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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Dépôt d'un document

Modernisation du congé maternité

Discussion générale

Discussion des articles

Article premier

Articles additionnels

Article 6

Article 8

Gaz de schiste (Procédure accélérée)

Discussion générale

Discussion des articles

Article additionnel avant l'article premier

Article premier

CMP (Demande de constitution)

Questions prioritaires de constitutionnalité

Dépôt d'un document

Modernisation du congé maternité

Discussion générale

Discussion des articles

Article premier

Articles additionnels

Article 6

Article 8

Gaz de schiste (Procédure accélérée)

Discussion générale




SÉANCE

du mercredi 1er juin 2011

112e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

Secrétaires : Mme Christiane Demontès, M. Marc Massion.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt d'un document

M. le président.  - M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l'article LO. 111-10-1 du code de la sécurité sociale, l'état semestriel des sommes restant dues par l'État aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale au 31 décembre 2010.

Acte est donné du dépôt de ce document.

Il a été transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.

Modernisation du congé maternité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi relative à la modernisation du congé maternité en faveur de la protection de la santé des femmes et de l'égalité salariale et sur les conditions d'exercice de la parentalité.

Discussion générale

Mme Claire-Lise Campion, auteur et rapporteur de la proposition de loi.  - Cette proposition de loi est le fruit d'un constat et d'un contexte. Malgré la politique familiale menée depuis les années 90, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle reste difficile. Les mères continuent d'assumer la majeure partie des tâches domestiques.

Le contexte est européen : Le 3 octobre 2008, la Commission européenne a transmis au Conseil et au Parlement européens une proposition de directive relative à la santé au travail des femmes enceintes ou ayant accouché. Ce texte, qui est une refonte de la directive fondatrice de 1992, contient deux mesures phares : l'allongement de la durée minimale européenne du congé de maternité, qui passerait de quatorze à dix-huit semaines, et la garantie d'une indemnisation à 100 % du salaire mensuel moyen, dans la limite d'un plafond déterminé par chaque État membre.

Notre assemblée a adapté une proposition de résolution. Le 20 octobre, le Parlement européen a proposé de porter le congé maternité à vingt semaines, intégralement payé.

La France est ouverte à l'idée de porter le congé maternité de quatorze à dix-huit semaines, mais pas au-delà ; elle considère que la rémunération à 100 % du salaire n'est acceptable que si les États membres peuvent définir un plafond d'indemnisation.

Notre proposition de loi a pour but de moderniser le congé maternité, de renforcer la protection juridique des femmes enceintes et d'adapter le congé paternité. Le congé de maternité permet aux femmes de nouer des liens privilégiés avec leur enfant. De plus, la femme doit retrouver son équilibre physique et psychologique. Le congé maternité est de seize semaines pour les deux premiers enfants et de vingt-six semaines à partir du troisième enfant.

Ces seize semaines ne permettent pas d'assurer une transition satisfaisante entre l'accueil de l'enfant et la reprise de l'activité professionnelle. La durée moyenne des congés réellement pris s'élève à 150 jours, soit un mois et une semaine de plus que le congé légal. Les 35 jours supplémentaires correspondent aux congés pathologiques -prescrits dans 70 % des cas- et aux vacances.

La période de rétablissement de la mère dépasse donc la durée du congé maternité.

En outre, les conditions de travail se détériorent depuis quelques années. La France n'est pas très généreuse en matière de congé maternité. Un congé de plus longue durée permettrait aux femmes de se remettre de l'accouchement et d'organiser la nouvelle structure familiale avant le retour à l'emploi. L'article premier propose de porter la durée du congé à vingt semaines, soit quatre semaines de plus. La salariée a droit à des indemnités journalières pendant son congé qui ne correspondent pas à un maintien du salaire. La maternité est ainsi une sanction financière, ce qui n'est pas acceptable. Un congé maternité ne sera protecteur que si le salaire est intégralement maintenu.

J'en arrive au renforcement juridique de la protection des femmes enceintes ou ayant accouché. Certaines conventions collectives prévoient d'aménager les horaires et le rythme de travail, mais ce n'est pas la règle. Nous prévoyons donc d'améliorer la protection des femmes à l'article 3.

J'en arrive à l'extension de ces droits aux femmes exerçant une activité indépendante. Celles-ci ne peuvent s'arrêter longtemps car leur activité en pâtirait. Les affiliées du régime social des indépendantes ne perçoivent l'indemnité journalière que pendant 74 jours ! L'article 5 pose le principe d'une égalité des droits entre les femmes.

Dernier point : la création d'un congé d'accueil de l'enfant. Le congé paternité, créé en 2002, est une grande avancée. Deux pères sur trois prennent ce congé de onze jours consécutifs. Mais le modèle familial traditionnel ne constitue plus le seul mode d'organisation familial. Pour adapter la législation à l'évolution sociétale, l'article 6 étend le bénéfice d'un congé de quatorze jours consécutifs au conjoint, concubin ou partenaire de la mère, qui ne serait pas le père biologique de l'enfant. Les conditions d'attribution des congés sont loin d'être la règle : l'assurance maladie exige 200 jours de travail consécutifs pour verser ces indemnités.

Une politique familiale volontariste et ambitieuse est indispensable : les familles doivent pouvoir faire garder leurs enfants dans des conditions acceptables.

La commission n'a pas adopté notre proposition de loi mais les échanges ont été fructueux. Il serait utile d'adopter ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.  - Je remercie Mme Campion pour son initiative. En charge de la famille et des droits des femmes, je me réjouis que ces questions soient abordées.

Je souscris à votre constat initial. Les droits des femmes doivent encore progresser pour une société plus juste, plus humaine. (M. Ronan Kerdraon approuve) Pourtant, je conteste certaines de vos propositions. Il faut évaluer les intérêts en jeu, avec en mire l'intérêt général.

La négociation collective est donc indispensable avant toute loi. Un congé maternité plus long et mieux indemnisé ? L'état des finances publiques ne le permet malheureusement pas : pour deux semaines supplémentaires, il en coûterait 170 millions à la sécurité sociale. Si le plafond était supprimé, il en coûterait plus d'un milliard : c'est inenvisageable. Une telle mesure pourrait constituer, dans certains cas, un frein à l'embauche ou à la progression de carrière des femmes.

Il ne faut pas que les femmes soient ramenées chez elles !

Une expertise approfondie est donc nécessaire. En Suède, pays qui bénéficie d'une législation très protectrice, après un an de congé maternité, les mères intègrent en réalité, dans la plupart des cas, le service public.

Il faut d'abord approfondir la négociation collective, autour de la préservation de la santé des femmes et de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes. L'allongement du congé maternité risquerait d'aboutir à des résultats négatifs pour les femmes sur le plan professionnel.

Mme Annie David.  - Il faut se battre contre ça !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Vous voulez protéger juridiquement les femmes : mais cela relève de la négociation collective. Certaines conventions prévoient d'adapter le rythme et les horaires des femmes mais ce n'est pas le cas dans tous les secteurs. Les esprits doivent donc évoluer. Explorons les options et négocions avec les partenaires sociaux. Enfin, il faut évaluer les conséquences de ces mesures sur le marché du travail.

J'en viens aux femmes exerçant en métier libéral ou indépendant : là encore, la négociation est un préalable. Le congé maternité, c'est la garantie de retrouver son emploi et cette garantie ne peut être apportée aux femmes exerçant en libéral.

De nombreux aspects de cette proposition de loi doivent donc être encore étudiés. La politique familiale de notre pays ne peut se résumer au seul congé maternité. Nous consacrons 5,1 % de PIB à cette politique, soit le double de nos voisins. L'avenir de notre pays se joue sur le renouvellement des générations.

Les femmes qui souhaitent rejoindre le travail rapidement après leur accouchement doivent aussi pouvoir le faire. Les cas particuliers doivent être examinés, notamment en cas de naissance d'enfant handicapé. Enfin, le coût de ces mesures sur les finances publiques ne doit pas être passé sous silence. Une approche globale sur cette question est nécessaire : la place des femmes sur le marché du travail et l'accueil de la petite enfance doivent être pris en compte.

Cette proposition de loi ouvre un important dossier dont je partage la philosophie. Si je ne peux accepter ce texte aujourd'hui, j'estime que nous devons travailler en ce sens et je remercie Mme Campion pour son travail. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Vies familiale et professionnelle doivent être conciliables. Nous devons apporter des solutions appropriées aux femmes, mais cette proposition de loi n'y parvient pas.

Prolonger le congé maternité de quatre semaines ? Cela risquerait de pénaliser les femmes dans leur emploi et de constituer un frein à l'embauche. Les femmes ont plus de mal à accéder aux emplois importants, elles sont frappées par le chômage. Faut-il en rajouter ?

Les femmes préfèrent un congé plus court mais mieux rémunéré. Récemment, le Gouvernement a étendu le congé maternité aux femmes exerçant dans le secteur libéral.

La France bénéficie d'un dynamisme démographique important. La politique familiale est très bien dotée et des places de crèches seront créées d'ici 2012. L'action publique doit se concentrer sur ce domaine.

Enfin, cette proposition de loi coûterait cher. Les résultats seront là si les entreprises sont associées à cette politique. Dans le cas contraire, les femmes en seraient les principales victimes. (Applaudissements à droite ; exclamations sur les bancs CRC)

Mme Roselle Cros.  - Cette proposition de loi aborde un sujet qui nous concerne tous et nul ne saurait remettre en cause la nécessité d'aménager le congé maternité au monde du travail.

Le 15 juin 2009, notre résolution portait sur ce thème. Les institutions européennes veulent mieux protéger les femmes enceintes, elles ont proposé une directive en la matière.

Aucun texte définitif n'a été à ce jour adopté. Le texte européen mérite pourtant toute notre attention.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Très bien !

Mme Roselle Cros.  - Le congé maternité est un outil en faveur de la politique familiale, tout comme les modes de garde de la petite enfance.

L'allongement du congé de quatre semaines ? La France n'est pas généreuse en ce domaine mais cet allongement poserait des problèmes financiers.

Comment réinsérer les femmes dans leur emploi après une si longue coupure ? C'est particulièrement vrai pour les femmes qui exercent des responsabilités ou qui travaillent en indépendantes.

Nous sommes favorables au rallongement du congé de deux semaines, position conforme à celle que la France a exprimée au Conseil.

En outre, il serait prématuré de se prononcer sur toutes les autres mesures alors que le Conseil ne s'est pas encore mis d'accord.

Le congé maternité ne peut être financé intégralement : il en coûterait un milliard d'euros à nos finances publiques !

L'indemnisation à 100 % est envisageable mais dans la limite d'un plafond défini par chaque État.

À créer des droits sans tenir compte des contraintes professionnelles, on finit par créer des inégalités. (M. Yvon Collin approuve) Tel serait le cas, par exemple, dans le monde agricole que je connais bien.

Enfin, la proposition de loi étend les droits aux conjoints ou maris, mais le dispositif est trop flou.

Le groupe de l'UC salue cette proposition de loi, mais estime qu'elle ne peut pas être adoptée en l'état aujourd'hui. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Françoise Laborde.  - Cette proposition de loi pourrait marquer une grande avancée pour les femmes. La législation européenne veut instaurer un droit plus protecteur pour les femmes enceintes et ayant eu un enfant. Un congé plus long et mieux indemnisé, une implication renforcée des pères : je félicite Mme Campion pour son texte.

Cette évolution suscite pourtant des inquiétudes : comment garantir la protection des femmes, comment financer les mesures proposées ?

L'Union européenne est confrontée au défi de la démographie. Cette proposition de loi va dans le bon sens. Les premiers mois qui suivent la naissance sont très importants pour la femme et l'enfant. Une enquête de la Cnam montre que les femmes souhaitent un allongement du congé maternité. D'ailleurs, les congés pathologiques sont largement utilisés.

Je souscris à un congé d'accueil de quatorze jours pour que le père, souvent frustré d'être mis à l'écart (M. Ronan Kerdraon le confirme) puisse prendre tout son rôle.

Les discriminations à l'égard des femmes salariées ? Elles sont réelles.

La Halde fait état de nombreuses discriminations à l'égard des femmes. Lors d'un entretien d'embauche, on demande à 23 % des femmes si elles veulent avoir des enfants.

Les femmes se sont battues pour mettre un terme aux inégalités et aux discriminations tout au long du XXe siècle. Les choses s'améliorent, même si des inégalités demeurent : les femmes gagnent 20 % de moins que les hommes, sont les plus touchées par le chômage ; cette situation s'aggrave lorsqu'elles deviennent mères.

Une réflexion globale doit donc être menée sur la question des femmes dans notre société et sur le marché du travail.

Les changements de mentalités sont lents ; les femmes doivent mener de front une double journée. Notre pays maque de places de garde pour les jeunes enfants. (M. Ronan Kerdraon le confirme)

J'appuie l'article 2 qui prévoit que l'entretien professionnel à l'issue du congé maternité porte sur l'aménagement du travail et des horaires.

Oui, le chemin sera long et difficile ; oui, il nous faudra arbitrer pour trouver les financements nécessaires ; oui, il s'agit bien d'un choix de société ! En favorisant ainsi la maternité, nous espérons relever le défi démographique et celui de la natalité. Pour ces raisons, la majorité du groupe RDSE votera ce texte avec conviction. (Applaudissements à gauche)

Mme Annie David.  - Le votre du Parlement européen exprime les positions de la Commission européenne et de notre Gouvernement qui souhaite en rester à dix-huit semaines de congé maternité.

En moyenne, les congés varient entre quatorze et vingt-huit semaines. Certaines femmes s'appuient sur la loi de 2007 qui permet de reporter trois semaines de congé prénatal.

La balle est dans le camp des gouvernements européens et la France doit être au rendez-vous. Le débat que nous avons eu ce matin en commission m'a mise en colère : les femmes ne peuvent vouloir le beurre et l'argent du beurre, ai-je entendu dire ! (Exclamations indignées sur les bancs CRC)

Il est honteux que les hommes...

M. Ronan Kerdraon.  - Pas tous !

Mme Annie David.  - C'est vrai : il est honteux que certains hommes puissent penser de la sorte parce qu'ils ne savent pas ce que c'est de porter un enfant et de travailler !

Prétexter des contraintes budgétaires n'est pas recevable : la santé de femmes et des enfants n'est pas négociable. « Mieux vaut être restaurateur que femme enceinte » a dit notre collègue Roland Muzeau, aujourd'hui député : il a raison. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit)

Les congés ont de grands effets bénéfiques pour les mères et les enfants. Le frein à l'embauche ? C'est avant tout un constat qu'il faut combattre.

L'accueil de la petite enfante doit être amélioré. En trente-cinq ans, malgré l'arrivée massive des femmes sur le marché de l'emploi, la part des emplois à temps partiel a triplé, faute de moyens de garde adéquats. Il manque entre 200 000 et 400 000 places de garde. Il faut à la fois en créer davantage et allonger le congé de maternité.

Le maintien intégral du salaire est une mesure d'équité. N'oublions pas les femmes contraintes de s'arrêter avant l'accouchement pour raisons de santé : l'assimilation à la maladie est facteur d'inégalité. N'oublions pas non plus les femmes intermittentes du spectacle, qui se voient souvent refuser toute indemnisation ; elles ont d'ailleurs saisi la Halde de cette discrimination.

L'extension du congé paternité est positive : attention toutefois à ne pas porter atteinte à l'autorité parentale. L'extension des droits des non-salariées est bienvenue.

Ce texte va dans le bon sens, mais il faut aller plus loin. Si le taux de natalité français est si élevé, c'est parce que les femmes peuvent continuer à travailler ! (M. Ronan Kerdraon approuve) Il faut revoir la place de la femme dans le monde du travail si l'on veut mettre fin aux inégalités -notamment au niveau des pensions de retraite. (Applaudissements à gauche)

Mme Gisèle Printz.  - Cette proposition de loi s'inscrit dans le droit fil des initiatives européennes en faveur des droits des femmes : augmentation du congé maternité, interdiction du licenciement des femmes enceintes, possibilité de demander des horaires aménagés, maintien intégral du salaire...

Le Parlement européen est allé plus loin, en portant le congé maternité à vingt semaines indemnisé à 100 %. La France, avec seize semaines, se situe dans la moyenne basse. L'augmentation du congé répond à une attente des femmes : c'est aussi une exigence de santé publique, en période prénatale comme postnatale.

L'argument du coût pour les dépenses publiques et les charges des entreprises est inacceptable ; la maternité ne peut être considérée comme un fardeau : c'est un investissement pour l'avenir. L'employabilité des femmes ? La majorité des Françaises a recours aux congés pathologiques ou sans solde pour prolonger l'arrêt ; le coût supplémentaire existe déjà. Cessons d'être hypocrites !

L'entretien sur l'aménagement des horaires, le maintien intégral du salaire vont dans le bon sens. Ce n'est que justice envers les femmes.

La présence du père à la naissance est essentielle. Le congé paternité, créé en 2002 par Mme Royal, a été un pas décisif. Malheureusement, seulement deux tiers des pères le prennent, preuve de la persistance des stéréotypes... Le nouveau congé d'accueil de l'enfant de quatorze jours consécutifs est un premier pas. Aujourd'hui, le père n'est pas que le symbole de l'autorité au sein de la famille ; le « nouveau père » s'investit auprès de la mère dès la naissance. C'est bénéfique pour l'égalité hommes-femmes et l'épanouissement de l'enfant. Pour aller plus loin nous pourrions nous inspirer de l'exemple suédois. Je n'oublie pas la nécessité de développer les modes de garde.

Nous voterons cette proposition de loi, progrès pour la santé des femmes et premier pas vers une politique familiale plus ambitieuse. Les enfants sont une richesse pour le pays. Si l'on veut encourager la natalité, améliorons les conditions de vie des femmes. (Applaudissements à gauche)

M. Ronan Kerdraon.  - (On se félicite de voir un homme monter à la tribune) Je suis heureux de m'exprimer ici, en tant qu'homme...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Personne n'est parfait ! (Sourires)

M. Ronan Kerdraon.  - Cette proposition de loi est moderne et utile, qui répond aux préoccupations de nombreux jeunes couples. Elle montre cependant que le chemin est long pour aboutir à une égalité réelle entre hommes et femmes.

L'harmonisation par le haut de la législation européenne est suffisamment rare pour être soulignée. Je me réjouis notamment de la proposition du Parlement européen de porter le congé maternité à vingt semaines et de la directive « congé parental ».

On nous a opposé le coût de notre proposition. L'allongement à dix-huit semaines du congé maternité coûterait entre 250 et 350 millions. La baisse de la TVA dans la restauration, elle, représente une moins-value de 3 milliards, pour le résultat que l'on sait...

Certes, nous avons une politique familiale volontariste, un taux de fécondité élevé. Mais les modes de vie évoluent ; la conciliation entre maternité et vie professionnelle est au coeur des préoccupations. Entre 25 et 49 ans, une Française sur cinq ne travaille pas et l'âge de la maternité ne cesse de reculer... La majorité des Françaises s'arrêtent plus longtemps que les seize semaines légales. Mettons donc notre législation en adéquation avec les aspirations des parents et les besoins des enfants. L'allongement du congé maternité permettrait notamment de bien mettre en place l'allaitement, ce qui prend au moins six semaines.

L'article 4 garantit le maintien intégral du salaire. En France, le congé maternité ne va pas de soi ; Mme David a cité le cas des intermittentes du spectacle. Ces injustices doivent être prises en compte ; c'est l'objet de l'article 5. La législation doit évoluer pour prendre en compte la diversité des familles : c'est l'objet du congé d'accueil de l'enfant, à l'article 6.

Enfin, on ne peut pas éluder la question de l'offre d'accueil. Nous plaidons pour la création d'un service public de la petite enfance -promesse du candidat Sarkozy en 2007 ... (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) On est loin des 400 000 places promises...

Ce texte est bienvenu. Pourquoi remettre à demain ce que l'on peut faire aujourd'hui ? Votons-le, car la femme est l'avenir de l'homme, comme l'a si bien chanté Jean Ferrat ! (Applaudissements à gauche)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Sur un poème d'Aragon... Merci aux intervenants pour la qualité de ce débat. Les exemples européens nous montrent la difficulté du dossier.

En Slovaquie, 26 semaines de congé, certes, mais une rémunération de 55 % d'un salaire plafonnée à un niveau très bas. Comparaison n'est pas raison. Il faudrait aussi parler du rang de naissance : en France, le congé est de 26 semaines pour le troisième enfant. Le congé pathologique de deux semaines est pris par 70 % des Françaises : pour elles, le congé est déjà de dix-huit semaines.

Dans certains pays come la Bulgarie, le congé maternité long est utilisé comme outil d'éloignement délibéré des femmes du marché du travail : je vous renvoie aux débats du Parlement européen. Le congé de paternité n'est pas non plus la règle. Aucun de ces éléments n'a été évoqué lors de notre débat.

Oui à une large concertation qu'ont appelée de leurs voeux Mmes Bruguière et Cros. Le sujet mérite approfondissement.

La politique familiale ne se résume pas au congé maternité. Nous battons tous les records des pays développés : la politique sociale la plus ambitieuse, une politique familiale deux fois plus généreuse que la moyenne des pays développés. Depuis 2007, nous avons créé 200 000 solutions de garde nouvelles ; c'est un effort considérable en cette période de finances publiques contraintes.

Bref, le dossier mérite d'être approfondi. Je remercie Mme Campion pour son initiative, mais ne peux approuver le texte en l'état. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

M. le président. - La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous allons examiner les articles de la proposition de loi initiale.

Discussion des articles

Article premier

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Cros et les membres du groupe UC.

Alinéa 2,

Remplacer le mot :

vingt

par le mot :

dix-huit

Mme Roselle Cros.  - L'objet de cet amendement est de fixer le congé maternité à dix-huit semaines pour aider les familles et les mères et permettre à la France de se conformer aux prescriptions européennes.

Mme Claire-Lise Campion, rapporteur.  - La commission a souhaité que le débat ait lieu en séance, et a donc émis un avis de sagesse. À titre personnel, j'estime que ce premier pas va dans le bon sens.

Cette proposition est cohérente avec la position de la commission des affaires sociales, exprimée dès 2009, et avec la position de la France qui, dans le cadre des négociations européennes, s'est dite ouverte à un tel prolongement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - J'ai dit, lors du conseil des politiques sociales, que la France accepterait l'allongement à dix-huit semaines quand l'Europe en ferait la demande. D'ici là, il faut résoudre des problèmes techniques, notamment le cas de l'inclusion ou non du congé pathologique. Retrait, sinon rejet, car de nombreuses questions ne sont pas résolues.

Mme Roselle Cros.  - L'article premier ne fait pas une loi. Je maintiens l'amendement, pour vérifier qu'il n'y a pas d'opposition de principe à l'allongement de la durée.

M. Ronan Kerdraon.  - Cet amendement est une avancée par rapport au droit existant, mais un recul par rapport aux préconisations de l'OIT et du Parlement européen. La question essentielle est celle du maintien ou non de la rémunération du congé. Si les États sont divisés sur ce point, la plupart des délégations nationales sont prêtes à accepter un congé de dix-huit semaines. Compte tenu de la fréquence des congés pathologiques, cet allongement, que la commission des affaires sociale a proposé dès 2009, ne fera qu'acter la situation existante.

C'est un compromis acceptable, en attendant plus. Le groupe socialiste votera cet amendement.

Mme Annie David.  - C'est un recul par rapport aux vingt semaines que nous souhaitons, mais un pas en faveur des femmes. Si le congé pathologique n'est pas remis en cause, on arrive bien à vingt semaines. Mais celui-ci, s'il est vrai que toutes les grossesses ne sont pas pathologiques, ne peut être considéré comme un congé de confort...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Je n'ai pas dit ça !

Mme Annie David.  - Je vous l'accorde. Les médecins aussi ont des comptes à rendre... Nous voterons cet amendement d'attente.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°6, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia et Dini.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Le deuxième alinéa du même article est ainsi rédigé :

« Sous réserve d'un avis motivé du professionnel de santé qui suit la grossesse, la salariée choisit elle-même la répartition des périodes de suspension de son contrat de travail avant et après la date présumée de son accouchement. Elle reporte obligatoirement sur la personne mentionnée à l'article L.1225-35 le bénéfice des deux dernières semaines de son congé postnatal. »

Mme Catherine Procaccia.  - La grossesse n'est pas une maladie. Certaines sont difficiles, d'autres se déroulent sans aucun problème. Les conditions d'exercice de certains emplois sont aussi moins fatigantes que d'autres.

C'est pourquoi la femme doit décider elle-même de la façon dont elle entend répartir son congé maternité avant et après l'accouchement. Seul le professionnel de santé pourra imposer à la salariée de s'arrêter.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est le bébé qui devrait décider !

Mme Catherine Procaccia.  - Par ailleurs, cet amendement organise le report automatique sur le père des deux semaines supplémentaires de congé maternité afin de rétablir une sorte d'équilibre entre hommes et femmes vis-à-vis des employeurs. Il faut mettre fin aux discriminations dont sont victimes les femmes. J'ai rectifié mon amendement pour tenir compte du vote qui vient d'intervenir.

Mme Claire-Lise Campion, rapporteur.  - Notre commission souscrit à l'objectif de réduction des inégalités professionnelles entre hommes et femmes mais estime que cet amendement serait source de confusion entre congé maternité et congé paternité. Elle a émis un avis défavorable. Le débat relève plutôt du congé parental...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Le Gouvernement est contre l'adoption de l'article premier, donc contre tout amendement à cet article.

Sur le fond, la protection de la maternité est très ancienne. L'interdiction d'emploi de huit semaines avant et après l'accouchement en fait partie. Il y a déjà de la souplesse dans notre législation, mais encadrée pour éviter que les salariées ne soient mises sous pression par l'employeur. (Mme Annie David approuve) Les cas où l'on peut se passer de congé prénatal sont rarissimes.

Quant au report des deux semaines sur le père, cela pose un problème de principe. Cette liberté serait un mauvais cadeau fait aux femmes.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Pourquoi ne pas demander au bébé de fixer le congé prénatal ? Nous sommes hostiles à cette mesure de libéralisation totale. C'est le syndrome people... Souvent, les femmes préfèrent prolonger le congé postnatal. C'et une mesure pro-patron, pro-cadres, qui va à l'encontre de la protection de la maternité. Les femmes n'ont pas toujours le choix. Et n'oublions pas les femmes qui font de longs trajets pour aller travailler, ce qui favorise les accouchements prématurés. Il est illusoire de parler de liberté des femmes en la matière. « Ma môme, ce n'est pas une starlette, elle travaille en usine à Créteil » chantait Ferrat. Les femmes qui travaillent toute la journée debout, à Carrefour ou ailleurs, n'ont pas à être contraintes à travailler jusqu'au jour de leur accouchement.

Mme Françoise Laborde.  - Il y a tant de non-choix... Épargnons les femmes ! La grossesse n'est pas une maladie mais nous ne sommes pas toutes égales, physiquement ou socialement... Nous voterons contre cet amendement.

M. Ronan Kerdraon.  - Cet amendement pose nombre de questions techniques et ne relève pas vraiment de la proposition de loi. Le groupe socialiste ne votera pas l'amendement.

Mme Catherine Procaccia.  - Madame Borvo, vos propos sont caricaturaux. Je vous parle de liberté de la femme, vous me répondez : amendement patronal !

Mme Annie David.  - C'est le cas !

Mme Catherine Procaccia.  - Je ne pense pas que mes collègues de la commission des affaires sociales l'aient perçu ainsi.

Mme Annie David.  - Oh que si !

Mme Catherine Procaccia.  - Vous peut-être... Les huit semaines d'interdiction demeurent. Voyant cependant que ma conviction n'est pas partagée, je retire mon amendement. (Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre, s'en félicite)

L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - L'article premier ainsi modifié porte le congé maternité à dix-huit semaines. Le gouvernement français a dit qu'il se rallierait à un tel allongement mais il y a au préalable de nombreux points techniques à approfondir, notamment sur le déplafonnement des indemnités. La disposition prévue par le Parlement européen reviendrait, en France, à transférer des dépenses des entreprises vers la sécurité sociale ! Il y a un gros travail d'harmonisation à conduire au plan européen ; les discussions sont en cours.

De plus, des points techniques doivent être approfondis, à commencer par la prise en compte ou non dans les dix-huit semaines des deux semaines de congé pathologique, pris par 70 % des femmes. Cette question n'a pas été abordée.

Pour ces motifs, je vous demande de voter contre l'article premier.

Mme Annie David.  - Nous voterons cet article. Le congé, dans les faits, est bien de dix-huit semaines. Il s'agit d'accorder de nouveaux droits aux femmes. La commission des affaires sociales a déjà adopté cette durée. L'amendement centriste doit vous permettre d'approuver cet article. Si pour certaines les choses se passent bien, pour d'autres la dégradation des conditions de travail, dans le public comme dans le privé, est une réalité.

M. Ronan Kerdraon.  - Contre mauvaise fortune, nous allons faire bon coeur en votant cet article. Avec le compromis qui a été fait, c'est la politique des petits pas. Ce qui importe, c'est que les droits des femmes progressent, avec comme perspective un congé de vingt semaines.

L'article premier n'est pas adopté.

(On s'en désole à gauche)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Vous aviez oublié de modifier le code de la sécurité sociale, ce qui rendrait le dispositif inopérant. La charge du financement aurait intégralement porté sur les entreprises.

L'article 2 n'est pas adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 122-9 du code du travail, les mots : « sur sa demande » sont supprimés.

Mme Gisèle Printz.  - Une femme enceinte peut être affectée à un poste de jour, si elle en fait la demande à la direction des ressources humaines.

Il convient donc que cette affectation soit automatique. Les postes de nuit étant mieux rémunérés que ceux de jour, les femmes enceintes pourraient ne pas faire connaître leur grossesse ? Cela pose le problème du niveau des salaires et de la précarité qui poussent certaines femmes à ne pas faire valoir leurs droits.

Mme Claire-Lise Campion, rapporteur.  - La commission a émis un avis défavorable, malgré ma proposition d'un avis favorable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Défavorable.

L'amendement n°4 n'est pas adopté, non plus que l'article 3.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 122-4 du code du travail, les mots : « les quatre semaines » sont remplacés par les mots : « l'année ».

M. Ronan Kerdraon.  - L'extension à un an de l'interdiction de licenciement a été votée par le Parlement européen. Nous reprenons cette proposition afin de prendre en compte la situation des femmes qui élèvent seules leur enfant. La sécurité matérielle est indispensable pour garantir l'épanouissement de l'enfant.

Mme Claire-Lise Campion, rapporteur.  - La commission a émis un avis défavorable, malgré ma proposition d'avis favorable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Défavorable.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'article 4 n'est pas adopté, non plus que l'article 5.

Article 6

Mme Catherine Procaccia.  - Cette proposition de loi prétend rétablir une certaine égalité entre les hommes et les femmes mais elle va à l'encontre de ces intentions à cet article.

J'avais déposé un amendement et la commission des finances l'a jugé irrecevable. Elle ne m'a pas informée en temps voulu de sa décision.

L'article 6 traite du congé d'accueil pour les pères et conjoints. Regardons ce qui n'a pas bien fonctionné depuis quarante ans. Plus on attribue des avantages à la mère de famille, plus elle est défavorisée au plan professionnel ! Il faut donc faire autrement, en rendant obligatoires les deux semaines et les onze jours de congé paternité. Au moment d'embaucher, les entreprises sauront que les hommes peuvent s'arrêter six ou sept semaines. En accordant des avantages identiques, on mettra fin aux discriminations.

M. le président.  - Le procès-verbal fera foi de votre observation à propos de votre amendement déclaré irrecevable. De nombreux parlementaires sont agacés par l'usage qui est fait de cet article 40. Je ne doute pas que le président Arthuis vous répondra.

M. Ronan Kerdraon.  - Je découvre avec ravissement que Mme Procaccia est elle aussi confrontée à cet article 40. Lors du projet de loi sur les retraites, nous en avons été largement victimes, et Mme Procaccia n'a rien dit...

Mme Catherine Procaccia.  - Il y avait 800 amendements ; là, un seul !

Mme Annie David.  - Il y a toujours 20 % d'inégalité salariale entre hommes et femmes, et en matière de retraite. Alors, accorder des droits supplémentaires aux hommes... les bras m'en tombent ! On veut le beurre et l'argent du beurre ! Commençons par traiter les femmes comme les hommes, du point de vue des salaires comme des postes.

Hier, lors de l'audition de la commission Pôle emploi, nous avions devant nous une belle brochette d'hommes ! Améliorons les droits des travailleuses.

L'article 6 n'est pas adopté, non plus que l'article 7.

Article 8

M. Ronan Kerdraon.  - Je regrette que l'initiative de Mme Campion n'ait pas trouvé suffisamment d'écho dans cet hémicycle.

Chiche, retrouvons nous dans trois mois, une fois que vous aurez mené vos études, madame la ministre, pour accorder aux femmes l'égalité avec les hommes ! Accorder des droits supplémentaires aux hommes, pourquoi pas ? Mais avec Claire-Lise Campion, soyons pragmatiques, modernes et visionnaires. (Applaudissements à gauche)

Mme Annie David.  - Cette proposition de loi est certes imparfaite mais rien ne vous empêche de l'améliorer. Nous aurions pu ensemble améliorer le droit du congé maternité des femmes. Vous regretterez sans doute de ne pas avoir saisi la perche à temps. Vous auriez aidé les femmes françaises et européennes !

Mme Roselle Cros.  - L'article 8 porte sur le financement de cette proposition de loi -c'est la raison pour laquelle nous ne l'aurions pas votée. Il y a eu une majorité de cette assemblée pour dire que le congé maternité devait être allongé. Le signal a été donné, en faveur d'une grande politique de la famille et de la santé.

L'article 8 n'est pas adopté.

En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

La séance, suspendue à 16 h 50, reprend à 16 h 55.

Gaz de schiste (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique ; de la proposition de loi visant à interdire l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures de schiste et de la proposition de loi visant à abroger les permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures non conventionnels et à interdire leur exploration et leur exploitation sur le territoire national.

M. Alain Fauconnier.  - Rappel au Règlement ! Nous venons d'apprendre par le journal The Independent qu'à deux reprises, dont une hier, se sont produits des séismes probablement dus à la fracturation hydraulique. (L'orateur brandit la « une » du journal) Le British Geological Survey estime que ce tremblement de terre était équivalent à une magnitude de 2,3 sur l'échelle de Richter. L'épicentre se serait situé à deux kilomètres sous terre. Jusqu'à présent, on connaissait les risques de pollution des nappes phréatiques et de destruction des paysages. Il faut désormais y ajouter le risque sismique. Il est temps de retrouver notre bon sens.

M. Ladislas Poniatowski.  - Ce n'est pas un rappel au Règlement.

Discussion générale

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.  - Le problème est bien d'actualité. Pas moins de cinq propositions de loi ont été déposées au Parlement. J'ai reçu de nombreux courriers et des pétitions, des milliers de manifestants ont défilé, des communes ont pris des arrêtés d'interdiction.

Des autorisations ont été accordées mais nous sommes en terrain inconnu. Sans doute auraient-elles dû ne pas être prises. La mission conjointe du Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies et du Conseil général de l'environnement et du développement durable souligne dans son rapport d'étape tout ce que nous ignorons encore, comme y insiste M. Houel dans son rapport.

Les techniques actuelles posent problème pour la prévention de l'environnement. Les hydrocarbures de schiste représentent une ressource considérable mais des incertitudes pèsent sur leur exploitation. Lorsque nous invoquons le développement économique, pensons aussi au tourisme vert, à l'agriculture et à la viticulture bio. Et soyons cohérents : nous demandons à l'Unesco le classement des Causses et des Cévennes au patrimoine de l'humanité.

M. Jacques Blanc.  - Très bien !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - L'exploitation de ces hydrocarbures risque d'accroître le réchauffement climatique et retarder le développement des énergies renouvelables. Les risques sont multiples : pollution des nappes, bruit, consommation d'eau.

Certaines technologies utilisées sont anciennes mais nous doutons de notre capacité à maîtriser les risques. Nous appliquons donc le principe de précaution, en suspendant les forages avec fracturation. Le Gouvernement a lancé la mission CGEDD-CGIET et l'Assemblée nationale sa mission Gonnot-Martin. Nous disposons d'éléments de réflexion. Pourtant, de nombreuses incertitudes demeurent. Une exploitation à des fins de recherche est donc nécessaire mais il faut mettre fin à la fracturation hydraulique. Un mot sur l'expérimentation : cela correspond au principe de précaution.

Pour autant, compte tenu des risques, dans l'esprit du Grenelle, une expérimentation scientifique nécessite un encadrement strict, contrôlé par divers organismes scientifiques et sociologiques.

Enfin, le Gouvernement a voulu remédier à une insuffisance du code minier : les populations doivent en effet être consultées. (On le confirme à gauche) Le public doit être consulté sur les demandes de recherche et sur les prolongations de concession qui se font de façon discrète.

Mme Nicole Bricq.  - Oh oui !

M. Roland Courteau.  - En catimini !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - Cette proposition de loi est d'une importance majeure. Il s'agit de mettre en oeuvre le principe de précaution, qui a valeur constitutionnelle. (Applaudissements à droite)

M. Michel Houel, rapporteur de la commission de l'économie.  - Nous examinons la proposition de loi de M. Jacob, adoptée le 11 mai, à laquelle la Conférence des présidents a décidé de joindre la proposition de loi de Mme Bricq et la mienne. Nous avons travaillé rapidement. La question des gaz de schiste commence à nous être familière, tant elle a suscité d'inquiétudes dans nos territoires.

Ces gaz sont situés dans la roche mère, souvent à 2 000-3 000 mètres de profondeur. Leur volume pourrait représenter plusieurs dizaines d'années de consommation. Mais il ne s'agit que d'approximations. Seuls des forages pourraient nous en dire plus.

De plus, l'exploitation de ces gaz n'est possible que par fracturation hydraulique. La roche n'explose pas mais est fissurée par injection d'eau, de sable et de produits chimiques. Cette technique est utilisée depuis cinquante ans sans dégâts apparents.

Aux États-Unis, l'exploitation bat son plein, avec un million de fracturations, alors que cette technique n'est pas entièrement maîtrisée et que l'activité est mal régulée.

Le Gouvernement a répondu avec célérité en demandant aux entreprises de suspendre leurs forages. À ce jour, hélas nous ne connaissons pas encore les conclusions de la mission des députés.

Trois textes ont été déposés à l'Assemblée, deux au Sénat, par des parlementaires de la majorité comme de l'opposition. La commission de l'économie s'est réunie la semaine dernière et a adopté la proposition de loi de l'Assemblée nationale en adoptant trois amendements de M. Biwer. Le texte est équilibré. L'article premier interdit la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation.

Faut-il définir dans la loi la fracturation ? Cet article ne concerne pas la géothermie. Des dérogations sont prévues pour des programmes scientifiques expérimentaux, sous contrôle de l'État. Il est essentiel de connaître l'état de nos ressources, d'autant que nos voisins s'engagent dans cette voie.

Pour garantir la transparence, une commission nationale se réunira. L'expertise scientifique reposera sur des organismes publics compétents. À cette condition, nous pourrons prendre nos décisions sur des bases solides.

Nous ne pouvons interdire tous les permis de recherche d'hydrocarbures non conventionnels accordés puisque la technique employée n'est pas mentionnée. Certains craignent que les industriels fassent de fausses déclarations, mais la technique est lourde et ne passerait pas inaperçue.

Le code minier doit, enfin, être modifié, pour l'information du public et des collectivités, dans l'esprit de la convention d'Aarhus et de la charte de l'environnement.

La fiscalité minière doit être modernisée pour qu'elle soit plus favorable aux collectivités concernées. Ces dispositions feront l'objet d'un autre texte. Pourriez-vous nous dire quand, madame la ministre ? Cette proposition de loi répond à une urgence, mais le code minier doit être modifié dans son ensemble.

Le principe de précaution est souvent invoqué : il faut évaluer les risques, éviter les dommages par des mesures provisoires et proportionnées. Tel est l'esprit du texte adopté par la commission. (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi n°577.  - Notre proposition de loi est née de l'émoi que nous avons partagé avec les élus, les associations de défense de l'environnement et les populations qui ont découvert que des sociétés disposaient en toute légalité de permis d'exploitation. Rien ne leur avait été dit.

Une telle opacité n'est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

En 2009, nous discutions de la loi Grenelle II et la France préparait le sommet de Copenhague. C'est à ce moment que des demandes ont été déposées et le Gouvernement ne pouvait ignorer les dégâts environnementaux et sanitaires constatés aux USA. Or, ces demandes ont abouti à des permis d'exploitation indifférenciés dans de nombreux départements. En Seine-et-Marne, département habitué aux forages pétroliers, les sociétés Vermilion et Toréador en ont été bénéficiaires, d'autres en Ardèche, dans la Drôme, le Gard, le Lot, l'Hérault, le Vaucluse...

M. Alain Fauconnier.  - L'Aveyron !

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Et en totale méconnaissance du Grenelle. Il est regrettable que la majorité ait habilité le Gouvernement à réformer le code minier par ordonnance. Le groupe socialiste du Sénat a, le 24 mars 2011, déposé une proposition de loi pour que la mécanique parlementaire démarre enfin.

Notre texte vise à réparer les erreurs du Gouvernement : précipitation, imprécision, opacité.

La précipitation ? Les documents publics consultables le prouvent. Il a fallu que José Bové, présent dans ces tribunes (applaudissements sur les bancs socialistes), saisisse la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) pour obtenir les permis complets.

M. Didier Guillaume.  - Des permis qui couvrent jusqu'à 10 000 km² !

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - La technique de fracturation est clairement explicitée. M. Houel estime, dans son rapport, que ce dossier n'a pas de valeur juridique.

M. Didier Guillaume.  - C'est faux !

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Vous êtes maire, monsieur Houel. Vous ne délivrez pas de permis de construire sans connaître le plan de la maison ! (Applaudissements à gauche)

On nous a menti : c'est grave, pour la crédibilité de l'action publique. Nous corrigeons aujourd'hui cette erreur.

Il faut abroger les permis accordés ; c'est après que les études pourront reprendre, sur les hydrocarbures conventionnels uniquement. Tel est l'objet de notre article 2.

L'opacité est tenace ; c'est même de l'omerta. Participation du public, études publiques et études d'impacts ont été balayées. Heureusement que la mobilisation a conduit le Gouvernement à revoir sa copie !

Depuis la loi de finances du 19 novembre, j'ai compris qu'il y avait un problème : pourquoi une niche fiscale pour les sociétés qui exploitent les hydrocarbures ? Notre proposition de loi revient aux règles du Grenelle. Elle soumet le code minier à la charte de l'environnement, qui doit primer.

À ce jour, nous ne savons pas si le Gouvernement a l'intention d'introduire ces références dans le code minier. La ratification de l'ordonnance n'est pas encore inscrite à l'ordre du jour. Il faut, par cohérence, mettre en regard notre proposition de loi et le texte de la commission, qui rend encore plus dangereux le texte issu de l'Assemblée nationale ! La majorité a reculé ; le Gouvernement n'a jamais été clair : d'un côté, il tentait de répondre aux protestations ; de l'autre, il défendait les permis. Tout au plus a-t-il commandé un rapport... que nous attendons toujours, puisqu'il devait être remis le 31 mai. Bref, il tente de gagner du temps.

M. Jacques Blanc.  - Procès d'intention !

M. Bruno Sido.  - Mais oui !

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Le Premier ministre n'a-t-il pas déclaré devant les députés qu'il fallait tout remettre à plat, donc annuler les autorisations accordées ?

M. Roland Courteau.  - Il l'a dit !

M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission de l'économie.  - Des mots, des mots...

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Le texte n'a plus rien à voir avec celui de M. Jacob. Croyez-vous que les sociétés vont benoîtement déclarer qu'elles utilisent la fracturation hydraulique ?

M. de Margerie a déclaré, lors de l'assemblée générale de Total, que le texte de l'Assemblée nationale était habile, et il a ajouté : « On va s'en sortir »...

M. Roland Courteau.  - Et voila !

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - En fait, majorité et Gouvernement cherchent à éteindre la contestation, mais ils n'y parviendront pas.

M. de Margerie -encore lui, mais il a le mérite de ne jamais employer la langue de bois- a répondu aux associations contestataires qu'il respectait la loi et qu'il convenait de la changer si elle n'était pas satisfaisante. C'est ce que nous proposons.

Le choix d'une politique énergétique est une question clé, qui doit être posée au peuple. Voulons-nous être dépendants des énergies fossiles ?

En accordant ces permis, le Gouvernement ne voulait pas garantir notre indépendance énergétique mais garantir les profits de certaines entreprises ! Ce sont les Français qui décideront en 2012, et non une poignée d'opérateurs attirés par un nouvel Eldorado. (Vifs applaudissements à gauche)

M. Yvon Collin, au nom du groupe RDSE.  - Le Parlement légifère sur la question complexe du gaz de schiste dans la précipitation, en réponse à la contestation populaire. On nous demande de faire du mauvais travail législatif pour corriger les erreurs du Gouvernement. Ce texte n'apportera pas de réponses satisfaisantes. La mobilisation citoyenne ne faiblira pas, les industriels continueront leurs exploitations. Nous aurions préféré un débat à une loi : il est encore trop tôt pour légiférer.

L'enjeu est considérable. Nous savons que l'exploitation du gaz de schiste n'est pas neutre sur le plan écologique. La fracturation hydraulique nécessite d'énormes quantités d'eau, ce qui va à l'encontre de notre politique. Les produits chimiques utilisés pollueraient les nappes phréatiques. Les rejets accidentels de gaz, les nuisances pour les riverains, tout cela fait de la fracturation hydraulique une technique dangereuse, qui va à l'encontre des objectifs du Grenelle.

La prospection de l'énergie fossile contrevient aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les incertitudes scientifiques demeurent ; alors que nous avons besoin de travaux scientifiques sérieux pour faire les bons choix, nous légiférons dans l'urgence, sous le coup de l'émotion. Ne peut-on attendre encore quelques semaines pour disposer des rapports en cours d'élaboration ?

Mais le Gouvernement veut légiférer pour éteindre l'incendie. Cette affaire a été mal gérée : c'est un bel exemple de mauvaise gouvernance qu'il faudra enseigner à l'ENA. (Approbations à gauche)

Les autorisations ont été attribuées en catimini ; les élus locaux abasourdis l'ont appris dans la presse. Aucune concertation n'a eu lieu. Certains territoires concernés sont des parcs régionaux, candidats au classement au patrimoine mondial de l'Unesco !

Il n'est pas admissible que les demandes d'exploitation du sous-sol ne soient pas soumises à enquête publique locale. Quand la réforme du code minier sera-t-elle inscrite à l'ordre du jour ?

Depuis le Grenelle, l'État invite les collectivités à s'engager ; elles font de leur mieux pour répondre à ces exigences nouvelles, mais le Gouvernement, lui, s'en dispense ! Les autorisations étaient accordées par le ministre d'État, alors qu'il défendait le Grenelle devant le Parlement ! Et le même ministre d'État, devenu député, a soutenu la proposition de loi... Quelle image donnez-vous de la politique !

Il n'y aurait pas d'autres méthodes que la fracturation hydraulique, disent les industriels. Là encore, l'opacité est totale. Le Gouvernement a commandé un rapport au Cese.

Tout se fait dans la plus grande confusion : à croire que le désordre a été organisé... J'approuve le fond de la proposition de loi Jacob, mais un tel texte est-il nécessaire ? La France compte peu de gisements gaziers ; notre facture d'importation gazière va croissant. Grande consommatrice d'hydrocarbures, elle le restera longtemps. L'exploitation de nouvelles ressources serait donc d'un grand intérêt. Nos sous-sols pourraient nous rendre moins dépendants de l'extérieur. L'exploitation du gaz de schiste a permis aux États-Unis de prendre la tête du classement mondial devant la Russie. Ce n'est pas une question à traiter à la légère : c'est tout le marché énergétique mondial qui pourrait être bouleversé.

Manque encore un travail scientifique pour trancher entre l'enthousiasme que soulève une nouvelle source d'énergie et les risques qu'elle fait peser, à l'heure où nous souhaitons, après Fukushima, réduire notre dépendance au nucléaire. Il n'appartient pas au législateur d'interdire une technique qui sera peut-être demain utile.

Les sénateurs du groupe RDSE demandent tous un grand débat sur le sujet ; la grande majorité votera contre la proposition de loi, d'autres s'abstiendront, mais aucun ne la votera. (Applaudissements à gauche)

M. Ladislas Poniatowski.  - Le marché énergétique est aujourd'hui bouleversé par la décision de l'Allemagne de sortir du nucléaire. Elle devra recourir au charbon, ce qui augmentera les émissions de gaz à effet de serre. Elle se tournera vers les centrales à gaz, elle importera son électricité de Russie et aussi de l'énergie nucléaire de France ! En hiver, il y aura un vrai problème d'approvisionnement puisque nous importons de l'électricité. Nous risquons donc de connaître un nouveau black out, comme en 2006. Tout choix a des répercussions sur les autres pays européens.

Les ressources françaises en gaz de schiste seraient considérables. On parle de 5 000 milliards de m3 alors que nous consommons 40 milliards de m3. Ces propositions de loi doivent pousser le Parlement à se saisir de la question de l'approvisionnement du pays en gaz naturel.

Le gaz naturel représente aujourd'hui 21 % de la consommation énergétique en Europe, contre 13 % dans les années 60. Je me félicite du nouveau terminal méthanier à Dunkerque, annoncé par le président de la République.

Mais plutôt que d'importer, mieux vaudrait produire du gaz naturel en France. Cette ressource ne doit pas se substituer aux énergies renouvelables ; il faut enrichir notre bouquet énergétique. Je salue au passage la hausse des tarifs d'achat de l'électricité produite par méthanisation, publiée dans le Journal officiel du 21 mai.

Les critiques à l'encontre du gaz de schiste se fondent sur l'expérience américaine, et sur les images choc du film Gasland. Mais les États-Unis ne sont pas la France : leur géologie est très différente, comme leur réglementation, moins rigoureuse qu'en France. Les entreprises américaines n'ont pas pris toutes les précautions nécessaires, dans un pays où 50 États peuvent édicter 50 réglementations différentes... Il faut approuver l'interdiction générale de la fracturation hydraulique, qui ne peut en l'état être utilisée sur une grande échelle.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Ni sur une petite !

M. Ladislas Poniatowski.  - Il faut des études scientifiques.

La France devrait-elle se passer d'une nouvelle ressource sans chercher à la comprendre ?

Le président Obama exige des méthodes plus propres ; pourtant, il ne remet pas en cause l'exploitation des gaz de schiste. En Pologne, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Suède, la position est plus nuancée. Le Québec a opté pour un moratoire, mais aucun pays n'envisage une interdiction pure et simple.

Le groupe UMP soutiendra le texte de la commission, qui interrompt les forages en cours... (exclamations à gauche)

Mme Dominique Voynet.  - Ce n'est pas ce que dit le texte !

M. Ladislas Poniatowski.  - ...et améliore la transparence. Le texte, équilibré, répond à une situation d'urgence sans compromettre l'avenir. Le Parlement s'est également saisi de la question, et des décisions seront prises, le moment venu, en toute connaissance de cause. Souhaitons que l'évaluation du gaz de schiste se déroule dans la même sérénité. (Applaudissements à droite)

M. Michel Teston.  - Fin 2010, la découverte des autorisations accordées a suscité une vive mobilisation : le 26 février, 20 000 personnes à Villeneuve-de-Berg ! Pris la main dans le sac, le Gouvernement a mis en place une mission et suspendu les travaux. Après s'être précipité pour accorder les permis de recherche, il a fait inscrire à l'ordre du jour la proposition de loi Jacob, texte inacceptable, caractérisé par des ambigüités majeures. (M. Roland Courteau le confirme)

Le dossier a été conduit dès le départ dans la précipitation et l'opacité.

Les maires des communes concernées n'ont pas été informés. Le Gouvernement a décidé de modifier le code minier par voie d'ordonnance ; le texte de ratification n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour. Il a fallu que M. Bové saisisse la commission d'accès aux documents administratifs !

L'Assemblée nationale a profondément modifié le texte initial sur des points essentiels. Le texte actuel est ambigu. De l'interdiction générale de l'exploration et de l'exploitation, on passe à la seule interdiction de la fracturation hydraulique. Il suffira de renommer la technique pour poursuivre les recherches.

Les recours formulés par les titulaires de permis de recherche vont dans ce sens... On ne ferme d'ailleurs pas la porte à l'expérimentation, adoptée en commission par la majorité sénatoriale. Nous demandons donc une remise à plat complète de ce texte, et un grand débat.

Nos amendements visent à distinguer hydrocarbures conventionnels et non conventionnels, à abroger les permis exclusifs de recherche et à soumettre toute délivrance de permis à une enquête publique et à des études d'impact préalables, conformément aux souhaits de nos concitoyens. (Applaudissements à gauche)

M. Robert Tropeano.  - La mobilisation citoyenne se fait entendre depuis des mois. Elle continue, même si vous avez reconnu que les permis n'avaient pas été accordés dans des conditions satisfaisantes : faute avouée n'est pas pour autant pardonnée ! Avec cette proposition de loi, la majorité cherche avant tout à calmer une colère grandissante, à la veille d'échéances électorales. (« Bien sûr ! » sur les bancs socialistes)

Sans concertation préalable avec les élus et les populations, le Gouvernement a accordé ces permis, au mépris du principe de précaution pourtant consacré dans le Grenelle de l'environnement.

Les conséquences d'une telle exploration seraient catastrophiques. Le Larzac est une grande richesse hydrique, un gigantesque réservoir, inestimable pour des territoires frappés par la sécheresse. Et que va devenir la candidature des Causses et des Cévennes à l'inscription au patrimoine mondial de l'humanité ?

À l'article 2, l'abrogation initiale des permis s'est transformée en interdiction d'utiliser la fracturation hydraulique. Nous pouvons faire confiance à l'inventivité des titulaires de permis de recherche : ils sauront contourner les exigences en jouant sur la sémantique. (M. Roland Courteau le confirme) En fait, le Gouvernement n'entend pas renoncer au gaz de schiste. La fracturation hydraulique n'est pourtant pas le seul risque ! Quid, par exemple, de la destruction des paysages ? Je vous renvoie à l'article 6 de la Charte de l'environnement qui dit que « les politiques publiques doivent promouvoir le développement durable et concilier la protection de l'environnement avec le développement économique et le progrès social ». Nous en sommes loin !

Cette proposition de loi devrait faire plus que tenter de calmer les protestations : réfléchir à notre politique énergétique, accélérer le développement des énergies renouvelables plutôt que les énergies fossiles. Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % d'ici 2020 doit être notre objectif absolu.

Devant le refus de revenir sur l'article 2, les déclarations creuses, je voterai contre ce texte. Nos concitoyens sauront vous faire entendre leur mécontentement le moment venu ; l'heure n'est pas à la démobilisation, bien au contraire ! (Applaudissements à gauche)

Mme Évelyne Didier.  - L'avenir énergétique passe-t-il par le gaz et l'huile de schiste ? Les débats passionnés à l'Assemblée nationale ont été à la hauteur de l'indignation, voire de l'exaspération des élus et de la population. Le Gouvernement est pris dans ses contradictions -on pourrait même parler de double langage-, alors que le principe de précaution devrait primer. Mais votre prédécesseur n'a pas su résister aux sirènes des industriels qui voyaient dans l'exploitation de ces hydrocarbures un nouvel Eldorado énergétique et une nouvelle source de profits.

La fracturation hydraulique présente des risques avérés, notamment par sa consommation en eau ; à quoi il faut ajouter la pollution de l'air, l'impact sur les paysages, un bilan carbone équivalent à celui du charbon. Notre rapporteur l'a bien dit ; mais est-il opportun d'ouvrir un nouvel âge de l'énergie fossile ?

L'heure est plutôt à la recherche dans le domaine des énergies renouvelables. En 2050, la part de ces énergies devrait atteindre 80 % des besoins. Il faut une politique de long terme, incompatible avec les critères de rentabilité immédiate. Les événements dramatiques de Fukushima nous rappellent en outre que la transparence est essentielle. Il aura fallu attendre le film Gasland pour que nos concitoyens soient informés.

L'attitude du Gouvernement a inquiété les élus qui ne supportent plus d'être traités comme quantité négligeable, pire, d'être traînés devant les tribunaux par des compagnies américaines ! Il fallait une refonte du code minier ? Mais qui a supprimé en 1994 les enquêtes publiques minières ?

Avec cette proposition de loi, quelle occasion manquée ! Les textes ont été vidés de leur sens et sont devenus ambigus ; on ne cherche qu'à donner du temps aux compagnies pétrolières. Les manifestants ne seront pas dupes ; ils ne sont pas décidés à se laisser faire.

Nous sommes hostiles à la réécriture de l'article premier. Pourquoi autoriser la recherche ? Sous son couvert, vous voulez légaliser la pratique. Difficile de croire qu'il est impossible d'abroger tous les permis ! L'argument de l'intelligibilité de la loi ne tient pas, la rédaction est tout sauf claire. Les entreprises titulaires de permis n'ont pas l'intention d'abandonner l'exploitation. On parle de nouvelles techniques, de fracturation par l'azote ou le méthane. La nouvelle écriture de l'article 2 inverse en outre la charge de la preuve.

Nous regrettons la suppression de l'article 3 qui prévoyait un débat public, une enquête publique et une étude d'impact. La transparence de l'exploitation du sous-sol, patrimoine de la Nation, est indispensable. Bref, le Gouvernement ne veut pas se priver de l'exploitation future de ces hydrocarbures -il n'est qu'à lire le rapport de la mission interministérielle et ses lignes sur le positionnement d'opérateurs sur le marché mondial. Total a d'ailleurs annoncé le 13 mai avoir pris des participations dans l'exploitation du gaz de schiste en Pologne.

Il aurait aussi fallu attendre les conclusions des missions actuellement diligentées.

Pour toutes ces raisons, en regrettant l'absence de consensus, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Biwer.  - Je salue nos visiteurs qui ont beaucoup de patience, mais je ne juge pas les textes de loi au nombre de visiteurs et de manifestants...

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Ça commence mal.

Mme Dominique Voynet.  - Les citoyens vous dérangent ?

M. Claude Biwer.  - Je salue l'apport de l'Assemblée nationale visant à distinguer les techniques de l'exploitation elle-même. Depuis longtemps, on exploite du gaz et du pétrole enfouis sans provoquer de mouvements populaires.

La politique énergétique est un enjeu national et non local. Le sous-sol appartient à l'État. Voulons-vous connaître l'état de nos ressources en hydrocarbures non conventionnels ? Oui ! Pourquoi vouloir importer du gaz de schiste de Pologne alors que nous en disposons en France ? Pourquoi acheter à Gazprom le pétrole que nous consommons ?

Souhaitons-nous exploiter nos ressources ? Oui encore. Nos importations nous coûtent 45 milliards alors que nous semblons disposer de 5 000 milliards de m3 de ressources en gaz et huiles de schistes. L'enjeu de l'indépendance énergétique est de taille. À l'heure de l'énergie chère, l'exploitation de gaz de schiste non conventionnel a fait baisser les prix du gaz aux États-Unis de 60 %. Ayons donc une approche non politicienne de cette question.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. Claude Biwer.  - Faut-il agiter l'opinion publique par des campagnes à charge ? (Exclamations indignées à gauche)

M. Didier Guillaume.  - Ce sont les élus qui protestent !

Mme Dominique Voynet.  - Au moins, ils ne se font pas dicter leur position par les entreprises !

Le film Gasland a marqué les esprits. Dans notre pays, la réglementation est bien plus stricte et sécurisante. En Grande-Bretagne ou en Allemagne, l'accueil est plutôt favorable. Je comprends mal les réactions en France. Dans mon département de la Meuse, on me dit que le stockage des déchets radioactifs à 800 mètres de profondeur est sans risque, mais que des fracturations de roche à 3 000 mètres le seraient... Qu'il y ait un problème environnemental, je ne le nie pas.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Quand même !

M. Didier Guillaume.  - Encore un effort !

M. Claude Biwer.  - Alors que nous limitons l'irrigation, essayons d'économiser l'eau. Alors que l'on culpabilise les agriculteurs, il serait dommage de ne pas engager la réflexion sur ce thème.

Nous avons besoin de la recherche pour imaginer de nouvelles solutions. C'est pourquoi j'ai déposé des amendements pour autoriser des forages expérimentaux. Je remercie M. Houel d'avoir soutenu mon initiative. Même dans le cadre de la fracturation hydraulique, la recherche ne serait pas inutile -récupération de l'eau saline des poches d'hydrocarbures, utilisation du propane ou du gaz comprimé...

Le principe de précaution, c'est l'évaluation du risque et recherche, d'abord la recherche. Ne fermons pas la porte aux nouvelles technologies, comme nous l'avons fait pour les OGM. Ne cédons pas à la pression électoraliste ni au catastrophisme. Dans sa grande majorité, l'Union centriste votera ce texte en attendant la grande réforme du code minier. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Didier Guillaume.  - La raréfaction des énergies fossiles met les gaz de schiste au coeur de nos débats. Utilisons notre sous-sol, nous dit-on ! Ce qui s'est passé hier à Blackpool -un mini-séisme dû à la fracturation hydraulique- nous montre que les raisons électoralistes n'ont rien à voir avec ce qui se passe. Seul l'avenir de la planète nous importe.

Les permis ont été délivrés en catimini. Le Gouvernement pensait que cela se passerait sans heurts. Si nous débattons aujourd'hui, c'est grâce à la mobilisation de milliers de citoyens, qui veulent que leur environnement soit préservé. Les élus se sont aussi mobilisés car ils n'acceptent pas qu'on fore sur leur commune sans qu'ils en aient été au moins informés. Ils demandent tous un débat de société. Qu'est devenue l'ambition du Grenelle ? Et quel grand écart entre les déclarations du Premier ministre, qui annonçait l'abrogation des permis, et cette proposition de loi ! Ce recul n'est pas acceptable. On ne gouverne pas contre les citoyens, contre les élus, mais avec eux, pour eux et pour la Nation. (Applaudissements à gauche)

Il fallait commencer par réformer le code minier. Certes, il y a des ordonnances mais avec ce texte on met la charrue avant les boeufs. Nous ne voulons pas un débat sur la technique mais l'interdiction de l'exploration et de l'exploitation des gaz de schiste, quelle que soit la technique. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Nous voulons protéger la roche mère.

Ce texte est d'affichage et d'opportunité. La mobilisation était immense, il fallait une loi, mais celle-ci ne résout rien qui laisse la porte ouverte à toutes les dérives. Nous vous demandons de réhabiliter le Grenelle.

M. Pierre Hérisson.  - Pourquoi ne l'avez-vous pas voté ?

M. Didier Guillaume.  - Nous vous demandons un grand et beau débat sur l'énergie.

Nous voulons vivre mieux en vivant plus longtemps, dans un environnement préservé. Sécurité, santé publique, préservation de l'environnement doivent toujours prévaloir sur la recherche du profit. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Blanc.  - Je suis attristé. (Exclamations amusées sur les bancs socialistes) Nous avons tous le même objectif : protéger l'environnement. Quelles que soient nos sensibilités, nous voulons mettre à l'abri nos territoires, mais sans nous prononcer définitivement sur quelques problèmes énergétiques.

On est un peu injustes avec Mme la ministre, qui a fait montre de courage et a su écouter. Il a fallu maîtriser une situation : on avait agi vite et mal. Aujourd'hui, c'est vite et bien : on interdit toutes les techniques de fracturation hydraulique. La sagesse a conduit le Gouvernement à déclarer un moratoire. Il a ensuite soutenu une proposition de loi pour mettre nos territoires à l'abri de tous dangers.

En Lozère, l'Association des maires avait estimé qu'elle ne pouvait accepter ces exploitations qui mettaient en péril notre environnement. En interdisant la fracturation hydraulique, les permis de recherche tombent. Des tricheries sont possibles ? Mais non ! On ne pourra extraire d'énormes quantités d'eau en catimini !

Quand la France a décidé d'aller plus loin dans le nucléaire après la crise du pétrole de 1974, c'était courageux. Aujourd'hui, nous devons avoir le courage de dire non à des techniques dangereuses ; nous sommes fidèles au Grenelle de l'environnement. Il y a eu une erreur et le Gouvernement la corrige dignement.

Le Sénat a fait un travail approfondi ; notre rapporteur nous dit qu'il ne faut pas bloquer les recherches scientifiques. Comment aller contre ? Mais à condition que la loi ne soit pas tournée et que les territoires soient préservés.

J'appelle à la modestie. Le Parlement fait son métier en votant cette loi. Ensuite, un débat global sur l'énergie devra avoir lieu. Dans le domaine nucléaire, la France est exemplaire : bien sûr, nous ne sommes pas à l'abri d'un pépin, mais d'autres pays n'ont pas eu la même rigueur que nous.

Du fait de la sécheresse, nos agriculteurs vivent un véritable drame. On ne peut accepter que de grandes mases d'eau soient dilapidées pour exploiter les gaz de schiste.

Je remercie Mme la ministre d'être venue en Lozère pour expliquer la situation.

Et de grâce, pas de procès d'intention. Les sénateurs sont sérieux, ils ont écoutés leurs administrés, ils veulent répondre aux exigences du Grenelle mais refusent d'interdire la recherche scientifique Nous voterons cette proposition de loi avec conviction. (Applaudissements à droite)

M. Alain Fauconnier.  - J'ai cosigné une des propositions de loi mais je suis aussi un élu d'un territoire menacé par la fracturation hydraulique, celui de Nant au coeur du Parc régional des Grands Causses. Je dénonçais en février la technique et surtout la façon de gouverner. Depuis, protestations des populations et des élus dans la diversité ; première capitulation tactique du Gouvernement -dans la cacophonie, les propos de M. Besson et de Mme la ministre se contredisant en quelques jours. La confiance n'est plus au rendez-vous et le Gouvernement continue de finasser sous la pression des entreprises d'extraction...

Voulez-vous tout sacrifier pour une hypothétique recherche sur le gaz de schiste alors que les énergies fossiles sont en fin de vie ? La proposition de loi votée à l'Assemblée nationale n'interdit pas expressément l'exploitation des gaz de schiste, pas plus que les techniques d'injection d'eau sous pression.

Au milieu du parc régional, on a implanté des foreuses. Des millions de mètres cubes d'eau risquent d'être pollués. On nous a dit : c'est le combat des modernes contre les archaïques, des défenseurs de la science contre les obscurantistes, des égoïstes contre les tenants de l'intérêt général. Non, les territoires ruraux n'ont pas de leçon de modernité ni de bon sens à recevoir.

Un travail de cartographie aquifère a été réalisé et a coûté très cher à la région, à l'État et même à l'Europe. Des fracturations, des explosions auraient des conséquences gravissimes sur le sous-sol. Il suffit de voir ce qui s'est passé à Blackpool. Ne transformez pas les Causses et les Cévennes en delta du Niger ! Nous attendons une loi qui protège et non pas qui nous trompe. (Applaudissements à gauche)

Mme Dominique Voynet.  - Nous sommes tous d'accord : il est urgent de revoir la politique énergétique de notre pays. Alors que l'Allemagne abandonne le nucléaire et que les émissions de CO2 ont explosé en 2010, nos experts autoproclamés qui glosent sur nos échanges d'électricité avec notre voisin feraient mieux de revoir leur copie.

Faut-il un débat de plus sur l'énergie ? Non, le débat aura lieu lors de l'élection présidentielle. (M. Dominique Braye approuve) Quel que soit le mix énergétique retenu, il faudra un sevrage énergétique, une rupture avec la boulimie pétrolière des cinquante dernières années qui nous a gavés, dans tous les sens du terme.

Vous êtes allée au Japon, madame la ministre, alors que l'on se demandait si le coeur des réacteurs avaient fondu. C'était le cas. J'ai été au Japon : j'ai vu la colère des citoyens, des députés qui n'ont plus confiance dans la parole des politiques et des industriels.

La proposition de loi de Mme Bricq était claire, limpide et abrogeait les permis délivrés sans transparence ni discernement par M. Borloo. La colère des élus est largement due à la méthode utilisée par le Gouvernement ; compte tenu de celle-ci, les permis accordés aux entreprises privées sont nécessairement suspects.

Cette proposition de loi est une basse manoeuvre électorale visant à étouffer la voix des concitoyens et des élus. Nous refusons le jésuitisme du rapport, qui fait mine de regretter de n'avoir pu disposer des conclusions des études et missions en cours. M. Biwer, lui, a suivi une autre méthode. Il me fait penser aux diplomates japonais lorsqu'ils justifient à des fins scientifiques les prélèvements -interdits- de baleines. Invoquer la science pour masquer le recul du Sénat n'est pas acceptable. On prépare ainsi les techniques de remplacement. Mais l'eau ! Mais le méthane, qui a un effet sur le réchauffement climatique cent fois plus important que le CO2 ! Mais les fuites des puits !

Nous n'échapperons pas à une transition vers un développement sobre, responsable, équitable.

J'attends avec impatience le débat qui aura lieu lors des présidentielles. (Applaudissements à gauche)

Mme Colette Mélot.  - Les révoltes du monde arabe, la flambée des prix du pétrole et du gaz font peser des incertitudes sur notre indépendance énergétique. Le gaz de schiste peut présenter un intérêt dans le contexte, mais pas à n'importe quel prix. Selon l'AIE, les réserves de gaz non conventionnels seraient supérieures à celles des gaz conventionnels, et mieux réparties.

Nous avons toujours besoin de gaz naturel, notamment pour remplacer le charbon en période de pointe. Mais la seule technique d'extraction connue à ce jour présente des risques. C'est bien la technique de fracturation hydraulique qui est en cause. Même si elle est ancienne, savons-nous maîtriser ces risques ? Les produits chimiques utilisés ont-ils un impact sur la ressource en eau potable ? L'actuelle sécheresse nous montre à quel point elle est précieuse.

Il faut des recherches scientifiques pour répondre aux questions. Aux industriels de démontrer qu'une exploitation propre est possible. Les habitants de Seine-et-Marne sont coutumiers de l'exploitation pétrolière ; 50 % du territoire est concerné. Les puits exploités depuis trente ans sont quasiment épuisés : le gaz de schiste peut être une alternative, plus coûteuse.

Nous attendons un projet de loi de modernisation du code minier. Le Gouvernement a mis en place une mission de haut niveau, qui doit rendre son rapport incessamment.

Pour l'heure, au nom du principe de précaution, nous demandons l'abandon de toute exploration par fracturation hydraulique. Merci, madame la ministre, de nous rassurer.

Le Grenelle a marqué un engagement fort pour la protection de l'environnement et de la santé. C'est l'objet de cette proposition de loi, excellemment rapportée par M. Houel.

Nous attendons des rapports au Parlement pour nous éclairer sur de nombreux points. Nous approuvons l'institution d'une commission nationale de suivi, associant représentants de l'État, des collectivités, des associations des salariés et des entreprises concernées. (Applaudissements à droite)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - Beaucoup a été dit. Il y a un accord quasi général, comme à l'Assemblée nationale, pour considérer qu'il n'est pas aujourd'hui souhaitable d'explorer et d'exploiter les gaz de schiste. Cet accord pourrait sans doute s'incarner dans un texte commun.

Comme pour le principe de précaution, comme pour le Grenelle I, j'espère que l'unanimité se fera.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article additionnel avant l'article premier

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa (1°) de l'article L. 111-1 du code minier, après le mot : « gazeux », sont insérés les mots : « y compris les hydrocarbures liquides ou gazeux de roche-mère ».

M. Roland Courteau.  - L'exploration et l'exploitation de ces hydrocarbures nécessitent aujourd'hui l'emploi de techniques de fracturation des roches particulièrement préjudiciables pour l'environnement et la santé.

Que le code minier soit obsolète ne dédouane pas le Gouvernement !

Les groupes industriels sont dans les starting blocks pour obtenir de nouveaux permis ! Il faut clarifier les choses, en distinguant clairement les hydrocarbures de schiste des hydrocarbures classiques.

Le rapport d'étape de la mission que vous avez constituée souligne le caractère trompeur de l'appellation d'hydrocarbures « non conventionnels » : c'est la roche qui n'est pas conventionnelle. Ils préconisent de parler de gaz ou d'huile de roche-mère. C'est ce que nous proposons, afin d'interdire leur exploration et exploitation, dans l'attente d'un vrai débat sur le sujet.

M. Michel Houel, rapporteur.  - Les hydrocarbures de roche-mère relèvent déjà du code des mines. Défavorable.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - Même avis.

À la demande de la commission, l'amendement n°9 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 335
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l'adoption 151
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

Article premier

M. Bernard Vera.  - Cette proposition de loi a beaucoup évolué depuis son dépôt à l'Assemblée nationale en mars. Votre Gouvernement a dû déclarer un moratoire provisoire sur l'exploitation de ces hydrocarbures. Les parlementaires ont déposé pas moins de cinq propositions de loi, tant les problèmes environnementaux sont importants. L'eau est une ressource bien trop précieuse pour être dilapidée en fracturation hydraulique, sans parler de la pollution des nappes, ni de la sécheresse. Le mode de recharge favorise le déplacement des polluants ; il n'y a quasiment pas d'autoépuration. Quant aux additifs chimiques, ils sont cancérigènes. L'étude de l'université Cornell souligne que les hydrocarbures de roche dégagent du méthane.

Mais la majorité refuse d'interdire purement et simplement la fracturation hydraulique, au motif de recherche. C'est pourtant contraire à l'article 5 de la Charte de l'environnement. L'amendement adopté en commission marque un recul très important. Notre groupe ne peut l'accepter. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Roland Courteau.  - Comment a-t-on pu laisser passer ça ? Quelle faiblesse coupable ! Alors que nous examinions le Grenelle qui prône transparence et concertation, c'est en cachette que M. Borloo octroyait ces fameux permis. Les actes n'étaient guère en phase avec les discours.

En politique, la morale, c'est de ne pas faire de promesses inconsidérées et l'honneur, d'accorder ses actes et ses paroles.

Ce texte ne nous satisfait nullement. Où en serions-nous, sans cette fronde salutaire des élus et citoyens ? On aurait laissé faire, avec des conséquences dramatiques. Tout cela au mépris de la charte de l'environnement ! La multiplication des puits aurait ravagé nos paysages ! Heureusement, la contestation est venue gripper le processus.

Quelle mode de gouvernance inouï ! Gouvernement, majorité et opposition semblaient d'accord sur la nécessité d'une transition énergétique. Or voilà qu'on veut ouvrir un nouvel âge d'or aux énergies fossiles, dont on connaît l'impact polluant.

Interdire la fracturation hydraulique ne suffit pas : les grands groupes industriels vont tout faire pour contourner cette exigence. Les profits sont trop tentants ! Nous sommes là pour légiférer dans l'intérêt des populations, pas des grandes firmes.

Mme Bariza Khiari.  - Paris est concerné par ces forages. Principal bassin d'emplois d'Île-de-France, la capitale doit pourvoir aux besoins de la population par une eau de qualité. Or l'eau de Paris vient de loin, notamment de Seine-et-Marne. On ne peut transiger avec la qualité de cet approvisionnement. Ne nous laissons pas berner par les sirènes des grands groupes, qui oublient que l'eau voyage ! Il y a un risque pour les habitants, sur place et plus loin. Mais on ne juge pas bon de les consulter, pas plus que leurs élus !

Les nappes communiquant entre elles, il faut décider l'interdiction totale de la fracturation hydraulique. Le principe de précaution doit s'appliquer.

Mais on veut toujours privatiser les profits et socialiser les coûts environnementaux et humains. Nous refusons ce cynisme.

Les sénateurs parisiens refusent toute exploration ou exploitation du gaz de schiste.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Paris, avec nous !

M. Didier Guillaume.  - La fracturation hydraulique ravage l'environnement. Dans la Drôme, premier département bio de France, il faudra choisir : soit le bio, soit le gaz de schiste. Qui sait aujourd'hui définir précisément la fracturation hydraulique ? Cette rédaction laisse la porte ouverte à des méthodes alternatives aussi nocives.

Il aurait fallu modifier le code minier, et interdire purement et simplement l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures de roche-mère, qu'il faut sanctuariser. Oui à l'indépendance énergétique, mais pas à n'importe quel prix. L'élection présidentielle devra être l'objet d'un grand débat énergétique.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard.

Rédiger ainsi cet article :

Sont considérés comme non conventionnels tous les gisements ou les roches contenant des hydrocarbures, liquides ou gazeux, dont la perméabilité est insuffisante pour extraire les hydrocarbures et qui, de ce fait, nécessite l'utilisation de moyens, quels qu'ils soient, pour fracturer, fissurer ou porter atteinte à l'intégrité de la roche.

En application de la Charte de l'environnement et du principe d'action préventive et de correction prévu à l'article L. 110-1 du code de l'environnement, l'exploration et l'exploitation des gisements non conventionnels sont interdites sur le territoire national.

Mme Dominique Voynet.  - La distinction entre hydrocarbures dits conventionnels et hydrocarbures dits non conventionnels n'existe pas en droit français.

Il est urgent de se prémunir contre les dérives constatées aux États-Unis.

C'est la structure géologique qui déterminera la nature conventionnelle ou non de l'hydrocarbure, sans tenir compte de la méthode d'extraction employée. Ce texte n'en interdit aucune, et permet de continuer de jouer aux apprentis sorciers. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après les mots :

article L. 110-1 du code de l'environnement,

insérer les mots :

l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux de roche-mère sont interdites sur le territoire national.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - La fracturation hydraulique doit être interdite, y compris pour les hydrocarbures conventionnels. Il faut interdire l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures de roche-mère.

On nous annonce une refonde du code minier, mais il ya loin de la coupe aux lèvres, et le projet de loi n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour. En session extraordinaire, sans doute...

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

1° Remplacer les mots :

par des forages suivis de facturation hydraulique de la roche

par les mots :

de roche-mère

2° Après les mots :

territoire national

supprimer la fin de cet article.

M. Gérard Miquel.  - Interdire la fracturation hydraulique ne suffit pas. En effet, les groupes du secteur énergétique ne semblent pas être prêts à renoncer à ces nouveaux gisements d'hydrocarbures de schiste qu'ils considèrent comme une manne providentielle. Certains d'entre eux ont déjà communiqué sur le fait qu'ils n'utiliseraient pas la technique de fracturation hydraulique de la roche mais qu'ils n'envisageaient pas d'abandonner leurs projets d'exploration et d'exploitation de ces gisements.

Au vu des risques environnementaux et sanitaires, l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures de schistes doivent être purement et simplement interdites sur le territoire national.

Il n'existe pas de technique alternative, selon M. Houel, mais des entreprises prétendent utiliser une technique propre. Qui croire ? Vu ces incertitudes et en l'absence de débat démocratique, nous proposons une interdiction totale. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mme Didier et les membres du groupe CRC-SPG.

Après les mots :

territoire national

supprimer la fin de cet article.

M. Bernard Vera.  - Nous revenons à la rédaction initiale de cet article. Les propositions de loi issues du groupe UMP interdisaient la fracturation hydraulique ; celle du groupe socialiste interdit l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste et abroge les permis délivrés. En ciblant simplement la technique utilisée, la majorité laisse la porte ouverte à une exploitation des hydrocarbures de roche-mère par une autre technique. Or, l'amendement Biwer redonne une base légale à la fracturation hydraulique en cas de projets de recherche : c'est un nouveau recul. La population a besoin d'un signal clair, courageux, face aux grands groupes.

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par M. Houel, au nom de la commission.

Après le mot :

sauf

rédiger ainsi la fin de l'article :

dans le cadre de projets scientifiques d'expérimentation pour évaluer la technique de la fracturation hydraulique ou des techniques alternatives. Ces projets sont précédés d'une enquête publique soumise aux prescriptions du chapitre III du titre II du livre premier du code de l'environnement et réalisés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

M. Michel Houel, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par Mme Labarre et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L'exploration et l'exploitation de gisements d'hydrocarbures en eaux profondes sont interdites sur le territoire national.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - En Guyane, un permis a été accordé en 2001 par le ministère de l'industrie, alors que ce n'est pas de son ressort. La protection de la faune et de la flore marines est menacée par ce type de forages -rappelez-vous le drame du golfe du Mexique. Notre amendement vise à alerter notre assemblée sur l'exploitation de tels gisements off shore.

M. le président.  - Amendement n°21 rectifié, présenté par Mme Labarre et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L'exploration et l'exploitation de gisements d'hydrocarbures bitumineux sont interdites sur le territoire national.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Les schistes bitumineux ne sont ni mentionnés, ni visés par cette loi, alors que la France pourrait comporter certains sites exploitables. Parmi les techniques d'extraction, on peut énumérer le « strip mining » et le « open pit mining » ainsi que le « true in-situ process » (TIS) par lequel le pétrole non « finalisé » est chauffé en profondeur avant d'être extrait. Autant de façons d'éviter la fracturation hydraulique qui reste très nocive pour l'environnement. L'extraction de schiste bitumineux est très polluante -plus que les carburants fossiles traditionnels. Cette industrie est responsable de 97 % de la pollution de l'eau et de 23 % de la pollution de l'air en Estonie ! Préoccupations particulièrement alarmantes dans les régions arides... Mais, comme d'habitude, alors que notre maison brûle, vous regardez ailleurs, vers les profits !

M. Michel Houel, rapporteur.  - La définition proposée par l'amendement n°16 est incomplète. Il est plus sûr d'interdire la fracturation hydraulique. Avis défavorable.

L'amendement n°11 repose sur la simple hypothèse que des techniques néfastes pourraient un jour être inventées : défavorable. Même avis sur l'amendement n°10.

La commission de l'économie a prévu la possibilité de projets scientifiques expérimentaux, à l'impact très limité : défavorable à l'amendement n°1 rectifié.

L'amendement n°17 étend le champ de la proposition de loi à l'exploration off shore. Celle-ci doit bien sûr être réglementée, mais la question exige un examen plus approfondi : retrait, sinon rejet.

Les schistes bitumeux devront être abordés lors de la réforme du code minier : retrait, sinon rejet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - Existe-t-il d'autres moyens de rechercher gaz et huile de schiste ? La fracturation au propane à haute pression est incluse dans l'interdiction de fracturation hydraulique. Un arrêté préfectoral peut toujours interdire une nouvelle technique.

Avis défavorable à l'amendement n°11 : faut-il interdire la technique ou l'accès à ce produit ? Vous connaissez la réponse. Même chose sur l'amendement n°11 : l'expérimentation est consubstantielle au principe constitutionnel de précaution.

Avis favorable à l'amendement n°28.

Défavorable à l'amendement n°17 rectifié : il s'agit d'un cavalier d'ordre réglementaire. Je m'engage à ce que les forages en eau profonde fassent l'objet d'une enquête publique, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui.

Enfin, l'amendement n°21 rectifié constitue également un cavalier. Avis défavorable.

À la demande de la commission, l'amendement n°16 est mis aux voix par scrutin public.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Que la droite prenne ses responsabilités ! Qu'elle soit présente dans l'hémicycle !

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages exprimés 160
Pour l'adoption 131
Contre 188

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Didier Guillaume.  - L'amendement n°11 est clair. Si la majorité veut faire la démonstration qu'elle n'est pas favorable à l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste, il faut qu'elle le vote. Il y aura ceux qui l'auront voté, et qui pourront aller expliquer dans leur département qu'ils ont voulu interdire qu'on touche à la roche-mère... et les autres, qu'il y ait la loi ou pas. J'en appelle à la responsabilité de nos collègues. (Applaudissements à gauche)

Mme Dominique Voynet.  - Depuis des heures, on tourne autour du pot. Je n'ai toujours pas compris la position du Gouvernement. L'UMP nous explique que les industriels -autant attachés que nous à l'environnement, à la santé et à la qualité de l'eau- mettront au point des techniques propres pour exploiter les gaz de schiste. D'un autre côté, le Gouvernement semble vouloir bloquer l'exploitation. Où en est-on ? Cherche-t-on à protéger le Gouvernement d'un risque juridique ou à calmer la colère des populations ? En votant cet amendement, on apporterait une réponse claire et limpide à nos concitoyens. Mme la ministre ne devrait pas rester sourde à cette attente. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

À la demande de la commission, l'amendement n°11 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Je réserve la proclamation du vote sur cet amendement, afin d'effectuer un pointage. Je vais mettre aux voix l'amendement n°10.

M. Gérard Miquel.  - Il est surprenant que sur un sujet aussi important, nous soyons aussi peu nombreux et que nous soyons obligés de multiplier les scrutins publics. Nos concitoyens qui se sont mobilisés apprécieront. Il est surprenant que le ministre de l'environnement qui a fait voter le Grenelle ait aussi été celui qui a autorisé, sans la moindre concertation, les recherches et la fracturation hydraulique. Comment redonner crédit à la parole publique dans ces conditions ?

Les élus de toute sensibilité sont opposés à ces recherches. Le principe de précaution est inscrit dans la Constitution. Il faut abroger les permis. Prenons nos responsabilités. Nos concitoyens porteront un jugement sévère sur ceux qui par discipline autoriseront une technique non maîtrisée. On ne touche pas à la roche-mère. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Roland Courteau.  - Je croyais naïvement qu'on allait avoir un débat riche, intense, fructueux. Mais, faute de débatteurs, il n'y en a pas. La droite brillait par son mutisme, voilà qu'elle est physiquement minoritaire. Elle s'entraîne sans doute pour septembre... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

À la demande de la commission, l'amendement n°10 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 335
Nombre de suffrages exprimés 326
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 137
Contre 189

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  Au rythme où nous sommes, nous irons sans doute jusqu'à 1 h 30 du matin... Tout ça parce que la majorité n'assume pas ses responsabilités. Elle a pourtant voulu ce texte et le Gouvernement l'a inscrit à l'ordre du jour prioritaire. Les explications de Mme la ministre sont vraiment rapides ; elle n'a pas l'air très convaincue...

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - Pas par vos arguments !

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Vous n'assumez pas. Je vous demande, monsieur le président, de lever la séance. Ce à quoi nous assistons n'a rien à voir avec un débat démocratique. (Applaudissements à gauche)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - Je suis scandalisée par ces propos. Mme Bricq me met en cause. Quand je lève les yeux au ciel, c'est en entendant vos propos et vos amendements inutilement répétitifs.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Asseyez-vous donc sur le Parlement !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - Tout le monde était d'accord avec la Charte de l'environnement, qui instaurait le principe de précaution -que la gauche invoque à l'envi aujourd'hui. Mais le parti socialiste ne l'a pas votée au Congrès : ses parlementaires avaient consigne de s'absenter au moment du vote.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Moi je l'ai voté !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - C'est votre honneur. Le Grenelle I a été voté à la quasi unanimité. Le Grenelle II, pas par tout le monde. Et aujourd'hui on me réclame des décrets...

M. Roland Courteau.  - Parce que c'est la loi !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - La proposition de loi respecte le principe de précaution. (Exclamations à gauche) Vous essayez d'instrumentaliser ce texte technique à des fins politiques. (Exclamations sur les bancs socialistes)

Nous sommes tous d'accord pour interdire l'exploitation des gaz de schiste comme le veut la majorité.

M. Didier Guillaume.  - Quelle majorité ? Il n'y en a plus !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - Si l'on n'abroge pas les permis, c'est pour ne pas avoir à payer des dédits colossaux, avec l'argent du contribuable ! (Applaudissements à droite)

M. Didier Guillaume.  - Qui a signé les permis ?

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le problème ce n'est pas d'être écouté mais entendu. Vous voulez galvaniser vos troupes, mais vous inversez les rôles ! Vous n'assisterez pas à une génération spontanée des sénateurs de la majorité.

Nous appelons à un peu plus de prudence sur ce sujet. Contrairement à ce que vous avez dit, le débat n'est pas technique mais politique : il s'agit de la gestion de la cité. Nous voulons défendre l'intérêt général et vous n'avez pas le droit de caricaturer nos arguments. Faites plutôt en sorte que les rangs de votre majorité s'épaississent. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Didier Guillaume.  - Il n'y a pas ceux qui font de la politique politicienne et ceux qui font de la politique « noble ». Une telle remarque n'est pas acceptable de la part d'un membre du Gouvernement. Nous faisons notre travail de conviction. Non, nos amendements ne sont pas identiques. Notre vision est différente. Comment interpréter l'absence des élus de la majorité ? Je pense qu'elle n'est pas convaincue par ce texte.

Comment M. Blanc va-t-il expliquer en Lozère que cette loi n'empêche pas l'exploitation du gaz de schiste ? Mme la ministre elle-même le reconnaît. On nous dit maintenant, contrairement aux propos du Premier ministre, que pour des raisons juridiques et financières on ne peut pas abroger les permis. Nous, nous voulons les abroger. Comment accepter que demain il y ait des forages en Lozère, dans la Drôme ou en Ardèche ?

Sur un sujet aussi important, qui a mobilisé tant de citoyens, pourquoi ne pas prendre les décisions claires qui s'imposent ? Aujourd'hui, nous vivons un simulacre de démocratie : 26 demandes de scrutin public ! Nous ne pouvons l'accepter. Il serait sage de lever la séance et de reprendre le débat un autre jour. L'image que nous donnons n'est pas la meilleure. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jacques Blanc.  - Ne pensez pas que nous ne sommes pas convaincus ! Ce que nous votons interdira toute exploitation de gaz de schiste. (On le conteste vivement à gauche) Puisqu'on interdit la fracturation hydraulique, les permis tombent ipso facto. (Même mouvement)

Mme Nicole Bricq.  - Mais non !

M. Jacques Blanc.  - L'erreur, c'est d'avoir accordé des brevets sans transparence. Nous obtenons l'interdiction, mais sans risque. Nous ne voulons pas d'exploration ni d'exploitation avec fracturation hydraulique.

M. le président.  - Ce débat a été fixé par la Conférence des présidents ; Vous demandez la clôture de la séance. Je vais réunir dans le cabinet de départ le président de la commission et un représentant de chaque groupe pour prendre la décision qui s'impose.

La séance, suspendue à 21 h 10, reprend à 21 h 15.

M. le président.  - Je vous donne d'abord le résultat du scrutin sur l'amendement n°11, qui a donné lieu à pointage.

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 327
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 139
Contre 188

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Jean-Paul Émorine, président de la commission de l'économie.  - Je propose que nous suspendions l'examen de ce texte et que nous laissions le soin à la Conférence des présidents de l'inscrire à un autre moment à notre ordre du jour.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - Nous pourrons sans doute avoir dans ces conditions un débat plus productif et plus dense...

Le Sénat, consulté, donne son accord.

M. Jacques Blanc.  - Nous souhaitons que la Conférence des présidents inscrive rapidement cette proposition de loi à l'ordre du jour, car il faut interdire la fracturation hydraulique ! (Rires à gauche)

CMP (Demande de constitution)

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du Règlement.

Questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président.  - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 1er juin 2011, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de Cassation a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Le texte de chacune de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

Prochaine séance mardi 7 juin 2011, à 14 h 30.

La séance est levée à 21 h 20.

Mercredi 1er juin 2011

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Sommaire

Dépôt d'un document1

Modernisation du congé maternité1

Discussion générale1

Discussion des articles4

Article premier4

Articles additionnels4

Article 64

Article 84

Gaz de schiste (Procédure accélérée)4

Discussion générale4

SÉANCE

du mercredi 1er juin 2011

112e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

Secrétaires : Mme Christiane Demontès, M. Marc Massion.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt d'un document

M. le président.  - M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l'article LO. 111-10-1 du code de la sécurité sociale, l'état semestriel des sommes restant dues par l'État aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale au 31 décembre 2010.

Acte est donné du dépôt de ce document.

Il a été transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.

Modernisation du congé maternité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi relative à la modernisation du congé maternité en faveur de la protection de la santé des femmes et de l'égalité salariale et sur les conditions d'exercice de la parentalité.

Discussion générale

Mme Claire-Lise Campion, auteur et rapporteur de la proposition de loi.  - Cette proposition de loi est le fruit d'un constat et d'un contexte. Malgré la politique familiale menée depuis les années 90, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle reste difficile. Les mères continuent d'assumer la majeure partie des tâches domestiques.

Le contexte est européen : Le 3 octobre 2008, la Commission européenne a transmis au Conseil et au Parlement européens une proposition de directive relative à la santé au travail des femmes enceintes ou ayant accouché. Ce texte, qui est une refonte de la directive fondatrice de 1992, contient deux mesures phares : l'allongement de la durée minimale européenne du congé de maternité, qui passerait de quatorze à dix-huit semaines, et la garantie d'une indemnisation à 100 % du salaire mensuel moyen, dans la limite d'un plafond déterminé par chaque État membre.

Notre assemblée a adapté une proposition de résolution. Le 20 octobre, le Parlement européen a proposé de porter le congé maternité à vingt semaines, intégralement payé.

La France est ouverte à l'idée de porter le congé maternité de quatorze à dix-huit semaines, mais pas au-delà ; elle considère que la rémunération à 100 % du salaire n'est acceptable que si les États membres peuvent définir un plafond d'indemnisation.

Notre proposition de loi a pour but de moderniser le congé maternité, de renforcer la protection juridique des femmes enceintes et d'adapter le congé paternité. Le congé de maternité permet aux femmes de nouer des liens privilégiés avec leur enfant. De plus, la femme doit retrouver son équilibre physique et psychologique. Le congé maternité est de seize semaines pour les deux premiers enfants et de vingt-six semaines à partir du troisième enfant.

Ces seize semaines ne permettent pas d'assurer une transition satisfaisante entre l'accueil de l'enfant et la reprise de l'activité professionnelle. La durée moyenne des congés réellement pris s'élève à 150 jours, soit un mois et une semaine de plus que le congé légal. Les 35 jours supplémentaires correspondent aux congés pathologiques -prescrits dans 70 % des cas- et aux vacances.

La période de rétablissement de la mère dépasse donc la durée du congé maternité.

En outre, les conditions de travail se détériorent depuis quelques années. La France n'est pas très généreuse en matière de congé maternité. Un congé de plus longue durée permettrait aux femmes de se remettre de l'accouchement et d'organiser la nouvelle structure familiale avant le retour à l'emploi. L'article premier propose de porter la durée du congé à vingt semaines, soit quatre semaines de plus. La salariée a droit à des indemnités journalières pendant son congé qui ne correspondent pas à un maintien du salaire. La maternité est ainsi une sanction financière, ce qui n'est pas acceptable. Un congé maternité ne sera protecteur que si le salaire est intégralement maintenu.

J'en arrive au renforcement juridique de la protection des femmes enceintes ou ayant accouché. Certaines conventions collectives prévoient d'aménager les horaires et le rythme de travail, mais ce n'est pas la règle. Nous prévoyons donc d'améliorer la protection des femmes à l'article 3.

J'en arrive à l'extension de ces droits aux femmes exerçant une activité indépendante. Celles-ci ne peuvent s'arrêter longtemps car leur activité en pâtirait. Les affiliées du régime social des indépendantes ne perçoivent l'indemnité journalière que pendant 74 jours ! L'article 5 pose le principe d'une égalité des droits entre les femmes.

Dernier point : la création d'un congé d'accueil de l'enfant. Le congé paternité, créé en 2002, est une grande avancée. Deux pères sur trois prennent ce congé de onze jours consécutifs. Mais le modèle familial traditionnel ne constitue plus le seul mode d'organisation familial. Pour adapter la législation à l'évolution sociétale, l'article 6 étend le bénéfice d'un congé de quatorze jours consécutifs au conjoint, concubin ou partenaire de la mère, qui ne serait pas le père biologique de l'enfant. Les conditions d'attribution des congés sont loin d'être la règle : l'assurance maladie exige 200 jours de travail consécutifs pour verser ces indemnités.

Une politique familiale volontariste et ambitieuse est indispensable : les familles doivent pouvoir faire garder leurs enfants dans des conditions acceptables.

La commission n'a pas adopté notre proposition de loi mais les échanges ont été fructueux. Il serait utile d'adopter ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.  - Je remercie Mme Campion pour son initiative. En charge de la famille et des droits des femmes, je me réjouis que ces questions soient abordées.

Je souscris à votre constat initial. Les droits des femmes doivent encore progresser pour une société plus juste, plus humaine. (M. Ronan Kerdraon approuve) Pourtant, je conteste certaines de vos propositions. Il faut évaluer les intérêts en jeu, avec en mire l'intérêt général.

La négociation collective est donc indispensable avant toute loi. Un congé maternité plus long et mieux indemnisé ? L'état des finances publiques ne le permet malheureusement pas : pour deux semaines supplémentaires, il en coûterait 170 millions à la sécurité sociale. Si le plafond était supprimé, il en coûterait plus d'un milliard : c'est inenvisageable. Une telle mesure pourrait constituer, dans certains cas, un frein à l'embauche ou à la progression de carrière des femmes.

Il ne faut pas que les femmes soient ramenées chez elles !

Une expertise approfondie est donc nécessaire. En Suède, pays qui bénéficie d'une législation très protectrice, après un an de congé maternité, les mères intègrent en réalité, dans la plupart des cas, le service public.

Il faut d'abord approfondir la négociation collective, autour de la préservation de la santé des femmes et de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes. L'allongement du congé maternité risquerait d'aboutir à des résultats négatifs pour les femmes sur le plan professionnel.

Mme Annie David.  - Il faut se battre contre ça !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Vous voulez protéger juridiquement les femmes : mais cela relève de la négociation collective. Certaines conventions prévoient d'adapter le rythme et les horaires des femmes mais ce n'est pas le cas dans tous les secteurs. Les esprits doivent donc évoluer. Explorons les options et négocions avec les partenaires sociaux. Enfin, il faut évaluer les conséquences de ces mesures sur le marché du travail.

J'en viens aux femmes exerçant en métier libéral ou indépendant : là encore, la négociation est un préalable. Le congé maternité, c'est la garantie de retrouver son emploi et cette garantie ne peut être apportée aux femmes exerçant en libéral.

De nombreux aspects de cette proposition de loi doivent donc être encore étudiés. La politique familiale de notre pays ne peut se résumer au seul congé maternité. Nous consacrons 5,1 % de PIB à cette politique, soit le double de nos voisins. L'avenir de notre pays se joue sur le renouvellement des générations.

Les femmes qui souhaitent rejoindre le travail rapidement après leur accouchement doivent aussi pouvoir le faire. Les cas particuliers doivent être examinés, notamment en cas de naissance d'enfant handicapé. Enfin, le coût de ces mesures sur les finances publiques ne doit pas être passé sous silence. Une approche globale sur cette question est nécessaire : la place des femmes sur le marché du travail et l'accueil de la petite enfance doivent être pris en compte.

Cette proposition de loi ouvre un important dossier dont je partage la philosophie. Si je ne peux accepter ce texte aujourd'hui, j'estime que nous devons travailler en ce sens et je remercie Mme Campion pour son travail. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Vies familiale et professionnelle doivent être conciliables. Nous devons apporter des solutions appropriées aux femmes, mais cette proposition de loi n'y parvient pas.

Prolonger le congé maternité de quatre semaines ? Cela risquerait de pénaliser les femmes dans leur emploi et de constituer un frein à l'embauche. Les femmes ont plus de mal à accéder aux emplois importants, elles sont frappées par le chômage. Faut-il en rajouter ?

Les femmes préfèrent un congé plus court mais mieux rémunéré. Récemment, le Gouvernement a étendu le congé maternité aux femmes exerçant dans le secteur libéral.

La France bénéficie d'un dynamisme démographique important. La politique familiale est très bien dotée et des places de crèches seront créées d'ici 2012. L'action publique doit se concentrer sur ce domaine.

Enfin, cette proposition de loi coûterait cher. Les résultats seront là si les entreprises sont associées à cette politique. Dans le cas contraire, les femmes en seraient les principales victimes. (Applaudissements à droite ; exclamations sur les bancs CRC)

Mme Roselle Cros.  - Cette proposition de loi aborde un sujet qui nous concerne tous et nul ne saurait remettre en cause la nécessité d'aménager le congé maternité au monde du travail.

Le 15 juin 2009, notre résolution portait sur ce thème. Les institutions européennes veulent mieux protéger les femmes enceintes, elles ont proposé une directive en la matière.

Aucun texte définitif n'a été à ce jour adopté. Le texte européen mérite pourtant toute notre attention.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Très bien !

Mme Roselle Cros.  - Le congé maternité est un outil en faveur de la politique familiale, tout comme les modes de garde de la petite enfance.

L'allongement du congé de quatre semaines ? La France n'est pas généreuse en ce domaine mais cet allongement poserait des problèmes financiers.

Comment réinsérer les femmes dans leur emploi après une si longue coupure ? C'est particulièrement vrai pour les femmes qui exercent des responsabilités ou qui travaillent en indépendantes.

Nous sommes favorables au rallongement du congé de deux semaines, position conforme à celle que la France a exprimée au Conseil.

En outre, il serait prématuré de se prononcer sur toutes les autres mesures alors que le Conseil ne s'est pas encore mis d'accord.

Le congé maternité ne peut être financé intégralement : il en coûterait un milliard d'euros à nos finances publiques !

L'indemnisation à 100 % est envisageable mais dans la limite d'un plafond défini par chaque État.

À créer des droits sans tenir compte des contraintes professionnelles, on finit par créer des inégalités. (M. Yvon Collin approuve) Tel serait le cas, par exemple, dans le monde agricole que je connais bien.

Enfin, la proposition de loi étend les droits aux conjoints ou maris, mais le dispositif est trop flou.

Le groupe de l'UC salue cette proposition de loi, mais estime qu'elle ne peut pas être adoptée en l'état aujourd'hui. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Françoise Laborde.  - Cette proposition de loi pourrait marquer une grande avancée pour les femmes. La législation européenne veut instaurer un droit plus protecteur pour les femmes enceintes et ayant eu un enfant. Un congé plus long et mieux indemnisé, une implication renforcée des pères : je félicite Mme Campion pour son texte.

Cette évolution suscite pourtant des inquiétudes : comment garantir la protection des femmes, comment financer les mesures proposées ?

L'Union européenne est confrontée au défi de la démographie. Cette proposition de loi va dans le bon sens. Les premiers mois qui suivent la naissance sont très importants pour la femme et l'enfant. Une enquête de la Cnam montre que les femmes souhaitent un allongement du congé maternité. D'ailleurs, les congés pathologiques sont largement utilisés.

Je souscris à un congé d'accueil de quatorze jours pour que le père, souvent frustré d'être mis à l'écart (M. Ronan Kerdraon le confirme) puisse prendre tout son rôle.

Les discriminations à l'égard des femmes salariées ? Elles sont réelles.

La Halde fait état de nombreuses discriminations à l'égard des femmes. Lors d'un entretien d'embauche, on demande à 23 % des femmes si elles veulent avoir des enfants.

Les femmes se sont battues pour mettre un terme aux inégalités et aux discriminations tout au long du XXe siècle. Les choses s'améliorent, même si des inégalités demeurent : les femmes gagnent 20 % de moins que les hommes, sont les plus touchées par le chômage ; cette situation s'aggrave lorsqu'elles deviennent mères.

Une réflexion globale doit donc être menée sur la question des femmes dans notre société et sur le marché du travail.

Les changements de mentalités sont lents ; les femmes doivent mener de front une double journée. Notre pays maque de places de garde pour les jeunes enfants. (M. Ronan Kerdraon le confirme)

J'appuie l'article 2 qui prévoit que l'entretien professionnel à l'issue du congé maternité porte sur l'aménagement du travail et des horaires.

Oui, le chemin sera long et difficile ; oui, il nous faudra arbitrer pour trouver les financements nécessaires ; oui, il s'agit bien d'un choix de société ! En favorisant ainsi la maternité, nous espérons relever le défi démographique et celui de la natalité. Pour ces raisons, la majorité du groupe RDSE votera ce texte avec conviction. (Applaudissements à gauche)

Mme Annie David.  - Le votre du Parlement européen exprime les positions de la Commission européenne et de notre Gouvernement qui souhaite en rester à dix-huit semaines de congé maternité.

En moyenne, les congés varient entre quatorze et vingt-huit semaines. Certaines femmes s'appuient sur la loi de 2007 qui permet de reporter trois semaines de congé prénatal.

La balle est dans le camp des gouvernements européens et la France doit être au rendez-vous. Le débat que nous avons eu ce matin en commission m'a mise en colère : les femmes ne peuvent vouloir le beurre et l'argent du beurre, ai-je entendu dire ! (Exclamations indignées sur les bancs CRC)

Il est honteux que les hommes...

M. Ronan Kerdraon.  - Pas tous !

Mme Annie David.  - C'est vrai : il est honteux que certains hommes puissent penser de la sorte parce qu'ils ne savent pas ce que c'est de porter un enfant et de travailler !

Prétexter des contraintes budgétaires n'est pas recevable : la santé de femmes et des enfants n'est pas négociable. « Mieux vaut être restaurateur que femme enceinte » a dit notre collègue Roland Muzeau, aujourd'hui député : il a raison. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit)

Les congés ont de grands effets bénéfiques pour les mères et les enfants. Le frein à l'embauche ? C'est avant tout un constat qu'il faut combattre.

L'accueil de la petite enfante doit être amélioré. En trente-cinq ans, malgré l'arrivée massive des femmes sur le marché de l'emploi, la part des emplois à temps partiel a triplé, faute de moyens de garde adéquats. Il manque entre 200 000 et 400 000 places de garde. Il faut à la fois en créer davantage et allonger le congé de maternité.

Le maintien intégral du salaire est une mesure d'équité. N'oublions pas les femmes contraintes de s'arrêter avant l'accouchement pour raisons de santé : l'assimilation à la maladie est facteur d'inégalité. N'oublions pas non plus les femmes intermittentes du spectacle, qui se voient souvent refuser toute indemnisation ; elles ont d'ailleurs saisi la Halde de cette discrimination.

L'extension du congé paternité est positive : attention toutefois à ne pas porter atteinte à l'autorité parentale. L'extension des droits des non-salariées est bienvenue.

Ce texte va dans le bon sens, mais il faut aller plus loin. Si le taux de natalité français est si élevé, c'est parce que les femmes peuvent continuer à travailler ! (M. Ronan Kerdraon approuve) Il faut revoir la place de la femme dans le monde du travail si l'on veut mettre fin aux inégalités -notamment au niveau des pensions de retraite. (Applaudissements à gauche)

Mme Gisèle Printz.  - Cette proposition de loi s'inscrit dans le droit fil des initiatives européennes en faveur des droits des femmes : augmentation du congé maternité, interdiction du licenciement des femmes enceintes, possibilité de demander des horaires aménagés, maintien intégral du salaire...

Le Parlement européen est allé plus loin, en portant le congé maternité à vingt semaines indemnisé à 100 %. La France, avec seize semaines, se situe dans la moyenne basse. L'augmentation du congé répond à une attente des femmes : c'est aussi une exigence de santé publique, en période prénatale comme postnatale.

L'argument du coût pour les dépenses publiques et les charges des entreprises est inacceptable ; la maternité ne peut être considérée comme un fardeau : c'est un investissement pour l'avenir. L'employabilité des femmes ? La majorité des Françaises a recours aux congés pathologiques ou sans solde pour prolonger l'arrêt ; le coût supplémentaire existe déjà. Cessons d'être hypocrites !

L'entretien sur l'aménagement des horaires, le maintien intégral du salaire vont dans le bon sens. Ce n'est que justice envers les femmes.

La présence du père à la naissance est essentielle. Le congé paternité, créé en 2002 par Mme Royal, a été un pas décisif. Malheureusement, seulement deux tiers des pères le prennent, preuve de la persistance des stéréotypes... Le nouveau congé d'accueil de l'enfant de quatorze jours consécutifs est un premier pas. Aujourd'hui, le père n'est pas que le symbole de l'autorité au sein de la famille ; le « nouveau père » s'investit auprès de la mère dès la naissance. C'est bénéfique pour l'égalité hommes-femmes et l'épanouissement de l'enfant. Pour aller plus loin nous pourrions nous inspirer de l'exemple suédois. Je n'oublie pas la nécessité de développer les modes de garde.

Nous voterons cette proposition de loi, progrès pour la santé des femmes et premier pas vers une politique familiale plus ambitieuse. Les enfants sont une richesse pour le pays. Si l'on veut encourager la natalité, améliorons les conditions de vie des femmes. (Applaudissements à gauche)

M. Ronan Kerdraon.  - (On se félicite de voir un homme monter à la tribune) Je suis heureux de m'exprimer ici, en tant qu'homme...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Personne n'est parfait ! (Sourires)

M. Ronan Kerdraon.  - Cette proposition de loi est moderne et utile, qui répond aux préoccupations de nombreux jeunes couples. Elle montre cependant que le chemin est long pour aboutir à une égalité réelle entre hommes et femmes.

L'harmonisation par le haut de la législation européenne est suffisamment rare pour être soulignée. Je me réjouis notamment de la proposition du Parlement européen de porter le congé maternité à vingt semaines et de la directive « congé parental ».

On nous a opposé le coût de notre proposition. L'allongement à dix-huit semaines du congé maternité coûterait entre 250 et 350 millions. La baisse de la TVA dans la restauration, elle, représente une moins-value de 3 milliards, pour le résultat que l'on sait...

Certes, nous avons une politique familiale volontariste, un taux de fécondité élevé. Mais les modes de vie évoluent ; la conciliation entre maternité et vie professionnelle est au coeur des préoccupations. Entre 25 et 49 ans, une Française sur cinq ne travaille pas et l'âge de la maternité ne cesse de reculer... La majorité des Françaises s'arrêtent plus longtemps que les seize semaines légales. Mettons donc notre législation en adéquation avec les aspirations des parents et les besoins des enfants. L'allongement du congé maternité permettrait notamment de bien mettre en place l'allaitement, ce qui prend au moins six semaines.

L'article 4 garantit le maintien intégral du salaire. En France, le congé maternité ne va pas de soi ; Mme David a cité le cas des intermittentes du spectacle. Ces injustices doivent être prises en compte ; c'est l'objet de l'article 5. La législation doit évoluer pour prendre en compte la diversité des familles : c'est l'objet du congé d'accueil de l'enfant, à l'article 6.

Enfin, on ne peut pas éluder la question de l'offre d'accueil. Nous plaidons pour la création d'un service public de la petite enfance -promesse du candidat Sarkozy en 2007 ... (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) On est loin des 400 000 places promises...

Ce texte est bienvenu. Pourquoi remettre à demain ce que l'on peut faire aujourd'hui ? Votons-le, car la femme est l'avenir de l'homme, comme l'a si bien chanté Jean Ferrat ! (Applaudissements à gauche)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Sur un poème d'Aragon... Merci aux intervenants pour la qualité de ce débat. Les exemples européens nous montrent la difficulté du dossier.

En Slovaquie, 26 semaines de congé, certes, mais une rémunération de 55 % d'un salaire plafonnée à un niveau très bas. Comparaison n'est pas raison. Il faudrait aussi parler du rang de naissance : en France, le congé est de 26 semaines pour le troisième enfant. Le congé pathologique de deux semaines est pris par 70 % des Françaises : pour elles, le congé est déjà de dix-huit semaines.

Dans certains pays come la Bulgarie, le congé maternité long est utilisé comme outil d'éloignement délibéré des femmes du marché du travail : je vous renvoie aux débats du Parlement européen. Le congé de paternité n'est pas non plus la règle. Aucun de ces éléments n'a été évoqué lors de notre débat.

Oui à une large concertation qu'ont appelée de leurs voeux Mmes Bruguière et Cros. Le sujet mérite approfondissement.

La politique familiale ne se résume pas au congé maternité. Nous battons tous les records des pays développés : la politique sociale la plus ambitieuse, une politique familiale deux fois plus généreuse que la moyenne des pays développés. Depuis 2007, nous avons créé 200 000 solutions de garde nouvelles ; c'est un effort considérable en cette période de finances publiques contraintes.

Bref, le dossier mérite d'être approfondi. Je remercie Mme Campion pour son initiative, mais ne peux approuver le texte en l'état. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

M. le président. - La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous allons examiner les articles de la proposition de loi initiale.

Discussion des articles

Article premier

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par Mme Cros et les membres du groupe UC.

Alinéa 2,

Remplacer le mot :

vingt

par le mot :

dix-huit

Mme Roselle Cros.  - L'objet de cet amendement est de fixer le congé maternité à dix-huit semaines pour aider les familles et les mères et permettre à la France de se conformer aux prescriptions européennes.

Mme Claire-Lise Campion, rapporteur.  - La commission a souhaité que le débat ait lieu en séance, et a donc émis un avis de sagesse. À titre personnel, j'estime que ce premier pas va dans le bon sens.

Cette proposition est cohérente avec la position de la commission des affaires sociales, exprimée dès 2009, et avec la position de la France qui, dans le cadre des négociations européennes, s'est dite ouverte à un tel prolongement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - J'ai dit, lors du conseil des politiques sociales, que la France accepterait l'allongement à dix-huit semaines quand l'Europe en ferait la demande. D'ici là, il faut résoudre des problèmes techniques, notamment le cas de l'inclusion ou non du congé pathologique. Retrait, sinon rejet, car de nombreuses questions ne sont pas résolues.

Mme Roselle Cros.  - L'article premier ne fait pas une loi. Je maintiens l'amendement, pour vérifier qu'il n'y a pas d'opposition de principe à l'allongement de la durée.

M. Ronan Kerdraon.  - Cet amendement est une avancée par rapport au droit existant, mais un recul par rapport aux préconisations de l'OIT et du Parlement européen. La question essentielle est celle du maintien ou non de la rémunération du congé. Si les États sont divisés sur ce point, la plupart des délégations nationales sont prêtes à accepter un congé de dix-huit semaines. Compte tenu de la fréquence des congés pathologiques, cet allongement, que la commission des affaires sociale a proposé dès 2009, ne fera qu'acter la situation existante.

C'est un compromis acceptable, en attendant plus. Le groupe socialiste votera cet amendement.

Mme Annie David.  - C'est un recul par rapport aux vingt semaines que nous souhaitons, mais un pas en faveur des femmes. Si le congé pathologique n'est pas remis en cause, on arrive bien à vingt semaines. Mais celui-ci, s'il est vrai que toutes les grossesses ne sont pas pathologiques, ne peut être considéré comme un congé de confort...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Je n'ai pas dit ça !

Mme Annie David.  - Je vous l'accorde. Les médecins aussi ont des comptes à rendre... Nous voterons cet amendement d'attente.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°6, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia et Dini.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Le deuxième alinéa du même article est ainsi rédigé :

« Sous réserve d'un avis motivé du professionnel de santé qui suit la grossesse, la salariée choisit elle-même la répartition des périodes de suspension de son contrat de travail avant et après la date présumée de son accouchement. Elle reporte obligatoirement sur la personne mentionnée à l'article L.1225-35 le bénéfice des deux dernières semaines de son congé postnatal. »

Mme Catherine Procaccia.  - La grossesse n'est pas une maladie. Certaines sont difficiles, d'autres se déroulent sans aucun problème. Les conditions d'exercice de certains emplois sont aussi moins fatigantes que d'autres.

C'est pourquoi la femme doit décider elle-même de la façon dont elle entend répartir son congé maternité avant et après l'accouchement. Seul le professionnel de santé pourra imposer à la salariée de s'arrêter.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est le bébé qui devrait décider !

Mme Catherine Procaccia.  - Par ailleurs, cet amendement organise le report automatique sur le père des deux semaines supplémentaires de congé maternité afin de rétablir une sorte d'équilibre entre hommes et femmes vis-à-vis des employeurs. Il faut mettre fin aux discriminations dont sont victimes les femmes. J'ai rectifié mon amendement pour tenir compte du vote qui vient d'intervenir.

Mme Claire-Lise Campion, rapporteur.  - Notre commission souscrit à l'objectif de réduction des inégalités professionnelles entre hommes et femmes mais estime que cet amendement serait source de confusion entre congé maternité et congé paternité. Elle a émis un avis défavorable. Le débat relève plutôt du congé parental...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Le Gouvernement est contre l'adoption de l'article premier, donc contre tout amendement à cet article.

Sur le fond, la protection de la maternité est très ancienne. L'interdiction d'emploi de huit semaines avant et après l'accouchement en fait partie. Il y a déjà de la souplesse dans notre législation, mais encadrée pour éviter que les salariées ne soient mises sous pression par l'employeur. (Mme Annie David approuve) Les cas où l'on peut se passer de congé prénatal sont rarissimes.

Quant au report des deux semaines sur le père, cela pose un problème de principe. Cette liberté serait un mauvais cadeau fait aux femmes.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Pourquoi ne pas demander au bébé de fixer le congé prénatal ? Nous sommes hostiles à cette mesure de libéralisation totale. C'est le syndrome people... Souvent, les femmes préfèrent prolonger le congé postnatal. C'et une mesure pro-patron, pro-cadres, qui va à l'encontre de la protection de la maternité. Les femmes n'ont pas toujours le choix. Et n'oublions pas les femmes qui font de longs trajets pour aller travailler, ce qui favorise les accouchements prématurés. Il est illusoire de parler de liberté des femmes en la matière. « Ma môme, ce n'est pas une starlette, elle travaille en usine à Créteil » chantait Ferrat. Les femmes qui travaillent toute la journée debout, à Carrefour ou ailleurs, n'ont pas à être contraintes à travailler jusqu'au jour de leur accouchement.

Mme Françoise Laborde.  - Il y a tant de non-choix... Épargnons les femmes ! La grossesse n'est pas une maladie mais nous ne sommes pas toutes égales, physiquement ou socialement... Nous voterons contre cet amendement.

M. Ronan Kerdraon.  - Cet amendement pose nombre de questions techniques et ne relève pas vraiment de la proposition de loi. Le groupe socialiste ne votera pas l'amendement.

Mme Catherine Procaccia.  - Madame Borvo, vos propos sont caricaturaux. Je vous parle de liberté de la femme, vous me répondez : amendement patronal !

Mme Annie David.  - C'est le cas !

Mme Catherine Procaccia.  - Je ne pense pas que mes collègues de la commission des affaires sociales l'aient perçu ainsi.

Mme Annie David.  - Oh que si !

Mme Catherine Procaccia.  - Vous peut-être... Les huit semaines d'interdiction demeurent. Voyant cependant que ma conviction n'est pas partagée, je retire mon amendement. (Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre, s'en félicite)

L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - L'article premier ainsi modifié porte le congé maternité à dix-huit semaines. Le gouvernement français a dit qu'il se rallierait à un tel allongement mais il y a au préalable de nombreux points techniques à approfondir, notamment sur le déplafonnement des indemnités. La disposition prévue par le Parlement européen reviendrait, en France, à transférer des dépenses des entreprises vers la sécurité sociale ! Il y a un gros travail d'harmonisation à conduire au plan européen ; les discussions sont en cours.

De plus, des points techniques doivent être approfondis, à commencer par la prise en compte ou non dans les dix-huit semaines des deux semaines de congé pathologique, pris par 70 % des femmes. Cette question n'a pas été abordée.

Pour ces motifs, je vous demande de voter contre l'article premier.

Mme Annie David.  - Nous voterons cet article. Le congé, dans les faits, est bien de dix-huit semaines. Il s'agit d'accorder de nouveaux droits aux femmes. La commission des affaires sociales a déjà adopté cette durée. L'amendement centriste doit vous permettre d'approuver cet article. Si pour certaines les choses se passent bien, pour d'autres la dégradation des conditions de travail, dans le public comme dans le privé, est une réalité.

M. Ronan Kerdraon.  - Contre mauvaise fortune, nous allons faire bon coeur en votant cet article. Avec le compromis qui a été fait, c'est la politique des petits pas. Ce qui importe, c'est que les droits des femmes progressent, avec comme perspective un congé de vingt semaines.

L'article premier n'est pas adopté.

(On s'en désole à gauche)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Vous aviez oublié de modifier le code de la sécurité sociale, ce qui rendrait le dispositif inopérant. La charge du financement aurait intégralement porté sur les entreprises.

L'article 2 n'est pas adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 122-9 du code du travail, les mots : « sur sa demande » sont supprimés.

Mme Gisèle Printz.  - Une femme enceinte peut être affectée à un poste de jour, si elle en fait la demande à la direction des ressources humaines.

Il convient donc que cette affectation soit automatique. Les postes de nuit étant mieux rémunérés que ceux de jour, les femmes enceintes pourraient ne pas faire connaître leur grossesse ? Cela pose le problème du niveau des salaires et de la précarité qui poussent certaines femmes à ne pas faire valoir leurs droits.

Mme Claire-Lise Campion, rapporteur.  - La commission a émis un avis défavorable, malgré ma proposition d'un avis favorable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Défavorable.

L'amendement n°4 n'est pas adopté, non plus que l'article 3.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Campion et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 122-4 du code du travail, les mots : « les quatre semaines » sont remplacés par les mots : « l'année ».

M. Ronan Kerdraon.  - L'extension à un an de l'interdiction de licenciement a été votée par le Parlement européen. Nous reprenons cette proposition afin de prendre en compte la situation des femmes qui élèvent seules leur enfant. La sécurité matérielle est indispensable pour garantir l'épanouissement de l'enfant.

Mme Claire-Lise Campion, rapporteur.  - La commission a émis un avis défavorable, malgré ma proposition d'avis favorable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Défavorable.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'article 4 n'est pas adopté, non plus que l'article 5.

Article 6

Mme Catherine Procaccia.  - Cette proposition de loi prétend rétablir une certaine égalité entre les hommes et les femmes mais elle va à l'encontre de ces intentions à cet article.

J'avais déposé un amendement et la commission des finances l'a jugé irrecevable. Elle ne m'a pas informée en temps voulu de sa décision.

L'article 6 traite du congé d'accueil pour les pères et conjoints. Regardons ce qui n'a pas bien fonctionné depuis quarante ans. Plus on attribue des avantages à la mère de famille, plus elle est défavorisée au plan professionnel ! Il faut donc faire autrement, en rendant obligatoires les deux semaines et les onze jours de congé paternité. Au moment d'embaucher, les entreprises sauront que les hommes peuvent s'arrêter six ou sept semaines. En accordant des avantages identiques, on mettra fin aux discriminations.

M. le président.  - Le procès-verbal fera foi de votre observation à propos de votre amendement déclaré irrecevable. De nombreux parlementaires sont agacés par l'usage qui est fait de cet article 40. Je ne doute pas que le président Arthuis vous répondra.

M. Ronan Kerdraon.  - Je découvre avec ravissement que Mme Procaccia est elle aussi confrontée à cet article 40. Lors du projet de loi sur les retraites, nous en avons été largement victimes, et Mme Procaccia n'a rien dit...

Mme Catherine Procaccia.  - Il y avait 800 amendements ; là, un seul !

Mme Annie David.  - Il y a toujours 20 % d'inégalité salariale entre hommes et femmes, et en matière de retraite. Alors, accorder des droits supplémentaires aux hommes... les bras m'en tombent ! On veut le beurre et l'argent du beurre ! Commençons par traiter les femmes comme les hommes, du point de vue des salaires comme des postes.

Hier, lors de l'audition de la commission Pôle emploi, nous avions devant nous une belle brochette d'hommes ! Améliorons les droits des travailleuses.

L'article 6 n'est pas adopté, non plus que l'article 7.

Article 8

M. Ronan Kerdraon.  - Je regrette que l'initiative de Mme Campion n'ait pas trouvé suffisamment d'écho dans cet hémicycle.

Chiche, retrouvons nous dans trois mois, une fois que vous aurez mené vos études, madame la ministre, pour accorder aux femmes l'égalité avec les hommes ! Accorder des droits supplémentaires aux hommes, pourquoi pas ? Mais avec Claire-Lise Campion, soyons pragmatiques, modernes et visionnaires. (Applaudissements à gauche)

Mme Annie David.  - Cette proposition de loi est certes imparfaite mais rien ne vous empêche de l'améliorer. Nous aurions pu ensemble améliorer le droit du congé maternité des femmes. Vous regretterez sans doute de ne pas avoir saisi la perche à temps. Vous auriez aidé les femmes françaises et européennes !

Mme Roselle Cros.  - L'article 8 porte sur le financement de cette proposition de loi -c'est la raison pour laquelle nous ne l'aurions pas votée. Il y a eu une majorité de cette assemblée pour dire que le congé maternité devait être allongé. Le signal a été donné, en faveur d'une grande politique de la famille et de la santé.

L'article 8 n'est pas adopté.

En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

La séance, suspendue à 16 h 50, reprend à 16 h 55.

Gaz de schiste (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique ; de la proposition de loi visant à interdire l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures de schiste et de la proposition de loi visant à abroger les permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures non conventionnels et à interdire leur exploration et leur exploitation sur le territoire national.

M. Alain Fauconnier.  - Rappel au Règlement ! Nous venons d'apprendre par le journal The Independent qu'à deux reprises, dont une hier, se sont produits des séismes probablement dus à la fracturation hydraulique. (L'orateur brandit la « une » du journal) Le British Geological Survey estime que ce tremblement de terre était équivalent à une magnitude de 2,3 sur l'échelle de Richter. L'épicentre se serait situé à deux kilomètres sous terre. Jusqu'à présent, on connaissait les risques de pollution des nappes phréatiques et de destruction des paysages. Il faut désormais y ajouter le risque sismique. Il est temps de retrouver notre bon sens.

M. Ladislas Poniatowski.  - Ce n'est pas un rappel au Règlement.

Discussion générale

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.  - Le problème est bien d'actualité. Pas moins de cinq propositions de loi ont été déposées au Parlement. J'ai reçu de nombreux courriers et des pétitions, des milliers de manifestants ont défilé, des communes ont pris des arrêtés d'interdiction.

Des autorisations ont été accordées mais nous sommes en terrain inconnu. Sans doute auraient-elles dû ne pas être prises. La mission conjointe du Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies et du Conseil général de l'environnement et du développement durable souligne dans son rapport d'étape tout ce que nous ignorons encore, comme y insiste M. Houel dans son rapport.

Les techniques actuelles posent problème pour la prévention de l'environnement. Les hydrocarbures de schiste représentent une ressource considérable mais des incertitudes pèsent sur leur exploitation. Lorsque nous invoquons le développement économique, pensons aussi au tourisme vert, à l'agriculture et à la viticulture bio. Et soyons cohérents : nous demandons à l'Unesco le classement des Causses et des Cévennes au patrimoine de l'humanité.

M. Jacques Blanc.  - Très bien !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - L'exploitation de ces hydrocarbures risque d'accroître le réchauffement climatique et retarder le développement des énergies renouvelables. Les risques sont multiples : pollution des nappes, bruit, consommation d'eau.

Certaines technologies utilisées sont anciennes mais nous doutons de notre capacité à maîtriser les risques. Nous appliquons donc le principe de précaution, en suspendant les forages avec fracturation. Le Gouvernement a lancé la mission CGEDD-CGIET et l'Assemblée nationale sa mission Gonnot-Martin. Nous disposons d'éléments de réflexion. Pourtant, de nombreuses incertitudes demeurent. Une exploitation à des fins de recherche est donc nécessaire mais il faut mettre fin à la fracturation hydraulique. Un mot sur l'expérimentation : cela correspond au principe de précaution.

Pour autant, compte tenu des risques, dans l'esprit du Grenelle, une expérimentation scientifique nécessite un encadrement strict, contrôlé par divers organismes scientifiques et sociologiques.

Enfin, le Gouvernement a voulu remédier à une insuffisance du code minier : les populations doivent en effet être consultées. (On le confirme à gauche) Le public doit être consulté sur les demandes de recherche et sur les prolongations de concession qui se font de façon discrète.

Mme Nicole Bricq.  - Oh oui !

M. Roland Courteau.  - En catimini !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre.  - Cette proposition de loi est d'une importance majeure. Il s'agit de mettre en oeuvre le principe de précaution, qui a valeur constitutionnelle. (Applaudissements à droite)

M. Michel Houel, rapporteur de la commission de l'économie.  - Nous examinons la proposition de loi de M. Jacob, adoptée le 11 mai, à laquelle la Conférence des présidents a décidé de joindre la proposition de loi de Mme Bricq et la mienne. Nous avons travaillé rapidement. La question des gaz de schiste commence à nous être familière, tant elle a suscité d'inquiétudes dans nos territoires.

Ces gaz sont situés dans la roche mère, souvent à 2 000-3 000 mètres de profondeur. Leur volume pourrait représenter plusieurs dizaines d'années de consommation. Mais il ne s'agit que d'approximations. Seuls des forages pourraient nous en dire plus.

De plus, l'exploitation de ces gaz n'est possible que par fracturation hydraulique. La roche n'explose pas mais est fissurée par injection d'eau, de sable et de produits chimiques. Cette technique est utilisée depuis cinquante ans sans dégâts apparents.

Aux États-Unis, l'exploitation bat son plein, avec un million de fracturations, alors que cette technique n'est pas entièrement maîtrisée et que l'activité est mal régulée.

Le Gouvernement a répondu avec célérité en demandant aux entreprises de suspendre leurs forages. À ce jour, hélas nous ne connaissons pas encore les conclusions de la mission des députés.

Trois textes ont été déposés à l'Assemblée, deux au Sénat, par des parlementaires de la majorité comme de l'opposition. La commission de l'économie s'est réunie la semaine dernière et a adopté la proposition de loi de l'Assemblée nationale en adoptant trois amendements de M. Biwer. Le texte est équilibré. L'article premier interdit la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation.

Faut-il définir dans la loi la fracturation ? Cet article ne concerne pas la géothermie. Des dérogations sont prévues pour des programmes scientifiques expérimentaux, sous contrôle de l'État. Il est essentiel de connaître l'état de nos ressources, d'autant que nos voisins s'engagent dans cette voie.

Pour garantir la transparence, une commission nationale se réunira. L'expertise scientifique reposera sur des organismes publics compétents. À cette condition, nous pourrons prendre nos décisions sur des bases solides.

Nous ne pouvons interdire tous les permis de recherche d'hydrocarbures non conventionnels accordés puisque la technique employée n'est pas mentionnée. Certains craignent que les industriels fassent de fausses déclarations, mais la technique est lourde et ne passerait pas inaperçue.

Le code minier doit, enfin, être modifié, pour l'information du public et des collectivités, dans l'esprit de la convention d'Aarhus et de la charte de l'environnement.

La fiscalité minière doit être modernisée pour qu'elle soit plus favorable aux collectivités concernées. Ces dispositions feront l'objet d'un autre texte. Pourriez-vous nous dire quand, madame la ministre ? Cette proposition de loi répond à une urgence, mais le code minier doit être modifié dans son ensemble.

Le principe de précaution est souvent invoqué : il faut évaluer les risques, éviter les dommages par des mesures provisoires et proportionnées. Tel est l'esprit du texte adopté par la commission. (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi n°577.  - Notre proposition de loi est née de l'émoi que nous avons partagé avec les élus, les associations de défense de l'environnement et les populations qui ont découvert que des sociétés disposaient en toute légalité de permis d'exploitation. Rien ne leur avait été dit.

Une telle opacité n'est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

En 2009, nous discutions de la loi Grenelle II et la France préparait le sommet de Copenhague. C'est à ce moment que des demandes ont été déposées et le Gouvernement ne pouvait ignorer les dégâts environnementaux et sanitaires constatés aux USA. Or, ces demandes ont abouti à des permis d'exploitation indifférenciés dans de nombreux départements. En Seine-et-Marne, département habitué aux forages pétroliers, les sociétés Vermilion et Toréador en ont été bénéficiaires, d'autres en Ardèche, dans la Drôme, le Gard, le Lot, l'Hérault, le Vaucluse...

M. Alain Fauconnier.  - L'Aveyron !

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Et en totale méconnaissance du Grenelle. Il est regrettable que la majorité ait habilité le Gouvernement à réformer le code minier par ordonnance. Le groupe socialiste du Sénat a, le 24 mars 2011, déposé une proposition de loi pour que la mécanique parlementaire démarre enfin.

Notre texte vise à réparer les erreurs du Gouvernement : précipitation, imprécision, opacité.

La précipitation ? Les documents publics consultables le prouvent. Il a fallu que José Bové, présent dans ces tribunes (applaudissements sur les bancs socialistes), saisisse la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) pour obtenir les permis complets.

M. Didier Guillaume.  - Des permis qui couvrent jusqu'à 10 000 km² !

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - La technique de fracturation est clairement explicitée. M. Houel estime, dans son rapport, que ce dossier n'a pas de valeur juridique.

M. Didier Guillaume.  - C'est faux !

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Vous êtes maire, monsieur Houel. Vous ne délivrez pas de permis de construire sans connaître le plan de la maison ! (Applaudissements à gauche)

On nous a menti : c'est grave, pour la crédibilité de l'action publique. Nous corrigeons aujourd'hui cette erreur.

Il faut abroger les permis accordés ; c'est après que les études pourront reprendre, sur les hydrocarbures conventionnels uniquement. Tel est l'objet de notre article 2.

L'opacité est tenace ; c'est même de l'omerta. Participation du public, études publiques et études d'impacts ont été balayées. Heureusement que la mobilisation a conduit le Gouvernement à revoir sa copie !

Depuis la loi de finances du 19 novembre, j'ai compris qu'il y avait un problème : pourquoi une niche fiscale pour les sociétés qui exploitent les hydrocarbures ? Notre proposition de loi revient aux règles du Grenelle. Elle soumet le code minier à la charte de l'environnement, qui doit primer.

À ce jour, nous ne savons pas si le Gouvernement a l'intention d'introduire ces références dans le code minier. La ratification de l'ordonnance n'est pas encore inscrite à l'ordre du jour. Il faut, par cohérence, mettre en regard notre proposition de loi et le texte de la commission, qui rend encore plus dangereux le texte issu de l'Assemblée nationale ! La majorité a reculé ; le Gouvernement n'a jamais été clair : d'un côté, il tentait de répondre aux protestations ; de l'autre, il défendait les permis. Tout au plus a-t-il commandé un rapport... que nous attendons toujours, puisqu'il devait être remis le 31 mai. Bref, il tente de gagner du temps.

M. Jacques Blanc.  - Procès d'intention !

M. Bruno Sido.  - Mais oui !

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Le Premier ministre n'a-t-il pas déclaré devant les députés qu'il fallait tout remettre à plat, donc annuler les autorisations accordées ?

M. Roland Courteau.  - Il l'a dit !

M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission de l'économie.  - Des mots, des mots...

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Le texte n'a plus rien à voir avec celui de M. Jacob. Croyez-vous que les sociétés vont benoîtement déclarer qu'elles utilisent la fracturation hydraulique ?

M. de Margerie a déclaré, lors de l'assemblée générale de Total, que le texte de l'Assemblée nationale était habile, et il a ajouté : « On va s'en sortir »...

M. Roland Courteau.  - Et voila !

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - En fait, majorité et Gouvernement cherchent à éteindre la contestation, mais ils n'y parviendront pas.

M. de Margerie -encore lui, mais il a le mérite de ne jamais employer la langue de bois- a répondu aux associations contestataires qu'il respectait la loi et qu'il convenait de la changer si elle n'était pas satisfaisante. C'est ce que nous proposons.

Le choix d'une politique énergétique est une question clé, qui doit être posée au peuple. Voulons-nous être dépendants des énergies fossiles ?

En accordant ces permis, le Gouvernement ne voulait pas garantir notre indépendance énergétique mais garantir les profits de certaines entreprises ! Ce sont les Français qui décideront en 2012, et non une poignée d'opérateurs attirés par un nouvel Eldorado. (Vifs applaudissements à gauche)

M. Yvon Collin, au nom du groupe RDSE.  - Le Parlement légifère sur la question complexe du gaz de schiste dans la précipitation, en réponse à la contestation populaire. On nous demande de faire du mauvais travail législatif pour corriger les erreurs du Gouvernement. Ce texte n'apportera pas de réponses satisfaisantes. La mobilisation citoyenne ne faiblira pas, les industriels continueront leurs exploitations. Nous aurions préféré un débat à une loi : il est encore trop tôt pour légiférer.

L'enjeu est considérable. Nous savons que l'exploitation du gaz de schiste n'est pas neutre sur le plan écologique. La fracturation hydraulique nécessite d'énormes quantités d'eau, ce qui va à l'encontre de notre politique. Les produits chimiques utilisés pollueraient les nappes phréatiques. Les rejets accidentels de gaz, les nuisances pour les riverains, tout cela fait de la fracturation hydraulique une technique dangereuse, qui va à l'encontre des objectifs du Grenelle.

La prospection de l'énergie fossile contrevient aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les incertitudes scientifiques demeurent ; alors que nous avons besoin de travaux scientifiques sérieux pour faire les bons choix, nous légiférons dans l'urgence, sous le coup de l'émotion. Ne peut-on attendre encore quelques semaines pour disposer des rapports en cours d'élaboration ?

Mais le Gouvernement veut légiférer pour éteindre l'incendie. Cette affaire a été mal gérée : c'est un bel exemple de mauvaise gouvernance qu'il faudra enseigner à l'ENA. (Approbations à gauche)

Les autorisations ont été attribuées en catimini ; les élus locaux abasourdis l'ont appris dans la presse. Aucune concertation n'a eu lieu. Certains territoires concernés sont des parcs régionaux, candidats au classement au patrimoine mondial de l'Unesco !

Il n'est pas admissible que les demandes d'exploitation du sous-sol ne soient pas soumises à enquête publique locale. Quand la réforme du code minier sera-t-elle inscrite à l'ordre du jour ?

Depuis le Grenelle, l'État invite les collectivités à s'engager ; elles font de leur mieux pour répondre à ces exigences nouvelles, mais le Gouvernement, lui, s'en dispense ! Les autorisations étaient accordées par le ministre d'État, alors qu'il défendait le Grenelle devant le Parlement ! Et le même ministre d'État, devenu député, a soutenu la proposition de loi... Quelle image donnez-vous de la politique !

Il n'y aurait pas d'autres méthodes que la fracturation hydraulique, disent les industriels. Là encore, l'opacité est totale. Le Gouvernement a commandé un rapport au Cese.

Tout se fait dans la plus grande confusion : à croire que le désordre a été organisé... J'approuve le fond de la proposition de loi Jacob, mais un tel texte est-il nécessaire ? La France compte peu de gisements gaziers ; notre facture d'importation gazière va croissant. Grande consommatrice d'hydrocarbures, elle le restera longtemps. L'exploitation de nouvelles ressources serait donc d'un grand intérêt. Nos sous-sols pourraient nous rendre moins dépendants de l'extérieur. L'exploitation du gaz de schiste a permis aux États-Unis de prendre la tête du classement mondial devant la Russie. Ce n'est pas une question à traiter à la légère : c'est tout le marché énergétique mondial qui pourrait être bouleversé.

Manque encore un travail scientifique pour trancher entre l'enthousiasme que soulève une nouvelle source d'énergie et les risques qu'elle fait peser, à l'heure où nous souhaitons, après Fukushima, réduire notre dépendance au nucléaire. Il n'appartient pas au législateur d'interdire une technique qui sera peut-être demain utile.

Les sénateurs du groupe RDSE demandent tous un grand débat sur le sujet ; la grande majorité votera contre la proposition de loi, d'autres s'abstiendront, mais aucun ne la votera. (Applaudissements à gauche)

M. Ladislas Poniatowski.  - Le marché énergétique est aujourd'hui bouleversé par la décision de l'Allemagne de sortir du nucléaire. Elle devra recourir au charbon, ce qui augmentera les émissions de gaz à effet de serre. Elle se tournera vers les centrales à gaz, elle importera son électricité de Russie et aussi de l'énergie nucléaire de France ! En hiver, il y aura un vrai problème d'approvisionnement puisque nous importons de l'électricité. Nous risquons donc de connaître un nouveau black out, comme en 2006. Tout choix a des répercussions sur les autres pays européens.

Les ressources françaises en gaz de schiste seraient considérables. On parle de 5 000 milliards de m3 alors que nous consommons 40 milliards de m3. Ces propositions de loi doivent pousser le Parlement à se saisir de la question de l'approvisionnement du pays en gaz naturel.

Le gaz naturel représente aujourd'hui 21 % de la consommation énergétique en Europe, contre 13 % dans les années 60. Je me félicite du nouveau terminal méthanier à Dunkerque, annoncé par le président de la République.

Mais plutôt que d'importer, mieux vaudrait produire du gaz naturel en France. Cette ressource ne doit pas se substituer aux énergies renouvelables ; il faut enrichir notre bouquet énergétique. Je salue au passage la hausse des tarifs d'achat de l'électricité produite par méthanisation, publiée dans le Journal officiel du 21 mai.

Les critiques à l'encontre du gaz de schiste se fondent sur l'expérience américaine, et sur les images choc du film Gasland. Mais les États-Unis ne sont pas la France : leur géologie est très différente, comme leur réglementation, moins rigoureuse qu'en France. Les entreprises américaines n'ont pas pris toutes les précautions nécessaires, dans un pays où 50 États peuvent édicter 50 réglementations différentes... Il faut approuver l'interdiction générale de la fracturation hydraulique, qui ne peut en l'état être utilisée sur une grande échelle.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Ni sur une petite !

M. Ladislas Poniatowski.  - Il faut des études scientifiques.

La France devrait-elle se passer d'une nouvelle ressource sans chercher à la comprendre ?

Le président Obama exige des méthodes plus propres ; pourtant, il ne remet pas en cause l'exploitation des gaz de schiste. En Pologne, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Suède, la position est plus nuancée. Le Québec a opté pour un moratoire, mais aucun pays n'envisage une interdiction pure et simple.

Le groupe UMP soutiendra le texte de la commission, qui interrompt les forages en cours... (exclamations à gauche)

Mme Dominique Voynet.  - Ce n'est pas ce que dit le texte !

M. Ladislas Poniatowski.  - ...et améliore la transparence. Le texte, équilibré, répond à une situation d'urgence sans compromettre l'avenir. Le Parlement s'est également saisi de la question, et des décisions seront prises, le moment venu, en toute connaissance de cause. Souhaitons que l'évaluation du gaz de schiste se déroule dans la même sérénité. (Applaudissements à droite)

M. Michel Teston.  - Fin 2010, la découverte des autorisations accordées a suscité une vive mobilisation : le 26 février, 20 000 personnes à Villeneuve-de-Berg ! Pris la main dans le sac, le Gouvernement a mis en place une mission et suspendu les travaux. Après s'être précipité pour accorder les permis de recherche, il a fait inscrire à l'ordre du jour la proposition de loi Jacob, texte inacceptable, caractérisé par des ambigüités majeures. (M. Roland Courteau le confirme)

Le dossier a été conduit dès le départ dans la précipitation et l'opacité.

Les maires des communes concernées n'ont pas été informés. Le Gouvernement a décidé de modifier le code minier par voie d'ordonnance ; le texte de ratification n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour. Il a fallu que M. Bové saisisse la commission d'accès aux documents administratifs !

L'Assemblée nationale a profondément modifié le texte initial sur des points essentiels. Le texte actuel est ambigu. De l'interdiction générale de l'exploration et de l'exploitation, on passe à la seule interdiction de la fracturation hydraulique. Il suffira de renommer la technique pour poursuivre les recherches.

Les recours formulés par les titulaires de permis de recherche vont dans ce sens... On ne ferme d'ailleurs pas la porte à l'expérimentation, adoptée en commission par la majorité sénatoriale. Nous demandons donc une remise à plat complète de ce texte, et un grand débat.

Nos amendements visent à distinguer hydrocarbures conventionnels et non conventionnels, à abroger les permis exclusifs de recherche et à soumettre toute délivrance de permis à une enquête publique et à des études d'impact préalables, conformément aux souhaits de nos concitoyens. (Applaudissements à gauche)

M. Robert Tropeano.  - La mobilisation citoyenne se fait entendre depuis des mois. Elle continue, même si vous avez reconnu que les permis n'avaient pas été accordés dans des conditions satisfaisantes : faute avouée n'est pas pour autant pardonnée ! Avec cette proposition de loi, la majorité cherche avant tout à calmer une colère grandissante, à la veille d'échéances électorales. (« Bien sûr ! » sur les bancs socialistes)

Sans concertation préalable avec les élus et les populations, le Gouvernement a accordé ces permis, au mépris du principe de précaution pourtant consacré dans le Grenelle de l'environnement.

Les conséquences d'une telle exploration seraient catastrophiques. Le Larzac est une grande richesse hydrique, un gigantesque réservoir, inestimable pour des territoires frappés par la sécheresse. Et que va devenir la candidature des Causses et des Cévennes à l'inscription au patrimoine mondial de l'humanité ?

À l'article 2, l'abrogation initiale des permis s'est transformée en interdiction d'utiliser la fracturation hydraulique. Nous pouvons faire confiance à l'inventivité des titulaires de permis de recherche : ils sauront contourner les exigences en jouant sur la sémantique. (M. Roland Courteau le confirme) En fait, le Gouvernement n'entend pas renoncer au gaz de schiste. La fracturation hydraulique n'est pourtant pas le seul risque ! Quid, par exemple, de la destruction des paysages ? Je vous renvoie à l'article 6 de la Charte de l'environnement qui dit que « les politiques publiques doivent promouvoir le développement durable et concilier la protection de l'environnement avec le développement économique et le progrès social ». Nous en sommes loin !

Cette proposition de loi devrait faire plus que tenter de calmer les protestations : réfléchir à notre politique énergétique, accélérer le développement des énergies renouvelables plutôt que les énergies fossiles. Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % d'ici 2020 doit être notre objectif absolu.

Devant le refus de revenir sur l'article 2, les déclarations creuses, je voterai contre ce texte. Nos concitoyens sauront vous faire entendre leur mécontentement le moment venu ; l'heure n'est pas à la démobilisation, bien au contraire ! (Applaudissements à gauche)

Mme Évelyne Didier.  - L'avenir énergétique passe-t-il par le gaz et l'huile de schiste ? Les débats passionnés à l'Assemblée nationale ont été à la hauteur de l'indignation, voire de l'exaspération des élus et de la population. Le Gouvernement est pris dans ses contradictions -on pourrait même parler de double langage-, alors que le principe de précaution devrait primer. Mais votre prédécesseur n'a pas su résister aux sirènes des industriels qui voyaient dans l'exploitation de ces hydrocarbures un nouvel Eldorado énergétique et une nouvelle source de profits.

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René-André Fabre,

Directeur

Direction des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mardi 7 juin 2011

Séance publique

À 14 HEURES 30

1. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région (n°500, 2010-2011).

Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois (n°551, 2010-2011).

Texte de la commission (n°552, 2010-2011).

DE 17 HEURES À 17 HEURES 45

2. Questions cribles thématiques sur « L'évolution et les perspectives du secteur des services à la personne ».

À 18 HEURES ET LE SOIR

3. Suite du projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région.

4. Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l'Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité (n°441, 2010-2011).

Rapport de M. Josselin de Rohan, fait au nom de la commission des affaires étrangères (n°536, 2010-2011).

Texte de la commission (n°537, 2010-2011).

5. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume de Belgique concernant l'échange d'informations et de données à caractère personnel relatives aux titulaires du certificat d'immatriculation de véhicules contenues dans les fichiers nationaux d'immatriculation des véhicules dans le but de sanctionner les infractions aux règles de la circulation (n°199, 2010-2011) ;

Rapport de Mme Bernadette Dupont, fait au nom de la commission des affaires étrangères (n°461, 2010-2011).

Texte de la commission (n°462, 2010-2011).

6. Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Principauté de Monaco relative à l'approvisionnement de la Principauté de Monaco en électricité (n°37, 2010-2011) ;

Rapport de M. Jacques Berthou, fait au nom de la commission des affaires étrangères (n°501, 2010-2011).

Texte de la commission (n°502, 2010-2011).

7. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela relatif au statut de leurs forces armées dans le cadre de la coopération militaire (n°350, 2010-2011) ;

Rapport de M. Jean-Louis Carrère, fait au nom de la commission des affaires étrangères (n°503, 2010-2011).

Texte de la commission (n°504, 2010-2011).

8. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord de coopération en matière militaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Kazakhstan (n° 351, 2010-2011) ;

Rapport de M. Jean Besson, fait au nom de la commission des affaires étrangères (n°505, 2010-2011).

Texte de la commission (n°506, 2010-2011).

9. Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc sur l'assistance aux personnes détenues et sur le transfèrement des condamnés (n°445, 2009-2010) ;

Rapport de M. Christian Cambon, fait au nom de la commission des affaires étrangères (n°526, 2010-2011).

Texte de la commission (n°527, 2010-2011).

10. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République argentine (n°413, 2010-2011).