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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Dépôt d'un rapport

Prochain discours de fin de session de M. le Président du Sénat

Fin de mission temporaire

Taxation des transactions financières

Discussion générale

Discussion des articles

Article premier

Article 2

Article 3

Élections au Parlement européen

Discussion générale

Discussion des articles

Article 3

Violences faites aux femmes (Suite)

Discussion des articles

Article premier

Articles additionnels

Article premier bis

Article 2

Article 2 bis

Article 3

Article additionnel

Article 3 bis A

Article 5

Article 6

Article 6 bis

Article additionnel

Article 8

Article additionnel

Article 10

Article 10 bis B




SÉANCE

du mercredi 23 juin 2010

119e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

Secrétaires : Mme Sylvie Desmarescaux, M. François Fortassin.

La séance est ouverte à 14 heures 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle.

Il a été transmis à la commission de la culture et sera disponible au bureau de la distribution.

Prochain discours de fin de session de M. le Président du Sénat

M. le président.  - M. le président du Sénat prononcera son discours de fin de session le 30 juin à 16 heures 15.

Fin de mission temporaire

M. le président.  - Par lettre en date du 17 juin 2010, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 17 juin 2010, de la mission temporaire confiée à Mme Debré, sénateur des Hauts-de-Seine, auprès de Mme Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux.

Taxation des transactions financières

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Collin et des membres du RDSE relative à la taxation de certaines transactions financières.

Discussion générale

M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi.  - L'Europe est une des zones les plus touchées par la crise financière et économique actuelle, la plus grave que le monde ait connu depuis 1929. Tout le système financier a vacillé et vacille encore. Il est temps d'agir pour introduire plus de justice et d'éthique dans un système qui aujourd'hui n'en compte guère.

L'occasion ne doit pas être manquée pour taxer davantage les banques et les transactions financières. En matière de moralisation, tout reste à construire : pour certains, l'investissement le plus intéressant est de jouer l'écroulement de l'union monétaire européenne... Aux fonds de placement les bénéfices, à la collectivité les pertes vertigineuses...

Les pays membres du G20 se sont réunis à deux reprises pour tenter de trouver des solutions équilibrées et consensuelles. A Londres, en avril 2009, c'était pour lutter contre les paradis fiscaux ; à Pittsburg, en septembre de la même année, on arrêta le principe d'une taxation de certaines transactions financières.

L'idée n'est pas nouvelle : elle a été formulée en 1972 par le prix Nobel James Tobin, qui voulait « mettre un grain de sable » dans les mécanismes financiers, au bénéfice des plus pauvres.

La situation ne progressant pas, les sénateurs du RDSE ont, à l'unanimité, décidé de proposer un texte visant à créer une taxe anti-spéculative sur les transactions sur devises, à un taux infime pour ne pas dire indolore. La question est d'intérêt général : il s'agit de réduire les risques systémiques plus sûrement qu'une taxe sur les banques et de dégager des ressources à moindre coût pour nos compatriotes. A 0,2 %, cette taxe rapporterait 11 milliards au Trésor français. Au regard de nos déficits abyssaux, elle est plus qu'opportune.

Ce serait un moyen de rétablir un sentiment de justice, qui renforcerait la confiance des citoyens dans la politique. Le Chili, l'Allemagne ont agi contre l'exubérance des marchés ou les ventes à découvert à nu ; la France, à l'initiative de M. Chirac, a taxé les billets d'avion -ce qui devait sinistrer compagnies aériennes et aéroports...

Notre proposition prévoit un taux faible : 0,05 %, mais 0,1 % pour les transactions avec les pays en liste grise et jusqu'à 0,5 % pour celles avec les pays en liste noire. Ces taux seraient modifiés en loi de finances à chaque nouvelle publication d'une liste par l'OCDE. Nous en espérons un effet positif de contagion chez nos partenaires.

Techniquement, la taxe qui sera évoquée à Toronto poserait de plus gros problèmes d'application que celle que nous proposons, celle-ci étant en outre moins coûteuse et plus ciblée. Le produit de cette taxe serait affecté pour moitié au financement d'activités créatrices d'emplois, à la recherche et à l'innovation ; et pour moitié, au fond de réserve des retraites.

C'est dire l'opportunité de notre proposition, au regard de la crise que nous traversons comme des besoins de financement de notre régime de retraites !

M. le rapporteur, dont je ne partage ni les analyses ni les conclusions, a émis plusieurs objections. La première est qu'il faudrait réserver de telles dispositions aux lois de finances. La commission des finances a décidé d'appliquer par anticipation une future disposition constitutionnelle.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - C'est visionnaire !

M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi.  - Outre qu'elle s'arroge un pouvoir constituant qu'elle n'a pas, elle plaide pour un dispositif qui limite de façon insupportable les prérogatives des parlementaires. Les lois de finances sont rares...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Mensuelles, ces temps-ci...

M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi.  - ...et à l'initiative du seul Gouvernement.

Il faudrait ensuite attendre que nos partenaires soient déjà convaincus. C'est l'alibi de l'immobilisme et de la résignation, une offense à ceux qui croient encore à la souveraineté nationale. Dites alors aux Français qui paient une TVA de 5,5 % sur leur baguette que les arbitragistes qui spéculent contre l'euro -et font augmenter le prix du pain- ne peuvent payer 0,05 % sur des activités dont l'utilité économique est nulle mais la capacité de nuisance considérable ! La plupart des pays du G20 ne veulent pas d'une taxe sur les banques ; dire qu'on attend un consensus, c'est se condamner à l'impuissance. L'Allemagne n'a-t-elle pas déjà agi seule ? Faites davantage confiance à la force de rayonnement de la France !

Autre argument : la taxe ne freinera pas la spéculation. Plusieurs pays ont mis en place des barrières avec un succès probant. En admettant même que la taxe ne réduise pas les volumes spéculatifs, elle n'en rapportera pas moins des recettes à notre budget.

Le Gouvernement s'est lancé dans une politique d'austérité qui peut avoir un effet déflationniste : notre proposition de loi pourrait l'aider...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - C'est aimable à vous !

M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi.  - ...en lui fournissant des recettes fiscales. Dois-je rappeler les centaines de milliers d'emplois détruits par notre si brillante ingénierie financière, et les milliers de personnes qu'elle emploie, à des opérations sans utilité économique ?

Ne détruisons pas, chez nos concitoyens, le sentiment de justice. Ne les entraînons pas dans une déflation aux conséquences catastrophiques. Une taxe à faible taux introduirait une petite viscosité qui freinerait les pratiques spéculatives excessives, en allant dans le sens de la moralisation que tous, ici, souhaitent.

Il y a urgence à agir. C'est notre devoir d'élus de la République. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

M. Charles Guené, rapporteur de la commission des finances.  - Voilà une proposition de loi qui arrive à point nommé, à trois jours du G20 de Toronto. Elle tend à rendre effective en droit français la taxe Tobin.

L'article 235 ter ZD du code général des impôts avait été adopté à l'initiative de l'Assemblée nationale dans le cadre de la loi de finances pour 2002, dans des termes destinés à rendre cette disposition inapplicable : le montant devait en être déterminé par décret -jamais publié, puisque cette taxe ne devait en outre entrer en vigueur que le jour où les autres États de l'Union européenne l'appliqueraient aussi. La proposition de loi de M. Collin lève ces deux conditions.

Je ne crois pas toutefois qu'elle puisse obtenir l'effet attendu. De nombreuses opérations à court terme sont adossées à l'économie réelle -mais lesquelles ? Mme Parly, alors secrétaire d'État au budget, insistait sur les difficultés à distinguer les opérations légitimes de couverture sur les ventes à terme et la spéculation.

Nous nous tirerions une balle dans le pied si les autres États ne l'appliquaient pas. Et comment en définir l'assiette sans craindre l'imagination de l'ingénierie financière ? On dira que la France défend le principe d'une telle taxe ; oui, mais à l'échelle internationale ! Avec l'Allemagne, nous défendrons, lors du G20, le principe d'une taxe globale.

La France, par la voix conjointe de Mme Lagarde et de M. Kouchner, propose un taux de 0,05 %, soit dix fois moins que celui défendu par M. Collin ; son produit est destiné à financer ce qu'on appelle les biens publics mondiaux, le développement et la lutte contre le changement climatique. C'est dire que la France n'a pas abandonné l'idée de lutter contre l'instabilité financière.

Mme Nicole Bricq.  - Mais si !

M. Charles Guené, rapporteur.  - Mais il faut être au clair sur les objectifs poursuivis. Je me félicite que Mme Lagarde ait proposé de créer une taxe sur les banques lors de la loi de finances pour 2011.

Mme Nicole Bricq.  - Et Mme Idrac l'a démenti hier ! Merci pour les droits du Parlement !

M. Charles Guené, rapporteur.  - Même en cas de désaccord au G20, trois grands États européens, France, Allemagne, Royaume-Uni mettront en oeuvre une taxe sur les banques.

Mme Nicole Bricq.  - Ce n'est pas ce que disent les dépêches !

M. Charles Guené, rapporteur.  - En France, deux taxes ont été créées : la contribution pour frais de contrôle, adoptée dans la loi de finances pour 2010 et la taxe exceptionnelle sur les bonus des opérateurs de marché. Un nouveau pas sera franchi en loi de finances pour 2011. Notre commission, quant à elle, explore la piste d'une taxe sur les banques se substituant à la taxe sur les salaires, qui contribuerait à prévenir plutôt qu'à réduire les risques systémiques ; un rapport doit nous être rendu par le Gouvernement d'ici à la fin du mois. Les banques doivent faire des efforts de recapitalisation ; nous ne voulons ni accroître démesurément leurs charges, ni perturber le fonctionnement de l'économie.

Cette proposition de loi n'atteint pas les objectifs qu'elle se fixe et pénaliserait gravement la place de Paris. D'autres instruments sont envisageables pour réduire l'instabilité financière. Des progrès importants ont déjà été accomplis et des travaux sont en cours. L'article 22 du collectif 2009 a doté notre pays d'un instrument de lutte contre les paradis fiscaux ; laissons-le vivre.

Notre commission milite depuis longtemps pour que les questions fiscales relèvent du domaine exclusif des lois de finances. La dernière conférence des déficits en a posé le principe : nous commençons par nous l'appliquer à nous-mêmes ! Bref, nous appelons à voter contre cette proposition de loi.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Très bien !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - Je remercie M. Collin et son groupe qui nous incitent à réfléchir à point nommé sur deux sujets essentiels pour la stabilité internationale.

Réguler le système financier international ? Il est excessif de juger que tout resterait à construire, et abusif de considérer que quelqu'un ici pourrait être favorable à la spéculation. Des initiatives ont été prises ; la France est à la pointe de ces combats, qui portent déjà des fruits, depuis que le Président de la République a porté la question au niveau du G20.

Les rémunérations des opérateurs de marché ont été encadrées. Sous l'impulsion du G20, plus de 400 accords de coopération fiscale ont été signés dans le monde dans le cadre de la lutte contre les juridictions non coopératives -les paradis fiscaux. La France a été là aussi en avance.

Les agences de notation ? A compter de décembre prochain, elles devront être agrées et seront contrôlées au niveau européen ; la future loi de régulation bancaire et financière permettra à l'AMF de les sanctionner.

Les marchés dérivés ? Toutes les transactions seront enregistrées et transparentes pour les pouvoirs publics. Un Règlement européen est en cours d'élaboration.

Les fonds alternatifs ? Ils feront l'objet d'un agrément et seront soumis à des règles de transparence. Les autorités nationales seront dotées de vrais pouvoirs.

Les ventes à découvert ? La loi de régulation bancaire que vous examinerez en septembre renforcera les dispositifs de surveillance et de sanction.

Vous voyez que la France est à la pointe du combat international -condition de son efficacité. Il se trouve que les questions cribles d'hier portaient sur ce sujet. J'ai donc pu confirmer que France, Allemagne et Grande-Bretagne feront des propositions communes à Toronto. Il est bien que l'exemplarité franco-allemande soit contagieuse ! Nous introduirons en outre dans la loi de finances pour 2011 une taxation sur les activités bancaires les plus risquées. Vous en débattrez de façon approfondie. Les premières simulations laissent espérer un produit de plusieurs centaines de millions d'euros.

En matière de régulation financière, on ne peut s'en tenir à des réglementations strictement nationales. Nous avons un intérêt collectif à renforcer la confiance dans l'Europe et en Europe, ce qui passe par une attitude ferme et coordonnée face à l'exubérance des marchés et à la spéculation.

Cette proposition de loi fait par ailleurs écho à notre volonté de trouver des financements innovants pour le développement et contre les changements climatiques. La taxe sur les billets d'avion a été introduite dans cet esprit.

Mme Nicole Bricq.  - Nous avons d'abord été seuls à la voter !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Soixante pays s'y sont ralliés ; douze l'ont mise en oeuvre et la taxe a d'ores et déjà rapporté 600 millions. Cette taxe, d'un montant modeste et d'une assiette très large, n'a pas créé de distorsions internationales.

Nous travaillons à une taxe sur les banques, conformément à cette exigence. Le rendement sera d'autant plus élevé et les distorsions d'autant moindres que, je le répète, la taxe sera internationale. C'est l'objet de la lettre que Mme Merkel et M. Sarkozy ont adressée au Premier ministre canadien. Un groupe d'experts a été constitué à l'initiative de la France en octobre.

Vous voyez que nous partageons les objectifs et l'esprit de votre proposition de loi. Nous pensons à la fois qu'une telle taxe doit être internationale et que nos actions ont valeur d'exemplarité. Je confirme l'engagement du Gouvernement et du Président de la République d'agir en ce sens à Toronto et lors de la présidence française du G20 l'an prochain. (Applaudissements sur le banc de la commission)

M. le président.  - J'observe que les membres du RDSE sont venus en force soutenir le président Collin ! (Sourires)

Mme Marie-France Beaufils.  - M. Guéné, arc-bouté sur les positions les plus libérales, reconnaît toutefois que les périodes de crise sont favorables à l'émergence de solutions nouvelles et souhaite mettre les responsables devant leurs responsabilités.

Les fauteurs de crise ont-ils pris leur part des solutions à mettre en place pour réduire les conséquences de la crise ? Chacun sait bien que non... La crise n'a pas été enrayée et ceux qui en portent la responsabilité s'en sortent bien. Les 11 millions de Grecs subissent un plan d'austérité sans équivalent, sans que les banques aient modifié d'un iota leurs pratiques antérieures.

Les banques s'étaient engagées, mais l'accès au crédit est devenu encore plus difficile pour les PME et les ménages, ce qui aggrave la récession. Après avoir reçu 5 milliards de l'État, la BNP en distribue un en bonus à ses traders et ses cadres.

Il est plus que temps que banques et assurances soient soumises à des obligations nouvelles. Le refus de notre commission des finances n'est pas pour me surprendre, depuis le temps qu'elle appelle à la libéralisation des transactions financières et au développement de l'industrie financière. La spéculation financière a envahi le marché. Qui a inventé et perfectionné la titrisation ? Qui spécule contre la dette publique des États ? Contre l'euro ? Qui propose des produits financiers toujours plus rémunérateurs, des titres à découvert, des CDS ? Ce sont ces mêmes banques que la commission des finances entend préserver. Il faudrait ainsi ne faire aucune peine aux défenseurs du capital et aux spéculateurs -tandis qu'on met les ménages au régime sec.

Dénoncer le décrochage entre système financier et économie réelle ne suffit pas : il faut passer aux actes, d'autant que l'adoption de cette proposition de loi renforcerait la parole du Président Sarkozy au G20. La position de la commission des finances est d'autant plus surprenante, à l'heure où le chef de la première puissance économique du monde n'hésite pas à s'en prendre à un des plus gros pétroliers, responsable de la marée noire dans le Golfe du Mexique.

Nous soutiendrons cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

M. François Marc.  - La crise enclenchée en 2008 trouve ses racines dans les errements des fonds spéculatifs, l'opacité des paradis fiscaux, la titrisation.

On en est aujourd'hui arrivés à une financiarisation de l'économie qui affiche une multiplication par cinquante de la valeur originelle de la richesse créée.

La course aux profits spéculatifs à court terme a créé une bulle déconnectée de l'économie réelle, dont on connaît les dégâts.

L'encadrement du système est nécessaire pour aller vers la régulation.

Certains estiment qu'une taxe sur les transactions serait inefficace et inapplicable. Quid alors de celle sur le tabac ? La loi peut renchérir le coût des actes spéculatifs, et avoir ainsi un effet dissuasif.

Le Gouvernement en reste aux intentions. Pourtant, adopter ce texte donnerait un signal fort à la communauté internationale. Il importe d'établir clairement les responsabilités des acteurs dans la déstabilisation de l'économie. Une proposition de loi a été déposée par les députés socialistes pour la création d'une commission d'enquête.

Faut-il attendre une loi de finances dans six mois ? Certes, il est difficile d'aller seul à la bataille, mais on peut envoyer un signal à l'approche du G20.

L'Allemagne n'a-t-elle pas interdit les ventes à découvert à nu ? Mme Lagarde, d'abord critique, a rejoint Mme Merkel. Naguère, pour la taxe sur les billets d'avion, on nous opposait le même raisonnement. Pourtant, nous avons été suivis.

La position des institutions européennes et internationales montre que la partie n'est pas gagnée. Mais le Parlement européen a récemment envisagé -par 283 voix contre 278- une taxation sur les flux financiers. M. Barroso s'est lui aussi prononcé en faveur d'une telle taxe. Il y a quelques jours hélas, les ministres des finances, à Busan, en Corée, ont écarté cette perspective. Nous savons qu'au G20, les chances d'accord seront quasi nulles...

Nous soutenons, depuis des années, cette idée généreuse lancée par James Tobin. En 2001 le gouvernement Jospin avait lancé une initiative en ce sens, sous réserve de réciprocité.

On connaît les effets néfastes de la spéculation à court terme : une taxe mesurée en réduirait le volume. Ce serait une juste contribution du secteur financier à l'économie réelle, venant alimenter le budget de l'État, pour l'aide au développement et contre le changement climatique.

Nous sommes face à un choix politique : réorienter le modèle économique et financier. Il n'est jamais trop tôt pour agir. Le Sénat s'honorerait à donner un signal. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Michel Baylet.  - Depuis un peu plus de deux ans, nous subissons la crise de plein fouet. Les plans de sauvetage n'ont pas suffi à rétablir la croissance dans la zone euro. Aucun équilibre fondamental n'a été restauré.

Certes, quelques mesures ont été prises contre les paradis fiscaux et la rémunération des traders, mais c'est largement insuffisant. Les banques doivent augmenter leurs fonds propres et il faudra bien renoncer au « too big to fail ».

Il n'est pas superflu de rappeler que c'est l'économie qui est au service de l'homme et non l'inverse. Telles sont nos valeurs humanistes. Les radicaux de gauche souhaitent une taxation des opérations financières. L'idée, même en Grande-Bretagne, connaît un regain d'intérêt.

C'est pourquoi nous souhaitons la mise en oeuvre effective de l'article 235 ter du CGI. Les dysfonctionnements constatés sur les marchés ont aujourd'hui des conséquences sociales désastreuses. Une telle taxe doit favoriser le développement. Certains en font un épouvantail, y voient un frein à l'investissement, faute de distinguer entre les mouvements de court et de long terme. Mais la spéculation est repérable : elle se caractérise par des va-et-vient à très court terme. Des instruments informatiques performants pourraient permettre de les repérer. Je conviens que ce n'est pas facile puisque l'affaire Kerviel a montré qu'à l'intérieur même d'un établissement il est possible d'échapper au contrôle, mais il s'agit avant tout d'une question de volonté politique.

La commission des finances estime qu'une initiative isolée mettrait en danger la place de Paris. Il est vrai qu'une telle taxe devrait être étendue aux pays développés, mais ce serait l'honneur de la France que de prendre l'initiative, alors que le G20 tendrait plutôt à l'écarter, pour lui préférer, à Pittsburgh, une taxe bancaire : mais l'objectif n'est pas le même, une taxe sur la transaction a une visée redistributive. Son produit pourrait être affecté pour moitié à des activités de soutien à la croissance et à l'emploi, et pour moitié au FRR, qui en aura bien besoin.

Malgré les dégâts, la finance prospère. Alors que les banques ont bénéficié d'un plan de sauvetage, elles ont eu l'indécence de provisionner des bonus.

Il nous appartient de prendre l'initiative pour donner au monde le visage que nous lui voulons. Faisons preuve d'audace ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. Jean Louis Masson.  - L'une des causes des difficultés économiques que traverse le monde tient à la grande fluidité des opérations financières. Des masses financières colossales peuvent en quelques instants basculer d'un pays à l'autre, sans lien avec l'économie réelle.

Le seul moyen d'y remédier est de mettre quelque viscosité dans les flux, par l'introduction de taxations.

Je souscris donc à l'idée de M. Collin. Reste que la France ne peut régler à elle seule un problème de dimension mondiale. Je regrette la position figée de certains pays, comme le Canada et les États-Unis et que la France manifeste une tendance à suivre comme un petit chien. Il est certes moins honteux de suivre M. Obama que M. Bush, mais faisons preuve d'indépendance ! C'est pourquoi je voterai ce texte symbolique : à la veille du G20, il est bon de renouer avec des attitudes plus gaulliennes. Il serait temps que le Gouvernement et le Président de la République sachent enfin réaffirmer l'indépendance de la France. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et sur quelques bancs à gauche)

M. Simon Loueckhote.  - Cette proposition de loi, est prématurée. Non seulement parce que toute mesure fiscale doit être examinée en loi de finances, mais parce que le G20 doit nous faire avancer sur le principe d'une taxe bancaire, voulue par trois pays de l'Union européenne. Sans doute faudra-t-il attendre, pour aboutir, la prochaine présidence française du G20. Mais cela ne nous interdit pas d'avancer au sein de l'Union européenne. Le groupe UMP ne votera pas ce texte.

Je profite de l'occasion pour dénoncer les cinq banques qui se partagent le marché en Nouvelle-Calédonie où elles appliquent des tarifs très supérieurs à leurs maisons mères, au détriment des ménages les plus modestes. La Nouvelle-Calédonie a voulu réglementer ces tarifs, mais le Conseil d'État a estimé que la matière était du ressort de l'État. Je vous demande, madame la ministre, d'agir pour mettre fin à cette situation préjudiciable aux plus fragiles.

M. Charles Guené, rapporteur.  - Très bien !

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

A la demande du groupe UMP, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

M. Jean-Marc Todeschini.  - J'avais demandé la parole avant l'ouverture du scrutin !

M. le président.  - Je ne vous ai pas vu.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Je parlerai sur les articles 2 et 3.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 158
Contre 181

Le Sénat n'a pas adopté.

Article 2

M. Jean-Marc Todeschini.  - Je regrette de voir les bancs de l'UMP si clairsemés sur un texte de cette importance alors que la commission des finances elle-même a demandé qu'on agisse en la matière. Le scrutin public ne fait pas la démocratie.

Si l'on veut redorer le blason du Parlement, il faudra songer à faire autrement. Quel sens y a-t-il à déposer des propositions de loi si elles doivent être repoussées ainsi sans vraie discussion et à coups de scrutins publics parce que l'UMP ne vient pas ? Si de plus le président nous refuse la parole ...

M. le président.  - Je ne puis accepter vos propos : je ne suis pas le président d'une formation. J'agis en toute impartialité.

M. Robert del Picchia.  - Nous avons eu, en dernière minute, une réunion de groupe importante : on ne peut pas toujours tout prévoir. Notre absence ne doit pas être interprétée comme un refus de discuter cette proposition de loi.

A la demande du groupe UMP, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 158
Contre 181

Le Sénat n'a pas adopté.

Article 3

Mme Nicole Bricq.  - Je regrette ce nouveau scrutin public sur un texte du RDSE qui a bien fait, à la veille de la réunion du G20, de faire venir dans sa niche un très gros chien...(Sourires)

Hier, madame Idrac, je vous ai posé une question claire sur ce que sera la position de l'Union européenne quant à l'introduction d'une taxe sur les banques et d'une taxe sur les transactions financières. Vous m'avez répondu, en substance, que la France et l'Allemagne plaideraient pour une taxation sur les flux.

Je vous ai demandé ce que nous ferions si vous n'obteniez pas satisfaction à Toronto. Vous n'avez pas répondu. Or, les dépêches de l'AFP tombées à l'heure même de notre séance, donnaient la réponse : ce serait une taxe sur les banques, acceptée par l'Allemagne et le Royaume-Uni. Je regrette que les parlementaires soient moins bien traités que la presse...

Pas de position unilatérale, dites-vous, monsieur Guené ? Mais que direz-vous si M. Sarkozy adopte tout à l'heure une position volontariste ? Qui sait si ce n'est pas le motif de la réunion actuelle de l'UMP... Nous allons examiner diverses conventions fiscales avant la fin de la semaine. Vous aviez pris des engagements : le ministre devait venir nous rendre compte des évolutions sur les paradis fiscaux. Nous n'avons vu personne. Ce que l'on a vu, c'est que ce n'est pas la disposition adoptée dans la loi de finances rectificative de 2009 qui peut sanctionner ces pratiques.

Les effets de la crise systémique sont loin d'être terminés. Nous ne sommes pas dans la même situation qu'en 2001 quand j'ai dit mon opposition à la taxe Tobin. La situation est tout autre, il faudra en tenir compte. (Applaudissements à gauche)

M. François Fortassin.  - Cette proposition de loi est un signe fort alors que le Président de la République a déclaré qu'il défendrait l'idée d'une taxe. Nous verrons après Toronto.

Nous sommes un petit groupe, quoique fort nombreux en séance... La semaine prochaine, le texte réformant les collectivités territoriales est inscrit à l'ordre du jour : si on nous demande un scrutin public sur chaque article et amendement, vous allez souffrir. Respectez donc un peu les minorités, qui peuvent avoir des idées pas forcément stupides ! (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

M. Robert del Picchia.  - Je le répète : cette situation est parfaitement involontaire de notre part. Ne vous inquiétez pas : nous ne multiplierons pas les scrutins publics la semaine prochaine. (Rires à gauche)

M. Charles Guené, rapporteur.  - Je ne me caractérise pas comme un libéral, même si le mot ne m'effraie pas, madame Beaufils.

Cette proposition de loi arrive à point nommé, je l'ai dit : il était bon qu'un tel débat ait lieu ces jours-ci et je suis navré pour vous que mes collègues de groupe soient empêchés. Mais le véhicule n'est pas approprié. Notre démarche est double : un prélèvement sur les transactions financières doit rester assez faible pour ne pas peser sur le fonctionnement du système ; une taxe bancaire. S'il n'y a pas d'accord à Toronto, les trois pays favorables à cette taxe l'appliqueront. J'ai là une note de Bercy qui le confirme.

Mme Nicole Bricq.  - Mme Idrac n'était pas au courant hier.

M. Charles Guené, rapporteur.  - Ce sujet nous intéresse tous, je suis sûr que nos collègues de l'UMP regrettent de n'être pas avec nous.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Ce débat est bienvenu : nous partageons les mêmes objectifs. La question est celle du calendrier : G20 à venir et future présidence française.

Autre position centrale : le problème mérite un traitement international. La volatilité des assiettes est bien supérieure à celle de la taxe sur les billets d'avion.

Il est difficile, il est vrai, de travailler sur les trois niveaux de l'architecture. Au niveau international, nous avons un travail de conviction à mener, le Président de la République s'y emploie ; au niveau communautaire, nous avons abouti et fait adopter des règlements ; au niveau national, comme certains de nos partenaires, nous entendons agir dès la prochaine loi de finances.

Ce débat est utile pour clarifier les enjeux ; stabilisation et lutte contre la spéculation, d'une part, financement du développement et lutte contre le changement climatique, de l'autre. Le Gouvernement agit à ces deux niveaux.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Je me réjouis à mon tour de la qualité de ce débat et je salue l'auteur de cette proposition de loi qui a mis en difficulté la commission des finances : la nécessité d'une telle disposition est reconnue par tous, mais une mise en oeuvre isolée mettrait en difficulté la place de Paris. C'est le sens de la condition suspensive mise dans le code général des impôts en 2001. Il faut qu'une telle mesure ait une dimension au moins européenne.

La logique de la réforme constitutionnelle est que chaque groupe puisse mettre en débat une question. Nous avons une marge de progression... Il est toujours frustrant de tenter de convaincre des sénateurs, avant de constater que ce sont les absents qui décideront. Le scrutin public est commode pour le Gouvernement mais je ne sache pas qu'un seul groupe soit majoritaire à lui seul : le Sénat est, en quelque sorte, le sanctuaire de la diversité...

La commission des finances a souhaité l'instauration d'une redevance systémique sur les banques et assurances ; son adoption pourrait être l'occasion de supprimer cette absurde taxe sur les salaires qui alimente surtout la délocalisation. J'attends avec impatience le rapport que le Gouvernement a pris l'engagement de nous présenter.

Vingt-quatre députés et sénateurs se réunissent depuis dix-huit mois et, avant chaque réunion du G20, remettent leurs recommandations ; j'espère que Toronto permettra d'envisager des mesures concrètes.

Je signale à Mme Bricq que la commission des finances, dont elle est membre, se préoccupe des espaces non coopératifs : nous avons consacré toute la journée du 23 mars à des auditions au cours desquelles nous avons pu apprécier la portée considérable des conventions internationales, que nous regardons pourtant d'un oeil souvent distant.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - La France est parfois pathétique : elle se donne des objectifs et peine à boucler son budget... Il est peut-être temps de mettre en adéquation nos ambitions et nos moyens. (Applaudissements au centre et à droite)

A la demande du groupe UMP, l'article 3 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 158
Contre 181

Le Sénat n'a pas adopté.

Aucun article n'ayant été adopté, la proposition de loi est rejetée.

Élections au Parlement européen

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi rétablissant une circonscription unique pour l'élection des représentants français au Parlement européen, présentée par M. Collin et plusieurs de ses collègues du groupe RDSE.

Discussion générale

M. Jean-Michel Baylet, auteur de la proposition de loi.  - Le RDSE vous propose de rétablir une circonscription unique pour les élections au Parlement européen, et de revenir ainsi sur la loi de 2003 voulue par M. Raffarin. Un an après les élections de 2009, nous pouvons tirer un bilan.

La loi de 2003 qui concernait les élections régionales, avait suscité une telle unanimité dans votre majorité qu'il avait fallu en passer par l'article 49-3. M. Jospin avait eu la même idée, mais il avait consulté les forces politiques et avait retiré un texte qui n'était pas consensuel ; les radicaux de gauche, qui étaient opposés à cette réforme, avaient salué son geste.

Les élections européennes sont toujours difficiles pour la majorité en place : la loi de 2003 devait diluer le scrutin dans huit circonscriptions. En 2009, 72 % des suffrages sont allés contre la majorité actuelle. Avec une circonscription unique, la répartition des sièges eût été différente.

En 2003, le ministre de l'intérieur, qui n'était pas encore à l'Élysée, nous expliquait avec des accents émouvants que cette réforme favoriserait la proximité des députés européens avec leurs électeurs, au détriment des vains débats intellectuels, et donnerait un ancrage territorial aux délibérations du Parlement européen. Sept ans et deux scrutins plus tard, on voit que les eurorégions ne correspondent à aucune réalité historique, sociologique, économique, géographique. Elles ne correspondent à rien. De surcroit, les Français de l'étranger ont été privés de vote européen par la loi de 2003. Bel exemple de démocratie, alors qu'ils vont être représentés à l'Assemblée nationale.

La représentation des Français au Parlement européen participe de la nature juridique de l'Union européenne, qui veut que soient représentés des peuples et non tel ou tel territoire.

Les élections au Parlement européen n'ont pas à dégager une majorité de gouvernement ; aucune souveraineté -hélas !- n'y est en jeu.

Parmi les cinq autres États réalisant un scrutin par circonscription -le Royaume-Uni, l'Italie, l'Irlande, la Pologne et la Belgique- aucun n'a retenu un découpage aussi éloigné de toute réalité humaine. Seul le système français est aussi artificiel. Ni la Roumanie, ni l'Espagne, ni les Pays-Bas n'ont un découpage comme le nôtre.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - De petits pays !

M. Jean-Michel Baylet, auteur de la proposition de loi.  - La loi de 2003 a un effet absurde : elle transforme l'élection européenne en addition de campagnes régionales ! Certes, la décentralisation est commode pour une majorité désavouée dont le chef préfère ne pas avoir à s'impliquer personnellement, mais cela n'abuse personne. Les partis politiques ont toujours pris soin de constituer des listes géographiquement représentatives.

La constitution de listes nationales éviterait les parachutages et les tractations attentatoires à la volonté des électeurs.

Les groupes politiques du Parlement européen sont transnationaux ; les élus européens ont vocation à représenter les sensibilités politiques nationales, et non régionales.

Autre argument avancé en 2003 : la réforme ferait diminuer l'abstention. Le souci est noble : nos concitoyens nourrissent une défiance croissante à l'endroit de la politique, et l'abstention est un fléau auquel n'échappent que l'élection présidentielle et les municipales. Or, depuis 1979, elle n'a cessé de progresser pour les européennes, sauf en 1984... grâce à la présence d'une liste radicale de gauche ! (Sourires) Que l'on ne tente pas de nous faire croire que la circonscription unique empirerait les choses : les électeurs s'identifient à une liste menée par une personnalité d'envergure.

La complexité de son fonctionnement explique que l'Union européenne demeure cet « objet politique non identifié » dont parlait Jacques Delors. Elle ne mérite pas pour autant les caricatures qu'elle subit ; elle a besoin que les électeurs se reconnaissent dans leurs élus au Parlement européen.

La loi de 2003 n'était pas anticonstitutionnelle ? Certes, et elle a même eu le mérite de supprimer le cautionnement. Il n'en reste pas moins qu'elle favorise les plus grandes formations politiques. Il n'y aurait aucun sens à ne présenter de liste que dans une seule circonscription régionale !

Cette loi, en empêchant les petites formations politiques de présenter des listes, est attentatoire aux principes républicains.

Et, je le répète, il s'agit de représenter à Strasbourg la pluralité de notre paysage politique. Avec 44 % des voix, on a 60 % des sièges ; avec 56 % des voix, on n'a que 40 % des sièges. Est-ce normal ? Le rétablissement de la circonscription unique permettrait de mettre fin à de telles distorsions.

Les élections européennes doivent retrouver leur rang, dans une Europe que la crise appelle à être plus forte et plus solidaire. Je n'ose croire qu'on nous opposera qu'il serait malsain de changer de mode de scrutin : on le fait bien pour les régionales ! (Applaudissements à gauche et au centre)

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois.  - La loi de 2003 a créé huit euro-régions. Vous voulez rétablir le système qui a prévalu de 1979 à 1999 ; la commission des lois propose de ne pas donner suite à cette proposition.

Le mode de scrutin est largement déterminé par l'acte du 20 septembre 1976, qui fixe les principes communs que chaque État membre doit adopter. La loi de 2003 y est conforme, puisqu'il est possible de créer des circonscriptions, « sous réserve que le système ne porte pas atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin ».

La liste unique se résumait à sa tête de liste qui seule était connue, et les élections se transformaient en un référendum sur des questions de politique nationale.

M. Jacques Mézard.  - C'est fait pour cela, les élections !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Il est vrai que la loi de 2003 n'a pas réussi à réduire l'abstention. Il est vrai aussi que les petites formations politiques sont handicapées.

M. Jacques Mézard.  - Et alors ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Aucun lien statistique ne peut être établi entre le nombre de circonscriptions et le taux d'abstention. Ce n'est pas le mode de scrutin qui joue sur l'abstention. La séparation en circonscriptions a rationalisé notre représentation.

Mme Jacqueline Gourault.  - Qu'est-ce à dire ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - En 1999, neuf listes étaient représentées à Strasbourg ! C'était absurde et contraire aux intérêts de la France. Enfin, le mode de scrutin de 2003 est conforme aux normes formulées par le Parlement européen lui-même, à l'attention des pays de plus de 20 millions d'habitants. La commission des lois est donc défavorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Le choix fait par la loi de 1977 était celui d'une circonscription unique. Le législateur de 2003 a conservé le mode de scrutin proportionnel mais créé huit circonscriptions.

Même s'il est vrai que certains des objectifs de la loi de 2003 n'ont pas été totalement satisfaits, le Gouvernement n'est pas favorable au retour à la situation antérieure. Les motifs qui ont conduit à l'abandon de la circonscription unique restent valables. Le président Giscard d'Estaing avait saisi le Conseil constitutionnel de l'élection au Parlement européen. Les conclusions du Conseil qui visaient l'indivisibilité de la République avaient porté certains juristes à penser qu'une circonscription unique s'imposait. On en a vu les défauts.

Le premier est la distance excessive entre les membres du Parlement européen et les électeurs, avec une surreprésentation des Parisiens et un nombre réduit de permanences électorales.

Deuxième défaut : l'absence de tout contrôle de l'électeur sur ses représentants, faute de pouvoir les connaître.

Troisième défaut : le poids excessif des enjeux hexagonaux dans une élection européenne. Les élections européennes ne servaient plus qu'à exprimer un vote d'humeur sur la politique du Gouvernement ; la légitimité des élus européens en était amoindrie, alors même que le Parlement européen voyait ses pouvoirs accrus. Il en résultait une image lointaine parisienne et abstraite de l'Union européenne.

Enfin, les représentants français étaient plus dispersés que ceux des autres pays dans les différents groupes du Parlement européen, ce qui était préjudiciable aux intérêts français.

En 2003, différents arguments ont été avancés.

D'abord, il s'agissait de donner un ancrage territorial et une responsabilisation accrue des parlementaires européens.

Deuxième argument : le caractère interrégional du scrutin devait éloigner les enjeux hexagonaux.

Troisième argument : les huit circonscriptions régionales forment des ensembles géographiques cohérents, et leur création a été consensuelle.

Enfin, ce mode de scrutin est strictement conforme au droit européen qui exigeait que les circonscriptions fussent assez grandes pour que le caractère proportionnel du scrutin fût conservé.

L'Allemagne a un dispositif mixte. En Europe, seuls deux États de plus de 20 millions d'habitants ont conservé la circonscription unique : l'Espagne, du fait des risques séparatistes, et la Roumanie, où les régions sont de création récente. En France, Verts, socialistes et UMP étaient hostiles à la circonscription unique, tandis que le parti communiste, le Front national et le parti de M. Chevènement y étaient favorables ; l'Union centriste était contre la régionalisation en 2004, mais pour en 2009.

M. Baylet dit que le taux d'abstention a augmenté depuis 1999. C'est vrai mais, comme le fait observer le rapporteur, les causes en sont à chercher ailleurs ; il suffit pour s'en convaincre de regarder ce qui s'est passé dans les autres pays de l'Union européenne. Si le taux d'abstention de 2009, à 59,9 %, est encore plus élevé que celui de 2004, à 57,4 %, rien ne prouve que le mode de scrutin soit en cause et que la circonscription unique aurait permis une forte mobilisation !

Les auteurs de la proposition de loi estiment que les circonscriptions régionales marginalisent les petits partis. Il est vrai que le nombre de listes représentées à Strasbourg est passé de neuf à sept, ce qui n'est pas très significatif. D'autre part, le cautionnement a été supprimé et le seuil réduit à 3 %. En conséquence, il y a eu une vingtaine de listes par circonscription, nombre comparable à celui des élections de 1994 et 1999.

La disparition de la circonscription unique n'a nullement marginalisé les petites formations.

Les circonscriptions seraient déconnectées des réalités locales ? Au contraire, il y a cohérence : les populations sont homogènes, les regroupements ne sont pas contestés. Si la division en sections initialement retenue avait prévalu, le problème pourrait se poser, mais tel n'est pas le cas.

La loi de 2003 n'a sans doute pas répondu à toutes les ambitions du législateur. Mais avec deux élections seulement, l'expérience est un peu courte. Revenir à la circonscription unique serait revenir à ses inconvénients, alors qu'aujourd'hui, notre représentation est moins émiettée.

Je vous invite à rejeter cette proposition de loi. (Applaudissements à droite)

Mme Marie-France Beaufils.  - Ce texte vise à mettre un terme à un découpage artificiel dont nous avions en son temps dénoncé les travers et qui n'a pas tenu ses promesses.

La pratique a montré que les européennes n'ont pas rapproché l'élu des électeurs. En Centre-Auvergne-Limousin, où j'ai mené une liste Front de gauche aux dernières élections européennes, quel écart entre Chartres et Limoges ! Il y a un fossé entre découper et rapprocher.

On soutenait aussi en 2003 que le découpage en huit circonscriptions ferait reculer l'abstention ; mais c'est la participation qui a reculé, de 42% en 2004 à 40,6% en 2009. Il faut dire qu'entretemps, les électeurs, qui avaient voté non au traité constitutionnel et ont vu le traité de Lisbonne adopté par le Parlement ont pu être refroidis...

La création de circonscriptions artificielles n'a pas déplacé le débat des enjeux internes aux enjeux européens, qu'il n'était du reste pas si simple que cela de distinguer tant le Gouvernement accompagne la politique ultralibérale et antisociale de l'Europe. La circonscription unique redonne son véritable sens à l'élection de parlementaires européens. Et nos représentants sont les représentants de la nation française tout entière.

Contrairement à ce qu'a dit le rapporteur, le droit communautaire n'impose nullement un découpage dans les États de plus de 20 millions d'habitants. La recommandation de 2002 sur laquelle s'appuie le rapporteur n'a aucune force contraignante.

Le scrutin actuel donne enfin une prime aux formations importantes. M. Baylet en a fait la démonstration. Or, le pluralisme est un fondement de notre vie démocratique. C'est pourquoi nous voterons ce texte. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

Mme Jacqueline Gourault.  - Le groupe Union centriste va voter cette proposition de loi. Contrairement à vous, monsieur le rapporteur, je ne crois pas que le scrutin national crée une distance entre l'élu et l'électeur, au contraire. Le lien entre l'électeur et l'élu tient plus à la personnalité de ce dernier qu'au mode de scrutin. Le raisonnement vaut pour les conseillers des collectivités : qu'ils soient régionaux ou généraux, ils sont aussi proches de leurs électeurs. J'en sais quelque chose : j'ai été les deux.

Et quels étranges découpages : je suis élue du Loir-et-Cher : le fin fond de l'Auvergne est bien loin de nous.

Mme Marie-France Beaufils.  - Et la Corrèze !

Mme Jacqueline Gourault.  - Je me sens plus proche des pays de la Loire...

Vous nous dites qu'il faut « rationaliser » la vie politique ; pour vous, rationaliser, c'est diminuer le nombre de candidats et de listes ! Les élections doivent être ouvertes à toutes les formations. Et les accords électoraux n'ont rien de suspect. Vous en avez bien passé...

Vos listes, monsieur le rapporteur, sont-elles à jour ? L'Allemagne, l'Autriche, la Bulgarie, l'Espagne, la Finlande, les Républiques baltes, la Grèce, la Hongrie, n'ont pas de circonscriptions électorales.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Deux pays seulement de plus de 20 millions d'habitants.

Mme Jacqueline Gourault.  - Restent l'Espagne et l'Allemagne, qui n'ont pas notre tradition unitaire. L'Allemagne est un pays fédéral. Quant à l'Espagne...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Le scrutin est mixte en Allemagne.

Mme Jacqueline Gourault.  - Le scrutin national est tout aussi lisible que celui qui prévaut aujourd'hui.

M. Bernard Frimat.  - Judicieuse proposition de loi, que le groupe socialiste votera. Elle rejoint l'amendement que j'avais déposé le 3 mars 2003 demandant le maintien de la circonscription nationale.

Je conçois, monsieur le ministre, le déchirement, le drame personnel insupportable que peut être pour vous une élection sans découpage, où vous ne puissiez mettre votre patte... (Sourires) Mais il faut vous faire une raison, la démocratie doit pouvoir triompher...

M. Buffet plaide un dossier impossible. Les arguments présentés en 2003 par M. Gélard se sont étiolés. La lutte contre l'abstention ? Comme cela n'a pas fonctionné, vous nous opposez l'argument de la recevabilité, pour conclure que le scrutin n'est pas en jeu. Le rapprochement des élus de leurs électeurs ? Je ne vous soumettrai pas à un quizz... Ma circonscription va des deux Normandie au Nord-Pas-de-Calais en passant par la Picardie. Comme rapprochement de l'électeur, on repassera ! Et voyez ce qui se passe au Sénat et à l'Assemblée nationale, malgré la différence des modes de scrutin : il y a des élus que l'on ne voit jamais tant est fort leur désir d'arpenter le terrain auprès de leurs administrés...

Les circonscriptions interrégionales n'ont aucune réalité, aucune unité. Comme dans le football, c'est un mercato permanent. Des députés européens ont été élus dans une circonscription en 2004, et dans une autre en 2009... S'agit-il de faire faire un tour de manège à chacun ? Vous me direz que c'est la responsabilité des partis ; n'empêche...

L'échec est patent. Vos arguments ne valent plus. Le député européen, surtout, ne représente pas sa région. On aurait fait, dites-vous, une interprétation erronée de l'avis du Conseil constitutionnel ? Chacun peut se tromper, mais reste ce principe fondamental qu'est l'indivisibilité de la République !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Exactement !

M. Bernard Frimat.  - Nous nous réjouissons de l'adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - La loi de 2003 n'a pas atteint ses objectifs. La critique est facile mais l'art est difficile. Vous prétendiez rapprocher les élus des électeurs et lutter contre l'abstention. L'échec est manifeste. L'abstention a atteint un taux record proche de 60 %. Faut-il tomber encore plus bas ?

J'entends bien l'argument de M. Buffet. L'abstention aurait des causes exogènes. Ce qui est sûr, c'est que la désaffection des citoyens pour l'Europe de Maastricht et de Lisbonne tient au fait que l'Europe, loin de nous protéger contre la mondialisation, l'a relayée -on l'a vu lors du référendum de 2005. Joffre disait qu'il ne savait pas qui avait gagné la bataille de la Marne, mais qu'il savait qui l'avait perdue. Vous y êtes ! Le nouveau mode de scrutin est pire que l'ancien. Les circonscriptions n'ont aucune réalité : quoi de commun entre un habitant de Dunkerque et un habitant d'Alençon ? Il y a là un démembrement du peuple français.

Et que dire de la nomadisation des candidats, pour satisfaire tel ou telle ? Ils sont plus inconnus encore que les candidats élus sur des listes nationales, qui étaient souvent des poids lourds. Seuls les élus de l'Ile-de-France bénéficient d'une visibilité. Les Parisiens parlent aux Parisiens... Nous voilà revenus au temps de Philippe-Auguste ! Ailleurs, on les ignore, ce sont des provinciaux, même si parfois on délègue une figure nationale : voyez M. Mélenchon, sénateur de l'Essonne, élu à Toulouse.

Sans parler de l'injustice qui frappe nos concitoyens de l'étranger. Sans domicile en France, ils passent à la trappe.

La loi de 2003 nous poussait vers une Europe des régions. Mais quid du principe d'indivisibilité de la République ? Le Président français devrait entendre la leçon de la cour constitutionnelle de Karlsruhe, dans sa décision du 30 juin 2009 : l'Union européenne est une organisation internationale qui ne peut se prévaloir de la même souveraineté que les États qui la composent ; en l'absence d'un peuple européen, le Parlement européen ne peut avoir la même légitimité que les parlements nationaux. Voilà une belle leçon de cartésianisme donnée par nos voisins allemands. Chaque pays a son histoire et son identité : l'Allemagne est fédérale et la France une République unitaire, qui appelle la circonscription unique.

Winston Churchill aurait été d'accord avec moi pour dire que le scrutin dans une circonscription unique est le pire, à l'exception de tous les autres. (Sourires)

M. Buffet a malicieusement rappelé le texte que j'avais rapporté en 1998, au nom du gouvernement de M. Jospin, lequel avait alors eu la sagesse, sous l'impulsion des Verts et des communistes, de le retirer. Je ne peux pas démissionner tous les jours... (Rires)

Revenons à la simplicité : à la circonscription unique. (Applaudissements à gauche)

M. Robert del Picchia.  - Je suis très attaché à la défense du droit des Français de l'étranger à l'élection. J'ai déposé une vingtaine de propositions de loi pour remédier aux carences de notre législation sur ce sujet.

Depuis 2003, nos compatriotes expatriés ne peuvent plus voter à l'étranger dans les ambassades et les consulats. Je ne mets pas en cause la réforme, mais on prévoyait à l'époque une circonscription dotée d'un siège qui leur serait réservée.

En 2004, sur 450 000 électeurs inscrits, moins de 14 000 procurations ont été émises, contre 50 000 auparavant.

Les Français de l'étranger sont représentés au Parlement, ils peuvent voter à toutes les élections, sauf aux européennes. La proposition de loi ne change rien à leur situation. Ils sont pourtant très mobilisés pour l'Europe. N'oubliez pas que nos compatriotes établis dans l'Union européenne ont voté oui à 81 % au référendum sur la Constitution européenne ! Pourquoi les pénaliser ?

J'avais proposé en 2004 de les rattacher à une des huit circonscriptions, puis en 2008 de leur attribuer les deux sièges supplémentaires prévus par le traité de Lisbonne. Rien n'a abouti, alors qu'en nombre d'inscrits ils sont le septième département français...

Les huit circonscriptions sont pertinentes, mais je regrette qu'aucun aménagement n'ait pu être trouvé au profit des Français de l'étranger ; c'est pourquoi je voterai contre cette proposition de loi.

M. Richard Yung.  - La régionalisation de 2003 a signifié pour les Français de l'étranger la perte de leur droit de vote aux européennes. Cette proposition de loi, monsieur del Picchia, les réintègre dans leur droit : je comprends donc mal votre raisonnement.

Les Français de l'étranger peuvent certes voter pour les listes de leur pays de résidence, mais ils peuvent vouloir voter pour une liste française : la procédure de vote par procuration n'est pas toujours aisée...

Nous avons soulevé le problème à de multiples reprises. On nous a toujours opposé une fin de non-recevoir. Nous proposons le rattachement des Français de l'étranger à l'Ile-de-France, ou encore à Nantes, ou bien la création d'une subdivision de la circonscription de l'outre-mer. L'autre possibilité serait de leur attribuer les deux sièges supplémentaires qui échoient à la France : le Gouvernement ne le veut pas.

Je voterai donc cette proposition de loi.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Ce texte a le mérite de soulever une vraie question. La faible participation aux élections européennes est un fléau. Ne pas y remédier c'est favoriser l'euroscepticisme, loin de la vision généreuse des pères fondateurs.

La présence de candidats peu connus, l'emprise des appareils, ont nourri le désintérêt. En 2003, le gouvernement Raffarin a mis fin à la circonscription unique.

Mais cela n'a pas suffi à rétablir un taux de participation acceptable, tandis qu'on privait de leurs droits les Français de l'étranger qui ne peuvent plus voter dans les consulats, mais seulement dans leur commune d'inscription en France, ce qui n'est guère pratique, soit par procuration ; mais celle-ci dépersonnalise l'acte électoral. J'ajoute que si les Français de l'étranger résidant dans l'Union européenne peuvent voter pour les listes de leur pays de résidence, ce n'est pas une raison pour les priver du droit de voter pour une liste nationale.

Le Président Sarkozy a accordé, dès 2012, une représentation à l'Assemblée nationale aux Français de l'étranger : pourquoi s'arrêter en si bon chemin et les priver de représentants européens, alors qu'ils sont à l'avant-garde de la construction européenne ?

Il aurait fallu créer davantage de circonscriptions. En 1997, M. Barnier proposait une circonscription spécifique parmi 21. M. Haenel faisait de même en 2001. J'ai moi-même cosigné la proposition de loi de M. Cointat visant à un rattachement à la circonscription Ile-de-France. Car la représentation des Français de l'étranger est une urgence. La liste unique, cependant, n'a jamais permis l'élection d'un représentant des Français de l'étranger : je voterai contre cette proposition de loi.

M. Bernard Frimat.  - Quel tissu de contradictions !

M. Antoine Lefèvre.  - Les arguments des auteurs de la proposition de loi me laissent perplexe. M. Gélard avait raison : les circonscriptions interrégionales donnent à l'élu un ancrage territorial.

Les membres du Parlement européen sont les représentants des peuples, d'où une répartition des sièges en fonction du nombre d'habitants : ils représentent les citoyens, non les nations.

Sans ancrage territorial, l'élu n'aurait aucun moyen de faire connaître son action. Le mode de scrutin actuel répond à un impératif de cohérence, européen et national. Le groupe UMP votera contre.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Il est vrai que la suppression de la circonscription unique s'est faite au détriment de nos compatriotes de l'étranger. Pour y remédier, plusieurs solutions sont envisageables : le rattachement à l'une des huit circonscriptions, défendu par une proposition de loi adoptée en 2007 à l'unanimité par la commission des lois de l'Assemblée nationale ; la création d'une circonscription nouvelle ; l'attribution des deux sièges supplémentaires dont disposera la France. Le Gouvernement n'a pas encore tranché. Un récent conseil a prévu que les deux sièges supplémentaires attribués à la France par le traité de Lisbonne pourraient être pourvus en cours de mandat. Le protocole doit être adopté aujourd'hui même, à la suite de quoi une loi en tirera les conséquences, tant pour la période transitoire que pour les élections de 2014.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté, ainsi que l'article 2.

Article 3

L'amendement n°1 n'est pas défendu.

L'article 3 est adopté.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté.

(Applaudissements à gauche)

La séance, suspendue à 18 heures 25, reprend à 18 heures 30.

Violences faites aux femmes (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Nous souhaitons tous que cette proposition de loi aboutisse rapidement. Il faut donc terminer ce soir pour que ce texte soit voté par l'Assemblée nationale avant la fin de la session ordinaire. Ce pourrait être le 28 juin. Si la discussion ne s'achève pas jeudi soir, cela nous reporte à l'automne...

Discussion des articles

Article premier

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Cet article est une innovation majeure qu'il faut saluer. L'accompagnement qu'il crée est utile à la victime.

Je regrette donc que l'article 40 incite à l'auto censure. Sans rapidité d'exécution, sans possibilité d'organiser sa mobilité géographique, les bénéficiaires les plus vulnérables de l'ordonnance de protection se retrouveront vite à la case départ. Puisse la loi de finances apporter les crédits nécessaires à une bonne exécution de ce texte.

Plus jamais une femme souhaitant porter plainte pour harcèlement ou violence ne doit être contrainte de s'en tenir à déposer une main courante ni reconduite à la frontière ! (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'approuve la suggestion de M. Hyest et nous ferons notre possible.

La loi de 2006 a un volet répressif mais lui manque la prévention. Or le bilan est lourd : il n'y a que 8 % des victimes qui osent porter plainte ! On voit là un effet de la prégnance de la domination masculine dans la société, et du recul de la mixité dans certaines couches de la population.

Le texte voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale est le fruit d'un long dialogue avec les associations agissant sur le terrain. Si nous pensons possible d'améliorer le dispositif prévu, nous considérons qu'il serait regrettable que ce texte soit édulcoré par le Gouvernement ou la majorité sénatoriale. Or le risque n'en est pas minime, vu l'insistance de certains à résumer le problème à une question de conflit au sein des couples. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Christiane Kammermann.  - Après le poignant témoignage de Mme Dini, je vous raconterai l'histoire de Julie qui, à 38 ans, tombe éperdument amoureuse de Pierre, un vrai prince charmant, censément issu d'une grande famille. Au bout de deux mois de cohabitation, Pierre devient méprisant et agressif et Julie tombe sous son emprise. Agent immobilier, Julie crée son affaire, et Pierre, au nom de ses connaissances juridiques et informatiques, lui met la tête sous l'eau alors qu'il vit à ses crochets. Quand elle le quitte, elle subit un harcèlement sans fin. Elle serait « folle » alors qu'elle a toujours manifesté le plus grand équilibre psychique. Piratant ses relations internet, il la coupe de tout contact et lui fait perdre ses clients. Elle porte plainte pour piratage informatique, harcèlement, usurpation d'identité. Elle enquête et retrouve d'anciennes victimes de Pierre, apprenant ainsi qu'il a pu aller jusqu'à des intentions meurtrières.

Ce n'est que cinq mois plus part que Pierre est convoqué à la gendarmerie.

M. le président.  - Je dois vous couper la parole.

Mme Christiane Kammermann.  - C'est bien dommage ! il y aurait tant à dire !

M. le président.  Amendement n°59, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le juge organise l'audience au cours de laquelle les parties peuvent être entendues séparément.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.  - La rapidité ne doit pas nuire à la sécurité et à l'efficacité. Le moyen le meilleur est donc l'assignation, le référé d'heure en heure qui peut permettre une audience dans les 48 heures. Avec la lettre recommandée, on risque de perdre beaucoup de temps. Ne chargez pas les forces de police de tâches chronophages, éloignées de leur fonction directe.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Collin, Barbier et Plancade, Mme Escoffier et MM. Tropeano et Vall.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

à l'issue de ces auditions, le juge statue sans délai sur la demande

Mme Françoise Laborde.  - L'expérience espagnole montre que la brièveté du délai est décisive quant à l'efficacité du mécanisme de l'ordonnance de protection. Le code civil ne prévoyant aucun délai en cas de référé, quelle que soit la situation, je propose simplement de préciser que la décision du juge aux affaires familiales intervienne « sans délai ».

M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois.  - Chacun de nous est sensible au propos de Mme Kellermann, même si elle a été interrompue.

Nous créons quelque chose d'innovant avec l'ordonnance de protection. Si l'on garde les techniques de convocation actuelle, on échoue. L'assignation d'heure à heure échappera totalement à un citoyen dénué d'avocat ; ce serait aller à l'encontre de ce que nous recherchons : la simplicité de la procédure. Le juge pourra fort bien indiquer son choix à la partie demanderesse. Contre l'amendement n°59.

En matière de référé, le juge n'a aucun délai par définition. L'amendement n°8 rectifié est donc inutile.

L'amendement n°8 rectifié est retiré.

L'amendement n°59 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de besoin, le juge aux affaires familiales peut statuer par ordonnance sur requête.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'ordonnance sur requête, qui est une décision non contradictoire, est dérogatoire par rapport à nos procédures ; toutefois, elle permettra d'assurer la sécurité de la personne en danger dans la mesure où cette dernière pourra obtenir une décision sans que l'auteur des violences soit immédiatement informé de sa démarche.

Mme Dini a bien montré hier que le violent faisait tout pour n'être pas entendu par le juge. J'avais cru comprendre que le Gouvernement avait accepté le texte adopté à l'unanimité des députés...

M. François Pillet, rapporteur.  - Sans débat contradictoire, on risquerait d'affaiblir notre texte. (Mme Odette Terrade proteste) Le juge peut prendre les mesures que vous souhaitez, mais notre texte doit être absolument conforme au principe du procès équitable.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Défavorable : cet amendement est anticonstitutionnel.

L'amendement n°45 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°61, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 7, première phrase

Après les mots :

s'il estime

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

que des éléments sérieux produits devant lui et contradictoirement débattus rendent vraisemblables la commission des faits de violences alléguées et le danger auquel la victime est exposée.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Il faut éviter toute confusion entre le juge pénal et le juge aux affaires familiales. Le droit et les procédures doivent être parfaitement lisibles. Je retire cet amendement au profit de celui du rapporteur.

L'amendement n°61 est retiré.

M. le président. - Amendement n°64 rectifié, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.

Alinéa 7, première phrase

Remplacer le mot :

soupçonner

par les mots :

considérer comme vraisemblables

M. François Pillet, rapporteur.  - Notre amendement nous a été un peu soufflé par M. Buffet : il faut éviter toute connotation pénale...

L'amendement n°64 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°46, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 7, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

L'ordonnance de protection atteste la situation de danger subie par la partie demanderesse.

Mme Odette Terrade.  - Nous voulons donner une valeur probante à l'ordonnance de protection sans pour autant présager de la décision qui sera rendue au fond sur les violences alléguées et ainsi en préservant les droits de la personne mise en cause. Le juge aux affaires familiales ne sera pas le seul interlocuteur de la victime de violences, qui est souvent dans une situation de grande détresse psychique et de grand dénuement socio-économique.

M. François Pillet, rapporteur.  - L'ordonnance de protection ne peut évidemment pas devenir un enjeu de preuve entre le juge pénal et le juge civil.

Défavorable, d'autant que la modification apportée par la commission devrait vous rassurer.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Défavorable.

L'amendement n°46 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°41 rectifié, présenté par Mmes Dini, Bout et Henneron, MM. Laménie et Milon, Mme Payet et MM. Vanlerenberghe et Gournac.

I. - Alinéa 10, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n'est pas l'auteur des violences, sauf refus de sa part ou en cas de circonstances particulières.

II. - Alinéa 11

Après le mot :

violences

insérer les mots :

, sauf refus de sa part,

Mme Muguette Dini, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - L'alinéa 3° du nouvel article 515-11 du code civil, louable dans ses intentions, ne prend pas en compte le fait que, dans certains cas, la victime ne souhaite pas rester dans un lieu connu de son partenaire ou qui lui rappelle de mauvais souvenirs.

Cet amendement précise donc que l'attribution du logement du couple à la victime reste automatique, à moins qu'elle ne s'y oppose, ce qui conduira le juge à lui poser la question.

M. François Pillet, rapporteur.  - Nous sommes d'accord : il faut éviter que le juge soit contraint de laisser la victime là où elle ne le veut pas. Mais le juge ne peut pas décider ultra petita, ce qui vous satisfait en droit, comme en fait.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Défavorable.

L'amendement n°41 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°47, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 7° Avec l'accord de l'intéressée, désigner une personne morale habilitée qui sera chargée d'assurer l'accompagnement de la partie demanderesse pendant toute la durée de l'ordonnance de protection.

Mme Mireille Schurch.  - Nous rétablissons la version adoptée par l'Assemblée nationale, plus protectrice des droits de la victime. Certes, la victime peut recevoir le soutien bénévole d'une association sans habilitation judiciaire ; cependant, un accompagnement décidé par le juge peut lui être très utile.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par MM. Chevènement et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Tropeano et Vall.

Alinéa 16

Après les mots :

personnes morales qualifiées

insérer les mots :

conventionnées avec le ministère de la justice

Mme Françoise Laborde.  - Les associations d'aide aux victimes généralistes ayant fait l'objet d'un conventionnement par les chefs des cours d'appel offrent une garantie de sérieux aux victimes durant leur parcours judiciaire.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 16

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il peut, avec son accord, transmettre à la personne morale qualifiée les coordonnées de la partie demanderesse, afin qu'elle la contacte.

Mme Virginie Klès.  - La commission des lois est revenue sur le texte de l'Assemblée nationale. L'expérience du parquet de Versailles montre l'utilité que le juge intervienne en l'affaire.

Si notre amendement relève du règlement, que le Gouvernement prenne des engagements !

M. François Pillet, rapporteur.  - Les associations accomplissent un travail remarquable. Ne l'édulcorons pas. Ces amendements font des associations des parties au procès, ce qui n'est ni de leur intérêt, ni de celui des victimes. Il ne serait pas sain non plus de calquer la situation de ces victimes sur celle des incapables majeurs ou de l'assistance éducative. Et puis, la victime peut vouloir changer d'association. Défavorable donc à l'amendement n°47, ainsi qu'au n°7 rectifié, qui réduirait le nombre d'associations susceptibles d'être proposées à la victime.

La commission préfère une présentation à la victime d'une liste d'associations. C'est à ce niveau - qui relève de la circulaire- que l'action doit être amorcée. Quelles sont les explications du Gouvernement là-dessus ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Défavorable aux trois amendements : l'accompagnement ne sera vraiment efficace que s'il y a adhésion volontaire de la victime. Les magistrats seront sensibilisés à la question.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'insiste. Il est évident que l'accord de l'intéressée serait requis. Le texte a été voté ainsi par l'Assemblée nationale unanime ; il est anormal de revenir là-dessus.

L'amendement n°47 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°7 rectifié..

Mme Muguette Dini, rapporteur pour avis.  - Je voterai l'amendement n°14 : c'est ignorer la faiblesse et la fragilité des femmes victimes de violences. Ce n'est pas la même chose de présenter une liste et de mettre en contact avec une association.

L'amendement n°14 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par M. Antoinette et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Statuer le cas échéant sur la perception et l'administration temporaire, par la personne morale habilitée, des allocations familiales versées pour l'éducation des enfants ».

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Il est judicieux que le juge aux affaires familiales ait à statuer sur la perception des allocations familiales : les femmes victimes de violences, surtout si elles sont étrangères et en situation irrégulière, n'y ayant pas droit sont dans une dépendance totale.

Le juge aux affaires familiales est tuteur sur les mineurs mais non sur les majeurs, alors que les allocations familiales sont versées jusqu'à 20 ans.

M. François Pillet, rapporteur.  - Je voudrais vous rassurer. Le juge aux affaires familiales a déjà la possibilité de statuer sur la personne qui percevra les allocations familiales. Déjà, même au cas où il n'y a pas de violence, le juge statue dans le sens que vous souhaitez, y compris par une mesure de tutelle. Ce surajout à la loi n'apporte rien, ni en droit, ni en fait.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°30 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 17, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ou si des procédures civiles et pénales liées aux violences sont en cours

M. Roland Courteau.  - Les procédures sont longues et ne concernent pas seulement celles liées au divorce puisque cette ordonnance ne bénéficie pas seulement à des épouses victimes de violences. Les effets de l'ordonnance doivent pouvoir se poursuivre durant toutes les procédures civiles et pénales liées aux violences quel que soit le statut du couple.

M. le président.  - Amendement n°31, présenté par M. Antoinette et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 17, après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Elles peuvent être également prolongées jusqu'au procès lorsque qu'une procédure pénale est engagée à l'encontre de l'auteur des violences.

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Il faut tenir compte de la vie réelle, de la fragilité et de la précarité de la victime et pour cela prolonger la mesure de protection de la victime en tant que de besoin afin de lui éviter d'éventuelles représailles en temps différé, jusqu'à ce que des décisions définitives soient prises.

M. François Pillet, rapporteur.  - Ces amendements procèdent d'une confusion sur le rôle de l'ordonnance de protection, qui doit n'être que temporaire. Hors des procédures de divorce, la prolongation ne se justifie pas puisque le juge civil intervient dès la séparation de corps. En cas de procédure pénale, le juge a encore plus de pouvoirs. En changeant les termes de l'ordonnance de protection, on irait contre l'intérêt des victimes.

M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi.  - Je suis entièrement convaincu.

Les amendements n°s15 et 31 sont retirés.

M. le président. - Amendement n°48, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 17, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

En cas d'éléments nouveaux, le juge aux affaires familiales peut, à tout moment et après avoir invité chacune des deux parties à s'exprimer, imposer à la personne assignée une ou plusieurs obligations nouvelles, supprimer ou modifier tout ou partie de ces obligations ou accorder une dispense temporaire d'observer certaines d'entre elles.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il s'agit d'encadrer les pouvoirs accordés au juge aux affaires familiales pour modifier les dispositions de l'ordonnance de protection de manière à garantir aux personnes en danger une certaine sécurité juridique, pas de leur imposer quoi que ce soit ! Une procédure en deux temps va contre les intérêts de la victime de violences. Le mécanisme que nous proposons est plus respectueux de la victime.

M. François Pillet, rapporteur.  - Encadrer ainsi les pouvoirs du juge remet en cause la procédure retenue par la commission, supprimant la possibilité de saisir le juge pour modification, ce qui est contraire au droit des deux parties. Et votre amendement interdirait au juge de prendre une mesure complémentaire, comme la confidentialité du domicile, s'il ne l'avait pas décidée d'entrée de jeu.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La procédure en deux temps, j'y insiste, fragilise la victime. Vous dites que la protection peut être améliorée dans le temps, mais ce peut aussi être le contraire... Ne laissons pas les victimes dans l'incertitude.

M. François Pillet, rapporteur. - Une précision : la procédure en deux temps permettra au juge, s'il a un léger doute sur le sérieux des violences, de prendre une ordonnance tout de même. Sinon, par peur d'être instrumentalisé, il risque de ne pas donner suite.

L'amendement n°48 n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 19 heures 30.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 21 heures 30.

M. le président.  - Le président Hyest vous a tout à l'heure appelés à la concision. Je compte sur vous.

Amendement n°2 rectifié ter, présenté par Mmes Payet, Férat et Morin-Desailly et MM. Détraigne, Merceron, Soulage, Amoudry et Deneux.

I. - Après l'alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les mêmes conditions, cette dispense temporaire peut être délivrée à la personne majeure menacée  de viol ou de toute autre agression sexuelle au sens des articles 222-23 et 222-27 du code pénal. Les personnes victimes de ces deux dernières infractions et menacées de subir des représailles après un dépôt de plainte peuvent aussi se voir délivrer une ordonnance de protection, si aucune mesure de contrôle judiciaire n'a été prise en amont. Les personnes victimes de la traite des êtres humains au sens des articles 225-4-1 à 225-4-6 du code pénal ou du proxénétisme au sens des articles 225-5 à 225-10 du même code  peuvent aussi se voir délivrer une ordonnance de protection.

II. - Alinéa 19, après la troisième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Cette inscription est levée à la demande de la personne concernée.

Mme Anne-Marie Payet.  - Cet amendement vise à élargir l'ordonnance de protection aux personnes sans lien conjugal qui peuvent être elles aussi, menacées de viol, d'autres agressions sexuelles ou bien encore de représailles à la suite d'une plainte déposée contre des agresseurs n'ayant pas fait l'objet de mesures de contrôle judiciaire. Les victimes de la traite des êtres humains sont elles aussi en danger.

De plus, si le juge ordonne, à la demande d'une personne menacée de mariage forcé, l'interdiction temporaire de sortie de territoire et si cette interdiction est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République, cette inscription doit pouvoir être levée à la demande de la personne concernée.

M. François Pillet, rapporteur.  - Prescrire la levée de l'interdiction temporaire de sortie du territoire est inutile : le juge peut apprécier si la personne agit de son plein gré.

Quant à l'extension du bénéfice de l'ordonnance de protection, j'y suis défavorable : l'ordonnance de protection n'aura d'efficacité que dans les relations intrafamiliales. Dans les exemples que vous citiez, il n'y a pas de relation civile avec l'agresseur. Cela relève du juge pénal, qui a infiniment plus de pouvoirs que le juge aux affaires familiales. Évitons de fourvoyer les victimes dans des procédures inadaptées.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Même avis défavorable.

L'amendement n°2 rectifié ter est retiré.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Collin, Barbier et Plancade, Mme Escoffier et MM. Tropeano et Vall.

Alinéa 18

Après les mots :

mariage forcé

insérer les mots :

ou de mutilation sexuelle

Mme Françoise Laborde.  - L'exposé des motifs de ce texte rappelle que les violences coutumières - mariages forcés, excision- sont inacceptables. Elles doivent être également visées. L'Assemblée nationale a hélas supprimé la référence à ces violences : nous la rétablissons.

M. François Pillet, rapporteur.  - Mon raisonnement est le même que pour l'amendement précédent : pour les mutilations sexuelles, le juge compétent est le juge des enfants, doté de beaucoup plus de pouvoirs que le juge aux affaires familiales. Encore une fois, n'égarons pas les victimes. Retrait ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est défavorable. La protection de ces victimes relève du juge pénal.

M. le président.  - Je suis saisi d'une demande de scrutin public par le groupe UMP.

Mme Odette Terrade.  - Vous vouliez aller vite et vos collègues de l'UMP ne sont pas venus !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Ce n'est pas moi ! Je fais ce que je peux pour faire venir mes collègues. Maintenant, si vous voulez que l'adoption du texte soit reportée à octobre...

L'amendement n°9 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 157
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'alinéa 19

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. 515-14. - Une ordonnance de protection peut également être délivrée à la personne majeure menacée de viol ou de toute autre agression sexuelle au sens des articles 222-23 et 222-27 du code pénal par le juge, saisi par la personne menacée ou, avec son accord, par le ministère public, à l'issue de la procédure prévue par l'article 515-10 du présent code.

« Le juge est compétent pour prendre les mesures mentionnées aux 1°, 2°, 5° et 6° de l'article 515-11.

« Ces mesures sont prises pour une durée maximale de quatre mois. Elles peuvent être prolongées au-delà pendant toute la durée des procédures civiles et pénales en cours. »

Mme Mireille Schurch.  - Nous voulons que les femmes menacées de viol et de toute autre agression sexuelle puissent bénéficier d'une ordonnance de protection.

Les menaces de viol ou d'agression sexuelle peuvent provenir de l'entourage social ou du voisinage.

Les violences sexuelles sont plus fréquentes à l'extérieur des ménages, et les victimes en connaissent le plus souvent l'auteur. Quand une femme est menacée de viol, elle n'ose pas toujours porter plainte. L'ordonnance de protection pourrait leur bénéficier, et mettre fin à l'indifférence à l'égard de ces femmes.

M. François Pillet, rapporteur.  - Encore une fois, ne mélangeons pas les genres. Le viol est un crime. Une femme qui en est menacée doit déposer plainte. Dans les deux heures, l'auteur des menaces peut être placé en garde à vue. Pendant 48 heures, il sera mis au frais et la victime protégée ; passé ce délai, le juge pénal peut prendre des dispositions qui vont bien au-delà de celles qui sont à la disposition du juge des affaires familiales. Je comprends votre intention, louable, mais ce serait rendre un mauvais service à la victime que de lui laisser penser que l'ordonnance de protection est la solution dans ce cas. Je ne peux être favorable à votre amendement qui serait contreproductif au regard de vos intentions, que je partage.

L'amendement n°44, repoussé par le Gouvernement, est retiré.

L'article premier est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par M. Antoinette et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 14 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - La mise en disponibilité demandée par un fonctionnaire ou assimilé est accordée de droit lorsque ce dernier bénéficie d'une ordonnance de protection tel que prévue par les articles 515-9 et suivants du code civil. »

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Une mise en disponibilité est accordée de droit au fonctionnaire dans un certain nombre de cas. Cet amendement vise à permettre à la victime de violences familiales de bénéficier de cette faculté destinée à faciliter sa mobilité, pour se mettre en sécurité.

M. François Pillet, rapporteur.  - Pourquoi pas, mais la liste des disponibilités de droit est fixée par décret : c'et une mesure réglementaire. Une remarque cependant : la mise en disponibilité de droit suspend le traitement. Est-ce vraiment l'intérêt de la victime ? Mais pourquoi pas ... Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Ce sujet ne relève pas, en effet, de la compétence du législateur.

Les décrets prévoient déjà une disponibilité de droit pour motifs familiaux, ainsi que pour convenances personnelles, pour une durée de trois ans renouvelable. Votre amendement est satisfait. En revanche, l'attention de l'administration sera appelée, par le biais d'une circulaire, sur la situation des personnes bénéficiant d'une ordonnance de protection. Le sujet sera également abordé lors du séminaire des DRH de la fonction publique.

Retrait ou rejet.

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Le texte adopté à l'Assemblée nationale comprend déjà des mesures d'ordre réglementaire.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Ce n'est pas une raison pour continuer !

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Vous dites que la possibilité est déjà offerte, mais elle doit être de droit, comme pour l'adoption.

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°32 est mis aux voix par scrutin public. (Marques d'impatience à gauche)

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 140
Contre 200

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par M. Antoinette et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 27 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Les centres de gestion des collectivités territoriales et les autres employeurs des fonctions publiques d'État, hospitalière et territoriale, peuvent mettre en place des dispositifs compatibles avec le principe d'égalité, visant à faciliter l'aboutissement des demandes de mutation, de détachement ou de mise à disposition des fonctionnaires ou assimilés bénéficiant d'une ordonnance de protection telle que prévue aux article 515-9 et suivants du code civil. »

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Disons que nos amendements sont défendus : j'expliquerai mon vote quand l'avis pourra être favorable...

M. François Pillet, rapporteur.  - Mon cher collègue, de grâce, évitons de nous attarder sur des dispositions réglementaires, quand nous avons d'importantes dispositions à venir.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Défavorable.

L'amendement n°33 est retiré.

Article premier bis

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéas 3 et 5

I. - Compléter ces alinéas par une phrase ainsi rédigée :

Les victimes sont également informées des peines encourues par le ou les auteurs des violences et des conditions d'exécution des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre.

Mme Odette Terrade.  - Cet amendement vise à renforcer l'obligation d'informations des victimes. Si les victimes ne connaissent pas les moyens mis à leur disposition pour échapper à l'auteur des violences, elles ne connaissent pas non plus les peines encourues par ce dernier. Or, l'audition des associations a révélé que cette absence d'information les dissuade souvent de faire appel à la justice dans la mesure où, ne pouvant pas évaluer les effets de leur démarche, elles craignent les éventuelles représailles dont elles pourraient faire l'objet.

M. François Pillet, rapporteur.  - La victime reçoit déjà une grande masse d'informations par la police judiciaire. Si l'on précise les peines encourues, deux fois sur trois, elle retire sa plainte. Avis défavorable.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Même avis.

Mme Virginie Klès.  - Dans les phénomènes d'emprise, il y a inversion de la culpabilité : l'information de la victime est essentielle.

L'amendement n°49 est adopté.

L'article premier bis, modifié, est adopté, ainsi que les articles premier ter et premier quater.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°63, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

III. - Le dernier alinéa de l'article 141-2 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les dispositions de l'article 141-4 sont applicables; les attributions confiées au juge d'instruction par cet article sont alors exercées par le procureur de la République. » ;

IV. - La dernière phrase du dernier alinéa de l'article 394 du même code est complétée par les mots : « , ainsi que celles de l'article 141-4; les attributions confiées au juge d'instruction par cet article sont alors exercées par le procureur de la République. ».

M. François Pillet, rapporteur.  - Amendement de coordination.

L'amendement n°63, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Article 2 bis

M. le président.  - Amendement n°66, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 8

Remplacer les mots :

condamnée à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à cinq ans pour des violences ou des menaces commises

par les mots :

condamnée pour des violences ou des menaces, punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement, commises

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Cet amendement est extrêmement important ; je le défends en pensant à toutes ces femmes mortes faute de dispositif de protection.

Le dispositif que nous introduisons dans la loi n'est pas le bracelet électronique d'assignation à domicile. Ici, l'objectif de ce dispositif expérimenté en Espagne est de protéger la femme d'une approche potentielle de l'homme qui lui veut du mal.

Le Gouvernement souhaite revenir à la rédaction de l'Assemblée nationale que votre commission des lois a modifiée. Il comprend sa volonté de mettre en cohérence ces nouvelles dispositions avec le droit actuel, d'où la condition d'une peine de cinq ans d'emprisonnement prononcée. Mais depuis la loi pénitentiaire de novembre 2009, il est possible de placer sous surveillance électronique une personne non encore condamnée, dès lors que la peine encourue est de cinq ans.

Il serait paradoxal de permettre une surveillance électronique jusqu'au jugement, et devoir l'interrompre si la peine est inférieure à cinq ans.

C'est la peine encourue, non la peine prononcée, qui doit être le critère, sauf à limiter considérablement le dispositif.

Le rapport Geoffroy rappelle que les violences donnent lieu à des durées moyennes d'emprisonnement ferme assez faibles, trop faibles. Votre rédaction, au regard de ce constat, est très limitative.

L'Observatoire de la délinquance souligne que les violences conjugales entraînant des incapacités de travail inférieures à huit jours ne sont punies que de quelques mois de prison.

Or, la spécificité de ces violences c'est qu'elles vont crescendo dans le temps, ainsi que nous l'ont rappelé Mme Dini et Mme Kammermann, à travers leurs témoignages émouvants.

On sait aussi que seulement 9 % des femmes battues osent porter plainte.

En fait, elles craignent que la mesure d'éloignement ne soit pas respectée. Or, on sait que c'est dans ces moments que le risque de passage à l'acte est le plus grand.

Le Gouvernement souhaite que ce dispositif apporte à ces victimes la meilleure protection possible.

Si je parle avec tant de force, c'est que des femmes ont perdu la vie. Que dirons-nous au fils de Tania, assassiné par son conjoint dont elle était séparée ? La surveillance électronique aurait pu la sauver. Il ne faut pas d'autre Tania ! Des milliers de femmes attendent que la peur change de camp.

Revenir au texte de l'Assemblée nationale respecte le principe de proportionnalité. Le Gouvernement veut revenir à l'équilibre initial en pensant à toutes ces femmes mortes de façon absurde ; il faut éviter que de nouvelles Tania ne vivent dans la terreur, faute de bracelet électronique.

M. François Pillet, rapporteur.  - Avec beaucoup de respect, permettez-moi de vous dire que la flamme du discours ne suffit pas. Nul ne peut douter de l'engagement sincère de la commission, mais il ne faut pas passer à côté du sujet.

Depuis 2005, le placement sous surveillance électronique mobile est possible avant la condamnation en cas d'assignation à résidence, pendant l'exécution de la peine en cas de liberté surveillée et après la peine en cas de mesure de surveillance de sûreté visant à prévenir la récidive.

Nous autorisons ici le bracelet dans deux cas : assignation à résidence et suivi judiciaire. Le droit ne l'autorise actuellement qu'en cas de dangerosité constatée, après condamnation à une peine de sept ans.

La commission, conformément au souhait des députés, a abaissé ce seuil à cinq ans, à condition que l'on parle de peine prononcée, non encourue.

Un recours devant le Conseil constitutionnel est désormais toujours possible. Je vous parie que le premier avocat venu déposera une question préjudicielle de constitutionnalité : le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 8 décembre 2005, parle « d'infractions strictement définies et caractérisées par leur gravité particulière ». Voulez-vous imposer un bracelet à quelqu'un qui aura été condamné à six mois avec sursis ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Pourquoi pas ?

M. François Pillet, rapporteur.  - Non : c'est contraire à la décision du Conseil constitutionnel !

On ne peut faire d'expérimentation en matière pénale ! C'est pourquoi, sans discours enflammé, mais avec la même conviction que vous, j'émets, au nom de la commission des lois unanime, un avis défavorable.

M. Paul Blanc.  - Je ne suis pas un juriste mais un simple médecin généraliste, mais ici, nous agissons comme législateur. Je suis favorable à la prévention : le bracelet électronique peut éviter des drames. Je ne peux entendre vos arguties juridiques. N'attendons pas le meurtre pour dire : « si nous avions su ».

Le cas est le même qu'en psychiatrie, quand il y a injonction de soins.

En toute conscience, je voterai l'amendement.

Mme Virginie Klès.  - Je suivrai le rapporteur. Le risque d'inconstitutionnalité est au reste patent. Ce qui protège les auteurs, c'est l'utilisation abusive de la médiation pénale dans ces cas de violences, qui ne sert à rien. La garde à vue, elle, est efficace !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je suivrai le rapporteur. Et sur les arguments juridiques et parce qu'hélas, on sait que le bracelet électronique n'empêchera personne de passer à l'acte.

Si on veut mettre des moyens, que l'on dote les femmes concernées de téléphones portables pour appeler en cas d'agression.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Il faut prendre garde, quand on légifère, de maintenir l'équilibre entre la juste répression et les libertés publiques. Le Conseil constitutionnel a été très net. Certains, ici, étaient déjà très réservés sur le bracelet électronique post-peine. Le législateur, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, l'a réservé aux cas les plus graves. On est déjà descendu de dix à sept ans.

Jusqu'où descendra-t-on ? La peine une fois exécutée, on ne peut imposer une privation de liberté. Faire du droit, c'est aussi respecter la Constitution, respecter les libertés publiques.

M. Alain Fouché.  - Il a raison !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Le bracelet, ce n'est pas pour dire « on le condamne légèrement et on lui met un bracelet ! » C'est peut-être populaire, mais cela ne veut rien dire ! Que les magistrats soient plus sévères avec certains individus, mais qu'on ne bouleverse pas l'équilibre entre les grands principes de notre droit. La commission unanime a repoussé l'amendement du Gouvernement. (Applaudissements sur de nombreux bancs)

M. Richard Yung.  - Après le plaidoyer du président Hyest, je me trouve sans arguments supplémentaires.

C'est vraiment un débat de conscience, entre ceux qui veulent prévenir et ceux qui veulent poser les règles. La réduction de la durée est déjà inquiétante. Il faut que le bracelet électronique conserve une signification. Et puis le Gouvernement nous parle de peines, non pas prononcées ou exécutées, mais potentielles. Entrer ainsi dans le virtuel serait très dangereux.

Mme Muguette Dini, rapporteur pour avis.  - Je ne suis pas du tout juriste et je ne vois pas ce bracelet comme une peine, puisque son porteur aura pour seule contrainte de ne pas approcher sa victime potentielle. Ce que nous voulons, c'est protéger une femme...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Cela revient à une assignation à résidence !

Mme Muguette Dini, rapporteur pour avis.  - Je ne le vois pas ainsi. Je voterai l'amendement du Gouvernement.

M. Paul Blanc.  - C'est assimilable aux caméras de surveillance...

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Je veux relever ce que je considère comme une incohérence. Nous travaillons ensemble à la définition d'un nouvel outil. Le juge peut exiger que ce bracelet soit porté à un moment où la personne est sous contrôle judiciaire. Cela ne vous choque pas.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Relisez la décision du Conseil constitutionnel !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Il s'agit d'empêcher l'agresseur potentiel d'approcher sa victime potentielle à moins de 400 mètres. J'ai vu comment le système fonctionnait en Espagne : si la personne pénètre dans ce rayon, le dispositif sonne. C'est cela, et rien d'autre !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Mais non !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Si. Avant la condamnation, il y a le principe d'innocence et vous autorisez pourtant le bracelet pour une personne sous contrôle judiciaire ! Pourquoi le refuser ici ? En l'occurrence, il s'agira d'une décision prise par un juge ! Il appréciera si le bracelet s'impose. Nous sommes dans des processus très subjectifs : faites confiance au juge ! Pas de bracelet électronique alors qu'il a été condamné à une peine avec sursis ! Présumé innocent, il a le bracelet, condamné, il ne l'a plus ! Votre rédaction est incohérente. Et puis pour condamner quelqu'un à cinq ans pour des violences conjugales, il en faut vraiment beaucoup ! (Mme Muguette Dini renchérit)

Mon souci est que les femmes soient protégées. Le Gouvernement assume sa position. Je les ai rencontrées, ces femmes, en Espagne. Attention, il est dans les 400 mètres. Quand il est dans votre dos avec son couteau, votre téléphone ne sert à rien, madame !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - C'est la même chose pour le bracelet !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Mais non, il ne peut pas s'approcher de la femme qui risque de se faire massacrer. Nous devons nous doter de moyens technologiques sur toute la ligne, de moyens efficaces !

Un vote de conscience ? Il y a aussi la cohérence du droit ! Il faut protéger de toutes nos forces ces femmes qui risquent d'être victimes de l'irréparable.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Vous mélangez tout, ce qui rend le dialogue malaisé. Le juge estime en fonction des faits la peine applicable ; et le port du bracelet électronique est une modalité d'exécution de celle-ci. Mais il s'agit ici de tout autre chose. Vous détournez une procédure exceptionnelle qui a été créée pour éviter la récidive dans les cas les plus graves. La banaliser serait une erreur de droit, que les magistrats n'appliqueront pas parce qu'ils considéreront que le droit doit être respecté.

Vous défendez votre point de vue avec passion, mais les passions sont bonnes quand elles sont raisonnables.

Mme Jacqueline Panis.  - Pourquoi se priver des technologies nouvelles ? Le bracelet électronique n'existait pas en 2005.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - C'est faux !

Mme Jacqueline Panis.  - Je voterai l'amendement du Gouvernement.

M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi.  - Il est vrai qu'il en faut beaucoup pour que l'individu soit condamné à cinq ans ! J'ai trop vu de victimes. A titre personnel, je voterai l'amendement du Gouvernement.

L'amendement n°66 n'est pas adopté.

L'article 2 bis est adopté.

Article 3

M. le président. - Amendement n°50, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.

I. - Alinéa 2

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

1° Le premier alinéa de l'article 371-1 est ainsi rédigé :

« L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant, c'est-à-dire la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits et la garantie de sa protection. » ;

II. - Après l'alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de condamnation d'un des parents pour des atteintes à l'intégrité physique ou psychique de l'autre parent, le juge aux affaires familiales doit refuser le droit d'hébergement au parent auteur des violences. Il doit en outre organiser le droit de visite de ce parent dans un espace de rencontre qu'il désigne. L'exercice de ce droit de visite doit avoir lieu en présence d'un représentant de la personne morale habilitée visée à l'article 515-11. »

Mme Éliane Assassi.  - Sans remettre en cause la coparentalité, nous voulons protéger les enfants et le parent victime de violences. L'exercice de l'autorité parentale comme l'exercice des droits de visite et d'hébergement sont utilisés par les auteurs de violences soit comme moyens de pression sur les victimes, soit comme une occasion renouvelée de passage à l'acte.

Il est difficile de trouver un bon équilibre entre la nécessité de protéger l'enfant et la volonté de maintenir les relations familiales ; mais peut-on imaginer que l'hébergement chez le parent violent puisse se dérouler dans la sérénité ?

M. François Pillet, rapporteur.  - Cet amendement définit l'intérêt de l'enfant. L'énumération que vous proposez risque plutôt d'affaiblir la notion. Il n'y a pas lieu de distinguer lorsque la loi ne distingue pas. Certains besoins peuvent être légitimes sans pour autant être « fondamentaux ».

Vous voulez d'autre part priver automatiquement du droit d'hébergement le parent violent. Il n'est pas certain que celui-ci instrumentalisera ce droit. Dès lors que le juge a un doute, il peut surseoir à statuer sur le droit d'hébergement de l'enfant jusqu'à réalisation d'une enquête sociale. Cela se produit beaucoup plus souvent que vous ne l'imaginez.

En outre l'article 3 bis renforce les garanties dans le sens que vous souhaitez. Nous invitons le juge aux affaires familiales à porter une attention accrue au moment souvent critique de la remise de l'enfant. Défavorable donc.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Sur l'énumération, je ne suis pas plus favorable que le rapporteur, pour les mêmes raisons.

Sur le second point, je considère que le juge doit pouvoir statuer sur le cas concret qui lui est soumis. Le droit en vigueur le lui permet. Il est inutile en outre de prévoir que les visites se font en présence de la personne morale habilitée. Défavorable.

Mme Virginie Klès.  - Dans les violences au sein des couples, la première victime est l'enfant. Pour le protéger, il faut d'abord savoir si l'on a affaire à un phénomène d'emprise ou de conflit familial.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'enfant est souvent le témoin de la violence ; à ce titre, il est déjà largement victime. Si le père a été condamné, l'enfant ne peut plus être sous sa garde. On ne peut être à nos yeux gravement violent et bon père.

M. Roland Courteau.  - Nous ne sommes pas favorables au I mais très favorables au II. Peut-on voter par division ?

M. François Pillet, rapporteur.  - Il y a une cohérence dans l'amendement, et donc dans ma réponse : cet amendement ne peut pas être scindé.

L'amendement n°50 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié quater, présenté par Mmes Payet et Morin-Desailly et MM. Merceron, Soulage, Amoudry et Deneux.

I. - Alinéa 8

Remplacer les mots :

une phrase ainsi rédigée

par les mots :

deux phrases ainsi rédigées

II. - Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Toutefois, si une procédure pénale est engagée pour des atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne de la part d'un des parents à l'encontre de l'autre ou sur les enfants, la résidence de l'enfant est déterminée automatiquement par le juge aux affaires familiale chez le parent qui n'est pas poursuivi. La décision pourra être modifiée par le juge ou  le tribunal à l'issue de la procédure engagée. »

Mme Anne-Marie Payet.  - Si une procédure pénale est engagée par un parent pour violences perpétrées par l'autre, la résidence de l'enfant doit être fixée par le juge aux affaires familiales chez le parent qui n'est pas poursuivi. Au regard de l'article 373-2-8 du code civil, le juge peut certes statuer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale ; mais l'expérience prouve que tout est fait pour maintenir le lien parental même si des violences graves sont exercées sur l'un des parents par l'autre.

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.

Alinéa 8

1°) supprimer les mots : 

Le premier alinéa de

 2°) remplacer les mots : 

une phrase ainsi rédigée

par les mots : 

un alinéa ainsi rédigé

M. François Pillet, rapporteur.  - Notre amendement est purement rédactionnel.

L'amendement n°6 rectifié quater aboutit à une sanction dans un cas où les faits ne seraient pas avérés. Craignons une automaticité des plaintes et une instrumentalisation du juge. Celui-ci doit bénéficier d'une marge d'appréciation, par exemple pour fixer la résidence chez un tiers.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Favorable à l'amendement n°62, rédactionnel. Défavorable au n°6 rectifié quater : le juge doit pouvoir statuer au cas par cas dans l'intérêt de l'enfant. Un tel amendement pousserait à une instrumentalisation de la procédure pénale. L'enfant ne doit pas avoir à changer de résidence au gré des procédures et des décisions judiciaires. Seul le juge aux affaires familiales doit être compétent pour statuer sur la résidence des enfants.

L'amendement n°6 rectifié quater est retiré.

L'amendement n°62 est adopté, ainsi que l'article 3, modifié.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par M. Antoinette et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les personnes morales habilitées visées au dernier alinéa de l'article 515-11 du code civil, chargées d'assurer l'accompagnement d'une personne victime de violence conjugale bénéficiant d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-9 du même code, peuvent percevoir et administrer, de façon temporaire, les allocations familiales dues au profit des enfants concernés, en lieu et place de l'allocataire en titre, lorsque ce dernier est la personne mise en cause.

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Il s'agit de permettre aux personnes morales en charge de l'accompagnement d'un parent victime de violence conjugale, dont le conjoint violent est seul allocataire, de percevoir et gérer ces ressources temporairement, le temps des démarches de régularisation de la situation de la victime, afin que cette dernière ne soit plus dépendante de son conjoint violent pour ce qui concerne l'entretien de ses enfants.

M. François Pillet, rapporteur.  - Défavorable à cet amendement de coordination avec un amendement antérieurement rejeté.

L'amendement n°34 est retiré.

Article 3 bis A

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article 373-2-8 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge peut également être saisi par l'un des parents à l'effet de statuer sur le refus de consentement de l'autre parent à l'accomplissement de soins médico-psychologiques concernant la personne de l'enfant. »

Mme Mireille Schurch.  - Nous voulons faciliter l'accès à l'information. Les femmes victimes de violences n'ont, souvent, pas une bonne connaissance de leurs droits. Les conséquences des violences conjugales sont importantes sur les enfants aussi, même si l'on n'en parle guère.

M. François Pillet, rapporteur.  - Cet amendement est inutile : le juge a déjà ce pouvoir.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Cet amendement reprend une disposition qui figurait dans la proposition de loi initiale. Il n'est pas de liste limitative recensant les désaccords entre les parents. Défavorable.

L'amendement n°51 est retiré.

L'article n°3 bis A demeure supprimé.

Les articles 3 bis, 4 et 4 bis sont adoptés.

Article 5

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéas 2 et 3

Rédiger comme suit ces alinéas :

La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigée :

Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour et en accorde le renouvellement.

M. Yannick Bodin.  - La proposition de loi prévoit que l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour et doit en accorder le renouvellement, mais seulement dans le cadre de l'ordonnance de protection. Nous souhaitons aller plus loin et prévoir que le renouvellement de la carte de séjour soit accordé d'office, sauf menace contre l'ordre public, à l'étranger dont la communauté de vie a été rompue à raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint.

Il ne faudrait pas que se multiplient comme aujourd'hui les différences de traitement d'un département l'autre.

M. François Pillet, rapporteur.  - L'équilibre défini à l'Assemblée nationale est satisfaisant. Restons-en là.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Défavorable. L'ordonnance de protection concerne des violences graves et avérées, qui justifient une protection immédiate. Sans une telle ordonnance, il faut que le préfet puisse procéder à un examen minutieux au cas par cas.

M. Yannick Bodin.  - Nous voulions aider le Gouvernement à gérer cette question : il est souhaitable qu'il n'ait pas à intervenir après la décision d'un préfet qui aurait pris une position non conforme au texte. Si le Gouvernement se met en situation de devoir intervenir, il prend un risque...

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

L'amendement n°18 est devenu sans objet.

L'article 5 est adopté.

Article 6

M. le président.  - Amendement n°38, présenté par M. Antoinette et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5 :

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 316-4. - Après la décision judicaire définitive concernant la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à l'étranger ayant déposé plainte pour une infraction mentionnée au premier alinéa de l'article 132-80 du code pénal, sauf si la décision déclare que le fait n'a pas été commis. »

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Le méchant reste souvent impuni faute de preuves suffisantes, bien que les actes violents persistent. Une victime sous emprise porte souvent plainte tardivement, alors que les marques de violence ne sont plus visibles. Comment prouver en outre la relation de cause à effet entre la violence psychologique et les difficultés de la victime ?

L'absence de condamnation peut donc avoir des conséquences désastreuses pour la victime. Une étrangère qui s'est engagée dans un parcours d'insertion doit-elle compter sur la condamnation de son bourreau pour pouvoir être régularisée ?

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par Mmes Payet et Morin-Desailly et MM. Détraigne, Merceron, Soulage et Deneux.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

peut être délivrée

par les mots :

doit être délivrée

Mme Anne-Marie Payet.  - Il est défendu.

M. François Pillet, rapporteur.  - Défavorable aux deux amendements.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Défavorable.

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

L'amendement 5 rectifié bis est retiré.

L'article 6 est adopté.

Article 6 bis

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il s'agit là des rapports franco-algériens. Les ressortissantes algériennes ne bénéficient pas du droit commun : victimes de violences, si elles quittent le domicile conjugal, elles ne peuvent conserver leur titre de séjour. Nous souhaitons que le droit commun leur soit appliqué.

La Cimade relève que malgré la circulaire d'octobre 2005, les autorités françaises ne délivrent plus de titre de séjour aux ressortissantes algériennes dans cette situation. Les cours administratives d'appel de Paris et de Bordeaux ont statué dans le même sens, qui ne me paraît pas être celui que souhaite le Gouvernement. Il faut vraiment préciser les choses.

L'article 6 bis est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Garriaud-Maylam.

Après l'article 6 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 211-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-2-2. - Un visa de retour est délivré par les autorités consulaires françaises à la personne de nationalité étrangère bénéficiant d'un titre de séjour en France en vertu de l'article L. 313-11 ou L. 431-2, dont le conjoint a, lors d'un séjour à l'étranger, dérobé les documents d'identité et le titre de séjour. »

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Nos collègues socialistes ont eu l'élégance de reprendre le même amendement à leur compte.

De nombreuses femmes étrangères, bénéficiant d'un titre de séjour du fait de leur mariage avec un conjoint français, ou binational, ou étranger disposant d'un titre de séjour en France, se voient dérober leur pièce d'identité et leur titre de séjour à l'occasion de vacances dans leur pays d'origine. Ceci empêche l'épouse de rentrer en France et permet au mari d'engager une procédure de divorce ou de répudiation, tout en sachant que les dispositions réglant le divorce seront moins favorables à la femme qu'en France, et difficilement applicables sur le sol français. Dans certains cas, il y a même séquestration des enfants du couple par la belle-famille.

L'interruption de la vie conjugale du fait du seul conjoint français ou résidant en France, dans une situation qui relève au surplus de l'abandon de famille, est, de fait, entérinée par l'administration française.

Quoique contraire aux droits humains, la répudiation est parfois inscrite dans les faits par le tribunal de Nantes pour des questions de délai.

La délivrance d'un visa de retour devrait donc être de droit dans de tels cas.

M. le président.  Amendement n°19 rectifié bis, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 6 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 211-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-2-2. - Un visa de retour est délivré par les autorités consulaires françaises à la personne de nationalité étrangère bénéficiant d'un titre de séjour en France en vertu de l'article L. 313-11 ou L. 431-2, dont le conjoint a, lors d'un séjour à l'étranger, dérobé les documents d'identité et le titre de séjour. »

M. Richard Yung.  - Notre amendement est très proche du précédent : je me réjouis que nos points de vue se rejoignent. Il s'agit d'aider ces femmes en situation de détresse à rentrer en France. En 2007, j'ai été saisi par une ressortissante algérienne ; après une visite en Algérie, son mari est rentré en France sans elle et a conservé son passeport algérien et sa carte de séjour française. Quand elle s'est présentée au consulat général de France, on ne savait comment traiter son cas : il n'est pas prévu. Il faut mettre un terme à de telles situations. Notre amendement introduit une notion supplémentaire : la volonté de répudiation du mari.

M. François Pillet, rapporteur.  - L'amendement de Mme Garriaud-Maylam a l'avantage d'être codifié : je propose à M. Yung de retirer le sien, qui est satisfait.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Le mari, en empêchant l'épouse de quitter son pays d'origine, espère bénéficier, en effet, d'une procédure de divorce plus favorable qu'en France. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'assemblée.

M. François Pillet, rapporteur.  - Je propose à M. Yung de rectifier son amendement pour le rendre identique au n°1.

M. Richard Yung.  - D'accord.

Les amendements identiques n°s1 et 19 rectifié sont adoptés et deviennent article additionnel.

L'article 7 est adopté.

Article 8

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après les mots :

du code pénal, les mots :

insérer les mots :

« de relaxe ou de non-lieu déclarant » sont remplacés par les mots : « de relaxe ou de non-lieu, déclarant » et les mots :

Mme Virginie Klès.  - Rectification syntaxique : la virgule change le sens.

M. François Pillet, rapporteur.  - Je ne suis pas excellent grammairien. Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Je ne vois pas la différence : défavorable.

Mme Virginie Klès.  - C'est la grammaire ! (On ironise à gauche)

L'amendement n°20 rectifié est adopté, ainsi que l'article 8, amendé.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le code pénal est ainsi modifié :

1° L'article 225-10-1 est abrogé ;

2° À l'article 225-25, les mots : « , à l'exception de celle prévue par l'article 225-10-1, » sont supprimés.

II. - Au 5° de l'article 398-1 du code de procédure pénale, la référence : « 225-10-1, » est supprimée.

M. Richard Yung.  - L'amendement vise à abroger le délit de racolage passif introduit en 2003.

Si nous partageons l'objectif de lutte contre les réseaux mafieux, nous considérons que le délit est inefficient et injuste. La stigmatisation des personnes prostituées est infondée. La convention contre la traite la condamne. Le droit commun suffit pour réprimer les atteintes à la moralité et à la tranquillité publiques. Ce délit renvoie les personnes prostituées dans des zones de non-droit, où elles sont plus encore en danger.

L'introduction de ce délit nous fait glisser d'un régime abolitionniste vers un régime prohibitionniste. Le comportement des policiers s'est durci, pour faire du chiffre. A l'Assemblée nationale, Mme Brunel avait présenté un amendement similaire, qu'elle a retiré contre la promesse d'un groupe de travail. Trois mois ont passé. Qu'en est-il ?

M. François Pillet, rapporteur.  - Un tel sujet mérite une réflexion approfondie : c'est la seule raison de mon avis défavorable.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Nous examinerons la loi sur la sécurité intérieure en septembre. Ce sera alors le moment de vérifier la pertinence du dispositif. Ce texte n'est vraiment pas le véhicule approprié ! Où est le lien ?

M. Richard Yung.  - Violences faites aux femmes !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Le groupe de travail s'est réuni dix jours après l'engagement pris : il rendra ses conclusions avant fin juin.

Mme Michèle André.  - Il y a quelques semaines, nous interrogions le ministre de l'intérieur. L'ensemble des associations demande instamment que l'on revienne sur ce délit. Les brimades que subissent les personnes prostituées en font des victimes de violences. Fin juin, c'est demain !

M. Alain Fouché.  - Certes, la prostitution n'est pas interdite en France, où elle est fiscalement admise, et le délit est mal défini. Sans compter que l'on renvoie les personnes prostituées, comme l'a dit M. Yung, dans des zones dangereuses de non-droit. Je voterai l'amendement.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

L'article 9 est adopté, ainsi que l'article 9 bis.

Article 10

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Collin, Barbier et Plancade, Mme Escoffier et MM. Tropeano et Vall.

Alinéa 2

Après les mots :

un nombre suffisant de logements

Insérer les mots :

, répartis géographiquement,

Mme Françoise Laborde.  - L'article 10 tend à réserver, dans chaque département, des logements pour les victimes de violences conjugales. Le législateur doit veiller à une bonne répartition de ces logements.

M. François Pillet, rapporteur.  - Amendement satisfait par le droit positif : sagesse.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Les femmes victimes sont prioritaires pour l'accès à un logement social. L'article 10 prévoit des conventions spécifiques avec les bailleurs.

Mais certains ne pourront pas répondre à l'objectif que vous fixez, au détriment de la signature des conventions. Un fléchage excessif limitera la rotation dans le parc HLM.

L'amendement n°10 rectifié est adopté.

L'article 10, modifié, est adopté.

L'article 10 bis A est adopté.

Article 10 bis B

M. Roland Courteau.  - Nous souhaitons insérer dans la loi le principe de formation continue des professionnels en contact avec les victimes de violences, pour un meilleur dépistage et un meilleur accompagnement. Cette demande figurait dans notre proposition de loi de 2006, et dans celle de 2007.

Entre les administrations et les personnels, la coordination fait défaut. Seuls se forment les plus motivés, les formations n'étant pas obligatoires.

Hélas, l'article 40 nous a été opposé : il faudra se satisfaire d'un simple rapport du Gouvernement au Parlement. Cela dit, le Gouvernement a pris des engagements. Où en est-on ?

Mme Mireille Schurch.  - Un cinquième des victimes de violences et un tiers des victimes de violences sexuelles restent murées dans le silence. Le repérage est donc fondamental. D'où la nécessité de former les professionnels. Les députés l'avaient bien compris, mais l'article 40 leur a été opposé, comme à nous.

Nous sommes favorables à l'article qui prévoit un rapport car le Parlement doit être informé. Reste que la formation est essentielle, en particulier pour assurer la coordination entre les acteurs. En Auvergne, des formations ont été dispensées aux gendarmes et aux policiers en Haute-Loire, aux intervenants à domicile dans le Cantal, aux assistants sociaux... mais il manque des formations communes. Seuls 32 départements ont installé un référent violences conjugales. En Auvergne, le groupement régional de santé publique avait lancé un programme : il a disparu. La RGPP, hélas, compromet bien des initiatives. Comment, dès lors, faire de la prévention via la formation si dans les services d'urgences des hôpitaux, par exemple, le personnel n'est pas capable de détecter les violences ?

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Il est en effet important d'assurer une formation commune, pluridisciplinaire. Les maternités, où 800 000 naissances ont lieu chaque année, peuvent être un espace adéquat de prévention. A Draguignan, un gynécologue a mis en place une procédure pour déceler les couples en difficulté et essayer de prévenir le pire. Cette expérience mériterait d'être mieux connue.

M. Le Président.  - Il est minuit, nous ne pouvons terminer ce soir.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nous reprendrons ce débat à 19 heures comme l'avait prévu la Conférence des Présidents : il reste peu d'amendements et la concision sera toujours de mise.

Prochaine séance demain, jeudi 24 juin 2010, à 9 heures.

La séance est levée à minuit.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 24 juin 2010

Séance publique

A 9 HEURES

Proposition de loi visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d'intérêts des élus locaux (n° 268, 2008-2009).

Rapport de Mme Anne-Marie Escoffier, fait au nom de la commission des lois (n° 519, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 520, 2009-2010).

Proposition de loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap (n° 191, 2009-2010).

Rapport de M. Paul Blanc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 530, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 531, 2009-2010).

A 15 HEURES

Proposition de loi sur le recours collectif (n° 277, 2009-2010).

Rapport de M. Laurent Béteille, fait au nom de la commission des lois (n° 532, 2009-2010).

Question orale avec débat n° 62 de M. Serge Lagauche à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, sur l'égalité des chances dans l'enseignement primaire et secondaire.

M. Serge Lagauche attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, sur l'abandon progressif du principe de justice sociale dans la politique éducative depuis 2002.

Que ce soit, avec la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école ou plus récemment avec le volet éducatif du plan espoir banlieue, on assiste à la multiplication des dispositifs de sélection des élèves « méritants » au détriment de la promotion collective, gage de justice sociale.

Ce n'est pas critiquer la mise en oeuvre des mécanismes d'admission préférentielle dans les filières sélectives du supérieur que de souhaiter que le Gouvernement s'intéresse tout autant à ces 150 000 élèves, qui chaque année, se retrouvent sans qualification à l'issue de leur parcours scolaire. La volonté de faire émerger une élite doit s'accompagner d'une volonté de faire progresser parallèlement l'ensemble des élèves et, en particulier, ceux qui ont le moins de chance de réussir.

De nombreuses actions sont engagées dans la prévention des sorties sans qualification. Au vu des chiffres persistants en matière de décrochage scolaire, il convient d'engager sans tarder une évaluation de ces dispositifs.

Premièrement, concernant les 170 000 élèves déclarés en situation de handicap, scolarisés en 2007, les professionnels déplorent unanimement un dépistage trop tardif. D'une part, les enseignants référents sont submergés par le nombre de dossiers arrivés trop tardivement, d'autre part, il semblerait utile de redéfinir le rôle des auxiliaires et des employés de vie scolaire.

Deuxièmement, on constate une persistance d'un échec scolaire plus élevé parmi les élèves socialement défavorisés, phénomène d'ailleurs amplifié par la dérégulation de la carte scolaire. Dès lors, ne doit-on pas redéfinir les missions et le réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) pour plus d'efficience ? De même, ne conviendrait-il pas de s'interroger sur les capacités d'accueil des établissements régionaux d'enseignement adapté (Erea) et des sections d'enseignement général et professionnel adapté (Segpa) ? Comment faire pour que les aides personnalisées et les stages de remise à niveau dans l'enseignement primaire répondent mieux aux besoins des élèves ?

La mise en oeuvre de politiques publiques ambitieuses et exceptionnelles pour les élèves présentant des handicaps dans leurs apprentissages - qui peuvent se combiner -tels que difficultés socio-économiques, troubles linguistiques, cognitifs, comportementaux ou médicaux dès la petite enfance, est donc urgente. Il faudrait l'assurer par une politique ciblée en premier cycle et en secondaire permettant de réduire le nombre d'élèves en décrochage scolaire en particulier dans les territoires qui font face aux plus lourds handicaps et ainsi réduire l'énorme coût social des adultes qui n'ont pas acquis les qualifications de base indispensables pour trouver leur place dans la société.

Il souhaite donc connaître les dispositifs que le Gouvernement pourrait mettre en place pour éviter aux élèves les plus en difficulté le décrochage scolaire, tout comme il a mis en place, des dispositifs d'admission préférentielle dans le supérieur pour ceux en situation de réussite issus de milieux sociaux défavorisés.

A 19 HEURES ET, ÉVENTUELLEMENT, LE SOIR

Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes (n° 340, 2009-2010) et de la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants (n° 118, 2009-2010).

Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 564, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 565, 2009-2010).

Avis de Mme Muguette Dini, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 553, 2009-2010).

Rapport d'information de Mme Françoise Laborde, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 553, 2009-2010).