Tarif réglementé d'électricité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi autorisant les consommateurs finals domestiques d'électricité et les petites entreprises à retourner au tarif réglementé d'électricité, présentée par M. Ladislas Poniatowski et plusieurs de ses collègues du groupe UMP.

Discussion générale

M. Ladislas Poniatowski, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission de l'économie.  - La commission de l'économie a bien voulu me désigner rapporteur de ma proposition de loi tendant à autoriser les consommateurs domestiques et les petites entreprises à retourner au tarif réglementé d'électricité. C'est donc à la fois en tant qu'auteur et que rapporteur que j'aurai l'honneur de vous exposer les motivations de ce texte, dont la portée est limitée mais qui présente un caractère d'urgence.

L'Union européenne a décidé de libéraliser le marché de la fourniture d'électricité et de gaz. En application des directives communautaires successives, la France a donc ouvert à la concurrence, par étapes, ces deux marchés et, depuis le 1er juillet 2007, les consommateurs, particuliers comme professionnels, peuvent s'adresser librement au fournisseur d'électricité ou de gaz de leur choix.

Plus de deux ans après la libéralisation complète du marché, les consommateurs ont largement choisi de demeurer aux tarifs réglementés et la répartition des ventes entre tarifs réglementés et le marché libre évolue très lentement. Au 30 novembre 2009, pour l'électricité, 1 312 000 particuliers seulement, sur un total de 29,9 millions, sont passés à un fournisseur autre qu'EDF. Pour les industriels, le rapport est de 366 000 sur 4 850 000. La situation est comparable pour le marché du gaz : 637 000 particuliers seulement, sur un total de10 millions, sont passés à un fournisseur alternatif à GDF et 113 000 sites industriels sur un total de 685 000.

Les tarifs réglementés bénéficient d'une image positive tenant à leur simplicité, à la notoriété des fournisseurs qui les proposent ainsi qu'au caractère modéré de leur évolution, dû à leur encadrement par l'État. L'écart entre le tarif réglementé et le prix de marché, ce qu'il est convenu d'appeler le « ciseau tarifaire », est demeuré plus grand pour l'électricité que pour le gaz, dont le tarif réglementé est très proche du prix de marché.

La loi permet aux consommateurs de revenir, au terme d'un délai de six mois, au tarif réglementé. Cette réversibilité est essentielle pour le développement de la concurrence : les consommateurs hésiteront d'autant moins à quitter l'opérateur historique qu'ils auront la garantie de pouvoir revenir au tarif réglementé. La réversibilité est un argument commercial majeur pour les nouveaux entrants lorsqu'ils démarchent des clients. Or la loi du 21 janvier 2008 a fixé au 1er juillet 2010 le terme de cette réversibilité, dont le périmètre est d'ailleurs complexe.

Pour l'électricité, il convient de distinguer entre les consommateurs finals domestiques, qui bénéficient d'une réversibilité totale, et les consommateurs finals non domestiques, qui ne bénéficient du principe de réversibilité qu'en dessous d'un seuil de puissance de 36 kilovolts ampères. Pour le gaz, les consommateurs finals domestiques ne bénéficient que d'une réversibilité partielle tandis que les consommateurs finals non domestiques n'en bénéficient pas du tout.

Il faut donc à la fois prolonger l'application du principe de réversibilité et le simplifier.

Dans le prolongement du rapport Champsaur présenté au printemps 2009, le Gouvernement prépare un projet de loi relatif à la nouvelle organisation du marché de l'électricité, dit projet de loi Nome. A ce propos, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, de nous avoir fait connaître votre texte avant sa transmission au Conseil d'État. Il devrait comporter un mécanisme d'accès régulé à la base qui fera largement débat ici.

M. Roland Courteau.  - Oh oui !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Mais pas maintenant.

Le principe de réversibilité devrait être pérennisé mais cette loi ne pourra pas être votée définitivement avant le 1er juillet, puisque son texte ne sera pas adopté en conseil des ministres avant la mi-avril. La fin annoncée de la réversibilité au 1er juillet inquiète légitimement les clients, que dix-sept associations de consommateurs ont appelés à la prudence. Le marché s'est donc figé dans l'attente du sort qui sera réservé au principe de réversibilité et, au-delà, aux tarifs réglementés eux-mêmes. Les fournisseurs nouveaux ont quasiment cessé toute prospection commerciale.

La proposition de loi que j'ai déposée le 17 décembre dernier a été cosignée par 81 de nos collègues. Son champ était initialement limité au tarif réglementé d'électricité. En tant que rapporteur, j'ai procédé à l'audition d'une quinzaine d'administrations, institutions, entreprises, associations et syndicats concernés et ces auditions m'ont amené à étendre la portée du texte. La commission a bien voulu me suivre pour élargir le champ de ma proposition de loi initiale sur quatre points.

Elle a finalement décidé de ne pas modifier le critère actuel de définition des petites et moyennes entreprises en tant que consommatrices d'électricité. Le droit existant raisonne en puissance électrique installée. J'avais d'abord envisagé d'introduire les critères du droit communautaire, qui définissent les PME par un nombre de salariés inférieur à 50 personnes et un chiffre d'affaires inférieur à 10 millions, afin de faciliter l'accord de la Commission européenne. Or celle-ci ne voit plus d'objection à ce que la France conserve son critère de puissance installée, même s'il est propre à notre pays.

Votre commission vous propose de confirmer la pérennisation du principe de réversibilité pour l'électricité.

M. Daniel Raoul.  - Depuis le temps que nous le demandons !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Pas seulement vous, tous ceux qui suivent de près ce dossier, sur quelque banc qu'ils siègent. (Ironie à gauche)

La commission propose ainsi d'élargir le champ du texte au tarif réglementé du gaz naturel. M. Courteau et les membres du groupe socialiste proposeront de faire bénéficier les consommateurs domestiques de gaz d'une réversibilité totale.

Enfin, votre commission vous propose de confirmer le droit aux tarifs réglementés pour les nouveaux sites de consommation. M. Pintat souhaite faire également bénéficier de l'accès au tarif réglementé d'électricité les sites d'une puissance installée supérieure à 36 kilovolts ampères. J'y suis également favorable.

Enfin, votre commission a modifié l'intitulé de ma proposition de loi pour le mettre en adéquation avec son champ ainsi élargi.

Pour conclure, je voudrais évoquer un élément qui ne figure pas dans ma proposition de loi : le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TarTAM), créé par la loi du 7 décembre 2006. Ce TarTAM a été mis en place pour répondre aux préoccupations des entreprises ayant fait le choix de la concurrence pour leur approvisionnement électrique et qui ont été confrontées à une explosion des prix de marché de cette énergie. Le niveau du TarTAM a été fixé à mi-chemin entre les tarifs réglementés, auxquels les grands consommateurs ne peuvent plus revenir, et les prix de marché. Mais surtout, le TarTAM a été conçu comme un dispositif transitoire, arrivant à échéance également au 1er juillet 2010. La loi Nome devrait permettre aux grands consommateurs industriels, par le mécanisme de l'accès régulé à la base, de se fournir en électricité à un prix raisonnable. En attendant qu'elle soit votée, il serait pertinent de proroger le TarTAM pour une période complémentaire.

La seule raison pour laquelle je ne vous propose pas de le faire dès maintenant est que j'ai estimé préférable de laisser la navette parlementaire enrichir sur ce point ma proposition de loi. Nous nous sommes mis d'accord avec le président Ollier et avec mon homologue rapporteur à l'Assemblée nationale, M. Jean-Claude Lenoir, pour que ce soit eux qui introduisent la prorogation du TarTAM dans le texte. Il me semble à la fois plus efficace de nous concentrer sur la seule question des tarifs réglementés et plus équitable de laisser aux députés le soin de compléter le texte, puisque c'est Jean-Claude Lenoir qui a été le parrain du TarTAM. L'Assemblée nationale doit en débattre le 10 mai ; puisse le Gouvernement trouver un créneau dans notre ordre du jour pour que le Sénat ait la seconde lecture au plus tôt.

Cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité des membres de votre commission. Je forme le voeu que ce consensus se retrouve en séance publique. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Je remercie le président et le rapporteur de la commission ainsi que tous ceux qui ont apporté leur contribution à l'élaboration de cette proposition. Nous partageons le même objectif, garantir à des centaines de milliers de consommateurs le choix de leur fournisseur de gaz et d'électricité, en fonction de leurs besoins. La loi de janvier 2008 ouvre certaines possibilités de retour au fournisseur historique et au tarif réglementé. C'est une protection pour les consommateurs. Mais lorsque cette loi a été votée, le législateur ne disposait pas d'une grande visibilité sur le marché et il a donc décidé que les mesures de réversibilité s'appliqueraient jusqu'au 1er juillet 2010.

Nous aurons l'occasion d'un débat plus approfondi lors de l'examen du projet de loi sur la nouvelle organisation du marché électrique, qui a donné lieu, je le précise, à une large concertation. Le texte sera à l'ordre du jour de vos travaux au début du printemps. C'est un texte fondamental puisque l'énergie est un produit de nécessité totale, vitale. Je remercie M. Poniatowski, qui propose bien légitimement de maintenir les dispositions actuelles au-delà du 1er juillet prochain. Il a le soutien sans réserve du Gouvernement. Quant à la navette, je serai vigilant sur le calendrier et je compte sur la collaboration du Sénat afin de trouver le moment le plus adapté. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Claude Danglot.  - La proposition de loi de M. Poniatowski vise à permettre la réversibilité des tarifs réglementés au-delà du 1er juillet 2010. Les sénateurs de mon groupe avaient déposé des amendements allant en ce sens dès l'examen du projet de loi privatisant GDF. La majorité parlementaire avait soutenu unanimement la libéralisation totale du secteur de l'énergie, sans se soucier un instant des conséquences sur le pouvoir d'achat des ménages et sur l'activité économique de nos entreprises.

Cette majorité avait refusé sans appel nos propositions. Or aujourd'hui, vous invoquez « le risque évident de vide juridique » entre le 1er juillet prochain et l'entrée en vigueur de la future loi d'organisation du marché. C'est sans doute la raison pour laquelle la proposition de loi a été entièrement réécrite, laissant perdurer un système complexe et injuste. Les sénateurs socialistes ont du reste déposé un amendement visant à corriger, pour le gaz, les lacunes de la réglementation.

Le débat peut donc se dérouler tranquillement, en attendant le projet de loi qui modifiera le mode de construction des tarifs réglementés. On se concentre sur la réversibilité des tarifs sans évoquer l'envolée des factures d'énergie, sans aborder la question du pouvoir d'achat, sans oser faire le bilan des effets pervers de la concurrence sur l'activité économique, sans s'interroger sur l'avenir des tarifs réglementés. Quels tarifs allez-vous pouvoir garantir dans les années à venir ? En 2006, nous avions dénoncé les hausses, jusqu'à 70 % pour le gaz, des factures énergétiques des entreprises. Des sites ont fermé, je songe aux papetiers, des emplois ont été supprimés. Aujourd'hui, la Commission de régulation de l'énergie doit se prononcer sur une augmentation de 9,5 % du prix du gaz au 1er avril... Cet hiver, le grand froid a duré très longtemps, au point que les ménages les plus modestes ont souvent renoncé à se chauffer correctement tellement la note était lourde. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à rétablir la prime à la cuve pour les ménages se chauffant au fioul : la commission des finances l'a déclaré irrecevable mais, monsieur le ministre, rien ne vous empêche de reconduire cette prime -les Français en ont besoin.

Aucun débat non plus sur la -nécessaire- maîtrise publique du secteur de l'énergie. La réversibilité des tarifs réglementés n'est pas simple affaire de date, elle exige une maitrise publique durable sur le secteur. La déréglementation orchestrée par le Gouvernement entraîne inévitablement l'augmentation des tarifs, avec comme objectif premier la rentabilité à court terme et la rémunération des actionnaires au détriment des investissements et des consommateurs. Cette logique marchande délétère contamine même l'opérateur historique EDF.

Et l'avant-projet de loi relatif à la nouvelle organisation du marché électrique n'est pas pour nous rassurer. En effet, devançant les demandes de Bruxelles, le Premier ministre veut offrir une part substantielle de la production électronucléaire française aux opérateurs privés candidats. Une aide publique au privé ! Celui-ci augmentera ses marges et ses tarifs sans avoir à supporter le coût des investissements ni du traitement des déchets produits. Les usagers vont être doublement pénalisés. Ils ont financé le parc de production électrique français et seront dépossédés du retour sur investissement. De plus, ils subiront de plein fouet les hausses des tarifs. L'avant-projet de loi prévoit que « la structure et le niveau des tarifs réglementés de vente d'électricité hors taxes (seront) fixés afin d'inciter les clients à limiter leur consommation aux périodes où la consommation de l'ensemble des consommateurs est la plus élevée ». Autrement dit : du chauffage pour ceux qui ont les moyens de payer ; les autres se passeront de ce luxe.

La privatisation du nucléaire civil n'est pas exclue par le Président de la République. Cette solution présenterait pourtant de graves dangers : quid de la sécurité des installations, de l'entretien des réseaux, de l'indépendance énergétique ? Le compromis n'est pas possible, seule une forte maîtrise publique garantira la transparence sur les objectifs de l'industrie et de la recherche ainsi que la sécurité des installations nucléaires.

La proposition de loi perd donc terriblement de son intérêt. Il est important de protéger le consommateur qui a quitté les tarifs réglementés et qui se retrouve pris en otage, sur vos bons conseils, par le jeu de la concurrence. Mais jusqu'à quel point le protégeons-nous en adoptant simplement ce texte ? Il est surtout urgent de se mobiliser en faveur d'une maitrise publique forte du secteur énergétique ; il est urgent d'arrêter ce gâchis. L'énergie est un bien essentiel qui doit être exclu des règles du marché.

M. Jean-Claude Merceron.  - Je salue le travail remarquable de M. Poniatowski. Il fallait combler une lacune juridique après le 1er juillet 2010, puisque la loi sur l'organisation du marché ne sera pas encore en vigueur.

La réversibilité est un filet de sécurité pour les consommateurs, un premier pas vers la concurrence effective car elle lève l'obstacle au libre choix du fournisseur. La commission a apporté sa contribution.

J'approuve l'élargissement de la portée du principe de réversibilité au gaz naturel, car les situations sont assez proches. L'application de la réversibilité en deçà de 36 kVa n'exclut pas les collectivités locales. Les maires de la plupart des 282 communes vendéennes se sont efforcés d'atteindre les objectifs. Or, si la plupart des points de livraison respectent le plafond de 36 kVa, englober l'ensemble de ceux-ci pénaliserait les communes. Hormis cette précision, je salue sans réserve l'apport méritoire d'une proposition qui nous permet de nous projeter vers le prochain projet de nouvelle organisation du marché de l'électricité. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Roland Courteau.  - Cette proposition tend à permettre aux ménages d'accéder ou de retourner aux tarifs réglementés, une mesure que nous avions réclamée à plusieurs reprises. J'ai pourtant envie de dire : encore un texte, encore une modification législative ! Depuis l'ouverture du marché de l'énergie à la jungle de la concurrence, on va de rebondissement en correction : nous rapiéçons, nous reprisons, c'est l'aveu d'une erreur. Certes, cette proposition comble un vide juridique en attendant la loi sur la nouvelle organisation du marché de l'électricité -encore un texte ! Vous nous proposez de faire sauter la date du 30 juin 2010 dans l'article 60 de la loi de programme de 2005, c'est-à-dire exactement ce que nous vous aviez refusé. Maintenir cette date butoir allait poser problème, avait averti Daniel Raoul en 2007, nous y sommes. En acceptant l'ouverture à la concurrence en 2002, la France s'est mise dans une mauvaise passe. L'Europe a montré son incapacité à mener une véritable politique énergétique, sinon en s'en remettant à la concurrence. Les prix ont ainsi augmenté de 80 % au Royaume-Uni et de 90 % au Danemark. Depuis 2002, pourtant, les gouvernements français et leurs majorités ont prôné le primat de la concurrence. Je me souviens des propos de la majorité sénatoriale en 2000 lors de la transposition de la directive négociée en 1996 par le gouvernement Juppé. Vous êtes aujourd'hui punis par où vous avez péché. M. Revol avait dénoncé une transposition minimale et insuffisamment libérale ; il regrettait également que la France n'ait pas permis une activité de négoce, sans laquelle la réalisation d'un véritable marché était compromise.

Et l'on va bientôt franchir une nouvelle étape pour soutenir artificiellement la concurrence dans un secteur où elle ne fonctionne pas. Au bénéfice des ménages ? J'en doute : ils en feront les frais et verront leur pouvoir d'achat baisser. Votre foi inconditionnelle dans les vertus de la concurrence a conduit le gouvernement Raffarin à permettre l'émergence de fournisseurs alternatifs !

Soyons clairs sur les responsabilités. Lors du conseil de Barcelone, en mars 2002, le gouvernement Jospin avait obtenu de ne libéraliser le marché que pour les professionnels et les entreprises, et en contrepartie d'une directive sur les services d'intérêt général, de manière que la construction européenne ne repose pas seulement sur la concurrence. Jacques Chirac avait alors déclaré que c'était la solution souhaitée qui avait été retenue et qu'il n'aurait pas été admissible de soumettre les ménages à la concurrence. Le 25 novembre suivant, Mme Fontaine, ministre du gouvernement Raffarin, a accepté le principe d'une ouverture à la concurrence, actée par les directives de 2003.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - C'est laborieux...

M. Roland Courteau.  - Nous nous étions opposés à leur transposition en novembre 2006. Depuis lors se sont multipliées les initiatives relatives au tarif règlementé fragilisé par la libéralisation. Commençant à mesurer les conséquences de vos choix idéologiques, vous recherchez des palliatifs. Quel revirement pour ceux qui chantaient les bienfaits de la concurrence... Et vous en arrivez à la réversibilité tout en prévoyant un droit de tirage sur le nucléaire pour permettre à de nouveaux opérateurs de proposer des tarifs inférieurs. Après la privatisation de GDF et l'ouverture du capital d'EDF, à quand la privatisation du nucléaire par l'attribution d'un nouvel EPR à GDF-Suez ? Que de désordres !

On apprend que les tarifs réglementés pour les ménages sont condamnés mais Henri Proglio propose une augmentation de 24 % pour 2010-2011. J'entends encore M. Chatel réaffirmer son attachement au principe de l'irréversibilité : les tarifs réglementés devaient disparaître sous les coups de boutoir de la libéralisation de l'énergie.

Le rapporteur a admis, en 2007, que les effets pervers de la libéralisation devaient nous inciter à la prudence. C'était bien de le dire mais un peu tard. Que ne nous aviez-vous écoutés quand il était temps.

Cette proposition de loi comble un vide juridique, c'est un palliatif en attendant d'autres palliatifs, un aveu d'échec. La proposition de loi n°402 dont Daniel Raoul était le premier signataire a été examinée en 2007 en même temps que celle du rapporteur et de M. Pintat. Elle n'avait été acceptée que sous réserve de la date butoir de juin 2010. Nous avions dénoncé les dangers de tarifs non réglementés trop alléchants pour des particuliers n'en mesurant pas les effets. Nous avions proposé aussi que les nouveaux sites de consommation bénéficient de tarifs réglementés sans limitation de temps. Faut-il rappeler que notre objectif n'était pas de stimuler la réversibilité et de développer une concurrence parée de toutes les vertus ? Nous n'avons jamais cru qu'elle ferait baisser les prix. Il s'agissait pour nous de préserver le pouvoir d'achat des ménages et les tarifs réglementés, y compris en cas de déménagement dans une habitation dont le précédent occupant avait renoncé au tarif réglementé. Nous avions défendu la même position lors du vote de la loi de modernisation de l'économie. Globalement, nous sommes donc d'accord avec la proposition de M. Poniatowski mais nos préoccupations ne sont pas identiques car, pour protéger le consommateur, nous défendons le droit à la réversibilité pour le gaz naturel.

Les associations, mais aussi le Médiateur national de l'énergie, le demandent. La réversibilité totale permettrait de mieux protéger les consommateurs.

Parmi les trois propositions de loi défendues en octobre 2007, seule celle du groupe socialiste prévoyait la préservation des tarifs réglementés de gaz et ne se limitait pas au secteur de l'électricité. On nous a rétorqué à l'époque que seuls 11 millions de consommateurs étaient concernés, contre 26 millions pour l'électricité. Mais 11 millions, ce n'est quand même pas rien !

En outre, on nous dit qu'il n'y aurait plus aujourd'hui de différence entre les tarifs réglementés et les prix libres du marché. Or, les tarifs réglementés constituent un verrou qui permet d'éviter l'alignement sur les prix non régulés. Jusqu'à présent, le Gouvernement décide in fine s'il y a lieu d'augmenter le tarif réglementé. Les augmentations demandées par les opérateurs ne sont possibles que si les ministres de l'économie et de l'énergie les acceptent. Si, ces dernières années, les tarifs réglementés se sont progressivement alignés sur ceux du marché, c'est parce que le Gouvernement a petit à petit lâché face aux demandes du groupe GDF. Aujourd'hui, l'exécutif veut franchir une étape supplémentaire en abandonnant totalement son pouvoir de décision en matière de gaz naturel. Alors que le nouveau contrat de service public entre GDF-Suez et l'État vient d'être signé pour 2010-2013, les tarifs réglementés ne seraient plus déterminés par les ministres mais par GDF-Suez, après approbation de la commission de régulation de l'énergie. Ce retrait du politique n'est pas bon pour le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes.

J'en viens à mes questions : le Gouvernement a-t-il l'intention de modifier la procédure fixant les tarifs réglementés de gaz naturel ? Les prix du gaz vont-ils augmenter de 9 % comme le souhaite GDF-Suez ? Le Gouvernement a-t-il l'intention de consacrer le retrait du politique en matière de fixation des tarifs réglementés d'électricité ?

Cette proposition de loi est complémentaire du projet de loi Nome, mais ce dernier garantira-t-il les tarifs réglementés ? Les discours évoluent puisque désormais, les ministres nous vantent les mérites des tarifs réglementés mais qu'ils cessent enfin de prendre des décisions idéologiques pour faire ensuite marche arrière. Donnez la priorité au long terme ! Mais y parviendrez-vous ? J'en doute fort. (Applaudissements socialistes)

M. Jacques Mézard.  - Cette proposition de loi a été qualifiée de palliatif, mais il en est certains d'utiles. Le RDSE sera donc unanime pour la voter.

Conformément à la réglementation européenne, notre pays, depuis dix ans, a procédé par étapes à l'ouverture à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz naturel. Limitée dans les premiers temps aux plus gros consommateurs, cette libéralisation nous a conduits à adapter notre cadre législatif afin de clarifier les conditions dans lesquelles les clients éligibles, c'est-à-dire autorisés à faire le choix de la concurrence, pouvaient conserver le bénéfice des tarifs réglementés.

Pour l'électricité, la totalité du marché français est ouverte à la concurrence depuis le 1er juillet 2007. Or une réforme de l'organisation de ce marché est en cours à la suite de la remise en avril 2009 du rapport d'une commission présidée par M. Champsaur. Elle a pour objectif de préserver pour les consommateurs français le bénéfice du parc électronucléaire et d'inciter à de nouveaux investissements. Or, nous croyons au nucléaire et au service public, qui ne soit pas une filiale de Veolia.

Près de trois ans après la libéralisation complète du marché, la plupart des consommateurs domestiques sont restés aux tarifs réglementés. De même, la répartition des ventes entre les tarifs réglementés et le marché évolue très lentement. Les chiffres parlent d'eux-mêmes puisque 94 % des utilisateurs domestiques sont encore aux tarifs réglementés, 1 % sont en offre de marché chez un fournisseur historique et 5 % seulement chez un fournisseur alternatif. Ce sont surtout les grands sites industriels, qui ont su faire jouer la concurrence, qui sont passés à l'offre de marché.

Cette prédominance des tarifs réglementés à trois causes principales : la notoriété d'EDF, le caractère modéré des tarifications, la crainte de subir des hausses de tarifs non maîtrisées. Ce texte autorise les petits consommateurs d'électricité à accéder ou à retourner au tarif réglementé, sans condition de date butoir. En effet, au regard de l'expérience pas toujours positive vécue par les consommateurs professionnels, il était essentiel de maintenir de larges possibilités d'accès aux tarifs réglementés pour nos concitoyens afin de préserver leur pouvoir d'achat. Nous sommes de plus en plus nombreux à estimer que le consommateur final doit avoir le droit d'obtenir, sans condition de date, le retour au tarif réglementé de vente d'électricité et de gaz.

Du point de vue économique, la réversibilité sans date butoir rassurera les consommateurs. De ce fait, elle élargirait les possibilités de choix et favoriserait l'émergence de nouvelles offres. Notre pays est d'ailleurs le seul, parmi ceux où coexistent des tarifs réglementés et des prix de marché, à mettre autant de freins à la réversibilité. Au Danemark, en Italie, en Allemagne, la réversibilité totale est admise sans limite de temps.

Or, l'électricité et le gaz sont des produits de première nécessité. A ce titre, ils devraient bénéficier d'une réglementation comparable à celle qui est applicable à l'eau et relever du service public. Tant que nous n'instaurerons pas la réversibilité totale pour les petits consommateurs, le marché de l'électricité et du gaz demeurera factice et nous aurons un marché énergétique à deux vitesses. Cette proposition de loi est un signe clair envoyé au Gouvernement pour l'alerter sur les conséquences néfastes de la libéralisation du marché de l'énergie.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Jacques Mézard.  - Pour le gaz, nous assistons, depuis 2007, à la concentration d'entreprises privées et au remplacement du monopole public par le monopole privé. On a donc cédé aux intérêts des seuls actionnaires. II y a plusieurs années, une mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique en France et en Europe rappelait qu'une forte maîtrise publique de l'énergie était nécessaire. Le retour à la tarification réglementée en est une des composantes.

Concernant l'électricité, les consommateurs français bénéficient d'un prix modéré de l'électricité en raison du parc nucléaire et de la réglementation tarifaire permettant de répartir la rente nucléaire au bénéfice du consommateur. Cette régulation n'est ni anticoncurrentielle ni contraire aux directives européennes. Le marché ne peut en aucun cas servir de modèle unique de fixation des prix de l'électricité.

C'est pourquoi, conscient que cette proposition de loi constitue un progrès dans la tarification domestique de notre marché énergétique, le groupe du RDSE la votera à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Xavier Pintat.  - Je me réjouis que nous débattions à nouveau des tarifs réglementés, qui sont plus que jamais des éléments essentiels de l'équilibre économique, social, politique de nos systèmes énergétiques. Dans la loi du 21 janvier 2008, le Parlement a admis le principe de la réversibilité afin de permettre le retour aux tarifs réglementés. Cette réversibilité concilie la sécurité personnelle du consommateur avec l'ouverture à la concurrence de la fourniture d'électricité et de gaz. C'est parce qu'il bénéficie de cette sécurité que le consommateur peut tenter sans appréhension l'aventure du marché.

De fait, les tarifs réglementés de l'électricité sont attractifs. D'une part parce qu'ils mettent le consommateur à l'abri de la volatilité des prix du marché. L'énergie est un bien vital, ce n'est pas une marchandise comme les autres, ont rappelé à juste titre MM. Courteau et Mézard. D'autre part parce que ces tarifs sont fondés sur le coût de l'électricité nucléaire, cette énergie propre et durablement compétitive au regard des énergies fossiles. Quand bien même ils devront être relevés, en vertu du principe de transparence tarifaire, pour garantir le renouvellement de notre parc nucléaire, ils resteront, par leur stabilité à court terme, une sécurité précieuse pour le consommateur dans un monde de l'énergie incertain. En outre, la fourniture d'énergie dans ce cadre, parce qu'elle relève d'une mission de service public local, est garantie par les collectivités, ou le plus souvent leurs groupements. D'où la nécessité de pérenniser les tarifs réglementés au-delà du 1er juillet 2010.

Avec cette proposition de loi, M. Poniatowski propose une solution protectrice pour les consommateurs et respectueuse du cadre européen sous réserve d'aligner les règles applicables aux nouveaux sites des consommateurs professionnels raccordés à une puissance supérieure à 36 kVA -lesquels recouvrent non seulement les entreprises privées mais aussi l'État, les collectivités locales, les hôpitaux ou encore les établissements publics- sur celles prévues dans l'avant-projet de loi gouvernemental sur la réforme du marché de l'électricité. Autrement dit, il faut maintenir les tarifs réglementés pour tous les consommateurs professionnels jusqu'au 31 décembre 2015, tant qu'ils ne décident pas de faire usage de leurs droits d'éligibilité. Le risque d'une forte augmentation de leur facture d'électricité est réel. Pour preuve, il est question de proroger le TarTAM au-delà du 1er juillet 2010. Cette mesure serait accueillie avec soulagement par les acteurs économiques, affaiblis par la crise, sans compter qu'elle participerait au redressement de nos finances publiques, dont l'état critique n'est plus à démontrer. Je défendrai, dans la discussion des articles, cette mesure juste et euro-compatible.

Monsieur le ministre, en attendant la nouvelle organisation du marché de l'électricité que vous avez la charge de mettre au point dans le consensus, ce texte est une étape nécessaire dans la poursuite du processus d'adaptation de nos systèmes électrique et gazier ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Bernard Fournier.  - La Commission européenne, dans un rapport du 11 mars 2010, observe que la législation européenne sur l'électricité et le gaz n'est toujours pas correctement et complètement transposée dans tous les États membres. Pour assurer l'ouverture totale du marché intérieur du gaz et de l'électricité, elle propose de compléter la législation par un troisième paquet de mesures adopté en avril 2009.

La réversibilité totale était en vigueur au 1er juillet 2008 dans presque tous les États membres de l'Union européenne où coexistent des tarifs réglementés et des prix de marché pour les clients résidentiels, peut-on lire dans un rapport du Groupe des régulateurs européens pour l'électricité et le gaz. Avant la loi du 21 janvier 2008, la France constituait une exception en Europe en n'appliquant pas le principe de réversibilité aux clients résidentiels.

Selon le dernier sondage publié sur le site de la Commission de régulation de l'énergie, les foyers français restent majoritairement favorables à l'ouverture à la concurrence. Pour autant, entre 2008 et 2009, la part de ceux estimant que l'ouverture à la concurrence est une mauvaise chose a progressé de 5 %. Bien que les tarifs réglementés alimentent encore 96 % des consommateurs, la part de marché de fournisseurs alternatifs a progressé à un rythme soutenu avant de se stabiliser en 2008. Malgré les offres attractives des fournisseurs alternatifs, le consommateur a hésité à quitter les tarifs réglementés pour le marché libre en raison du caractère irréversible de cette décision, accentué par la décision du Conseil constitutionnel et sur laquelle les pouvoirs publics avaient attiré l'attention des Français. En outre, les ménages peuvent se montrer sceptiques quand les consommateurs professionnels ont vu, après une baisse consécutive à la libéralisation, leur facture d'électricité exploser à partir de 2003. D'où l'adoption de la loi du 21 janvier 2008 que M. Poniatowski propose aujourd'hui de compléter en étendant les dispositions applicables aux clients résidentiels aux entreprises employant moins de 50 salariés et dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 10 millions. En tant que sénateur et président du syndicat d'énergies de la Loire, cette mesure me semble indispensable tant que coexisteront les deux tarifs. En outre, elle poussera les fournisseurs à ajuster leur offre au plus près des besoins des consommateurs. Je la voterai ! (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

La loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique est ainsi modifiée :

1° Aux IV, V et VI de l'article 66, au IV de l'article 66-1 et à l'article 66-3, les mots : « avant le 1er juillet 2010 » sont supprimés ;

2° A l'article 66-2, après les mots : « applicable aux », sont insérés les mots : « consommateurs finals souscrivant une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kilovoltampères et aux consommateurs finals souscrivant une puissance supérieure à 36 kilovoltampères pour les ».

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le IV de l'article 66-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un consommateur final domestique de gaz naturel a fait usage pour la consommation d'un site de cette faculté depuis plus de six mois, il peut, sous réserve d'en faire la demande, à nouveau bénéficier des tarifs réglementés de vente de gaz naturel pour ce site. »

M. Daniel Raoul.  - Rendons à César ce qui est à César... Cet amendement Courteau revient sur un point qui avait échappé à la vigilance du rapporteur afin d'organiser, comme nous le souhaitons tous, la réversibilité totale. Merci pour l'avis favorable qu'il a reçu en commission !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - L'amendement est économiquement mineur, mais psychologiquement majeur. Je m'explique : la différence entre les tarifs régulés et les tarifs du marché libre pour le gaz est infime...

M. Roland Courteau.  - A qui la faute ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - ...mais les consommateurs ne comprendraient pas qu'ils soient autorisés à faire des allers-retours entre l'opérateur historique et les fournisseurs alternatifs pour l'électricité et non pour le gaz. En outre, l'amendement est d'autant plus utile que les fournisseurs proposent de plus en plus des offres mixtes, électricité et gaz. Pour un marché libre qui fonctionne vraiment, avis tout à fait favorable.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°1 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Pintat.

Alinéa 3

Après les mots :

inférieure à 36 kilovoltampères

insérer le signe de ponctuation : ,

M. Xavier Pintat.  - Amendement rédactionnel. L'ajout de la virgule lève toute incertitude d'interprétation quant au régime applicable aux nouveaux sites de consommation.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Très favorable à cet amendement qui répare une erreur matérielle rédactionnelle. Merci à M. Pintat de sa vigilance.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Même avis.

L'amendement n°2 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Pintat.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

, et la date : « 1er juillet 2010 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2015 »

M. Xavier Pintat.  - Si nous maintenions le texte en l'état, nous retiendrions, paradoxalement, une approche plus dure que celle retenue par le Gouvernement dans son avant-projet. Cet amendement vise à revenir au compromis qui maintenait le bénéfice du tarif réglementé aux gros consommateurs professionnels, parmi lesquels les collectivités locales et l'État pour leurs bâtiments publics, jusqu'en 2015.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Je n'ai pas eu le temps de suggérer à mon collègue de rectifier son amendement en changeant la date retenue. Sa demande, justifiée, ne concerne, je le précise, que les nouveaux sites. (M. Xavier Pintat le confirme) Il est vrai qu'ils se trouveraient face à un vide à partir du 1er juillet 2010 mais la nouvelle organisation du marché de l'électricité concernera l'ensemble des consommateurs, petits et gros. Il suffit donc de proroger le compromis jusqu'au 31 décembre 2010, date à laquelle la nouvelle loi sera adoptée. Si mon collègue accepte de rectifier son amendement en ce sens, je retire le mien.

M. Xavier Pintat.  - Le ministre peut-il me confirmer que cette loi sera adoptée avant la fin de l'année ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - C'est une nécessité absolue. Je soutiens la proposition du rapporteur.

L'amendement n°5 est retiré.

M. Daniel Raoul.  - J'espère que la loi sera adoptée avant le 31 mars 2010. L'agenda du ministre a été, il est vrai, allégé... Des créneaux devraient être libérés. (On s'amuse à gauche) Mais quid si la navette était encore en cours ?

M. Roland Courteau.  - Nous reconnaissons que la compétitivité de nos entreprises n'est pas possible sans une énergie à faible coût et des prix stables... Mais nous sommes opposés à la fixation d'une date butoir. L'amendement Pintat propose une nouvelle mesure transitoire : nous n'en sortons pas. Nous nous abstiendrons.

L'amendement n°3 rectifié est adopté.

Vote sur l'ensemble

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'article unique du projet de loi.

M. Daniel Raoul.  - Ce texte a eu un parcours délicat. Le rapporteur avait déposé un premier projet sur lequel nous avions déposé des amendements. Mais la révision constitutionnelle a cette conséquence que nous débattons d'un texte enrichi de nos amendements, que la commission a adoptés. Ceci doit poser une question de paternité. Quid si l'auteur d'une proposition n'était pas son rapporteur et que le texte ressorte considérablement modifié de l'examen de la commission ? La question vaut la peine d'être posée...

M. Courteau a rappelé l'historique du marché de l'électricité. N'oublions pas que l'électricité n'est pas un produit stockable, je l'ai moi-même rappelé à Mme Lagarde. Mais je crains fort que vous ne soyez affectés d'un TOC, entendez un trouble obsessionnel de la concurrence. (Rires à gauche) Or, on sait bien que pour que les opérateurs alternatifs et leurs actionnaires s'y retrouvent, il faut que les prix augmentent constamment, sur le dos des consommateurs. L'énergie n'est pas un produit comme les autres.

Comme M. Courteau, j'espère que l'on va en finir avec les palliatifs et que la loi Nome y remédiera. Que veut-on pour nos industries ? Nous avons un parc nucléaire que les consommateurs ont largement payé au cours des années Messmer. Il faudrait que leurs successeurs profitent d'un retour sur investissement et ne voient pas cette industrie bradée à je ne sais quel groupe privé... Sans parler de la question de la sécurité des sites.

Dans tous les pays où l'ouverture à la concurrence a été menée jusqu'à terme, les consommateurs en ont fait les frais. (M. Roland Courteau approuve)

M. Jean-Claude Danglot.  - Cette proposition de loi n'est que le constat de l'incapacité de la libre concurrence à répondre à l'intérêt général. La frilosité de la majorité est regrettable, qui ne tire pas les conséquences de cet échec et refuse d'en revenir à une maîtrise publique du secteur énergétique.

La position de notre groupe est claire. L'énergie n'est pas une marchandise mais un bien vital ; elle ne saurait être laissée à la spéculation de quelques grands groupes. D'où la nécessité d'une péréquation tarifaire et d'une aide aux ménages les plus démunis ; d'où la nécessité de garantir l'indépendance énergétique de notre pays, de multiplier les investissements sur tout le territoire et de consolider les connexions des réseaux européens. La politique menée aux niveaux national et européen ne permet pas d'atteindre ces objectifs. Les Français ressentent les effets de la privatisation ; ils ont exprimé leur défiance au Gouvernement lors des scrutins récents.

Le Gouvernement annonce un projet de loi relatif à une nouvelle organisation du marché électrique, pour le seul bénéfice des opérateurs privés. On a pu lire, il y a peu, dans la presse que « sans cette réforme, Poweo devrait rendre ses clients à EDF ». On ne saurait mieux dire que l'intérêt général est sacrifié. Alors que Mme Christine Lagarde présente un texte relatif au crédit à la consommation, elle choisit de laisser au privé le soin de déterminer la facture énergétique des Français. Le tarif réglementé du gaz devrait baisser et non augmenter le 1er avril puisque le prix du baril de pétrole est passé de 97 dollars en moyenne en 2008 à 60 dollars en 2009. C'est à l'État de fixer les tarifs de l'énergie, c'est à lui de rendre les formules tarifaires plus transparentes. Nous proposerons des amendements en ce sens à la loi Nome.

Cette proposition de loi risque de ne pas peser bien lourd devant le rouleau compresseur de la concurrence libre et quelque peu faussée en faveur des opérateurs privés. Nous nous abstiendrons.

L'article unique, modifié, est adopté.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Je remercie le rapporteur et tous ceux qui ont participé à ce débat. Nous nous reverrons lors de l'examen de la loi Nome, dont les maîtres mots sont pérennisation, libre choix, compétitivité, performance et capacité d'investissement. Je me félicite qu'aucun groupe de cette assemblée n'ait voté contre la proposition de loi. (Applaudissements à droite)

La séance est suspendue à 11 h 35.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.