Débat sur l'optimisation des moyens des collectivités territoriales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'optimisation des moyens des collectivités locales.

Orateurs inscrits

M. Alain Lambert, président et rapporteur de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.  - Votre jeune délégation a choisi comme premier sujet de débat un sujet pratique, concernant la vie des territoires. Les finances sont tendues, les ressources comptées et les dépenses inévitables, en particulier du fait du vieillissement.

Qui s'opposerait, dès lors, à la recherche de l'optimisation ? Cinq sénateurs, représentant quatre groupes, se sont régulièrement rencontrés pour examiner la mutualisation des moyens. Ils ont joué le rôle de rapporteur et quatre ont signé le rapport. M. Hervé n'a pas souhaité ajouter sa signature mais il a pris une part active à nos travaux.

La « donne communautaire » a changé depuis quelque temps. Des portes se sont entr'ouvertes, qu'il nous revient de pousser, pour mutualiser les moyens des collectivités territoriales. Le droit des marchés publics, plutôt qu'une fin en soi, est un outil. En quoi l'éthique et l'efficacité sont-elles menacées quand la commande, les procédures et les acteurs sont publics ?

Encadrée comme nous le recommandons, la mutualisation ne porte donc aucune atteinte aux intérêts publics ni privés. Je conçois que des hauts responsables européens de la concurrence hésitent à franchir le cap, encore que la jurisprudence de la Cour de justice soit désormais plus claire. Cependant, l'autonomie des collectivités locales est reconnue comme valeur sur le plan européen et les collectivités locales ont à faire face à une évolution démographique et à des transformations économiques.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous vous demandons de ne pas céder à la tentation d'une prudence excessive au regard du droit communautaire. Ne nous abandonnez pas dans notre combat, nous le menons au nom de notre responsabilité ! (Applaudissements)

M. Yves Détraigne, rapporteur de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.  - Si l'intercommunalité a toujours eu pour objectif de mutualiser les moyens des collectivités locales, nous ne sommes pas allés au bout de cette logique. D'abord parce que les intercommunalités sont des personnes morales publiques, disposant de leurs propres services, et parce que le code des collectivités locales a cloisonné les services entre communes et intercommunalités, en exigeant que le transfert de compétences s'accompagne de transferts de services.

Cependant, les services support -informatique, personnel par exemple- peuvent intervenir pour l'échelon communautaire. A côté de cette mutualisation verticale, on peut envisager une mutualisation horizontale, pour des compétences non transférées à l'échelon communautaire. Pourquoi pas des restaurants scolaires communs, des services de fleurissement partagés entre communes qui en sont dépourvues ? La coopération est autorisée pour les services administratifs, proches de la notion européenne de service non économique d'intérêt général, mais pas pour les services industriels et commerciaux, pour lesquels le droit européen impose une mise en concurrence, bien que la jurisprudence évolue.

Pourtant, la coopération entre personnes publiques sur des services dits économiques, outre qu'elle se développe, ne menace pas l'intérêt général ni les intérêts privés si elle est bien encadrée. Nous proposons en conséquence l'extension du champ du conventionnement, pour optimiser l'utilisation des moyens humains et matériels, et que l'échelon européen édicte des règles de minimis pour ces coopérations qui, d'évidence, n'entravent pas le développement des échanges dans l'Union.

Nous comptons sur l'appui du Gouvernement, l'avenir de l'intercommunalité en dépend, ainsi que la gestion de nos communes. (Applaudissements)

M. Jacques Mézard, vice-président et rapporteur de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.  - La mutualisation n'a pas été facilitée par les règles européennes et nationales alors qu'elle sert l'intérêt de nos concitoyens comme de nos collectivités. Nous avons constaté une évolution positive à l'occasion du débat sur les sociétés publiques locales, puis sur les collectivités locales, où le Sénat a proposé de renforcer la mutualisation en permettant aux EPCI à fiscalité propre et à une ou plusieurs communes membres de se doter de services communs. Certes, le transfert de compétences et de charges aux services communs de l'EPCI marque l'apogée de la mutualisation, mais celle-ci, à des degrés moindres, est une étape utile. L'objectif n'est pas de dépenser moins -a fortiori plus- mais mieux en gérant mieux. A terme, la mutualisation évitera des dépenses supplémentaires. L'intercommunalité a une fonction qualitativement péréquatrice, qui ne figure pas dans les bilans comptables, en rendant de meilleurs services à nos concitoyens.

S'il est peu réaliste de prévoir aujourd'hui une incitation fiscale de l'État, on peut attendre qu'il facilite juridiquement la mutualisation et qu'il fasse comprendre au contrôle de légalité qu'elle n'est pas une espèce nuisible. (Sourires)

Nous avons écarté la solution du prêt de l'État pour mutualisation mais envisagé un bonus-malus avec un coefficient d'intégration fonctionnel, référé au temps de travail du personnel, avec modulation de la DGF dans les intercommunalité concernées.

Nous n'avons pas voulu faire de la mutualisation une obligation de résultat mais nous proposons un débat d'orientation budgétaire, peut-être en début puis en cours de mandature, entre l'EPCI et les communes, avec inscription à l'ordre du jour d'un schéma commun d'organisation de services : cela encourage la réflexion et le travail en commun. C'est aussi le moyen de marquer notre confiance dans les collectivités locales, chères au Sénat de la République. (Applaudissements)

Mme Marie-France Beaufils.  - Qui pourrait être opposé à l'idée de rationaliser les ressources et d'utiliser au mieux les moyens des collectivités locales, ne serait-ce que pour répondre aux nouveaux besoins ? Nous partageons le constat d'une tension des budgets locaux, accentuée depuis 2004 par ce qu'on a abusivement appelé l'acte II de la décentralisation et les transferts toujours plus nombreux de compétences aux collectivités locales, au service des économies budgétaires de l'État.

Regrouper les moyens matériels et humains ? Cela dessaisirait les plus petites collectivités locales et remettrait en cause la clause générale de compétence. Faire dépendre la DGF de la mutualisation ? Ce serait désigner les bons et les mauvais élèves, en refusant la diversité de situation et l'autonomie de décision ! Ce serait une prime à la réduction des services publics, au nom des économies.

Le bilan de la décentralisation est déséquilibré, au détriment des collectivités locales à qui on demande encore de se serrer la ceinture. On nous demande aujourd'hui d'anticiper la réforme des collectivités locales, qui vise à créer des super-communes, où les nôtres disparaîtront.

Une vingtaine de départements seraient au bord de la cessation de paiement, au gré du financement de l'entretien des routes nationales -M. Sido pourrait en témoigner-, de l'explosion des dépenses du RSA, de l'APA, etc... Les collectivités locales ont pourtant joué un rôle d'amortisseur de la crise, comme M. Woerth en a convenu.

L'annonce du gel des dotations budgétaires fera des élus locaux des partenaires forcés de la réduction des déficits publics, qui devront renoncer à leur rôle économique. Accepter la mutualisation, n'est-ce pas préparer de nouveaux transferts ?

Voyez la petite enfance. L'accueil à 2 ans en maternelle n'est plus une priorité, les classes d'éveil deviendront un service payant, mais le Gouvernement demande aux CAF toujours plus d'efforts et autorise les regroupements de quatre assistantes maternelles qui pourront accueillir seize enfants dans des lieux mis à disposition par une commune, véritables mini-crèches qui n'en ont pas les garanties ni les équipements. C'est un coup porté à la socialisation de nos enfants, en particulier dans les quartiers populaires. A cette logique capitaliste de casse de services qui contribuent à l'épanouissement des enfants des catégories modestes, nous opposons une autre optimisation, où la production de richesses sert le développement humain !

La mutualisation doit avoir pour base les projets des collectivités locales, en fonction des besoins des habitants, pas le souci d'économie budgétaire ! (Applaudissements à gauche)

M. Edmond Hervé.  - « Le grand chantier de la réforme des collectivités locales sera ouvert en janvier » : c'est ce qu'annonçait le Président de la République le 25 septembre 2008 à Toulon. Un deuxième discours à Saint-Dizier, le 20 octobre 2009, donnait le coup d'envoi à la réforme.

Nous sommes de l'avis de M. Raffarin : il aurait fallu tirer le bilan de la décentralisation, avant toute nouvelle loi.

Le pragmatisme du rapport de notre délégation va dans ce sens.

Vous avez rappelé, monsieur le président, ma participation à cette délégation et mon refus d'apposer ma signature à un rapport qui fait de la mutualisation la clé de la réforme.

Certes, la mutualisation est importante, elle peut prendre des formes diverses, s'adapter aux contextes locaux. Elle n'est pas un caprice de l'autorité, elle ne dépossède pas et, respectueuse du principe de libre administration des collectivités locales, elle n'est pas le transfert de compétences. Cependant, le principe du bloc de compétences exclusif lui fait obstacle.

Quel est la condition de la mutualisation ? La confiance entre les collectivités locales, entre les agents et les élus. La mutualisation commence généralement par les services de gestion, qui représentent peu sur le plan budgétaire : n'en attendez donc pas trop d'économies.

Pour aller plus loin, il faut composer avec les règles européennes. La Commission européenne est allée jusqu'à refuser à une commune de mettre des services à disposition des services communautaires, alors que la Cour de justice reconnaît cette possibilité en vertu de la charte européenne de l'autonomie locale. L'inclination anglo-saxonne de Bruxelles va contre l'intérêt de la mutualisation. J'espère, monsieur le ministre, que vous saurez pousser les portes.

La RGPP a amoindri les services déconcentrés de l'État. Nous devons aux collectivités locales la sécurité juridique nécessaire. Je suis hostile à tout amoindrissement du pouvoir des contrôles des chambres régionales des comptes et à leur éloignement des territoires.

A Saint-Dizier, le Président de la République appelait les collectivités locales à participer aux réductions des déficits. Elles participent aussi au développement économique. J'ai parlé de confiance : c'est la première ressource que vous leur devez, et elles vous le rendront bien ! (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Adnot.  - J'ai décidé d'intervenir dans ce débat en apprenant que les départements pourraient recevoir des avances remboursables, bien que ce ne soit pas l'objet du débat ! (Sourires) Dans mon département, j'avais 39 millions d'autofinancement en 2009, 27 millions cette année et dans deux ans, je n'en aurai plus aucun.

Vous nous proposez de geler nos dotations après avoir diminué nos ressources fiscales : c'est asphyxier les départements qui renonceront à investir -et les communes aussi, puisque nous les finançons. On les a pourtant incitées à participer au plan de relance !

Je fais de la mutualisation depuis longtemps, sans jamais avoir de problèmes, par exemple pour la gestion commune des TOS dans les lycées-collèges avec les régions, ou encore pour les Sdis. Pourquoi se poser de faux problèmes ? A quoi serviront des textes nouveaux ?

La gestion partagée des bâtiments du conseil général qui reçoivent des services de l'État ? C'est déjà le cas.

La mutualisation des collectivités locales ne réglera pas la question financière, dès lors que les recettes sont bloquées et que les dépenses augmentent. Ensuite, ne compliquez pas la situation pour régler des problèmes qui n'existent pas ! (Applaudissements)

M. Alain Dufaut.  - Depuis les premières lois de décentralisation, l'inflation législative et normative n'a jamais cessé. Aujourd'hui, la multiplicité des acteurs n'a d'égal que les attentes des Français à l'égard des pouvoirs publics, mais le financement des collectivités locales n'a pas suivi.

La réforme actuelle nous impose de prendre en compte les moyens dévolus à chaque échelon territorial. Les départements sont les plus fragilisés du fait de l'APA, de l'APCH et du RSA ainsi que du recul des droits de mutation.

Si les charges de fonctionnement sont pour beaucoup dans les difficultés des départements, les nouvelles charges sociales pèsent lourd. Le rapport Jamet a identifié les quatre critères de fragilité des dépenses départementales : part des plus de 75 ans dans la population départementale, taux de chômage, revenu minimum, densité de la population. En outre, les règles administratives entravent l'action des collectivités locales.

La mutualisation permet de dégager des marges de manoeuvre. Certaines collectivités locales ont déjà mutualisé certains services, mais beaucoup reste à faire.

Face aux grandes difficultés des départements, le Premier ministre a annoncé qu'une aide exceptionnelle interviendra dès septembre. Le chantier de la dépendance sera ouvert à l'automne. L'APA sera refondée, conformément aux voeux des présidents de conseils généraux.

Les départements pourraient mettre en oeuvre leur expérience en matière d'APA.

Le Premier ministre a également confirmé le moratoire, décidé par le Président de la République, des normes ayant des incidences financières sur les collectivités. Les départements peuvent bénéficier des fonds de péréquation ouverts à d'autres catégories de collectivités territoriales.

Toutes ces mesures vont dans le bon sens : elles permettront d'homogénéiser les potentiels fiscaux des départements. Mais la mutualisation sera-t-elle suffisante ? J'en doute.

Il faudra trouver, dans la concertation, des solutions structurelles et pérennes. Si un groupe de travail sur l'APA est envisagé, la concertation devra également avoir lieu pour la dépendance en son entier.

Les départements doivent retrouver une stabilité fiscale et financière. Notre groupe soutient les travaux de la délégation. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Jacqueline Gourault.  - Le rapport qui vient de nous être présenté est intéressant. Il est le bienvenu dans un contexte financier contraint. Les collectivités auront de plus en plus de mal à trouver des financements : il convient donc de les gérer au mieux.

On entend dire que les collectivités locales étaient trop dépensières. Or, 39 % d'intercommunalités pratiquent déjà la mutualisation. Le rapport dit que c'est insuffisant. Certes, mais c'est déjà pas mal car les intercommunalités sont récentes : il a fallu la loi Chevènement pour qu'elles se développent. Bien sûr, le mouvement devra s'accélérer.

Les collectivités doivent remplir de nouvelles missions, du fait de la décentralisation ou de l'apparition de nouveaux besoins : c'est par exemple le cas du service public d'assainissement non collectif (Spanc). La mutualisation est une solution pour répondre à ces nouveaux besoins.

Les services de l'État aident de moins en moins les collectivités ; ainsi en est-il des anciennes DDE, d'où des difficultés pour délivrer les permis de construire. Dans ce domaine, la mutualisation est donc impérative.

La mutualisation et l'intercommunalité sont des notions siamoises, comme l'a dit le rapporteur ; nous devons aider les collectivités locales à développer la mutualisation, en sachant qu'il y a une mutualisation descendante et une mutualisation ascendante.

Dans les intercommunalités, il faut garantir l'efficacité des divers services. La mutualisation développe la solidarité. Bien des a priori, des incompréhensions disparaissent quand on travaille ensemble. On se découvre des points communs, une communauté d'intérêts. Et ce travail doit être quotidien, avec les services de l'intercommunalité mais aussi entre les services communaux.

Je suis intéressée par vos propositions, notamment la troisième, d'autoriser les communes à mutualiser des compétences qui n'ont pas été transférées à l'intercommunalité. L'idée d'instituer un bonus-malus selon l'intégration avait été émise par M. Dallier en 2006. Il s'agissait, à enveloppe constante, de favoriser les collectivités qui s'étaient lancées dans cette voie.

Quant à la proposition d'un débat d'orientation budgétaire entre les EPCI et les communes membres, elle est très intéressante. Aujourd'hui, il est impossible de voter un budget communal sans un minimum de concertation, même si chacun reste maître dans sa commune, un peu à l'instar de ce qui se passe entre les budgets nationaux et le budget européen.

Ne faut-il pas favoriser l'intégration horizontale ? Les groupements de communautés existent mais des centrales d'achats sont-elles envisageables ? Enfin, faut-il définir les services non économiques d'intérêt général ? (Applaudissements au centre)

M. François Fortassin.  - Depuis longtemps, les collectivités locales sont confrontées à des difficultés de plus en plus lourdes, notamment du fait du désengagement de l'État. Les collectivités doivent donc se substituer à lui, d'où des augmentations très fortes de leurs dépenses : le poids des impôts locaux est passé de 1982 à 2008 de 3,6 à 5,8 % du PIB.

Pourtant, la moitié des recettes viennent du budget de l'État, ce qui est malsain. Certains experts estiment que les impôts locaux sont peu lisibles, économiquement inefficaces et socialement injustes.

Les empilements de normes nuisent aussi à la transparence indispensable. La loi quasi scélérate sur le principe de précaution augmente les dépenses, accroît les exigences de nos concitoyens et surexpose les élus face à l'autorité judiciaire.

La France va parfois au-delà des préconisations européennes. Les tracasseries sont sans fin ; ainsi, les cerbères galonnés et armés de l'Office nationale des eaux et des milieux aquatiques, l'Odema, sillonnent nos campagnes et font passer les élus locaux pour des délinquants pour avoir perturbé la reproduction du crapaud accoucheur ! (Sourires approbateurs)

La solidarité territoriale reste largement embryonnaire. La péréquation doit apporter un peu plus à ceux qui ont moins : cela suppose de toucher au pactole que certains élus ne veulent pas partager !

L'État doit être le garant de la solidarité territoriale et d'un développement équilibré du territoire. Personne ne peut s'opposer aux pôles de compétitivité, mais ils ont plus de chance de se développer à Labège qu'à Berbérust-Lias, charmant patelin au sud de Lourdes ! (Sourires, assentiment et applaudissements)

M. le président.  - Il peut y avoir un miracle ! (Rires)

M. René Vestri.  - Comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, j'ai pratiqué la mutualisation pendant des décennies sans m'en rendre compte.

Maire d'une petite commune de 2 000 habitants, élu d'un canton de 20 000 habitants, j'ai pu pratiquer la mutualisation avant d'autres collectivités bien plus peuplées.

L'implication des personnels attachés à leur terroir est un gage de réussite. Depuis plus de vingt ans, la mise en commun de moyens financiers m'a permis de gérer au mieux mes budgets et de générer des financements croisés. Je m'enorgueillis de résultats positifs -un des plus beaux stades de mon département- mais j'ai aussi connu quelques désillusions...

Naguère, on se posait moins de questions. Les élus n'étaient pas soupçonnés de faire tout et n'importe quoi. Rappelez-vous ce que disait ce bon François Quesnay, inspirateur des Physiocrates : « Les prohibitions restreignent le travail, les taxes le renchérissent et le surchargent, les privilèges exclusifs le font dégénérer en monopole onéreux et destructeur ; il ne faut donc, sur ce travail, ni prohibitions, ni taxes, ni privilèges exclusifs ». Je vous propose de vous en inspirer pour permettre aux collectivités de s'associer librement, sans formalisme. La mutualisation est une incitation à la vertu.

Dans les petites communes, la mutualisation n'est pas récompensée. Dans les EPCI communautaires, ce sera toujours la plus grande collectivité qui prendra l'initiative et elle obtiendra la plus grande part des dotations. C'est bien pourquoi le débat d'orientation budgétaire est particulièrement pertinent.

J'en viens aux Sdis, placés sous l'autorité des maires et des préfets. Pourtant, un récent rapport de l'Assemblée nationale s'interroge sur le maintien de leurs compétences respectives, alors que ce sont les conseils généraux qui financent. Votre rapporteur souhaite que cette question soit clarifiée. S'il y a rationalisation des moyens pour les financements, ne pourrait-on pas décider une fois pour toutes de faire des Sdis des institutions départementales sous l'autorité des maires et des préfets ?

M. Jean-Luc Fichet.  - C'est le cas !

M. René Vestri.  - Les activités portuaires des communes littorales pourraient être mutualisées, sans aller jusqu'à les transférer à des EPCI. Une mutualisation réussie est gage d'économie et de simplification.

En outre, des solidarités se mettent en place. Il faut encourager la mutualisation par des incitations financières, une simplification des structures et un toilettage des textes. (Applaudissements au banc de la commission)

M. Claude Bérit-Débat.  - Impossible de parler de l'optimisation des moyens des collectivités locales sans évoquer les contraintes qui pèsent sur elles. Pour les communautés d'agglomération, la réforme de la taxe professionnelle va faire fondre leurs recettes fiscales. En outre, une ligne fiscalité des ménages est apparue.

Nous sommes incités à mutualiser, à optimiser, alors que l'État se désengage du fait de la RGPP, du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Ainsi, la délivrance des permis de construire connaît des difficultés. Divers services de l'État nous accompagnaient, ce qui n'est plus le cas. On me dit qu'il faut mutualiser, mais sous la contrainte, d'où des coûts supplémentaires !

La mutualisation n'implique pas forcément de moindres coûts, car des mises à niveau de matériels sont nécessaires, des embauches aussi. Ainsi, mon intercommunalité a mutualisé la collectes de déchets : elle a dû mettre à niveau ses matériels, créer une déchetterie... Comme l'a dit M. Mézard, la prise de compétence est le stade ultime de la mutualisation !

Je remercie les rapporteurs pour leur travail et l'apport important de M. Hervé, qui a montré sa parfaite connaissance de l'intercommunalité. Dans ma communauté d'agglomération, les pistes cyclables sont de son ressort. Nous souhaitons confier aux communes l'entretien de ces espaces, mais nous sommes dans l'insécurité juridique. La mutualisation ascendante pose encore des problèmes : le prochain projet de loi doit être l'occasion de les résoudre. (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre)

M. Pierre Hérisson.  - Merci aux rapporteurs pour ce travail intéressant. Pourquoi la mutualisation est-elle encore accueillie avec tant de frilosité ? Au Moyen-âge, on la pratiquait déjà pour lever des armées ou pour se défendre contre les brigands... J'espère que le brigandage a disparu mais, à entendre certains collègues, on peut s'interroger !

La mutualisation et l'optimisation permettraient de parvenir à plus de cohérence territoriale et d'harmonisation fiscale.

La communauté d'agglomération d'Annecy s'interroge sur la fiscalité de demain. Comment faire lorsque la ville-centre a un taux de fiscalité supérieur à 16 % et d'autres communes une fiscalité inférieure à 7 % ? Comment aller vers l'harmonisation, vers un taux unique ? Il faudra prévoir un calendrier précis, évitant des évolutions trop rapides.

Comment gérer ensemble et optimiser un certain nombre de services ? Ce qui a fait la réussite de La Poste, c'est le tarif unique du timbre. Il faudrait prévoir une harmonisation fiscale, mais comment faire pour ne pas pénaliser les communes bien gérées ?

Tous ces problèmes méritent une analyse approfondie ; le rapport a le mérite de nous éclairer avant d'aborder un projet de loi rendu indispensable par la suppression de la taxe professionnelle. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Luc Fichet.  - Nous ne sommes pas à un paradoxe près avec ce gouvernement ! Nous parlons de développer la mutualisation alors que tout a été fait par l'exécutif pour la supprimer.

La vie des collectivités territoriales est bouleversée par les projets du Gouvernement : la réforme en cours est injuste, recentralisatrice et inefficace.

M. le rapporteur estime que la mutualisation permettra de mettre en place des logistiques communes à plusieurs collectivités. Où est la nouveauté ? Il aurait fallu parler de la mise à mal de celles qui existent.

De nombreuses collectivités ne pourront pas se doter de services experts, depuis que les services de l'État ne jouent plus ce rôle essentiel.

Nous sommes confrontés au manque d'expertise neutre depuis que l'État se retire : comme M. Hervé, je crois utile de créer de tels services communs, notamment pour l'environnement et l'urbanisme.

Les collectivités territoriales sont désarmées face aux multinationales qui leur font signer des contrats léonins, on le voit sur l'assainissement ou la gestion des déchets : les appels d'offres ne donnent pas la main aux collectivités territoriales, les entreprises se partageant le territoire. La régie permettrait une vraie mise en concurrence.

La mutualisation doit optimiser les coûts, mais ne répond pas à la crise financière : je me félicite que le rapport le dise.

La mutualisation est un projet politique : être tous intéressés par ce que fait l'autre, c'est le sens de la solidarité, de l'intercommunalité. La mutualisation ne peut pallier les manquements de l'État. On le voit pour le numérique haut débit : les communes se retrouvent seules et incapables de financer, quand les opérateurs délaissent les territoires peu denses. Le projet haut débit lancé par le Finistère, par exemple, montre que la mutualisation est alors utile mais la mutualisation par défaut n'est pas satisfaisante.

La mutualisation permet à chacun de faire de son mieux, sans s'arrêter à l'intercommunalité. Le débat doit continuer si le Gouvernement nous en donne les moyens. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Claude Jeannerot.  - Je rends hommage à M. Lambert pour sa recherche du consensus. La mutualisation est nécessaire, mais elle n'est pas la solution à la perte des moyens des départements. Le Doubs, jusqu'à la crise, a fait face à ses dépenses de solidarité. Désormais, ce n'est plus possible à cause de la diminution des recettes et de l'explosion des dépenses. Cela devrait relever de la solidarité nationale, au fondement du pacte républicain.

Les inégalités sociales et territoriales se creusent, les départements ne parviennent plus à entretenir les collèges, les routes.

La charge nette pour le Doubs est de 55 millions pour les trois allocations de solidarité, soit l'équivalent de la construction de huit collèges. Où est la compensation à l'euro près, chère à M. Raffarin ? Le principe constitutionnel de libre administration ? Le combat n'est pas droite-gauche mais contre un État central qui ne finance plus, comme l'a déclaré le président du conseil général de Haute-Loire.

La mutualisation est-elle une réponse ? Non. Il faut garantir l'équité, donc organiser la péréquation sur les territoires. La mutualisation vient après ce principe de justice.

Il faut refondre les règles de la solidarité nationale et gérer les suites de la suppression de la taxe professionnelle, qui prive les collectivités territoriales de toute autonomie fiscale.

Oui, la mutualisation est utile pour optimiser les dépenses mais il faut d'abord organiser plus justement la répartition des ressources, ou bien elle ne sera qu'un leurre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Ce débat est bienvenu, quelques mois après la conférence sur les déficits publics et quelques jours avant le débat d'orientation budgétaire et alors que la réforme des collectivités territoriales est en cours. J'ai entendu beaucoup de propositions positives, le Gouvernement en tiendra pleinement compte.

Commençons par parler des ressources financières.

Le rapport Carrez-Ténot sur la maîtrise des dépenses locales a constaté qu'elles ont progressé plus vite que le PIB jusqu'au milieu des années 1990, mais il a aussi noté de fortes disparités entre collectivités de même rang : de 1 à 3 entre les 10 % les plus et les 10 % les moins dépensières. De même, il établit une forte corrélation entre le niveau des dépenses et celui des ressources.

La conférence des déficits publics a annoncé le gel des dotations de l'État, un renforcement de leur péréquation, un moratoire sur les normes réglementaires visant les collectivités territoriales, hors normes internationales, un renforcement du rôle de la commission de contrôle des normes, ce qui devrait rassurer M. Fortassin.

Il faut aller plus loin en dotant les collectivités territoriales d'outils performants de gestion mutualisée, c'est tout l'enjeu de ce rapport. Le Gouvernement souhaite agir vite, tout comme votre délégation, pour la mutualisation verticale comme horizontale et pour obtenir un assouplissement des normes européennes : nous sommes loin d'une position timorée, monsieur Lambert.

Il faut clarifier ce qu'on attend de la mutualisation intercommunale qui, comme l'écrit le rapport, ne doit pas concurrencer la coopération intercommunale ni s'y substituer.

Le Premier ministre va lancer une concertation avec l'ADF, un groupe de travail sera consacré à la situation financière des départements, dans la continuation du rapport Jamet. Je suis convaincu que nous trouverons ensemble des solutions pour les conseils généraux.

Grâce à la réforme des collectivités territoriales, nous allons sécuriser les conventions de mise à disposition de personnels et de mise en commun des moyens, notamment vis-à-vis du droit communautaire.

Ces mesures, qui garantissent la cohérence territoriale réclamée par M. Hérisson, seront mises en place avec célérité.

Sur le plan du droit national, la notion de bonus-malus mérite d'être explorée, conformément au voeu de la conférence sur les déficits publics.

Autoriser les communes membres d'un EPCI à exercer des compétences non transférées ? Deux régimes coexisteraient sur le territoire intercommunal, il faut prendre garde à ce que cette possibilité ne freine pas les projets communautaires. Le débat doit se poursuivre.

La mutualisation ferait courir le risque de faire disparaître des petites communes ? Madame Beaufils, c'est l'inverse puisque les intercommunalités pourront acquérir les matériels utiles aux communes, pour le déneigement en hiver par exemple.

La compensation financière des transferts de compétences est constitutionnellement intégrale, concomitante, contrôlée et conforme à l'autonomie financière des collectivités locales. Cette année, cela représente 6,3 milliards d'euros, 18,5 milliards d'euros avec la compensation des trois allocations de solidarité.

L'effort financier total de l'État en faveur des collectivités atteint 97,5 milliards. C'est l'équivalent du budget de la Belgique... Mais je préfère ne pas trop citer cet exemple par les temps qui courent. (Sourires)

Le remboursement du FCTVA est un succès ; l'État y a consacré 3,8 milliards en 2009. Le Premier ministre a décidé de proroger ce dispositif cette année ; 2 500 nouvelles communes qui ne l'avaient pas encore fait y ont souscrit cette année.

Les conclusions du rapport Jamet ont été discutées entre le Premier ministre et le président de l'ADF ; des groupes de travail sont installés, un contrat de stabilité des dépenses pourrait être conclu, voire des dotations exceptionnelles accordées aux conseils généraux les plus en difficulté. Un effort particulier de péréquation sera fait. Une note d'optimisme : les droits de mutation à titre onéreux ont augmenté de 40 %.

La mutualisation peut prendre des formes diverses sans dépouiller les collectivités locales et comme vous, monsieur Hervé, je crois utile de réunir une conférence sur la mutualisation dans les intercommunalités et de préserver le rôle de proximité des chambres régionales des comptes.

Une clarification des compétences sera opérée par la réforme des collectivités territoriales. Le partage des rôles entre départements et région prévoit compétence exclusive et exceptionnellement partagée en échange de la suppression de la clause de compétence générale. Mais une région et un département pourront intervenir de concert, par exemple en cas de catastrophe naturelle.

Madame Gourault, la mutualisation ascendante paraît être autorisée par la réglementation européenne, et la réforme des collectivités territoriales la favorisera. Quant à la mutualisation horizontale, il faut examiner son extension, sans nuire à l'intégration. Les groupements de commandes sont à encourager. Sur la notion de service non économique d'intérêt général et communautaire, la jurisprudence européenne est très restrictive mais le juge communautaire est sensible à l'intérêt général : nous avons bon espoir et le Gouvernement est déterminé à ouvrir les portes à Bruxelles, comme il lui a été demandé.

Monsieur Fortassin, l'appel d'offres de la Datar est lancé, 379 PER sont labellisés et je signalerai la situation des Hautes-Pyrénées à mon collègue M. Mercier.

Un schéma de mutualisation dans le débat budgétaire communautaire ? J'y suis favorable, monsieur Vestri, la loi à venir le prévoit.

Monsieur Bérit-Débat, les petites communes bénéficient toujours, y compris dans l'urbanisme, du concours des services de l'État. (On le conteste à gauche)

L'opposition nous reprochait, il y a peu, une volonté de tutelle technique de l'État sur les collectivités, mais nous savons ce qu'il en est sur le terrain.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Les services de l'État ont disparu !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Pas du tout ! Ils continuent d'assister les collectivités et les sous-préfets vont recevoir des dotations spécifiques pour leur venir en aide.

Merci pour ce débat enrichissant. (Applaudissements à droite et au centre)

Débat interactif et spontané

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Ce débat est déconnecté de la réalité. Votre regard bienveillant sur le fonctionnement des collectivités territoriales est éloigné du terrain, monsieur le ministre. Avant d'optimiser, il faudrait examiner la politique de transfert de charges appliquée par le Gouvernement : dans mon département, ça représente 400 millions. Avec la suppression de la taxe professionnelle, les départements vont encore réduire la voilure. La mutualisation des moyens de communes pauvres ne fait pas la richesse d'une intercommunalité ! Votre bienveillance est sympathique, mais nos difficultés vont s'accroître. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Lambert, président et rapporteur de la délégation.  - Notre objectif n'est pas de faire que la mutualisation supplée l'État. Nous avons fait le point sur les outils de la mutualisation et sur les améliorations à apporter. Comme le contrôle de légalité varie selon les départements, nous souhaitons une règle nationale homogène. Certains collègues prétendent pratiquer la mutualisation en toute liberté, je les alerte sur la sécurité juridique.

Mme Jacqueline Gourault.  - Un amendement à la loi sur les collectivités territoriales m'inquiète, car je ne veux pas que les Sdis s'éloignent des communes même si les maires sont membres de leur conseil d'administration et les financent en partie.

Ensuite, le Gouvernement doit mesurer la déception des élus locaux face à la disparition de la clause de revoyure.

M. Alain Lambert, président et rapporteur de la délégation.  - Les coopérations horizontales ont vocation à s'appliquer entre personnes morales de droit public. Je ne vous ai pas accusé d'être timoré, monsieur le ministre, je vous ai juste demandé de ne pas faire preuve d'une prudence excessive sachant que la CJCE est plus ouverte que la Commission européenne, qui doit connaître notre détermination !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Les maires sont associés à la gouvernance des Sdis, ils dirigent les opérations de secours dans leur commune et cette proximité est favorable au volontariat.

Sur la clause de revoyure : le Gouvernement a communiqué un rapport évaluant les effets de la réforme de la taxe professionnelle. Les niveaux de ressources des collectivités territoriales sont maintenus à court et moyen termes, les nouvelles ressources fiscales sont dynamiques, l'autonomie financière des collectivités locales est respectée : rendez-vous lors de la loi de finances !

M. Claude Jeannerot.  - Avec la taxe professionnelle, nous avions un fonds de péréquation redistribué par le département. Dans le Doubs, 500 communes sur 594 en bénéficient, ce qui représente pour certaines d'entre elles jusqu'à 20 % de leur capacité d'investissement. La plus grande incertitude régnant sur le devenir de ce fonds, les communes reportent leurs investissements : rassurez-les !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement va recalibrer ce fonds, ce sera dans la loi de finances pour 2011.

M. Éric Doligé.  - La mutualisation dans les Sdis et les départements posera des problèmes de fond, juridiquement. L'État ne doit pas 5 milliards aux collectivités locales, comme d'aucuns le prétendent, car nous supportons des charges supplémentaires que nous avons demandées. En revanche, sur le RSA chapeau, il manque encore entre 500 et 800 millions et sur la hausse de la CSG, un retour fait aussi défaut aux départements, qui leur permettrait de surmonter leurs actuels problèmes !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - La loi de finances pour 2011 répondra sur le RSA chapeau. Quant à la mutualisation Sdis-département, un groupe de travail s'y consacrera.

M. Claude Bérit-Débat.  - On parle aujourd'hui de la mutualisation alors que l'État, partout, se désengage. Je suis pour la mutualisation mais volontaire, pas contrainte.

L'ingénierie publique n'existe plus pour l'assainissement et il faut faire appel au privé, ce qui renchérit les coûts, ou bien faire appel à la ville-centre de l'agglomération. Même chose pour l'instruction des permis de construire. Il y a bien contrainte !

M. François Fortassin.  - On ne peut être que très favorable à la mutualisation mais il doit y avoir simplification et non complexification !

Lorsque l'État exige des normes, il est dans son rôle, mais il doit participer à leur financement.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Un moratoire des normes a été annoncé par le Président de la République et confirmé par le Premier ministre ; il sera scrupuleusement respecté. Une circulaire du Premier ministre a été envoyée très récemment à tous les intéressés.

M. Rachel Mazuir.  - Ce débat est surréaliste. Il semble justifier les propos du Président de la République qui estimait que les collectivités, et les élus, coûtaient très cher, trop cher. On a ainsi désigné le bouc émissaire : l'élu ! C'est détestable et dangereux.

Mutualisation des moyens ! Mais quels moyens ? Voulez-vous associer les élus locaux à vos responsabilités ? Ce serait surprenant... A moins de considérer qu'ils sont la solution à la crise, ce débat est décalé, à contretemps.

En fait, il s'agit d'occuper les sénateurs... Au-delà de la culpabilisation des collectivités locales et des élus, ce débat est un écran de fumée et je crois en voir la finalité. Heureusement que les collectivités n'ont pas attendu ce débat pour développer l'optimisation et la mutualisation ! L'autonomie fiscale des collectivités est passée de 43 % à 13 % avec la réforme de la taxe professionnelle. Quelles recettes nouvelles nous apporterez-vous ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Les collectivités vont disposer de recettes fiscales plus dynamiques ; vous en aurez la preuve dans quelques mois. Non, le Gouvernement ne stigmatise pas les collectivités, ni les élus locaux ! Tout au contraire, il salue le rôle irremplaçable de ces 600 000 bénévoles ; c'est une richesse que le Gouvernement entend préserver.

Nous voulons simplement supprimer des empilements inutiles et coûteux qui sont spécifiques à la France. Beaucoup de syndicats intercommunaux n'ont plus de raison d'être : la moitié des 16 000 EPCI sont des coquilles vides... alors que leurs frais de fonctionnement coûtent cher aux contribuables !

Mais encore une fois, le Gouvernement reconnaît et salue le dévouement des élus locaux.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La délégation sénatoriale n'avait pas pour objectif d'aider le Gouvernement mais de faciliter la tâche des élus locaux et de sécuriser les initiatives prises en matière de mutualisation.

M. Jean-Luc Fichet.  - M. le ministre a dit que la gauche avait dénoncé la tutelle des services de l'État sur les collectivités. Effectivement, à une époque lointaine, DDE et TPG imposaient leurs choix aux communes... La décentralisation est passée depuis. Les services déconcentrés de l'État aidaient les collectivités pour mener à bien leurs projets et jouaient un rôle de tiers objectif. Ce n'est plus le cas aujourd'hui : je le regrette, comme tous les élus locaux.

Certains syndicats intercommunaux sont arrivés au terme de leur mission ; sans doute méritent-ils de disparaître, mais il s'agissait d'une forme de mutualisation. Ce que l'État ne fait plus, ce que les syndicats locaux ne vont plus faire, des syndicats départementaux vont le faire.

Les sous préfets vont pouvoir donner des conseils en ingénierie aux collectivités : quand et avec quels moyens ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Il n'était pas toujours facile de faire instruire des dossiers par la DDE ou la DDA... Le rôle des intercommunalités est de fournir une expertise technique aux plus petites communes. Il y a également des listes d'attente pour les bureaux d'études, mais il faut laisser au système le temps de se mettre en place.

Un mot sur les sous-préfets. Pour la première fois depuis quarante ans, pas un seul d'entre eux ne manque à l'appel. On a même nommé un sous-préfet à Blaye ! Ils ont un rôle d'aide et d'assistance aux collectivités territoriales ; leur grande expérience du terrain rend leur concours est précieux.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Les maires y sont sensibles. L'engagement a été pris de ne plus fermer aucune sous préfecture.

M. Edmond Hervé.  - J'ai toujours pensé que, dans notre République, il pouvait y avoir des consensus, en particulier sur la décentralisation. Or aujourd'hui, je constate une rupture entre nous.

Il faudrait pouvoir faire, de manière collective et constructive, un bilan loyal de la décentralisation.

Monsieur le ministre, vous avez parlé de la dépense locale. Relisez la page 130 du rapport : la part des dépenses des départements et des régions dans le PIB n'a pas varié, à compétences constantes. Il ne peut pas y avoir de dialogue républicain si nous ne reconnaissons pas certaines vérités.

M. Alain Lambert président et rapporteur de la délégation.  - L'article 17 bis 1 donne mandat à la délégation d'informer le Sénat sur l'état de la décentralisation. Il faut définir le périmètre d'investigation, tant le périmètre est vaste. Mais ce qui compte, c'est de travailler sur des éléments incontestables.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Du rapport Mauroy au rapport Rocard, en passant par la commission Balladur, divers travaux ont permis de dresser un bilan objectif de la décentralisation. L'objet du projet de loi en cours d'examen est de simplifier les mécanismes de la décentralisation. Nous ne la remettons pas en cause mais aujourd'hui, le temps est venu de clarifier, de simplifier et de rapprocher.

M. Philippe Adnot.  - Mutualiser, cela ne signifie pas toujours optimiser. Avec huit autres départements, nous voulions acheter du matériel pour les pompiers : chaque département voulant ajouter ses spécifications, les coûts moyens auraient augmenté ; nous avons renoncé ! Désormais, nous procédons différemment : nous choisissons un appareil et proposons ensuite aux autres départements de l'acheter avec nous.

Aujourd'hui, l'État n'a plus compétence pour donner des conseils ; il faut passer par les départements, mais si les départements veulent le faire, ils doivent lancer un appel d'offres. Il faudrait assouplir la réglementation sur ce point.

Comment enfin assurer le surfinancement de l'intercommunalité, puisque tout le monde est en intercommunalité ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Aujourd'hui, plus de 95 % du territoire est en intercommunalité. Je fais confiance à l'imagination de la commission des finances pour trouver des réponses au problème que vous avez soulevé.

La séance est suspendue à 12 heures 55.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.