Conseil européen

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat, sous forme de questions-réponses, préalable à la réunion du Conseil européen des 7 et 8 février 2013.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes .  - Je remercie le Gouvernement, en la personne de M. Cazeneuve, d'avoir accepté ce débat, avant la réunion extraordinaire d'après-demain qui a pour ordre du jour le cadre financier pluriannuel 2014-2020. L'enjeu des négociations est de l'ordre de 1 000 milliards d'euros. Il est courageux de la part du Gouvernement d'accepter un tel débat, alors que ces négociations s'annoncent périlleuses en ces temps de crise.

Le Sénat est particulièrement attaché à la politique de cohésion, sans laquelle il ne resterait plus grand-chose de la politique d'aménagement du territoire. Nous avons soutenu la proposition du commissaire Johannes Hahn de créer la catégorie des « régions intermédiaires », dont le PIB par habitant est compris entre 75 et 90 % de la moyenne européenne. C'est une question d'équité : on ne peut pas traiter différemment, en se fondant sur le passé, des régions dont le PIB est aujourd'hui comparable. Le Brandebourg et le Languedoc-Roussillon ont un PIB par habitant à peu près identique. Pourquoi ma région n'aurait-elle pas droit à des aides auxquelles prétend le Brandebourg ?

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes .  - Merci d'avoir pris l'initiative de ce débat sur le Conseil européen qui se tiendra les 7 et 8 février. Une première session a eu lieu en novembre dernier. Les premières propositions ont conduit le président Van Rompuy à présenter un budget de 983 millions d'euros.

Nous avons signalé à nos partenaires que cette enveloppe ne pourrait pas faire l'objet de coupes supplémentaires et que la négociation du budget ne pourrait se limiter aux coupes à opérer pour verser des rabais ou des chèques à tel ou tel État. Le président de la République l'a redit aujourd'hui à Strasbourg devant le Parlement européen : la France souhaite que l'Union européenne prolonge l'ambition de la croissance pour la période 2014-2020. Nous réitérons notre demande de voir le budget de l'Union européenne maîtrisé, la France ne dérogera pas à ses objectifs budgétaires, mais le budget doit être suffisant pour alimenter une politique de croissance. Des économies sur le budget, pourquoi pas, pourvu qu'elles n'aillent pas à l'encontre de la politique de croissance économique.

Il faut aussi un équilibre entre toutes les politiques de l'Union européenne. Nous devons financer les politiques de la rubrique 1A, celles de l'horizon 2020, comme la recherche, le programme Connecting Europ, les mesures en faveur des PME innovantes, les transferts de technologie. Mais nous avons aussi besoin de la PAC qui ne peut être amputée de 25 milliards d'euros. Certes, nous avons obtenu 8 milliards d'euros supplémentaires, mais le compte n'y est toujours pas.

La politique de cohésion doit être correctement financée : 309 milliards d'euros ont été proposés au Conseil de novembre. Nous voulons que toutes les régions de même niveau de PIB disposent du même niveau d'aide. C'est dire que les régions en transition française doivent être traitées de la même façon que les Länder de l'ex-RDA... Les régions ultrapériphériques doivent également disposer d'une enveloppe satisfaisante. Dans le précédent cadre financier, on était à 35 euros par habitant, il a été proposé 30 euros, il faut franchir une étape supplémentaire.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - C'est ce que je fais. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Je rappelle les règles fixées par la Conférence des présidents, auxquelles je vous demande de ne pas déroger : deux minutes pour l'auteur de la question et deux minutes pour le ministre.

M. Jean-Paul Emorine .  - Par conviction européenne, nous souhaitons qu'un accord soit conclu sur le cadre financier 2014-2020, mais nous regrettons la baisse du budget consacré à la PAC. Nous souhaitons que le Gouvernement soit déterminé à défendre une enveloppe importante. Nous regrettons d'autant cette baisse de crédits que les négociations sur la réforme de la PAC en ont pâti : quel sera le calendrier ?

Quelle garantie avons-nous que la régionalisation des aides ne conduira pas à déséquilibrer nos territoires et notre agriculture ? Comment le Gouvernement envisage-t-il de la mettre en oeuvre ?

Si le Conseil européen des 7 et 8 février aboutit à une baisse du budget de la PAC, comment faire pour que notre agriculture demeure à la fois compétitive et plus respectueuse de l'environnement ?

Notre groupe de travail sur le verdissement des aides a fait des propositions : un premier pilier avec des instruments simplifiés et un second consacré au développement rural et à l'environnement. Qu'en pense le Gouvernement ? (Applaudissements à droite)

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Avant d'en arriver à la réforme de la PAC, nous devons être fixés sur le montant de l'enveloppe. Dans le même temps, le Parlement européen prépare un texte sur l'affectation de l'enveloppe aux différentes politiques. Si le calendrier est respecté, nous devrions pouvoir verser les sommes au 1er janvier 2014. Le président de la République et le Gouvernement l'ont dit, le combat pour le niveau des aides directes est l'un des plus importants. Nous avons donc demandé et obtenu une augmentation de 8 milliards d'euros en novembre ; nous voulons aller plus loin encore.

Si nous souhaitons que le niveau des aides soit maintenu, c'est pour permettre le verdissement de la PAC sans préjudice pour le revenu des agriculteurs et la convergence des aides entre les divers pays de l'Union européenne ; nous entendons que notre agriculture continue à se moderniser.

M. Jean Arthuis .  - Le futur cadre financier pluriannuel aura donné lieu à plus de dix-huit mois de négociations - sans doute pour reconduire les grandes masses du budget... Mais l'avenir de l'Europe, se sont les jeunes européens. Leur mobilité permettra de cimenter l'Union européenne. Le nouveau programme unifié Erasmus devrait être plus simple, plus rationnel et plus efficace.

La Commission européenne prévoit de doubler ce programme en y incluant l'ensemble des aides à la mobilité des jeunes et en le baptisant « Erasmus pour tous ». Les propositions successives de la présidence du Conseil n'ont pas rogné ce budget. Ce programme est essentiel. Au-delà, l'Union européenne devrait encourager la mobilité des jeunes qui travaillent. Dès lors que l'euro nous a libérés des dévaluations compétitives, seule la mobilité des facteurs internes peut répondre aux chocs asymétriques. Il faudrait un Erasmus de l'apprentissage et du premier emploi.

Allez-vous soutenir l'augmentation des crédits « Erasmus pour tous » ? Les crédits de paiement seront-ils suffisants ? Allez-vous promouvoir la mobilité des jeunes actifs européens ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Cette année, le programme Erasmus a souffert d'un décalage entre autorisations d'engagement et crédits de paiement. Il y avait une impasse de 9 milliards. Nous avons fait en sorte qu'il soit finalement financé dans de bonnes conditions.

Pour Erasmus pour tous, nous voulons que la mobilité, l'apprentissage soient correctement financés. L'enveloppe passerait de 7 à 15 milliards d'euros, soit une augmentation de 117 %. Je vous confirme notre détermination à la défendre. Des réflexions sont en cours au sein de l'Union européenne pour mettre en place un fonds pour la formation et le premier emploi des jeunes en mobilité.

M. Éric Bocquet .  - Le sujet principal du Conseil européen sera le cadre financier, donc la question budgétaire. L'objectif est d'éviter un nouvel échec, après celui de novembre. Pourtant, les tractations, les négociations, l'entretien à venir entre le président de la République et la Chancelière allemande ne laissent pas augurer d'un accord. Comme d'habitude, les 27 risquent de conclure un compromis flou.

Plutôt que céder au dogme idéologique de la réduction de la dépense publique, ne faudrait-il pas chercher d'autres gisements d'économies ? Le Gouvernement a adressé le 21 novembre 2012 un courrier à la Commission pour l'inciter à prendre des mesures efficaces contre la fraude fiscale. Ce fléau mine les finances de l'Union européenne. L'ONG britannique Tax research a évalué à 1 000 milliards d'euros la fraude fiscale dans l'Union, soit le budget cumulé sur la période 2007-2013.

Je salue l'initiative des deux ministres. La commission d'enquête sénatoriale avait fait des recommandations : les sommes détournées en France sont comprises entre 30 et 50 milliards. L'initiative de la France a-t-elle quelque chance d'aboutir ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - La réponse est oui. Nous sommes engagés au G20 comme au sein de l'Union à renforcer la coopération dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Comme l'a dit le président de la République aujourd'hui à Strasbourg, nous voulons que la négociation ne porte pas seulement sur les coupes et les rabais.

Nous souhaitons aussi que l'Union soit à terme dotée de ressources propres. La taxe sur les transactions financières (TTF) et la taxe carbone doivent aboutir pour alimenter son budget.

Quant à la rencontre entre le président de la République et la Chancelière demain, je tiens à vous rassurer, elle sera amicale et ne portera que sur le football. Il y a peu de chances qu'il y soit question de coupes supplémentaires... (Sourires)

M. Jean-Pierre Chevènement .  - Je sympathise depuis longtemps avec la difficulté de votre tâche, monsieur le ministre. Le président de la République mène un combat méritoire pour relever le défi de la croissance.

Le Conseil européen parviendra-t-il à un accord sur le budget ? Rien n'est moins sûr, vu la position de la Grande-Bretagne et d'autres, comme les Pays-Bas ou la Suède. Et même en cas d'accord, un budget de 1 000 milliards ne suffirait pas à faire sortir la zone euro de la récession. La surévaluation de l'euro réduit à néant nos efforts de compétitivité. Où est la solution ? Le président de la République a évoqué le rôle de la BCE, dont rien n'indique cependant qu'elle soit disposée à interpréter ses statuts comme il souhaite. Toute politique doit se construire sur la réalité. On le voit au Mali, la défense européenne n'est pas au rendez-vous ; quel sens ont les critères de Maastricht si certains pays n'acceptent pas de faire les efforts nécessaires alors que les intérêts de l'Union sont en jeu ? Aujourd'hui, nous avons l'intégration sans la solidarité. Le président de la République préconise une Europe différenciée, c'est le bon sens, à condition que la croissance revienne. Comment faire ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Vaste débat ! Je n'ai que deux minutes... Il faut un bon budget de l'Union européenne, afin de doter la politique de croissance de moyens adéquats, tant pour la recherche que pour les investissements d'avenir. Les 120 milliards de juin ne seront rien si 200 milliards de coupes sont décidées en février.

La réforme du marché intérieur - harmonisation fiscale et sociale, politique industrielle - devrait contribuer à relancer la croissance, comme des règles de juste échange.

Il faut aussi remettre en ordre la finance ; c'est ce qui est fait avec l'achèvement de l'union bancaire, la possibilité donnée à la BCE d'intervenir au côté du MES et du FESF pour lutter contre la spéculation, la recapitalisation directe des banques.

M. Yannick Vaugrenard .  - Dans la perspective des négociations à venir, quid du fonds européen d'aide aux plus démunis ? Il devrait diminuer d'un milliard d'euros. Que fera la France pour éviter une telle amputation ?

Le sujet de la fraude fiscale est d'une brûlante actualité alors que l'Autriche vient de signer un accord fiscal avec le Liechtenstein. La lutte doit être européenne pour être efficace.

Enfin, l'Allemagne, si prompte à la rigueur budgétaire, est plus frileuse lorsqu'il s'agit de rigueur humanitaire. Je pense ici à notre action au Mali contre un terrorisme sans frontière. Son coût ne devrait-il pas être pris en considération dans les équilibres budgétaires à court, moyen et long termes ? Ne sommes-nous pas en droit d'attendre plus d'effort de la part de nos partenaires européens et en particulier de nos amis allemands ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Le programme pour les plus démunis a dans un premier temps été alimenté par les surplus agricoles ; un fonds européen a ensuite pris le relais. L'Allemagne a saisi la CJUE pour que ce programme soit supprimé, au motif de l'absence de fondement légal. Le précédent gouvernement en avait accepté la suppression à condition que le dispositif perdure en 2012. Nous avons obtenu qu'il soit réinscrit et accepté qu'il soit prélevé sur le FSE. Il serait doté de 2,1 milliards ; nous voulons 400 millions de plus.

Le Mali : l'Europe contribue à l'aide à ce pays à hauteur de 50 millions et l'Allemagne a abondé ce budget de 20 millions lors de la Conférence des donateurs. En outre certains pays de l'Union contribuent à la formation des forces de la Misma qui prendront le relais de la France, avec pour objectif le rétablissement de l'intégrité territoriale du pays.

M. Philippe Marini .  - Trois points à propos du cadre budgétaire. La Commission européenne voudrait augmenter les dépenses d'administration de 25 %. Est-ce raisonnable alors que tous les pays tentent de maîtriser leurs dépenses ? Qu'en pensez-vous ?

Le niveau des dépenses liées à la politique étrangère est-il cohérent avec la faible valeur ajoutée que nous constatons, notamment au Mali ?

Chypre, enfin, a besoin d'assainissement financier. Cet État, qui a le taux d'impôt sur les sociétés le plus bas de l'Union, ne pourra faire ses fins de mois au-delà du mois de mars. Allons-nous profiter de cette situation pour soumettre à conditionnalité l'octroi d'aides financières, c'est-à-dire faire ce que nous n'avons pas su ou voulu faire avec l'Irlande ? Est-il concevable de demander aux États contributeurs d'accepter la concurrence déloyale de tels États ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Les frais de personnel, tout d'abord. Des efforts doivent être faits, c'est vrai, mais de là à supprimer l'administration européenne, comme le voudrait la Grande-Bretagne...

Pour la politique étrangère, on ne peut vouloir qu'elle se développe tout en supprimant ses crédits au moment où elle en a besoin, au Mali comme en Syrie - l'aide humanitaire est prélevée sur la rubrique 4.

Quant aux fonds de cohésion, le non-engagement des 55 milliards est dû à un décalage entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement.

Chypre enfin. Il eût été plus facile de demander à ce pays d'augmenter son taux d'impôt sur les sociétés si cela avait été fait pour l'Irlande. Un autre gouvernement était alors aux affaires.

M. Philippe Marini.  - Nous n'avons pas été suivis. Faites la preuve que vous faites mieux ! (Sourires)

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Le commissaire à la fiscalité a engagé une réflexion sur l'harmonisation des assiettes fiscales. Nous nous inscrirons dans cette initiative.

M. Philippe Marini.  - Ce n'est pas la question.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - C'est ma réponse.

Mme Bernadette Bourzai .  - Je vous remercie de votre réponse sur le fonds d'aide aux plus démunis, nous devons disposer d'outils de solidarité importants.

S'agissant de la PAC, les montants prévus en 2011 par la Commission correspondaient en euros courants aux sommes versées dans les années 1990 - à dix pays de moins qu'aujourd'hui. Et la Croatie fera partie du prochain cadre financier. Il est temps de s'interroger sur l'utilité de maintenir des droits à paiement unique (DPU) élevés à des secteurs de production qui bénéficient durablement de prix élevés. Il faudrait favoriser l'élevage et l'emploi dans l'agriculture.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Oui, soutenir la PAC, c'est aussi soutenir l'emploi. La PAC mérite d'être plus juste qu'elle ne l'a été jusqu'à présent. Des éleveurs sont en difficulté, nous sommes favorables au plafonnement des aides à certaines grandes exploitations et à la modification du dispositif dès le premier hectare. La convergence entre les agriculteurs de l'Europe sera d'autant plus facile que le niveau d'aides directes sera élevé. C'est pourquoi nous avons demandé une hausse de ces aides.

M. Joël Guerriau .  - Le président de la République a souhaité ce matin au Parlement européen une plus grande solidarité européenne. Pour les Allemands, l'Union européenne ne doit pas soutenir des secteurs « non concurrentiels » comme l'agriculture. Sera-t-elle la variable d'ajustement ? Évitons alors toutes les distorsions de concurrence, notamment sociales. Un travailleur saisonnier revient 86 % plus cher à un maraîcher français qu'à un maraîcher allemand. Traiter d'économie sans social est délicat. Comment le pacte de croissance européen promis par le Gouvernement sera-t-il mis en place, alors que le taux de croissance est nul ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Beaucoup de questions ! La PAC est la politique communautaire la plus intégrée, c'est pourquoi elle doit être correctement dotée. Les distorsions de concurrence ne pourront se réduire sans harmonisation fiscale et sociale. Nous les appelons de nos voeux. Je pense par exemple à la portabilité des droits sociaux ou au salaire minimum garanti.

Le pacte de croissance de 120 milliards d'euros, ce sont 55 milliards d'euros de fonds structurels, dont 3 pour la France. Nous attendons un retour de 7 milliards, soit un total de 10 milliards d'euros. Derrière ce pacte, il y a non seulement une volonté, mais aussi des actions précises, l'habitat social en Champagne-Ardenne ou l'énergie solaire en Aquitaine. Puis il y aura les project bonds.

M. Jean Bizet .  - Nous espérons un compromis sur le budget européen, mais plusieurs interrogations demeurent. Quelle est la position française sur la proposition de capacité budgétaire autonome de la zone euros ? Ces fonds doivent aller en priorité à des politiques communes d'avenir : au-delà de la politique agricole et de cohésion, la recherche, l'énergie, les infrastructures. Comment agir concrètement ? Ne faut-il pas aussi faire des économies et mutualiser certaines dépenses - je pense au chevauchement entre agences nationales et européennes. Quelle est la position de la France sur la convergence économique ? Aura-t-elle une marge de manoeuvre ? Certains économistes présagent que nous ne respecterons pas les critères européens de déficit. Quelle est votre analyse ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Le précédent gouvernement était calé sur la position britannique, qui voulait 200 milliards de coupes. Nous, nous n'en voulons pas. Je me réjouis que vous demandiez aujourd'hui un bon budget... Il sera certainement plus facile à obtenir par ce Gouvernement que par son prédécesseur...

M. Philippe Marini.  - Il faudra bien contrôler son exécution.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - ... pour financer la recherche, la politique de cohésion et la PAC. Nous avons beaucoup insisté pour l'augmentation de l'enveloppe consacrée à la recherche et aux grands projets comme Iter ou les programmes en faveur des PME innovantes. Nos propositions sur la contractualisation faites en novembre ont été prises en compte. Nous souhaitons une contractualisation de compétitivité et de croissance, des réformes structurelles pour faire en sorte que la récession ne soit pas le seul horizon indépassable.

M. Jean-Yves Leconte .  - L'ambiance a changé. Pendant dix-huit mois, nous nous demandions si l'euro allait survivre à la spéculation. Depuis quelques mois, son renforcement est susceptible de remettre en cause les efforts de compétitivité de nos entreprises. À la différence des États-Unis et du Japon, la zone euro ne pratique pas le laxisme budgétaire et bancaire ; la politique de supervision bancaire risque de poser des difficultés pour le financement des entreprises européennes.

L'euro présente un risque bien plus faible que le dollar ; or, il est mieux rémunéré... Comme l'a dit le président de la République, il faut une politique de taux de change qui rémunère l'euro à sa juste valeur.

Les perspectives budgétaires, faute d'accord, font peser un risque sur la croissance en Europe. Le président de la République a présenté à Strasbourg des orientations qui répondent à ces interrogations, largement saluées au-delà de la gauche. Comment nous assurer que l'euro sera rémunéré à sa juste valeur ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - N'ajoutons pas de la récession à la récession. Les pays bénéficiaires nets perdraient beaucoup en cas d'échec de la négociation. Une grande partie de ceux qui pourraient bénéficier d'un abondement des fonds de cohésion verraient leurs espérances déçues...

Sur l'euro, la stratégie de l'Union européenne est de libérer les pays en difficulté du cercle vicieux dette souveraine-dette bancaire avec les dispositions de remise en ordre de la finance. La BCE a en charge la politique monétaire, qu'elle conduit en toute indépendance, mais elle n'est pas seule ; les traités permettent au Conseil de se prononcer sur le politique de change. Le président de la République a dit aujourd'hui des choses précises, sur la compétitivité et le change ; ces questions seront débattues au prochain Conseil européen.

M. le président.  - Le dernier intervenant est M. Courteau.

M. André Gattolin.  - Et les écologistes ?

M. le président.  - Vous n'avez pas manifesté votre intention d'intervenir...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Les écologistes sont maltraités ! (Sourires)

M. le président.  - Vous vous exprimerez donc après.

M. Michel Vergoz.  - Et l'outre-mer ?

M. Roland Courteau .  - Le programme d'aide alimentaire de l'Union européenne serait menacé. Vous avez demandé qu'il soit rétabli. Très bien. C'est la mise en oeuvre d'une véritable solidarité à l'égard des plus démunis.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Si, à l'heure où le chômage de longue durée et l'exclusion progressent, l'Europe est incapable de tendre la main aux plus démunis, il ne faudra pas s'étonner que les peuples fassent leur deuil du projet européen.

M. Roland Courteau.  - Absolument !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - On ne peut tuer des symboles aussi politiques ! Le président de la République l'a dit : la France est décidée à ce que le fonds d'aide aux plus démunis soit pérennisé et correctement doté.

M. André Gattolin.  - Je suis désolé de ce malentendu. J'ai dit en commission des affaires étrangères que nous souhaitions intervenir.

M. le président.  - Il faudra que votre groupe le dise à la Conférence des présidents. Vous êtes le treizième orateur à intervenir en une heure. Je félicite chacun d'avoir respecté les temps de parole.

M. André Gattolin .  - L'Europe demeure la première puissance commerciale de la planète. La régulation des échanges est une question majeure. On parle beaucoup des États-Unis, mais les négociations avec le Canada sur un accord de libre-échange sont déjà engagées et pourraient être conclues très prochainement. De nombreuses questions se posent. Le Canada exploite les sables bitumineux au mépris des risques sanitaires et environnementaux ; il voudrait exporter son gaz massivement en Europe. Des pressions s'exercent pour modifier la directive « Carburant ». Quelle est la position du Gouvernement sur ces possibles importations de produits pétroliers canadiens ?

En outre, avec cet accord, les échanges entre l'Union européenne et le Canada augmenteront de 20 %, en grande partie par voie maritime. Le port de Rotterdam en bénéficiera au premier chef ; ne faudra-t-il pas revoir les avantages accordés en matière de droits de douane ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - J'aurais regretté de ne pouvoir répondre à cette question. L'accord de libre-échange est en cours de négociation. Beaucoup de sujets sont encore sur la table. Nous devons en particulier nous assurer que l'ensemble des marchés publics canadiens seront ouverts, spécialement au niveau subfédéral ; ou encore de la traçabilité de nombreux produits agricoles.

Vous évoquez le gaz de sable bitumineux. Le dispositif de révision de la directive est bloqué et nous ne souhaitons pas qu'il soit débloqué sans qu'une étude d'impact ne soit préalablement réalisée.

M. le président.  - Je vais suspendre.

M. Michel Vergoz.  - L'outre-mer n'est pas en Europe ce soir !

M. le président.  - Je suis désolé, j'applique la décision de la Conférence des présidents.

La séance est suspendue à 20 h 35.

présidence de M. Charles Guené,vice-président

La séance reprend à 22 h 30.