Mariage des personnes de même sexe (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Dans la discussion des articles, nous en étions parvenus à la suite des explications de vote sur les deux amendements de suppression de l'article premier.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Une explication de vote est l'occasion d'y voir plus clair dans le débat. Je souhaite que le Gouvernement nous éclaire : quelle est sa vision du mariage ? Des années durant, vous nous avez expliqué qu'il était la version bourgeoise de l'union civile, qu'il était ringard. Dans nos mairies, 95 % des couples hétérosexuels choisissent dorénavant le Pacs, notamment parce qu'il peut être plus facilement rompu. Et vous venez nous expliquer qu'il faut ouvrir le mariage aux personnes de même sexe. C'est le monde à l'envers !

Nous attendons ensuite de la clarté sur un débat qui commence à prendre corps. Sur ce point, c'est la cacophonie. Le président de la République a assuré que PMA et GPA n'étaient pas à l'ordre du jour. Sans doute a-t-il répondu un peu vite pour être trop occupé par d'autres affaires. Car ce n'est pas ce que l'on entend du côté du Gouvernement et de la majorité. Mme Bertinotti nous dit : les homosexuels réclament une banalisation. Tel est bien le mot d'ordre, comme si le débat n'avait aucune raison d'être. Quant au rapporteur, il nous a expliqué que l'on parlerait bientôt de la PMA et éventuellement de la GPA, que cela était bien naturel dès lors que l'on accordait les mêmes droits aux couples de même sexe. Le président de la commission des lois a fait preuve, pour lui, d'une certaine retenue, disant qu'il ne savait pas ce qu'il voterait sur de tels sujets et que l'on faisait à la majorité un procès d'intention.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Tout à fait !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Appelons un chat un chat ! Où voulez-vous nous conduire ? Où voulez-vous conduire notre société ? Il est temps de le dire clairement ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Bruno Sido.  - Je suis d'accord avec les propos de M. Sueur qui, hier soir, disait être sensible aux poids des mots. Mais, pour Mme Bertinotti, l'adoption par un couple hétérosexuel n'est pas motivée par la seule volonté de donner une famille à l'enfant et l'adoption internationale est déjà un marché. Peut-être a-t-elle parlé un peu rapidement... Reste que ces propos sont scandaleux, je l'ai dit hier soir. C'est stigmatiser les couples qui ont entamé une démarche d'adoption, les accuser de s'être tournés vers le marché ; c'est aussi insulter les pays d'origine. Il n'est pas de bonne politique de jeter ainsi l'anathème sur ces couples.

Ensuite, selon M. Michel, la présomption de paternité doit être relativisée dès lors qu'il existe de nombreuses configurations familiales différentes. Certes, mais est-ce à dire qu'il faut toutes les légaliser ? Vous appliquez la politique du chien crevé au fil de l'eau. (Exclamations à gauche)

Où est votre esprit critique, le devoir de tout citoyen ? Cet article premier ne prend en compte ni l'intérêt de l'enfant, ni celui de la Nation. Il conduira à légaliser la PMA et la GPA. Je voterai ces amendements de suppression.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Le sens des mots ? Je l'ai dit au Premier ministre Raffarin, le dictionnaire de l'Académie française ne fixe pas le sens des mots dans le marbre : il en est à sa neuvième édition depuis 1694.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Le mensonge reste le mensonge ; la vérité, la vérité !

M. Antoine Lefèvre.  - Les yeux dans les yeux !

Mme Nathalie Goulet.  - Le sens de ce mot a changé... (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Si ce texte est adopté, oui, le sens du mot mariage sera modifié. Cela n'a rien d'extravagant. Encore faut-il distinguer les mots de la loi et la perception qu'en a l'opinion.

Vous évoquez des points qui ne sont pas dans ce texte : il n'est pas légitime de reprocher ce qui ne s'y trouve pas à ceux qui vont le voter.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Que se passera-t-il après ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Adopter ce texte, ce n'est pas en accepter par anticipation un autre. Si un autre texte vient, chacun réfléchira en conscience. De quel droit présupposez-vous mon vote ? Je puis vous dire, ici, que je ne suis pas disposé à voter aujourd'hui des mesures relatives à la PMA et à la GPA.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Soit, mais que dit le Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Ces pratiques sont légales ailleurs, m'objecte-t-on. Mme Taubira a bien fait de prendre en compte, par circulaire, la situation des enfants nés suite à une GPA. Nous ne créerons pas ainsi d'apatrides. Quoi qu'il en soit, nous faisons ici la loi de la République française, et ce n'est pas parce qu'une disposition est légale ailleurs qu'il faut s'aligner (on approuve à droite), sinon le Parlement n'a plus qu'à mettre la clé sous la porte. Les choses sont donc extrêmement claires.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Et le Gouvernement ?