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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



CMP (Demande de constitution)

Demande d'avis sur une nomination

Hommage à une délégation étrangère

Financement de l'action publique locale

Discussion générale

Discussion des articles

Article premier

Projets des collectivités locales d'Île-de-France

Discussion générale

Discussion des articles

Article unique

Article additionnel

Interventions sur l'ensemble

Renvoi pour avis

Réserves militaires et civiles

Discussion générale

Discussion des articles

Interventions sur l'ensemble

CMP (Candidatures)

Demande d'inscription à l'ordre du jour

Urbanisme commercial

Demande de réserve

Discussion générale

CMP (Nominations)




SÉANCE

du mercredi 30 mars 2011

85e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

Secrétaires : Mme Michelle Demessine, M. Philippe Nachbar.

La séance est ouverte à 14 heures 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

CMP (Demande de constitution)

M. le président.  - Monsieur le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du Règlement.

Demande d'avis sur une nomination

M. le président.  - Conformément aux dispositions de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010, relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, M. le Premier ministre, par lettre du 29 mars 2011, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l'avis de la commission du Sénat compétente en matière de postes et communications, sur le projet de reconduction de M. Jean-Paul Bailly à la présidence de La Poste. Cette demande d'avis a été transmise à la commission de l'économie.

Acte est donné de cette communication.

Hommage à une délégation étrangère

M. le président.  - (Mmes et MM les sénateurs se lèvent) Il m'est particulièrement agréable de saluer la présence, dans notre tribune d'honneur, de M. le président du Sabor, le parlement croate. M. Luka Bebic en l'honneur duquel un déjeuner a été organisé à la présidence, avait accueilli très chaleureusement M. le président du Sénat en 2009. Je lui souhaite, en votre nom à tous, la bienvenue.

Le président Bebic est accompagné d'une délégation de haut niveau ; je salue notamment M. Petar Selem, député et président du groupe d'amitié Croatie-France, grand francophile, et traducteur en croate du théâtre complet de Camus et d'oeuvres de Claudel. Notre groupe d'amitié « France-Croatie », animé par la présidente Michèle André, est fort actif et une délégation de ce groupe doit se rendre en Croatie dans les tout prochains jours. En votre nom, je veux dire à nos hôtes combien nous sommes honorés de leur visite et combien nous sommes heureux de les recevoir. (Applaudissements)

Financement de l'action publique locale

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi tendant à assurer la juste participation des entreprises au financement de l'action publique locale et à renforcer la péréquation des ressources fiscales.

Discussion générale

Mme Marie-France Beaufils, auteur de la proposition de loi.  - Les collectivités territoriales, qui interviennent dans de nombreux domaines de la vie quotidienne, se sont vu transférer des compétences de plus en plus nombreuses au fil des ans -tandis que l'État, au travers de la RGPP, abandonnait nombre de ses responsabilités.

Les départements sont devenus des prestataires de services pour des politiques définies par l'État, sans compensation intégrale : l'APA est couverte à 30 %, la PCH à 60 %. Quant aux régions, l'État les oblige désormais à financer des lignes TGV qui ne sont pas de leur responsabilité.

Pourtant, que n'a-t-on dit des dépenses inconsidérées des collectivités, du poids de leur personnel, de leur refus de regarder en face les difficultés financières du pays, des méfaits des financements croisés !

Le remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale (CET) équivaut à un cadeau de 12 milliards d'euros aux entreprises, et aboutit à un reste à charge de 7 à 8 milliards pour le budget de l'État, dont celui-ci est seul responsable. La contribution foncière est sans commune mesure avec le chiffre d'affaires des sociétés et pèse lourdement sur les petites entreprises et les artisans. Pour les grandes entreprises, la fiscalité n'est qu'une variable d'ajustement et l'objet de pratiques d'optimisation. La financiarisation de l'économie a conduit à séparer toujours davantage les actifs financiers et matériels ; des sommes de plus en plus importantes, produit de l'activité économique, font l'objet de placements divers et sont cantonnées dans des structures ad hoc.

M. le rapporteur est hostile au prélèvement que nous proposons et évoque des « motifs idéologiques ». Mais n'est-il pas prisonnier lui-même de l'idéologie dont l'échec a été rendu patent par la crise financière ? Il est temps de rendre aux salariés le produit de leur travail. Il n'est pas mauvais de redonner du sens à l'effort partagé.

Faire contribuer les entreprises aux efforts des collectivités en matière de lutte contre l'exclusion sociale ou d'infrastructures n'est pas incongru. Les services publics locaux que nos collectivités font vivre n'ont-ils pas servi de « bouclier social » pendant la crise ? Les entreprises bénéficient elles-mêmes de ces efforts ; elles doivent en prendre leur part. La taxe professionnelle tissait un lien entre territoires et entreprises ; elle a été supprimée.

Taxer les entreprises serait par nature mauvais pour l'économie, pour l'investissement, pour l'emploi. Les impôts et taxes n'ont cessé de diminuer depuis près de 30 ans : pour quelle croissance et quels emplois ? La qualité de vie des salariés en a-t-elle été améliorée ? L'État, qui s'est lui-même privé de recettes, a dû se tourner vers les collectivités pour partager le fardeau. Huit millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté ; plusieurs millions de travailleurs précaires subissent la flexibilité du marché du travail ; s'y ajoutent au moins 3 millions de chômeurs. Le déficit de notre commerce extérieur est chronique. Le pari de la défiscalisation compétitive a échoué ; elle a conduit la France aux pires difficultés, cassé ses atouts et entravé ses capacités de développement. Ce mouvement va de pair avec une financiarisation croissante de l'économie, le détournement de la richesse vers les placements spéculatifs, une hausse de la rémunération du capital au détriment de l'investissement, de l'emploi et de la formation.

Mettre à contribution les actifs financiers : voilà l'outil d'une vraie péréquation. Les actifs sont plus volontiers domiciliés juridiquement au bilan des têtes de groupe, assez peu dans les plus petites entreprises. Et comme ce qui valorise ces actifs ne peut pas toujours être clairement localisé, le choix de la péréquation s'impose de lui-même. Et chacun sait ce que sont les inégalités entre collectivités. Nous ne pouvons, pour les corriger, nous contenter des quelques centaines de millions d'euros que prévoit la loi de finances pour 2011.

Le rapport dénonce des approximations et une « cote mal taillée », ignorant les efforts consentis et les besoins. Mais les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) ne seront abondés au mieux que de 450 millions cette année ; et les autres outils de péréquation ne représenteront à l'horizon 2015 qu'à peu près un milliard. Et la péréquation horizontale a ses limites.

Nous proposons donc d'alimenter les FDPTP. Pour le reste, on nous reproche d'avoir fait au plus simple ; le produit fiscal attendu de la taxation des actifs financiers, fondé sur une assiette large et un taux faible, serait supérieur aux besoins de financement des collectivités. N'est-il pas souhaitable de réduire leur endettement ? De faire baisser la pression fiscale pesant sur les ménages ? Les dotations de solidarité existantes reposent sur des critères discutables ; ceux-ci devraient refléter le niveau de richesse des ménages, l'étendue de la voirie, le niveau des services, la réalité du parc locatif... Pourquoi ne pas en débattre chaque année ? Nous ne savons toujours pas comment certaines compétences transférées seront compensées. S'agissant du RSA comme de l'APA, l'écart se creuse entre les dépenses et la compensation. Les territoires les plus vulnérables sont durement touchés : n'est-ce pas le cas de celui dont vous êtes l'élu, monsieur le rapporteur ? La Haute-Marne, confrontée à la crise des industries textiles et métallurgiques, n'a-t-elle pas besoin de ressources supplémentaires ?

Cette proposition de loi n'est pas inspirée par l'idéologie mais par le simple bon sens. L'effort des entreprises doit varier selon leurs décisions d'investissements : c'est un choix politique. Oui au retour de l'intérêt général, par une politique fiscale adaptée aux réalités de son temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)

M. Charles Guené, rapporteur de la commission des finances.  - Cette proposition de loi vise, disent ses auteurs, à répondre aux difficultés suscitées par la suppression de la taxe professionnelle et les mécanismes actuels de péréquation, mais la commission des finances ne la juge pas opportune.

Avec la taxe additionnelle à la CET qu'il nous est proposé de créer, la base imposable s'élèverait à 6 000 milliards d'euros ; avec un taux de 0,3 %, le nouvel impôt lèverait près de 18 milliards, soit une augmentation d'un point du niveau des prélèvements obligatoires... Cette proposition de loi annulerait, et bien au-delà, les effets bénéfiques de la réforme de la taxe professionnelle ; elle ne serait pas sans conséquences sur l'emploi.

Suffit-il donc d'ajuster le taux ? Non, car l'assiette a été définie selon des motifs idéologiques.

Mme Nicole Bricq.  - Vous, vous ne faites jamais d'idéologie...

M. Charles Guené, rapporteur.  - L'exposé des motifs met en avant la « sur-accumulation » du capital financier et la spéculation. Il s'agit donc de taxer les actifs financiers pour, nous dit-on, « modifier les choix de gestion des entreprises en faveur de l'emploi ». Quid alors de la liberté d'entreprendre ?

On sait d'ores et déjà que le secteur industriel bénéficiera des réformes récentes. Et je rappelle la création d'une taxe de risque systémique dont s'acquitte le secteur financier.

Mme Nicole Bricq.  - Elle ne coûte pas cher...

M. Charles Guené, rapporteur.  - L'amalgame entre actifs financiers et spéculation ou activités improductives est abusif. Les premiers sont le plus souvent la contrepartie d'opérations réelles ; à court terme, ce sont des excédents de trésorerie... Des imprécisions rédactionnelles à l'article premier de la proposition de loi permettraient d'ailleurs à certaines entreprises d'échapper à la taxation.

L'article 2 fixe le taux à 0,3 % la première année ; ce taux évoluera ensuite pour chaque entreprise à proportion du rapport actifs financiers/valeur ajoutée, que les auteurs de la proposition de loi considèrent -c'est très contestable- comme un indicateur de l'intensité spéculative. Enfin, la nouvelle taxe ne serait pas considérée comme une charge déductible : rien ne justifie cette entorse au droit commun.

J'en viens aux dispositions relatives à la péréquation. L'article 3 prévoit que le produit de la nouvelle imposition sera versé à un fonds national de péréquation, dont les ressources seraient réparties au profit de l'ensemble des collectivités territoriales. Cette répartition se ferait en deux temps : un abondement des FDPTP, puis une répartition du surplus entre les régions, les départements, les EPCI et les communes. Mais l'abondement des FDPTP, s'il était opérant, serait redondant par rapport au droit actuel : il est déjà garanti, à partir de 2011, à hauteur des versements effectués au profit des communes dites « défavorisées » au titre de l'année 2009. En outre, la proposition de loi ne traite que de l'année 2012 et supprimerait la dotation de l'État de 2011, qui doit pourtant servir de base de calcul pour 2012. Enfin, les conseils généraux, qui ont la charge de la répartition, perdraient toute marge de manoeuvre.

Le surplus des ressources serait réparti entre les collectivités. Les recettes des régions augmenteraient ainsi de 12,6 %, celles des départements, de 7,4 % et celles du bloc communal de 7,9 % ! Certes, certaines collectivités sont dans une situation difficile, mais cette hausse, sans rapport avec les besoins de financement, n'est pas acceptable dans le contexte tendu de nos finances publiques.

La proposition de loi renvoie au règlement la définition des modalités de répartition, au sein de chaque catégorie de collectivités territoriales, des ressources du Fonds national de péréquation ; mais la commission des finances a mis en place un groupe de travail sur le sujet.

Certains mécanismes nouveaux de péréquation seront bientôt opérationnels -je pense aux DMTO par exemple. Le Sénat veillera à ce qu'ils soient justes et efficaces. J'ajoute qu'après la révision constitutionnelle annoncée, les propositions de loi fiscales seront irrecevables. La commission des finances a depuis longtemps adopté cette doctrine. C'est une autre raison de son hostilité à cette proposition de loi. (Applaudissements à droite)

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.  - La réforme de la taxe professionnelle doit bientôt être complétée par celle de la péréquation. J'espérais que les membres du groupe CRC s'inscriraient dans cette perspective, mais ils ont préféré faire fi de tout le travail mené notamment dans cette assemblée et des acquis des dernières lois de finances...

La réforme de la taxe professionnelle avait d'abord un objectif économique. La taxe professionnelle, unique en Europe, renchérissait l'investissement, favorisant la délocalisation et la suppression d'emplois. Je suis voisin de l'Allemagne ; comment expliquer que ce pays connaisse un excédent de 150 milliards tandis que notre déficit s'élève à 50 milliards ?

M. Pierre-Yves Collombat.  - On en reparlera dans dix ans ! Ils ne savent même pas faire des enfants !

M. Philippe Richert, ministre.  - Notre pays doit redevenir compétitif, favoriser l'investissement et l'emploi, restaurer l'attractivité des territoires.

La nouvelle définition fiscale de la valeur ajoutée et la simplification des obligations déclaratives ont soulagé les entreprises. La taxe professionnelle a été remplacée par la CET, composée d'une cotisation foncière dont le taux est fixé par chaque commune, et de la CVAE, au taux fixé nationalement. L'Ifer complète les ressources de l'État et limite les gains des grandes entreprises de télécommunication, d'énergie et de transport ferroviaire ; les petites entreprises sont les principales gagnantes de la réforme.

Cette proposition de loi serait un retour en arrière désastreux. Elle prévoit une taxation des actifs financiers des entreprises soumises à la CET dès lors que leur valeur nette serait supérieure à la valeur locative des immobilisations corporelles -ce qui remet en cause la bascule d'imposition vers la valeur ajoutée. Il faut pourtant en finir avec ce qu'un ancien président qualifiait « d'un impôt imbécile »... Je rappelle en outre que les entreprises qui disposent d'actifs financiers importants sont soumises, pour la majorité d'entre elles, à la CVAE. J'ajoute que les produits financiers sont déjà pris en compte pour la détermination de la valeur ajoutée de certaines entreprises, et que la proposition de loi pénaliserait les groupes.

Une hausse de près de 18 milliards d'euros de la fiscalité sur les entreprises : c'est extravagant dans le contexte actuel de concurrence internationale !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Supprimez donc la fiscalité !

M. Philippe Richert, ministre.  - La reprise s'amorce. L'investissement augmente, ainsi que la production, la consommation et l'emploi : 127 000 emplois créés, en 2010, nul ne le conteste.

M. Philippe Richert, ministre.  - Vous contestez donc la réalité des chiffres... Certains préfèrent sans doute se réjouir du marasme ! (Protestations à gauche) Cette proposition de loi découragerait les investissements étrangers : il y a de meilleures façons de soutenir nos territoires ...

Pourquoi affecter subitement 18 milliards de recettes aux collectivités, sans étude d'impact préalable ? Aucun transfert de compétences ne le justifie ni ne le justifiera.

Certains sujets abordés sont déjà inscrits à l'ordre du jour. Contrairement à ce que vous dites, la suppression de la taxe professionnelle a été intégralement compensée par la CET, l'Ifer et divers transferts. En outre, la péréquation a connu des avancées sans précédent. Un président du conseil général le disait ici même lors de la dernière discussion budgétaire ! La péréquation horizontale du DMTO a permis de redistribuer 440 milliards d'euros et tous les départements ont vu leurs recettes augmenter d'au moins 20 % ! Dès l'an prochain, une péréquation des recettes communales et intercommunales sera mise en place ; dès 2013, entre les écarts de progression de la CVAE. Les FDPTP sont déjà abondés par un prélèvement sur le budget de l'État.

Nous aurons l'occasion de débattre de ces questions en cours d'année, notamment en septembre lors du dépôt du rapport du Gouvernement devant le Parlement et lors de la discussion du projet de loi de finances 2012.

Je suis opposé à cette proposition de loi qui a le mérite de susciter un débat intéressant. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Cette proposition de loi nous donne l'occasion de revenir sur la fiscalité locale à la suite de la suppression de la taxe professionnelle et de l'insuffisance des mécanismes de péréquation entre les collectivités locales, compte tenu de l'écart de potentiel fiscal par habitant.

La péréquation devrait permettre de corriger les inégalités les plus choquantes. Or l'insuffisance des recettes ne le permet guère, d'où l'intérêt de cette proposition de loi.

À vous entendre, 18 milliards c'est beaucoup trop ! Mais le fait de taxer les entreprises n'est pas plus imbécile que de taxer les ménages.

En l'absence d'un rétablissement de contrôle sur les mouvements des capitaux, cette taxe serait cependant inopérante.

L'essentiel de notre épargne s'investit à l'étranger.

M. Philippe Richert, ministre.  - Il faut qu'elle s'investisse en France !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - L'intérêt de cibler les placements spéculatifs serait de faire mieux financer l'industrie. Une flat tax sur les exportations de capitaux serait une bonne idée.

La loi de finances pour 2011 fixe des objectifs de péréquation fort modestes : un milliard, et même 280 millions l'an prochain : on est loin des 18 milliards annoncés ici !

La péréquation horizontale ne doit pas se substituer à la péréquation de l'État. Il faudrait ainsi redéfinir les notions de potentiel fiscal et économique.

Le rapport Durrieu a démontré les faiblesses des effets péréquation entre les régions et les départements. L'absence d'objectifs chiffrés ne traduit-elle pas l'absence d'ambition dans l'effet de péréquation ? Le thème de la péréquation ne doit pas servir de feuille de vigne pour cacher la grande misère des collectivités. Il faut, comme le disait M. Collin, revenir sur la péréquation. La commission des finances a mis en place un groupe de travail ; je rejoins certaines des préconisations de l'Association des maires de France.

Je sais que l'objectif de péréquation ne peut être atteint s'il n'y a pas de ressources fiscales.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Toujours plus d'impôt !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Nos grands groupes -dix-huit français parmi les 200 premiers mondiaux, plus que l'Allemagne, autant que la Grande-Bretagne- sont un atout mais à une condition : ils devraient se préoccuper davantage de « renvoyer l'ascenseur », de maintenir et de développer en France une part plus substantielle de leur activité et d'y favoriser le développement d'entreprises sous-traitantes.

M. Yvon Collin.  - Absolument !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Tout ceci se ferait au bénéfice des collectivités. Le groupe RDSE s'abstiendra positivement sur cette proposition de loi.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - ça se termine mieux que ça n'avait commencé ! (Applaudissements sur les bancs RDSE et au banc des commissions)

M. Thierry Foucaud.  - Les parlementaires du groupe CRC regrettent que l'aveuglement idéologique de la droite n'ait pas permis d'avancer dans le domaine de la péréquation.

M. Guené a parlé d'idéologie : 18 milliards, cela le fait bondir, mais 360 milliards pour les banques, c'est normal.

Vous vous rappelez le travailler plus pour gagner plus ? La loi Tepa a coûté 15 milliards...

Et puis notre proposition ne vise pas toutes les entreprises, mais uniquement celles qui spéculent. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)

Nous voulons, avec cette proposition de loi, financer les actions des collectivités, plutôt que de laisser la spéculation s'installer. Les différentes réformes des collectivités locales n'ont répondu qu'au seul credo de l'allègement des responsabilités des entreprises. Elles ont échoué à garantir les emplois. Depuis 25 ans, les zones urbaines sensibles s'étendent. On nous dit que cette taxe serait un mauvais signe pour la reprise économique. Mais où est la reprise économique, alors que l'Insee mesure une baisse de 6 % des commandes industrielles ? Dans mon département, les centres de décisions se situent plutôt à la Défense que dans les ports de Rouen ou du Havre. Renault a mis au chômage partiel ses salariés, mais 1 % des sommes distribuées aux actionnaires aurait suffi à les payer !

Les élections cantonales ont montré le malaise des Français. De nombreuses familles sont victimes de l'exclusion. Il faudrait leur venir en aide avec des moyens insuffisants et ne pas taxer les entreprises ? Près de 250 millions auraient été rendus en Seine-Maritime aux entreprises. Pour quels résultats ? Les emplois ? Laissez-moi rire ! Le nombre de chômeurs n'augmente plus ? Demandez aux radiés ce qu'ils en pensent !

Il est temps de changer votre fusil d'épaule. Les sommes considérables que l'État a englouties pour alléger les impôts des entreprises n'ont donné aucun résultat. Les sommes que nous voulons consacrer au développement local n'iraient pas à la rémunération du capital. La belle affaire !

Redonnons des moyens financiers aux acteurs locaux pour le bien du plus grand nombre. On a parlé d'idéologie ; je ne comprends pas que sur les bancs des groupes UMP et centriste on ne réponde pas à l'intervention de Mme Beaufils ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)

Mme Nicole Bricq.  - Nous comprenons que le groupe CRC défende sa proposition de loi qui vise à financer les collectivités et à renforcer la péréquation fiscale. La suppression de la taxe professionnelle coûte entre 7 et 8 milliards et non pas 5 milliards comme on l'a prétendu. (Exclamations à droite) C'est le rapporteur général de l'Assemblée nationale qui le dit ! A un moment, il va bien falloir connaître le coût réel de cette réforme. Les pertes fiscales des collectivités locales se chiffrent à 2,5 milliards et non 800 millions comme on nous l'avait dit. Certaines entreprises contestent les calculs de l'administration fiscale pour la CVAE.

Les communes n'ont pas d'autres ressources que de ponctionner les ménages. Nous prenons très au sérieux le sujet de la péréquation, qui n'a pas été traité lors de la dernière loi de finances. Nous aurons quelques données en septembre, ce qui est court pour la loi de finances pour 2012. Faute d'envisager une péréquation à caractère national, la majorité s'en est tenue au fond de péréquation sur les droits de mutation à titre onéreux. Certes, le montant augmente mais pas partout.

M. Philippe Richert, ministre.  - Si ! Partout !

Mme Nicole Bricq.  - Pas dans les mêmes proportions. Et le niveau de 2007 n'est pas atteint.

Au groupe socialiste, nous voulons réduire les écarts de richesse, augmenter la part péréquation de l'État, prendre en compte le revenu par habitant. Cette majorité va aggraver les inégalités sociales si elle ne fait rien rapidement.

Les auteurs de la proposition de loi cherchent à changer la base des impositions et à redonner du sens à la péréquation. Le groupe socialiste souhaite augmenter les recettes des collectivités. Quant à la réhabilitation de l'économie réelle, le groupe socialiste défendra une proposition de loi pour orienter les recettes des entreprises vers l'investissement plutôt que vers les rémunérations des actionnaires. Car l'investissement est insuffisant, chacun en convient.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Ne soyons pas les chroniqueurs d'un désastre annoncé !

Mme Nicole Bricq.  - Les critères de la péréquation doivent être les ressources et les charges. La proposition de loi organise la répartition entre collectivités, mais nous ne pouvons accepter le renvoi au décret.

Les propositions de M. Guené sont de nature politique et donc idéologique. Mais c'est normal : il y a la droite et la gauche ! Nous ne pouvons attendre la loi de finances. La majorité a toujours la possibilité d'être majorité en séance et elle oublie qu'en dix ans elle a multiplié les niches fiscales. Depuis cinq ans, 15 milliards de niches pour les entreprises, à quoi s'ajoute la suppression de la taxe professionnelle ! Vous êtes au-delà des 18 milliards de Mme Beaufils. Lors de la dernière loi de finances, le rapporteur général a accepté un amendement instaurant une niche de 15 millions pour les sociétés d'extraction de gaz de schiste...

Vous avez évoqué l'Allemagne, monsieur le ministre ; il y a dix ans, elle était en déficit. Toute règle d'or doit être relativisée. Les Allemands ont une culture de la négociation que nous n'avons pas.

M. Philippe Richert, ministre.  - Et oui !

Mme Nicole Bricq.  - Cette proposition de loi est très utile, mais nous nous abstiendrons compte tenu de nos réserves. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Pierre-Yves Collombat.  - L'affaire est entendue : la taxe professionnelle est un impôt imbécile. Mais remplacer un tel impôt par des contributions qui n'améliorent pas la péréquation, ce n'est pas un progrès.

En outre, les collectivités ont perdu en autonomie et en recettes. En mars 2011, les maires des villes moyennes et des communautés de communes s'interrogeaient sur la possibilité de voter des budgets régionaux pour 2011.

Cette proposition de loi relève les défauts de la CVAE : une perte de ressources pour l'Etat du double de ce qui était annoncé. La perte pour les collectivités est différée, mais se monte à 2,5 milliards. Cette perte est très inégalement répartie.

Il faut avoir un solide culot pour affirmer que les bases de la CVAE vont évoluer comme le PIB et qu'elles seront plus dynamiques que la taxe professionnelle ! On sait bien que c'est faux.

Depuis 1980, le produit de la taxe professionnelle a été multiplié par 6 ou 7. De 2000 à 2008, le produit de la taxe professionnelle a augmenté de 30 %. Ce ne sera pas le cas pour la CVAE.

Une récente étude de la fédération de villes moyennes évalue le manque à gagner par rapport à la taxe professionnelle ; cette étude montre que les villes moyennes et leurs EPCI sont plus touchés que les autres catégories de collectivités par le remplacement de leurs recettes de taxe professionnelle par une dotation gelée dans le temps.

J'en viens à la péréquation. Elle n'est pas satisfaisante. Le complaisant rapport Durrieu admet que le dispositif est « limité ». Que c'est bien dit !

On ne sait rien du dispositif pour les communes, les intercommunalités et les départements.

Cette proposition de loi apporte-t-elle des réponses entièrement satisfaisantes à ces problèmes ? Pas totalement. Elle apporterait des ressources supplémentaires, mais il est difficile de taxer des capitaux volatiles par excellence.

Affirmer que la fonction des entreprises n'est pas d'enrichir des propriétaires mais ses salariés, ce serait de l'idéologie, selon M. Guené.

En revanche, le libéralisme, ce n'est pas de l'idéologie, mais une science ! Je ris. (Sourires)

Tout en saluant l'initiative de nos collègues, nous nous abstiendrons positivement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

M. Philippe Richert, ministre.  - Faut-il partir des ressources dont nous disposons pour mieux les répartir ? Faut-il créer une nouvelle taxe qui handicaperait les entreprises (Exclamations sur les bancs du groupe CRC) pour augmenter les ressources des collectivités locales ?

C'est un choix qui peut se poser, même si je ne le partage pas. Plusieurs intervenants ont parlé de péréquation. Il s'agit d'un choix fondamental ; la péréquation peut se faire sur d'autres bases que les dotations de l'État. La réunification allemande s'est faite par la péréquation entre les collectivités. Nous commençons à le faire.

Pour la DHTU, on parle de 440 millions. Je rappelle les chiffres : en 2008, 7,3 milliards, en 2009, 5,2 milliards, en 2010, 7 milliards. Nous sommes donc presque au même niveau qu'en 2008. Certes, la Haute-Marne n'a progressé que de 9,6 % mais la péréquation a permis de la faire progresser de plus de 30 %. Les Hauts-de-Seine ont progressé de plus de 50 % en 2010. Après la péréquation, son augmentation était de 38 %.

Vous voyez bien que la péréquation fonctionne. Je rappelle que le DMTO, c'est plus de 7 milliards !

Mme Bricq disait que la taxe professionnelle, c'était 7,4 milliards et non pas 5 milliards. En 2010, l'État a remboursé les dégrèvements pour 2009, ce qui explique le chiffre auquel elle était parvenue. La taxe professionnelle était un impôt qui commençait à stagner. La CDAE sera demain plus dynamique.

Mme Nicole Bricq.  - Qu'est-ce qui vous permet de dire cela ?

M. Philippe Richert, ministre.  - Nous aurons demain des recettes plus dynamiques pour les collectivités.

Discussion des articles

Article premier

Mme Marie-France Beaufils, auteur de la proposition de loi.  - Nous ne proposons pas une taxation indifférenciée sur les entreprises. Nous sommes bien ici sur les actifs financiers qui sont des facteurs de spéculation et ne contribuent pas au développement des emplois. Des entreprises préfèrent spéculer plutôt qu'investir.

Je ne partage pas votre vision d'une CVAE dynamique. Divers économistes pensent d'ailleurs de même. La péréquation sera difficile à réaliser si la CVAE n'est pas dynamique. En outre, l'optimisation fiscale va reprendre de plus belle. Nous disons que la péréquation est largement inachevée dans notre présentation de la proposition de loi. A terme, vous envisagez au mieux un milliard en 2015 pour la péréquation.

M. Philippe Richert, ministre.  - Pour le bloc communal.

Mme Marie-France Beaufils, auteur de la proposition de loi.  - Nous n'avons pas la même perception des besoins des collectivités. Vous me reprochez l'absence d'étude d'impact. Donnez-nous les moyens de les conduire !

M. Philippe Richert, ministre.  - Qu'attend le Sénat pour créer des emplois ?

Mme Marie-France Beaufils, auteur de la proposition de loi.  - Enfin, la commission des finances estime que les propositions de loi comportant des dispositions fiscales ne seront bientôt plus recevables, en raison d'une proposition de loi constitutionnelle qui reste à débattre.

Que devient l'initiative parlementaire ? Le Parlement va-t-il être en vacances perpétuelles ? à moins qu'on nous demande d'examiner des textes vides.

Nous venons de vivre une crise financière importante qui a montré les effets néfastes de la spéculation ; c'est contre elle que nous voulons lutter, avec une proposition de loi donnant aux collectivités les moyens de répondre aux besoins des habitants. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)

M. Charles Guené, rapporteur.  - Sans vouloir m'appesantir sur la différence entre l'idéologie et la science, je dirai que plus on se rapproche de la réalité, plus on est scientifique. La lutte contre la spéculation est une idée sympathique, mais les actifs financiers ne sont pas la bonne cible ; c'est ce que nous avons tenté de démontrer.

Mme Marie-France Beaufils, auteur de la proposition de loi.  - Je n'ai pas compris la démonstration !

À la demande du groupe CRC, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 209
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 24
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article premier n'est pas adopté, non plus que les articles 2, 3, 4 et 5. En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

Projets des collectivités locales d'Île-de-France

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-France.

Discussion générale

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Le protocole signé le 26 janvier entre le Gouvernement et la région Île-de-France est-il historique ? L'histoire nous le dira : il faudra lever les ambiguïtés du financement. L'heure de vérité sera 2013. Le rapporteur parle de « dynamique d'accord ». La proposition de loi vise à la traduire dans la réalité, étant donné l'absence d'adoption définitive du schéma d'infrastructures des transports d'Île-de-France.

Comme M. Caffet l'a fait remarquer, vivre presque vingt ans avec un Sdrif rejeté par les collectivités est exceptionnel !

Le débat sur le Grand Paris fut vif. Nous avons défendu avec ardeur le Sdrif de 2008 mais nous nous sommes heurtés au silence, quand ce n'est pas au mépris du Gouvernement et je constate que le climat est aujourd'hui apaisé. Ce document a pour ambition de résorber les inégalités territoriales donc sociales, d'engager l'Île-de-France sur la voie d'une croissance durable, de conforter la place de la première région d'Europe, qui est aussi la plus inégalitaire, et celle qui redistribue le plus à l'ensemble du territoire. Ce qui est bon pour l'Île-de-France est bon pour la France !

Je remercie MM. Braye et Emorine de leur écoute et de leur disponibilité.

Il y a un an, M. Fourcade appelait à un « partenariat loyal et fécond » entre État et collectivités : nous sommes d'accord.

La majorité sénatoriale entend s'inscrire dans la suite du protocole du 26 janvier. Cette proposition de loi vise l'efficacité, la rapidité et la sécurité des projets des collectivités, dont le rapporteur a dressé la liste. Vous comprenez que, comme élue du beau département de Seine-et-Marne, j'aie pris cette initiative.

L'article unique organise la compatibilité entre le Sdrif et la loi sur le Grand Paris. En commission, les débats se sont focalisés sur les obligations incombant aux communes. Un compromis a été trouvé ce matin. Nos collègues veulent faire du préfet de région le juge de la compatibilité, mais la présidence du conseil régional a été associée. Si cette proposition de loi est adoptée à l'unanimité, elle aura plus de chances de l'être à l'Assemblée nationale. Le groupe socialiste a renoncé à son amendement sur le partage de la maîtrise d'ouvrage. Le protocole du 26 janvier dispose que l'État et la région s'accordent sur le partage, en fonction de la contribution de chacun. En commission, M. le ministre a détaillé les financements de l'État et de la région ; mais les premiers restent virtuels...

M. Maurice Leroy, ministre de la ville.  - C'est la loi de finances !

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - ... les seconds sont sur la table. Le conseil de surveillance de la SGP doit bientôt fixer le tracé et le nombre de gares, ce qui aura une incidence sur le coût. Hier lors de la séance de questions cribles, vous avez évoqué, monsieur le ministre, une possible décision réglementaire pour modifier le code des transports : c'est de bon augure et je vous en remercie.

A ce stade, nous nous contenterons du volet territorial, à supposer que chacun s'accorde sur une rédaction commune. (Applaudissements)

M. Dominique Braye, rapporteur de la commission de l'économie.  - Huit mois après l'adoption de la loi sur le Grand Paris, nous sommes saisis de cette proposition de loi. Après des mois de conflits, un accord a été conclu le 26 janvier sur le financement des infrastructures de transports en Île-de-France. C'est toujours le Sdrif de 1994 qui s'applique. En 2005, un décret a ouvert le processus de révision ; l'État, dans un avis de septembre 2007, émettait de fortes réserves sur le projet de la région. Dans le même temps, le président de la République lançait une concertation sur le Grand Paris. Puis le Gouvernement a refusé de transmettre au Conseil d'État le projet du Sdrif. C'est dans ce contexte que fut examinée la loi sur le Grand Paris, qui prévoit une nouvelle ligne de métro automatique de 130 kilomètres, le développement du territoire autour des gares avec des contrats de développement territorial et la valorisation du pôle de Saclay.

La « double boucle » différait du projet « arc express » de la région. Le 27 octobre, le Conseil d'État rejetait le décret sur le Sdrif, rendu inopérant par la loi sur le Grand Paris. Mais l'État et la région sont parvenus à un accord équilibré le 26 janvier. Une loi devait permettre de concilier le Sdrif et la loi sur le Grand Paris. Le Sdrif de 1994 continuera à s'appliquer tant que le projet de 2008 n'intégrera pas les nouvelles données.

Cette proposition de loi vise à permettre l'application anticipée des dispositions du Sdrif de 2008 qui n'entrent pas en conflit avec la loi sur le Grand Paris : de nombreux projets seront ainsi débloqués. La commission a voulu sécuriser le dispositif, en revenant sur l'obligation pour les communes de se conformer au Sdrif, qui n'a pas encore d'existence juridique. Les autres objectifs sont d'assouplir les dispositions relatives aux collectivités et d'accélérer les procédures, avec une date butoir en 2013.

La commission se félicite du chemin parcouru depuis un an, et souhaite que ce texte attendu soit adopté à la plus large majorité possible. (Applaudissements)

M. Maurice Leroy, ministre de la ville.  - Depuis 150 ans, Paris se réinvente : ce fut l'oeuvre du baron Haussmann, des urbanistes visionnaires du début du XXe siècle, de Le Corbusier, des frères Perret, des bâtisseurs d'après-guerre et des architectes contemporains... Cette loi fera date, car la question urbaine est la question politique centrale de notre temps.

La région capitale n'est pas une région comme les autres. Elle concentre 30 % de la richesse nationale. Elle a besoin d'une vision prospective de son développement, qui soit formalisée dans un document partagé : tel est le sens du Sdrif.

L'accord du 26 janvier que j'ai signé avec M. Huchon, dont je salue l'engagement, est-il historique ? Ce n'est pas à nous de le dire mais aux historiens, les lois mémorielles nous ont causé trop de soucis. Mais faute d'accord avant le 31 janvier, le projet du Grand Paris aurait été mort-né ! Il eût fallu y revenir au plus tôt après 2013...

Nous avons donc convenu d'un projet ambitieux de transports pour l'Île-de-France, conformément à la volonté exprimée par les habitants pendant le débat public. C'est une vision partagée de l'avenir de Paris, cette métropole mondiale.

Depuis le 26 janvier, nous travaillons collectivement pour mettre en oeuvre le protocole. Un comité de suivi sera bientôt installé : ce sera l'occasion de faire le point sur la maîtrise d'ouvrage, la coordination entre le syndicat des transports d'Île-de-France et la société du Grand Paris et sur la branche Est du projet de rocade.

L'accord vise à rendre compatibles le Sdrif et la loi sur le Grand Paris. Je soutiens cette proposition de loi, pour des raisons de calendrier d'abord : le rapport de M. Braye reprend la liste des projets bloqués, pourtant prêts à démarrer. Ensuite, cette proposition de loi s'inscrit dans l'esprit consensuel de l'accord du 26 janvier. Elle permet aux collectivités de déroger au Sdrif de 1994 jusqu'à sa révision. Une dérogation automatique aurait provoqué des blocages : il fallait sécuriser les choses, sans attenter à la liberté des collectivités, ni valider par voie législative le Sdrif de 2008.

Ce dispositif transitoire n'empêchera pas l'application de la loi de 2010.

Un nouveau Sdrif verra bientôt le jour et servira de référence pour quinze ans. Je souhaite que le climat de confiance observé en commission prévale en séance.

M. Pozzo di Borgo m'a interrogé hier sur les universités parisiennes. Oui, Paris est au coeur de l'économie de la connaissance et l'avenir des universités parisiennes est au coeur des préoccupations du Gouvernement.

S'agissant de la maîtrise d'ouvrage, je m'engage à associer par tous les moyens conventionnels et réglementaires le Stif au projet de rocade. La loi de 2010 a créé la SPG pour réaliser ce projet, et je ne suis pas certain que le Stif soit suffisamment outillé pour appréhender l'ensemble des questions ; mais il est normal qu'il reçoive des garanties au moment de la mise en exploitation. Pour ce qui est du financement, la loi de finances nous engage : 500 millions pour le RER C et autant pour le RER D, ce ne sont pas paroles verbales ! (Applaudissements)

Mme Françoise Laborde.  - Cette proposition de loi oblige toute collectivité francilienne qui modifie son document d'urbanisme à le rendre conforme au Sdrif de 2008 ; elle prévoit une procédure dérogatoire pour la modification du Sdrif.

Dès 2005, le Gouvernement avait autorisé la révision du Sdrif, mais faute d'avis favorable du Conseil d'État, ce fut le blocage. Ce projet fixait des objectifs raisonnables mais ambitieux, à l'heure de la concurrence entre métropoles mondiales. Maîtrise de l'espace, planification des transports et du logement sont nécessaires.

L'élue du sud-ouest que je suis s'intéresse à l'Île-de-France, fortement redistributrice. D'ailleurs, toutes les régions rencontrent les mêmes difficultés. L'enjeu est considérable : un réseau de transports qui facilite la vie des Franciliens, des collectivités attractives. Depuis des mois, les élus franciliens clament leur déception que le projet de Sdrif n'ait pas été adopté. Cette proposition de loi permettra enfin de l'appliquer. Le groupe RDSE l'approuvera à l'unanimité. (Applaudissements)

Mme Éliane Assassi.  - Il y a près d'un an, lors du débat sur le Grand Paris, nous disions nos craintes devant ce projet. Au niveau institutionnel, l'État reprenait la main. Au niveau économique et social, certaines zones concentraient les moyens.

Un vaste débat public a eu lieu depuis. Un projet commun s'est dégagé L'objectif même du Grand huit a été mis en cause, les distances entre les gares réduites, la liaison entre les villes de banlieue améliorée : c'est bien. Enfin, le projet de Sdrif, transmis au Conseil d'État, ayant été jugé incompatible avec la loi de 2010, cette proposition de loi vise à sortir de l'impasse. Mais nous restons opposés à la loi sur le Grand Paris, d'où nos réserves sur cette proposition de loi : les contrats de développement territorial ne doivent pas prévaloir sur tous les autres documents d'urbanisme. Ce localisme serait dangereux. Nous craignons que la rentabilité prévale sur l'intérêt général.

D'ailleurs, le financement du réseau reste incertain. Il reposera sur les Franciliens, via la nouvelle taxe spéciale d'équipement.

La concertation entre l'État et la région est utile, mais le premier devrait renoncer à la mainmise de la SGP sur la zone de 400 mètres autour des gares. Nous ne pouvons adhérer au troisième paragraphe qui prévoit une réduction des délais de révision du Sdrif. Comment la région pourrait-elle se satisfaire d'une révision furtive, sans concertation suffisante ?

Nous ne sommes pas pour une limitation des consultations obligatoires mais pour un Sdrif au profit des habitants.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - La loi sur le Grand Paris adoptée il y a un an favorisera le développement économique de l'Île-de-France. J'espérais que le dialogue entre le Gouvernement et la région permît la mise en oeuvre de ce grand projet. Je me félicite donc du protocole du 26 janvier.

Le deuxième poumon économique de ce grand projet se trouve à Saclay. Il ne faut pourtant pas vider Paris de ses chercheurs, de ses écoles et de ses universités ; je soutiens en l'espèce la politique du maire de Paris. Pour nous vous n'êtes pas seulement le ministre de la grande boucle, mais aussi celui du Grand Paris.

Pour mettre en oeuvre ce projet urbain hors normes, il fallait que les collectivités pussent réaliser des projets d'ampleur. Or, après de longs mois, le Conseil d'État a émis un avis négatif sur le Sdrif de 2008 ; celui de 1994 restait en vigueur malgré son peu de pertinence au regard des évolutions intervenues depuis, qu'il s'agisse de la loi LRU ou du Grenelle de l'environnement.

La proposition de loi va dans le bon sens, qui permet aux élus de mettre en oeuvre des projets bloqués à cause du Sdrif 1994 ; leurs opérations d'aménagement seront juridiquement sécurisées. Je salue la qualité du dialogue entre l'État et la région et celle du texte de Mme Bricq.

Je partage néanmoins l'avis du Gouvernement et de la commission : il est préférable que, dans cette période transitoire, les élus « puissent », et non « doivent », appliquer les dispositions du projet de Sdrif, lorsqu'ils procèdent à la révision ou à la modification de leurs documents d'urbanisme. Sous cette réserve, l'Union centriste apportera son soutien à la proposition de loi. (Applaudissements au centre et à droite)

M. David Assouline.  - Le climat a changé. Le Grand Paris voulu par Christian Blanc qui savait tout et mieux que tout le monde n'offrait pas de réponse adéquate en matière d'aménagement. Contrairement à ce qu'on a voulu nous faire croire, il ne s'agissait pas seulement d'un projet de métro automatique plus un cluster ; nous était proposé un mode de gouvernance qui niait les acquis de la décentralisation.

L'Île-de-France a souffert de désinvestissement pendant vingt ans en matière de transport, ce qui impose des réalisations fortes dans les prochaines décennies. Les formes urbaines changent ; le tout voiture est modèle de développement du passé ; nous aurons besoin demain de transports en commun efficaces. Ces mutations impliquent une politique des transports ambitieuse à laquelle tous les acteurs doivent être associés, mettant notamment l'accent sur les liaisons de banlieue à banlieue. Il faut tout faire pour organiser un service public de la mobilité.

La politique des transports doit être au service de tous les habitants et non de certains privilégiés. Nous avons tenté d'infléchir la politique du Gouvernement au fil des débats. Un réseau de transports se juge à la qualité de ses noeuds. Il aura fallu patienter pour que la raison l'emporte ; le Grand Paris s'inscrit enfin dans une perspective apaisée avec l'accord du 26 janvier. J'y vois le résultat de négociations assagies et menées dans le respect de chacun.

M. Maurice Leroy, ministre.  - Très bien !

M. Charles Revet.  - Que de compliments !

M. David Assouline.  - Les 20 000 Franciliens qui ont été consultés dans le cadre du débat public ont fait entendre leur lassitude devant les vicissitudes quotidiennes. Leurs voix ont été entendues. Le débat public a montré l'importance des correspondances. C'est finalement au Stif, comme cela est logique, d'assurer la cohérence du futur réseau. La querelle de gouvernance est heureusement derrière nous.

Le protocole doit maintenant se traduire dans les actes. Cette proposition de loi en est la première concrétisation. Avec ce texte, nous gravons dans le marbre ce qui doit l'être. Mais bien des questions restent en suspens. Nous connaissons la hauteur de l'investissement régional mais rien n'est certain du côté de l'État -peut-être nous en direz-vous plus, monsieur le ministre. La sincérité de l'État sera appréciée à l'aune des propositions qu'il fera.

Le présent texte se concentre sur le Sdrif qu'il élève au statut de document d'urbanisme opposable en premier lieu pour les projets métropolitains -c'est la première partie de l'article unique- puis pour l'ensemble des communes grâce à la relance du processus de révision sous la houlette du préfet de région, auquel nous souhaitons adjoindre le contrôle du président de la région. Nous aurions souhaité que le Sdrif fût un document d'urbanisme à part entière ; il fallait des règles communes. Entre l'obligatoire et le facultatif, un compromis a été trouvé par la commission.

Cette proposition de loi est un jalon nécessaire, mais il faudra aller plus loin. Reste que le temps passe : souhaitons que ce texte soit consensuel et examiné rapidement par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Maurice Leroy, ministre.  - Ce sera le cas !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Comme porte-parole du groupe UMP, et ancien rapporteur de la loi de 2010, je me félicite de l'accord du 26 janvier. Les conditions du travail en commun ont complètement changé. Le protocole prévoit 34 milliards d'investissement d'ici 2025 ; j'en félicite les signataires, ici et là-haut ! (L'orateur fait signe vers M. Jean-Paul Huchon, président de la région Île-de-France, présent dans les tribunes) Félicitons-nous aussi d'avoir mis à contribution la Commission nationale du débat public, qui a permis d'associer au projet de nombreux Franciliens...

M. Maurice Leroy, ministre.  - Très juste !

M. Charles Revet.  - C'est vrai !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - ... un projet qui ne porte pas seulement sur le futur métro automatique, la réhabilitation du RER, le développement de lignes en site propre ou le prolongement d'Éole ; c'est un grand projet commun.

Il prévoit une solution législative pour débloquer les projets entravés par le Sdrif de 1994. Ainsi, nous rattraperons notre retard en matière de transport mais aussi de logement.

M. Maurice Leroy, ministre.  - Très juste !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Le paragraphe 3 de l'article unique permet de relancer le processus de révision du Sdrif. Il n'en reste pas moins deux difficultés : l'obligation faite aux collectivités territoriales de réviser l'ensemble de leurs documents d'urbanisme, ce qui reviendrait à légaliser le Sdrif, d'où des risques de contentieux et d'annulation par le Conseil constitutionnel. Boulogne-Billancourt a modifié son PLU pour rectifier un alignement place Marcel Sembat et y rehausser un immeuble. Faut-il que cette modification soit conforme au Sdrif de 2008 et à la loi de 2010 ? C'est exclu. Mon premier amendement remplace l'obligation par une possibilité. C'est l'initiative des collectivités qui doit primer. Mais un accord a été trouvé en commission ce matin sur une rédaction de compromis.

Mon deuxième amendement précise que le préfet de région appréciera la compatibilité des documents d'urbanisme avec le Sdrif 2008 et la loi de 2010 ; il fallait sécuriser le dispositif.

Beaucoup reste à faire, notamment sur le financement et sur la desserte de Saclay. Mais je me réjouis que grâce au talent de MM. Leroy et Huchon, nous puissions envisager cette remise à jour de Paris capitale à l'horizon 2025. Le groupe UMP votera cette proposition de loi tout à fait opportune. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Laurent Béteille.  - Je partage ce qui vient d'être dit. Cette proposition de loi reprend les termes de l'accord du 26 janvier, après des mois de conflit entre l'État et la région. L'avis du Conseil d'État bloque le lancement de nombreux projets, dans l'Essonne comme ailleurs. Le Sdrif de 1994 n'est plus pertinent.

Pour autant, cette proposition de loi est transitoire et prévoit la révision du Sdrif selon un calendrier ambitieux ; la concertation ne devra pas s'arrêter aux chambres consulaires et aux conseils généraux, mais aller jusqu'aux communes, compétentes en matière d'urbanisme. C'est ce qui a manqué lors de l'élaboration du schéma 2008.

Les objectifs de ce texte sont de débloquer les projets, de les sécuriser juridiquement et de préserver la liberté des collectivités territoriales. Les amendements déposés par le rapporteur sont cohérents avec eux ; ils permettront la réalisation de projets actuellement bloqués. La dérogation prévue au I ne sera en vigueur que jusqu'au 31 décembre 2013. L'avis des conseils généraux, des chambres consulaires et du Cese régional est rétabli et encadré. Les amendements du Gouvernement ne remettent pas en cause le Sdrif de 1994, mais reconnaissent au projet de 2008 un statut de document d'orientation ; les documents d'urbanisme pourront être incompatibles avec le Sdrif de 1994 dès lors qu'ils sont compatibles avec les dispositions du projet de 2008, celles-ci devant elles-mêmes être compatibles avec la loi relative au Grand Paris.

Je veux insister enfin sur le développement du plateau de Saclay et ses connexions avec Versailles, Paris la Défense, les gares TGV et les aéroports ; c'est une condition essentielle du renforcement de l'attractivité de notre région capitale et de notre pays. La desserte de Massy, Saclay, Saint-Quentin-en-Yvelines et Versailles doit se faire par un métro automatique respectant la zone de protection. (MM. Jacques Gautier et Yves Pozzo di Borgo applaudissent)

Je ne doute pas que nous serons capables de nous rassembler dans l'intérêt de la région et du pays. (Applaudissements à droite)

Mme Bariza Khiari.  - Il y a un an, nous attirions l'attention du secrétaire d'État au Grand Paris d'alors sur la fragilité de son texte. Malgré le savoir-faire de Jean-Pierre Fourcade, nous nous sommes rarement heurtés à tant de mépris. Seul l'État, nous disait-on, était porteur d'une vision stratégique. Il fallait signer vite et des deux mains le projet qui nous était soumis, sans débat public. Seul le Grand Huit avait du sens, rien d'autre ne comptait. Le temps pressait, les tunneliers attendaient... Un an plus tard, toujours pas de tunnelier, nous attendons les conclusions de la commission du débat public... et le décret sur les contrats de développement territorial n'est toujours pas publié. On a confondu vitesse et précipitation...

La région capitale est un territoire à part et mérite une attention particulière de l'État : elle attire de nombreux investissements et s'inscrit dans une concurrence, mais aussi dans une complémentarité avec d'autres métropoles -je pense à Londres.

Dans ce contexte, il est heureux que l'État cherche à investir. Mais il ne peut le faire en niant les acquis de la décentralisation. Les faits nous ont donné raison. Il aura fallu un an de négociations pour parvenir au protocole du 26 janvier. Je rends hommage au sens de l'intérêt général et au pragmatisme de M. le ministre et de M. Huchon.

M. Maurice Leroy, ministre.  - Merci !

Mme Bariza Khiari.  - Cette proposition de loi permet l'articulation entre le Grand Paris et le Sdrif 2008, celui-ci devenant un document de référence. L'Île-de-France fonctionne sur un schéma qui date de vingt ans ; cela n'a pas de sens -le document de 1994 entrave par exemple le développement de tout l'est de Roissy.

Nous avions combattu l'an dernier la relégation du Sdrif. Nous aurions préféré aujourd'hui que le document soit opposable. On risque de voir se multiplier les contentieux. Nous nous rangeons néanmoins à la solution du compromis proposé par la commission, dont je salue le rapporteur.

Beaucoup reste à faire, cependant.

M. Maurice Leroy, ministre.  - C'est vrai !

Mme Bariza Khiari.  - Nous souhaitons un vote consensuel et un examen rapide par l'Assemblée nationale. Ce ne sont plus les tunneliers qui attendent, mais les Franciliens qui espèrent l'amélioration de leur qualité de vie. Cela seulement nous oblige tous. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article unique

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

I. - Par dérogation à l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, les schémas de cohérence territoriale, et en l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme, les cartes communales ou les documents en tenant lieu, lorsqu'ils sont révisés ou modifiés, peuvent être rendus compatibles avec celles des dispositions du projet de schéma directeur de la région d'Île-de-France adopté par délibération du Conseil régional en date du 25 septembre 2008 qui ne sont pas contraires à la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.

M. Maurice Leroy, ministre.  - Merci à tous les orateurs.

Une faculté est mise en place et non une obligation. Le Conseil d'État a souligné l'impossibilité de toute validation législative globale du Sdrif. L'amendement n°12 permet d'éviter le risque d'automaticité ; j'ai compris qu'il était de consensus et va dans le même sens que le mien. Je lui donne un avis favorable et je retire mon amendement.

L'amendement n°5 est retiré.

M. le président.  - Amendement identique n°7, présenté par M. Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Il ne fallait pas créer un système juridique dangereux. La commission propose une autre approche ; j'y suis favorable.

L'amendement n°7 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Braye, au nom de la commission.

Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

I. - Par dérogation à l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, dès lors qu'elles sont compatibles avec les dispositions du projet de schéma directeur de la région d'Île-de-France adopté par délibération du conseil régional en date du 25 septembre 2008 qui ne sont pas contraires à la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, les révisions et les modifications des schémas de cohérence territoriale, des plans locaux d'urbanisme ou des documents en tenant lieu, ou des cartes communales ne sont pas illégales du seul fait qu'elles sont incompatibles avec le schéma directeur de la région d'Île-de-France de 1994.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Cet amendement résulte des échanges approfondis et riches que nous avons eus avec MM. Leroy et Huchon et des travaux de la commission. Nous entendons respecter l'accord du 26 janvier. Toutes les communes doivent pouvoir se mettre en conformité avec le Sdrif 2008 le plus vite possible, selon une procédure la plus légère possible, sans qu'il soit nécessaire pour elles de revoir tous leurs documents d'urbanisme. Cet amendement permet d'atteindre ce double objectif : sécurité juridique et souplesse.

M. Maurice Leroy, ministre.  - Avis très favorable. Je m'engage à défendre cette version devant l'Assemblée nationale.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Nous n'avions pas adopté les amendements du Gouvernement et de M. Fourcade. Celui-ci ne nous satisfait pas totalement, mais nous notons l'évolution.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Nous avons eu une longue discussion sur « peuvent » et « doivent ». Mais la validation législative du Sdrif de 2008 n'était pas possible. Cet amendement va dans le bon sens. Il permet de débloquer des projets et de mettre les documents d'urbanisme en conformité avec le Sdrif 2008 dès lors qu'ils ne sont pas contraires à la loi de 2010. Je remercie M. le ministre et M. Fourcade d'avoir retiré leurs amendements. Nous voterons l'amendement n°12.

M. Charles Revet.  - Quand nous avons débattu du Grand Paris, il a été question de l'axe Seine et de la nécessaire ouverture sur l'océan. Les dispositions ici prévues pourront-elles s'appliquer ?

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Il s'agit ici du schéma directeur de l'Île-de-France. Voulez-vous entrer dans notre région ?

M. Maurice Leroy, ministre.  - Je vous rassure : l'axe Seine conserve toute son importance.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - L'amendement n°1 de M. Braye, que nous allons examiner, est essentiel car il fixe un délai pour l'approbation du nouveau Sdrif. Il est de l'intérêt de la région et des collectivités de voir leurs projets débloqués.

M. Jean Desessard.  - Il s'agit d'un amendement de dernière heure. Les sénateurs Verts étaient attachés à l'obligation. Nous voterons contre.

L'amendement n°12 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Braye, au nom de la commission.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

Cette dérogation s'applique jusqu'à la première approbation d'un schéma directeur de la région d'Île-de-France suivant l'entrée en vigueur de la présente loi et au plus tard le 31 décembre 2013.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Il faut une date butoir pour la dérogation prévue au premier alinéa. Cette date n'est tenable que si le Gouvernement prend le décret avant l'été.

M. Maurice Leroy, ministre.  - Cet amendement réaffirme le caractère dérogatoire et temporaire du dispositif. Le but est d'avoir un Sdrif le plus rapidement possible et avant 2014. Évidemment, le Gouvernement prendra le décret avant l'été. Avis favorable.

L'amendement n°1 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par M. Fourcade.

Après l'alinéa 2

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

Lorsqu'il est fait application des dispositions du premier alinéa, le projet de modification ou de révision est transmis au représentant de l'État dans la région d'Île-de-France qui se prononce, dans un délai de deux mois à compter de la transmission, sur :

1° la non contrariété des dispositions invoquées du projet de schéma directeur de la région d'Île-de-France adopté par délibération du conseil régional en date du 25 septembre 2008 à celles de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris ;

2° la compatibilité du projet de révision ou de modification avec les dispositions invoquées du projet de schéma directeur de la région d'Île-de-France adopté par délibération du conseil régional en date du 25 septembre 2008.

À défaut de réponse dans le délai de deux mois, l'accord du représentant de l'État dans la région est acquis. Mention de la décision ou de l'accord tacite sont publiés, à l'initiative de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale qui en est à l'origine, dans un journal diffusé dans le département.

L'illégalité du schéma de cohérence territoriale, du plan local d'urbanisme ou du document en tenant lieu et de la carte communale ainsi révisé ou modifié, ne peut être invoquée, par voie d'exception, à l'occasion d'un recours administratif ou contentieux formé après l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'entrée en vigueur de ces documents, au motif que les conditions prévues aux 1° et 2° ne sont pas satisfaites.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Cet amendement vise à sécuriser les documents d'urbanisme qui seront modifiés ou révisés en application du premier alinéa de la proposition de loi. Il faut que le représentant de l'État se prononce sur la compatibilité des documents et ce dans un délai court.

M. le président.  - Sous-amendement n°11 rectifié à l'amendement n°8 rectifié de M. Fourcade, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Amendement n° 8 rectifié

1° Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

Lorsqu'il est fait application des dispositions du premier alinéa, le projet de modification ou de révision est transmis au président du conseil régional d'Île-de-France, qui rend un avis dans un délai d'un mois à compter de la transmission, et au représentant de l'État dans la région d'Île-de-France, qui prend une décision dans un délai de deux mois à compter de la transmission. L'avis et la décision susmentionnées portent sur :

2° Alinéa 6, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

A défaut de réponse dans les délais mentionnés au troisième alinéa, la décision du représentant de l'État dans la région ou l'avis du président du conseil régional sont réputés favorables.

Mme Nicole Bricq.  - Avant que le préfet ne se prononce, le président de région doit pouvoir formuler un avis -consultatif évidemment.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Avis favorable sur le sous-amendement et l'amendement.

M. Maurice Leroy, ministre.  - Avis favorable sur le sous-amendement n°11 rectifié : le président du conseil régional doit pouvoir donner son avis, sans que cela ait des conséquences sur les délais : un mois, c'est acceptable. En outre, le préfet disposera de deux mois pour se prononcer.

Avis favorable à l'amendement n°8 rectifié, ainsi sous-amendé ; son dernier alinéa permettra de purger les contentieux.

Le sous-amendement n°11 rectifié est adopté.

L'amendement n°8, sous-amendé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Braye, au nom de la commission.

Alinéa 3

Supprimer les mots :

et du schéma d'ensemble du réseau de transport public du Grand Paris mentionné au II de l'article 2 de cette même loi

M. Dominique Braye, rapporteur.  - L'article 4 de la loi relative au Grand Paris précise que les projets d'infrastructures qui mettent en oeuvre le schéma d'ensemble du réseau de transport public du Grand Paris sont déclarés d'utilité publique par décret en Conseil d'État et constituent, à compter de la date de publication de ce décret, un projet d'intérêt général. En conséquence, la disposition qu'il est proposé de supprimer est superfétatoire.

M. Maurice Leroy, ministre.  - Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

L'amendement n°2 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Braye, au nom de la commission.

Alinéa 5

Après les mots :

Grand Paris

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

vaut nouvelle mise en révision du schéma directeur de la région d'Île-de-France. 

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Amendement de clarification juridique.

L'amendement n°3, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Braye, au nom de la commission.

Alinéa 6, première phrase

Remplacer cette phrase par trois phrases ainsi rédigées :

Cette révision est effectuée par la région Île-de-France en association avec l'État selon les règles fixées à la seconde phrase du sixième alinéa et au septième alinéa de l'article L. 141-1 du code de l'urbanisme. L'avis visé à la seconde phrase du sixième alinéa est rendu dans un délai de deux mois à compter de la transmission par le conseil régional du projet de schéma directeur de la région d'Île-de-France. À l'expiration de ce délai, l'avis est réputé favorable.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Le Sdrif a donné lieu à une très longue concertation et Mme Voynet nous a dit que les collectivités n'étaient pas prêtes à recommencer pour dire la même chose. Elles auront un délai de deux mois pour se prononcer.

M. le président.  - Sous-amendement n°10 à l'amendement n° 4 de M. Braye, au nom de la commission, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Amendement n° 4, alinéa 3, première phrase

Remplacer les mots :

à la seconde phrase du

par le mot :

au

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Il est impossible de faire l'impasse sur la procédure normale de révision du Sdrif. En 2005, le Cese régional ne s'est pas privé d'émettre des avis. D'ailleurs, comme l'a relevé le Conseil d'État, le projet de 2008 doit être profondément revu. L'avenir de la région capitale à l'horizon 2025 est en jeu !

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 6, première phrase

Remplacer les mots :

au septième alinéa

par les mots :

aux sixième et septième alinéas

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Il est présenté.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - La révision lancée en 2005 a donné lieu à une vaste concertation, et l'avis des interlocuteurs n'a sans doute pas changé depuis.

Veut-on des réunions pour des réunions ? Retrait ou rejet du sous-amendement et de l'amendement.

M. Maurice Leroy, ministre.  - La proposition de loi prévoit une procédure de révision simplifiée du Sdrif, conformément aux voeux exprimés par Mme Voynet.

Avis défavorable au sous-amendement n°10 et à l'amendement n°9. Les collectivités ont déjà donné ! (Exclamations sur les bancs du groupe CRC) Adressez-vous au président du conseil général du Val-de-Marne !

Avis très favorable à l'amendement n°4.

M. Laurent Béteille.  - Je comprends les préoccupations du groupe CRC, même si je ne voterai pas le sous-amendement, compte tenu des délais. Nous ne sommes pas là pour valider législativement le Sdrif 2008 ; le futur Sdrif sera différent, et les communes, compétentes en matière d'urbanisme, doivent pouvoir s'exprimer.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Il s'agit exclusivement ici du Cese, des conseils généraux et des chambres consulaires ; les communes ne sont pas concernées.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Le texte initial privait les conseils généraux de toute intervention. Le compromis trouvé par la commission est acceptable, si nous voulons tenir le délai de 2013.

Le sous-amendement n°10 n'est pas adopté.

L'amendement n°4 est adopté.

L'amendement n°9 devient sans objet.

L'article unique, modifié, est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par MM. Paul et Leclerc, Mme B. Dupont, MM. Dulait et Beaumont, Mme Lamure, MM. Doligé, du Luart et Lefèvre, Mme Sittler, M. Béteille, Mme Rozier et MM. Laurent, Doublet, Revet, Cléach, Grignon, Leroy, P. André et B. Fournier.

Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au troisième alinéa de l'article L. 642-8 du code du patrimoine, les mots : « en cours de révision » sont remplacés par les mots : « en cours d'élaboration ou de révision ».

M. Philippe Paul.  - Ce problème concerne toute la France, et notamment l'Ile-de-France.

L'article 28 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement a modifié le code du patrimoine pour instituer des « aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (Avap) », destinées à remplacer les « zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) ».

L'article L. 642-8 du code du patrimoine, qui précise les conditions du passage d'une procédure à l'autre, prévoit que les ZPPAUP « en cours de révision » sont instruites conformément à la nouvelle procédure lorsqu'elles n'ont pas encore fait l'objet d'une enquête publique. Cette disposition permet d'approuver immédiatement la révision dès lors que celle-ci a été réalisée. Elle a toutefois involontairement oublié le cas des ZPPAUP en cours d'élaboration qui ont été soumises à enquête publique avant la publication de la loi.

Cet amendement vise à réparer cet oubli.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Avis favorable : il faut réparer cet oubli de la loi Grenelle II. En tant que rapporteur, j'avais été sensible aux arguments de M. Ries en faveur des PLU.

M. Maurice Leroy, ministre.  - Sagesse.

L'amendement n°6 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Interventions sur l'ensemble

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Ce débat nous a permis de revenir sur le blocage inqualifiable du Sdrif de 2008. Il était temps d'y remédier ! Cette proposition de loi permettra aux collectivités de rendre leurs documents d'urbanisme conformes au Sdrif, à condition qu'ils soient compatibles avec la loi sur le Grand Paris et n'empêchent pas la conclusion d'un CET. Tout serait plus simple si le Sdrif avait été transmis au Conseil d'État en temps et en heure !

Reste à appliquer la loi de 2010. L'aménagement du périmètre autour des gares reste problématique. Cette loi éloignera du centre les populations défavorisées. L'État devait financer la rénovation des infrastructures existantes. Le Grand Paris correspond à une recentralisation active de l'aménagement du territoire. Je regrette que notre amendement sur la procédure de révision du Sdrif ait été rejeté. Le projet du Grand Paris laisse sur le bord du chemin 1,2 millions de Franciliens.

Le groupe CRC s'abstiendra.

M. Jean Desessard.  - La situation actuelle est ubuesque : l'aménagement de l'Île-de-France est régi par un texte vieux de dix-sept ans ! Pourtant, en 2008, la région a adopté un schéma d'avenir. Mais, au mépris de la loi, le président de la République a décidé que lui seul avait une vision de l'avenir de l'Île-de-France. Le Gouvernement a bloqué l'adoption du Sdrif et fait voter la loi sur le Grand Paris. Le Conseil d'État n'a pu que constater que le Sdrif de 2008 était contradictoire avec la loi.

C'est ainsi que de nombreux projets sont bloqués. L'accord du 26 janvier laisse en suspens des points cruciaux : desserte de l'est de Paris, préservation des terres du plateau de Saclay, dessaisissement des élus locaux.

Je regrette qu'un amendement adopté autorise des projets conformes au Sdrif de 1994 ou à celui de 2008 : cela me fait craindre un recul environnemental.

Les écologistes s'abstiendront.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Comment passer sous silence les méthodes du président de la République et du président Huchon ? Celui-ci a bafoué ses engagements de campagne et la volonté du conseil régional. On laisse les mains libres à la SGP, pour faire de Paris une ville monde, au profit des grands groupes économiques.

M. Maurice Leroy, ministre.  - Quelle modération !

Mme Marie-Agnès Labarre.  - L'État rechigne à financer les infrastructures locales et les rénovations. Le grand huit sera préféré à tout autre projet. Il s'agit d'une véritable forfaiture ! (M. le ministre s'exclame)

Enfin toute infrastructure nouvelle engendre des dépenses nouvelles en fonctionnement. Le coût d'exploitation supplémentaire du Grand Paris est chiffré à 1,2 milliard annuel... De quelque manière que l'on prenne les chiffres, il manque toujours 400 millions par an !

M. Jean-Pierre Caffet.  - Encore un coup du FMI !

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Autour de chaque gare confiée à la SGP, 50 hectares alimenteront la spéculation immobilière ! Le parti de gauche s'abstiendra sur cette proposition de loi qui valide le Grand Paris.

Mme Catherine Tasca.  - Je salue l'excellent travail de Mme Bricq et de M. le rapporteur, signe de la valeur et de l'intérêt de l'initiative parlementaire.

Il fallait sortir du blocage sur le Sdrif de 2008, qui empêche de nombreuses collectivités locales de réaliser leurs projets ; c'est le cas actuellement dans les Yvelines. Cette proposition de loi prévoit un dispositif transitoire, heureuse issue qui ne vaut pas validation globale de la loi de 2010.

Beaucoup reste à faire pour que le Grand Paris réponde aux attentes des Franciliens et de leurs élus. Il faudra être très vigilant sur les contrats de développement territorial, qui doivent être élaborés en concertation avec les élus locaux.

Le groupe socialiste votera avec fierté cette proposition de loi et souhaite sa large approbation. (Applaudissements)

La proposition de loi est adoptée.

M. Maurice Leroy, ministre.  - Je remercie Mme Bricq et le groupe socialiste d'avoir déposé ce texte. L'initiative parlementaire est une excellente chose. Merci aussi à la majorité sénatoriale.

Comme l'a dit Mme Tasca, tout reste à faire. Il est possible d'aller vite, dans la concertation. J'ai demandé au préfet de région une vraie concertation avec les élus sur les CDT. Les élus, ça compte !

Je m'engage à ce que cette proposition de loi soit transmise dans les meilleurs délais à l'Assemblée nationale. Je défendrai le texte du Sénat. (Applaudissements à droite)

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Merci à tous les participants à ce débat. Je m'étais engagé à appliquer le protocole d'accord.

C'est le dernier rapport que je présente à la Haute assemblée. J'en profite pour remercier les fonctionnaires de très grande qualité qui m'ont aidé au sein de la commission. (Applaudissements)

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie.  - Je remercie les auteurs de cette proposition de loi, le ministre et le rapporteur. Nous avons tous la volonté d'aboutir : le fait est suffisamment rare pour être salué !

La commission se réunira quinze minutes avant la reprise de ce soir pour examiner un amendement qui devrait donner satisfaction à plusieurs de nos collègues.

La séance, suspendue à 19 h 10, reprend à 19 h 15.

Renvoi pour avis

M. le président.  - J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des lois.

Réserves militaires et civiles

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure.

Discussion générale

M. Michel Boutant, auteur de la proposition de loi.  - Cette proposition de loi que je présente avec Mme Garriaud-Maylam, est le résultat d'une mission sur l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure. La France doit se préparer à des crises de toute nature : militaire, sanitaire, sécuritaire, etc. Le danger se présentera sous une forme sans doute imprévue.

Nous avons dressé un bilan de la situation des réserves militaires et civiles, qui constituent d'une part un aspect ponctuel dans le cadre d'actions programmées -la gendarmerie recourt à plus de 1 000 réservistes par jour- et qui d'autre part interviennent en cas de crise.

Dans les premières heures d'une crise, les professionnels interviennent, mais ensuite les réservistes permettent une rotation des effectifs. Cela fonctionne dans les états-majors des zones de défense, et on a vu leur bonne réactivité lors de Xynthia.

En cas de crue de la Seine, il faudrait évacuer 800 000 personnes ; en cas de crise terroriste, il faudrait sécuriser des milliers de sites : d'où la nécessité de disposer de réservistes formés.

Or, la disponibilité réelle des réservistes n'est pas vérifiée. Un réserviste peut appartenir à plusieurs réserves. En outre, il peut avoir un métier fortement sollicité en cas de crise, dans la police ou des entreprises comme France Télévisions, la SNCF ou EDF. Il faut savoir sur qui compter.

Le deuxième constat est l'absence de réactivité des réservistes en cas de crise. Le réserviste doit prévenir son employeur avec un préavis d'un mois et celui-ci peut refuser une absence de plus de cinq jours.

Nous avons voulu permettre de mobiliser des réservistes plus vite pour des durées plus longues, sans alourdir les obligations pesant sur eux ou leurs entreprises. Il s'agit de circonstances exceptionnelles. L'état d'urgence n'est pas adapté, non plus que la mobilisation générale, en cas de pandémie ou de crise terroriste.

D'où un régime juridique d'exception temporaire. La réserve de sécurité nationale que nous proposons se distingue des régimes d'exception existants, dont nous contournons la modernisation. Un décret définira le délai de préavis et la durée de mobilisation. Les réservistes pourront ainsi être compris dans les planifications.

Il ne s'agit pas de les mobiliser tous les quatre matins mais en cas de crise majeure : lorsque la continuité des services de l'État, lorsque la sécurité du pays ou lorsque la capacité de survie de la population sont en cause.

Dans ces circonstances seulement, les réservistes devront se rendre aux convocations sous peine d'amende.

Le Livre blanc préconisait une gestion interministérielle, mais les réservistes sont attirés à la fois par un engagement volontaire, mais aussi par le métier qu'ils ont choisi de servir. Il faudrait harmoniser les règles, s'agissant des préavis ou de la durée de mobilisation.

Tout dépend de la qualité des relations avec les employeurs : d'où l'extension à ceux-ci des dispositions relatives au mécénat. La commission l'a refusée ; je comprends les réticences du rapporteur, mais je crois que des actions doivent être menées pour valoriser les entreprises qui emploient des réservistes.

Les entreprises sont également au coeur d'un des amendements de la commission concernant la rénovation du service de défense. Cette rénovation permettra, en cas de crise, aux opérateurs d'importance vitale de maintenir dans leur poste les salariés participant au plan de continuité d'activité et de les exempter de toute mobilisation. C'est une bonne chose : on l'a vu lors de Xynthia.

En conclusion, ce texte peut être utile, mais une fois adopté il faudra aller dans deux directions. La première direction, c'est d'entreprendre une nouvelle étape dans la définition et la gestion d'une réserve militaire plus compacte, plus réactive et mieux formée. Quelles sont vos initiatives dans ce domaine, monsieur le ministre ? La seconde direction concerne la nécessité de renforcer les réserves civiles.

De nombreux chantiers ont été ouverts par vos prédécesseurs. Le moment de la décision est venu. Comment les réservistes vont-ils s'intégrer ?

Les réserves civiles doivent également être mieux définies. Leur création est récente, il est vrai. Les retours d'expérience montrent qu'on ne dispose pas de réserves suffisantes sur le plan sanitaire. Même chose pour ce que j'appelle l'après après-crise. Une fois que les secours d'urgence ont été apportés, et que les projecteurs des médias se sont éteints, les victimes se sentent démunies et alors les bonnes volontés ne suffisent pas pour dégager les voies de circulation ou les habitations. Cette proposition de loi devrait être complétée par une modification du code des collectivités territoriales.

Il faudrait donc établir des plans communaux de sauvegarde intégrant des réservistes, créer des réserves départementales de sécurité civile, rémunérer les réservistes communaux comme les autres, mettre en place une réserve de de protection civile pour renforcer les effectifs des préfectures.

J'invite le ministre de l'intérieur à se saisir de ce dossier.

En attendant, je souhaite que ce texte apporte sa modeste contribution pour répondre à des crises nationales ou internationales. Je vous demande donc de bien vouloir voter ce texte. (Applaudissements à droite et sur les bancs socialistes)

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères et rapporteur de la proposition de loi.  - Je remercie M. Boutant et Mme Garriaud-Maylam pour le remarquable travail qu'ils ont effectué. En étudiant la situation des réserves en période de crise, ils ont pris ce problème de la bonne façon : les crises sont des moments de vérité.

Si demain la France connaissait le même drame que le Japon ou si elle subissait une vague d'attentats disposerait-elle de suffisamment de réserves ? Rien n'est moins sûr.

En matière de recrutement, d'entraînement et d'affectation, il faut s'interroger sur les forces dont notre pays a besoin.

Les armées se sont professionnalisées. Il nous faut donc une réserve professionnelle, le temps n'est plus à la mobilisation générale.

Les menaces qui pèsent sur notre pays sont autant civiles que militaires. Le dispositif de sécurité nationale offre une bonne réponse à nos interrogations. Les réserves militaires doivent rester dans le domaine militaire. Une projection massive et simultanée de nos forces sur plusieurs théâtres d'action ne peut se concevoir sans nos réserves.

L'actualité témoigne tous les jours que de telles projections sont possibles. Cela ne contredit pas le fait que lors de catastrophes naturelles, les armées doivent se mettre à disposition des civils. On l'a vu lors de la tempête Xynthia.

Les pouvoirs publics doivent pouvoir assurer la continuité de l'État. Dans le Japon meurtri, l'État a du mal à rétablir les services publics de base. Ce texte est pragmatique et utile. Il permet au Premier ministre de mobiliser des réservistes de choix. Il s'agit de réquisitionner des volontaires : étrange paradoxe sans doute.

La commission a adopté le texte à l'unanimité ; elle a cependant rejeté l'incitation fiscale prévue. Sur le fond, il est normal d'aider les employeurs qui acceptent de se séparer de leurs salariés vingt jours par an, mais la disposition fiscale prévue risquait d'être difficile à mettre en oeuvre. De toute façon il est désormais de bonne méthode d'inscrire ce genre de mesures dans des lois de finances.

La qualité des réservistes dépendra de la qualité des relations entre l'État et les entreprises qui les emploient. On ne réquisitionnera pas les réservistes indispensables au bon fonctionnement de l'administration et des entreprises fournissant des services stratégiques (transports, communications). Il faudra rénover le service de défense, pour assurer en toutes circonstances la continuité de l'État et des services publics vitaux.

On a parfois douté de la capacité d'initiative du Parlement. Le travail de nos collègues apporte un démenti: ils ont travaillé pendant un an à l'élaboration de ce texte avec le Secrétariat général de la défense. Cette proposition de loi est le fruit d'un dialogue entre l'exécutif et le législatif.

Ce texte devra être accompagné d'une remise à plat de notre politique des réserves. Avons-nous besoin d'un million de journées d'activité par an ? Pourrons-nous former 40 000 réservistes par an ? Rien ne sert de faire du chiffre. Soixante pour cent des réservistes qui ne renouvellent pas leur contrat ont fait moins de cinq jours l'année précédente.

Il faut améliorer la gestion des réservistes : longueur des délais de paiement, lourdeur des procédures. La meilleure valorisation des réservistes, c'est leur satisfaction. Enfin, il faut redéfinir le contrat des réservistes qui, aujourd'hui, est trop ambigu. Il est anormal qu'il faille dissimuler à son entreprise qu'on sert son pays ! Les réservistes font l'essentiel de leur activité le week-end et durant leurs vacances. Mais une crise ne tombe pas forcément le dimanche !

À Terme, il faudra harmoniser les statuts des différents réservistes. Nous vous demandons de bien vouloir réfléchir à un contrat tripartite à temps partiel pour les réservistes, comme au statut des disponibles, ces anciens militaires d'active soumis à une obligation de mobilisation durant cinq ans. Dotons-nous d'une véritable politique de réserve.

Je vous invite à adopter ce texte. Ayons une pensée pour nos soldats en opération en Afghanistan et en Libye mais aussi les réservistes qui servent notre État à l'étranger. Churchill disait qu'un réserviste sert deux fois son pays : il avait raison. (Applaudissements à droite)

M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants.  - Je souscris totalement à la présentation du texte de M. Boutant et aux observations présentées par M. de Rohan.

Il s'agit d'un travail parlementaire à la suite du Livre blanc. Le Gouvernement le soutient totalement et accepte les pistes de réflexion ouvertes par MM. Boutant et de Rohan même si je ne peux apporter ce soir toutes les réponses.

Je veux rendre hommage aux 33 000 réservistes qui s'engagent volontairement au bénéfice de la collectivité.

Le Gouvernement soutient votre texte car il est équilibré, réaliste, sans qu'il épuise la totalité du sujet. Il place les réservistes sous l'autorité des ministères concernés. Et il permet de les mobiliser en cas de catastrophe naturelle.

Les entreprises qui assurent la continuité des services publics doivent pouvoir garder leurs salariés, monsieur de Rohan.

Vous avez évoqué les relations avec l'employeur et un contrat tripartite. C'est une piste intéressante, mais qui demandera réflexion... Je reprends un dossier que mes prédécesseurs ont géré : si vous avez travaillé avec le Secrétariat général de la défense, mon ministère a confié à l'état-major des armées, au contrôle général et à l'Inspection générale des armées des études dont les résultats pourraient être communiqués en mai, peut-être à l'occasion de la journée nationale des réservistes.

Dès cet été, le ministère créera à titre expérimental des unités de réservistes mis à disposition des délégués militaires départementaux. Je rappelle que les états-majors des zones de défense sont composés majoritairement de réservistes.

Dans le secteur privé, votre commission a eu la sagesse de ne pas envisager de crédit d'impôt ou de formule de mécénat. Nous allons faire une campagne de communication autour des entreprises qui emploient des réservistes et qui doivent utiliser d'utiliser le logo d'entreprises partenaires de la défense. Nous les mettrons en valeur en créant un prix de « l'entreprise réserviste ».

Nous allons passer des conventions avec trois grandes entreprises qui salarient des réservistes.

Vous avez raison, monsieur de Rohan : il ne s'agit pas de faire du chiffre mais de la qualité : les réservistes doivent être valorisés en étant employés selon leur qualification.

Nous avons un objectif d'un million de journées de réservistes. Si nous atteignons 400 000 réservistes, cela permet de financer 25 journées par an. 60 % des non-renouvellements s'expliquent par une mobilisation de moins de cinq jours : il ne faut pas décourager les bonnes volontés.

Les procédures doivent être moins lourdes. Nous y veillons.

Le travail de M. Boutant est soutenu par le Gouvernement et nous allons approfondir le sujet. Une société ne saurait être la somme d'individualités. Faire en sorte que les réservistes ne soient plus des clandestins dans les entreprises : il n'y a pas de société si une minorité de citoyens au moins ne se consacre pas à la collectivité. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Michelle Demessine.  - Le drame du Japon nous incite à réfléchir au rôle des réservistes en France. De l'excellent rapport d'information de Mme Garriaud-Maylam et de M. Boutant, il ressort que nos réserves ne sont pas bien organisées.

Cette proposition de loi a pour ambition d'améliorer le dispositif mais elle ne tient pas compte de l'état réel de nos réserves. Elle aboutit à mettre sur le même plan réserves civils et militaires sans avoir identifié les besoins et les missions.

Certes, M. de Rohan, au nom du continuum sécurité/défense, rappelle que la frontière entre les deux réserves est devenue floue. Mais je ne suis pas d'accord : priorité est donnée à la gestion des crises et le rôle des réserves militaires opérationnelles n'est pas sérieusement envisagé.

Cette proposition de loi permettra d'utiliser les réserves militaires lors de catastrophes civiles. Or les militaires interviennent déjà, comme on l'a vu à l'occasion de la tempête de 1999 ou de la tempête Xynthia. Rien ne sera fondamentalement changé à la situation des réserves, sauf peut-être de leur imposer une obligation.

En réalité à cause de la RGPP qui a réduit les effectifs des forces armées et de sécurité il sera nécessaire de faire appel à des supplétifs.

Cette proposition de loi n'est pas à la hauteur de la politique de révision des réserves évoquée dans le rapport d'information. Le format de la réserve est conçu en fonction d'impératifs budgétaires. Le Livre blanc prévoyait 40 000 réservistes opérationnels. Masi les effectifs diminuent sans cesse. Le projet de loi de finances a maintenu la dotation, déjà insuffisante : arrivera-t-on à 22 jours d'activité, un minimum ?

Cette proposition de loi a le mérite d'attirer l'attention sur la nécessité d'avoir des réserves, mais son défaut est d'envisager des hypothèses purement théoriques.

L'organisation de la réserve militaire ne correspond plus à la réalité. Le texte de la commission tente de répondre sur le plan juridique.

Tant que la réserve civile n'aura pas vu le jour, nous légiférons sur du virtuel. Pour toutes ces raisons, le groupe CRC-CRC s'abstiendra.

M. Didier Boulaud.  - Cette proposition de loi est le fruit d'une coproduction législative rare et remarquable : rapport d'information, suivi de ce texte. Un nouveau régime juridique est prévu pour une plus grande réactivité des réservistes.

Nous soutenons les préconisations de bon sens du rapport et nous approuvons la proposition de loi, qui a une portée modeste. Beaucoup reste à faire pour que les réserves soient opérationnelles.

Le groupe socialiste veut interroger M. le ministre.

Le concept de continuum sécurité/défense est nébuleux ; il figurait dans le Livre blanc, dont la révision est incontournable, étant donné les récents bouleversements mondiaux et l'état de nos finances publiques.

Deuxième remarque : les réserves civiles et militaires doivent pouvoir être utilisées en cas de crise. Mais il faut une doctrine d'emploi dont nous devrions débattre publiquement. 

L'État, incapable d'assurer ses fonctions régaliennes, va-t-il faire appel aux réservistes à cause de la RGPP ? Ce serait une mauvaise réponse.

S'agit-il d'utiliser les réservistes en tant que forces d'appoint ? L'état actuel de nos réserves ne permet pas de faire face à des crises majeures.

J'en viens au budget, tout juste suffisant pour la réserve militaire. Si on veut une réserve civile et militaire bien formée, il faut un budget. Est-ce au ministère de la défense de financer l'intégralité de ces dépenses ? Pourquoi pas une ligne budgétaire spéciale, comme pour le financement des Opex ?

Le groupe socialiste votera ce texte qui constitue un premier pas et je félicite Mme Garriaud-Maylam et M. Boutant pour leur travail de pionniers.

M. Jean-Marie Bockel.  - Mon statut de réserviste opérationnel et mes anciennes fonctions de secrétaire d'État m'amènent à approuver cette proposition de loi.

La France doit pouvoir affronter des crises majeures comme des risques technologiques, et je pense au Japon. Dans ma région, caractérisée par un risque sismique, les pouvoirs publics ont adopté des dispositifs de crise avec des plans communaux de sauvegarde faisant appel aux réservistes.

Aurions-nous les moyens demain de faire face à une crise majeure ? À partir d'une certaine ampleur et d'une certaine durée, le recours aux réservistes serait indispensable.

Avec 115 000 réserves théoriques, les effectifs sont importants. C'est un vivier de compétences, dans tous les domaines, à conforter.

Il faut s'employer à introduire plus de souplesse dans la mobilisation des salariés réservistes des entreprises. En cas de crise aigüe, la réponse doit être immédiate. Passer des conventions avec des entreprises peut apporter une sécurité juridique.

Il est fondamental de ne pas décourager les réservistes et d'encourager les vocations. Un gros effort de communication doit être fait. La journée nationale des réservistes peut en fournir l'occasion.

Les réservistes doivent être mieux reconnus, y compris au plan financier. La proposition de loi prévoyait une incitation fiscale aux entreprises : il faudra y revenir. Les moyens budgétaires sont indispensables pour fidéliser les réservistes. Ces crédits servent parfois de variables d'ajustement.

Je suis convaincu de l'utilité de la réserve nationale et je souscris à ce texte, de même que le groupe RDSE. Il faudra aller plus loin, s'agissant notamment de la gouvernance et de la coordination des réserves. (Applaudissements)

Mme Gisèle Gautier.  - Au nom du groupe UMP, je rends hommage à Mme Garriaud-Maylam et M. Boutant pour leur rapport lucide, objectif et pragmatique.

Après le bilan doit venir la décision politique. La France doit faire face à des menaces plus grandes et plus diffuses, d'ordre terroriste, humanitaire, naturel, technologique... La professionnalisation des armées a substitué à une réserve de masse de trois millions d'hommes, ce que certains ont appelé « l'armée fantôme », une réserve militaire de 60 000 professionnels opérationnels. S'y ajoutent les réserves civiles et de la police nationale.

Je me réjouis du consensus en commission : preuve de la nécessité de légiférer.

L'État, en cas de crise grave, doit assurer la continuité des services publics et la sécurité des citoyens. Les réserves peuvent alors servir de renfort et de relève. Cela suppose de revoir les modalités de leur gestion. Les états-majors doivent en particulier disposer de données mises à jour annuellement ; sans elles, ils ne pourront anticiper, définir les besoins en forces actives et projeter immédiatement les réservistes.

Les réserves sont aujourd'hui sous-employées, d'où la démotivation des réservistes. Leur fidélisation est un défi à relever. Il faut encourager les entreprises à employer des réservistes. Le label « défense » est-il pertinent ? J'en doute.

La réserve est l'expression concrète du lien entre l'armée et la nation. Elle prend tout son sens dans un contexte de disette budgétaire. La réserve sanitaire, encore au stade embryonnaire, doit être développée, pour pallier à la désertification médicale et accompagner les personnes âgées isolées ou dépendantes, notamment dans les périodes -je pense aux mois d'été- où les services de secours sont débordés.

En cas de catastrophe, les réserves communales sont incontournables, car elles connaissent parfaitement le terrain ; j'ai pu le constater lors de la tempête Xynthia. Elles peuvent jouer un rôle très important pendant la crise mais aussi après, lorsqu'il faut organiser la vie quotidienne dans les zones sinistrées. Encore faut-il les recenser, les structurer et les organiser.

Le groupe UMP votera ce texte. Mais nous ne sommes qu'au début de la réforme. Il revient au ministère de transformer l'essai. Monsieur le ministre, à vous de jouer ! (Applaudissements à droite)

M. Gérard Longuet, ministre.  - Je regrette l'abstention de Mme Demessine mais je la comprends comme un hommage au texte.

Monsieur Boulaud, les efforts sur la réserve ne sont pas les conséquences des carences de l'État. Le ressort de la réserve est avant tout une éthique individuelle et collective. C'était d'ailleurs l'esprit de l'intervention de M. Bockel ; l'expérience, dans sa ville, des réserves communales est éclairante.

Oui, madame Gauthier, c'est à nous de jouer. Nous ferons en sorte d'identifier les réservistes immédiatement utilisables. Je regrette que vous n'approuviez pas l'idée du label « Défense » : j'essaierai de vous montrer qu'il est possible, grâce à la communication, d'encourager le civisme des employeurs.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté, de même que l'article 2.

Les articles 3 et 4 demeurent supprimés.

L'article 4 bis est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères et rapporteur de la proposition de loi.  - Je remercie les auteurs de ce texte pour leur travail remarquable. Lorsque les trois rapports promis nous aurons été remis, je souhaite que M. le ministre vienne les commenter devant nous. Il reste beaucoup à faire pour le réserve disponible ; la réserve citoyenne, quant à elle, doit être totalement refondée -je ne suis pas certain de son apport réel. Elle permet en tous cas de resserrer le lien entre l'armée et la nation. Ces rapports doivent fonder une véritable politique des réserves. Nous l'attendons avec impatience. (Applaudissements à droite)

M. Michel Boutant.  - Je remercie les colonels Trochu et Luttens pour leur aide. Comme disait Churchill, un réserviste est deux fois citoyen !

L'ensemble de la proposition de loi est adoptée.

La séance est suspendue à 20 heures 50.

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

La séance reprend à 22 h 50.

CMP (Candidatures)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.

Cette liste a été affichée.

Demande d'inscription à l'ordre du jour

Mme la présidente.  - En application de l'article 50 ter de notre Règlement, M. Jean-Pierre Bel, président du groupe socialiste, a demandé l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de résolution, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative à la tenue des sessions plénières du Parlement européen à Strasbourg, déposée le 15 mars 2011. Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de notre Conférence des Présidents qui se tiendra le mercredi 6 avril 2011.

Urbanisme commercial

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'urbanisme commercial.

Demande de réserve

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie.  - Je demande la réserve des amendements nos4, 5, 2 et 3, qui traitent des critères de saisine des CDAC, après l'article 8.

Je demande aussi la réserve sur les amendements nos43, 103, 55, 59, 41 et 60, ainsi que de l'amendement à l'article 2 que la commission vient d'adopter sur la commission consultative sur l'aménagement commercial. Il me parait plus opportun d'en discuter après l'article 5.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Avis favorable.

La réserve est de droit.

Discussion générale

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Depuis plus de trente ans, les législateurs et les ministres ont tenté de résoudre le problème de l'urbanisme commercial. Les lois se sont succédé sans trouver d'équilibre entre les grandes et petites surfaces, les centres-villes et les périphéries. Le sujet est donc complexe. Tous les maires font le même constat : la multiplication des supermarchés en périphérie et la difficulté du maintien des commerces en centre-ville.

La loi de modernisation économique (LME) n'a pas permis une meilleure cohérence urbaine. Le but de ce texte était économique et commercial et pas à visée urbanistique.

Les équipements commerciaux sont de grands consommateurs de foncier urbain et entraînent d'importants déplacements ; or ils sont souvent mal intégrés. Ce n'est pas seulement une question d'architecture. Le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi, qui transfère les autorisations d'ouvertures commerciales du code du commerce au code de l'urbanisme.

Les élus doivent disposer de l'ensemble des outils pertinents dans leurs documents d'urbanisme : transport, commerce, habitat, etc.

En fonction des situations locales, les problèmes sont différents. Dans ma ville, Châlons-en-Champagne, j'ai une double problématique : l'équilibre entre centre-ville et périphérie et le risque d'évasion commerciale vers Reims. Nous devons développer notre périphérie pour éviter l'évasion tout en maintenant le commerce en centre-ville.

Aujourd'hui, les maires disposent d'outils importants. Le projet urbain permet d'équilibrer les territoires. Dans ma ville, nous avons eu en centre-ville une action très dynamique. M. Ollier, quant à lui, utilise le droit de préemption urbain régulièrement pour organiser le commerce en centre-ville.

Renforcer les documents d'urbanisme nous permettra d'asseoir les pouvoirs des élus. Seules des règles d'urbanisme doivent guider nos choix et non des objectifs économiques.

Les choix économiques et commerciaux ne peuvent figurer dans les règles d'urbanisme. Pour le Gouvernement, l'introduction de la question de la typologie pose problème. N'est-ce pas introduire dans un document d'urbanisme des questions économiques ou commerciales ? La discussion nous permettra d'aboutir à un consensus sur le sujet, je l'espère...

Deuxième question importante, celle des surfaces. Les débats LME ont été longs sur les seuils. Beaucoup de sénateurs voudraient les revoir. Nous passons d'un seuil de 1 000 m² de surface de vente à 1 000 m² de surface hors oeuvre nette (Shon), soit une diminution de la surface de vente. Pour le Gouvernement, on ne peut revenir à 300 m² sans encourir les foudres de Bruxelles.

Un schéma de cohérence territoriale (Scot) n'est pas la bonne échelle pour apprécier l'impact d'une petite construction.

Autre sujet sur lequel nous ne sommes pas d'accord : la période transitoire. Tant que les documents d'urbanisme n'ont pas été élaborés, le droit issu de la LME doit rester applicable.

Il nous faudra essayer de trouver une solution équilibrée, même si le sujet est délicat.

Je salue le travail accompli par la commission, malgré nos désaccords. Elle a même passé les frontières pour voir si ce texte était compatible avec la législation européenne. Ce travail s'est fait souvent au détriment du Gouvernement. Ce n'est pas un drame ! Nous allons essayer de rapprocher nos points de vue durant l'examen de ce texte. Le Gouvernement souhaite que l'urbanisme commercial intègre les documents d'urbanisme. La France ne peut plus continuer à avoir des urbanismes sectoriels ; il faut réunifier l'ensemble. Nous avons commencé avec le Grenelle de l'environnement, nous continuons aujourd'hui et nous poursuivrons demain.

L'urbanisme commercial doit devenir une composante essentielle de l'urbanisme. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Dominique Braye, rapporteur de la commission de l'économie.  - Notre incapacité collective au cours des trente dernières années à penser le commerce a produit des entrées de villes d'une profonde laideur, tandis que les centres-villes se vidaient de leurs commerces.

M. Roland Courteau.  - C'est vrai.

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Nous avons été incapables de changer la donne. Nous devons certes être modestes mais aussi volontaires et déterminés ; il faut renoncer aux demi-mesures pour mettre un terme à cette évolution. Cette proposition de loi peut être l'outil qui permettra de faire changer les choses. Pourquoi notre pays serait-il incapable de régler ce problème que de nombreux pays européens ont réglé depuis longtemps ? Allez dans les pays du nord de l'Europe pour voir des villes où il fait bon vivre !

Le respect du droit européen impose d'abandonner les critères économiques en matière commerciale. Il n'est plus possible de discriminer les commerces en fonction de leurs destinations.

La Commission européenne est sourcilleuse sur toutes ces questions, notamment en ce qui concerne les seuils de surfaces.

Cette proposition de loi réalise l'intégration de l'urbanisme commercial dans le droit commun de l'urbanisme. Désormais, une seule autorisation d'urbanisme (permis de construire, permis d'aménager ou déclaration préalable selon la nature du projet) sera nécessaire. Pour réaliser cette intégration, ce texte s'appuie sur les Scot et les documents d'aménagement commercial (DAC), volet connexe des Scot. À terme, tous les territoires disposeront d'un outil d'aménagement commercial.

Le DAC délimitera les secteurs d'implantation : centralités urbaines et secteurs périphériques où les implantations de grande taille seront autorisées ; ailleurs, elles seront interdites.

Les règles du DAC s'imposeront aux demandes individuelles : il faut donc qu'il soit précis, en particulier sur le zonage.

Enfin, dans la période transitoire au cours de laquelle les DAC seront élaborés, des commissions régionales d'aménagement commercial, les Crac, devraient donner leur accord préalable à la délivrance des permis de construire pour les implantations de plus de 1 000 m². Les critères de décisions de ces Crac, majoritairement composées d'élus, seront plus stricts que ceux des actuelles Cdac.

Voilà l'économie de ce texte à grands traits.

Premier enjeu : le régime de transition. Dans l'attente de la généralisation des DAC, le Gouvernement préfère prolonger les commissions départementales (Cdac) plutôt que de créer des Crac. Où est la cohérence de ce texte si, d'un côté, on claironne qu'il est nécessaire d'intégrer l'urbanisme commercial dans le droit de l'urbanisme et que, de l'autre, on maintient encore pendant cinq ans un régime à bout de souffle ? De plus, dans les Crac, les élus seront majoritaires.

Enfin, les critères de décision des Crac sont plus stricts que dans les Cdac. Les 4 millions de m² accordés en 2009 et 2010 nous imposent d'intervenir rapidement !

Certaines enseignes, comme Bricorama, voient leur chiffre d'affaires stagner alors que le nombre de leurs implantations a considérablement augmenté au risque de voir se développer des friches commerciales.

Deuxième gros enjeu de nos débats : la question de la typologie des secteurs d'activité commerciale.

Les implantations commerciales seront à l'avenir autorisées en fonction de la conformité du permis de construire. Le maire devra se borner à vérifier si le projet satisfait aux règles d'urbanisme. Cela me convient, mais à une seule condition : que les DAC disposent d'outils assez forts pour réguler les implantations commerciales. Constatant que rien, dans la boîte à outils du DAC, ne lui permettait de renforcer le pouvoir de contrôle des élus, j'ai proposé à la commission de l'économie d'encadrer les conditions susceptibles d'être fixées par le document d'aménagement commercial. Cet encadrement ne pouvait se faire que selon deux voies. La première est celle de l'abaissement des seuils de surface. La commission de l'économie a partiellement suivi ce chemin en exprimant ces seuils en SHON plutôt qu'en surface de vente, ce qui correspond à une baisse des seuils 20 %. La seconde, plus novatrice, est celle d'une régulation des implantations sur la base d'une typologie des secteurs d'activité commerciale. Le DAC pourra poser, dans les secteurs périphériques, des règles de localisation différentes selon la catégorie de commerce considérée (alimentation, équipement de la personne, équipement de la maison, loisir-culture).

Cette disposition, adoptée à l'unanimité par la commission, n'est ni contraire à la liberté d'établissement -la Commission européenne a même déclaré ce texte « exemplaire »-, ni susceptible d'être détournée par certains élus.

Monsieur le ministre, si vous êtes en mesure de nous proposer une autre solution qui réponde au problème de l'agonie des centres-villes, nous sommes preneurs ! Restons modestes, mais soyons déterminés pour mettre fin à l'anarchie actuelle. Nous ne pouvons nous faire les apôtres d'un immobilisme coupable !

J'ai la conviction que, si on ne donne pas au DAC les outils puissants que je vous propose d'adopter, l'aménagement du territoire sera une fois de plus, et pour longtemps, sacrifié. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Claude Merceron.  - Depuis le début des années 1960, l'urbanisme commercial a vu le développement des grandes surfaces. On a voulu doter chaque quartier de la ville d'une fonction déterminée, selon le voeu exprimé par Le Corbusier.

Cette conception irréaliste a conduit à la désertification des centres-villes.

Depuis quarante ans des métastases commerciales se sont développées en périphérie. Face à cette situation, nous avons tenté, en vain, depuis la loi Royer et jusqu'à la loi Raffarin de 2006, de contrôler les implantations commerciales. Mais la tendance s'est inversée, puisque la loi LME de 2008 a relevé les seuils d'autorisation pour les implantations commerciales, privilégiant ainsi une lecture économique et concurrentielle par rapport à une conception soucieuse d'un aménagement et d'un développement urbains harmonieux et durables.

L'adoption fin 2009 de la proposition de loi de M. Sueur sur les entrées de ville a fait évoluer les esprits.

La présente proposition de loi vise à favoriser un développement harmonieux du commerce urbain, en limitant l'étalement urbain, en tenant compte de l'offre de transports, en promouvant la diversité commerciale et en revitalisant les centres-villes.

Je salue le travail de la commission, notamment celui de M. Braye, qui a amélioré le texte de l'Assemblée nationale.

J'espère que vous entendrez les propositions du groupe centriste : la loi doit être de qualité, elle ne doit pas se perdre dans les détails. La clarté du texte est essentielle afin que les DAC soient irréprochables. Le respect des libertés des élus locaux est indispensable. Respecter la liberté des maires ne signifie pas que nous ne devons rien exiger d'eux.

Le groupe de l'Union Centriste attache une importance particulière à trois principes majeurs, qui ont dicté les amendements déposés sur ce texte.

Premièrement, la loi doit être de qualité. Plus la loi se perd dans les détails, moins elle est cohérente et applicable en pratique.

Deuxième principe : le respect de la liberté des élus locaux. Mais respecter la liberté des maires, cela ne veut pas dire pour autant ne rien exiger d'eux !

Enfin, nous devons nous attacher à poursuivre un aménagement commercial durable. Or, ce ne sera le cas que si celui-ci porte sur l'amélioration de l'existant, par opposition à la construction de zones toujours nouvelles, prises sur des espaces naturels et agricoles.

Nous soutiendrons cette proposition de loi dans la mesure où nous pourrons obtenir des réponses satisfaisantes aux préoccupations que je viens d'exprimer. (Applaudissements au centre et à droite)

M. François Patriat.  - M. le rapporteur a vanté avec conviction ce qui s'apparente, au regard de ses insuffisances et de ses contradictions, à une proposition de loi de repentir...

Au début de la législature, la majorité a dérégulé à tout va ; la LME libéralisait le commerce pour faire baisser les prix. Or, depuis un an, le prix d'achat du lait aux producteurs s'est effondré, alors que le prix de vente n'a pas baissé -le litre est aujourd'hui acheté 0,29 euro et revendu 0,73 euro ; même chose pour le porc -2,11 euros le kilo à l'achat, 6,58 à la vente- ou le poulet -2,11 contre 11,50. Ces chiffres sont tirés d'une enquête de l'association UFC-Que choisir. Les distributeurs justifient les hausses de prix par le cours des matières premières, mais on les sait plus prompts à répercuter les hausses que les baisses...

Depuis 2007, toutes les enseignes de hard discount ont progressé. La LME a fait exploser les surfaces commerciales, sans faire baisser les prix. C'est ce que nous redoutions. Engagez donc ce débat avec humilité.

Les quelques verrous consentis en 2008 n'ont pas permis aux élus d'éviter l'anarchie. Constructions, agrandissements parfois illégaux se sont multipliés. Et les cafouillages réglementaires initiaux ont entretenu le flou pendant un an, au grand bénéfice des grandes surfaces.

Cette proposition de loi est une tentative pour rectifier le tir, mais les droits européen et national autoriseraient à doter les territoires d'outils plus performants. Le droit européen interdit les autorisations sur critères économiques, mais non selon des critères d'intérêt général ou d'aménagement équilibré... Comme à l'ordinaire, le Gouvernement en a une vision restrictive. Invoquer la liberté d'installation et la concurrence ne tient pas ; c'est oublier que des enseignes différentes sont alimentées par la même centrale d'achat...

Intégrer le droit de l'urbanisme commercial dans le droit commun de l'urbanisme et généraliser les DAC, c'est en apparence redonner la main aux élus, leur permettre de définir des règles pour l'implantation de surfaces supérieures à 1 000 m² dans certains secteurs. Mais partout ailleurs tout est permis. Je regrette que nos amendements n'aient pas été reçus, qui introduisaient de vrais outils de régulation : l'abaissement du seuil et la validation des permis de construire par le président du Scot. Et ne vous réfugiez pas derrière Bruxelles : aucun texte européen ne fixe de seuil !

La majorité sénatoriale a introduit en outre des dispositions qui pourraient avoir des effets pervers et entériner des situations de monopole. Dans les secteurs où seront autorisées les surfaces supérieures à 1 000 m², les élus pourront distinguer plusieurs types de commerces ; c'est de facto leur donner la possibilité d'interdire certains commerces et d'ouvrir la porte aux pressions des aux lobbys locaux. Comme l'a dit M. Mézard, c'est un facteur de complexité et d'incertitude. L'absence de régulation des implantations inférieures à 1 000 m² conduit à l'anarchie et fait craindre à terme faillites et nouvelles friches commerciales. Avec la multiplication des hard discounters de surface intermédiaire en centre ville, artisans et petits commerçants vont souffrir ; après les villages, les villes moyennes seront vidées de leur animation.

On continue à confondre autorisation de construire et autorisation d'implantation. Nos amendements visent à y remédier.

Cette proposition de loi confirme une vision ultralibérale du territoire. Nous ne la voterons pas. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Paul Émorine, président de la commission de l'économie.  - En application de l'article 29 bis du Règlement, je vous propose de modifier l'ordre du jour de l'après-midi du jeudi 31 mars pour y intégrer la suite de l'examen de ce texte.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

Il en est ainsi décidé.

CMP (Nominations)

Mme la présidente.  - Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la CMP chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.

La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée. N'ayant reçu aucune opposition, je proclame représentants du Sénat à cette CMP : titulaires, MM. Jean-Jacques Hyest, Bernard Saugey, Patrice Gélard, François Zocchetto, Jean-Pierre Sueur, Richard Yung, Mme Josiane Mathon-Poinat ; suppléants : Mme Nicole Bonnefoy, M. Pierre Bordier, Mmes Françoise Henneron, Virginie Klès, MM. Hervé Maurey, Jacques Mézard, François Pillet.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 31 mars 2011, à 9 heures.

La séance est levée à minuit.

René-André Fabre,

Directeur

Direction des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 31 mars 2011

Séance publique

DE 9 HEURES À 13 HEURES

1. Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'urbanisme commercial (n° 558, 2009-2010).

Rapport de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n° 180, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 181, 2010-2011).

À 15 HEURES

2. Proposition de résolution, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, de Mme Annie David et plusieurs de ses collègues du groupe CRC-SPG, relative à la mise en conformité du droit français concernant le régime des astreintes et le système de forfaits en jours sur l'année considérés par le Comité européen des droits sociaux comme violant différentes dispositions de la Charte sociale européenne (n° 328 rectifié, 2010-2011).

3. Suite de l'ordre du jour du matin.