Efficacité énergétique (Questions cribles)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle des questions cribles thématiques sur l'efficacité énergétique, notamment en matière de transport et de logement. J'invite chacun au respect des temps de parole.

M. Ladislas Poniatowski.  - L'Union européenne discute d'un projet de directive sur l'efficacité énergétique. L'adaptation de 3 % du parc immobilier risque de coûter cher aux États et aux collectivités. En outre, la chaleur produite par cogénération ne se transporte que sur de courtes distances, ces centrales doivent donc être installées près des centres urbains. Cette solution n'est donc pas appropriée au sud de l'Europe, en France notamment, où elle ne serait utile que quelques mois par an. Le Gouvernement a exprimé le même point de vue que le Sénat. Veillera-t-il à ce que les spécificités de chaque pays soient prises en compte ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Je salue la résolution adoptée par le Sénat le 15 novembre 2011. La politique énergétique européenne a pour objectif la sécurité d'approvisionnement, la lutte contre le réchauffement climatique et la maîtrise des prix. La cogénération augmente les rendements et la France la prône. Voyez le crédit d'impôt développement durable pour les installations de micro-génération ; encore faut-il que la chaleur produite soit utilisée.

Une analyse coût/bénéfice doit selon nous être réalisée pour chaque installation, et les centrales nucléaires et installations de pointe doivent en être exclues. Nous attendons l'aval du Parlement européen.

M. Ladislas Poniatowski.  - La petite cogénération mérite que l'on s'y penche. N'oublions pas les autres priorités : le réseau n'a pas toujours la capacité d'absorber l'énergie produite.

Mme Valérie Létard.  - Adopté en janvier 2010, le plan de lutte contre la précarité énergétique vise à réduire les dépenses d'énergie et le réchauffement climatique. En particulier en milieu rural, beaucoup de logements habités par des personnes âgées sont de vraies passoires thermiques. Il faudrait atteindre un gain thermique de 25 %. Ce plan devait y aider mais le montage requis est loin d'être simple si bien qu'il n'y aura eu que 6 800 logements restaurés ainsi en 2011, sur 100 000 espérés. L'augmentation de la TVA, les difficultés d'accès au crédit, la lourdeur du dossier pour l'obtention de l'éco-PTZ ne facilitent pas les choses. Que ferez-vous pour ces personnes ? Étendrez-vous les mesures aux propriétaires bailleurs ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Ce projet, vous le connaissez aussi bien que moi puisque nous l'avons imaginé et mis en place ensemble, quand vous étiez au gouvernement.

Le financement du programme défend des investissements d'avenir, des collectivités, de l'Agence nationale pour l'habitat et des grands énergéticiens. Il est humainement, socialement et économiquement plus efficace d'aider ainsi à diminuer la facture énergétique que d'en subventionner le paiement. De tels travaux de rénovation sont bons aussi pour le secteur du bâtiment.

Mais le financement repose largement sur les collectivités territoriales et, pas de chance, la période était, pour elles, électorale en début d'année. C'est donc seulement en septembre que les départements se sont engagés. Depuis lors, le programme monte en puissance et nous n'avons pas l'intention de l'étendre aux propriétaires bailleurs.

Mme Valérie Létard.  - Les associations plaident pour cette extension car les logements loués aussi sont déficients. Outre les moyens, il faut un accompagnement d'ingénierie pour les familles.

M. Michel Teston.  - Toutes les sections de lignes de fret ferroviaire ne sont pas encore électrifiées, si bien que l'on en vient à faire circuler des locomotives thermiques sur des tronçons électrifiés. Ce n'est pas ainsi que l'on pourra atteindre les objectifs du Grenelle I de réduire la part de la route et de développer le transport sans carbone. Sur la construction de lignes dédiées, l'aménagement de lignes existantes, l'électrification des sections manquantes, quelle est la position du Gouvernement et de RFF ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement veut porter la part des modes de transports non routiers et non aériens de 14 à 25 % d'ici 2022. RFF partage cet objectif. Les problèmes que vous soulevez trouveront des réponses. Il y a une multitude de propositions locales, certaines concernent l'Ardèche, comme le contournement de l'agglomération lyonnaise par la rive droite.

M. Michel Teston.  - J'entends que M. le ministre ne conteste pas la nécessité d'électrifier les sections manquantes. Certains aménagements s'imposent, certains appellent des choix délicats. Faut-il électrifier la ligne entre Saint-Germain-des-Fossés et Saint-Germain au Mont-Dore ? Comment rénover la liaison ferroviaire Serqueux-Gisors ? La réponse ne doit pas appartenir aux seuls experts.

Mme Mireille Schurch.  - Le Gouvernement prétend augmenter la part du fret non routier. Mais au lieu de passer de la route au rail, on passe du rail à la route : le fret ferroviaire est démantelé, les gares de marchandises fermées, le wagon isolé peu à peu abandonné. C'est même la législation récente qui favorise le transport routier, avec la généralisation des 44 tonnes.

Les décisions prises par la SNCF sont d'autant plus incompréhensibles que l'entreprise est en bonne santé financière et qu'elle a pu verser 230 millions de dividendes à l'État.

Que compte faire le Gouvernement ? A quand la taxe pour le transport modal ? (Applaudissements à gauche)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Malgré la crise, qui affecte le transport de marchandises, le Gouvernement persiste à vouloir augmenter la part du fret ferroviaire, grâce à la reconquête de parts de marché. En 2009 a été présenté l'engagement national pour le fret ferroviaire : plus de 7 milliards d'euros d'ici 2020. Nous cherchons à augmenter la productivité et la compétitivité du fret ferroviaire. Les objectifs du Grenelle demeurent les nôtres.

Mme Mireille Schurch.  - Je m'inquiète qu'aucune règle contraignante n'ait été fixée par les Européens pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 %. Une politique énergétique ambitieuse suppose le soutien de l'État aux modes de transports alternatifs, et non la poursuite de la libéralisation. On est encore loin de « l'État exemplaire » que vous revendiquez.

M. Joël Labbé.  - En Occident, les émissions de gaz à effet de serre sont liées pour moitié aux modes de vie quotidiens : transport et logement. Les Français ont pris conscience du problème mais les ménages les plus modestes doivent avoir les moyens de respecter la réglementation, dont sont d'ailleurs exclues trop de catégories de logements.

Créons des sociétés d'économie mixte dédiées aux énergies renouvelables ! En avançant les fonds nécessaires, elles pourraient aider les ménages à réaliser des travaux d'isolation.

Comment la réglementation thermique 2012 sera-t-elle appliquée ? Le Gouvernement entend-il soutenir la création des SEM, au service d'une politique publique d'efficacité énergétique ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Il y a là un peu de confusion. La réglementation thermique 2012, soit 50kWh par mètre carré, est déjà obligatoire dans le tertiaire ; elle le sera pour les logements au 1er janvier 2013. Ce sera une avancée considérable : le patrimoine existant est, en moyenne, à 250 kWh par mètre carré et le neuf à 150. C'est cette majorité qui l'a décidé...

Des outils formidables ont été mis en place à la suite du Grenelle de l'environnement, éco-PLS, crédit d'impôt développement durable, programme « Habiter mieux »... Tous nos engagements sont remplis, tout est sur les rails ! Nous avançons !

M. Joël Labbé.  - Je connais la réglementation... et la réalité du mal-logement. Votre autosatisfaction n'est pas de mise. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Les transports consomment 68 % des produits pétroliers, mais le transport fluvial divise la consommation par trois. Parmi les grands projets du Snit, il y a le canal Seine-Nord-Europe, les liaisons à grand gabarit Bray-Nogent, Saône-Moselle et Saône-Rhin.

Où en est-on des travaux de Seine-Nord, qui semblent arrêtés ?

La liaison Saône-Rhin par la vallée du Doubs a été trop vite abandonnée, contrairement à la liaison Rhin-Main-Danube en Allemagne. Où en sont les études ? Des actions de communication ont-elles été engagées ? La liaison par la Moselle et le Doubs a-t-elle été inscrite au réseau de transport européen comme elle l'a été au schéma national ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Le canal Seine-Nord-Europe est une priorité, vu ses retombées économiques. Le dialogue compétitif a été conduit par VNF ; nous espérons choisir l'attributaire du futur contrat de partenariat avant la fin de l'année. L'accord signé entre l'État, VNF et les collectivités a préfiguré les plates-formes multimodales. Le projet représente 4,3 milliards d'euros !

Le Rhône est aussi un axe essentiel et un débouché vers le nord serait intéressant. Des études sont prévues pour la réalisation de la liaison à grand gabarit Saône-Moselle-Rhin, ainsi que pour des interconnexions fluviales. La commission nationale du débat public sera saisie fin 2012 pour un débat public à l'automne 2013 ; les études à cette date nous auront apporté un éclairage utile.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Je note un certain retard de calendrier sur Seine-Nord. Pour Saône-Rhin, nous voilà repoussés à fin 2013 ! Où en sont les études ? La liaison est-elle inscrite au schéma européen ?

Surtout, tout cela se passe en période de restrictions budgétaires, engagées ou prévues par le traité négocié par le président de la République et Mme Merkel -traité qu'il faudra réviser. La chancelière, selon Le Monde, appelle à la continuité de l'effort européen et n'imagine pas que la règle d'or ne soit pas approuvée. Je plaide, moi, pour un grand emprunt européen qui financerait un programme d'infrastructures ; on pourrait distraire une part pour les trois grandes infrastructures fluviales inscrites au Snit...

Mme Élisabeth Lamure.  - Le vaste plan de 2007 et la loi Grenelle II de 2010 favorisent un urbanisme et une architecture peu consommateurs d'énergie. Les professionnels ont anticipé la réglementation et ont appliqué très tôt la norme qui entrera en vigueur pour les logements en 2013 -la moitié des permis de construire sont déjà à la norme BBC, deux tiers des logements sociaux.

Un vaste plan de travaux a été lancé, qui doit permettre la rénovation de 800 000 logements d'ici 2020 ; ou en est-il ? Quel est l'état d'avancement du programme « Habiter mieux » ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Sur le neuf, la nouvelle réglementation s'applique déjà pour les bâtiments tertiaires et sera étendue aux logements l'an prochain. Mais 50 % des demandes de permis de construire en tiennent déjà compte. J'espère que les candidats à l'élection présidentielle, qui veulent tout renégocier, la conserveront... Mais il est vrai qu'il est plus facile de modifier un décret qu'un traité à 27...

Le plan de rénovation de 800 000 logements a été engagé pour une première tranche de 100 000 logements sur 2010-2011 ; nous tiendrons l'objectif. Comme nous tiendrons celui pour 2012 du programme « Habiter mieux », soit 30 000 logements

Mme Élisabeth Lamure.  - On voit sur le terrain les résultats concrets. Le candidat socialiste a mis dans son programme le renforcement de l'isolation thermique... qui est déjà en cours !

M. Roland Courteau.  - De nombreuses personnes vivent dans la précarité énergétique : plus de 5 millions de logements sont des passoires énergétiques ! A quoi s'ajoutent les augmentations sur cinq ans du gaz -plus 60 %- et de l'électricité -plus 12 %. On sait que les ménages modestes dépensent 16 % de leur revenu pour l'énergie, 6 % seulement pour les plus aisés.

Nous sommes bien en deçà des objectifs fixés dans le Grenelle de l'environnement ; il faudrait isoler un million de logements par an ! Quand le crédit d'impôt développement durable voit son enveloppe diminuer de 47 % en deux ans, que reste-t-il des espoirs du Grenelle, qui devait constituer, selon le président de la République, un New deal écologique ? Faire et défaire : le Gouvernement se prend pour Pénélope ! Qu'en sera-t-il en 2020 ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Un million de logements par an à isoler, c'est ce qu'a dit M. Hollande, mais quelques jours plus tard, il a réduit le chiffre à 600 000, sans doute informé que la réglementation thermique s'appliquait déjà... Le plan « Habiter mieux », l'éco-prêt HLM, le crédit d'impôt développement durable -qui a permis de traiter 6 millions de logements- et l'éco-prêt à taux zéro constituent une panoplie compète. Et je n'oublie pas le partage des économies entre bailleurs et locataires.

Grâce au Grenelle de l'environnement que cette majorité a voté, la France a pris une avance considérable. (Applaudissements à droite ; protestations à gauche)

M. Roland Courteau.  - Je persiste et je signe. Les actes ne sont pas en phase avec les discours. Le coût croissant de l'énergie et la faible performance énergétique des logements placent de nombreuses familles dans la précarité. Il faut engager un vrai effort de rénovation thermique et décider une tarification progressive de l'électricité. Nous, nous mettrons nos actes en conformité avec nos propositions !

M. André Reichardt.  - En novembre 2011, la charte relative à la mention « reconnu Grenelle de l'environnement » a été signée. Il s'agit d'inciter les entreprises à accéder à un signe de qualité et d'en faciliter l'accès à tous les types d'entreprises. L'attribution est conditionnée à la désignation d'un responsable technique disposant d'une qualification adéquate. Une procédure de formation et les examens restent à définir.

Lors de la table ronde de décembre 2011 sur les performances énergétiques, de nombreuses mesures ont été proposées, dont la conditionnalité des aides publiques à la qualification. Comment tout cela fonctionnera-t-il ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Nous avons effectivement besoin de professionnels qualifiés. Il est facile de changer de promesse d'un jour à l'autre, un million ou 600 000, mais nous, nous agissons, avec les fédérations des secteurs concernés. Nous avons revu la formation initiale, mis en place un programme de formation en éco-énergie du bâtiment.

L'étape suivante, en 2015 sans doute, sera l'éco-conditionnalité : les aides aux professionnels seront réservées à ceux qui ont la compétence requise.

M. André Reichardt.  - Les artisans veulent une qualification spécifique car beaucoup d'erreurs sont commises aujourd'hui. On ne s'improvise pas expert en ce domaine.

La séance est suspendue à 17 h 55.

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La séance reprend à 18 h 10.