Contrat de génération (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création du contrat de génération.

Discussion générale (Suite)

M. Dominique Watrin .  - Nos concitoyens sont préoccupés par l'emploi : comment pourrait-il en être autrement après l'augmentation du chômage tant dans l'industrie que dans le tertiaire. Les jeunes en sont les premières victimes et leur projet de vie est brisé pour de nombreuses années. L'accès au premier emploi puis à l'emploi stable est devenu complexe. La situation est telle que le Washington Post a parlé d'une génération sacrifiée.

Mme Nathalie Goulet.  - Si vous lisez le Washington Post !

Mme Christiane Demontès, rapporteure, et M. Jean Desessard.  - Et pourquoi pas ?

M. Dominique Watrin.  - La politique du précédent gouvernement a été particulièrement inefficace, avec la création de Pôle emploi et le recours aux opérateurs privés de placement.

M. Roland Courteau.  - Eh oui !

M. Dominique Watrin.  - Je ne parle même pas des injonctions de Nicolas Sarkozy pour retarder l'annonce des plans de licenciement pour ne pas plomber sa campagne présidentielle.

M. Jean Desessard.  - Très bien !

M. Dominique Watrin.  - L'aide financière accordée au contrat de génération prend l'aspect non d'une exonération de cotisations sociales mais d'une aide directe aux entreprises qui ne plombera pas les comptes de la sécurité sociale. Ces contrats seront moins précaires que les contrats précédents puisqu'il s'agira de CDI même si les députés ont rendu le quatre cinquième de temps plein possible : espérons que la formation ne sera pas dispensée en dehors des heures de travail. Le dispositif sera différent en fonction de la taille des entreprises, ce qui est une bonne chose. Il est légitime que les salariés disposent des mêmes droits, mais que les aides varient en fonction de la taille des entreprises. Comment le dispositif sera-t-il appliqué dans les entreprises franchisées, monsieur le ministre ?

Ce projet de loi est conforme à la volonté des organisations syndicales des salariés et du patronat. Nous sommes loin des dérégulations relatives au temps de travail opérées par le précédent gouvernement dans la transposition d'un précédent accord interprofessionnel.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Oui.

M. Dominique Watrin.  - La négociation est privilégiée, ce dont nous nous félicitons, le but étant de parvenir à la signature d'un accord, ce qui est bien préférable à un plan d'action qui laisse toute liberté aux employeurs.

Mme Christiane Demontès, rapporteure.  - Certes.

M. Dominique Watrin.  - Nous proposons un amendement de modulation de l'aide financière en fonction des mesures prises pour la mise en oeuvre du dispositif afin d'inciter à la conclusion d'accords, les patrons préférant toujours le plan d'action.

Nous voterons ce projet de loi, même s'il repose sur le postulat erroné d'un coût des salaires trop important en France, dans un contexte de smicardisation du salariat. Qui peut soutenir que la protection sociale française, qui nous a permis de mieux résister à la crise n'est pas adaptée ?

Ce projet de loi n'est qu'une étape, un outil parmi d'autres pour lutter contre le chômage.

Les contrats de génération ne peuvent résumer à eux seuls, avec les contrats d'avenir, la politique du Gouvernement en matière d'emploi.

Pour s'attaquer au fléau du chômage des jeunes, il faudra revenir sur le poids excessif du capital. La richesse devrait aller aux salariés. Pourtant, le Medef oublie systématiquement de demander un effort à ses adhérents. Nous estimons qu'il est grand temps d'interdire les licenciements boursiers. Comment les patrons peuvent-ils licencier quand ils versent des dividendes ? L'argent ne doit plus aller au seul capital.

Depuis la conclusion de l'accord interprofessionnel, le contexte politique a évolué avec la conclusion de l'accord sur la sécurisation de l'emploi signé par trois syndicats et par le patronat. La transposition en droit de cet accord minoritaire ne peut nous satisfaire car il affaiblit la situation des salariés et les précarise. Avec l'article 15, cet accord facilite les licenciements pour des motifs autres qu'économiques.

Enfin, cet accord minoritaire sacralise le chantage à l'emploi. Les entreprises en difficulté pourraient conclure des accords qui pèsent sur les salariés, sans demander un effort aux actionnaires.

Pour l'heure, nous voterons ce projet de loi en espérant que nos amendements seront acceptés. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Néri.  - Il faut bien commencer par quelque chose !

Mme Chantal Jouanno .  - Il est difficile de s'exprimer sur un tel sujet. L'idéologie ne mène à rien en ce domaine. Un quart des jeunes sont au chômage, dit de file d'attente, prélude à un parcours précaire de cinq ans en moyenne. Les séniors souffrent d'un chômage d'exclusion ou de relégation sociale, comme l'avait baptisé Dominique Schnapper.

Le groupe UC partage l'objectif du Gouvernement et exprime donc un a-priori positif. Nous avons envie d'y croire, mais nous doutons que ces mesures puissent remédier efficacement à la situation.

Les emplois d'avenir, le CICE et les contrats de génération suffiront-ils ?

Les contrats de génération sont-ils si neufs ? Ils se substituent aux accords séniors de 2009 qui n'ont pas fait la preuve de leur efficacité.

Quant aux jeunes, ne s'agit-il pas de contrats aidés ? C'est bien reconnaître qu'il existe un problème de coût excessif du travail. L'aide se montera à 4 000 euros, mais ces 4 000 euros seront-ils nets ou fiscalisés ? Nous n'en savons encore rien.

450 000 jeunes devraient bénéficier d'un emploi d'avenir, mais tous les jeunes ne sont pas concernés.

Pour les contrats de génération, qu'en sera-t-il ? Notre rapporteure, peu suspecte d'antipathie à l'égard du Gouvernement, estime avec raison que les évaluations actuelles doivent être maniées avec prudence.

Au-delà du nombre se pose le problème de la pérennité des emplois créés. Les contrats de génération vont bénéficier à tous les jeunes de moins de 26 ans, sans distinction de niveau d'études et l'impératif de formation n'est pas imposé. Or, la Cour des comptes a démontré que l'apprentissage est la garantie d'entrer sur le marché du travail. Un sénior formera le jeune embauché.

Le lien intergénérationnel devrait être plus clair. Nous présenterons des amendements sur ce point.

J'en arrive au ciblage des employeurs : il aurait fallu que le secteur marchand soit éligible aux emplois d'avenir, ce que vous n'avez pas voulu.

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Ils sont ouverts aux entreprises d'insertion !

Mme Chantal Jouanno.  - Les contrats de génération sont ouverts au secteur marchand, mais le contrôle a priori est assez lourd. On est loin d'un contrat de confiance entre l'État et les entreprises. Nous défendrons des amendements pour instituer un contrôle a posteriori.

C'est dommage car ces deux contrats auraient pu être complémentaires. N'aurait-il pas fallu cibler des secteurs d'activité particuliers, comme le préconisait le Conseil économique, social et environnemental ?

Deuxième critique de votre politique de l'emploi : vous avez une vision malthusienne de l'emploi. Il faut se demander pourquoi les entreprises ne créent pas d'emplois. Une politique de l'emploi ne partage pas le travail, mais le crée. L'allégement des charges et la TVA compétitivité avaient l'avantage de diminuer le coût du travail. Vous avez assumé l'impopularité de leur suppression et dû créer le CICE, qui s'appliquera tardivement qui va servir aussi à financer les contrats de génération alors qu'il était prévu pour financer la recherche, l'investissement et la compétitivité.

Nous ne nous opposons pas par principe à ce projet de loi et nous attendons de connaître le sort réservé à nos amendements. Nous n'avons que faire des idéologies sur le partage du travail, de l'opposition entre néolibéraux et néokeynésiens ; ce que veulent les jeunes, c'est du pragmatisme et non que l'on s'envoie des mots à la figure ni des certitudes. C'est bien ce qui guidera notre attitude. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Jean-Michel Baylet .  - Le président de la République, le 31 décembre 2012, a insisté dans ses voeux aux Français sur les priorités qui guident la politique du Gouvernement : « Tout pour l'emploi, la compétitivité et la croissance ». Et d'ajouter : « Ce cap sera tenu contre vents et marées... non par obstination mais par conviction que c'est l'intérêt de la France ».

Le Gouvernement a fait de ce combat pour l'emploi sa priorité, avec les emplois d'avenir et le CICE. Je reviens sur la méthode : le contrat de génération est né de la volonté de François Hollande qui l'avait défendu lors de sa campagne électorale. Après la grande conférence sociale de juillet 2012, des négociations ont débuté entre les partenaires sociaux : l'accord du 19 octobre a été conclu à l'unanimité des organisations représentatives, ce qui est assez rare pour être souligné. La même méthode a été utilisée pour la sécurisation des parcours professionnels, le 11 janvier 2013, qui donnera lieu à un projet de loi. Cette méthode constitue une véritable rupture avec la précédente législature.

J'en viens au diagnostic qui a présidé à la création du contrat de génération. Le taux d'activité des 15-24 ans et des 55-64 ans marque le pas et le phénomène s'est amplifié depuis la crise. Le taux de chômage des 15-24 ans atteint 25 %. Les difficultés rencontrées par les jeunes ont une dimension économique, sociale et symbolique : notre société doit pouvoir offrir aux jeunes une situation meilleure que celle de leurs parents. Tel n'est plus le cas aujourd'hui. Les travailleurs âgés pour leur part sont confrontés à une baisse d'activité à partir de 57 ans, d'où la nécessité de mener une politique spécifique en leur faveur.

M. André Reichardt.  - C'est exact !

M. Jean-Michel Baylet.  - Longtemps les politiques de l'emploi ont abordé ces questions de manière distincte. Votre texte associe les deux extrémités de la pyramide des âges, au lieu de les opposer...

Mme Christiane Demontès, rapporteure.  - Absolument !

M. Jean-Michel Baylet.  - Le maintien des séniors n'est pas un frein à l'embauche des jeunes. Le projet de loi lie les générations par le biais de la transmission des savoirs et des compétences. Nous avions proposé, lors de la réforme des retraites, la création de tuteurs pour intégrer les jeunes dans l'entreprise. Il s'agissait alors de contrats aidés, ce qui n'est pas le cas des contrats de génération, mais le principe reste le même.

Pour les jeunes, la limite d'âge est fixée à 26 ans et aucune condition de diplôme n'est requise ni interdite. Ce texte permettra que les moins de 26 ans puissent se faire embaucher en CDI, réel progrès alors que les jeunes sont frappés par la précarité.

Les travailleurs âgés seront concernés par le contrat de génération à partir de 55 ans. Un volet de la loi concerne spécifiquement les personnes handicapées, selon la bonne habitude prise par ce Gouvernement.

Pour les entreprises, il existera plusieurs contrats de génération, en fonction de leur taille. Une PME pourra embaucher en CDI, grâce à une aide de 2 000 euros par contrat. Pour les entreprises de plus de 300 salariés, il n'y aura pas d'aide, mais un accord devra être signé, sinon une pénalité s'appliquera.

Le nombre des contrats est estimé à 500 000. L'Assemblée nationale a prévu, à l'article 6, une évaluation annuelle sur la mise en oeuvre du contrat de génération.

Ces contrats s'insèrent dans la lutte pour la compétitivité et l'emploi. D'autres textes suivront, nous le savons.

Dans la discussion des articles, nous vous proposons des améliorations. Le projet de loi est pragmatique et va dans le bon sens. Pour ces raisons, les radicaux de gauche et la majorité du RDSE soutiendront ce texte comme ils soutiendront le Gouvernement dans son combat pour la croissance, la compétitivité et l'emploi. (Applaudissements à gauche)

Mme Christiane Demontès, rapporteure.  - Très bien !

M. Ronan Kerdraon .  - Les contrats de génération figuraient parmi les engagements de François Hollande.

Lors de la grande conférence sociale de juillet 2012, le président de la République a proposé aux partenaires sociaux de négocier sur ce sujet : c'est une belle idée, n'en déplaise à Mme Debré.

La situation de l'emploi est préoccupante, avec 3 millions de chômeurs, soit 10 % de la population active.

Ce texte fait suite aux emplois d'avenir.

Le dispositif est simple : inciter les entreprises à embaucher des jeunes et des séniors. En un mois de discussion, syndicats et patronat se sont mis d'accord : c'est suffisamment rare pour être rappelé. Cette méthode est exemplaire. Le projet de loi répond aux difficultés du marché du travail. Son originalité est de traiter à la fois des jeunes et des séniors.

La question de l'utilité sociale est posée. Le fait d'avoir un emploi conditionne toute une vie, l'accès au logement, la fondation d'une famille.

Le contrat de génération propose un changement de regard. Mais nous savons que la réponse au chômage dépend de la politique de l'emploi et de la politique économique générale.

À propos des contrats d'avenir, j'avais regretté qu'ils ne soient pas comptabilisés dans les effectifs des entreprises, pour une meilleure intégration des jeunes. Avec le contrat de génération, rien de tel.

Près de 120 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme, ce qui explique la création des emplois d'avenir pour leur offrir une première expérience professionnelle.

N'oublions cependant pas les difficultés spécifiques rencontrées par les jeunes diplômés, qui connaissent de longues périodes d'emplois précaires.

Il fallait redonner confiance à la jeunesse de notre pays. Ce sera chose faite grâce au dialogue social renoué avec les partenaires sociaux et les régions.

Le taux d'activité des séniors est trop faible en France, comparé à celui de nos voisins.

Près de la moitié des directeurs des ressources humaines veulent embaucher des séniors : le contrat de génération répond à cette attente.

Les politiques publiques en faveur des séniors se sont accumulées au fil des ans, avec des succès divers. Comme disait Paul Bourget, il n'y a d'accroissement de la force d'un pays que si les générations s'additionnent.

Les 34 200 plans d'action et d'entreprise offrent un bilan contrasté. Ce texte répond donc à un double défi : encourager l'embauche des jeunes sans marginaliser les séniors.

Les enjeux et les défis ne sont pas les mêmes selon qu'il s'agit d'une grande ou d'une petite entreprise artisanale. Un contrat pourra être conclu entre un tel chef d'entreprise de plus de 57 ans et un jeune pour faciliter la transmission de son entreprise.

Notre majorité n'est pas hostile aux entreprises, madame Debré. Bien sûr, la politique de lutte contre le chômage ne pourra se limiter aux contrats de génération ; il faudra activer tous les leviers. La mobilisation de chacun est nécessaire. Il ne faut jamais renoncer.

Le pacte intergénérationnel est un dispositif ambitieux : le contrat de génération, à vocation transgénérationnelle, tiendra une place de choix aux côtés des emplois d'avenir.

Comme le disait Marcel Aymé, « peut-être le décalage entre les générations est-il plus dans la forme que dans le fond ». Les contrats de génération varient en fonction de la taille des entreprises, on l'a déjà dit. La transmission des savoirs peut recouvrir des réalités diverses. Le contrat de génération vise à changer le regard de notre société à la fois sur les jeunes et sur les séniors.

Paradoxalement, plus la taille des entreprises augmente, plus le nombre de jeunes en CDI diminue. D'ici quelques années, six millions de jeunes vont arriver sur le marché du travail et cinq millions de séniors devront conserver leur emploi avant de prendre leur retraite. Le contrat de génération s'imposait donc logiquement.

L'article 5 bis prévoit que 15 % des contrôleurs du travail pourront devenir inspecteurs. Cet ajout suscite des inquiétudes. Pourrez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre ? Il était urgent de prendre la question du travail des jeunes et des séniors à bras-le-corps. Le groupe socialiste vous apportera son soutien enthousiaste, monsieur le ministre. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Noël Cardoux .  - Il y a quelques semaines, lors du débat sur les emplois d'avenir, nous vous avions demandé de les ouvrir au secteur marchand. Vous nous avez répondu d'attendre les contrats de génération, nous promettant que nous ne serions pas déçus. Malheureusement nous le sommes, car ce dispositif est fragmentaire, compliqué et coûteux.

Il ne s'agit pas d'un tutorat direct. Le candidat Hollande avait dit que le sénior devrait consacrer un tiers de son temps au plus jeune. Au lieu de quoi, on ne nous présente qu'une corrélation quantitative, sans aucun lien direct.

Les amendements de la majorité créent des contraintes administratives et financières considérables : « contrôles », « pénalités », « interdictions ». On met des bâtons dans les roues des entreprises. Dans votre esprit, tout entrepreneur est a priori suspect.

M. Michel Sapin, ministre.  - C'est peut-être un peu exagéré ? Quoique, à cette heure-ci... (Sourires)

M. Jean-Noël Cardoux.  - Exagéré, non : lucide. Les amendements du groupe UMP tendront à redresser la situation.

Ma troisième critique porte sur le coût : 500 000 emplois à 2 000 euros, c'est un milliard d'euros sur cinq ans...

M. Michel Sapin, ministre.  - Nous ferons une règle de trois tous les deux ensemble. (Sourires)

Mme Isabelle Debré.  - C'est un rythme de croisière, à partir de la troisième année.

M. Michel Sapin, ministre.  - Mme Debré a compris.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Nous verrons. Qu'en ira-t-il de la fiscalité des entreprises ? Si cette somme est incluse dans la base de l'impôt sur les sociétés, cela signifie qu'avec un taux d'imposition de 30 %, les 2 000 euros deviendront 1 400 euros. L'avantage pour les entreprises en est réduit d'autant et va néanmoins coûter un milliard d'euros.

La fameuse TVA compétitivité que vous avez abrogée puis réintroduite timidement, il faudra bien y revenir, vous savez que j'y tiens. Cela ne coûtera pas un sou à l'État, sans pénaliser les consommateurs, si l'on maintient des taux bas pour les produits de première nécessité et que l'on est disposé à relever très sensiblement les taux sur les produits de luxe ou sur ceux dont on veut diminuer la consommation, pour des raisons écologiques par exemple.

M. Jean Desessard.  - J'aurais préféré entendre cela il y a un an !

M. Jean-Noël Cardoux.  - Il faudra bien un jour la remettre sur le tapis. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Gisèle Printz .  - Nous sommes à un moment important de la législature. On a trop souvent tendance à opposer les générations entre elles.

J'ai été déléguée syndicale et je reste au plus profond de moi-même une syndicaliste. Je suis donc sensible au fait que ce texte traduise l'accord unanime des partenaires sociaux. Il a fait l'objet d'un riche débat à l'Assemblée nationale ; j'espère qu'il en sera de même ici. Un tel sujet ne devrait-il pas nous rassembler, à l'image des partenaires sociaux ? Il y a urgence, au regard de la situation économique et sociale, au moment où le chômage des jeunes atteint un niveau inquiétant et où le taux d'activité des séniors est particulièrement faible. Or l'espérance de vie progresse. Quelle contradiction ! Les détresses individuelles et familiales qui en découlent forment un gâchis social et humain.

Le contrat de génération propose un pacte entre les générations. La réussite d'un dispositif aussi ambitieux est essentielle pour notre pacte républicain. Il doit éviter des départs brutaux et il valorise la transmission. Cet outil innovant rassurera les jeunes en les faisant bénéficier de l'expérience des séniors.

Dans le monde du travail on est tenu pour un sénior dès 50 ans, ce qui crée des drames humains et sociaux quand on est touché par une brutale exclusion. Je l'ai vécu : j'ai dû quitter mon poste à 51 ans. Certains se réfugient dans le bénévolat ; j'ai aussi vu ceux et celles qui sombraient dans la dépression, l'alcoolisme.

Je ne peux donc que souhaiter la réussite de ce projet de loi ambitieux. Encourager et valoriser la progressivité des départs en retraite au moyen d'un pacte intergénérationnel est le plus sûr moyen de favoriser une transition harmonieuse. Je souligne l'intérêt de ce dispositif pour les femmes qui ont interrompu leur vie professionnelle le temps d'élever leurs enfants.

L'emploi est au coeur de la stratégie de compétitivité du Gouvernement. La solidarité entre les générations en fait pleinement partie. (Applaudissements à gauche)

M. André Reichardt .  - Les jeunes, qualifiés ou non, sont les principales victimes du chômage et de la précarité : 24,2 % du chômage des jeunes selon l'Insee...

M. Alain Néri.  - Ce n'est pas une génération spontanée ! Cela date de plus de dix ans.

M. André Reichardt.  - Le début et la fin des parcours professionnels sont devenus instables et précaires.

Ce contrat de génération nous est présenté comme l'un des deux piliers, avec les emplois d'avenir, de la politique du Gouvernement en faveur des jeunes. Voilà encore des emplois aidés. Rien d'exceptionnel à cela. Nombreux sont les gouvernements antérieurs, de droite comme de gauche à avoir recouru à ces contrats aidés, pourtant loin de constituer une panacée, comme l'a montré la Cour des comptes.

Les mesures de compétitivité prises par le Gouvernement ne sont pas à la hauteur des attentes des entreprises. Je plaide à nouveau ici pour le choc de compétitivité de 30 milliards sur un ou deux ans qu'a appelé de ses voeux Louis Gallois.

M. Jean Desessard.  - Il a délocalisé EADS !

M. André Reichardt.  - Vos chiffres ne sont pas réalistes, monsieur le ministre. Mme Debré l'a dit, selon les économistes, pas plus de 50 000 à 100 000 emplois seraient créés.

M. Jean Desessard.  - C'est déjà pas mal.

Mme Isabelle Debré.  - Pour un milliard d'euros !

M. André Reichardt.  - Seules les entreprises qui comptaient déjà embaucher le feront. On n'échappera pas aux effets d'aubaine. Ces embauches auraient eu lieu parce qu'elles correspondent aux besoins des entreprises...

M. Jean Desessard.  - Pas en CDI !

M. André Reichardt.  - Ce sont les jeunes qui accéderaient facilement au marché du travail qui en bénéficieront. Reconnaissez-le ! Je ne vois pas la plus-value apportée par le contrat de génération par rapport aux contrats aidés traditionnels. (Protestations sur les bancs socialistes)

J'avais cru comprendre qu'il y aurait un « tutorat », selon le mot utilisé par le candidat François Hollande...

M. Alain Néri.  - Il avait raison !

M. André Reichardt.  - M. Repentin a paru fort dubitatif sur la possibilité de le mettre en place. Pourquoi ne pas prévoir dès l'origine un dispositif de tutorat ?

Mme Patricia Schillinger.  - C'est prévu !

M. André Reichardt.  - Le tutorat existe déjà, cela s'appelle l'apprentissage. Huit jeunes sur dix qui en sortent trouvent un emploi. Il serait si utile de faire évoluer notre système de formation !

Je reste persuadé que les contrats aidés si coûteux, pour un faible résultat, ne sont pas la solution. Développons l'apprentissage, la formation professionnelle.

Mme Christiane Demontès, rapporteure.  - Que ne l'avez-vous fait ?

M. André Reichardt.  - Je ne pourrai hélas pas voter ce texte. (Applaudissements à droite)

M. Claude Jeannerot .  - Nos concitoyens ont mis l'emploi au premier rang de leurs préoccupations d'autant que 2012 aura été une année noire pour l'emploi. Derrière les chiffres, il y a des visages d'hommes et de femmes, mis dans l'incapacité d'envisager leur avenir. Les jeunes et les séniors sont les plus touchés. Le chômage est dévastateur chez les jeunes les moins qualifiés. L'heure est plus que jamais à la mobilisation. Une seule priorité transcende toutes les autres : l'emploi. Le contrat de génération est l'un des outils de cette politique, l'emblème d'une belle et grande idée, celle de l'alliance des âges au service de la transmission des savoirs et savoir-faire, qui est au coeur du texte.

Seul un jeune salarié sur deux est en CDI. Les jeunes en fin d'études doivent endurer plusieurs années de contrats précaires pour y prétendre, ce qui retarde leur accès à l'autonomie. Les séniors sont moins touchés que la moyenne des salariés par le chômage mais il leur est très difficile de retrouver un emploi lorsqu'ils perdent leur travail à quelques années de la retraite.

Les jeunes sont notre richesse, ils préfigurent l'avenir. Les séniors sont le capital premier de l'entreprise. La transmission organise l'avenir et le garantit. Les processus de transmission doivent être structurés. C'est l'un des objets du contrat de génération, enjeu essentiel pour notre société comme pour la compétitivité de nos entreprises. D'ici à 2020, plus de 5 millions d'actifs aujourd'hui en poste seront partis à la retraite, tandis que 6 millions de jeunes devraient entrer dans le marché du travail. Renouveler et transmettre les compétences est donc nécessaire.

Le contrat de génération change les regards, il inverse les pratiques. Il répond à la volonté unanime des partenaires sociaux. Porté par une politique de croissance et de compétitivité, il créera un vaste mouvement de négociation dans les entreprises de toute taille, pour l'emploi. Messieurs les ministres, les sénateurs socialistes seront à vos côtés pour faire reculer rapidement le chômage. (Applaudissements à gauche)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Jean-Étienne Antoinette .  - Pour le sénateur d'outre-mer que je suis, ce projet de loi est réconfortant sur le plan économique, après les emplois d'avenir, car il offre un outil de plus dans la lutte contre le chômage, qui touche en proportion deux à trois fois plus nos territoires.

Il est réconfortant aussi sur le plan social, alors que chez nous les séniors et les jeunes sont durement frappés par l'exclusion. Les chiffres sont intolérables : on en est à 60 % de chômeurs chez les jeunes ! Le contrat de génération, contrairement aux emplois d'avenir, concernera toutes les zones géographiques de tous les niveaux de qualification. Personne n'est à l'abri du fléau du chômage.

Ce projet de loi me réconforte sur le plan des valeurs, car il donne un contenu concret à la solidarité intergénérationnelle, qui souffre de nombreuses fractures. Il porte un message d'interdépendance et de solidarité au coeur d'un monde économique qui fait la part belle à la concurrence. Les régions d'outre-mer sont traitées simultanément avec le territoire national. Je me plais à croire que cette attention sera constante, que nous ne serons plus renvoyés à un examen ultérieur ou aux ordonnances, comme le faisait l'ancien gouvernement.

Oui, c'est un projet de loi réconfortant, mais insuffisant à lui seul. Nos économies dites de comptoir doivent être transformées en économies de production et de valorisation de nos ressources. Il y a lieu d'associer à ce projet de loi une politique résolue d'investissement, de soutien de l'économie et de l'emploi. Dans les outre-mer, les TPE doivent être accompagnées en priorité, car elles représentent 98 % des entreprises. Plus des deux tiers des entreprises ultramarines n'emploient aucun salarié. Le binôme jeune-sénior devra être performant. La formation du tuteur, mais aussi à tous les âges, est un enjeu crucial.

Je ne remets pas en cause les valeurs de ce projet de loi, bien au contraire. Il était temps qu'elles soient portées au plus haut et d'innover. J'encourage le Gouvernement et le Sénat, par réalisme, à inscrire ce dispositif dans un système plus global. (Applaudissements à gauche)

Mme Christiane Demontès, rapporteure.  - Bravo !

Mme Patricia Schillinger .  - Je me réjouis d'intervenir sur cette mesure phare de François Hollande, fût-ce en dernière position ! Elle témoigne de la volonté du Gouvernement de faire de la lutte contre le chômage sa priorité. Ce dispositif permettra d'embaucher des jeunes et de maintenir des séniors en activité.

Ces dernières années, le pacte social dans l'entreprise a été bouleversé : les jeunes sont tenus à l'écart, les séniors s'en vont sous l'effet du chômage et des restructurations. Les uns et les autres sont discriminés par les mécanismes de marché. Les chiffres du chômage des jeunes et du taux d'emploi des séniors nous placent loin derrière l'Allemagne.

La méthode du Gouvernement est fondée sur le dialogue social. Celui-ci a réussi puisque nous transcrivons dans la loi un accord unanime. Ce contrat n'est pas au rabais. Il garantit aux jeunes un CDI. Au lieu d'opposer les générations, ce projet de loi les rassemble. Il n'oublie pas les handicapés, qui rencontrent de grandes difficultés d'insertion. Ce texte les concerne. Il encourage leur intégration professionnelle.

La compétitivité de nos entreprises et le maintien de nos emplois sur notre territoire seront encouragés : l'Union professionnelle artisanale prévoit la signature de 75 000 contrats de génération dans l'artisanat. Ce dispositif s'adaptera à la situation de chaque entreprise, quelle que soit sa taille. Un sondage commandé par Oséo démontre que 65 % des employeurs interrogés envisagent d'y avoir recours.

Dès sa prise de fonction, le Gouvernement a engagé la bataille pour l'emploi. Offrons aux jeunes un espoir pour le futur ! (Applaudissements à gauche)

M. Michel Sapin, ministre .  - L'heure est tardive et la nuit est gracieuse, mais je tiens à vous remercier et à vous répondre.

Vous avez compris les grands principes de ce dispositif. Il est le fruit d'une volonté politique, au début et à la fin. Entre les deux, la négociation sociale. L'une ne l'emporte pas sur l'autre : les deux jouent leur rôle, la loi au bout du compte décide.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Très bien !

M. Michel Sapin, ministre.  - Oui, ce projet de loi favorise l'entrée dans l'emploi des plus jeunes. Leur durée de chômage ne cesse d'augmenter. Il s'agit aussi de faire en sorte que les travailleurs les plus âgés ne soient pas victimes de l'embauche des plus jeunes. Il ne faudrait pas croire que ceux-ci prendraient la place de ceux-là.

Je tiens à répondre aux incompréhensions de certains. J'entends dire que c'est un contrat aidé.

Mme Christiane Demontès, rapporteure.  - Mais non !

M. Michel Sapin, ministre.  - C'est un contrat de travail bien connu, le CDI, de droit commun, avec toutes les caractéristiques et obligations, tous les droits, notamment à la formation, qui y sont attachés. C'est aussi un contrat moral au sein de l'entreprise et un contrat entre l'entreprise et l'État, chacun devant remplir ses obligations.

M. André Reichardt.  - Je ne suis pas convaincu.

M. Michel Sapin, ministre.  - C'est dommage ! Les faits sont là.

M. André Reichardt.  - Disons qu'il s'agit d'un contrat de droit commun... aidé.

M. Michel Sapin, ministre.  - Quels sont les secteurs concernés ? Les emplois d'avenir sont accueillis dans des structures qui ont des capacités d'encadrement et n'attendent pas un retour immédiat, car les jeunes concernés sont en grande difficulté. Le contrat de génération concerne tous les jeunes, toutes les entreprises, tout le secteur privé, marchand et non marchand, par exemple les associations.

La formation vous préoccupe, madame Jouanno. Il s'agit de jeunes, comme les autres, à qui il faut donner leur chance. Certains membres de l'opposition sont attentifs à ce que le Gouvernement respecte à la lettre les engagements du candidat Hollande. Je suis bien placé pour les connaître. Il a été question du tutorat. Les partenaires sociaux connaissent bien le fonctionnement des entreprises et ils nous ont dit que le tutorat partout n'était pas une bonne idée, d'où une gamme de possibilités pour le transfert des compétences. Dans les grandes entreprises, le tutorat ne s'impose pas absolument.

J'en termine par le chiffrage. Il n'est pas aisé de répondre précisément ; L'objectif est de créer 500 000 contrats de génération, un million de personnes sont donc concernées.

M. Ronan Kerdraon.  - C'est beaucoup !

M. Michel Sapin, ministre.  - Oui, mais l'objectif est sur cinq ans, soit 100 000 par an. Est-ce impossible ? Non. Je vois l'accueil fait par certaines filières professionnelles, à ces contrats de génération. Pour autant, on n'invente pas l'emploi. Aucune entreprise ne créera d'emplois pour cette seule raison, mais elle pourra franchir le pas, si elle était hésitante.

M. Jean Desessard.  - 100 000 hésitantes ?

M. Michel Sapin, ministre.  - Oui, et sans doute beaucoup plus mais si déjà 100 000 franchissent le pas, nous rendrons service à 200 000 personnes !

Nous estimons qu'il en coûtera 900 millions d'euros dès la troisième année pleine, puisque le dispositif fonctionne sur trois ans.

Pour le financement : nous ne puiserons pas dans l'enveloppe du CICE. Nous mettrons en place deux dispositifs, le CICE, financé par des modifications fiscales et par des économies budgétaires et le contrat de génération, dont nul ne peut dire combien il coûtera exactement - 19,5, 20, 21 milliards -, mais qui sera financé de la même façon et pas par le déficit.

Certains s'interrogent : certes, le contrat de génération ne règlera pas le chômage à lui tout seul, évidemment, mais le cumul des dispositifs contribuera à inverser la courbe. Je suis convaincu qu'elle s'inversera. La bataille du chômage est abordée avec résolution par le Gouvernement. Je ne suis pas dans l'incantation, mais dans l'action. Nous prenons nos responsabilités. En tant que législateurs, vous prenez les vôtres en votant un dispositif qui sera efficace. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 6 février 2013, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit quarante.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mercredi 6 février 2013

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

1. Suite du projet de loi portant création du contrat de génération (n° 289, 2012-2013)

Rapport de Mme Christiane Demontès, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 317, 2012-2013)

Texte de la commission (n° 318, 2012-2013)

2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l'Union européenne (n° 118, 2010-2011)

Rapport de M. Vincent Capo-Canellas, fait au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (n° 321, 2012-2013)

Texte de la commission (n° 322, 2012-2013)