend « examens » au sens large, il faut supprimer tous les autres termes de la liste, car il les englobe ! L'énumération prouve bien que l'on donne ici à « examens » un sens médical.

Soit on supprime toutes les autres mentions, soit on supprime le terme « examens ».

L'amendement n°4 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°72 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade, Tropeano et Vall.

Après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes visées par le présent répertoire disposent d'un droit d'accès aux informations les concernant, et de rectification de celles-ci, notamment lorsqu'une donnée nouvelle permet de modifier l'appréciation de leur situation et de leur dangerosité potentielle.

M. Jacques Mézard.  - Toute personne a le droit d'accéder à ses données personnelles. Cela doit être d'autant plus vrai lorsqu'une mesure de sureté a pu être prononcée.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement rappelle un principe essentiel déjà posé par la loi Informatique et libertés. Il n'est pas indispensable de le rappeler dans ce projet de loi : avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - La précision figurera dans le décret en Conseil d'État, pris après avis de la Cnil. Je souhaite le retrait.

L'amendement n°72 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°66, présenté par M. Türk.

I. - Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les modalités et conditions de fonctionnement du répertoire sont déterminées par décret en Conseil d'État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, en application des dispositions des articles 26 et 29 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée.

II. - Alinéa 17

Après le mot :

précise

insérer le mot :

également

M. Alex Türk.  - Il s'agit un peu du même problème que précédemment. En commission, ce matin, le rapporteur de la proposition de loi Détraigne-Escoffier m'a demandé de retirer mon amendement, sous le bénéficie qu'il prendrait les initiatives nécessaires pour que l'avis de la Cnil soit publié.

Il vient d'être dit à l'instant qu'il n'était pas nécessaire de rappeler que chacun avait le droit d'accéder à ses données et d'en demander éventuellement la rectification ou la suppression. Il est vrai que la loi de 1978 pose ce principe mais mon amendement faisait référence aux articles 26 et 29 de cette loi : l'article 26 renvoie en effet à la publication et à la motivation et l'article 29 rappelle le droit d'accès.

Ce problème peut en revanche aisément être réglé grâce au décret et c'est pourquoi je retire mon amendement.

L'amendement n°66 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°48, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 16

Compléter cet alinéa par les mots :

rendu public

M. Charles Gautier.  - Cet article crée un répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires.

Les modalités de recueil, d'accès, d'alimentation, d'effacement, du droit d'accès de la personne concernée ne figuraient pas dans le texte de l'Assemblée nationale et étaient renvoyées à un décret. Il s'agit pourtant de données sensibles comme la santé ou les préférences sexuelles.

Notre commission a réécrit l'article afin de clarifier et de renforcer les garanties en matière de libertés publiques. II est ainsi précisé que les données concernant les personnes ayant bénéficié d'une décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement sont immédiatement effacées. En outre, les experts et médecins ne pourront accéder aux données du répertoire qu'au travers de l'autorité judiciaire et non pas directement. Elle a également mieux encadré le cadre d'intervention du pouvoir réglementaire.

Toutefois, nous regrettons que la commission n'ait pas retenu la préconisation de notre collègue Alex Türk qui proposait que l'avis de la Cnil qui doit précéder le décret en Conseil d'État soit rendu public.

M. le président.  - Amendement identique n°74 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade et Tropeano.

M. Jacques Mézard.  - Je fais miennes les observations qui viennent d'être présentées.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le principe de la publicité des avis de la Cnil fait l'objet d'une proposition de loi présentée par M. Türk. Il n'est pas souhaitable d'anticiper le débat au détour d'un amendement. La commission souhaite entendre le Gouvernement.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - L'article 26 de la loi du 16 janvier 1978 prévoit que l'avis de la Cnil devra être publié. Ces deux amendements sont sans objet et ils devraient être retirés car on ne va pas dire dans la loi qu'il faut respecter la loi !

M. Jean-Pierre Michel.  - La loi de 1978 dit que les avis de la Cnil sont publiés chaque année dans un rapport. Mais ici, l'avis doit être rendu public tout de suite, ce qui change tout !

M. Alex Türk.  - Lorsque le ministre évoque la publication, il s'agit bien de celle qui concerne le décret spécifique et non pas le rapport.

L'article 26 prévoit la publication et la motivation et c'est bien pour cette raison que je demandais qu'on y fasse référence. Si j'ai retiré mon amendement, c'est parce que j'ai eu l'assurance que cette question serait examinée dans la proposition de loi.

Les amendements identiques nos48 et 74 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°67 rectifié, présenté par MM. Amoudry, Détraigne, Maurey, Mmes Férat et Morin-Desailly.

Alinéa 17

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les données concernant les mineurs font l'objet d'une durée de conservation spécifique, inférieure à celle applicable aux majeurs.

M. Jean-Paul Amoudry.  - Il convient d'inscrire dans la loi le principe d'une durée de conservation spécifique pour les données relatives aux mineurs, inférieure à celle prévue pour les majeurs.

Cette mesure s'inspire directement de l'article 29 bis de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, dite loi Warsmann, qui modifie l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 afin de préciser que, s'agissant des fichiers liés à la prévention des atteintes à la sécurité publique ou destinés à la réalisation des enquêtes administratives liées à la sécurité publique, les durées de conservation des données relatives aux mineurs doivent être inférieures à celles applicables aux majeurs, sauf à ce que leur enregistrement ait été exclusivement dicté par l'intérêt du mineur.

La distinction entre les données relatives aux majeurs et aux mineurs résulte du principe de proportionnalité, instauré par la loi du 6 janvier 1978. La Cnil, chargée de veiller au respect et à l'application de cette loi, considère que le recueil d'informations relatives aux mineurs doit avoir un caractère exceptionnel et une durée de conservation spécifique.

En référence à ces principes, le projet de décret en Conseil d'État portant création du traitement de données à caractère personnel relatif à la prévention des atteintes à la sécurité publique prévoit des durées de conservation plus courtes pour les mineurs.

Si la proposition de loi Warsmann ne concerne que les fichiers de prévention des atteintes à la sécurité publique et non les fichiers de police judiciaire, il convient néanmoins de rappeler que le cadre réglementaire de certains fichiers de police judiciaire prévoit une différence de durée de conservation. Ainsi, le décret relatif au Stic prévoit que les données seront conservées pendant vingt ans pour les majeurs mais pendant cinq ans pour les mineurs.

Enfin, les articles 3-1 et 40 de la Convention internationale des droits de l'enfant stipulent que l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions des autorités administratives ou des organes législatifs et reconnaissent à tout enfant convaincu d'infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Sur le fond, la détermination d'une durée de conservation spécifique pour les mineurs répond à une préoccupation légitime. Faut-il pour autant poser le principe dans la loi ? La commission souhaite entendre le Gouvernement sur ce point.

Un autre problème se pose du fait de l'adoption de l'amendement de M. Türk qui prévoit que l'adoption des données concernant les personnes poursuivies ou condamnées pour l'une des infractions pour lesquels le suivi socio-judiciaire est encouru ne peut excéder une période de trente ans. Notre collègue Amoudry devrait rectifier son amendement en insérant un alinéa ainsi rédigé : « pour les mineurs, cette durée de conservation ne peut excéder vingt ans ».

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Les fichiers judiciaires ne prévoient pas une durée de conservation moindre pour les mineurs. De même que les condamnations correctionnelles ou criminelles prononcées à l'encontre d'un mineur demeurent au casier judiciaire aussi longtemps que les condamnations prononcées contre un majeur. Il ne s'agit pas des données relevant de la loi du 2 décembre 2009. Ici, nous sommes sur des faits d'une particulière gravité et pour lesquels il n'y a pas de distinctions.

Il y a une certaine logique à ce qu'il n'y ait pas non plus de distinction quand il s'agit d'un répertoire de données qui permettent à un juge de pouvoir porter une appréciation sur la personnalité. Enfin, sur la forme, cette précision relève du décret plus que de la loi.

Pour ces deux raisons, je souhaite le retrait.

M. Jean-Paul Amoudry.  - Décider hâtivement de la durée d'inscription n'est pas une bonne solution, je suis prêt à retirer mon amendement si Mme le ministre m'assure que le principe d'une durée plus courte d'inscription pour les mineurs sera retenu dans le décret.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - D'accord pour en discuter, mais je ne saurais prendre d'engagement ici car nous ne devons pas perdre de vue le parallélisme avec le casier judiciaire, qui est plus largement consultable et qui ne distingue pas selon l'âge mais selon les crimes et délits. Le répertoire sera un outil pour le juge, il concernera exclusivement les crimes sexuels, c'est une information dont il peut être très important de tenir compte !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Ce problème est complexe et il ne serait pas très cohérent de prévoir une durée légale d'inscription pour les majeurs, tout en renvoyant au décret pour la durée d'inscription des mineurs.

M. Jean-Paul Amoudry.  - Je me réfère au principe de proportionnalité et à la convention internationale sur les droits de l'enfant : ont-ils moins de valeur que les dispositions actuelles régissant le casier judiciaire ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Le registre porte seulement sur les délits sexuels, il n'a rien de stigmatisant et vise à informer le juge, auquel il faut faire confiance !

M. Jean-Paul Amoudry.  - Dans ces conditions, je n'insiste pas.

L'amendement n°67 rectifié est retiré.

L'article 5 bis, modifié, est adopté.

Article 5 ter 

I.  -  Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l'article 706-47-1 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les personnes condamnées pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 peuvent être soumises à une injonction de soins prononcée soit lors de leur condamnation, dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire, conformément aux dispositions de l'article 131-36-4 du code pénal, soit postérieurement à celle-ci, dans le cadre de ce suivi, d'une libération conditionnelle, d'une surveillance judiciaire ou d'une surveillance de sûreté, conformément aux dispositions des articles 706-53-19, 723-30, 723-37, 731-1, 763-3 et 763-8 du présent code, dans les cas et conditions prévus par ces articles.

« L'injonction de soins peut également comprendre un traitement antihormonal prescrit par le médecin traitant conformément aux dispositions de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique.

« Les personnes poursuivies pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 du présent code doivent être soumises, avant tout jugement au fond, à une expertise médicale. L'expert est interrogé sur l'opportunité d'une injonction de soins. » ;

2° L'article 706-53-19 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Constitue une méconnaissance par la personne sous surveillance de sûreté des obligations qui lui sont imposées susceptible de justifier son placement en rétention de sûreté, dans les conditions prévues par le troisième alinéa, le fait pour celle-ci de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d'une injonction de soins. » ;

3° L'article 712-21 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui incombent, pouvant donner lieu, selon les cas, à la délivrance des mandats prévus par l'article 712-17, à la suspension de la mesure d'aménagement prévue par l'article 712-18, à l'incarcération provisoire prévue par l'article 712-19, ou au retrait ou à la révocation de la mesure prévue par l'article 712-20, le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d'une injonction de soins. » ;

4° Le quatrième alinéa de l'article 717-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce traitement peut être celui prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique. » ;

5° (Supprimé)

6° (Supprimé)

7° L'article 723-29 est ainsi modifié :

a) Le mot : « dix » est remplacé par le mot : « sept » ;

b) Les mots : « ou aux réductions » sont remplacés par les mots : « et aux réductions » ;

8° Après l'article 723-31, il est inséré un article 723-31-1 ainsi rédigé :

« Art. 723-31-1.  - La situation de tous les condamnés susceptibles de faire l'objet d'une surveillance judiciaire conformément à l'article 723-29 doit être examinée avant la date prévue pour leur libération.

« Le juge de l'application des peines ou le procureur de la République peut, à cette fin, demander le placement du condamné, pour une durée comprise entre deux et six semaines, dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues aux fins d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité et saisir la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté.

« Le juge de l'application des peines ou le procureur de la République peut également ordonner que l'expertise prévue par l'article 723-31 soit réalisée par deux experts. » ;

9° (Supprimé)

10° L'article 723-35 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« La décision prévue au premier alinéa peut également être prise, après avis du juge de l'application des peines, par la juridiction de jugement en cas de condamnation de la personne placée sous surveillance judiciaire pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru.

« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui ont été imposées le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d'une injonction de soins. » ;

11° (Supprimé)

12° La dernière phrase du dixième alinéa de l'article 729 est ainsi rédigée :

« La personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité ne peut bénéficier d'une libération conditionnelle qu'après avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, rendu à la suite d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité réalisée dans un service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues et assortie d'une expertise médicale ; s'il s'agit d'un crime pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, cette expertise est réalisée par deux experts et se prononce sur l'opportunité, dans le cadre d'une injonction de soins, du recours à un traitement utilisant des médicaments qui entraînent une diminution de la libido, mentionné à l'article L. 3711-3 du code de la santé publique. » ;

13° Après l'article 732, il est inséré un article 732-1 ainsi rédigé :

« Art. 732-1.  - Lorsque la personne a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité pour l'un des crimes visés à l'article 706-53-13, et qu'elle a fait l'objet d'une libération conditionnelle avec injonction de soins, la juridiction régionale de la rétention de sûreté peut, selon les modalités prévues par l'article 706-53-15, décider de prolonger tout ou partie des obligations auxquelles est astreinte la personne, au-delà de la période de libération conditionnelle, en la plaçant sous surveillance de sûreté avec injonction de soins pour une durée de deux ans.

« Le placement sous surveillance de sûreté ne peut être ordonné qu'après expertise médicale constatant que le maintien d'une injonction de soins est indispensable pour prévenir la récidive.

« Les deuxième à cinquième alinéas de l'article 723-37 sont applicables, ainsi que l'article 723-38. » ;

14° Après l'article 723-38, il est inséré un article 723-38-1 ainsi rédigé :

« Art. 723-38-1.  -  La surveillance judiciaire est suspendue par toute détention intervenant au cours de son exécution et ne découlant pas d'un retrait de tout ou partie de la durée des réductions de peine décidé en application de l'article 723-35, et elle reprend, pour la durée restant à courir, à l'issue de cette suspension. » ;

15° Après le premier alinéa de l'article 733, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui ont été imposées le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d'une injonction de soins, conformément à l'article 731-1 du présent code. » ;

16° Après le deuxième alinéa de l'article 763-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Constitue pour le condamné une violation des obligations qui lui ont été imposées le fait de refuser de commencer ou de poursuivre le traitement prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique et qui lui a été proposé dans le cadre d'une injonction de soins. » ;

17° Le dernier alinéa de l'article 763-6 est ainsi rédigé :

« Après avis du procureur de la République, le juge de l'application des peines peut, après audition du condamné et avis du médecin coordonnateur, décider par ordonnance motivée de mettre fin de manière anticipée au suivi socio-judiciaire comportant une injonction de soins, sans qu'il soit nécessaire de saisir la juridiction de jugement, dès lors qu'il apparaît que le reclassement du condamné est acquis et qu'un traitement n'est plus nécessaire. » ;

18° La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 763-7 est ainsi rédigée :

« Si elle ne consent pas à suivre un traitement, cette information est renouvelée au moins une fois tous les ans.

19° L'article 763-8 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article est applicable y compris si la personne placée sous suivi socio-judiciaire avait fait l'objet d'une libération conditionnelle. » ;

20° Au deuxième alinéa de l'article 786, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ». 

II.  -  Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article L. 3711-1, les références : « les articles 131-36-4 et 132-45-1 » sont remplacées par la référence : « l'article 131-36-4 » ;

2° (Supprimé)

III.  -  (Non modifié) L'article 132-45-1 du code pénal est abrogé.

M. Guy Fischer.  - Cet article instrumentalise la médecine, ce que M. About a parfaitement dit dans son rapport pour avis. Les formes sont sauves : vous laissez le condamné libre d'accepter les soins mais en cas de refus, vous prévoyez la rétention de sûreté ! Vous vous conformez là aux exigences de la Cour européenne des droits de l'homme mais certainement pas aux nécessités d'une relation de soins, qui exige une confiance entre le soignant et le soigné. Car cet article entretient l'ambiguïté, en faisant du magistrat un prescripteur de soins. Votre seule priorité, c'est de protéger la société, sans autre considération pour la réinsertion sociale des détenus. Vous concevez l'action thérapeutique comme un acte de contrôle, alors que nous avons besoin d'inventer une relation d'accueil et de soins qui mette tout en oeuvre pour prendre en charge la souffrance et la maladie mentale. N'oublions pas que le manque de moyens a fait condamner la France pour traitement inhumain et dégradant ! Cet article ne va pas améliorer les choses en optant pour le traitement inhibiteur de la libido, nous y reviendrons.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je veux faire remarquer à Mme le garde des sceaux qu'il existe bien un droit des mineurs, même en matière de casier judiciaire puisque chacun peut demander à faire rayer les faits intervenus du temps de sa minorité, ce qui n'est pas possible pour les actes commis lorsqu'on est majeur !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Très bien !

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet article généralise le traitement inhibiteur de la libido, autrement dit la castration chimique, et vous avez vous-même utilisé l'expression dans la presse, madame la ministre, au lendemain du meurtre de Milly-la-Forêt. Le Dr Zagury estime qu'un traitement sans consentement est inutile et que les délinquants sexuels sont loin d'être souvent des malades mentaux mais plutôt des individus qui utilisent la sexualité comme une arme pour exprimer une domination, ce qui revient à dire que l'idée de tarir la pulsion à la source est une fausse bonne idée, dans la majeure partie des cas. Qui plus est, le traitement est diversement toléré, il comporte des effets secondaires et son coût n'est pas négligeable, ce qui pose la question de son remboursement par la sécurité sociale, comme cela se fait en Belgique. Cependant, nous ne disposons d'aucune étude d'impact. En tout état de cause, l'obligation de soins est inefficace s'il n'y a pas d'adhésion au traitement.

C'est pourquoi nous proposons de supprimer cet article, d'autant qu'il est déjà tout à fait possible de recourir à ces traitements dans le cadre de l'injonction de soins.

M. le président.  - Amendement identique n°75 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade et Tropeano.

M. Jacques Mézard.  - Cet article, introduit par les députés, ajoute 3 articles au code de procédure pénale et il en modifie 17. Il est donc rien moins que négligeable. Il dispose que le refus d'un traitement antihormonal constitue un manquement aux obligations d'un condamné et est de nature à entraîner automatiquement la rétention de sureté. Cela revient à banaliser celle-ci, voire à tenter de contourner la décision du Conseil constitutionnel.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le traitement inhibiteur ne mérite ni l'excès d'honneur ni l'indignité que lui adressent parfois les uns ou les autres. Tous les médecins auditionnés nous ont tous dit qu'il n'était pas une sanction mais pouvait être un véritable soulagement pour certains patients tourmentés, et donc être utile à certains délinquants sexuels à condition d'être prescrit pour une durée limitée.

De plus, je rassure M. Mézard : il n'y a aucun risque d'automaticité de la sanction. Grâce aux précautions introduites par la commission des lois, le basculement dans la rétention de sûreté dépendrait de la réalisation de l'ensemble des conditions imposées à cette rétention. Avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Même position. Il n'y a pas d'automaticité, loin de là. Et quoi qu'il en soit, l'opportunité de prononcer la sanction dépend toujours du juge et la rétention de sureté n'est qu'une possibilité parmi d'autres. Vous ne pouvez réclamer qu'on fasse confiance au juge et, en même temps, ne pas lui reconnaître sa liberté d'appréciation.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Notre méfiance à l'encontre de cet article tient à l'importance qu'a pris le débat, largement médiatisé, à l'Assemblée nationale. Il est vrai que les amendements de la commission des lois ont rendu le texte moins extravagant mais il en ressort tout de même que l'injonction de soins et la « castration chimique » -expression incorrecte mais largement employée par les députés- apparaissent comme la solution miracle. C'est l'injonction, le traitement et, sinon, la rétention de sûreté. Il faut se débarrasser de l'idée simplificatrice qu'il existe une solution miracle et que, si le condamné la refuse, il n'a plus qu'une issue : l'enfermement à vie.

Les amendements identiques nos49 et 75 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéas 1 à 11, 24, 26, 27 et 34 à 37

Supprimer ces alinéas.

M. Guy Fischer.  - Nous supprimons la totalité des alinéas de cet article relatifs au traitement antihormonal. Avant toute chose, il aurait été plus qu'opportun d'étudier les effets de ce traitement, improprement appelé « castration chimique » -c'était le sens d'un de nos amendements en commission. Avant d'en généraliser l'application, il faut connaitre sa capacité réelle à traiter des problèmes à l'origine de délits sexuels. L'absence d'unanimité des experts à ce sujet nous incite à la plus grande prudence, notamment sur la possibilité de suivre un tel traitement en prison. Nous devons légiférer en connaissance de cause, sans ignorer les effets secondaires qui sont réels et sans attendre d'un traitement chimique qu'il résolve des troubles ayant une origine psychique. Selon certains spécialistes, ce traitement ne pourrait soigner que 5 à10 % des délinquants sexuels !

Nous nous opposons au dispositif proposé, qui permet de préserver de manière factice le principe du consentement aux soins. Plusieurs alinéas disposent que le condamné peut refuser de suivre ou de poursuivre un traitement antihormonal mais que son refus sera considéré comme un manquement à ses obligations. Ainsi, si la personne est sous surveillance de sûreté, elle pourra être placée en rétention de sûreté ; si elle est sous suivi socio-judiciaire, son refus pourra donner lieu à une suspension des mesures d'aménagement de peine ou à une incarcération provisoire. Bref, le consentement aux soins sera biaisé par la volonté de ne pas encourir les sanctions prévues en cas de refus. Or, ce consentement est indispensable pour des raisons médicales car l'efficacité du traitement en dépend. Les rédacteurs de cet article se soucient moins de la réelle capacité de ce traitement à guérir une pathologie médicale que de la possibilité d'empêcher un criminel de passer à l'acte.

Le terme de « castration chimique » choisi pour parler de ce traitement révèle bien la véritable intention des rédacteurs du texte : empêcher la possibilité physique de commettre une infraction sexuelle sans s'attaquer aux causes de ce trouble comportemental. C'est une erreur de traiter les effets et non la cause, en oubliant que ce traitement n'est que temporaire et qu'une fois stoppé, demeureront les troubles psychologiques. Mais peut-être est-ce là le fantasme inavoué de certains législateurs : régler définitivement le problème en castrant aujourd'hui chimiquement mais, demain, physiquement ?

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - La formule adoptée par la commission des lois précise bien que c'est le médecin traitant qui prescrit le traitement antihormonal. Mais on ne sait pas s'il s'agit d'un traitement qui a été prescrit ou qui sera prescrit. Une ambiguïté demeure donc dans la façon dont est formulée la possibilité pour le juge de viser, dans le prononcé de l'injonction ou à l'occasion de celui-ci, le traitement antihormonal pour demander qu'il soit prescrit. Pareille possibilité n'est conforme aux souhaits ni des juges ni des médecins. Dès lors, et puisque cet alinéa n'ajoute rien à l'état du droit si ce n'est une confusion dommageable, il est proposé de le supprimer.

M. le président.  - Amendement n°98, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.

Alinéa 4

Rédiger comme suit cet alinéa :

« Lorsqu'une injonction de soins est ordonnée, le médecin traitant peut prescrire un traitement inhibiteur de libido conformément aux dispositions de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique. »

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Nous réécrivons l'alinéa pour indiquer sans ambiguïté que, s'il appartient au juge d'ordonner une injonction de soins, le choix d'un traitement inhibiteur de libido relève de la compétence exclusive du médecin traitant.

M. le président.  - Sous-amendement n°103 à l'amendement n°98 de M. Lecerf, au nom de la commission des lois, présenté par M. About.

Alinéa 3 de l'amendement n° 98

Supprimer les mots :

conformément aux dispositions de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Il faut supprimer une partie de la nouvelle rédaction.

Cette disposition a été introduite à l'époque où l'indication n'existait pas et pour permettre le remboursement. Les médecins disposent à présent de meilleurs traitements. Enfin, ce n'est que le refus de suivre ou d'observer la prescription qui peut entraîner une dénonciation et justifier d'éventuelles sanctions.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

M. le président.  - Amendement n°77 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade et Tropeano.

Alinéa 7

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

Peut constituer une méconnaissance...

M. Jacques Mézard.  - Nous essayons de ne pas tomber dans un système non pas d'automaticité mais qui aboutirait à des décisions excessives.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 7

Remplacer les mots :

prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique

par les mots :

prescrit par le médecin traitant

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Coordination, de même que les amendements nos7 et 8.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 9

Remplacer les mots :

prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique

par les mots :

prescrit par le médecin traitant

Amendement n°8, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéas 10 et 11

Supprimer ces alinéas.

Amendement n°80 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade et Tropeano.

Alinéa 24

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

Peut constituer pour le condamné...

M. Jacques Mézard.  - Coordination avec l'amendement n°77 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 24

Remplacer les mots :

prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique

par les mots :

prescrit par le médecin traitant

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Coordination, de même que le suivant.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 27

Après les mots :

réalisée par deux experts

supprimer la fin de cet alinéa.

Amendement n°82 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade et Tropeano.

Alinéa 35

Rédiger ainsi le début de cet alinéa

Peut constituer pour le condamné....

M. Jacques Mézard.  - Même démarche.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 35

Remplacer les mots :

prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique

par les mots :

prescrit par le médecin traitant

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Coordination...

M. le président.  - Amendement n°83 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade et Tropeano.

Alinéa 37

Rédiger ainsi le début de cet amendement :

Peut constituer pour le condamné...

M. Jacques Mézard.  - Amendement de coordination.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 37

Remplacer les mots :

prévu par le dernier alinéa de l'article L. 3711-3 du code de la santé publique

par les mots :

prescrit par le médecin traitant

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - ...et coordination.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission est défavorable à l'amendement n°26 car le traitement antihormonal n'a pas sa place pendant l'incarcération : cela n'a pas de sens et empêche de mettre en oeuvre ce traitement quand il est utile. Nos amendements ont permis de régler le problème et nous avons prévu que le traitement antihormonal n'est qu'une partie d'un traitement global.

La commission ayant proposé une autre rédaction, elle souhaite le retrait de l'amendement n°5 au profit de son amendement n°98. Elle est défavorable au sous-amendement n°103, compte-tenu de son avis négatif sur l'amendement n°13.

Le texte recherche un équilibre délicat entre obligation et consentement aux soins. La méconnaissance ne contraint jamais le juge à prononcer une mesure : elle ne peut entraîner de placement en rétention que si les autres conditions de celui-ci sont réunies, de sorte que l'amendement n°77 rectifié est quasiment satisfait. Si vous ne le retiriez pas, j'y serais défavorable. Même avis sur les amendements nos80, 82 et 83 rectifiés, de coordination.

Je n'ai pas d'objection à ce que tout refus de soins soit considéré comme une méconnaissance. Avis favorable, donc, à l'amendement n°6 ainsi qu'à l'amendement n°7, qui se situe dans la même logique.

L'amendement n°8 supprime une simple faculté qui peut être intéressante dans la perspective de la libération de la personne et pour favoriser sa réinsertion. Défavorable.

Avis favorable à l'amendement n°9, qui appelle les mêmes observations que tout à l'heure. Avec l'amendement n°10, en revanche, M. About estime que les deux experts n'ont pas à se prononcer sur l'utilité d'un traitement. Nous avons supprimé leur consultation au stade pré-sententiel mais, dans le cas d'une libération très proche que vise l'amendement, leur avis peut être utile -il ne s'agit que d'éclairer l'appréciation du médecin traitant. Retrait, donc, ou avis défavorable.

Avis favorable, enfin, aux amendements de coordination nos11 et 12.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Avis favorable à l'amendement n°98 de M. Lecerf : la rédaction, plus claire, correspond aux objectifs recherchés. Je suis, comme le rapporteur, réservée sur le sous-amendement n°103 car la suppression de ces dispositions pourrait être source d'incompréhension pour les médecins traitants et freiner des prescriptions susceptibles de marcher. Il faut rejoindre les préconisations du comité national d'éthique médicale.

Je m'en remettrai, sur l'amendement n°6 et ceux qui sont de coordination, à la sagesse en soulignant qu'il s'agit de sanctionner le refus de suivre tout traitement.

Il faut rappeler les dispositions de l'article : le fait pour la personne de refuser le traitement antihormonal prescrit dans le cadre d'une injonction constitue une méconnaissance des obligations et peut justifier un placement en rétention, mais il n'y a aucune automaticité. L'amendement n°77 rectifié doit logiquement être retiré ainsi que les amendements de coordination.

Pour le reste, avis défavorable.

L'amendement n°26 n'est pas adopté.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - S'agissant de l'amendement n°5, je n'insiste pas.

L'amendement n°5 est retiré.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Puisque la commission a donné un avis favorable à mes amendements nos6, 7, 9, 11 et 12 auxquels le Gouvernement n'est pas hostile, je considère avoir satisfaction : tous les traitements sont mis sur un pied d'égalité, le médecin aura accès à tout et saura ce qu'il doit faire sans s'attacher à tel ou tel traitement. Supprimer la dernière partie de l'amendement n°98 de la commission serait un message compris des médecins -qui, eux, madame le ministre, sont au fait de la situation- mais non du grand public qui pourrait y voir un recul du Parlement dans la volonté de s'attaquer à toutes ces pathologies en s'interdisant d'utiliser tous les types de traitement. Je m'incline, donc.

Le sous-amendement n°103 est retiré, ainsi que l'amendement n°10.

L'amendement n°98 est adopté.

M. Jacques Mézard.  - J'en fais de même pour tous mes amendements.

L'amendement n°77 rectifié est retiré, ainsi que les amendements nos80, 82 et 83 rectifiés.

L'amendement n°6 est adopté, ainsi que l'amendement n°7.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

L'amendement n°9 est adopté, ainsi que les amendements nos11 et 12.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéas 14 à 16

Supprimer ces alinéas.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Abaisser le seuil de peine pouvant donner lieu à un placement sous surveillance judiciaire de dix à sept ans conduirait, selon le rapporteur, à augmenter de 51 % le nombre de personnes pouvant être soumises à cette mesure. Les juridictions, en l'état actuel, peineront à faire face à cet accroissement considérable dont la seule justification est votre volonté d'élargir encore les possibilités de surveillance et de rétention. Il faut prévenir la récidive mais non en cédant à la tentation dangereuse de la combattre par plus d'enfermement et de surveillance. Aucun élément ne prouve que la surveillance judiciaire ne soit pas, actuellement, assez large.

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

M. Alain Anziani.  - Cet alinéa 15, comme d'autres, pose un problème constitutionnel. Le dispositif de surveillance judiciaire, s'il n'est pas respecté, glissera vers la rétention de sûreté. Or s'il glisse vers la rétention de sûreté, il s'accompagnera de l'application immédiate prévue à l'article 8 ter. Donc, par ce biais, la rétention de sûreté sera d'application immédiate. Dans sa réponse, le rapporteur a souligné la différence entre les dispositions pénales, qui ne peuvent pas être rétroactives si elles sont plus sévères, et celles de la procédure pénale qui ne souffrent même pas la règle. Cela est vrai, si ce n'est un petit détail qui a toute son importance : les dispositions de procédure pénale peuvent également être frappées de non-rétroactivité si elles aggravent la situation de la personne et portent atteinte aux libertés. Nous vous aurons alertés sur cette difficulté !

M. le président.  - Amendement identique n°78 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Plancade et Tropeano.

M. Jacques Mézard.  - Monsieur Lecerf, la diminution « de dix à sept ans du quantum de peine prononcée susceptible de donner lieu à une surveillance judiciaire », peut-on lire dans votre rapport, « ne paraît pas poser de problème de droit ». Je vous ai connu, à juste titre, plus affirmatif ! Vous ne semblez pas convaincu de l'opportunité de cette disposition dont vous notez qu'elle aura pour conséquence inquiétante, d'alourdir « encore la charge des juges de l'application des peines » et « d'accroître de 51 % le nombre de personnes éligibles à la surveillance judiciaire », ce qui impliquera un renforcement des moyens qui leur sont dévolus ». Cette dernière assertion est hypothétique, pour ne pas dire angélique ! En bref, ce n'est pas convaincant, dangereux et a pour but principal de faire plaisir à la majorité des députés en ne faisant pas table rase de tous leurs ajouts !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Fait incontestable : le Conseil constitutionnel considère clairement la surveillance judiciaire comme une modalité d'application de la peine. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, approuve) L'abaissement du quantum de peine prononcée permettant l'application de cette mesure peut donc s'appliquer immédiatement dès lors que la loi le prévoit expressément -tel sera le cas à l'article 8 ter du projet de loi. Je reconnais la pertinence de l'argumentation de M. Anziani. Sans vouloir me lancer dans des prévisions sur l'avis du Conseil constitutionnel, il me semble que la différence est fondamentale entre la modification du quantum prévue pour la surveillance de sûreté et celle prévue pour la surveillance judiciaire. Abaisser de quinze à dix ans le quantum de la peine prononcée permettant le placement sous surveillance de sûreté aboutissait au résultat suivant : des personnes non visées par la loi de 2008 seraient tombées sous le coup de la surveillance de sûreté et, partant, de la rétention de sûreté. Cette disposition posait un problème constitutionnel important ; j'ai même utilisé à son propos l'adjectif de « dirimant ». Il en va autrement de la surveillance judiciaire qui est une modalité de protection de la société, de protection de la personne visée qui relève de la procédure pénale et, de ce fait, n'est pas frappé du principe constitutionnel de non-rétroactivité.

Monsieur Mézard, vous refusez de banaliser un dispositif aussi sévère que celui de la surveillance judiciaire. Pour moi, ce qui est particulièrement sévère, ce sont les nouveaux dispositifs de la surveillance et de la rétention de sûreté de la loi de 2008 que la commission a repris, dans ce texte, en raison de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Avis défavorable à ces trois amendements presque identiques.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - A l'Assemblée nationale, j'avais indiqué mes réserves quant à un abaissement des seuils de la surveillance judicaire et de la surveillance de sûreté. Je me réjouis, d'ailleurs, que la commission soit revenue sur l'abaissement du seuil de la surveillance de sûreté, qui posait de gros problèmes constitutionnels. La diminution du seuil de surveillance judiciaire ne me paraît pas nécessaire et semble plutôt poser problème. Après avoir entendu les arguments du rapporteur, sagesse.

L'amendement n°27 n'est pas adopté.

Les amendements identiques nos50 et n°78 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - La Conférence des Présidents a souhaité que, lorsqu'il n'est pas prévu de séance de nuit, nous levions à 23 h 50. Il ne serait pas possible d'entreprendre pour quatre minutes la discussion des trois amendements qui viennent en discussion commune ; je vais donc lever la séance.

Prochaine séance, demain, jeudi 18 janvier, à 9 h 30.

La séance est levée à 23 h 45.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 18 février 2010

Séance publique

A 9 HEURES 30

1. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale.

Rapport de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°257, 2009-2010).

Texte de la commission (n°258, 2009-2010).

Avis de M. Nicolas About, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°279, 2009-2010).

A 15 HEURES ET, ÉVENTUELLEMENT, LE SOIR

2. Questions d'actualité au Gouvernement.

3. Suite de l'ordre du jour du matin.