Élection des sénateurs (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite du projet de loi relatif à l'élection des sénateurs. Nous abordons la discussion des articles.

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS AVANT L'ARTICLE PREMIER

L'amendement n°8 rectifié ter n'est pas défendu.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Je supplée notre rapporteur. La commission des lois avait donné un avis favorable à cet amendement : je le reprends.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°61

Amendement n°61, présenté par M. Sueur, au nom de la commission.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 280 du code électoral est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« La composition du collège électoral appelé à élire les sénateurs assure, dans chaque département, la représentation des différentes catégories de collectivités territoriales et de la diversité des communes, en tenant compte de la population qui y réside.

« Ce collège électoral est composé : »

M. le président.  - Amendement n°57 rectifié, présenté par MM. de Montgolfier, Billard et Cornu.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 280 du code électoral est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« La composition du collège électoral appelé à élire les sénatrices et les sénateurs reflète la population et les territoires qui composent le département.

« Ce collège électoral est composé : »

M. Albéric de Montgolfier.  - Cet amendement tend à rappeler, conformément à l'article 24 de la Constitution, que le collège qui élit les sénateurs doit assurer la représentation des collectivités territoriales. On ne peut s'en tenir à un critère purement démographique.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Cet amendement est très proche de celui que la commission vient de reprendre. Son auteur ne pourrait-il pas le rectifier, pour le rendre identique ?

M. Albéric de Montgolfier.  - Dans ce cas, je me rallie à l'amendement de la commission.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur.  - Devant un tel consensus, le Gouvernement ne peut que s'incliner : avis favorable.

M. Gérard Cornu.  - M. de Montgolfier a bien fait de se rallier, démontrant par là le consensus qui nous rassemble, au Sénat, véritable défenseur des territoires.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Espérons que le consensus durera.

M. Christian Favier.  - On ne peut opposer représentation des territoires et des populations. Je crains, en outre, que l'amendement ne bloque les évolutions futures nécessaires pour tenir compte des variations de la population. Nous nous abstiendrons.

M. René-Paul Savary.  - Si l'on ne prend que le critère de la population, on va au devant de problèmes avec les grands cantons à venir. J'espère que vous aurez le souci, monsieur le ministre, de procéder à un découpage équitable et tenant compte des territoires. Il existe une carte de l'intercommunalité, respectons-la.

M. Christian Cointat.  - Je préfère la rédaction de M. Mézard. Il y a au Sénat des représentants des Français établis hors de France qui ne sont pas attachés à un département.

M. Albéric de Montgolfier.  - J'ai rectifié mon amendement.

Les amendements identiques nos61 et 57 rectifié bis sont adoptés, et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par M. Gorce.

Avant l'article 1er :

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1° de l'article L. 280 du code électoral est abrogé.

M. Gaëtan Gorce.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°40 rectifié, présenté par MM. Cornu, de Montgolfier et Billard.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1° de l'article L. 280 du code électoral est complété par les mots : « et des sénateurs ».

M. Gérard Cornu.  - La discussion commune des amendements nos27 et 40 rectifié me gêne : si l'amendement de M. Gorce était adopté, le mien tomberait. Or M. Gorce veut rayer les députés du nombre des grands électeurs, quand je veux y ajouter les sénateurs. C'est pour moi la moindre des choses, dès lors que l'on ne pourra plus cumuler mandat local et mandat national. Si l'amendement de M. Gorce était adopté, je proposerai une rectification de mon amendement pour ne pas viser le même alinéa.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - La commission des lois a émis un avis défavorable à l'amendement n°27 que M. Gorce a défendu avec une grande économie de moyens. Les députés élisent les sénateurs depuis 1875, et, vu nos bonnes relations, nous n'entendons pas nous brouiller avec eux... (Sourires)

Certains ont une conception très restrictive de l'article 24 de la Constitution. Notre bicamérisme donne aux deux chambres vocation à légiférer sur tous les textes. Que les députés aient leur mot à dire dans l'élection des sénateurs n'est donc pas choquant.

La commission, en revanche, a émis un avis favorable à l'amendement de M. Cornu. Les sénateurs, au moment du vote, sont encore sénateurs : il est logique qu'ils puissent voter au même titre que les députés. Voilà notre argumentation ...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Un peu sophistiquée !

M. Manuel Valls, ministre.  - Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement de M. Gorce, pour les mêmes raisons que votre commission.

Si la loi relative au cumul des mandats est adoptée, les sénateurs pourront, comme les députés, conserver un mandat local, qui leur permettra de participer à l'élection sénatoriale : le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement de M. Cornu.

M. Jean-Pierre Michel.   - Le groupe socialiste, dans sa grande majorité, suivra la commission. Il n'y a pas de raisons de faire de l'élection sénatoriale une exception, sachant que nous participons à toutes les élections. J'ajoute que les sénateurs sont élus par un territoire : ils doivent pouvoir voter à ce titre.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je suis de ceux qui croient qu'il ne faut toucher aux modes de scrutin qu'avec une main tremblante : je ne voterai aucun de ces amendements.

M. Albéric de Montgolfier.  - Ce serait, en effet, la seule élection où un candidat ne pourrait pas voter. L'amendement que j'ai cosigné avec M. Cornu répare donc une anomalie.

Mme Nathalie Goulet.  - Sénatrice sans mandat local, je ne peux pas voter aux élections sénatoriales. Je soutiendrai donc l'amendement de M. Cornu.

M. Jean-Pierre Michel.  - Nous sommes d'accord.

M. Hervé Maurey.  - L'Histoire doit-elle guider le droit, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission ? Faut-il donc revenir au temps où chaque collectivité territoriale avait un grand électeur ? (M. le ministre s'exclame) Je voterai contre l'amendement de M. Gorce, et pour celui de M. Cornu, car tous les conseillers municipaux ne sont pas grands électeurs.

M. Gérard Cornu.  - Comme le président Sueur, je considère que les députés doivent participer aux sénatoriales. Je ne voterai donc pas l'amendement Gorce et ne changerai rien à mon amendement. Il y a des communes rurales où tous les conseillers municipaux ne sont pas grands électeurs...

M. Alain Richard.  - La référence historique n'est pas forcément pertinente car une tradition peut être changée. Mais en 1871, dans l'Assemblée où régnait une grande incertitude constitutionnelle, l'existence du Sénat était une exigence des royalistes. Les républicains, sous l'impulsion de Gambetta, se sont ralliés à l'idée, pour peu que l'élection sénatoriale se fasse selon des garanties démocratiques, avec en particulier la participation des députés.

M. Manuel Valls, ministre.  - J'ai été l'élu d'une circonscription qui comptait nombre de communes rurales. Je n'ai pas de leçons à recevoir sur la ruralité. Je vous renvoie à votre vote de naguère sur les conseillers départementaux, avec des justifications, que n'a pas retenues le Conseil constitutionnel. En revanche, au vu des arguments développés avec talent par Mme Goulet, le Gouvernement donne un avis de sagesse.

L'amendement n°27 n'est pas adopté.

L'amendement n°40 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Je présente par conséquent un amendement de coordination rédactionnelle.

M. le président. - Amendement n°62, présenté par M. Sueur, au nom de la commission.

Avant l'article1er

Ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

A la première phrase de l'article L. 281 du code électoral, après le mot : "députés,", sont insérés les mots : "les sénateurs,".

M. Manuel Valls, ministre.  - Favorable.

L'amendement de coordination n°62 est adopté.

M. Charles Revet.  - Belle unanimité !

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Mézard, Baylet, C. Bourquin, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code électoral est ainsi modifié :

1° Les deux dernières phrases de l'article L. 281 sont supprimées ;

2° Après l'article L. 281, il est inséré un article L. 281-... ainsi rédigé :

« Art. L. 281-...  -  En cas d'empêchement majeur, les membres du collège électoral sénatorial peuvent exercer, sur leur demande écrite, leur droit de vote par procuration. Le mandataire doit être membre du collège électoral et ne peut disposer de plus d'une procuration. »

M. Jean-Claude Requier.  - Cet amendement étend le vote par procuration aux délégués des conseils municipaux, dans les mêmes conditions que pour les autres électeurs. Les dispositions actuelles ont conduit le Conseil constitutionnel à annuler les scrutins en Lozère en 2011 et en Haute-Saône en 2012.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - La commission a émis un avis favorable à cette disposition opportune. Toutefois, elle insiste sur le fait que l'empêchement doit être majeur, et non de simple confort.

M. Manuel Valls, ministre.  - Votre amendement entraînerait la suppression des suppléants, que vous proposez par un autre amendement. Ce qui soulève certaines difficultés : en cas de décès, de démission, de perte des droits civiques, le délégué ne pourrait être remplacé. De même en cas d'annulation d'élections. C'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.

M. Albéric de Montgolfier.  - Je ne voterai pas l'amendement. Le vote est obligatoire, faut-il le rappeler ! Cela assure un taux de participation très élevé, qui fait rêver nombre de démocraties.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - C'est pourquoi nous insistions sur le caractère majeur de l'empêchement.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Le vote est obligatoire, en effet. Être grand électeur est un engagement. En cas de problème, on peut compter sur son suppléant. Les seuls cas d'empêchement majeur, dites-vous ? Mais comment les apprécier ? Ne banalisons pas ce vote solennel. Je ne voterai pas l'amendement.

M. Gérard Cornu.  - Et moi de même. L'élection des sénateurs représente un moment important. Le président Sueur a parlé d'empêchement majeur ; mais on risque des contestations sans fin. Restons-en au statu quo.

M. François Rebsamen.  - Le vote obligatoire fait la spécificité de l'élection sénatoriale. Je comprends les réserves posées par le président Sueur...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Comme rapporteur !

M. François Rebsamen.  - ... mais cela ne me satisfait pas. Mon groupe ne votera pas cet amendement.

M. François Zocchetto.  - Le vote aux élections sénatoriales est très personnel : l'électeur se décide intuitu personae. Tout ce qui peut encourager la participation physique du grand électeur doit l'être : je ne voterai pas l'amendement.

M. Jacques Mézard.  - Je comprends les raisons de M. Bertrand, en raison des problèmes qu'il a rencontrés aux élections de 2011. Mais je suis sensible aux arguments qui ont été échangés et retire l'amendement.

L'amendement n°7 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par M. Gorce.

Avant l'article 1er

Insérer un nouvel article ainsi rédigé :

Le 4° de l'article L. 280 du code électoral est ainsi rédigé :

4° Des délégués sénatoriaux élus en même temps que les conseillers municipaux dans les conditions fixées à l'article L. 284. »

M. Gaëtan Gorce.  - Membre récent du Sénat, je suis surpris de constater que la représentativité de l'institution soit construite sur une base si étroite et si archaïque (Protestations à droite)

M. Christian Cambon.  - Pourquoi archaïque ?

M. Gaëtan Gorce.  - Les citoyens ne sont pas suffisamment associés. On ne peut tout à la fois refuser d'exclure les députés et d'élargir la base électorale, ainsi que je le propose ici.

M. Christian Cambon.  - Que n'êtes-vous resté à l'Assemblée nationale !

L'amendement n°6 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié ter, présenté par M. Détraigne, Mmes Férat, Morin-Desailly et Goy-Chavent et MM. J.L. Dupont, Deneux, Bockel, Capo-Canellas, Tandonnet, Amoudry, Maurey, J. Boyer, Guerriau, Jarlier et Mercier.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le quatrième alinéa de l'article L. 288 du code électoral est supprimé.

M. Yves Détraigne.  - Dans un certain nombre de cas, ce n'est pas le premier suppléant dans l'ordre du tableau qui est allé voter à la place du titulaire. Je propose donc que l'on supprime l'ordre imposé.

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié bis, présenté par Mmes Cohen et Gonthier-Maurin.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 289 du code électoral est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre de candidats et de suppléants de chaque sexe ne peut être supérieur à un. Chaque liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe et d'un suppléant de chaque sexe. »

Mme Laurence Cohen, rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.  - Rien dans ce projet ne favorise la parité !

Le présent amendement, qui apporte une traduction législative à la recommandation n°7 de la Délégation aux droits des femmes, remédie à cette lacune pour garantir une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes au sein du collège sénatorial. Cela aidera peut-être à faire élire plus de sénatrices et dissuadera de déposer des listes dissidentes pour contourner la parité.

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur de la commission des lois.  - L'amendement de M. Gorce révolutionnerait le système de désignation d'une partie des grands électeurs et pourrait être sanctionné par le Conseil constitutionnel. Défavorable.

M. Gaëtan Gorce.  - Le changement, c'est pour quand ?

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - L'amendement de M. Détraigne vise à supprimer une règle certes contraignante, qui peut poser des difficultés pratiques, mais reviendrait à donner au maire la faculté de choisir le suppléant qui lui convient le mieux.

Quant à l'amendement n°20 rectifié bis, il soulève une objection constitutionnelle : l'article premier de la Constitution, étant une dérogation au principe d'égalité, est d'interprétation stricte - et une objection d'ordre pratique : la règle pourrait être contournée par le jeu des candidatures isolées.

M. Manuel Valls, ministre.  - Le Gouvernement a plusieurs objections à l'amendement n°26 : le Sénat assure la représentation des collectivités locales ; ...

M. Jacques Mézard.  - Très bien ! (M. Charles Revet renchérit)

M. Manuel Valls, ministre.  - ... il n'est donc pas nécessaire que les membres du collège soient élus au suffrage universel direct. (M. Jacques Mézard approuve) Cet amendement, comme l'amendement n°30, prévoit des modalités pratiques qui soulèvent des difficultés au regard de la loi de mai 2013, laquelle institue déjà une double liste, de conseillers municipaux et communautaires : on en viendrait à une triple liste, au risque de perdre en lisibilité.

Même avis défavorable que la commission sur l'amendement de M. Détraigne.

Le Gouvernement, enfin, est favorable à l'amendement n°20 rectifié bis sous réserve de l'adoption d'un sous-amendement du Gouvernement. Dès 2014, les communes devront présenter des listes paritaires pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires. Votre amendement se justifie donc mais il faut tenir compte des prescriptions du code électoral.

M. Gaëtan Gorce.  - Je connais le sort réservé à mon amendement. Mais on ne peut admettre que le Sénat intervienne dans d'autres domaines que les collectivités, par exemple sur les libertés individuelles, et refuser d'élargir la participation des citoyens. Je sais que le Sénat ne fera pas cette révolution, mais qu'il engage au moins la réflexion, pour éviter d'encourir à nouveau les critiques de naguère.

M. Christian Cointat.  - Il faut être cohérent. Il y a peu, vous avez tous voté à l'unanimité l'élection des représentants des Français de l'étranger par les citoyens, directement. Il y a donc un précédent.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Il n'y a pas de collectivités !

M. Christian Cointat.  - Le Conseil constitutionnel estime qu'il ne doit pas y avoir plus de délégués non élus que de représentants élus. Voyez ce qui se passe à Paris ! M. Gorce a donc raison : il faut réfléchir à la question, sans tabou. Les collectivités territoriales ne sont pas des bouts de papier, elles sont constituées d'hommes et de femmes. Il serait utile d'engager la réflexion, ainsi que nous y appelle M. Gorce. Sa demande n'est pas anormale mais prématurée.

M. Philippe Bas.  - On n'est pas là dans une querelle des anciens et des modernes, des archaïques et des réformateurs. Il n'y a pas de corps électoral mais un collège électoral. Les grands électeurs n'ont pas le droit de vote mais l'obligation de voter : ils remplissent un devoir, en élisant les sénateurs au suffrage universel, à travers les élus des collectivités territoriales. Cette fonction est remplie par des personnalités qui ont l'expérience de la gestion locale publique, ce qui leur donne leur légitimité. Seuls les membres des assemblées élus doivent faire partie de ce collège, sauf exception - mais veillons à ne pas élargir les exceptions. L'amendement de M. Gorce n'est pas moderne : il tourne le dos au sens profond de notre institution. Je voterai contre.

M. Gérard Cornu.  - Moi de même, et j'approuve les explications de M. le ministre. Les élections doivent rester simples : ajouter des strates, c'est décourager l'électeur. Un mode de scrutin archaïque ? Ce propos, monsieur Gorce, est déplaisant. Que n'êtes-vous resté à l'Assemblée nationale ? Moi aussi j'ai été député, et j'estime, comme sénateur, que le travail de la Haute assemblée est complémentaire, il est différent, il est moins exposé aux entraînements et aux effets de mode, il a plus de profondeur dans la réflexion.

M. Gaëtan Gorce.  - Vous n'en donnez pas l'exemple !

M. Gérard Cornu.  - Nous sommes des élus locaux, qui savent de quoi ils parlent.

Les deux assemblées sont complémentaires, le mode de scrutin du Sénat n'a rien d'archaïque.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Trois points. Certains archaïsmes valent bien des évolutions dont on se passerait volontiers. Tous les lendemains ne chantent pas...

Quel est l'intérêt du Sénat, au juste ? Son mode de scrutin le met plus à l'abri des émotions médiatiques que l'autre chambre.

M. Yannick Vaugrenard.  - Quoique...

M. Pierre-Yves Collombat.  - L'exemple de la Grande-Bretagne le montre : il n'est pas rare que la Chambre des Lords prenne des positions plus progressistes que les Communes. Si d'aventure le Sénat était élu selon des modalités comparables à l'Assemblée nationale, à quoi bon une deuxième chambre ?

Enfin, le Sénat représente des collectivités et non des individus. Une collectivité, cela a une réalité sociale, affective et politique. Avec M. Gélard, nous sommes allés voir ce qui se faisait à l'étranger. Nous en avons conclu que, comme le disait Talleyrand, lorsque l'on se regarde, on s'interroge, mais quand on se compare, on se rassure. (Applaudissements)

M. René-Paul Savary.  - Notre mode de scrutin garantit la représentation de la ruralité ; le renouvellement par moitié assure une certaine permanence. Raison pour laquelle je voterai contre l'amendement n°26 et l'abaissement du seuil de la proportionnelle.

M. Albéric de Montgolfier.  - Les comparaisons internationales montrent qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause la légitimité de notre mode d'élection. Nous sommes élus principalement par les délégués des conseils municipaux, or les élections municipales sont celles pour lesquelles l'abstention est la plus faible. Je voterai contre l'amendement.

M. Jean Louis Masson.  - Le Gouvernement se montre modéré. C'est heureux, même si je suis surpris que des membres de la majorité fassent des propositions aussi radicales et extravagantes quand on connaît la réalité sénatoriale.

M. Jean-Pierre Michel.  - Nous discutons du mode de notre élection. Restons calmes. M. Gorce n'a pas critiqué le Sénat, au contraire ; il veut en renforcer la légitimité, voilà tout. M. Cointat a dit à juste titre que le mode actuel d'élection des sénateurs posait problème. Cela appelle la réflexion, pas l'invective. Cela dit, je ne voterai pas non plus l'amendement Gorce.

L'amendement n°26 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°13 rectifié ter.

M. le président.  - Que pense la commission du sous-amendement n°63 du Gouvernement à l'amendement n°20 rectifié bis ?

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - À titre personnel, favorable.

Le sous-amendement n°63 est adopté.

L'amendement n°20 rectifié bis, modifié, est adopté et devient un article additionnel.

L'amendement n°28 n'a plus d'objet, tout comme l'amendement n°29.

M. le président.  - Amendement n°41 rectifié, présenté par MM. Cornu, de Montgolfier et Billard.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 282 du code électoral est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « député, », il est inséré le mot : « sénateur, » ;

2° Au second alinéa, après le mot : « député », sont insérés les mots : « ou sénateur ».

M. Gérard Cornu.  - Amendement de conséquence.

L'amendement n°41 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié ter, présenté par M. Détraigne, Mmes Férat, Morin-Desailly et Goy-Chavent et MM. J.L. Dupont, Merceron, Deneux, Bockel, Capo-Canellas, Tandonnet, Amoudry, Maurey, J. Boyer, Guené, Jarlier, Mercier et Dubois.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase de l'article L. 283 du code électoral, les mots : « le jour auquel » sont remplacés par les mots : « la semaine au cours de laquelle ».

M. Yves Détraigne.  - Pourquoi vouloir à toute force imposer la même date à tous les conseils municipaux ? Laissons une semaine. Cela apporterait de la souplesse.

M. le président.  - Sous-amendement n°60 à l'amendement n°11 rectifié ter de M. Détraigne, présenté par Mme Lipietz.

Amendement n°11 rect. ter, alinéa 3

Remplacer les mots :

la semaine au cours de laquelle

par les mots :

les trois jours au cours desquels

Mme Hélène Lipietz.  - Une semaine, c'est peut-être trop. Je propose un compromis.

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - Cette souplesse pourrait favoriser les manoeuvres. Défavorable à l'amendement comme au sous-amendement.

M. Christophe Béchu.  - Entendre parler de manipulation au motif que la désignation des délégués s'étalerait sur plusieurs jours me choque. Si l'on craint des manoeuvres, ce n'est pas seulement la date qu'il faut fixer, mais l'heure !

M. Marc Daunis.  - C'est irréaliste !

M. Christophe Béchu.  - Est-ce digne d'une assemblée qui clame sa confiance dans l'intelligence des territoires ? Cela frise l'hérésie... Laissons un peu de souplesse, alors que le président de la République appelle à un choc de simplification.

M. Patrice Gélard.  - Je suis en total désaccord avec M. Béchu. Il est de tradition républicaine de procéder à cette désignation le dimanche à 10 heures. (On le conteste sur divers bancs)

M. Francis Delattre.  - C'est la messe ! (Sourires)

M. Patrice Gélard.  - Cela donne de la solennité à ce moment. Si l'on change cela, ce ne sont pas tant des manipulations internes qu'il faut craindre, que celles de la presse, qui jouera au jeu des pronostics.

Mme Nathalie Goulet.  - La manipulation, je n'y crois pas dans les communes rurales : on n'y a pas l'habitude que les gens déclinent leurs opinions politiques. En revanche, je connais les difficultés des préfectures à collationner les données. Je ne voterai pas cet amendement.

M. Gérard Cornu.  - Les arguments de M. Béchu sont excellents. Monsieur Gélard, les réunions des conseils municipaux ont actuellement lieu le même jour, non à la même heure. Laissons un peu de souplesse...

M. Francis Delattre.  - ... et luttons contre les archaïsmes.

M. René-Paul Savary.  - Franchement, votons cet amendement qui remonte du terrain. M. Détraigne le sait bien, lui qui est élu de la Marne comme moi. Les manipulations de la dernière heure échouent toujours.

M. Jean Louis Masson.  - L'argument des pressions ne tient pas. En revanche, nous sommes tous confrontés au problème de l'accès aux listes de grands électeurs. Si l'on étale la procédure sur plusieurs jours, ce sera le bazar. Mettons-nous à la place des préfectures ! Si nous compliquons leur travail, nous n'aurons plus notre mot à dire quand nous trouvons à les critiquer.

M. Christian Cointat.  - Soyons cohérents. Qu'on le veuille ou non, les premiers résultats connus donnent la température politique du scrutin. Raison d'ailleurs pour laquelle nous avons prévu que les élections en Polynésie française auraient lieu le samedi afin que les électeurs n'y soient pas influencés par les résultats de l'Hexagone. La cohérence républicaine, c'est même jour, même heure.

Le sous-amendement n°60 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°11 rectifié ter.

L'amendement n°30 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°58, présenté par M. Favier et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les premier à sixième alinéas de l'article L. 284 du code électoral sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Les conseils municipaux élisent un nombre de délégués déterminé en fonction de la population des communes à raison d'un délégué pour 500 habitants ou une fraction de ce nombre. »

M. Christian Favier.  - En 1999, le gouvernement Jospin avait proposé qu'il y ait un électeur par tranche de 500 habitants ; au cours de la navette, on était descendu à 300. C'est cela que le Conseil constitutionnel avait censuré le 6 juillet 2000. Cet amendement-ci est donc acceptable par le Conseil.

M. le président.  - Amendement n°31 rectifié, présenté par Mme Klès.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 284 du code électoral est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le nombre : « 9 000 » est remplacé par le nombre : « 10 000 » ;

2° Au sixième alinéa, les mots : « et vingt-neuf » sont supprimés ;

3° Après le sixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - vingt-cinq délégués pour les conseils municipaux de vingt-neuf membres. »

Mme Virginie Klès.  - Sans prétendre résoudre tous les problèmes, je demande la suppression de la tranche artificielle de 9 000 à 9 999 habitants, qui n'existe pas dans le code général des collectivités territoriales. Cela ne perturberait pas la logique voulue par le législateur.

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - Retrait de l'amendement n°58 au nom de la décision du Conseil constitutionnel de 2000 : les grands électeurs non élus ne doivent pas dépasser la moitié du collège dans un département, sauf à Paris. Défavorable à l'amendement n°31 rectifié ter qui n'a pas été corrigé dans le sens demandé.

M. Manuel Valls, ministre.  - L'amendement n°58 réduirait fortement la représentation des petites communes : leur nombre de délégués serait divisé par trois. Ne multiplions pas les strates : rejet de l'amendement n°31 rectifié ter.

M. Alain Richard.  - Le Conseil constitutionnel a évoqué un correctif démographique. Or quand on regarde le tableau, le problème saute aux yeux : les communes de 3 501 habitants ont quinze délégués contre sept dans les communes de 3 500 habitants. Même effet de seuil, mais inverse, à partir de 9 001 habitants. Il faudra mieux articuler correctif démographique et représentation des territoires au sein du collège. Ce problème, justement soulevé par Mme Klès, doit être examiné au cours de la navette.

M. Richard Tuheiava.  - Mme Klès propose de supprimer une strate, non d'en créer une. Je soutiens son amendement car beaucoup de communes de Polynésie, comme d'ailleurs de Nouvelle-Calédonie, sont concernées.

Mme Virginie Klès.  - Je suis dubitative : je propose de supprimer une strate, M. Richard semble préconiser d'en créer d'autres... Je maintiens mon amendement pour lancer la réflexion.

M. Éric Doligé.  - La réflexion de M. Richard est intéressante : un tel rééquilibrage apporterait de la vigueur au monde rural. Ce n'est certainement pas le but de ce nouveau texte ruralicide. Le Sénat représente tous les territoires, par seulement les grandes communes.

M. Manuel Valls, ministre.  - L'amendement de Mme Klès poserait peut-être des problèmes au monde rural, étudions-le de près comme le suggère M. Richard pour corriger ces effets de seuil. En attendant, mieux vaut le retirer pour ne pas rompre les équilibres auxquels vous êtes tous ici attachés.

Mme Virginie Klès.  - Devant cet engagement du ministre, je m'incline.

L'amendement n°31rectifié est retiré.

L'amendement n°58 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°42 rectifié ter, présenté par MM. Cornu, de Montgolfier et Billard.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 287 du code électoral est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « députés, » sont insérés les mots : « les sénateurs, » ;

2° Au second alinéa, après le mot : « député, » sont insérés les mots : « un sénateur, ».

M. Albéric de Montgolfier.  - Amendement de conséquence, peut-être satisfait par l'amendement de la commission présenté tout à l'heure.

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - Favorable.

M. Manuel Valls, ministre.  - Sagesse.

L'amendement n°42 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE PREMIER

M. Jean Louis Masson .  - Autant je suis favorable à l'article 2, autant je suis hostile à un procédé qui, après le redécoupage des cantons, donnerait encore plus de poids aux villes. Le Sénat doit rester le défenseur des territoires.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. Albéric de Montgolfier.  - Nous en arrivons à l'essentiel : cet article diminuerait le poids de la ruralité. Supprimons-le d'autant que le nombre de cantons a été divisé par deux. Sur la forme, les élections sénatoriales auront lieu en septembre 2014, il n'est pas de tradition de procéder à de tels changements dans l'année qui précède l'échéance. Or, vu le calendrier extrêmement chargé de la session extraordinaire, il est clair que nous ne pourrons pas régler cette question sereinement cet été.

M. le président.  - Amendement identique n°23, présenté par M. Masson.

M. Jean Louis Masson.  - Préservons la représentation du monde rural.

M. le président.  - Amendement identique n°32, présenté par M. Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat.  - En discussion générale, j'ai dit mon opposition à cet article, même si sa portée est réduite. Pour moi, c'est une question de principe.

M. le président.  - Amendement identique n°39, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe UDI-UC.

M. Yves Détraigne.  - Nous sommes résolument opposés à cette disposition qui survient après le binôme. L'étude d'impact est très insuffisante : nous avons besoin des chiffres par département. Si cet article était adopté, un certain nombre de sénateurs seraient élus par des délégués, qui ne seraient pas des élus de terrain. C'est contraire à la mission confiée au Sénat par l'article 24 de la Constitution.

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - Le monde rural restera privilégié malgré la correction : il ne s'agit que de 3 000 délégués supplémentaires sur 151 000. La tradition qu'a évoquée M. de Montgolfier sur les délais de modification d'une loi électorale n'est qu'un usage. En tout état de cause, nous sommes encore à quinze mois des prochaines élections sénatoriales.

La décision du Conseil constitutionnel de 2000 sera respectée. Dans les Bouches-du-Rhône, le département qui subit l'impact le plus fort, la part des délégués non élus passerait de 32 à 36 %. On a encore de la marge avant d'arriver à 50 % !

Cessons d'opposer monde urbain et monde rural : l'un a besoin de l'autre et vice versa.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Je m'étonne de ces réactions : le Gouvernement s'est montré très modéré face à des injustices criantes, par respect pour les petites communes...

M. Jean-Jacques Hyest.  - ... et pour le Conseil constitutionnel !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Le Gouvernement a fait preuve d'une modération que je tiens à saluer, alors qu'il aurait pu prévoir des changements plus amples. Ne nous instruisez pas un procès qui n'a pas lieu d'être.

M. Manuel Valls, ministre.  - Au vrai, nous opérons un rééquilibrage très prudent qui assure la prépondérance du monde rural dans le collège électoral des sénateurs, dans le respect de l'article 24 de la Constitution et de la décision du Conseil constitutionnel de 2000. Cela ne mérite pas de critiques virulentes.

Hommage à une personnalité étrangère

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) Je suis heureux de saluer la présence dans la tribune officielle de Mme Miapetra Kumpula-Natri, présidente de la Grande commission de l'Eduskunta finlandaise.

Mme Miapetra Kumpula-Natri est en visite en France pour une série d'entretiens sur les questions européennes. Elle s'est entretenue au Sénat avec notre collègue Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.

En notre nom à tous, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue et un bon séjour en France. (Applaudissements)