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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Remplacement d'un sénateur décédé

Code forestier

Discussion générale

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

M. Philippe Leroy, rapporteur de la commission des affaires économiques

Mme Bernadette Bourzai

Mme Mireille Schurch

M. Jean-Jacques Lasserre

M. Stéphane Mazars

M. Joël Labbé

M. Jackie Pierre

M. Claude Bérit-Débat

M. Stéphane Le Foll, ministre

Discussion des articles

Article premier

Mme Odette Herviaux

M. Martial Bourquin

Article 2 bis

Intervention sur l'ensemble

M. Jean-Jacques Mirassou

Questions d'actualité

Réforme de la PAC

M. Alain Bertrand

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire

Dotations aux collectivités locales

Mme Natacha Bouchart

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget

Situation économique de la France

M. François Zocchetto

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Chiffres du commerce extérieur

M. Claude Bérit-Débat

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur

Mutilations sexuelles

Mme Kalliopi Ango Ela

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Situation des hôpitaux

Mme Annie David

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Transports franciliens

M. Hugues Portelli

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Dépendance

M. Ronan Kerdraon

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie

Librairie numérique

M. René Beaumont

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Filière avicole

M. Jean-Luc Fichet

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire

Accueil des personnes âgées

M. Jean Louis Masson

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie

Commission mixte paritaire (Constitution et nominations)

Retrait d'une question orale

Délais de prescription dans la loi sur la liberté de la presse

Discussion générale

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Mme Esther Benbassa, rapporteure de la commission des lois.

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Michel Le Scouarnec

Mme Nathalie Goulet

M. Yvon Collin

M. Pierre Charon

Mme Kalliopi Ango Ela

M. Jean-Yves Leconte

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Discussion des articles

Article 2

Articles additionnels

Conventions fiscales avec Aruba et Oman (Procédure accélérée)

Discussion générale commune

M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement

Mme Michèle André, rapporteure de la commission des finances

M. Michel Billout

M. Yvon Collin

Mme Kalliopi Ango Ela

M. Pascal Canfin, ministre délégué

Intervention sur l'ensemble

M. René Beaumont




SÉANCE

du jeudi 7 février 2013

57e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Didier Guillaume,vice-président

Secrétaire : Mme Michelle Demessine.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Remplacement d'un sénateur décédé

M. le président.  - Conformément aux articles L.O.325 et L.O.179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a fait connaître, qu'en application de l'article L.O.320 du code électoral, Mme Hélène Masson-Maret est appelée à remplacer, en qualité de sénateur des Alpes-Maritimes, M. René Vestri, décédé le mercredi 6 février 2013. Son mandat a débuté le jeudi 7 février 2013 à 0 heure. Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite une cordiale bienvenue.

Code forestier

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 26 janvier 2012 relative à la partie législative du code forestier et harmonisant les dispositions de procédure pénale applicables aux infractions forestières.

Discussion générale

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt .  - La forêt française est un enjeu économique et écologique. Plus de 15 millions d'hectares sont concernés. La France a la troisième forêt d'Europe. C'est pourquoi j'ai fait de ce potentiel économique et écologique un objet de discussion pour offrir des perspectives à cette filière. Nous tiendrons des assises avant le printemps et intégrerons la forêt dans le projet de loi sur l'avenir de l'agriculture.

Le cadre juridique du code forestier date de l'édit de Brunoy pris en 1346, avant la fin de la guerre de Cent ans. Il y eut aussi les édits de Colbert, qui a donné à la forêt la mission de construire la flotte du roi. Le Breton que je suis ne peut ignorer que nos landes sont issues des défrichements exigés par Colbert pour construire la flotte.

Ce projet de loi s'inscrit dans cette histoire multiséculaire. J'en ai sollicité l'inscription rapide à l'ordre du jour pour marquer mon intérêt pour la forêt. Il s'agit de ratifier l'ordonnance de recodification de janvier 2012. Cette réécriture du code me donne l'occasion de saluer le travail mené au Sénat par M. Leroy dans la perspective d'une gestion durable de la forêt, conforme à ses multiples fonctions et à son enjeu économique.

Le cadre juridique des délais de paiement devait être adapté : le cycle de la forêt n'est pas celui, très court, de l'économie générale. Comme son rythme est lent, il faut y adapter la norme des délais de paiement entre la vente sur pied ou en bloc, la coupe et la réalisation. L'autre modification nécessaire concernait le transfert à la Corse de la compétence sur les pépinières d'Ajaccio, qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel pour des motifs de procédure.

Monsieur Leroy, comme vous le disiez au Conseil national de la forêt, il faudra sans doute revoir ce code après la loi d'avenir. C'est aussi une marque des évolutions nécessaires pour mettre la forêt en mesure de répondre aux défis. Notre débat d'aujourd'hui ouvre une discussion plus large sur les ambitions qu'ensemble nous allons donner à la forêt. (Applaudissements)

M. Philippe Leroy, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - Il n'est pas si fréquent que le Sénat puisse se pencher sur les questions forestières. Et les assises forestières nous donneront l'occasion d'y revenir dans les mois qui viennent.

Avec 25 millions d'hectares dont 9 dans les outre-mer, principalement en Guyane, la France est un grand pays forestier. Notre forêt guyanaise est en bon état par rapport à d'autres forêts équatoriales. Puisque nous sommes vertueux là-bas, nous avons là un rôle mondial à jouer pour la connaissance de ces forêts.

La forêt rend d'énormes services à l'économie, à l'environnement. Vu sa place dans le cycle du carbone, elle va contre le réchauffement climatique. Elle abrite une grande biodiversité et joue un rôle social important : promenade, cueillette, chasse. Représentant un tiers du territoire métropolitain, elle est issue d'une histoire pluriséculaire. Au Moyen Âge, l'auteur d'un délit forestier était puni de mort !

Oui, l'édit de Brunoy est le premier texte national de protection de la forêt. Il y eut ensuite les décisions de Colbert. Le premier code forestier moderne date de 1827 ; il reste un monument. Protéger la forêt, nous, les forestiers, nous en sommes souciés bien avant que l'on ne parle d'écologisme et de développement durable. La France dispose d'une grande administration forestière, séculaire et dotée de fonctionnaires brillants qui viennent de recodifier le code forestier. La loi d'avenir que vous préparez monsieur le ministre, sera très importante.

La forêt publique est sous l'autorité unique de l'Office national des forêts. Entre les deux tiers et les trois quarts de nos forêts appartiennent à des propriétaires privés. On compte 3,5 millions de propriétaires pour 3 millions d'hectares. Notre forêt peut trouver un nouveau dynamisme, comme l'a montré un récent rapport du Conseil économique, social et environnemental.

La forêt française est riche en emplois : 400 000 à 500 000. Ce chiffre est stable. La forêt n'a pas détruit d'emplois. Elle pourrait embaucher, avec les 20 millions de mètres cubes supplémentaires que l'on peut récolter dans les années qui viennent, sans remettre en cause la qualité, bien au contraire. Cela contribuerait au redressement de notre commerce extérieur, dont le déficit est, en la matière, de 6 milliards d'euros par an. Il faudra pour cela mieux valoriser nos bois de feuillus que nous produisons et qui doivent se substituer à l'usage des résineux, que nous importons. La loi d'avenir devra exprimer cette stratégie de relance de la filière bois.

J'essaie de persuader Bercy : la forêt ne représente qu'entre 300 et 350 millions d'euros de crédits budgétaires, dont les deux tiers pour l'ONF. Jusqu'en 1999, et depuis la Seconde guerre mondiale nous disposions du Fonds forestier national (FNN), supprimé à la suite d'une erreur collective. Même les professionnels bondissaient de joie : on supprimait une taxe ! Las, le budget de l'État ne l'a nullement compensée.

Nous avons tenté, au cours de la discussion budgétaire pour 2013, d'arracher quelques dizaines de milliers d'euros sur la vente des quotas de carbone. Le Sénat l'a voté, mais les aléas parlementaires l'ont fait tomber aux oubliettes, je me sens quelque peu fautif... (Sourires)

M. Claude Bérit-Débat.  - Il y a de quoi !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Certes.

M. Philippe Leroy, rapporteur.  - Puissions-nous pérenniser le soutien financier à la filière. Il y a tant à faire et cela ne coûte pas très cher. Je traduis la pensée de tous les bancs de cette assemblée.

Le texte qui nous est soumis est technique. Il organise le code, à la suite de la loi de modernisation de l'agriculture. Les parlementaires, qui n'aiment pas les ordonnances qui les court-circuitent, reconnaissent que, pour recodifier, il est difficile de procéder autrement, d'autant que la ratification ne se fait pas à la sauvette, comme en témoigne notre séance solennelle de ce matin. Nous avons ainsi l'occasion d'aller un peu au-delà du droit constant. C'est dans cet esprit que j'ai présenté plusieurs amendements à l'article 2, en liaison avec les services du ministère.

Je n'ai aucune critique à formuler. La commission a approuvé dans son ensemble ce projet de loi. Monsieur le ministre, vous avez bien voulu aider à satisfaire les attentes de la profession, notamment pour la vente de bois. Nous clarifions le problème de la pépinière corse, qui s'enorgueillit des plus beaux pins du monde.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Le laricio.

M. Philippe Leroy, rapporteur.  - Préparons ensemble la loi d'avenir sur la forêt. (Applaudissements)

Mme Bernadette Bourzai .  - Ce texte très technique a le mérite d'ouvrir un débat sur la forêt. Il met le code en conformité avec les nombreuses modifications intervenues depuis 1979 et en particulier la loi forestière de 2001, sans l'altérer sur le fond. Cet effort de clarification n'a pas été critiqué, au contraire. Nous, parlementaires, apprécions habituellement peu les ordonnances. Mais ici cette procédure est justifiée. Le consensus règne sur ce projet de loi déposé par Bruno Le Maire et mené à bien par vous-même, monsieur le ministre.

L'inaliénabilité du domaine de l'État est rappelée. La compétence de la pépinière d'Ajaccio, qui emploie cinq agents, est confiée à la Corse.

Les délais de paiement de la filière bois pour les ventes en bloc et sur pied ont justifié de nombreuses sollicitations. Le produit de la vente est extrait progressivement des parcelles, d'où un échelonnement des paiements que ne permet pas le droit actuel ; une disposition consensuelle est proposée par ce projet de loi, que la commission des affaires économiques a adopté à l'unanimité après un débat très actif.

Avec 430 000 emplois en zone rurale et quelque 60 milliards d'euros de chiffre d'affaires, le poids économique de la forêt est loin d'être négligeable, comme l'a montré le Conseil économique, social et environnemental. Le bois énergie représente les deux tiers de l'énergie renouvelable utilisée en France. Ce rapport insiste sur l'insuffisante organisation de la filière bois : nous exportons des bois bruts de faible valeur et importons des bois transformés à forte valeur ajoutée. Vous proposez, monsieur le ministre, de remédier aux maux de la filière avec la future loi d'avenir. Pourquoi pas une loi entièrement consacrée à la forêt ? Peut-être l'agenda est-il déjà très chargé...

La forêt contribue à la conservation des écosystèmes et de la biodiversité. Elle stocke le carbone, purifie l'eau, enrichit les sols, offre des plantes médicinales. La diversité de ses fonctions en fait un atout considérable. Pensez, par exemple, que la ville de Munich voudrait lui confier la tâche d'épurer ses eaux usées !

Le reboisement est insuffisant depuis une dizaine d'années. Je peux vous emmener en Haute-Corrèze, vous y verrez des parcelles dévastées par la tempête de 1999, encore en vrac. Nous avons besoin d'un nouveau FFN.

La région Limousin dispose d'un haut potentiel forestier, parvenu à maturité. Mais je crains des conflits d'usage entre bois énergie et bois de construction

Je connais monsieur le ministre, votre intérêt pour la forêt. Nous vous félicitons pour les rencontres régionales que vous avez lancées. Les assises de la forêt joueront un rôle important pour la loi d'avenir. Nous apprécions votre engagement et vous soutenons avec détermination et énergie. (Applaudissements)

Mme Mireille Schurch .  - Nous nous réjouissons de ce débat sur la forêt. C'est un bien commun, un patrimoine écologique. Après la Corrèze, je veux ici évoquer l'Allier, qui comprend la plus belle chênaie d'Europe. (On feint de s'offusquer)

M. Claude Bérit-Débat.  - Et la Dordogne ?

Mme Mireille Schurch.  - Notre forêt joue un rôle crucial dans la préservation de la biodiversité, la protection des sols, la régulation des grands équilibres climatiques. Elle contribue à l'attractivité du territoire. La filière bois fait travailler 430 000 personnes.

Ce projet de loi n'est pas la pierre angulaire d'une vaste réforme, mais nous permet de dessiner les perspectives de la future loi sur la forêt. Il faudra sortir d'une logique purement mercantile au profit des plans régionaux ou des stratégies locales. La logique financière et commerciale prend le dessus sur la gestion durable.

La forêt française est principalement constituée de feuillus, mais la demande porte sur les résineux. La LMA a créé un droit de préférence au profit des forestiers voisins, afin de lutter contre le morcellement de la forêt privée. Mais ce texte est contourné par des groupes financiers qui plantent des résineux en monoculture. Cet enrésinement excessif est néfaste. L'on martèle qu'il faut développer la filière bois. Oui, elle est un atout pour notre pays et nos territoires. Il y a un risque de baisse de l'âge d'exploitabilité des forêts, avec une préférence systématique pour les résineux, plus rentables à court terme. C'est l'industrie qui doit s'adapter à la forêt pour la respecter, pas l'inverse que privilégie le droit actuel.

La forêt pourrait bénéficier des crédits carbone. Si nous voulons une filière bois dépassant le stade de l'expérience, commençons par la formation, donnons confiance aux forestiers, aux scieurs. La forêt a été saignée à blanc par la RGPP. Les forestiers doutent de leurs missions, enchaînés aux objectifs commerciaux, d'où le mal-être du personnel de l'ONF, touché par de nombreux suicides.

L'ambition française en faveur de la forêt se heurte à une réalité complexe et des enjeux contradictoires. Nous attendons la loi que vous annoncez. Réfléchissons à la mise en place d'un outil de regroupement forestier, en élargissant le rôle des Safer et en confiant de nouveaux droits aux communes.

Il était nécessaire de simplifier le code forestier, comme le demandent de nombreux professionnels. Nous nous réjouissons de la simplification et de la clarification des procédures. Nous voterons ce projet de loi dans le consensus. (Applaudissements)

M. Jean-Jacques Lasserre .  - Avec 25 millions d'hectares, la France est le troisième pays forestier de l'Union européenne. Élu d'un département où la forêt couvre plus du quart du territoire, j'apprécie le sens de ce projet de loi. Il fallait légiférer, même si nous attendons encore la grande réforme forestière prévue dans le cadre de la loi d'avenir de l'agriculture. Je remercie le rapporteur qui, grâce à son expérience professionnelle, connaît parfaitement la forêt.

L'ordonnance a refondu une partie du code forestier de 1979. Ce n'était pas inutile. Ce texte va au-delà, en proposant quelques ajustements. L'article 2 clarifie le financement du Plan pluriannuel régional de développement forestier en le distinguant de celui du financement du Centre national de la propriété forestière. Il améliore le régime juridique du défrichement des dunes côtières, ainsi que les délais de transmission au juge des libertés et de la détention des procès-verbaux outre-mer.

Je salue le travail de la commission des affaires économiques, qui a ajouté l'article 2 bis sur les délais de paiement pour les ventes de bois en bloc et sur pied, qui devaient être adaptés. L'article 4 concerne le transfert à la collectivité territoriale de Corse de la compétence sur la production et la multiplication des plants forestiers, censuré par le Conseil constitutionnel car étranger à l'objet des lois de finances. Toutes ces dispositions votées à l'unanimité en commission sont consensuelles. C'est pourquoi le groupe UDI-UC votera ce projet de loi.

Je souhaite rappeler le rôle majeur qui pourrait jouer la forêt, mais la filière bois est sous-exploitée. Le bois est un atout considérable pour l'activité et l'emploi. Rendre la forêt plus productive est loin d'être incompatible avec ses missions écologiques et sociétales. Là comme ailleurs, il faut trouver un juste milieu. (Applaudissements)

M. Stéphane Mazars .  - Ce projet de loi technique s'inscrit dans un effort de clarification, de cohérence et d'équilibre indispensable, à l'heure où les lois s'accumulent sans souci de coordination juridique. Le Conseil constitutionnel a fait de l'intelligibilité de la loi un objectif de valeur constitutionnelle.

Notre pays dispose d'une vaste forêt, bien gérée, et de savoir-faire issus d'une longue tradition, dont nous devons tirer parti pour créer des emplois. La forêt de l'Aveyron, aussi jolie que celles de l'Allier et de la Corrèze (Sourires), est majoritairement composée de feuillus, avec des différences marquées selon l'altitude, les pentes, les descentes. Le volume annuel exploité ne porte que sur 22 % de l'accroissement naturel. Il est largement possible d'aller au-delà. En France, on s'est focalisé sur la conservation au détriment de l'exploitation, alors que l'usage du bois-matériau et du bois-énergie se développe. La demande dans la construction concerne les résineux, ce qui est un handicap commercial pour nous. Il faut relancer la politique forestière, aider la filière bois à se structurer.

Le volet forestier de la loi d'avenir est une très bonne initiative. Prenons garde à conserver un équilibre entre la forêt originaire et la forêt implantée. On renouvelle peu. L'initiative du plan carbone de la région Midi-Pyrénées est excellente.

L'emploi des techniques modernes d'exploitation est nécessaire, ainsi qu'un réseau de voirie. Le FFN a été malheureusement asséché, l'ONF saigné par la RGPP. Nulle production forestière ne sera possible si les entreprises ne peuvent recruter une main-d'oeuvre qualifiée, faute de formation adaptée. L'animation sur le terrain et des moyens supplémentaires sont indispensables.

Monsieur le ministre, vous êtes investi sur ce sujet. Vous saurez trouver les moyens financiers nécessaires pour accompagner votre légitime ambition. (Applaudissements)

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques.  - Très bien !

M. Joël Labbé .  - La gestion des forêts, qui représentent plus de 35 % du territoire avec les outre-mer, est réglementée depuis le XVIIe siècle et Colbert.

Nous sommes nombreux à considérer que le code forestier est inadapté. Ce texte apporte peu de changement mais quelques améliorations, comme la défense contre l'incendie, l'harmonisation et la simplification des sanctions pénales. Certains problèmes pratiques sont réglés, comme le transfert à la Corse de la compétence de production et de multiplication de plants forestiers et autres végétaux. La LME exige en outre un paiement à 60 jours après émission de la facture, inadapté à la filière : ce texte y remédie. Cela dit, il ne promeut pas la politique forestière ambitieuse que nous attendons. Les assises à venir doivent préparer la grande loi agricole annoncée.

La forêt équatoriale guyanaise - 90 % de son territoire, 8 millions d'hectares - est parmi les plus riches et les moins écologiquement fragmentées du monde. La France a un rôle fondamental à jouer sur la scène internationale. L'éco-piraterie, l'orpaillage légal ou illégal conduisent à la privatisation de certaines ressources et à la destruction de plusieurs milliers d'hectares de forêt chaque année.

La forêt joue un rôle social important, qui a été rappelé. Plus encore en Guyane, où s'y joue le sort des peuples autochtones. Or la France n'a pas encore signé la déclaration des Nations unies sur leurs droits, comme nous l'avons appris lorsque le président Bel a reçu le cacique Raoni au Sénat...

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Cela ne relève pas du ministère de l'agriculture.

M. Joël Labbé.  - En métropole, il faut une gestion plus dynamique, moderniser les scieries et les équipements de séchage, lancer une vraie filière de bois-construction, travailler avec les collectivités pour les réseaux de chaleur, développer la recherche et la formation, promouvoir une gestion durable de la filière bois-énergie, préserver la biodiversité. La protection de l'environnement est compatible avec gestion productive. La forêt génère 450 000 emplois. La France peut mieux faire encore.

Reste la question du bois de bocage, absurdement détruit par le remembrement en Bretagne et ailleurs. On le reconstitue : il est essentiel à la qualité de l'eau et aux cultures. L'agroforesterie, qui conjugue avec bonheur bois, élevage, culture et paysage, est une voie d'avenir.

Nous voterons sans doute ce texte à l'unanimité. Le Sénat va bien pour le moment... (Applaudissements à gauche)

M. Jackie Pierre .  - Le choix de codifier à droit constant par la voie de l'ordonnance est pertinent ; il ne met pas en cause les prérogatives du Parlement. Le nouveau code sera plus lisible. Philippe Leroy l'a noté, l'exercice est réussi.

M. Charles Revet.  - Il est connaisseur !

M. Jackie Pierre.  - Les quelques aménagements qu'il propose recueillent notre assentiment.

Texte important donc, mais qui n'est que d'ajustement. Manque encore une politique forestière ambitieuse. Le Vosgien que je suis peut le dire : la forêt est notre plus grande richesse et joue un rôle économique majeur. La forêt vosgienne est la deuxième surface forestière de France, avec plus de 300 000 hectares sur trois régions. Il y faut un vrai volontarisme, un agenda, des perspectives. Le Conseil économique, social et environnemental, en octobre 2012, déplorait la mauvaise valorisation de cette richesse, qui représente un chiffre d'affaires de 60 milliards d'euros et 400 000 emplois et joue un rôle majeur dans l'aménagement du territoire.

Or, la balance commerciale de la filière est en déficit de 6 milliards d'euros. Comment faire évoluer les habitudes de gestion, pour la rendre plus productive tout en favorisant une gestion durable ? Comment expliquer, alors que nous sommes réputés pour la qualité de nos bois, que la valeur ajoutée nous échappe ? Le futur projet de loi devra répondre à ces questions, étant entendu qu'une politique ambitieuse nécessitera des moyens supplémentaires - par le biais de l'affectation d'une part de la taxe carbone, par exemple. Le temps n'est plus à l'analyse, mais à l'action ! (Marques d'approbation à droite)

Il faut travailler à pérenniser les emplois, faire un effort de recherche, et trouver les moyens financiers indispensables. J'espère que la future loi d'avenir pour l'agriculture comportera un volet forestier ambitieux. Dans cette attente, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Charles Revet.  - Bravo !

M. Claude Bérit-Débat .  - La recodification était nécessaire et attendue. Cette refonte n'est qu'une première étape vers la redéfinition d'une politique ambitieuse.

La forêt est un héritage mais aussi un atout, à la condition qu'elle soit correctement exploitée. Mon département, la Dordogne, peut se targuer de quelques spécificités, comme les chênes truffiers. (Exclamations amusées) La filière y emploie 400 salariés mais elle est à la peine. Elle représente encore 20 % des emplois industriels du département, mais s'étiole. La tendance doit s'inverser. Nous pourrions faire progresser les chiffres de l'emploi - 400 000 aujourd'hui au plan national - si nous savions faire mieux qu'exporter notre bois brut pour importer des bois travaillés, au prix d'un déficit commercial de 6 milliards d'euros.

Nous passons à côté d'un gisement de croissance et d'emploi. Des mesures s'imposent. Au-delà de celles qui sont ici proposées, il faudrait songer à la question de l'affectation d'une part de la taxe carbone, régler le problème du morcellement des parcelles - via le droit de préférence - afin de créer une filière bois marchant sur ses deux jambes, bois-construction et bois-énergie. Il faut reconstruire l'activité sciage, développer la formation. Bref, il y a beaucoup à faire. Il y faut une vraie ambition. Les assises de mai 2013 devront y pourvoir.

Nous voterons, dans cette attente, ce projet de loi. (Applaudissements)

M. Stéphane Le Foll, ministre .  - Merci de ce consensus autour d'un nécessaire effort de codification. J'ai bien compris, à vous entendre, que nous sommes déjà entrés dans le débat sur l'avenir de la filière. La taxe carbone, l'organisation de la filière, les opportunités de certains marchés, en particulier dans la construction, la structure - entre feuillus et résineux - de notre forêt. Il va falloir s'y mettre, en tenant compte du rôle de la forêt dans la biodiversité, les paysages, sans oublier son rôle économique. Nos convergences sont la meilleure manière d'aller de l'avant.

Il fut un temps où je repiquais des arbres pour reformer les haies après un remembrement. Je me rappelle un joli procédé mnémotechnique : « Hêtre à poils, charme à dents ». Je constate que le Sénat est sur les dents pour préparer l'avenir de la forêt. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

Mme Odette Herviaux .  - Nous sommes nombreux à espérer une politique ambitieuse pour la forêt. Si l'on veut créer une vraie filière, il faut travailler avec les collectivités territoriales, mener avec elles un travail important d'aide à la certification pour la construction.

Il est des situations particulières. Dans mon département du Morbihan, bien des zones boisées - traditionnellement dénommées « landes » en Bretagne - ne sont pas classées en bois : rien n'interdit en conséquence de les raser. Ce qui ne va pas sans quelques indélicatesses... Il faut une vraie politique de préservation et de classement des terrains boisés. Comme il y a beaucoup de bois non certifiés, il faut importer : c'est aberrant.

C'est un plan d'ensemble qu'il faut mettre en place. Je sais votre volonté, monsieur le ministre. (Applaudissements à gauche)

M. Martial Bourquin .  - La filière bois est une filière d'avenir, mais on a du mal à faire émerger une politique nationale. Il nous manque des formations supérieures, comme a su les créer, en dix ans, le Québec, qui a aussi édicté l'interdiction d'exporter des bois non transformés.

Un mètre cube de bois capte une tonne de carbone. Créer une filière construction, c'est aussi une question culturelle. Il faut changer les représentations. Nos scieries ont besoin d'être modernisées. Et l'emboutage est chez nous le maillon manquant.

M. Jackie Pierre.  - Exact !

M. Martial Bourquin.  - Ne pourrions-nous investir pour développer toute la chaîne, afin de nous donner, en quelques années, avec l'aide du Fonds stratégique d'investissement (FSI), de la politique territoriale, une filière compétitive, créatrice d'emplois, exportatrice et permettant de construire un habitat durable ? (Applaudissements à gauche)

L'article premier est adopté.

L'article 2 est adopté.

Article 2 bis

M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. P. Leroy, au nom de la commission.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 155-2.  -  Lorsque les ventes se font à un prix global déterminé au moment de la vente et sur pied, l'acheteur exploite les bois signalés ou marqués comme objet de la vente dans le respect des conditions d'exploitation définies par le contrat. Le contrat fixe, au sein de la période d'exploitation, une ou plusieurs dates auxquelles tout ou partie des bois objet de la vente seront regardés comme livrés. Ces dates de livraison constituent le point de départ des délais de règlement, sans pouvoir excéder les délais de quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours mentionnés à l'article L. 441 - 6 du code de commerce, à compter de la date de livraison. Une facture peut néanmoins être émise dès la signature du contrat pour la totalité des bois vendus. »

M. Philippe Leroy, rapporteur.  - Chaque mot, en matière forestière, a une signification liée à ses usages, souvent très anciens. Le terme de permis d'exploitation, que nous avions initialement introduit, doit en l'espèce être remplacé par celui de contrat de vente.

La vente en bloc et sur pied est très répandue. Elle consiste à marquer les arbres, charge aux acheteurs de faire leur offre et d'abattre. On cherche aujourd'hui à faire évoluer ce système traditionnel, qui n'est peut-être pas le mieux adapté à la modernisation du secteur : les avis sont partagés.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Avis favorable à l'amendement.

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Nous aurons à débattre de la question de la vente en bloc et sur pied...

Il faut avant tout rechercher la meilleure adéquation entre l'offre et la demande. Une scierie lorraine que j'ai visitée, fabriquant des planchers de chêne, passe plus de temps à ses approvisionnements qu'à la recherche de débouchés : c'est un problème. Le texte à venir apportera des réponses.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques.  - Très bien !

L'amendement n°1 est adopté.

L'article 2 bis, modifié, est adopté.

L'article 3 est adopté.

L'article 4 est adopté.

Intervention sur l'ensemble

M. Jean-Jacques Mirassou .  - Au-delà du toilettage auquel nous procédons, il faudra engager une vraie structuration de la filière, en évitant à cette occasion de susciter des antagonismes. Mme Herviaux a eu raison d'en appeler à la responsabilité des collectivités territoriales. Je parle sous le regard de Colbert, créateur de la Royale, grâce aux forêts, et qui a laissé quelques traces dans les hautes vallées pyrénéennes. Ceux qui connaissent la vallée d'Aspe sauront de quoi je parle... (Applaudissements à gauche)

L'ensemble du projet de loi est adopté.

(Applaudissements ; M. le ministre remercie)

La séance est suspendue à 11 h 5.

présidence de M. Jean-Pierre Bel

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je rappelle que ministres et sénateurs disposent de deux minutes trente.

Réforme de la PAC

M. Alain Bertrand .  - Aujourd'hui et demain se tiennent, à Bruxelles, des négociations décisives pour le cadre financier 2014-2020 de l'Union européenne et pour la PAC. Le président de la République a évoqué, dans son discours au Parlement européen, une baisse des crédits de la PAC conduisant à des « restructurations difficiles ». Quelles seront-elles ?

La nouvelle PAC devra privilégier les filières en difficultés, qui rendent le plus service à l'aménagement du territoire et au développement durable comme l'élevage. Le contribuable européen ne comprendrait pas qu'on aide de la même façon un éleveur bovin et un céréalier, dont les revenus sont sans commune mesure. Sans compter que l'élevage contribue à préserver la biodiversité, à laquelle je suis très attaché. (On crie au loup à droite) Il y va de l'avenir de l'élevage dans notre pays.

Il convient d'obtenir un rééquilibrage des aides ; l'idée d'une aide aux cinquante premiers hectares est excellente mais il faudra aussi prendre en compte les surfaces fourragères et non fourragères et revaloriser l'indemnité compensatrice de handicap. Quelle est la position de la France dans les négociations en cours ? Les éleveurs seront-ils mieux aidés et les céréaliers un peu moins? (Applaudissements sur les bancs socialistes ; « Oh ! » à droite)

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire .  - Le sommet européen, qui doit donner un budget à l'Europe, se tient en ce moment même.

La PAC ne doit pas être la variable d'ajustement du budget européen. Dans son discours très applaudi au Parlement européen, le président de la République a rappelé l'attachement de la France au socle des politiques européennes que sont la politique de cohésion et la PAC. La PAC doit être plus juste, avec des aides réorientées vers les régions d'élevage. Elle doit aussi être plus respectueuse de l'environnement. Son verdissement sera ambitieux, à hauteur de 30 % du premier pilier. Je redis l'ambition de la France de revenir sur la logique libérale de la PAC. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La suppression des droits de plantation avait été acceptée par la précédente majorité. (Protestations à droite) Nous avons obtenu son rétablissement. Nous travaillons aussi à la stabilisation du marché du lait pour rendre confiance dans l'avenir à nos producteurs.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Guillaume Garot, ministre délégué.  - Nous soutenons une grande ambition pour l'Europe et pour l'agriculture. La PAC doit être légitime en soutenant l'agriculture dans sa diversité et tous les agriculteurs. (Applaudissements à gauche)

Dotations aux collectivités locales

Mme Natacha Bouchart .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Monsieur le ministre, l'année 2013 s'annonce comme la plus difficile pour nos compatriotes confrontés à la crise. L'heure devrait être au rassemblement pour relever les défis économiques et non des réformes sociétales (M. David Assouline s'exclame) Parmi les vrais sujets, figure le financement des collectivités locales. (« Ah ! » à droite) Les dotations de l'État, semble-t-il, vont à nouveau diminuer ; 1,5 milliard d'euros d'économie seront imposés pour financer le CICE d'ici à 2015. Au total, ce dispositif complexe, dont l'efficacité est mise en doute par les PME coûtera 10 milliards d'euros d'ici là. Est-ce cela un pacte de confiance et de solidarité conclu entre l'État et les collectivités locales ?

La facture du changement des rythmes scolaires sera lourde pour les communes. Maire de Calais, 75 000 habitants, je suis inquiète. Tous les territoires qui souffrent attendent d'être soutenus.

Pouvez-vous nous expliquer précisément les véritables intentions du Gouvernement sur la DGF, la DDU, la DSU et la PAT ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget .  - Le Gouvernement a deux priorités : le redressement des comptes publics et la restauration de la compétitivité de nos entreprises qui s'est effondrée ces dix dernières années. Notre commerce extérieur, déficitaire de 75 milliards en 2011, était excédentaire en 2001.

L'État a produit un effort considérable pour le redressement des comptes publics. Il lui paraît légitime, ainsi qu'aux yeux de nombreux élus locaux, que les collectivités locales contribuent à cet effort à proportion de leur responsabilité dans l'endettement. Leur demander un effort correspondant à 10 % de l'effort public paraît acceptable.

Peu d'élus ont protesté contre ce qu'a approuvé le Comité des finances locales (CFL). (Protestations à droite) Sur trois ans, l'effort demandé portera sur 2 250 000 euros, quand le budget annuel des collectivités locales est de 220 milliards d'euros.

Le CICE nécessite une dizaine de milliards d'euros d'économies. Il est envisagé de demander aux collectivités de participer à cet effort. Tous les territoires bénéficieront de la relance de la compétitivité en termes de richesse, d'emplois et d'investissements. (Exclamations à droite). Les annonces, le cas échéant, seront faites au CFL. Aucune décision n'est encore prise. Lors de ce CFL, le Gouvernement n'annoncera pas ce qui était dans le programme législatif de l'UMP : une contribution de 10 milliards d'euros demandée aux collectivités locales. (Vifs applaudissements sur les bancs socialistes ; protestations sur les bancs de l'UMP)

C'est sans doute la mort dans l'âme que vous l'auriez mis en oeuvre ! (Bravos et applaudissements sur les bancs socialistes ; rires et protestations sur les bancs UMP)

M. Roger Karoutchi.  - Médaille d'or de la mauvaise foi.

Situation économique de la France

M. François Zocchetto .  - Il y a six mois le président de la République annonçait vouloir inverser la courbe du chômage. Que fait le Gouvernement ? Les contrats d'avenir, soit. Le contrat de génération, pourquoi pas ? Les commissaires au redressement productif, passe encore ... Mais la solution n'est pas dans l'économie administrée. Elle ne réside pas plus dans l'opprobre jeté sur les entreprises, seul moteur de la croissance. Ne racontez pas d'histoires. L'heure n'est plus à jeter la pierre à vos prédécesseurs ni à occuper le Parlement sur des sujets de plus en plus décalés. On ne termine pas les fins de mois avec des promesses de lendemains qui chantent quand on ne sait pas de quoi demain sera fait.

La restauration de notre compétitivité et le soutien de notre industrie n'attendent pas. Le vrai problème de la société aujourd'hui, est le chômage. Quand allez-vous vous atteler à mettre en oeuvre la seule solution réaliste, c'est-à-dire la baisse des charges des entreprises, financée par la TVA sur les produits importés ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif .  - Le Gouvernement considère que le chômage est le principal problème de notre pays.

L'essentiel des décisions que nous avons prises, nonobstant les quelque 5 000 amendements que vous avez tenu à déposer sur une question que vous estimez pourtant mineure, vont en ce sens.

Nous avons posé 20 milliards d'euros sur la table pour les entreprises, c'est un effort sans précédent pour la compétitivité et la croissance. (« Très bien ! » à gauche) Le CIR inventé par Jean-Pierre Chevènement, amplifié par Nicolas Sarkozy, a été sanctuarisé par François Hollande, à la satisfaction des entreprises. (Exclamations à droite)

Je ne mets pas en cause mes prédécesseurs mais nous avons subi une désindustrialisation. En l'espace de trois ans, 1 087 usines ont fermé, et des milliers d'emplois industriels ont été détruits. Chacun porte sa part de responsabilité.

M. Philippe Kaltenbach.  - La droite surtout.

M. Arnaud Montebourg, ministre.  - Je rends hommage aux commissaires au redressement productif qui sauvent des emplois dans chacune de vos circonscriptions, comme à Château-Gontier où nous avons sauvé l'entreprise Arkeo transformée désormais en Scop. M. Arthuis a déclaré dans la presse locale : « Le redressement productif, ça fonctionne » ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Claude Gaudin.  - C'est le conseil général qui a payé !

Chiffres du commerce extérieur

M. Claude Bérit-Débat .  - Le déficit de notre commerce extérieur a reculé par rapport à l'an dernier, notre déficit hors énergie est réduit de moitié, preuve de l'amélioration de notre compétitivité. Le nombre d'entreprises françaises qui exporte a fortement augmenté. C'est un signal très positif. Le Gouvernement agit de manière cohérente au service de notre économie, conformément aux engagements du président de la République. Madame la ministre, votre action, appuyée par la BPI mettra en valeur les acteurs locaux. Les entreprises peuvent enfin compter sur un gouvernement qui agit de manière claire et efficace. (Rires à droite)

Nous sommes sur la bonne voie. Quelles actions le Gouvernement entend-il mener pour renforcer cette tendance positive alors que l'année 2013 s'annonce difficile ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur .  - Vous avez rappelé que notre déficit se réduit. Il reste quand même à 67 milliards.

M. Jean-Louis Carrère.  - Il y avait du travail !

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Il reste donc beaucoup à faire. L'objectif fixé par le président de la République est d'arriver à l'équilibre de la balance commerciale hors énergie d'ici la fin du quinquennat, ce qui suppose de gagner 26 milliards. Il ne faut pas relâcher l'effort. Nous avons des résultats positifs parce que nous avons remporté de grands contrats aéronautiques, ce qui crée 10 000 emplois, mais ce ne sera pas possible chaque année.

Ce sont les PME qui ont les clés du redressement de la balance commerciale. Quand on innove, on exporte. Dans une Europe en difficulté, le commerce s'oriente vers des pays qui sont des relais de croissance. L'Asie progresse de 13 %. Les entreprises françaises y prospectent et veulent y réussir. Nous nous déplaçons beaucoup dans ces pays avec le Premier ministre. Ce sont des terres de conquête, où nos entreprises sont très présentes.

Le déficit n'est pas une fatalité. Partout, dans les régions, comme à Marseille la semaine dernière, les entrepreneurs sont mobilisés. Le rôle de l'État est de les accompagner. Dans les pays en croissance, notre offre commerciale est parfaitement en phase avec les besoins de ces pays. Alors allons-y, tous ensemble ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mutilations sexuelles

Mme Kalliopi Ango Ela .  - Le 6 février est la journée internationale de lutte contre les mutilations sexuelles des femmes. Ce combat doit être visible, tout particulièrement ici. Ces pratiques inacceptables concernent 135 millions de femmes dans le monde et 50 000 en France.

En Afrique, en Indonésie et ailleurs, des femmes exceptionnelles se mobilisent pour l'éducation des filles et contre l'économie de l'excision. Le président Thomas Sankara était célèbre pour ses discours contre l'excision. Le musicien ivoirien Tiken Jah Fakoly chante « Non à l'excision ! Ne les touchez plus, elles ont assez souffert ! »

Grâce à de telles mobilisations, ce fléau recule. À preuve le protocole signé le 11 juillet 2003 par 53 chefs d'État une avancée. En France, une association exemplaire, le Groupe d'action contre les mutilations sexuelles des femmes, mène le combat sur le plan judiciaire. Le Conseil de l'Europe s'attache, quant à lui, particulièrement aux demandes d'asile liées au genre.

J'apprécie, madame la ministre, votre engagement. Quelles initiatives nouvelles envisagez-vous pour accompagner cette lutte ? Quand la France ratifiera-t-elle la Convention d'Istanbul du 5 mai 2011, dont l'article 38 porte sur la lutte contre les mutilations sexuelles des femmes ? (Applaudissements sur la plupart des bancs)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement .  - Oui, plus de 100 millions de femmes à travers le monde sont victimes de ces pratiques barbares, intolérables, violentes, que ne justifie aucune tradition culturelle, aucune religion. Le 20 décembre, les Nations unies ont adopté une résolution pour en finir. Nous soutenons M. Ban Ki-moon.

La France est la première à avoir jugé et condamné les auteurs d'excisions, qu'elle considère comme un crime, passible donc de la cour d'assises, qu'elle soit commise en France ou à l'étranger ; dès 1983, des familles ont été jugées et condamnées pour ce motif. Un projet de loi, soumis récemment au Conseil d'État, doit adapter notre droit pénal aux dispositions de la Convention d'Istanbul. Il fera de l'incitation à pratiquer des mutilations sexuelles une infraction. Il sera adopté en conseil des ministres d'ici la fin de ce mois.

Au-delà, la prévention doit jouer son rôle. Il faut informer les populations exposées et détecter les familles où des excisions ont déjà été pratiquées, afin d'intervenir à temps pour en empêcher de nouvelles. Nous allons mener une campagne intitulée « L'excision, parlons-en ! ». Les professionnels de la PMI ont un rôle majeur à jouer, ainsi que l'Observatoire des violences faites aux femmes.

Nous devons aussi faire savoir aux victimes qu'une réparation est possible, que leur souffrance n'est pas définitive. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

Situation des hôpitaux

Mme Annie David .  - Notre système de santé, mis à mal par la loi « Hôpital, patients, santé, territoires », est fragilisé par la convergence tarifaire. Les hôpitaux sont sous une pression financière insupportable qui pourrait aboutir à la suppression de 35 000 emplois, selon la Fédération hospitalière de France, et la fermeture de services, ce qui accroîtrait les inégalités de santé. Lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avions dit nos craintes. Les élus locaux, le personnel, les associations partagent notre analyse : il est temps de rompre avec la logique libérale.

À quand un moratoire sur les fermetures ? Quand en finira-t-on avec la tarification à l'activité ? Quelles mesures entendez-vous prendre pour assurer à l'hôpital un financement à hauteur de ses besoins ? (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Les Français peuvent être fiers de tous ceux qui se dévouent au quotidien au service de notre système de santé. Plus de 75 % des Français font confiance à l'hôpital public. Il faut rompre avec la logique de naguère, qui allait à assimiler les modes de gestion avec ceux du privé.

Des mesures ont déjà été prises : fin de la convergence tarifaire, engagement sur une enveloppe de 1,6 milliard d'euros supplémentaires pour l'hôpital. Nous ferons davantage. Un pacte de confiance doit rendre à l'hôpital public des perspectives d'avenir. La tarification à l'activité ne peut continuer à s'appliquer de la même manière à tous les services. Il faut répondre sur tous les territoires aux besoins de santé, en faisant de la sécurité la priorité absolue.

Le Gouvernement veut conforter l'hôpital public, une des fiertés de la France. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE)

Transports franciliens

M. Hugues Portelli .  - Les usagers d'Île-de-France subissent, depuis des années, des dysfonctionnements, qui ont pris récemment une ampleur nouvelle. Sur la ligne A, des trains sont supprimés tous les jours. Les retards sont quotidiens. Le nettoyage n'est pas correctement assuré. La situation n'est pas meilleure sur les lignes J et H, non plus que sur les lignes B et C.

M. David Assouline.  - C'est Sarkozy ! (Protestations à droite)

M. Hugues Portelli.  - Quand supprimera-t-on enfin l'interconnexion des lignes A et B ?

M. Gérard Larcher.  - C'est indispensable !

M. Hugues Portelli.  - Quand introduira-t-on des rames à deux étages sur la ligne A ?

Comment justifier que les usagers de ces lignes voient leur candidature écartée s'ils avouent, lors d'entretiens d'embauche, n'avoir pas d'alternative ? (Exclamations à gauche)

M. Gérard Larcher.  - C'est la stricte vérité !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - J'apprends que les choses se sont dégradées depuis six mois et que l'on a trouvé là une nouvelle explication du chômage. (Exclamations à droite)

M. Éric Doligé.  - Auparavant, cela marchait très bien.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué.  - Les difficultés ne sont pas nouvelles, (on renchérit, à gauche) au-delà de la caricature que vous en faites.

M. Gérard Larcher.  - Nous parlons de la vie quotidienne des gens.

M. Christian Cointat.  - Vous ne devez pas prendre souvent le RER.

M. David Assouline.  - Vous, sans doute, vous savez ce que c'est !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué.  - C'est en faisant en sorte que les opérateurs, le Stif, la région, l'État, travaillent ensemble que nous progresserons.

Le plan de financement du Grand Paris avance. (Exclamations ironiques à droite) Il faut améliorer les opérations pour moderniser le réseau existant, le dé-saturer. Le projet Eole. (Nouvelles exclamations à droite) La RATP se préoccupe de renouveler le matériel roulant. Le Stif a lancé de grands projets de rénovation sur les lignes B, C et D. Nous avons demandé une unification du commandement de la ligne B dès 2013, ainsi qu'une rénovation de la ligne A. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE)

Dépendance

M. Ronan Kerdraon .  - Le nombre de personnes dépendantes explose. La proportion de personnes âgées dans la population ne fera que croître. Ce progrès est aussi une gageure : il faut adapter la société à cette évolution de l'âge. Une grande réforme de la perte d'autonomie s'impose. Nicolas Sarkozy l'a préconisée dès 2007, avant de l'abandonner.

L'attente est grande. Le Gouvernement en est conscient qui a commandé un rapport pour tracer des perspectives. L'annonce d'une réforme de la dépendance en 2013 est une excellente nouvelle. Quelles en sont les priorités et les objectifs ?

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie .  - Le président de la République a donné le départ, le 25 janvier, à la réforme de l'indépendance, qui doit intervenir avant fin 2013. Nous devons nous préoccuper du parcours résidentiel des personnes âgées, en répondant aux voeux des Français de rester le plus longtemps possible à domicile. Ce qui suppose l'adaptation de 80 000 logements.

Nous avons aussi mission de rendre accessible financièrement aux classes moyennes les maisons de retraite. Alors que le montant moyen des retraites est de 1 100 euros, le coût de prise en charge est de 1 600 euros dans le public, plus de 2 000 euros dans le privé. Il faut réguler, et améliorer les aides publiques. Nous le devons aux familles françaises, toutes concernées par la cause de l'âge. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)

Librairie numérique

M. René Beaumont .  - Je vais vous parler culture, de la querelle des Anciens et des Modernes...(Sourires) Amazon, avec 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel arrive chez nous, monsieur le ministre : 1,12 million d'aide publique pour la création de 250 emplois dans un nouvel entrepôt en Saône-et-Loire, à Sevrey.

Cela pourrait apparaître comme une bonne nouvelle si la médaille n'avait un revers. La mariée n'est pas si belle puisque, dans le même temps, les 26 magasins de Virgin sont en redressement judiciaire, le temps de trouver une solution pour leur millier de salariés. Mme Filippetti, prompte à réagir, a immédiatement fait le parallèle. Elle n'est pas la seule à dénoncer le comportement d'Amazon, qui ne paie pas ou peu d'impôts en France. Comment entendez-vous remédier à ces abus ? Quelle est la cohérence du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif .  - Amazon montre la contradiction de notre société, qui voit les citoyens faire leurs courses à domicile. Cela nuit non seulement au petit commerce, mais à la grande distribution. Nous avons choisi, plutôt que de nier cette mutation, de l'accompagner, tout en en contenant les excès. À Montélimar, à Saran, à Sevrey, à Douai, Amazon a demandé à s'installer, pour une création de 1 500 emplois d'ici à 2015. Mon ministère est celui de l'hospitalité industrielle, pas celui du rejet. Aurions-nous décliné, vous auriez été les premiers à nous attaquer.

Nous avons aussi entrepris de prendre des mesures pour soumettre les géants de l'internet aux mêmes exigences fiscales que les autres entreprises. (Applaudissements à gauche) Cette initiative, menée au plan européen, devrait aboutir en 2015. (Applaudissements à gauche)

Filière avicole

M. Jean-Luc Fichet .  - La filière avicole subit une crise majeure. La Commission européenne a réduit brutalement ses aides financières à l'export de volailles.

Il faut moderniser et réorienter la filière, comme vous l'avez annoncé, dans le Finistère. L'agro-industrie fait partie du redressement productif, mais nous avons besoin de temps. Comment revenir sur le processus européen en cours ? Comment favoriser une mutation socialement viable de la filière, pour éviter la crise majeure qui s'annonce et rassurer spécialement les salariés de Doux et Tilly Sabco ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire .  - Les interventions de la France ont retardé la décision de la Commission néanmoins intervenue le 16 janvier dernier, qui a baissé de 50 % le niveau des restitutions à l'export, ce qui est beaucoup trop brutal. Ces restitutions ne doivent pas être considérées comme un cadeau aux entreprises françaises. Elles ont un sens économique et compensent les différences de charges et de coûts de production avec nos concurrents extra-européens.

Nous avons immédiatement réuni les entreprises concernées pour les accompagner concrètement. Le crédit d'impôt leur donnera un ballon d'oxygène. Nous sommes intervenus directement auprès du commissaire concerné, afin que le temps soit donné aux entreprises de s'adapter dans un délai raisonnable. Nous devons maintenant préparer l'avenir. Nous ne cessons de perdre des parts de marché : nous importons 44 % du poulet que nous consommons. Pendant dix ans, la précédente majorité n'a rien fait. (Vives protestations à droite ; applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gérard Larcher.  - Et allons donc ! Nous n'avons rien fait non plus pour le poulet !

Accueil des personnes âgées

M. Jean Louis Masson .  - Les enfants ont l'obligation de s'occuper de leurs parents âgés. Or la presse s'est fait l'écho de l'expulsion d'une nonagénaire qui, n'étant pas soutenue par sa famille, avait accumulé les dettes à l'égard de sa maison de résidence.

Madame la ministre, au lieu de vous en prendre au directeur de la maison de retraite, comme vous l'avez fait, il aurait fallu vous en prendre aux enfants indignes de cette femme, dont l'un est gynécologue dans un grand hôpital de la région parisienne. Qu'envisagez-vous de faire contre ceux qui abandonnent ainsi leurs responsabilités ? Les conditions d'accueil de personnes âgées se dégradent. Or vous voulez geler les tarifs des maisons de retraite. C'est catastrophique. La France est ce qu'elle est grâce aux générations précédentes. Nous avons un devoir de solidarité. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie .  - Ce n'est pas à coup de contrevérités que vous ferez avancer le débat. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Je n'ai pas parlé de geler les tarifs mais de réfléchir à une meilleure adéquation entre les tarifs des maisons de retraite et les budgets des familles. Le fossé est très large, on ne peut l'élargir encore.

Nous avons tous été très émus par ce qui est arrivé à la nonagénaire de Chablis. Je respecte trop les personnes âgées pour accepter qu'on mettre une personne de 90 ans dans une ambulance sans s'assurer que sa famille peut l'accueillir. J'ai demandé à l'ARS d'Île-de-France une enquête pour établir les faits.

M. Jean Louis Masson.  - La famille ne paie pas !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée.  - La maison de retraite à contrevenu à la loi. Cela dit, j'ai conscience des problèmes financiers que pose cette famille ; il revient à la justice de trancher sur cet aspect du dossier. C'est pourquoi je n'ai pas évoqué le cas particulier de ces quatre enfants qui n'ont pas répondu à leurs obligations. Comme vous le rappelez, le code civil nous impose de subvenir aux besoins fondamentaux de nos ascendants et descendants. Là n'aurait pas dû être la question, en l'occurrence, puisque cette nonagénaire touche une retraite suffisante pour subvenir à ses besoins. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

La séance est suspendue à 16 h 15.

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

La séance reprend à 16 h 25.

Commission mixte paritaire (Constitution et nominations)

Mme la présidente.  - Monsieur le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création du contrat de génération. En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du mercredi 6 février prennent effet.

Retrait d'une question orale 

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que la question orale n° 303 de Mme Françoise Laborde est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance du mardi 19 février 2013. Par ailleurs, la question n° 312 de M. Jacques Mézard pourrait être inscrite à la séance du mardi 19 février 2013.

Délais de prescription dans la loi sur la liberté de la presse

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la suppression de la discrimination dans les délais de prescription prévus par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.

Discussion générale

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement .  - La discussion du projet de loi relatif au mariage pour tous a réveillé de vieux réflexes de haine contre les homosexuels. Au moment où la République s'apprête à reconnaître enfin les mêmes droits, la même valeur aux personnes sans distinction liée à leur orientation sexuelle, l'homophobie progresse. Les injures, les diffamations, les provocations à la haine ou à la violence sont aggravées lorsqu'elles sont fondées sur le sexe, l'orientation sexuelle ou le handicap. Cette liste a été complétée à votre initiative le 6 août dernier et y inclut la transphobie.

Si la République combat le sexisme et l'homophobie au même titre que le racisme et l'antisémitisme, une anomalie subsiste, que nous corrigeons aujourd'hui. La justice oublie les insultes sexistes en trois mois, mais en un an les insultes xénophobes ou fondées sur la religion : les délais de prescription sont différents. Or il n'y a pas lieu de faire une discrimination entre les discriminations, de faire une hiérarchie du pire.

La présente proposition de loi, qui a été adoptée en novembre 2011 dans le consensus, fixe à un an le délai de prescription pour tous ces délits. Dominique Perben disait en 2004 que le délai de trois mois était trop court pour les délits fondés sur le racisme. Cela vaut aujourd'hui pour ceux qui sont fondés sur le sexe, l'orientation sexuelle ou le handicap.

Il ne s'agit pas que d'un symbole. À plusieurs reprises, les associations concernées se sont heurtées à la brièveté des délais de prescription. Or il ne faut pas sous-estimer l'impact de ces propos qui sont une violence, vis-à-vis des plus jeunes en particulier - le risque suicidaire chez les jeunes homosexuels ne peut être ignoré. Je pense aussi aux parents d'un enfant homosexuel terrorisés de découvrir sur internet un appel au meurtre contre leur fils ou au viol contre leur fille ; aux familles homoparentales confrontées à des propos qui nient leur humanité et leur existence.

La loi de 1881 est une grande loi de notre République, dont il faut préserver le précieux équilibre. Le Gouvernement est attaché à la lutte contre les violences et discriminations liées à l'orientation sexuelle et à l'identité de genre ; il a présenté un plan complet en octobre dernier. Votre rapport, madame la rapporteure, corrige une anomalie de notre droit. Nous n'avons que trop tardé sur le chemin de l'égalité. (Applaudissements à gauche)

Mme Esther Benbassa, rapporteure de la commission des lois.   - La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen affirme dans son article 11 que la libre communication des pensées et des opinions est l'un des droits les plus précieux de l'homme. C'est inspiré par cet article que le 29 juillet 1881 le législateur a adopté la loi qui définit les libertés et les responsabilités de la presse française.

Les modifications apportées aujourd'hui ne concernent que marginalement cette dernière. Il s'agit en majorité de propos tenus en public ou d'écrits provenant de particuliers. La législation actuelle a été traitée avec raison de discriminatoire par la rapporteure de l'Assemblée nationale. L'harmonisation des délais de prescription fait l'objet d'un très large consensus. Le Défenseur des droits l'a défendue dès 2011. Cette proposition de loi est directement inspirée par sa proposition. Le droit européen ne fait pas de différence entre les types de discrimination, tandis que l'article 13 du traité instituant la Communauté européenne oblige les États à prendre toute mesure pour combattre toutes les discriminations. Pourquoi le droit français devrait-il conserver une telle différence ? Le délai de trois mois est le plus bref de toute l'Europe ; le délai d'un an est lui-même dérogatoire du droit commun, qui prévoit un délai de prescription de trois ans pour tous les délits.

Ce texte complète le travail entamé par la loi Perben II de 2004, qui a introduit une exception au régime de la loi 1881 en portant à un an le délai de prescription des délits de diffamation ou d'injures commis à raison de l'origine d'une personne, de son appartenance ou de sa non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion. Dans le droit fil de cette évolution, la proposition de loi a été votée à une écrasante majorité le 22 novembre 2011 à l'Assemblée nationale ; elle porte à un an le délai de prescription des mêmes délits lorsqu'ils sont commis à raison du sexe, de l'orientation sexuelle ou du handicap des victimes.

Les débats ces dernières semaines ont ouvert la voie à un climat homophobe et à la multiplication de propos intolérables. Cette proposition de loi vient donc à point. Didier Eribon, philosophe, écrit dans ses Réflexions sur la question gay : « Au commencement, il y a l'injure, celle que tout gay peut entendre à un moment ou à un autre de sa vie et qui est le signe de sa vulnérabilité psychologique et sociale. (...) L'insulte est un verdict, une condamnation à perpétuité avec laquelle il va falloir vivre. (...) Celui qui me traite de pédé, de nègre, de youpin ne cherche pas à me communiquer une information, mais à me faire savoir qu'il a prise sur moi, que je suis en son pouvoir » et ce pouvoir est d'abord celui de me « blesser, de me marquer à vie en inscrivant la honte ou la peur au plus profond de mon esprit et de mon corps ». Oui, madame la ministre, les mots sont parfois des armes qui peuvent tuer. Pourquoi un an de prescription pour les uns et trois mois seulement pour les autres ?

Cette harmonisation ne compromet pas la liberté de notre presse. Certes, le premier amendement du Bill of Rights américain ne met pas de limites à la liberté d'expression...

Mme Nathalie Goulet.  - Mais les indemnités sont élevées...

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Selon une étude le l'université de Montréal, 40 % des décisions judiciaires liées à internet sont rendues pour diffamation contre 15 % seulement aux États-Unis et au Canada. Sommes-nous incapables d'autocontrôle ? Internet ouvre-t-il chez nous un espace qui échappe à tout encadrement ?

Mme Nathalie Goulet.  - Oui !

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Dans le contexte français, où la menace de la sanction est brandie très tôt dans l'existence des enfants et encadre la vie des adultes, il semble peu judicieux de se prévaloir de l'exemple américain pour laisser impunis les discours racistes, xénophobes, homophobes, sexistes qui emplissent la Toile.

Cette proposition de loi ne concerne que marginalement les délits de presse. Elle a un cadre plus large. Elle permet une nette avancée de la protection du droit des personnes. Internet a autorisé la multiplication des infractions commises à raison du sexe, de l'orientation et de l'identité sexuelles et, dans une moindre mesure, du handicap. Une modification du droit actuel s'impose d'autant plus à l'heure du développement accéléré des réseaux sociaux, qui dématérialisent le lien entre la parole et l'objet des propos diffamatoires. Les infractions commises par le biais d'internet sont instantanées, mais les propos peuvent rester en ligne longtemps.

Mme Nathalie Goulet.  - Eh oui !

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Comme le dit Me Charrière-Bournazel, « internet permet à la mémoire de l'emporter pour toujours sur l'oubli » et ne laisse aucune chance aux victimes face à des particuliers qui en sont évidemment pas soumis à la déontologie des journalistes.

Mme Nathalie Goulet.  - C'est vrai !

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Le rapport d'information Hyest-Portelli-Yung avait attiré l'attention sur ces dangers : l'infraction n'est plus limitée au temps bref de la presse imprimée.

Il est difficile, en outre, d'identifier les responsables. Le caractère universel du réseau fait obstacle aux poursuites engagées contre des auteurs installés à l'étranger...

Mme Nathalie Goulet.  - Surtout en France !

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Il devient urgent d'adopter une loi sur les libertés sur internet, comparable à la loi de 1881. Je vous demande en attendant d'adopter cette proposition de loi dans la rédaction issue des travaux de la commission des lois. (Applaudissements à gauche)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - La liberté de la presse consacrée par la loi du 29 juillet 1881 a été progressivement limitée par des exceptions imposées par la diffusion de propos injurieux, diffamatoires ou discriminatoires. Le délai de prescription de trois mois déroge au droit commun qui est de trois ans pour les délits pénaux et d'un an pour les contraventions. À l'heure d'internet, des réseaux sociaux, un délai si court équivaut à l'impunité, comme le reconnut Dominique Perben en octobre 2003 au Sénat.

Les infractions dites de presse sont de plus en plus fréquemment commises, dans le cyberespace, par des internautes qu'il convient désormais de traquer aux fins d'exercer l'action publique à leur encontre. Bon nombre d'infractions commises sur internet tombaient sous le coup d'une prescription assimilable, comme le souligne le professeur Albert Chavanne, à un déni de justice. D'où le passage à un an par la loi Perben II de la prescription pour les délits fondés sur l'origine, l'appartenance ou non à une ethnie, une nation, une race ou une religion.

Notre droit a évolué par étapes, en autant d'hésitations, mais il faut veiller à l'équilibre entre le principe de la liberté d'expression et la répression des propos discriminatoires. Des victimes placées dans la même situation sont de fait traitées de façon inégale. Les recours n'aboutissent pas, les plaintes étant classées sans suite à l'expiration du délai de prescription. Beaucoup de victimes sont dissuadées par les contraintes induites par de tels délais. Le législateur ne pouvait tolérer une telle discrimination. D'où la proposition de loi déposée par Jean-Marc Ayrault et ses collègues députés, adoptée par l'Assemblée nationale à la quasi-unanimité le 22 novembre 2011. Il nous appartient à présent de la voter.

L'article premier clarifie le neuvième alinéa de l'article 24 de la loi de 1881 et met sur le même plan toutes les provocations à la haine, à la violence ou à la discrimination, quelle que soit leur cause. L'article 2 est de cohérence. L'article 3, ajouté par la commission, rend le texte applicable à Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. C'est rétablir une cohérence minimale entre les victimes. Il n'y a aucune raison de traiter différemment des propos racistes ou des propos homophobes, comme l'a noté M. Emmanuel Dreyer, professeur de droit à l'université de Paris-Sud.

Est-ce porter atteinte à la liberté de la presse ? Au vrai, ce sont moins des infractions commises dans la presse, mais la banalisation de propos injurieux en public qui sont visés. L'égalité proclamée à l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme n'a de sens que si le législateur lui donne consistance dans la loi. À l'heure où des propos d'un autre temps se font entendre, c'est aussi un appel à la vigilance que lance ce texte. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste le votera. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; Mme Nathalie Goulet applaudit aussi)

M. Michel Le Scouarnec .  - La lutte contre les discriminations fut une longue et dure bataille ; elle n'est pas achevée. La répression par la loi des propos discriminatoires fondés sur l'origine, l'appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion ne remonte qu'à 40 ans, et celle des propos fondés sur le sexe ou l'orientation sexuelle à 2004 seulement, après plusieurs tentatives infructueuses. Mais les délais de prescription, différents, créent à leur tour, paradoxalement, une discrimination au sein de la lutte contre les discriminations.

Il faut concilier liberté d'expression et répression des propos discriminatoires. La loi de 2004 a ainsi porté à un an le délai de prescription pour les injures à raison de la race ou de la religion -  trois mois, à l'heure d'internet, correspondait quasiment à un déni de droit.

Mme Nathalie Goulet.  - Pas quasiment. Je l'ai vécu !

M. Michel Le Scouarnec.  - Mais le délai est resté à trois mois lorsque l'infraction est commise à raison de l'orientation sexuelle ou du handicap de la victime. C'est une atteinte au principe d'égalité devant la loi qui, aux yeux du Conseil constitutionnel, ne peut se justifier que par un motif d'intérêt général ou une différence objective de situation. Tel n'est pas le cas en l'espèce.

Nous sommes extrêmement favorables à ce texte qui, en alignant à un an les délais de prescription, répare une injustice. (Applaudissements à gauche)

Mme Nathalie Goulet .  - Réformer le droit de la presse est une entreprise titanesque. Il ne faudrait toucher au monument de 1881 que d'une main tremblante...

L'objet de ce texte est de réformer le droit, inadapté aux nouveaux médias. Injures et diffamation ont raison sur la Toile : les procédures sont interminables et les délais de prescription réduits. Il est impossible de faire retirer d'un serveur une imputation diffamatoire, y compris celle qui pourrait être reconnue par les tribunaux. Le droit à l'oubli n'existe pas. Mais la liberté s'arrête où commence celle des autres, les bloggeurs n'ont pas tous les droits. Je ne m'abriterai pas derrière les citations des philosophes, car j'ai vu et vécu ces choses. En 2008, un journaliste intitule un chapitre de son livre « Comment être veuve et sénateur » et m'y accuse de cumuler indemnité de mandat et pension de réversion, ce qui n'est pas une injure mais un pur mensonge. Impossible d'obtenir une rectification. Je profite de cette occasion pour le faire. Je tiens aussi à épingler M. Jean-Jacques Bourdin, qui n'a pas daigné tenir compte du courrier que je lui ai adressé, alors que subsiste sur internet une interview contenant des propos diffamatoires...

Que de temps perdu et d'argent pour les victimes ! Et que l'on n'aille pas m'opposer l'adresse IP et les règles de protection de la vie privée : cela n'a pas de sens dans le cadre de la loi de 1881, parce qu'on ne peut pas trouver l'auteur de l'infraction... Contre ce déni de justice, j'ai déposé un amendement, malheureusement non retenu par la commission des lois, pour garantir le droit à l'oubli. Je sais qu'il n'est pas facile de contrôler les réponses des moteurs de recherche mais on ne peut livrer l'honneur d'un individu aux chiens ; on sait ce qu'il en a coûté aux hommes politiques, de Roger Salengro à Pierre Bérégovoy. Je revendique haut et fort le droit à l'oubli. J'avais demandé une commission d'enquête ou une mission d'information sur ce sujet au précédent président du Sénat. Je viens de la réitérer auprès du président Bel. Comme on n'est jamais mieux servi que par soi-même, et au vu de mon expérience en la matière, je crois pouvoir la présider brillamment. (Sourires)

Le sujet est fondamental. Je le dis solennellement : cela n'arrive pas qu'aux autres, sachez-le ! (Applaudissements)

M. Yvon Collin .  - La loi de 1881 fait partie des lois de liberté et de progrès social qui ont fondé le pacte républicain dont nous sommes les dépositaires. En ce temps, après des années d'ordre moral, les radicaux ont fait souffler un grand vent de liberté ; la loi de 1881 a instauré une liberté essentielle. Pour autant, on ne saurait tolérer, en son nom, quelque discrimination que ce soit - y compris dans les délais de prescription... La loi Perben de 2004, en allongeant celui attaché aux injures visant l'origine, l'ethnie ou la religion, a du même coup créé une différence avec celui attaché aux injures homophobes ou handiphobes. La Cour de cassation a d'ailleurs saisi le Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le sujet pour rupture du principe d'égalité devant la loi.

Les nouveaux médias justifient de modifier la façon dont le droit réprime ces délits : à l'heure d'internet, le délai de prescription de trois mois n'a plus de sens. Une refonte de la loi de 1881 s'imposera en toute hypothèse.

Pour l'heure, le groupe RDSE accueille favorablement ce texte, même s'il ne met pas fin à toutes les incohérences - trois régimes de prescription demeurent. Le texte élargit les dérogations aux principes généraux de la procédure pénale, soyons attentifs à ne pas les multiplier. Ces quelques remarques ne nous empêcheront pas, cependant, de voter ce texte qui marque une avancée. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Charon .  - La loi de 1881 est un des nombreux symboles de notre République. Personne ne conteste les vertus démocratiques d'un texte sobre qui, à heure des lois bavardes, fait honneur à la Nation. Nous pouvons être fiers d'un texte qui a fait basculer la réglementation de la presse du régime préventif au régime répressif tout en préservant la liberté d'expression.

La présente proposition de loi vise à harmoniser les délais de prescription. Pour concilier le droit de tous à s'exprimer librement et à obtenir justice s'ils font l'objet de propos injurieux, il fallait aligner les délais de prescription à un an, comme l'avait fait la loi de 2004 pour les injures racistes ou à raison de la religion. Le délai de trois mois rend difficile, sur Internet, l'identification des auteurs, qui ne sont pas des journalistes soumis aux règles de la déontologie et encadrés par une rédaction. Je suis prêt à soutenir votre proposition de mission d'information. Madame Goulet, vous ne serez pas seule ! Imaginons ce qui se serait passé pendant la guerre si internet avait existé : le travail de la Gestapo aurait été bien facilité...

Tous ceux qui souhaitent exprimer leur opinion doivent être soumis aux mêmes obligations que celles que s'imposent les professionnels.

Mme Nathalie Goulet.  - Nous n'y sommes pas encore !

M. Pierre Charon.  - On ne peut tolérer la résurgence de thèses prétendument scientifiques qui font le lit de dérives que l'on a payées autrefois au prix du sang et de la honte. Nos collègues de l'Assemblée nationale ont adopté ce texte à l'unanimité.

La Cour de Cassation a transmis une question prioritaire de constitutionnalité à propos de la loi de 1881 qui dispose que le délai de prescription est porté à un an.

Mme Nathalie Goulet.  - Eh oui !

M. Pierre Charon.  - Nous n'avons à cette heure aucune information sur les moyens des requérants : il faut agir avec prudence pour ne pas fragiliser une loi qui a fait la preuve de son efficacité et de sa longévité. (Applaudissements)

Mme Nathalie Goulet.  - Bravo !

Mme Kalliopi Ango Ela .  - Le groupe écologiste souscrit à ce texte adopté à une forte majorité à l'Assemblée nationale. Dès le printemps 2011, nous avions déposé une proposition de loi similaire. Toutes les infractions visées sont soumises à un régime de sanction identique, mais les délais de prescription ne sont pas les mêmes : ce n'est pas normal. S'il est normal que les délais de prescription s'appliquant à la presse soient dérogatoires du droit commun, pour promouvoir la liberté d'expression, il faut qu'ils soient identiques dans tous les cas visés. L'excellent rapport de Mme Benbassa souligne la différence dans le nombre de condamnations définitives, selon les délits : cela est lié à la différence dans les délais de prescription : 80 condamnations pour injures racistes, deux seulement pour injures homophobes.

Ce texte renforcera la sécurité juridique pour les infractions commises sur internet. J'ai été particulièrement sensible aux injures dont ont été victimes les handicapés à l'occasion des Jeux handisport. On pourrait aussi s'indigner des propos dont a eu à pâtir notre ministre du logement à l'Assemblée nationale parce qu'elle portait une robe, ou qui ont été tenus, ici même, dans le débat sur la parité dans les listes électorales...

Mme Nathalie Goulet.  - Ah !

Mme Kalliopi Ango Ela.  - Le programme d'action gouvernemental contre les agressions commises à raison du genre doit être salué : il vient à l'appui de ce texte. L'intitulé de ce texte a été modifié pour viser les discriminations en raison de l'identité sexuelle. Le groupe écologiste, pour sa part, milite, par ses amendements, pour une prise en compte de l'identité de genre.

En attendant il votera ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Très bien !

M. Jean-Yves Leconte .  - L'arsenal législatif contre les délits d'injures a été élargi en 1972, mais l'homophobie n'a été qualifiée de délit qu'en 2004. Reste que les délais de prescription sont demeurés différents. D'où la question prioritaire de constitutionnalité évoquée par M. Charon.

Il faut aujourd'hui tenir compte des nouveaux médias : internet change la donne. Certes, les délais de prescription sur la presse sont dérogatoires, pour préserver la liberté d'expression, mais sur internet, l'injure ne passe pas : elle demeure, indéfiniment. Et c'est là que fleurissent les propos homophobes ou handiphobes, qui passent de site en site. Un délai de prescription d'un an donnera une plus large faculté de poursuivre. Car aujourd'hui, les recours n'aboutissent pas : les plaintes sont classées sans suite du fait de la prescription.

Ce texte est l'occasion de s'interroger sur la relation entre la puissance publique et internet. Comment celle-ci doit-elle s'adapter pour parvenir à une régulation crédible, alors que la Toile se joue des frontières ? Le réseau est un espace de liberté, un briseur de chaînes, on l'a vu avec le printemps arabe, mais peut aussi être un vecteur de discrimination. Le texte voté à l'ONU est l'exemple à suivre, qui appelle tous les États à promouvoir la coopération internationale. La liberté de la Toile est une garantie contre le politiquement correct, mais aussi un outil pour ceux qui veulent choquer. Comment institutionnaliser la régulation, alors que la Toile a la liberté pour principe ? L'autorégulation a son rôle à jouer, qui doit imposer le respect de l'autre.

Mme Nathalie Goulet.  - On verra quand cela vous arrivera !

M. Jean-Yves Leconte.  - Notre rapporteure a cité le premier amendement de la Constitution américaine : la liberté qu'il institue va de pair avec une éducation au respect. Il faut faire confiance à la capacité de chacun de confirmer ce que disait Marat : la liberté de tout dire n'a d'ennemis que ceux qui veulent se réserver la liberté de tout faire.

Je suis convaincu que le Sénat parviendra à faire converger les préoccupations qui se sont exprimées cet après-midi.

Mme Nathalie Goulet.  - Inch'Allah !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois .  - Merci, madame la ministre, d'avoir placé votre action sous le signe de la lutte contre les discriminations. Nous vous avons entendue, ce matin, sur la lutte contre le sexisme, avec Mme Pau-Langevin. Et vous voici devant nous cet après-midi. Toute atteinte à la dignité humaine doit être sanctionnée par la loi de la même façon. Mais il faut aussi ne toucher à la loi de 1881, comme l'a rappelé Mme Goulet, que d'une main tremblante...

Mme Nathalie Goulet.  - Et ferme.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Je pense au Figaro de Beaumarchais, disant qu'il peut jouir de la liberté pourvu qu'il ne parle ni de l'autorité, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni de l'opéra, ni des autres spectacles, ni des personnes qui tiennent à quelque chose. Et d'ajouter : « Je peux tout imprimer librement sous l'inspection de deux ou trois censeurs ».

Les propos de Mme Benbassa sur l'injure ont été éclairants. On ne parle pas seulement pour communiquer. Il y a le discours performatif, quand dire c'est faire. Il y a des mots qui tuent. Si les mots sont des choses, pour Michel Foucault, Austin, Searle et Ducrot ont montré, plus près de nous, qu'ils peuvent, au-delà, être des armes.

Oui, il faut mener la réflexion en sachant qu'aucun choix ne sera réaliste s'il n'est international. Internet ne saurait rester un espace en dehors du droit. Il lui faut des règles qui s'imposent partout. Réfléchissons, au Sénat, sur la meilleure manière, via une commission d'enquête ou d'information, de se donner les moyens de légiférer en connaissance de cause. (Applaudissements à gauche)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre .  - Je me félicite du consensus qui règne ici sur une question d'actualité - qui pouvait laisser attendre quelques remous.

Merci à Mme Benbassa de nous avoir rappelé les valeurs qui nous rassemblent dans le respect d'une tradition juridique qui mérite parfois actualisation.

Oui, les mots peuvent être des armes. Ce qui justifie d'actualiser la loi de 1881. Oui, Monsieur Mohamed Soilihi, les délais actuels découragent les recours. Internet ne doit pas être une zone de non-droit, madame Goulet. En ces moments où l'actualité apporte son lot d'injures, en particulier à caractère antisémite, sur internet, je vais en discuter avec les responsables du réseau Tweeter.

Sachez que la garde des sceaux travaille en ce moment même sur un habeas corpus numérique pour garantir le droit à l'oubli auquel vous en avez justement appelé.

Vous avez rappelé la violence handiphobe. Je recevrai prochainement Jean-Marie Barbier qui nous alerte régulièrement sur sa gravité sur internet.

Toutes ces injures, sexistes, racistes, homophobes, transphobes, handiphobes se banalisent parce qu'elles correspondent à des stéréotypes qui traversent notre société comme autant d'obstacles à l'égalité. Soixante-quatre pour cent des Français pensent sincèrement aujourd'hui que les personnes handicapées sont inaptes au travail. J'ai conscience que ces clichés forment la racine des discriminations. Je pense au sexisme « ordinaire » et aux droits des femmes. J'espère que votre assemblée me suivra dans quelques mois lorsque je défendrai devant vous un projet de loi sur ce sujet.

Ce projet de loi ne fait courir aucun risque à la liberté de presse en tant que telle. Nous avions commencé le travail avec la loi Perben. Monsieur Charon, il faudra sans doute attendre un peu avant d'ouvrir le chantier de la loi 1881.

Merci à la rapporteure et merci à toutes et tous de votre adhésion. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier demeure supprimé.

Article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par Mme N. Goulet.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les délits prévus par l'article 29, lorsqu'ils sont commis par un moyen de communication au public par voie électronique, le délai de prescription prévu par l'article 65 est porté à un an. »

Mme Nathalie Goulet.  - Amendement d'appel. L'injure et la diffamation de droit commun finissent par être moins bien traitées que celles qui font l'objet de ce texte.

Le régime des délais de prescription de l'action publique en vigueur dans la loi sur la liberté de la presse déroge au droit commun prévu dans le code de procédure pénale. Ce délai dérogatoire de trois mois par rapport au droit commun qui fixe la prescription en matière délictuelle à trois ans, avait été prévu par la loi sur la liberté de la presse de 1881 pour préserver la liberté de cette dernière mais, à l'heure d'internet, un délai aussi court équivaut presque à l'impunité. On est moins bien traité comme femme ou homme politique, par ailleurs ni homosexuel ni handicapé ni victime de racisme, que les autres victimes. D'où mon amendement qui aligne les délais de prescription.

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Très utile, mais il faudrait une loi consacrée aux limites d'internet.

La commission a donné un avis défavorable à cet amendement.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Même avis. Votre amendement changerait la nature du texte qui prolonge les délais de prescription en fonction du contenu et non du support. Une proposition de loi a été déposée pour allonger le délai de prescription sur internet, adoptée par votre assemblée en 2008 et déposée sur le Bureau de l'Assemblée nationale en 2012. Votre amendement s'inscrirait mieux dans le cadre de ce texte.

Mme Nathalie Goulet.  - Je l'ai voté. Mais quand un texte a mis quatre ans pour trouver le chemin du boulevard Saint-Germain, vous comprendrez que des personnes diffamées puissent marquer quelque impatience.

L'amendement n°1 est retiré.

L'article 2 est adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par Mme Ango Ela et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :

A. Au neuvième alinéa de l'article 24, au troisième alinéa de l'article 32 et au quatrième alinéa de l'article 33, après le mot : « orientation », les mots : « ou identité » sont supprimés et après le mot : » sexuelle », sont insérés les mots : «, de leur identité de genre » ;

B. Au premier alinéa de l'article 48-4, après le mot : « orientation », les mots : « ou identité » sont supprimés et après le mot : » sexuelle », sont insérés les mots : « ou l'identité de genre ».

Mme Kalliopi Ango Ela.  - La notion d'« identité sexuelle » a été retenue par l'article 4 de la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, notion qui risque d'exclure de son champ d'application plusieurs milliers de personnes en cours de transition, ou vivant durablement dans des situations transgenres, ou à qui l'État refuse un changement d'état civil.

Cet amendement a pour objet d'y substituer la notion d'« identité de genre » qui recouvre davantage la réalité et la diversité des situations des intéressés, et qui est retenue par divers textes internationaux auxquels la France est partie.

Le groupe écologiste réaffirme son engagement aux côtés des personnes trans. Je sais, madame la ministre, que vous le partagez, ainsi que nos collègues de la majorité. Vous avez déclaré que ce débat vous passionne. L'occasion de le poursuivre est-elle venue ?

Je sais que la Commission nationale consultative des droits de l'homme a été saisie : où en est la procédure ?

L'identité de genre est reconnue en Europe et dans des accords internationaux. Cet amendement est suivi de deux amendements de coordination.

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - En tant que chercheur en sciences humaines, je suis d'accord sur l'utilisation du mot transgenre. Mais la commission a donné un avis défavorable. Les personnes transsexuelles sont protégées par les dispositions du droit pénal relatives à l'identité sexuelle.

Mme Taubira et la ministre ont indiqué, dans leur lettre en janvier, qu'elles demandaient des éclaircissements sur la terminologie à employer. Nous aurons l'occasion de changer de vocabulaire afin qu'il entre dans les mentalités et que les juges puissent le comprendre. Transgender a été mal traduit pas transgenre en français, notre langue conférant au mot « genre » des connotations qui n'existent pas en anglais où il renvoie clairement au sexe.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Merci pour votre amendement, qui démontre votre vigilance : nous la partageons. Dès août 2012, nous avons tenu, avec la garde des sceaux, à inscrire la transphobie dans les motifs de discrimination liés au genre. Nous réfléchissons aux dispositions législatives de nature à renforcer la protection des personnes en transition.

Je concède que la France est partie à des textes internationaux qui emploient la notion d'identité de genre, également utilisée par les chercheurs et universitaires.

Notre droit reconnaît la notion d'identité sexuelle. La circulaire que vous avez évoquée est très claire sur la reconnaissance de la transphobie.

Nous avons saisi la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) qui rendra, avant l'été, son avis. En l'attendant, je vous demande de retirer votre amendement.

Mme Kalliopi Ango Ela.  - Je le retire, en attendant des jours plus favorables.

L'amendement n°3 est retiré, ainsi que l'amendement de coordination n°4

M. Jean-Pierre Michel.  - Un groupe de travail, mené par Mme Blondin et Meunier, est saisi de ces questions. La jurisprudence a longtemps été très erratique. Au-delà de la transphobie, il faut régler la question du statut de ces personnes qui souhaitent changer d'état civil.

L'Europe, c'est aussi, heureusement le Conseil de l'Europe et non pas seulement l'Union européenne. Je vous invite à regarder ses travaux et recommandations, qui pourraient être utilement repris.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Je connais et salue la contribution qu'apporte M. Michel - il a eu la modestie de ne pas le mentionner - aux travaux du Conseil de l'Europe.

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par Mme N. Goulet.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Tout numéro identifiant le titulaire d'un accès à des services de communication au public en ligne ne constitue pas une donnée à caractère personnel au sens du présent alinéa. »

Mme Nathalie Goulet.  - Il s'agit de la prescription. La cour d'appel de Paris a estimé que l'adresse IP ne pouvait pas être considérée comme une donnée personnelle notamment dans un arrêt en date du 15 mai 2007, où elle a considéré que « cette série de chiffres [ne constituait] en rien une donnée indirectement nominative à la personne dans la mesure où elle ne se rapporte qu'à une machine, et non à l'individu ».

L'objet du présent amendement, en excluant l'adresse IP du champ des données à caractère personnel, est de rendre plus facile l'indentification de l'auteur présumé d'une infraction d'injure ou de diffamation réalisées par un moyen de communication au public par voie électronique, et, ce faisant, le point de départ des poursuites. Cet amendement n'est pas un cavalier. Il est utile. Quel que soit son destin, la commission des lois l'ayant rejeté, je le maintiendrai. Nous avons une navette. Nous en rediscuterons.

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - En principe, je serais d'accord, mais pas dans ce cadre. En même temps, je suis pour que l'IP reste une donnée à caractère personnel. Internet est aussi un espace de liberté. Nous en discuterons dans le cadre d'une vraie concertation sur les limites à lui apporter. La commission a donné un avis défavorable.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Même avis. Cela mérite un débat approfondi. Nous sommes au-delà du champ de la proposition de loi. Réfléchissons aux moyens de ne pas faire d'internet, espace de liberté, une zone de non-droit. Les réponses techniques et juridiques existent, pour réprimer la diffamation. Veillons au respect des équilibres établis par la loi informatique et libertés.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Je voterai comme la commission. Comment pourrait-il en être autrement ? Dans le futur débat que nous aurons là-dessus, je mettrai en avant un principe : puisque des propos sont publics sur un site internet, il doit exister l'équivalent du directeur de la publication d'un journal, responsable nommément désigné.

Mme Nathalie Goulet.  - Il est évident que je serai battue, je m'explique donc avant de retirer mon amendement. Comment voulez-vous identifier l'auteur de l'infraction dans le délai de prescription si vous n'avez pas l'adresse IP ? Pour déposer une plainte contre X, il faut attendre l'ouverture d'une instruction, puis la consignation chez le juge d'instruction. C'est impossible d'aller au bout en moins d'un an !

Le texte concerne à la fois les supports électroniques et les supports papier. Vous ne toucherez que les journaux, et encore, faudrait-il qu'ils ne soient pas en grève, malgré les dizaines de millions que l'on dépense pour eux, soi-disant pour qu'ils se modernisent. Vous allez donner un coup d'épée dans l'eau parce que le travail aura été fait à moitié.

M. Jean-Yves Leconte.  - Je comprends vos préoccupations. Mais il peut y avoir les aléas qui rendent difficile l'identification. La loi doit être plus générale, pour ne pas courir systématiquement après la technique. On peut truquer l'IP. Ce que vous proposez n'est pas une solution miracle.

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Le parquet peut enquêter...

L'amendement n°2 est retiré.

L'article 3 est adopté.

Mme la présidente.  - Je vais mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

Mme Nathalie Goulet.  - Évidemment, nous la voterons. Je veillerai au respect des engagements de Mme la ministre et du président de la commission des lois, dont nous savons qu'il tient toujours ses promesses.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Absolument !

L'ensemble de la proposition de loi est adopté.

Mme la présidente.  - C'est l'unanimité ! (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Je vous remercie pour ce grand pas que nous venons d'accomplir, même s'il reste des interrogations.

Mme Esther Benbassa, rapporteure.  - Moi de même.

La séance, suspendue à 18 h 35, reprend à 18 h 40.

Conventions fiscales avec Aruba et Oman (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du royaume des Pays-Bas pour ce qui est d'Aruba relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale, et du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Sultanat d'Oman en vue d'éviter les doubles impositions.

Il a été décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

M. Pascal Canfin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement .  - La lutte contre la fraude fiscale est une priorité du Gouvernement. Je sais que vous êtes très impliqués sur ces questions. Je me réjouis de l'adoption hier en commission à l'Assemblée nationale d'un amendement à la loi bancaire qui fait progresser la transparence.

Depuis mars 2009, la France a signé 142 accords de coopération fiscale, ce qui fait d'elle l'un des pays les plus entreprenants dans l'action internationale pour la transparence fiscale.

Il en va ainsi pour Aruba, au large du Venezuela, et pour Oman. Ces accords prévoient la levée du secret bancaire. Ils sont conformes aux modèles de conventions élaborées par l'OCDE. Certes, les standards internationaux peuvent être améliorés, mais c'est un premier pas.

Aruba s'est conformée aux standards internationaux de transparence fiscale, ce qui justifie sa sortie de la liste grise. Si le sultanat d'Oman n'a pas été évalué par le Forum, il n'a pas non plus été identifié comme présentant un risque particulier. Les accords devront être appliqués. Ils s'inscrivent dans le cadre d'un objectif global en faveur de la transparence fiscale. Au-delà des listes noire et grise établies par l'OCDE, la liste française des États non coopératifs constitue un levier supplémentaire. La France est en mesure de soumettre ceux-ci à des sanctions fiscales lourdes qui auraient des conséquences pour les entreprises.

L'application de ces accords sera suivie avec la plus grande attention par le Gouvernement et les services de l'État.

Mme Michèle André, rapporteure de la commission des finances .  - L'accord entre la France et les Pays-Bas et l'accord franco-omanais renforcent la transparence fiscale en mettant en place un objectif d'échange de renseignements fiscaux conforme aux standards internationaux. L'économie d'Aruba, 100 000 habitants, repose essentiellement sur le tourisme et le pétrole. Nos échanges sont déficitaires. Aucune entreprise française n'y est installée.

L'accord-cadre élaboré en 2002 par l'OCDE est un instrument traditionnel. Aruba figurait sur la liste grise. La France a proposé à ce type de territoires de signer un accord. Des garanties supplémentaires de transparence ont été apportées. Aruba a été retirée de la liste grise dès septembre 2009. Les faiblesses identifiées par le Forum mondial ne remettent pas en cause sa capacité normative, dont tient compte votre coopération. Certaines dispositions de l'accord vont au-delà du modèle OCDE.

Une convention fiscale avait déjà été conclue avec Oman en 1989. Il s'agit ici de ratifier un avenant. L'économie du Sultanat repose sur l'exploitation des hydrocarbures. L'exploitation française y est modeste, le Sultanat n'est pas membre du Forum mondial. Cette absence d'évaluation devra nous conduire à être particulièrement attentifs à la mise en oeuvre de cet accord. Il convient de renforcer la transparence fiscale entre nos deux pays. La rédaction de la clause d'échange de renseignements est plus stricte que celle du modèle de l'OCDE.

La modification du régime de taxation introduite par l'avenant ne réduit en rien la transparence fiscale entre nos deux pays. Oman ne dispose pas d'un centre financier d'envergure. Même si l'impôt sur le revenu des particuliers n'y existe pas et si le taux de l'impôt sur les sociétés est de 12 %, Oman n'a pas été identifié comme un territoire à risque par le Forum mondial. Il conviendra néanmoins d'être attentif à l'application de cet avenant.

La commission vous propose d'adopter ces deux textes.

M. Michel Billout .  - Ce n'est pas la première fois que nous nous intéressons à ce type de conventions fiscales ou d'avenants. Depuis que notre groupe a pris l'initiative d'une commission d'enquête sur l'évasion et la fraude fiscales, le Sénat est particulièrement vigilant. La fraude fiscale est source de difficultés financières majeures pour les États et de souffrances pour les populations. Évaluée à 40 milliards par le Conseil des prélèvements obligatoires et à 50 milliards par les organisations syndicales de Bercy, elle prive la France du respect de la fameuse norme de 3 % du PIB.

Aruba est une île de 100 000 habitants, vous l'avez rappelé, partie des Antilles néerlandaises, avec lesquelles nos relations commerciales sont limitées. C'est une entité démocratique, inspirée du modèle hollandais. Le droit fiscal néerlandais est bienveillant à l'égard des entreprises et singulièrement des holdings.

Le Sultanat d'Oman est une monarchie absolue, située dans le stratégique détroit d'Ormuz, dirigée depuis plus de 40 ans par le sultan Qabous, dont la famille règne depuis le temps de Louis XV. Les membres des deux assemblées sont désignés par le sultan ou élus avec son accord. On ne peut donc pas dire qu'Oman serait un État démocratique à proprement parler.

On suppose que la présente convention fiscale pourra s'appliquer, quand bien même le sultanat ignore l'impôt sur le revenu et les droits de mutation et minore le taux de l'impôt sur les sociétés. Il nous vend des hydrocarbures et nous lui vendons notamment des Airbus. Oman prépare l'après-pétrole avec ses fonds souverains, qui disposent de 24 milliards d'euros d'actifs, soit presque autant que notre fonds stratégique d'investissement.

La crise de 2008 a secoué le monde. Nombre d'organisations non gouvernementales s'interrogent sur la multiplication des conventions passées. Le groupe CRC souhaite l'organisation d'un débat sur les effets réels de notre politique de coopération et de transparence fiscale. Il pourrait être préparé en se fondant sur les documents fournis par Bercy.

M. Yvon Collin .  - Depuis le G20 de Londres, qui a fait de la lutte contre les paradis fiscaux une priorité, les conventions fiscales se sont multipliées mais la lutte contre la fraude et l'évasion en sont-elles renforcées ? Beaucoup reste à faire. Un rapport récent évalue à 40 millions d'euros les pertes imputables à la seule fraude fiscale. Il est difficile d'établir les chiffres avec certitude, mais l'ordre de grandeur impressionne.

Les travaux de notre commission des finances et de la commission d'enquête du Sénat ont mis en relief ce qu'étaient certains montages destinés à échapper à la contribution publique. Si nous nous montrons incapables d'adapter notre système fiscal, nous ne mettrons jamais fin à l'optimisation. Je me réjouis que ces deux accords aillent plus loin que les standards de l'OCDE. Aruba est sortie de la liste grise et a conclu depuis des accords avec de nombreux pays. Cet accord, symbolique, ne pose pas de problèmes majeurs, mais on peut s'interroger sur son utilité.

Le sultanat d'Oman n'est pas membre du Forum mondial et est toujours susceptible d'être porté sur la liste des États non coopératifs. Reste que l'on ne peut désapprouver le renforcement de la transparence. Le groupe RDSE votera donc ces textes.

Mme Kalliopi Ango Ela .  - La lutte contre les paradis fiscaux n'est devenue un sujet de préoccupation de premier plan qu'en 2009, à la suite de la crise. Ce n'est pas anodin. Élue des Français de l'étranger, je déplore que l'inconduite de certaines personnalités porte préjudice aux expatriés, dont les choix de vie n'ont rien à voir avec des considérations fiscales. Si certains petits États posent problème, c'est qu'ils sont la proie des multinationales et de particuliers parmi les plus fortunés. Les banques ont une responsabilité particulière et l'on peut se féliciter qu'hier, la commission des finances de l'Assemblée nationale ait adopté un amendement qui fait progresser la transparence. Et je ne doute pas que les députés, en séance, aillent plus loin encore, en imposant aux banques d'indiquer les montants des transactions qu'elles réalisent pays par pays. Les conventions bilatérales peuvent être un outil utile, dès lors que l'on s'assure que leur application est effective, et qu'il ne s'agit pas seulement d'accorder un blanc-seing au développement des relations commerciales.

Aruba semble témoigner d'une certaine bonne volonté. Rien ne s'oppose à la ratification de sa convention. Il n'en va pas de même pour Oman : la convention qui nous lie ne comprend aucune clause d'échange d'informations mais peut-on signer un nouvel accord avec un État qui n'est toujours pas membre du Forum mondial ? La ratification de cette convention aura pour conséquence, ne l'oublions pas, de sortir Oman de la liste des paradis fiscaux.

En dépit de ces réserves, le groupe écologiste votera ce texte, tout en appelant à la plus grande vigilance. Les parlementaires pourront, pour ce faire, s'appuyer sur le rapport annuel annexé à la loi de finances. Lequel fait par exemple apparaître que le Luxembourg et la Suisse ne répondent qu'à la moitié des clauses de coopération passées et la Belgique pas du tout. Comment tolérer qu'une part importante de l'évasion fiscale que nous subissons se fasse avec des pays limitrophes, membres pour la plupart de l'Union européenne ?

M. Pascal Canfin, ministre délégué .  - Beaucoup reste à faire pour lutter contre les paradis fiscaux, je vous l'accorde. La négociation avec Oman a eu lieu en 2012. La France n'a pas demandé l'inscription au Forum mondial, mais elle pourrait, si un risque particulier était identifié, l'inscrire sur la liste des États non coopératifs.

Il faut encore améliorer, au niveau de l'OCDE, les conventions, en tirant le bilan de l'expérience. Vous avez relevé que les États non coopératifs n'ont pas tous des noms exotiques : la lutte contre la fraude passe aussi par la coopération européenne. C'est pourquoi nous sommes en pointe dans la renégociation de la directive sur l'épargne.

Intervention sur l'ensemble

M. René Beaumont .  - La convention avec Oman s'inscrit dans une longue lignée d'accords destinés à éviter les doubles impositions et la fraude. Nous devons au président Sarkozy d'avoir engagé avec détermination la lutte contre la fraude fiscale.

Le groupe UMP ne peut qu'approuver le renforcement de la transparence entre la France et Oman. La convention avec Aruba va aussi dans le sens d'une plus grande transparence. Les progrès de cette île hollandaise sont incontestables. La convention ne peut que contribuer à les favoriser.

Le groupe UMP votera ces deux textes.

L'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume des Pays-Bas pour ce qui est d'Aruba relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale est adopté.

L'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Sultanat d'Oman en vue d'éviter les doubles impositions est adopté.

Prochaine séance lundi 11 février 2013, à 16 heures.

La séance est levée à 19 h 25.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du lundi 11 février 2013

Séance publique

A 16 HEURES ET LE SOIR

- Projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports (Procédure accélérée) (n° 260, 2012-2013)

Rapport de M. Roland Ries, fait au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, compétente en matière d'impact environnemental de la politique énergétique (n° 338, 2012-2013)

Résultats des travaux de la commission (n339, 2012-2013)

Avis de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, fait au nom de la commission des finances (n° 334, 2012-2013)