SÉANCE

du jeudi 18 avril 2013

90e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Charles Guené,vice-président

Secrétaires : M. Jean-François Humbert, M. Gérard Le Cam.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Infrastructures et services de transports (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports.

Discussion générale

M. Roland Ries, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - La commission mixte paritaire, qui devait examiner 46 articles encore en discussion, est parvenue à un accord hier à l'Assemblée nationale. Au Sénat, en première lecture, nous avions apporté plusieurs améliorations les 11 et 12 février. Concernant la taxe poids lourds, qui a concentré les débats, nous avons supprimé la prétendue expérimentation alsacienne : elle ne se justifiait plus compte tenu des retards. Saisis de demandes multiples et variées d'exonération, nous avions été raisonnables en prévoyant une seule exception, pour les véhicules de l'État et des collectivités territoriales affectés à l'entretien. Les groupes politiques ont considéré qu'il aurait été quelque peu paradoxal de taxer ces véhicules quand le produit de cette taxe doit financer, entre autres, la mission qu'ils remplissent. Les départements sont, en outre, très sollicités, que les routes relèvent de leurs compétences ou non. Le Sénat a précisé que la liste des routes taxées pourrait être révisée à la demande des départements en cas d'évolution du trafic.

Nous avons demandé la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur le mécanisme de répercussion de la taxe, objet principal de ce texte, afin de tenir compte des incertitudes exprimées par les acteurs concernés. Pour le rail, nous avons renforcé la transparence comptable de la SNCF vis-à-vis des régions.

L'Assemblée nationale a enrichi ce texte, en introduisant une exonération de la taxe poids lourds pour le transport du lait et en augmentant la minoration pour les régions périphériques, une mesure fort coûteuse pour les finances de l'Agence de financement des infrastructures de transport en France (Afitf). Lors de la CMP, les débats se sont concentrés sur l'écotaxe poids lourds, d'autant que l'Assemblée nationale en avait supprimé l'exonération pour les véhicules assurant l'entretien des routes. La CMP a finalement accepté les deux mesures votées à l'Assemblée nationale, en dépit de nos réserves, ainsi que l'exonération votée par le Sénat. Il fallait bien aboutir à un compromis.

J'en viens aux articles que le Gouvernement a introduits cavalièrement à l'Assemblée nationale. Le transfert de propriété de parcelles à Voies navigables de France (VNF) et les mesures relatives à l'aérodrome de Hyères n'apportent pas de commentaires particuliers. En revanche, nous avons modifié l'article relatif à l'expropriation, avec l'accord des députés, pour le rendre plus conforme à notre droit constitutionnel.

Les articles relatifs au Centre d?expertise des risques, de l'environnement, des mobilités et de l'aménagement (Cerema) m'ont surpris. Cela dit, le travail ayant été engagé il y a deux ans, de manière approfondie, nous faisons confiance au Gouvernement.

Ce texte constitue un bon compromis entre nos deux assemblées. Ainsi, je vous invite à le voter. (Applaudissements)

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Merci pour vos propos, monsieur le rapporteur. Ce texte nous a beaucoup occupés, le travail a été de qualité. Nous pourrons enfin mettre en oeuvre l'écotaxe poids lourds. Ce dispositif consiste à répercuter le coût de la pollution sur les donneurs d'ordre. Il fallait sécuriser le dispositif sans fragiliser le secteur du transport routier qui représente 40 000 entreprises et 400 000 emplois.

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour votre travail. Hier, la CMP est parvenue à un accord équilibré. Il vous a fallu faire des concessions, être constructifs. Je salue votre volonté d'aboutir.

Je crois en ce texte fondateur de la fiscalité écologique, un domaine dans lequel la France est en retard. Le temps est venu de passer des principes à la mise en oeuvre effective. Je serai attentif aux conclusions du rapport que vous avez demandé. Je m'en servirai pour parfaire le dispositif.

Bon nombre de dispositions ont été ajoutées et la procédure accélérée ne nous a pas permis de toutes les examiner, j'en suis conscient. Nous sommes intervenus sur divers secteurs : fluvial, maritime... Nous voulons défendre l'économie maritime française et ses emplois. Le pavillon français doit vivre et je pense en particulier à l'avenir de la SNCM. Avec l'article 23, nous faisons en sorte que les pavillons étrangers ne puissent intervenir sur des lignes françaises que dans des conditions sociales acceptables.

Je renouvelle mes remerciements pour la qualité de votre travail. Votre sens des responsabilités est total. (Applaudissements)

M. Joël Labbé .  - Les écologistes continueront de soutenir ce projet de loi pertinent et très technique. Nous saluons ses avancées sociales et environnementales : le rétablissement d'une concurrence loyale dans le secteur du cabotage maritime, l'alignement de notre droit avec les textes internationaux sur l'environnement, les mesures sur les dommages causés par les marées noires. Nous avons obtenu un rapport sur la circulation des 44 tonnes. Les députés écologistes ont vu plusieurs de leurs propositions retenues, en particulier celle d'un schéma national directeur de la logistique afin d'optimiser les flux de marchandises en développant la part du transport ferroviaire, fluvial et maritime. Je pense aussi à la création d'aires de stationnement sécurisé pour les vélos dans les nouvelles gares.

Mais c'est surtout l'écotaxe poids lourds qui retient notre attention. Cette taxe doit être efficace et nous regrettons que la CMP ait retenu l'exonération sur les véhicules d'entretien des routes. Un véhicule a beau être public, il pollue ; les acteurs publics doivent donner l'exemple. Trois régions ont obtenu une minoration complémentaire ; à titre transitoire, je l'espère.

Notre pays se place en 26e position sur 27 pays de l'Union en matière d'écotaxe ; pour rattraper notre retard, il faudrait prélever 20 milliards de recettes fiscales supplémentaires. Nous attendons, après cette première étape, de nouvelles mesures. À terme, l'écotaxe devra s'appliquer à toutes les routes. Les arrêtés successifs devront traduire cette progression. Le projet de loi ne prend pas en compte les externalités, ce qui affecte le principe pollueur payeur. L'écotaxe, versée à l'Afitf, devra financer le report modal. Pour autant, ce premier pas sur la route - non : sur la voie (sourires) - d'une véritable fiscalité écologique. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Bizet .  - Les considérations environnementales ont pris une place fondamentale dans le débat public. Le caractère durable et respectueux de la nature est désormais un préalable à toute politique publique. La prise de conscience est collective, même si certains sujets nous opposent, comme le nucléaire.

Ce texte, quoique moins ambitieux que le Grenelle de l'environnement, est aussi très important. La plupart de ses articles sont techniques, certains ont une dimension politique et sécuritaire. Pour le rail, les agents de la SNCF et de RFF pourront constater les infractions et les vols, lesquels coûtent des dizaines de millions d'euros par an. Les contrôleurs de transport terrestre auront, eux aussi, davantage de pouvoir. Plusieurs dispositions environnementales visent à donner aux agents de l'État les moyens de résoudre enfin des difficultés qui s'éternisent. C'est le cas pour le déplacement d'office des bateaux en stationnement prolongé ou de ceux qui ont été abandonnés.

La mesure phare de ce texte est l'écotaxe poids lourds, encore aurait-il fallu traduire le principe pollueur-payeur. Le transporteur n'est pas responsable du choix du chargeur et il n'a pas à supporter le coût de cette écotaxe. Une refonte est donc nécessaire. L'actuel système de majoration doit être remplacé par un système forfaitaire. Celui qui est proposé a le mérite de la lisibilité. Avec un taux uniforme dans chaque région, les professionnels de transport pourront mieux anticiper le coût de la taxe. Cette mesure permettra d'inciter les demandeurs à se détourner de ce mode de transport.

Je salue l'accord en CMP qui a permis d'exonérer les véhicules publics d'entretien des routes. Sénateur de la Manche, le premier département producteur de lait, je me réjouis de la mesure pour le transport du lait. J'aurais aimé qu'on pense aussi aux fruits et aux légumes...

Certes, ce projet de loi apporte des réponses juridiques et pratiques, certaines dispositions suscitent néanmoins des interrogations. Si je n'oublie pas que j'ai voté le Grenelle, l'économie de marché est trop occultée dans ce texte. Nous devrions faire nôtre le précepte allemand : « l'économie de marché autant que possible, l'État autant que nécessaire ». Notre préoccupation majeure devrait être la compétitivité de notre industrie, laquelle ne représente plus que 12 % de notre PIB, soit moitié moins qu'en Allemagne. Ce différentiel, qui ne date pas d'hier, affecte l'équilibre du couple franco-allemand. François Hollande souhaite que le couple franco-allemand montre la voie, encore faudrait-il qu'il puisse parler d'une seule voix !

Nous aurions souhaité une approche plus éloignée de l'esprit d'une écologie punitive, au profit d'une approche plus incitative. Le groupe UMP s'abstiendra donc. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable.  - C'est un progrès !

Mme Mireille Schurch .  - Le vote de l'Assemblée nationale a eu lieu il y a deux jours et la CMP s'est réunie hier : le travail est donc précipité.

La question des relations entre opérateurs et infrastructures est d'une actualité brûlante au regard du quatrième paquet ferroviaire, qui n'encourage pas le projet français et pousse à une séparation totale des deux. Le Sénat a adopté le 2 avril une résolution indiquant que la Commission européenne avait outrepassé ses pouvoirs en interdisant implicitement la création de toute entreprise ferroviaire verticalement intégrée. La voix de la France doit porter pour exiger la possibilité de relations poreuses entre gestionnaire d'infrastructure et opérateurs.

L'intérêt principal de ce projet de loi réside dans l'entrée en vigueur de l'écotaxe. La politique d'aménagement du territoire ne doit pas être perdue de vue. La répercussion de la taxe poids lourds est simplifiée ; plus lisible, elle favorisera le rééquilibrage modal. Une évaluation sera faite sur sa mise en oeuvre, mais certaines questions restent sans réponses. Le rendement de la taxe devrait être de 1,2 milliard ; le rendement pour la société Écomouv, à qui la collecte de cette taxe a été confiée par l'ancien gouvernement, serait de l'ordre de 230 millions par an, pour un investissement de 600 millions, sachant que 800 millions seront versés à l'Afitf, mais cela ne suffira pas à mettre en oeuvre tous les projets déjà arrêtés.

L'article 11 bis remet-il en cause l'interdiction des 44 tonnes ? Nous avons toujours soutenu que c'est là une concurrence déloyale qui nuit au report intermodal sur le rail. Pour le fluvial, les dotations budgétaires devront augmenter et le fret ferroviaire doit être déclaré d'intérêt général.

Nous voterons ce texte en espérant être associés aux prochaines réformes. (Applaudissements à gauche)

M. Vincent Capo-Canellas .  - Comme je l'ai déjà dit, ce texte doit arriver à bon port. (Sourires) Les députés sont plus turbulents que nous.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué.  - En effet !

M. Vincent Capo-Canellas.  - La CMP a, malgré tout, abouti à un accord. Ce texte porte, non sur le principe de l'écotaxe, mais sur sa mise en place. Espérons que le rapport d'étape rassurera les professionnels du secteur routier. Nous saluons la décision de bon sens qu'est le report au 1er octobre de l'application de l'écotaxe.

En CMP, chaque assemblée a fait un pas vers l'autre. Ainsi, les véhicules publics d'entretien des routes seront exonérés d'écotaxe. Les véhicules de transport de lait aussi, à la demande des députés, qui se fondent sur une directive européenne. Souhaitons que cette exonération n'aboutisse pas à un imbroglio juridique. Les régions périphériques seront moins affectées par l'écotaxe. Des articles ont été ajoutés à la demande du Gouvernement lors de l'examen à l'Assemblée nationale. C'était un peu cavalier, le rapporteur a eu raison de le dire.

Ce texte répond aux attentes et il est issu du Grenelle de l'environnement. S'il n'est pas totalement satisfaisant, il est sans doute le moins mauvais possible pour l'écotaxe, qui favorise les modes de transport plus vertueux. Le groupe UDI-UC le votera donc, tout en considérant qu'il ne s'agit que d'une mise en bouche. Nous attendons des réformes majeures, avec la réforme ferroviaire et le schéma national des transports. (Applaudissements)

M. Jacques Mézard .  - Merci à M. le rapporteur de ce travail consensuel et merci, monsieur le ministre, pour votre écoute.

Les objectifs de l'écotaxe sont légitimes mais les débats autour de son application révèlent certaines craintes. Les préoccupations sont très vives dans les territoires ruraux, d'où les amendements que nous avons déposés pour défendre toutes ces régions enclavées où seule la route permet d'assurer les transports, faute de TGV, d'autoroute, d'aéroport. En l'absence d'alternative à la route, l'écotaxe sera répercutée sur le consommateur final. L'écart de prix entre le rail et le fret routier serait de 25 %, selon une étude commandée par la SNCF.

Nous avons adopté des minorations et des exonérations alors qu'aucune expérimentation n'a eu lieu. Il faudrait s'assurer de l'égalité territoriale, monsieur Labbé ! D'ailleurs, je crois qu'un ministère a été créé en ce domaine, même s'il n'agit guère...

Cela étant dit et rappelé, j'espère que la consultation sera réelle car la révision est indispensable. L'Auvergne, chère à mon coeur, ne bénéficie ni de la minoration de 30 %, ni de celle de 50 %. Elle se situe certes au centre de la France ; elle n'en est pas moins enclavée que la Bretagne ou les régions périphériques. Peut-être ne disposons-nous pas des mêmes forces de persuasion ; peut-être devrais-je dire de dissuasion. (Sourires)

Autre préoccupation, le financement de l'Afitf. D'abord, parce que le report de l'application de l'écotaxe constitue une perte de financement de l'agence. Ensuite parce que l'écotaxe ne doit pas se substituer aux dotations. Monsieur le ministre, nous comptons sur votre vigilance.

L'écotaxe est un premier pas louable, nous la voterons majoritairement. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Teston .  - Sur le volet ferroviaire, le Sénat puis l'Assemblée nationale ont renforcé la transparence comptable du transport régional de voyageurs. Les députés ont également élargi le nombre d'agents habilités à constater des infractions, comme le vol de cuivre, à l'article 4. Désormais, les entreprises travaillant pour RFF et la SNCF détiendront également ce pouvoir.

Dans le domaine de la route, le Gouvernement nous a rassurés en circonscrivant les transferts de routes aux départements, aux délaissés routiers. Sensibles à l'effort de simplification du mécanisme de répercussion de l'écotaxe poids lourds, nous avions prévu une seule exonération et encore pour les véhicules publics. Or l'Assemblée nationale a introduit une exception pour le transport du lait ; elle a augmenté la minoration de 25 à 30 % pour la région Midi-Pyrénées et l'Aquitaine et de 40 à 50 % pour la Bretagne. L'écotaxe, il faut le rappeler, n'est pas là pour résoudre les problèmes économiques de telle ou telle région. Parce qu'une nouvelle lecture était exclue, nous avons accepté en CMP l'article 6 quater et l'article 6 quinquies tels que rédigés par les députés en contrepartie du retour à l'exonération pour les véhicules publics d'entretien.

Les ressources de l'Afitf demeurent très préoccupantes. Ne faut-il pas faire évoluer la fiscalité des sociétés autoroutières dont les résultats, n'est-ce pas, sont plus que florissants ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Filleul .  - Malgré les efforts du ministre, l'écotaxe poids lourds sera mise en oeuvre en octobre seulement, ce qui constituera un manque à gagner pour l'Afitf. En année pleine, elle rapportera 1,2 milliard.

Merci au ministre de son écoute. Certains, à droite, ont dit, en commission, leur regret d'avoir voté l'écotaxe il y a quatre ans. Les transporteurs étaient inquiets, vous les avez rassurés en reportant l'essentiel de la charge de l'écotaxe sur les donneurs d'ordre.

Nous nous étions efforcés au Sénat de limiter au maximum les exonérations. Grâce au rapporteur, les députés ont finalement accepté l'exception que nous avions prévue pour les véhicules publics d'entretien. Nous avons dû nous rallier aux hausses de minoration que les députés voulaient pour les régions périphériques.

J'apprécie le renforcement de la transparence comptable à l'article 3 bis, c'est essentiel pour la qualité de nos transports régionaux. Même chose pour le rapport sur l'incidence des 44 tonnes sur les routes.

Je voterai ce bon compromis pour que l'écotaxe, enfin, soit appliquée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable .  - Je salue à mon tour ces travaux de grande qualité ainsi que les talents de notre rapporteur M. Ries.

Si l'Auvergne n'a pas été retenue dans les régions périphériques, comme l'a regretté à juste titre M. Mézard, le compromis est équilibré. Votons ce texte historique, notre groupe lui apportera son soutien pour avancer sur ce long chemin de la fiscalité écologique.

La discussion générale est close.

Mme Mireille Schurch.  - Notre groupe souhaite intervenir sur quelques articles de ce texte.

M. le président.  - Ce serait une dérogation au regard de notre Règlement dont toutefois la Conférence des présidents n'a pas demandé l'application la plus restrictive. Comme président de séance je peux donc vous autoriser à prendre la parole sur certains articles.

ARTICLE 5

Mme Mireille Schurch .  - L'article L. 521-1 définit le domaine public d'intérêt national, qui est réactualisé tous les dix ans par arrêté. La loi de décentralisation de 2004 a déclassé des tronçons de route. La procédure est encadrée à l'article L. 523-3 du code, ce texte y revient pour simplifier la procédure dans le cas où la collectivité territoriale se montre défavorable. Même si cela ne concerne que 250 km de routes, cette nouvelle charge pour les collectivités territoriales doit être intégralement compensée. Sans quoi, ce transfert de compétence deviendra un cadeau empoisonné.

Je demande donc au ministre d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la proposition de loi sur les ouvrages d'art que le Sénat a adoptée à l'unanimité.

ARTICLE 6 TER

Mme Mireille Schurch .  - Nous avions adopté un amendement afin d'exonérer les véhicules publics affectés à l'entretien des routes à l'initiative de notre groupe. Le rapporteur de la commission des affaires économiques à l'Assemblée nationale en avait reconnu le bien-fondé mais les députés l'ont supprimée au nom du devoir d'exemplarité des acteurs publics, arguant, en outre, que cela introduirait une discrimination entre les collectivités territoriales propriétaires de leurs véhicules d'entretien et celles qui font appel au privé.

Les deux arguments ne tenaient pas. L'inclusion de la flotte privée aurait complexifié à l'excès le dispositif et l'exemplarité relève davantage à nos yeux de l'application de l'engagement n°54 du candidat d'une récente campagne : un pacte de confiance et de solidarité entre l'État et les collectivités Nous sommes particulièrement satisfaits de la rédaction de bon sens de l'article 6 ter, retenue par la commission mixte paritaire.

ARTICLE 11 BIS

Mme Mireille Schurch .  - Le Gouvernement doit remettre un rapport évaluant les incidences de la circulation des poids lourds de 44 tonnes sur notre territoire. Il aurait été préférable de le prévoir avant de généraliser leur circulation par le décret du 12 décembre 2012 signé par Mme Batho et par vous-même, monsieur le ministre, et qui est entré en vigueur le 1er janvier 2013.

A priori, charger davantage les camions paraît plus écologique. C'est, en réalité, très hypocrite : la circulation des 44 tonnes abîme les routes et coûte, d'après le conseil général du développement durable, 400 à 500 millions par an. De plus, cette mesure est contraire à l'objectif de créer des autoroutes ferroviaires prévu dans le Grenelle.

Les externalités du transport routier représentent 80 milliards par an - nuisances sonores, embouteillages, etc - et sont responsables de 90 % des émissions de CO2.

Mme Nathalie Goulet.  - Cela fait trois ans que l'autorisation des 44 tonnes a été prise !

ARTICLE 16

M. Michel Le Scouarnec .  - Les mesures sur la prévention des marées noires sont bonnes, à condition de renforcer les contrôles et, donc, les moyens de la douane.

M. Roland Courteau.  - Absolument !

M. Michel Le Scouarnec.  - Cet article ne règle pas le problème des navires qui sombrent dans les eaux internationales. Malgré les progrès effectués depuis la catastrophe de l'Erika dont personnes n'a oublié les images apocalyptiques de nappes de pétrole souillant les côtes en 1999, il reste des progrès à faire. Inscrivons dans le code civil la notion de préjudice écologique et luttons contre les pavillons de complaisance qui diluent les responsabilités.

M. Jean Desessard.  - Quelle excellente intervention !

M. Michel Le Scouarnec.  - Je rappelle que l'Erika, sous pavillon maltais, était propriété d'une société panaméenne nantie en Écosse, et était géré par une société italienne mais, par le biais d'une société de droit suisse, affrété par une société des Bahamas puis, par l'intermédiaire d'une société britannique, affrété par une filiale de Total de droit panaméen.

Que cet article ne soit pas une goutte d'eau dans l'océan ! (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)

ARTICLE 23

Mme Isabelle Pasquet .  - Cet article ne règle toujours pas le problème du dumping social dans le secteur maritime. Tant qu'il n'existera pas de pavillons européens d'excellence, nous continuerons de voir les armateurs embaucher des travailleurs détachés dans la droite ligne de la directive Bolkestein. Le SNCM a affrété un bateau sous pavillon grec pour relier le continent à l'île de beauté. Deuxième exemple, la société Dreyfus, qui relie Nantes à Gijon, n'emploie ni des marins français ni des marins espagnols sur l'autoroute de la mer. Imaginez que La Poste emploie des Italiens. Il faudra donc savoir parler italien pour acheter des timbres ?

M. Jean Desessard.  - Et les Polonais ?

M. Philippe Dallier.  - Ah, pour la SNCM, c'est bien parti !

Mme Isabelle Pasquet.  - Quant aux contrôles, ils sont déjà presque inexistants : un seul contrôleur pour le bassin méditerranéen. Pour le groupe CRC, seul le pavillon français de premier registre apporte une solution durable dans le cadre du changement annoncé par ce gouvernement. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Interventions sur l'ensemble

M. Gérard Le Cam .  - Pour mener une politique efficace de report modal, le Gouvernement doit renforcer le rail et, donc, désendetter RFF. Cela implique de dégager de nouvelles sources de financement ; nous avons esquissé des pistes dans une proposition de loi.

L'écotaxe poids lourds, juste dans son principe, ne doit pas pénaliser certains secteurs - je pense à l'agriculture et à l'agro-alimentaire en Bretagne dont je suis élu. Le dispositif doit être assorti de mesures d'accompagnement pour les transporteurs qui choisissent de mettre leurs camions sur des trains et des bateaux. C'est le sens du voeu adopté par le conseil régional au mois de février. En Bretagne, les 40 millions de l'écotaxe entraîneraient la destruction de 2 000 emplois, et chez moi, à Lamballe, il en coûterait 3 millions d'après nos calculs. Au nom de mon territoire et de sa périphéricité je demande solennellement au Gouvernement de reporter la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds en Bretagne à octobre 2014, tout en l'expérimentant pendant un an sans l'appliquer. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Joël Labbé .  - Ce texte est juste et pragmatique, les écologistes le soutiendront. (Applaudissement sur les bancs écologistes et socialistes)

M. Jean Desessard.  - Bravo pour la concision !

Mme Laurence Cohen .  - Il est légitime de faire la transparence comptable sur les transports ferroviaires régionaux à l'article 3 bis quand les collectivités territoriales sont asphyxiées.

Le transfert des trains d'équilibre du territoire (TET) aux régions aurait été envisagé dans l'acte III de la décentralisation. Nous vous demandons l'abandon pur et simple de ce projet.

Nous défendons, vous le savez, un versement unique de transport régional qui irait à la région afin de financer le développement des infrastructures de transport, ferroviaires comme routières. Ce point est crucial à l'heure où on annonce une baisse des dotations de 5 milliards dans les trois ans.

Ce texte nous satisfait, mais il ne constitue qu'une étape. (Applaudissements CRC)

M. Michel Teston .  - Pour les raisons exposées par M. Filleul et moi-même, le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Dominique de Legge .  - Les minorations reconnues aux régions périphériques ne se retrouvaient pas dans le texte. Pour ma région de Bretagne, le compte n'y est pas malgré quelques avancées. À titre personnel, puisque j'avais été à l'origine du voeu adopté par le conseil régional, évoqué par M. Le Cam, je voterai contre ce texte. (M. Jean Desessard s'exclame)

M. Vincent Capo-Canellas .  - Je salue la combativité de nos collègues communistes, peut-être concerne-t-elle un autre texte...

Mon groupe votera ce texte qui contient bien des avancées et je vous donne rendez-vous pour les autres débats à venir sur le ferroviaire et le schéma national d'infrastructures.

Mme Mireille Schurch .  - Je souhaite vous alerter sur le quatrième paquet ferroviaire en cours de discussion à Bruxelles. Nous sommes, monsieur le ministre, vos plus fidèles alliés dans la réunification de la famille ferroviaire. L'avant-projet présenté par la Commission européenne le 30 janvier dernier instaure une véritable muraille de Chine entre les activités, qui interdirait la création de toute entreprise verticalement intégrée. Le Sénat a alerté le Gouvernement sur ce manquement au principe de subsidiarité, en adoptant une proposition de résolution européenne.

Nous sommes également totalement opposés à tout nouveau transfert de lignes contenus dans l'acte III de la décentralisation.

Même chose pour l'ouverture du transport national de voyageurs en 2019 que le règlement sur les obligations de service public de 2007 n'impose pas.

Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur notre détermination et notre soutien. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Les conclusions de la CMP sont adoptées.

(Applaudissements à gauche)

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué .  - Je remercie la Haute assemblée pour ce vote. Nos points communs sont tels que vous ne vouliez pas que nous nous quittions (Sourires) N'ayez crainte, nous nous reverrons sur d'autres textes...

L'objectif de l'article 23 est d'éviter la concurrence déloyale et l'abaissement des conditions sociales sur les navires. Les mêmes conditions sociales devront être remplies, quelque soit le pavillon ; c'est pourquoi nous avons fait référence à un certain nombre de prestations sociales. Le groupe CRC avait déposé un amendement, soutenu par le Gouvernement, pour rehausser les obligations sociales. À l'Assemblée nationale, une nouvelle écriture de l'article 23 a été demandée par le groupe communiste, que nous avons acceptée. Nous voulons défendre le pavillon français. Dans le projet de loi Dadue, vous serez saisi de cette avancée nouvelle. Le Gouvernement a beaucoup travaillé pour la transposition de la convention de l'OIT de 2006. Certes, ce n'est pas suffisant, mais c'est une avancée. Merci pour ce débat, mesdames et messieurs les sénateurs. Une discussion sur le Schéma national des infrastructures de transports (Snit) nous attend prochainement. (Applaudissements à gauche)