Vote blanc

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à reconnaître le vote blanc aux élections (demande du groupe UDI-UC).

Discussion générale

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Reconnaître le vote blanc est une démarche d'importance car elle est intimement liée à l'exercice de la démocratie représentative. La question n'est pas nouvelle, loin s'en faut. Associations et citoyens la portent depuis des années et pas moins de 69 % des Français y seraient favorables.

Dans les années 1960, le politologue Alain Lancelot estimait que le vote blanc était un acte intentionnel et politisé. Depuis la fin des années 1980, ce vote, qui se situait alors entre 1 % et 2 % a crû : il oscillerait entre 4,4 % et 6,5 %. Selon les spécialistes, cela en fait une forme d'abstention participative ou civique.

Le vote blanc plonge ses racines dans notre histoire institutionnelle. Il fut autorisé par la loi du 18 ventôse an VI, mais sa reconnaissance débattue seulement en 2003 bien que les plus anciennes propositions de loi en sa faveur remontent à 1880.

La France est loin d'être le seul pays à ne pas reconnaître le vote blanc. Seuls trois pays font exception en Europe : la Suisse, mais seulement au premier tour des élections au scrutin majoritaire ; l'Espagne, qui le reconnaît valide pour tous les scrutins mais refuse de le traduire en sièges ; la Suède, enfin, mais seulement pour certains scrutins.

La question du vote blanc est souvent liée à celle du vote obligatoire, qui n'est pas complètement étrangère à notre tradition -voir l'élection des sénateurs. Mais les exemples étrangers ne sont pas si convaincants ; il reste toujours un taux d'abstention incompressible de 5 % à 15 % selon les scrutins.

Le vote blanc ne reflète pas l'indécision de l'électeur ou son indifférence, non plus qu'il se confonde avec le vote nul. Doté d'une valeur contestataire, il heurte la conception traditionnelle du suffrage : participer à la prise de décision et sélectionner les responsables publics. Que faire ? Faut-il considérer ce vote comme un exutoire civique ? Ou comme une expression protestataire dangereuse pour notre démocratie participative ? En commission, Alain Richard a estimé justement que cette proposition de loi « coupera les pattes à ceux qui veulent délégitimer la démocratie représentative ».

Ce texte organise la reconnaissance du vote blanc aux élections. Il n'intègre pas les votes blancs dans les suffrages exprimés, le Sénat y souscrit comme l'Assemblée nationale, qui l'a adopté à l'unanimité. Cet écueil est à éviter quand l'article 7 de la Constitution dispose que le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés -si les votes blancs étaient intégrés, le chef de l'État ne serait plus élu qu'à la majorité relative et sa légitimité s'en trouverait affaiblie. Cela compliquera également la tenue des référendums -chacun se souvient des conditions de ceux organisés en 1969 et en 2005- puisque les votes blancs vaudraient pour autant de « non ». Ce n'est pas un cas d'école : le taux de votes blancs était de 16 % lors du référendum sur l'instauration du quinquennat. Les mêmes complications sont à prévoir pour les élections locales et celles qui se déroulent à la proportionnelle, ne serait-ce que parce qu'il faudrait revoir différents seuils. Et le vote blanc ne saurait conduire à l'attribution de sièges à une liste qui n'existe pas...

Le Gouvernement est contre la mise à disposition de bulletins blancs dans les bureaux de vote.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Moi aussi !

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - Une telle mesure mérite, à tout le moins, une évaluation à l'heure où l'on cherche tant à économiser le papier. Il s'agirait, en outre, d'une dépense nouvelle qui tomberait sous le couperet de l'article 40 de la Constitution ; Mme Cukierman l'a relevé.

Le Gouvernement souhaite donc qu'on en reste à l'équilibre trouvé à l'Assemblée nationale. Il compte sur la tradition de pondération, de mesure et de sagesse de la Haute assemblée. (Applaudissements)

M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois .  - Quelque vingt-six propositions de loi devant l'Assemblée nationale depuis vingt ans, cinq depuis dix ans au Sénat sur le vote blanc... Certaines associations en ont fait leur cause de manière militante, voire virulente. Voilà les conditions dans lesquelles a été adoptée à l'unanimité la proposition de loi Sauvadet à l'Assemblée nationale, le 22 novembre 2012.

L'article L. 66 du code électoral ne distingue pas dans les résultats du dépouillement les bulletins blancs et les bulletins nuls. Règle constante depuis que la Monarchie de juillet, en 1839, est revenue sur la reconnaissance du vote blanc en 1798 -le 18 ventôse, an VI.

Cette proposition de loi est limitée dans son objet. Son article premier, le plus important, d'où tout découle, prévoit un décompte séparé des votes blancs et nuls. L'Assemblée nationale, par un amendement du rapporteur, a prévu qu'une enveloppe vide valait vote blanc. Ce dernier, contrairement au vote nul qui relève d'une erreur matérielle ou d'une volonté de faire exploser le système, est le fait d'électeurs politisés. Certains affirment qu'il n'y a là que sémantique ; à voir... En toute hypothèse, ce texte rendra justice aux électeurs qui font l'acte positif de se déplacer au bureau de vote, même si l'offre politique ne leur convient pas. Je vois à ce décompte du vote blanc un grand avantage : nous pourrons enfin évaluer le phénomène plutôt que de spéculer, cela évitera certaines instrumentalisations.

Notre commission a longuement débattu de l'éventuelle reconnaissance du vote blanc dans les suffrages exprimés, avant de se prononcer contre de façon transpartisane. L'Assemblée a réussi à trouver un compromis après les efforts conjoints de son rapporteur et du groupe socialiste, je souhaite le sauvegarder. Notons qu'une telle reconnaissance aurait peut-être empêché l'élection de M. Chirac en 1995 et de M. Hollande en 2012. Certes, mais l'élection présidentielle relève de la loi organique. Même démonstration pour les référendums, où voter blanc équivaudrait à voter non : locaux, ils dépendent de la loi organique ; nationaux -aussi bizarre que cela puisse paraître-, du Règlement. Reste que nous introduirions une confusion dans l'esprit des électeurs : le vote blanc n'aurait des incidences que sur certaines élections.

En outre, ses effets devraient être pris en compte sur toutes les règles électorales liées au seuil de suffrages exprimés : le remboursement forfaitaire des frais de campagne, le droit d'accéder au second tour, l'autorisation de fusionner deux listes, et j'en passe...

En réalité, ce débat nous renvoie à la définition même du vote. Un député de la Monarchie de juillet disait : « un billet blanc, 1 000 billets blancs, 10 000 billets blancs ne sauraient faire un parlementaire » ; et la loi veut faire un parlementaire. Nous faisons nôtre sa maxime.

Si nous approuvons le texte de l'Assemblée nationale, la commission, à l'initiative de M. Cointat, a décidé de ne pas considérer une enveloppe vide comme un bulletin blanc.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - A l'unanimité !

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Un point reste en débat : faut-il mettre des bulletins blancs à disposition dans les bureaux de vote et les envoyer aux électeurs ? (Applaudissements)

M. François Fortassin .  - Nos collègues du groupe UDI-UC nous invitent à une réflexion sur le sens du suffrage. Le vote blanc, autorisé en 1798, connut un destin singulier et chaotique jusqu'à la loi de 1913 qui l'a assimilé au vote nul, une loi importante dans l'histoire de République puisqu'elle a garanti la confidentialité du vote. La proposition de loi est bienvenue mais elle ne va pas assez loin à nos yeux.

Le populisme et la démagogie, qui gagnent du terrain en temps de crise, nous le savons, affaiblissent la légitimité des institutions et, par ricochet, l'action politique. Le vote blanc implique un geste positif, un déplacement au bureau de vote. La démocratie est le pire des systèmes à l'exception de tous les autres, disait Churchill.

Pour mon groupe, qui ne méconnaît pas les contraintes juridiques, il aurait fallu aller au bout de la logique en intégrant les votes blancs dans les suffrages exprimés. Nous avons finalement renoncé à déposer un amendement, considérant que ce texte constituait une première étape. Nous regrettons également que la commission n'ait pu se mettre d'accord sur les modalités de mise à disposition de bulletins blancs dans les bureaux de vote.

Le chantier est vaste et passionnant, poursuivons la réflexion sur le sens du vote. En attendant, si un scrutin public est organisé sur ce vote, le groupe du RDSE s'abstiendra de déposer un bulletin blanc. (Sourires et applaudissements)

Mme Hélène Lipietz .  - Pourquoi blanc, ce vote ? Il aurait pu être vert, rose, bleu ou encore arc-en-ciel... Car, en fait, il s'agit de reconnaître le vote non nominatif. Quand l'abstention marque un désintérêt, quand le vote nul est le résultat d'une erreur ou d'un rejet du système, le vote blanc traduit une volonté de participer sans trouver l'offre politique satisfaisante. Faut-il citer les propos amènes du marquis de l'Estourbeillon sur le vote, jugeant qu'un vote non assisté pouvait devenir un vote débridé et évoquant « la foule d'individus abandonnés à leurs passions, à leurs vices et à leur vulgarité » ? Sans parler des femmes, auxquelles on a nié le droit de vote parce qu'elles ne savaient pas penser... Lors de certains de nos débats, on pourrait croire que ces idées ont encore cours...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, et M. François Zocchetto, rapporteur.  - Oh !

Mme Hélène Lipietz.  - Les écologistes, trente ans après la proposition de loi du socialiste René Chazelle, invitent leurs collègues à renouveler leur foi dans les électeurs. L'opinion de ceux qui ne veulent pas choisir doit être reconnue. Le groupe de rap Sexion d'Assaut chante « Qu'est-ce qu'on fait devant Nico et Marine ? Rien ». Quant à l'argument selon lequel l'intégration dans les suffrages exprimés conduirait à une impasse, un pays comme la Colombie y a répondu.

Le suffrage est indépendant depuis cent ans, universel depuis 1944. Il nous appartient d'inclure les votes blancs dans les suffrages exprimés ! (M. André Gattolin applaudit)

M. Pierre Charon .  - L'examen de ce texte nous impose une réflexion méthodique. Quelle définition donner du vote blanc ? Comment en identifier la signification ? Quelle place lui accorder dans notre code électoral au regard de deux principes constitutionnels, l'expression pluraliste des opinions et l'élection à la majorité des suffrages exprimés des élus de la République ?

Au gré de l'histoire, le législateur s'est toujours confronté à cette question. Pourquoi ce désir de reconnaissance du vote blanc ? Il augmente à mesure de l'insatisfaction vis-à-vis de la classe politique dans une société qui doute d'elle-même, une insatisfaction qui recouvre deux messages : je ne crois pas à la sincérité de l'offre politique, cette offre ne me convient pas. Le temps est venu de garantir la pluralité politique en écoutant le message politique que nous adressent ceux qui déposent un bulletin blanc dans l'urne.

Comment matérialiser cette reconnaissance du vote blanc ? D'abord en le différenciant, dans le décompte des voix, du vote nul. Ce dernier peut s'expliquer par une erreur matérielle ou par la volonté de ne pas se soumettre aux règles démocratiques. Si le vote blanc traduit une volonté politique, il faut en préciser la définition.

Reste la question de son intégration dans les suffrages exprimés, dont il faut prendre le temps de mesurer toutes les implications. La fiction de la majorité absolue commence à s'effriter, le vote blanc est le thermomètre de la démocratie, non une fantaisie des électeurs. M. François Hollande devrait peut-être faire preuve de plus d'humilité, sachant que son score n'a été que de 48 % si l'on tient compte du vote blanc. Ce qui ne retire rien à la légitimité de l'élection mais pourrait inciter la majorité à davantage de finesse dans l'exercice du pouvoir...

Il faut à coup sûr faire la différence entre celui qui reste au lit le dimanche matin et l'électeur qui se déplace jusqu'au bureau de vote. Le groupe UMP votera ce texte, qui n'est qu'un premier pas. (Applaudissements au centre et à droite. M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, applaudissent aussi)

M. Jean-Yves Leconte .  - Chacun doit avoir le droit de s'exprimer sur les sujets qui le concerne. Tous les hommes, puis les femmes, les jeunes, les ressortissants communautaires jouissent du droit de vote ; nous parachèverions cette oeuvre en votant la proposition de loi sur le vote des étrangers aux élections locales adoptée il y a un an au Sénat. L'abstention, le refus d'exprimer un vote progressent. Pour lutter contre la défiance, il importe d'abord que notre action politique soit en harmonie avec nos engagements ; ensuite que nous soyons capables de nous fixer des objectifs et de dire comment nous comptons les atteindre.

Le présent texte permet de comptabiliser les votes blancs sans toutefois les intégrer dans les suffrages exprimés ; cette solution ne modifie pas nos équilibres institutionnels. Voter blanc, ce n'est ni de l'abstention ni de l'indifférence.

Sénateur des Français de l'étranger, je le sais bien pour voir les électeurs parcourir parfois des milliers de kilomètres pour voter : quatre fois en 2012, deux fois pour les présidentielles et deux fois pour les législatives -pour lesquelles seul le vote électronique est possible. Alors oui, reconnaissons le vote blanc mais gardons-nous de la tentation de normer la contestation et de celle de dénaturer le sens du vote. La réalité est que le vote blanc équivaut au vote nul, les deux reviennent à refuser de choisir. Finalement, c'est blanc bonnet et bonnet blanc, disait Jacques Duclos.

Mme Cécile Cukierman.  - A une autre époque et dans un tout autre contexte...

M. Jean-Yves Leconte.  - Le vote blanc est lié au vote obligatoire. S'agit-il de normer l'insatisfaction, de faire rentrer les rebelles dans la même case ? N'est-ce pas plutôt aux responsables politiques, aux citoyens d'interpréter au mieux une situation politique pour y répondre ?

Les pics de votes blancs et nuls atteignent des sommets lors des référendums. Voilà qui relativise nos débats de ce matin sur l'article 11 de la Constitution et le référendum d'initiative populaire. Faut-il voir dans le vote blanc un signe d'attachement à la démocratie représentative ?

Attention à ne pas aller trop loin : si la dictature biélorusse s'est renforcée, c'est parce que le vote au Parlement a été bloqué par ce type de système. Voter, ce n'est pas exprimer un sentiment mais faire un choix.

Certes, l'effort essentiel de ceux qui se déplacent mérite que leur vote soit comptabilisé. Nous adopterons donc le texte de la commission des lois. (Applaudissements)

Mme Cécile Cukierman .  - Sur la reconnaissance du vote blanc, je tiens à traiter du fond de la question, récurrente en France. En témoigne la multiplication des propositions de loi sur le sujet, dont aucune n'a encore abouti. Celle-ci poursuit son chemin parlementaire. A l'Assemblée nationale, deux nouvelles revendications se sont fait entendre : la comptabilisation des bulletins blancs et nuls séparément ; la prise en compte des bulletins blancs parmi les suffrages exprimés.

Le vote blanc est le plus souvent perçu comme un acte raisonné. Mais on interprète peut-être trop rationnellement la tendance à voter nul, blanc ou à s'abstenir, comme cela apparaît lorsqu'on discute avec les électeurs qui se sont ainsi exprimés. Cela dit, le développement des machines à voter renforce la spécificité du vote blanc. Ce vote concrétise un acte intentionnel, soit, mais il peut aussi être lu comme une opposition, une protestation ou l'expression d'une difficulté à choisir, en tout cas pas comme une simple indifférence au scrutin. Se rendre dans un bureau de vote pour y glisser un bulletin blanc dans l'urne marque un attachement à l'acte de voter mais pas à celui de choisir.

La consécration est-elle un remède à l'abstention ? En est-on sûr ? Ce n'est sans doute pas « la » réponse à la crise de la représentation politique. Lutter contre la défiance à l'égard de nos institutions suppose de les moderniser, avec l'établissement du vote à la proportionnelle et une réforme profonde de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il faut adopter notre Constitution pour répondre aux aspirations démocratiques du XXIe siècle. La reconnaissance du vote blanc n'est qu'un moyen de lutter contre l'abstention. Il nous faudra poursuivre la réflexion.

L'ampleur des réformes à mener ne doit tout de même pas écarter cette réforme modeste, que nous voterons. (Applaudissements à gauche)

M. Yves Détraigne .  - Je défends d'autant plus facilement ce texte que j'en ai déposé un semblable il y a quelques années. Cela peut apparaître comme un gadget mais, à l'heure où l'abstention croît, il est important d'encourager l'accès de nos concitoyens aux urnes, même si le choix qui leur est proposé ne leur convient pas. Rayer un bulletin, y dessiner une caricature, c'est tourner le vote en dérision. Voter blanc, c'est refuser une alternative binaire ou un choix qui ne convient pas. Ici, nous disposons de trois bulletins : favorable, défavorable et un troisième, quoique de couleur rouge, qui correspond au vote blanc.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - C'est l'abstention qui ne compte pas dans les suffrages exprimés.

M. Yves Détraigne.  - Soit. J'ai cosigné l'amendement de M. Cointat qui prévoit la mise à disposition de bulletins blancs dans les bureaux de vote.

Reste la question des suffrages exprimés. Je pense que les bulletins blancs ne manifestent pas un rejet, comme les bulletins nuls. S'il s'agit de faire revenir les électeurs dans les isoloirs, nous ferons oeuvre utile.

J'entends bien le risque de voir les bulletins blancs devenir plus nombreux et affaiblir la légitimité des élus. Le danger de les voir devenir majoritaires me paraît très ténu. L'usage des machines à voter en fait la preuve. Ces machines comportent une touche spécifique pour les votes blancs et, que je sache, les résultats ne sont pas sensiblement différents que ceux dans les autres communes de la circonscription où l'on n'utilise pas ces machines. A titre personnel, monsieur le ministre, je regrette que l'on n'encourage pas plus le vote électronique dans notre pays.

A Issy-les-Moulineaux, à Épernay, l'utilisation des machines à voter, qui a perduré, ne pose aucun problème, y compris aux personnes âgées.

Au moment où l'on envisage de fermer tous les bureaux à 20 heures, il faut rouvrir ce débat. Quelle est l'opinion du Gouvernement, monsieur le ministre ?

Le groupe UDI-UC approuve cette proposition de loi. (Applaudissements)

M. Alain Vidalies, ministre délégué .  - Notre débat fut de qualité, il augure d'un vote unanime.

Monsieur le rapporteur, vous avez posé la question de la comptabilisation des bulletins blancs comme suffrages exprimés. La distinction entre votes blancs et nuls facilitera déjà la lecture des résultats électoraux.

M. Fortassin regrette que cette proposition de loi n'aille pas plus loin. C'est un débat de fond sur notre conception de la démocratie représentative. Le choix du second tour de l'élection présidentielle entre deux candidats est lié à la légitimité essentielle et incontestable, souhaitée par notre Constitution, du choix de la personnalité élue. Si l'on s'en écarte, l'on sort du cadre.

Au Sénat, la règle de n'avoir que deux candidats au second tour aux élections locales a aussi été débattue en commission. Un peur de cohérence !

Madame Lipietz, oui, l'électeur est libre. Ne nous trompons pas de débat : personne ici ne remet en cause l'existence du vote blanc.

Monsieur Charon, vous avez raison : il y a dans le vote blanc un message politique qui n'est ni plus fort ni moins fort que celui adressé par un électeur qui choisit un candidat...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Mais il est moins clair !

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - ...mais, le plus souvent, c'est le perdant qui relève l'importance du vote blanc.

La tentation est grande. Mais, franchement, invoquer le vote blanc ne sert à rien. Court-on le risque d'affaiblir le résultat d'une élection ? Cela pose le problème de la démocratie représentative. Il doit y avoir un consensus républicain : soyons prudents ! Les populistes en appellent à la démocratie directe. Les événements récents, dans un pays voisin, doivent nous faire réfléchir.

La légitimité que donne le suffrage universel est incomparable. Tout ce qui l'affaiblit ne va pas dans le bon sens.

Merci, monsieur Leconte, de votre soutien. Le vote blanc, ce n'est pas l'indifférence, nous en sommes d'accord. Il revêt une signification politique. Il adresse un message aux partis et aux candidats. Vous avez raison de rappeler qu'élire, c'est d'abord choisir et non exprimer un état d'âme.

Madame Cukierman, vous avez bien posé les termes du débat, mais il n'y a pas de lien entre le vote blanc et le mode de scrutin, les comparaisons internationales en attestent.

Monsieur Détraigne, naturellement, vous soutenez cette initiative. La reconnaissance du vote blanc ferait-elle revenir les abstentionnistes ? Voire... Dans les pays où il a été reconnu, cela n'empêche pas des gens se sentir hors du système.

Quant aux machines à voter, elles offrent un bon exemple. A Mimizan, dans ma circonscription on les utilise depuis très longtemps ; aucune amélioration de la participation n'a été constatée.

Distinguer le vote blanc du vote nul ne serait qu'un petit pas ? Il n'y a aucune raison de ne pas le franchir, surtout quand le consensus règne. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Très bien !

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme Lipietz.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le livre Ier du code électoral, il est ajouté un livre préliminaire ainsi rédigé :

« Livre préliminaire

« Décompte des suffrages

« Art. L. 1A. - Est un suffrage exprimé le vote par un bulletin nominatif ou par un bulletin blanc.

« Pour le second tour de l'élection présidentielle, est un suffrage exprimé le vote par un bulletin nominatif. »

Mme Hélène Lipietz.  - Imaginons qu'un jour, dans une élection, nous comptabilisions énormément de votes blancs. Qu'en ferait-on ? Rien. On le constatera, c'est tout, en se livrant à des élucubrations pour comprendre le sens du comportement du corps électoral.

Quoi qu'on en dise, le vote blanc remettra en cause la légitimité de l'élu. Tant qu'on ne le comptabilisera pas comme suffrage exprimé, l'électeur s'en donnera à coeur joie. Il faut lui dire : votez blanc, d'accord, mais sachez que ce ne sera pas sans conséquence !

L'article additionnel après l'article 4, proposé par M. Richard, peut être modifié pour reconnaître le vote blanc comme suffrage exprimé à partir de 2016 ou 2017... Allons jusqu'au bout de cette proposition de loi !

M. François Zocchetto, rapporteur.  - C'est une option qui est en contradiction totale avec celle que la commission a arrêtée au terme d'un débat approfondi. Défavorable.

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - Je ne reviens pas sur l'argumentation. Même avis.

L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par Mme Lipietz.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 1 du chapitre VI du titre Ier du livre Ier du code électoral est complétée par un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Une information sur les modalités du vote blanc est affichée à l'entrée du bureau de vote. »

Mme Hélène Lipietz.  - La publicité, l'affichage du détail des conditions de vote blanc sont nécessaires, et ce devant chaque bureau de vote, pour informer les citoyens.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - La commission partage votre souci d'information mais l'amendement ne relève pas du domaine législatif. Une circulaire y pourvoira. Retrait.

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - Oui. Cet amendement attire notre attention et relève effectivement de la partie réglementaire du code électoral, son article R. 56 précisément.

Mme Hélène Lipietz.  - Je le retire, mais que le Gouvernement n'oublie pas de modifier les panneaux électoraux en conséquence !

L'amendement n°2 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par MM. Cointat, Buffet, Détraigne, Fleming et Frassa, Mme Troendle et M. Vial.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article L. 58 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Des bulletins blancs sont mis à la disposition des électeurs dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État. »

M. Christian Cointat.  - Je n'étais pas partisan de la modification proposée mais j'ai été convaincu par les arguments que j'ai entendus, à condition de ne pas comptabiliser les votes blancs comme suffrages exprimés. Mais si nous le distinguons du vote nul, il faut le faire bien, sinon ce sera une loi de plus qui ne servira à rien.

M. René Garrec.  - Un trompe-l'oeil !

M. Christian Cointat.  - Pire, elle fera croire que nous faisons quelque chose ! Osons une comparaison : on a pris une disposition sur les sacs plastiques, grâce aux écologistes. Je suis de ceux qui oublient toujours de prendre mon sac. Reste que je peux faire mes courses car je peux acheter un sac sur place.

Il faut faire de même en fournissant des bulletins blancs parce que les gens n'en apporteront pas.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Ils le font aujourd'hui !

M. Christian Cointat.  - Ne les envoyons pas aux électeurs, pour ne pas encourager le vote blanc, mais mettons-les à leur disposition dans les bureaux de vote. La démocratie a un coût. S'il faut faire des économies, alors supprimons toutes les élections ! La fabrication des bulletins blancs sera peu couteuse puisqu'on les réutilisera aux différentes élections. Sans cela, cette proposition de loi ne sera que de la poudre aux yeux. (Mme Catherine Deroche applaudit)

Mme la présidente.  - Amendement identique n°5, présenté par Mme Lipietz.

Mme Hélène Lipietz.  - Faire des bulletins blancs n'est pas anti-écologique, comme l'ont affirmé certains en évoquant l'abattage des arbres pour fabriquer du papier : croyez-vous que les écologistes ne se soucient pas de la démocratie ? C'est vraiment se moquer du monde. Les électeurs doivent savoir qu'ils peuvent voter blanc en ayant des bulletins à leur disposition. Le coût en est infime. Au moins, il faut rappeler aux électeurs, par voie d'affiches, qu'ils doivent se munir d'un bulletin blanc : sinon, faute d'en avoir apporté, croyez-vous qu'ils reviendront voter après être retournés chez eux ?

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Comme toujours, l'apport de M. Cointat aux travaux de la commission est important ; nous l'avons suivi sur les enveloppes vides. J'ai envisagé moi aussi, dans un premier temps, qu'il y ait des bulletins blancs dans les bureaux de vote mais, après réflexion, j'y suis défavorable.

Je ne veux pas qu'il y ait égalité de traitement entre le vote blanc et le vote en faveur d'un candidat. Le vote est un processus décisionnel, de désignation. De même, à un référendum, il faut répondre par oui ou par non.

Cet amendement n'est pas dans l'esprit des auteurs de cette proposition, je m'en suis entretenu avec François Sauvadet.

Nous souhaitons connaître le vote blanc, le reconnaître, l'identifier et non l'encourager en plaçant des bulletins blancs dans les bureaux de vote. Une étude réalisée lors des élections régionales de 1998 le prouve : 27 % des électeurs déclaraient vouloir voter blanc si l'on mettait à leur disposition des bulletins dédiés, mais 5 % seulement l'avaient fait.

En outre, mettre à disposition 44 millions de petits papiers blancs, cela a un coût significatif.

J'ajoute enfin que MM. Hyest et Gélard ont finalement retiré leur signature de cet amendement n°1 rectifié ter.

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - Défavorable. Cette proposition, si elle était adoptée, poserait de sérieux problèmes. On ne connaît pas son impact financier mais il sera réel. L'amendement a échappé à l'article 40 ; la démocratie le mérite...

La rédaction proposée ignore l'article R. 34 du code électoral qui impose l'envoi des bulletins et des professions de foi aux électeurs. Souvent, les personnes âgées préfèrent mettre leur bulletin de vote dans leur poche en partant de chez elles. Vous ne souhaitez pas qu'on fasse de même pour les bulletins blancs à chaque consultation.

Qui se chargerait de l'impression de ces bulletins ? Pas les candidats, évidemment ; ce sera l'État, mais ce n'est pas simple.

Bref, pour des raisons pratiques et de coût, qui ne sont pas négligeables, nous n'y sommes pas favorables.

M. Jean-Yves Leconte.  - Dans un premier temps, la démarche de M. Cointat paraît d'une logique implacable, mais tenons-nous en à la bonne lisibilité du vote. En fournissant des bulletins blancs, on fera croire aux électeurs que leur vote pèsera sur les résultats...

M. Christian Cointat.  - C'est déjà le cas !

M. Jean-Yves Leconte.  - Non ! Les bulletins blancs seront décomptés mais ceux qui les auront déposés dans l'urne laisseront les autres électeurs décider.

Mme Catherine Procaccia.  - Ne pas prévoir de bulletins est de la tartufferie. Allez jusqu'au bout ou abstenez-vous !

Des solutions techniques, on en trouvera si on veut appliquer ce texte. (Applaudissements à droite ; Mme Hélène Lipietz applaudit aussi)

M. Christian Cointat.  - Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, il n'est pas question de faire de la publicité pour le vote blanc. C'est une faculté, non pas une obligation. Je préférerais qu'il n'y ait pas de loi. Mais si l'on veut que le vote blanc ait un sens, donnons-nous en les moyens. Sinon, nous risquons de gruger nos concitoyens. Faites attention car il y a des associations très actives !

Ce que nous a dit le rapporteur à propos des régionales de 1998 est gravissime. Ne nous voilons pas la face. Donnons aux citoyens les moyens de s'exprimer. Grâce à Nicolas Sarkozy, nous avons eu la question prioritaire de constitutionnalité. Il s'agit là de la même chose. La classe politique est mal vue par les citoyens. Si on ne leur donne pas de bulletins pour s'exprimer, on ne sera pas crédible !

« N'insulte pas le crocodile avant de traverser la rivière », dit le proverbe africain. Nous sommes en train d'insulter les citoyens alors que nous devons nous mêler à eux. Sans quoi, cette loi, je vous le dis, se retournera contre nous. (Applaudissements à droite, Mme Hélène Lipietz applaudit aussi)

M. André Gattolin.  - A partir du moment où l'on reconnaît le vote blanc, il faut une égalité de traitement absolu. Il y a des machines à voter dans 63 communes, pour deux millions d'électeurs. Elles comportent une touche « vote blanc ». Et l'on ne prévoirait pas de bulletin, c'est incohérent !

Le coût ? Mais le vote blanc, par définition, n'a pas de candidat. Donc ni profession de foi à envoyer à l'électeur ni financement public à donner à l'élu. (Applaudissements sur les bancs écologistes et UMP)

Mme Catherine Deroche.  - Bravo !

Mme Cécile Cukierman.  - On se trompe de débat. Ces questions, très largement, relèvent du domaine réglementaire. Soit l'on remet tout à plat pour assurer l'égalité de traitement de tous les votes, soit on s'en tient au texte. En tout cas, je récuse la logique de coût quand on parle de démocratie.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Revenons à la sérénité. Nous débattons souvent de sujets graves et il n'est pas de petit sujet. J'ai demandé un scrutin public pour faire valoir la position extrêmement majoritaire de la commission des lois. Je soutiens notre excellent rapporteur M. Zocchetto.

Le vote blanc serait un message extrêmement clair et définitif ? Ce n'est pas la réalité : certains votent blanc parce qu'ils trouvent que les candidats ne sont pas assez à gauche, d'autres parce qu'ils ne sont pas assez à droite, ou pas assez au centre, ou encore que les écologistes ne sont pas assez verts. (On s'amuse) Respectons ce vote dans sa grande diversité.

M. René Garrec.  - Le vote blanc est effectivement un amalgame.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Ce texte a pour seul but de distinguer le vote blanc du vote nul. Il y aura désormais deux colonnes : une pour le vote blanc et une pour le vote nul.

Des bulletins blancs à disposition dans les bureaux de vote ? J'ai entendu les considérations de M. Cointat sur ses pérégrinations à la recherche de sacs en plastique. Cela dit, trouver un bout de papier blanc chez soi ne paraît guère insurmontable. (On en convient sur divers bancs)

M. Christian Cointat.  - Encore faut-il y penser ! (Rires)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Si des bulletins blancs sont placés dans les bureaux, il faudra également les envoyer aux électeurs, M. Vidalies l'a rappelé. De plus, pourquoi ces bulletins, contrairement à tous les autres, seraient-ils financés obligatoirement et à 100 % par la seule puissance publique ?

Voila les raisons pour lesquelles notre commission, dans sa diversité politique...

M. René Garrec.  - Dans sa grande majorité !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - ...a rejeté les deux amendements identiques.

A la demande de la commission des lois, les amendements identiques nos1 rectifié ter et 5 sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 22
Contre 318

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°12, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 268 du code électoral est complété par les mots : « , à l'exception des bulletins blancs ».

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - Cet amendement de coordination précise, à l'article L. 268 du code électoral, que les bulletins blancs ne sont pas nuls dans le cas du scrutin de liste.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Cet amendement très technique, défendu par M. Richard à l'origine, ne présente guère d'intérêt à notre sens. D'ailleurs, son auteur l'avait retiré. Pourquoi le Gouvernement le reprend-il ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - A ce stade, le Gouvernement préfère le maintenir car il ne pourra pas être repris, en vertu de la procédure, à l'Assemblée nationale. La précision est peut-être superfétatoire mais nous préférons éviter toute ambiguïté.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Article 4

Mme la présidente.  - Amendement n°13, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

 Au premier alinéa des articles L. 388 et L. 428 et au second alinéa de l'article L. 438 du code électoral, les mots : « loi n°2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique » sont remplacés par les mots : « loi n° du    visant à reconnaître le vote blanc aux élections ».

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - Cet amendement rend ce texte applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Il nous semblait que l'article 4 actuel y suffisait. Avis favorable néanmoins.

L'amendement n°13 est adopté.

L'article 4 est ainsi rédigé.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi entre en vigueur le 1er mars 2014.

M. Jean-Yves Leconte.  - Défendu.

L'amendement n°8 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Je vais mettre aux voix le texte.

Mme Catherine Procaccia.  - Votons blanc !

Mme Hélène Lipietz.  - Y a-t-il des bulletins blancs ? (Sourires)

L'ensemble de la proposition de loi, modifiée, est adoptée.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Cette semaine a été particulièrement faste pour le Sénat et la commission des lois puisque nous avons discuté et adopté quatre propositions de loi, une du groupe socialiste, une du groupe CRC, une du groupe UMP et une du groupe UDI-UC. (Applaudissements)