Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle vingt questions orales.

Maintenance aérienne

Mme Catherine Procaccia .  - La qualité de la maintenance aérienne, avec des contrôles constants et des contraintes réglementaires très strictes, fait de l'avion l'un des modes de transports les plus sûrs du monde. Cependant, la complexité croissante des systèmes embarqués des avions requiert des connaissances de plus en plus pointues : je pense à l'électronique, à commencer par le pilotage et le calcul de la trajectoire. Alors que l'externalisation de l'entretien et de la maintenance est prévue pour plusieurs types d'appareils, dont les gros porteurs, une vingtaine de sociétés sous-traitantes étrangères ont perdu leur agrément.

Un syndicat minoritaire de pilotes de ligne a signalé plusieurs incidents graves sur des avions dont les gros travaux de maintenance ont été réalisés à l'étranger. En 2012, un avion d'Air France a dû interrompre son vol après des pannes de radio haute fréquence, alors qu'il venait de faire l'objet d'une révision approfondie en Chine. Ce genre d'incidents n'est pas isolé. Air France avait arrêté de procéder à des opérations de maintenance en Chine en 2011, avant de se raviser.

Que compte faire le Gouvernement ? Les résultats des contrôles ne devraient-ils pas être publiés pour rassurer les passagers et apporter un peu plus de transparence en cas d'incident ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - Le transport aérien est en effet l'un des plus sûrs et, corollaire, l'un des plus contrôlés. Les règles applicables aux ateliers situés hors de l'Union européenne sont strictement les mêmes, et tous les ateliers doivent être agréés par l'Agence européenne de sécurité aérienne ; la liste des agréments est disponible sur Internet. Les compagnies ont l'obligation de mettre en place un système de surveillance et de suivi des sous-traitants, que la Direction générale de l'aviation civile assure dans le cas d'Air France. La transparence est légitime, et les résultats des contrôles peuvent être communiqués au cas par cas suivant les règles de la commission d'accès aux documents administratifs.

Le système de détection et de notification des incidents est robuste. La traçabilité des incidents est assurée, les autorités concernées sont en capacité de lancer immédiatement des enquêtes si nécessaire. Oui, certaines sociétés étrangères se sont vu retirer l'agrément : c'est le signe de la robustesse du système de surveillance.

Mme Catherine Procaccia.  - Je ne doute pas de la vigilance de la France, mais n'attendons pas les incidents. En Chine, on a vu appliquer sur un avion une peinture qui ne résistait pas à la chaleur... La compagnie Air France n'est pas seule concernée. L'avion fait plus peur que la voiture, alors qu'il tue moins. Soyons vigilants : certains pilotes s'estiment insuffisamment informés des règles de maintenance. J'ajoute que la délocalisation de la maintenance nous fait perdre des emplois.

Interruptions du trafic ferroviaire pour cause d'accidents corporels

M. Patrice Gélard .  - Lors d'accidents corporels survenus sur les lignes ferroviaires, les trains sont parfois bloqués pour trois ou quatre heures. On comprend le stress des usagers, dont beaucoup se rendent au travail ou à un examen. Ne peut-on envisager des procédures plus rapides pour dégager les trains bloqués en raison des procédures, notamment judiciaires ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - En cas d'accident de personne, l'intervention des services - SNCF, pompiers, services judiciaires et médico-légaux, pompes funèbres - doit être sécurisée, ce qui implique en effet l'interruption de la circulation ferroviaire. Un guide d'intervention a été élaboré, pour faire face à des cas variés : accident, malaise, colis suspect... La sécurité des intervenants et des voyageurs est la priorité. RFF et la SNCF se coordonnent avec les services de l'État pour réduire autant que faire se peut les délais. Néanmoins, intervenir prend du temps, notamment en zone non dense. Des réflexions sont en cours pour identifier les marges de progrès et répondre à votre préoccupation.

M. Patrice Gélard.  - Souvent, tous les trains qui suivent le premier arrêté sont aussi immobilisés, alors qu'ils pourraient souvent être déviés sur une autre voie. Sur la ligne Paris-Le Havre, que j'emprunte régulièrement, les aléas sont multiples, les trains sont loin d'être toujours à l'heure. Il faut alors s'organiser : j'ai dû partir très tôt ce matin pour assister à cette séance...

Économie maritime à Wallis et Futuna

M. Robert Laufoaulu .  - Le développement de Wallis et Futuna ne peut passer que par l'économie maritime. Je me félicite que des assises maritimes autonomes, distinctes de celles de la Nouvelle-Calédonie, y aient été organisées ; nos problématiques sont en effet différentes. Qu'entend faire le Gouvernement pour mieux prendre en compte nos enjeux propres ?

Il nous a demandé de développer des ressources propres ; le rapport du député Arnaud Leroy a fait d'excellentes propositions concernant le registre d'immatriculation du port de Mata Utu. Il est important de relancer les immatriculations, grâce à une fiscalité plus juste pour les marins embarqués. Aujourd'hui, les navires préfèrent s'immatriculer sous d'autres pavillons. À quand un service des affaires maritimes à Wallis et Futuna ? Quid de la proposition d'Arnaud Leroy d'autoriser les casinos embarqués sur les navires enregistrés à Mata Utu ? À tout le moins, une plus grande souplesse est nécessaire pour faciliter les enregistrements.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - L'économie maritime est un gisement d'activité et d'emplois presque sans équivalent. Notre ambition est de conquérir 10 % de marchés nouveaux d'ici 2020 ; 50 milliards d'euros sont en jeu, on ne le mesure pas toujours.

À mon arrivée au ministère, j'ai d'emblée constaté un manque de coordination de la politique maritime et de ses outils : d'où la création du conseil national de la mer et le lancement des assises. Des priorités ont été définies pour Wallis et Futuna : clarification des compétences, délimitation de la zone économique exclusive, valorisation des ressources biologiques et minérales.

Sur le registre, le député Leroy a mené un travail de grande qualité, qui trace les voies d'une consolidation juridique. La compagnie des îles du Ponant est actuellement en discussion avec le préfet.

L'efficacité des services de l'État doit être optimisée, sans gommer les spécificités des territoires. Quant aux casinos, ils sont du ressort du ministère de l'intérieur ; nous y travaillerons en interministériel.

M. Robert Laufoaulu.  - Merci de ces réponses encourageantes. Nous comptons sur vous.

Liaison ferroviaire Paris-Clermont-Ferrand

M. Jacques-Bernard Magner .  - Une nouvelle fois, j'attire l'attention du Gouvernement sur les problèmes de la liaison ferroviaire Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon. Après le report de la réalisation de la ligne à grande vitesse au-delà de 2030, il est particulièrement urgent d'améliorer la liaison Paris-Clermont-Ferrand où les difficultés s'accumulent. Les élus, les acteurs économiques et les cheminots sont déçus de voir leurs demandes repoussées et la presse régionale s'en fait l'écho. Certes, les voitures actuelles sont en rénovation mais leur confort ne correspond pas du tout à ce que les voyageurs sont en droit d'attendre en 2014. La direction tantôt promet des rames de trains à grande vitesse (TGV) restaurées, tantôt plaide pour un nouveau matériel. Des matériels Alstom pourraient répondre à la demande, sous réserve d'utiliser l'accord-cadre SNCF ; à défaut, un nouveau retard de cinq ans serait pris...

Il appartient à l'État, autorité organisatrice pour les trains d'équilibre du territoire, de faire les choix nécessaires, d'autant que cette ligne est parfaitement rentable.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - La ligne Paris-Clermont-Ferrand est une des lignes essentielles pour l'équilibre du territoire. Son amélioration ne peut pas attendre la réalisation de la future ligne LGV. Des travaux seront donc engagés avant 2030. Un observatoire de la saturation de l'axe Paris-Lyon va être mis en place pour juger de leur opportunité.

Je suis très attentif aux témoignages des élus. Le Premier ministre a d'ailleurs annoncé le renouvellement complet des trains d'équilibre d'ici 2015 ; une première tranche de renouvellement a été engagée pour un montant de 510 millions d'euros. Le préfet de la région Auvergne coordonne les études préalables pour élaborer un scénario avant fin 2014.

Sur la ligne Paris-Clermont-Ferrand, le matériel roulant a plus de 35 ans... Hormis la rénovation des Téoz, rien n'a été fait depuis des années. D'où l'urgence d'agir. Un appel d'offre sera lancé en 2015. Les premières livraisons sont attendues en 2018.

La SNCF proposait d'y affecter des TGV rénovés ; des problèmes techniques ont été soulevés, nous tentons de les résoudre. Encore une fois, le témoignage des élus est essentiel. Je le dis clairement, la communication de la SNCF auprès des élus doit être conforme à la réalité. J'en parlerai à M. Pépy.

M. Jacques-Bernard Magner.  - Merci de cette réponse relativement précise. Il faut réduire la durée du trajet entre Paris et Clermont-Ferrand. Trois heures au moins aujourd'hui - d'autant que la liaison aérienne se détériore. On ne peut pas laisser les milieux économiques se désespérer plus longtemps.

Chantiers navals de Saint-Nazaire

M. Joël Guerriau .  - Il y a moins de dix ans, les Chantiers de l'Atlantique de Saint-Nazaire comptaient 5 000 salariés. Ils sont 2 000 aujourd'hui. Avec la sous-traitance, fort importante dans cette industrie, c'est tout un bassin d'emploi qui souffre et s'inquiète.

Depuis l'annonce par STX de son intention de vendre le chantier naval, la compagnie Brittany Ferries a annoncé le 14 janvier la signature d'un contrat pour la construction d'un des trois plus grands navires à gaz naturel liquéfié du monde, soit 2,6 millions d'heures de travail et l'équivalent de 500 emplois sur trois ans. Le croisiériste MSC, lui, conditionne la commande ferme de deux paquebots et de deux options à une baisse de prix ; cette commande passe par un accord de compétitivité qui tarde à être validé. L'État, actionnaire à 33,34 %, compte-t-il s'impliquer ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Je vous prie d'excuser M. Montebourg. Une restructuration du groupe coréen STX est envisagée, qui pourrait conduire à des cessions d'actifs en Europe. Le Gouvernement suit cela de très près, d'autant que l'État, actionnaire par le biais de la BPI, sera particulièrement attentif à la qualité des projets d'éventuels investisseurs. Cela n'affecte en rien l'activité des chantiers, des commandes importantes ont en effet été passées l'an dernier. Dans les années qui viennent, le renouvellement des flottes s'accélérera ; les grands opérateurs doivent anticiper. Grâce à son expertise, les Chantiers de l'Atlantique peuvent le faire.

M. Joël Guerriau.  - La délocalisation de la production des méthaniers est encore dans les mémoires... Faute de compétitivité, effet masqué des 35 heures, l'avenir des chantiers de Saint-Nazaire est loin d'être assuré. Si l'on ne leur donne pas les moyens de se battre à armes égales avec leurs concurrents, on ira de sauvetage en sauvetage. L'État actionnaire ne peut s'en désintéresser.

Extension du plateau continental des territoires ultramarins

M. Jacques Mézard .  - Ma question ne vous surprendra pas : le RDSE ne s'intéresse pas qu'au sud-ouest de la France, mais à toute la République.

Forte de ses onze millions de km² de zone économique exclusive - la deuxième en superficie dans le monde -, la France dispose d'un espace maritime exceptionnel qu'elle n'a pas su mettre en valeur. Les richesses potentielles que recèlent les sous-sols sont un atout considérable qui appelle la mise en place d'un modèle de développement efficace économiquement et soucieux de la protection de l'environnement.

L'article 76 de la convention de Montego Bay autorise les États côtiers à étendre leur plateau continental au-delà de la limite des deux cents milles marins, mesure qui fait l'objet en France du programme d'extension raisonnée du plateau continental (Extraplac). Notre pays a fini semble-t-il par prendre la mesure de cette opportunité. Il est important que le dossier de Saint-Pierre-et-Miquelon soit déposé au printemps de cette année.

Il est essentiel que la France ait une politique ambitieuse à la hauteur des enjeux. Les négociations avec les États voisins relatives aux délimitations de souveraineté ont abouti à geler les demandes concernant la Nouvelle-Calédonie, la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique et les îles Kerguelen - territoires, comme Amsterdam, Crozet ou Saint-Paul, dont on ne s'occupe pas assez alors que leur potentiel est grand. Le Gouvernement a-t-il l'intention de mettre en place dans les meilleurs délais, une stratégie relative à l'extension du plateau continental dans les territoires ultramarins ?

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer .  - Je suis le premier ministre d'outre-mer depuis longtemps à m'être rendu à Tromelin ; il y a là, en effet, des ressources insoupçonnées.

Le programme Extraplac est doté des moyens nécessaires. La France a respecté le délai de dépôt des dossiers d'extension auprès du Secrétaire général des Nations unies, fixé au 13 mai 2009, en ce qui concerne la Guyane, la Nouvelle-Calédonie, les Antilles françaises, les îles Kerguelen, l'archipel du Crozet, la Réunion, les îles Saint-Paul et Amsterdam et Wallis et Futuna. La commission a déjà validé certaines extensions. Pour la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane, les négociations de délimitation avec les États voisins avancent. Pour la Nouvelle-Calédonie, la commission a validé l'extension du plateau continental sur la partie sud-ouest - le Vanuatu invoque un conflit de souveraineté sur les îles Matthew et Hunter pour la partie est. Des discussions sont en cours avec cet État.

L'enjeu est de 76 000 km² pour la Guyane, de 7 480 km² pour les Antilles et de 4 500 km² pour les îles Kerguelen. Des problèmes se posent pour la délimitation des zones de pêche avec la Dominique.

Les dossiers relatifs à Saint-Pierre-et-Miquelon et à la Polynésie française seront déposés, respectivement, au printemps 2014 et en 2015. Nous ferons valoir nos droits légitimes.

En revanche, nous ne déposerons pas de dossier pour Saint-Martin, Saint-Barthélemy et les Îles éparses, en raison de leur contigüité avec les territoires d'autres États ou de l'absence de données scientifiques. Un travail d'expertise est en cours.

M. Jacques Mézard.  - Merci de cette réponse complète. Soyons très attentifs à ces îles, y compris à celles qui n'ont pas d'électeurs... Elles aussi ont de l'avenir ! (MM. Didier Guillaume et Jean Besson applaudissent.)

Risques d'inondation en Ile-de-France

M. Christian Cambon .  - Alors que la région Midi-Pyrénées, le Var et la Gironde viennent d'être frappés par des crues causant des dégâts catastrophiques, on s'interroge sur le risque d'inondation en Ile-de-France.

Située au coeur de trois confluences Seine-Yonne, Seine-Marne et Seine-Oise, la région n'a pas connu de crue majeure depuis près de 60 ans. Pourtant, depuis 25 ans, on observe une extension continue de l'urbanisation. Près 20 000 hectares au total se trouvent en zone inondable ; 1 650 dans le Val-de-Marne, 27 % de la surface de l'habitat. Une crue affecterait 3,2 millions d'habitants dont 70 % à Paris et la petite couronne ainsi que deux millions d'emplois. La commune d'Alfortville serait entièrement submergée. Une inondation paralyserait cinq lignes de RER, la totalité du métro et les cinq grandes gares SNCF. Quelque 341 établissements de santé seraient touchés. L'impact dépasserait largement la seule zone inondée : plusieurs millions de personnes en subiraient les effets indirects : fragilités électriques, impossibilité des déplacements, désorganisation des services publics...

Les aménagements des berges, les quatre barrages de rétention en amont résisteraient-ils à une crue exceptionnelle ? Un rapport de l'OCDE souligne que le coût pourrait atteindre 30 milliards d'euros... Il préconise une amélioration de la coordination et une meilleure gouvernance de l'expérimentation d'un cinquième barrage dans la vallée de la Bassée - le projet, qui coûterait 500 millions d'euros, divise les élus.

Un comité stratégique a été mis en place par la préfecture de police de Paris, mais les compétences de l'État et des collectivités territoriales se chevauchent.

Qu'entend faire le Gouvernement, et quels moyens existent-ils pour la gestion de crise ?

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - J'étais récemment en Bretagne, dans le Var et dans les Hautes-Pyrénées, où j'ai pu constater les dégâts causés par les inondations. Elles nous avertissent de la nécessité de développer la culture du risque.

En région parisienne, la crue de 1910 reste dans tous les esprits. Un rapport de l'OCDE montre en effet que cinq millions de personnes seraient touchées par sa réitération, dont le coût pourrait se monter à 15 ou 20 milliards d'euros.

La création de la métropole du Grand Paris est l'occasion de progresser. Le préfet de police de Paris réunit régulièrement les opérateurs, afin d'assurer la continuité des services essentiels. L'établissement public Grands lacs de Seine a mis en place un programme de prévention. Soyez assurés de notre vigilance.

M. Christian Cambon.  - Je reste inquiet de la faible mobilisation à ce sujet. La Marne borne ma ville sur trois kilomètres ! Tous les acteurs doivent être associés à la réflexion, les maires y compris.

Classement du parc naturel régional des Baronnies Provençales

M. Jean Besson .  - Le projet de parc naturel régional des Baronnies Provençales couvre 220 000 hectares, avec une population très faible puisque la densité moyenne y est de quinze habitants au km2 - dans le canton de Rémuzat qui m'est cher, elle est parfois de moins de deux habitants au km2. Soixante-deux des communes concernées comptent moins de cent habitants. On comprend aisément les difficultés quotidiennes que les élus et les habitants y rencontrent ; pourtant, ils y sont fermement attachés. Les Baronnies Provençales sont un territoire d'exception, qui bénéficie à la fois des influences méditerranéennes et alpines, d'une biodiversité et de paysages remarquables.

De nombreux élus de la région soutiennent avec ferveur le projet de parc naturel régional. J'en suis avec Didier Guillaume. En 2004, les régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur ont décidé le même jour de lancer la procédure de création. Après la création du syndicat mixte des Baronnies Provençales en 2007, la procédure d'élaboration de la charte a associé les forces vives du territoire, dans une démarche d'ouverture et de main tendue.

En 2010, la Fédération des parcs naturels régionaux de France et le Conseil national de protection de la nature ont unanimement souligné la pertinence du projet, qui bénéficie également du soutien des conseils généraux de la Drôme et des Hautes-Alpes. Quatre-vingt-six communes représentant 30 700 habitants et douze communautés de communes ont approuvé la charte, comme plus des deux tiers des 1 600 élus municipaux.

Seule reste la décision de classement par l'État. Dans quel calendrier obtiendrons-nous la reconnaissance et les outils que cette superbe région mérite ? (M. Didier Guillaume applaudit)

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - Ce beau territoire possède toutes les qualités requises pour prétendre au classement de parc naturel régional. La Fédération des parcs naturels régionaux et le Conseil national de la protection de la nature ont souligné l'intérêt du projet, de même que mon ministère qui a apprécié le dynamisme de l'équipe de préfiguration et la remarquable démarche associant tous les acteurs qui a conduit à l'élaboration de la charte. Je le dis aux communes qui hésitent encore : ce n'est pas une mise sous cloche, mais une chance pour leur territoire, un outil de développement durable. Ce projet doit aboutir rapidement.

M. Jean Besson.  - Merci, vous connaissez bien ce dossier. Les Baronnies Provençales sont un trou sur la carte (M. Besson en brandit une) entre Bauges et Lubéron. Il faut le combler !

Epiceries sociales et solidaires

M. Luc Carvounas .  - Le 27 juin 2013, les autorités européennes ont trouvé un accord pour créer un fonds européen d'aide aux plus démunis, doté de 3,5 milliards d'euros sur sept ans ; cet accord doit beaucoup à l'implication du gouvernement français. Toutefois, le nouveau fonds ne concerne que les organismes qui distribuent gratuitement des denrées alimentaires, ce qui exclut les épiceries sociales et solidaires ; elles demandaient jusqu'à présent à leurs bénéficiaires une participation symbolique, les affranchissant d'un réel sentiment de dépendance et respectant ainsi leur dignité. Cette participation permet également aux structures de réaliser des économies en vue de financer d'autres projets d'insertion sociale : aide au logement, soutien à l'insertion professionnelle, accès aux soins...

Comment le Gouvernement entend-il protéger et pérenniser le modèle des épiceries sociales et solidaires ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Vous avez raison de saluer la création du Fonds européen d'aide aux plus démunis, qui remplacera l'ancien programme. Ce n'était pas gagné d'avance. La France s'est battue, avec le soutien sans faille des parlementaires européens et des associations. Ce fonds est doté de 3,5 milliards sur la période 2014-2020. La France compensera la baisse : en décembre 2013, nous avons débloqué 8,2 millions de crédits pour l'aide alimentaire, qui abonderont la ligne 304 de la mission « Solidarité ».

Trois millions de personnes bénéficient de l'aide alimentaire en France, dix-huit millions en Europe. Nos 729 épiceries sociales et solidaires effectuent un travail remarquable. Nous voulons consolider leur modèle ; c'est pourquoi nous compenserons intégralement l'impact des nouvelles règles, grâce à une ligne de crédits de 7,7 millions d'euros. Cela ne s'arrête pas là. Le 22 janvier, j'ai rencontré les quatre grandes associations de l'aide alimentaire. Nous devons, en effet, les accompagner, pour les aider à faire face à l'afflux de nouveaux précaires. Il faut sécuriser leur budget. Dites-leur : les épiceries sociales et solidaires n'ont pas de souci à se faire pour cette année !

M. Luc Carvounas.  - Je me réjouis de cette annonce, particulièrement des 7,7 millions de crédits. J'ai apprécié, dans ma ville d'Alfortville, le rôle d'accompagnement social que jouent ces épiceries.

Pensions des mineurs

M. Dominique Watrin .  - Les mineurs retraités estiment, depuis de nombreuses années, que le système de calcul du montant de leurs retraites est injuste et discriminant. La revalorisation du montant des pensions en 2001 ne concerne en effet que les mineurs partis en retraite après 1987 ; le dispositif engendre des écarts de plus en plus importants, jusqu'à 25 %, entre les pensions des mineurs ayant cotisé un même nombre d'années.

Le Gouvernement, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, avait consenti une revalorisation de 5 %. Un gouvernement de gauche ne peut pas faire moins. Pouvez-vous envisager une revalorisation des pensions de 5 % dès 2014 ? Entendez-vous corriger les discriminations qui touchent les pensions de réversion des veuves de mineurs, déjà pénalisées par la perte de la demi-part fiscale pour celles qui ont élevé trois enfants ?

Enfin, que comptez-vous faire pour les centres de santé du régime minier du Pas-de-Calais, très fréquentés et qui ont besoin d'être soutenus ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - D'abord, veuillez excuser Mme Touraine, qui présente ce matin le plan cancer avec le Premier ministre. Elle est très attachée au régime minier, dont le mode de calcul est très particulier : tous sont traités de la même façon, quelque qu'ait été le revenu d'activité. Après que ce régime a décroché du régime général, le gouvernement Jospin en a réformé le mode de calcul et a admis le principe d'un rattrapage. Puis une revalorisation de 3 % est intervenue ultérieurement, vous le savez.

L'alignement sur le régime général s'est fait sans perte des avantages ; c'est ainsi que la pension de réversion des veuves est restée plus importante que celle versée dans le régime général. Quant aux centres de santé, une nouvelle convention 2014-2019 sera signée ; elle sera l'occasion d'offrir une offre de santé renouvelée.

M. Dominique Watrin.  - Le compte n'y est pas : une revalorisation progressive de 5 % alors que l'écart est, je l'ai dit, de 25 %. Les élus ne sont pas, bien au contraire, opposés à une évolution des centres de santé. Leur rôle, avec le tiers payant, est essentiel sur des territoires où le chômage atteint 25 %. Ce que nous ne voulons pas, ce sont des restructurations engagées sans concertation avec les élus.

Formation des opticiens

M. Ronan Kerdraon .  - Selon un récent sondage, 43 % des Français ont renoncé à des soins d'optique en raison de la difficulté à obtenir un rendez-vous, 8 % d'entre eux n'ont jamais consulté d'ophtalmologiste. Dans les années à venir, ce renoncement s'accentuera sous l'effet du vieillissement de la population et de la baisse du nombre d'ophtalmologistes. Selon leur syndicat, ils ne pourront plus prendre en charge que 8 millions de patients en 2020, contre 10 millions aujourd'hui. Face à cette fracture sanitaire croissante, améliorons l'accès aux soins d'optique des Français par des mesures simples.

La loi HPST prévoit les protocoles de coopération entre professionnels de santé. On compte 25 000 opticiens-lunetiers, professionnels de santé qualifiés pour conduire des examens basiques de la vue. Ils pourraient être de véritables partenaires de santé des ophtalmologistes en contribuant à la prise en charge des patients dans le cadre d'un protocole de soins conclu sous l'égide de la Haute autorité de santé. Cette délégation de tâches garantira des économies de 200 millions d'euros à la collectivité, puisque cet examen serait facturé à un prix moindre et non remboursé par la sécurité sociale.

Cette délégation de tâches impliquerait d'allonger la formation des opticiens-lunetiers d'une année. La troisième année de formation pourrait intégrer deux stages pratiques à l'hôpital et en cabinet médical, encadrés par des ophtalmologistes. En outre, ce cycle de formation, qui serait reconnu par l'État et intégré dans le cadre du cursus européen LMD pourrait être financé par les opticiens eux-mêmes.

De telles mesures sont-elles envisageables ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Les ophtalmologistes participent aux soins de premier recours. La santé visuelle et, en particulier, l'examen de la vue représentent indéniablement un enjeu sanitaire économique et politique auquel nous pouvons répondre par des protocoles entre ophtalmologistes, opticiens et orthoptistes. Ces professionnels y sont favorables, cela libérera du temps médical et réduira les délais d'attente. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2014 encourage ces coopérations.

M. Ronan Kerdraon.  - Merci pour cette réponse qui va dans mon sens : tout doit être fait pour améliorer l'accès aux soins.

Statistiques à Mayotte

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Devenu le 101e département en 2011, Mayotte est entré de plain-pied dans le droit commun le 1er janvier 2014. Mon département manque cruellement des données locales chiffrées précises et fiables dont nous avons besoin pour mesurer ses évolutions démographiques et ses mutations.

La loi du 27 février 2002 a instauré un recensement quinquennal à Mayotte. Un recensement annuel serait plus adapté, vu notre démographie exponentielle et la pression migratoire que nous subissons.

Que fera le Gouvernement pour apporter une connaissance du territoire à la hauteur de celle des autres départements français ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Excusez l'absence de M. Moscovici, retenu ce matin.

La création d'un système statistique exige des efforts continus. L'Insee s'y emploie depuis 1997 à Mayotte ; son antenne est désormais régionale. Un système statistique suppose trois piliers : la mise en place des répertoires, des enquêtes, l'utilisation de fichiers administratifs, tels que celui des permis de conduire. Les choses s'améliorent pour le premier et le troisième piliers. Il n'en va pas de même pour le deuxième, notamment parce que les collectivités transmettent avec retard les données d'état civil qui souffrent d'une sous-déclaration systématique des décès.

Les derniers chiffres de la population sont actuellement diffusés ; un recensement annuel supposerait un autre cadre législatif et un nouvel effort financier.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée.  - L'Insee envisage une grande enquête annuelle sur l'emploi... Je vous communiquerai la réponse complète par écrit.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Il n'y aura pas de politique de développement sans données statistiques fiables. Il faut progresser ; je fais confiance au Gouvernement.

Indemnisation des victimes des essais nucléaires

M. Philippe Madrelle .  - Lors d'un récent débat au Sénat, chacun a reconnu que la loi du 5 janvier 2010 n'avait pas atteint ses trois objectifs : reconnaître, simplifier et indemniser. Sur les 861 dossiers déposés au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) à la fin de juin 2013, 11 seulement ont donné lieu à indemnisation. La cause de ce dysfonctionnement est le principe de présomption de causalité que la loi n'admet qu'à la suite d'un examen préalable du risque relatif aux essais nucléaires. L'utilisation d'une formule statistique conduit à nier la présomption d'origine.

La transformation du Civen en une autorité indépendante dans la loi de programmation militaire est une avancée. Poursuivons en nommant un interlocuteur unique pour les victimes, en renforçant la participation des associations au Civen, en renouvelant les experts du comité de suivi, en réformant la méthode d'examen des dossiers, en appliquant strictement le principe de présomption et en créant un lieu de mémoire. Tout cela ne sera pas censuré par l'article 40 puisqu'un budget de 10 millions est affecté à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires. La Nation doit honorer sa parole.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Au 1er janvier 2014, le Civen avait reçu 880 dossiers, dont 726 complets, parmi lesquels 503 étaient recevables, et 13 indemnisations ont été prononcées.

Le dispositif actuel est perfectible ; le rapport de Mme Bouchoux et M. Nègre trace des pistes dans leur rapport. Rien n'est figé : le Civen est devenu autorité indépendante dans la loi de programmation militaire, le périmètre a été étendu à toute la Polynésie française. En outre, M. le Drian a récemment autorisé une nouvelle fois la déclassification de documents secret défense. Celui-ci ne fait pas obstacle à l'indemnisation. Le calcul du risque, qui n'est en rien mathématique, repose sur des méthodologies validées par les instances internationales. Le Civen examine les dossiers au cas par cas : derrière les chiffres, il y a des victimes auxquelles nous devons une réparation juste.

M. Philippe Madrelle.  - C'est d'abord une affaire humaine, il reste beaucoup à faire.

Restauration scolaire

M. Michel Billout .  - Le 28 mars 2013, le Défenseur des droits dans son rapport sur « L'égal accès des enfants à la cantine de l'école primaire », constate l'exclusion d'enfants des cantines scolaires. De nombreuses municipalités continuent d'imposer des critères restreignant l'accès à la restauration scolaire : priorité d'accès aux enfants dont les parents travaillent, disponibilité des parents, lieu de résidence de la famille sur le territoire de la commune.

Cette discrimination est contraire au principe de garantie d'un accès égal accès aux services publics, de même qu'à l'article 2 de la Convention internationale des droits de l'enfant. Le Défenseur des droits soutient les propositions de lois de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il recommande que le service public de la restauration scolaire, dès lors qu'il a été mis en place, soit ouvert à tous les enfants dont les familles le souhaitent. La proposition de loi déposée au Sénat prévoit également des sanctions.

Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - 17 000 communes disposent d'une cantine scolaire. L'alimentation est essentielle au développement intellectuel et psychomoteur des enfants, surtout quand la précarité des familles progresse. En l'état actuel du droit, cette compétence, facultative, est du ressort des collectivités territoriales qui peuvent limiter l'accès à ce service. Le Conseil constitutionnel l'a rappelé dans sa décision du 13 mai 1994.

En revanche, des critères aboutissant à l'exclusion fondée sur des critères sociaux seraient jugés illégaux. De plus, les familles en difficulté peuvent se tourner vers les assistantes sociales. Dans une situation financière contrainte, plutôt que de rendre cette compétence obligatoire et, donc, de la financer, mieux vaut encourager les communes à développer une cantine scolaire adaptée à leur population.

M. Michel Billout.  - Ma question ne portait pas sur la transformation d'une compétence facultative en compétence obligatoire, elle concernait l'égal accès des enfants aux cantines scolaires existantes. Encourageons les communes, par des incitations financières, à aller au bout de leur démarche.

Recettes des taxes d'aménagement

M. Michel Le Scouarnec .  - Les communes morbihannaises peinent à recouvrer la taxe d'aménagement.

Ce serait essentiellement dû à des dysfonctionnements informatiques, ceux de Chorus. Les municipalités traversent déjà des difficultés que nul ne peut ignorer. Ces retards dans la perception de la taxe d'aménagement fragilisent des municipalités inquiètes pour leurs finances locales. Si un délai est nécessaire, compte tenu des difficultés techniques, il doit être raisonnable.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Depuis l'été, il n'y a plus de problème de raccordement de l'application ADS 2007 à Chorus. En 2013, 200 000 titres ont été pris en charge dans Chorus, pour 320 millions d'euros, dont 143 ont déjà reversés aux collectivités territoriales. Quelque 30 000 autres titres sont en cours de prise en compte. Pour le Morbihan, 4 400 titres ont été traités, pour un montant de 5,225 millions d'euros, dont 2,3 millions ont été versés au comptable public.

Le délai d'émission des titres n'est pas celui prévu pour le reversement aux communes. Je vous renvoie à l'article L. 331-24 du code de l'urbanisme.

M. Michel Le Scouarnec.  - Je suis heureux que Chorus soit désormais en état de marche. Reste que les collectivités territoriales souffrent de la baisse des dotations : nous allons perdre 6 % à la fin de 2014, selon André Lainiel ! Autant d'investissements en moins. Le changement sera-t-il pour 2015 ?

Vaccination des veaux contre la teigne

M. Francis Grignon .  - La teigne est une zoonose provoquée par une mycose à l'origine de lésions importantes sur les peaux. La contamination entre animaux est directe ou indirecte. Cette pathologie est transmissible à l'homme. Si la France demeure le premier producteur mondial de cuir de veau, la filière est fragilisée par le problème de la vaccination des veaux contre la teigne.

La disponibilité de cette matière première est insuffisante pour faire face au développement du marché du luxe et des exportations françaises. La Norvège, qui a rendu la vaccination contre la teigne obligatoire en 1978, s'est à peu près débarrassée de cette zoonose. Une vaccination systématique améliorerait les conditions de vie des bêtes en réduisant le stress dû aux démangeaisons. Une étude menée en 2011 par la Fédération française de la tannerie mégisserie et le laboratoire MSD Santé Animale montre que l'écart de poids entre un veau malade et un veau sain atteint 4,3 kilos à la fin de l'engraissement. La teigne est également à l'origine de pertes économiques pour la filière française du cuir, puisque les peaux de veaux malades sont sous-valorisées par les tanneurs français.

Le Gouvernement entend-il généraliser la vaccination des veaux contre la teigne ? Préoccupons-nous des petits veaux autant que du chaton marseillais !

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt .  - La teigne détériore en effet grandement les peaux. Mais ce n'est pas une maladie réglementée ; il n'est donc pas question de rendre cette vaccination obligatoire. En revanche, nous sommes disposés à ouvrir des concertations au niveau régional pour étendre les programmes de vaccination. Les producteurs doivent s'y retrouver autant que les industriels des peausseries.

M. Francis Grignon.  - Merci. Il est important que le ministère serve de courroie de transmission.

Huile essentielle de lavande

M. Michel Teston .  - À la suite du rapport White de juin 2012, le conseil scientifique des produits de consommation de l'Union européenne a proposé de réduire la présence de produits potentiellement allergènes dans les cosmétiques et les parfums. Or le linalol, substance potentiellement allergène, est présent dans l'extrait et l'huile essentielle de lavande. Une telle réglementation pourrait donc avoir pour conséquence la disparition de 130 exploitations dans mon département, sans compter les incidences sur les filières de la parfumerie et de la cosmétique.

De plus, le système Reach, considérant les huiles essentielles comme des produits chimiques, les producteurs de lavande devront désormais fournir des études toxicologiques dont le coût leur sera insupportable. Alors que les alcools ou les huiles de consommation, autres produits issus de la distillation classique des plantes, sont considérés comme des produits agricoles, pourquoi en irait-il autrement pour les huiles essentielles ?

Comment le Gouvernement compte-t-il rassurer les producteurs ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt .  - Les consommateurs européens sont les mieux protégés du monde contre les produits chimiques. Les huiles essentielles ont été intégrées à la réglementation Reach parce qu'elles sont considérées comme des produits industriels.

Il faut définir une stratégie adaptée. Le nouvel étiquetage serait dissuasif. J'ai demandé la mise en place d'une mission pour accompagner les producteurs dans leurs démarches vis-à-vis de la Commission européenne.

Des produits naturels, connus depuis des siècles, ne sauraient être assimilés à des produits chimiques dangereux. Comptez-sur le Gouvernement pour défendre la lavande et le lavandin à Bruxelles !

M. Michel Teston.  - Merci. La lavande et le lavandin, comme toutes les plantes aromatiques qui sont particulièrement adaptées aux montagnes sèches, sont difficilement remplaçables. Merci au Gouvernement de son aide à l'enregistrement des distilleries, et de son engagement de plaider auprès de la Commission européenne en faveur des huiles essentielles.

Marchés globaux

M. Louis Nègre .  - Après une question publiée le 24 octobre dernier, je reviens à la charge sur les conditions de recours aux marchés globaux de conception, de réalisation et d'exploitation ou de maintenance, en vue de la réalisation de travaux relevant de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage public et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée.

Comment interpréter l'article 73 du code des marchés publics ? Celui-ci semble autoriser le recours à ce type de marché pour la conception, la construction et l'exploitation ou la maintenance d'ouvrages de bâtiments neufs ou d'ouvrages d'infrastructures neufs ou existants relevant de la loi du 12 juillet 1985, dès lors qu'il existe seulement des « motifs d'ordre technique rendant nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage », visés à l'article 37 du même code, indépendamment de tout engagement de performance énergétique. Est-ce bien cela ? Le sujet est un peu technique...

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt .  - Veuillez excuser M. Moscovici. J'essaierai d'être clair... Une dérogation à l'article 73 du code des marchés publics est possible, en fonction de critères précis : efficacité énergétique, niveau de qualité, incidence écologique.

Pour les marchés relevant de la loi de 1985, on distingue deux cas. Pour des travaux sur des bâtiments existants, la dérogation ne peut être justifiée que par la performance énergétique. Pour les constructions neuves, l'approche est plus globale et les motifs de dérogation plus nombreux. C'est ainsi que nous avons obtenu une dérogation aux marchés publics pour la construction du pavillon français à l'Exposition universelle de Milan de 2015.

M. Louis Nègre.  - Des collectivités ont eu recours à cette procédure pour construire une piscine ou une chaufferie de bois. Je suis heureux que vous m'ayez confirmé que des motifs techniques peuvent la justifier.

Dumping social (I)

M. André Reichardt .  - La mise en place d'un marché unique, sans harmonisation sociale européenne, se révèle désastreuse et les régions frontalières souffrent tout particulièrement. La réunion des ministres européens du travail, le 15 octobre 2013, sur la directive « Détachement » a mis en évidence des abus importants sur l'utilisation de la main-d'oeuvre détachée, en matière de coût du travail et de réglementation sociale.

Merci d'avoir renforcé les contrôles aux frontières, monsieur le ministre. Allons plus loin, en créant un salaire minimum européen et des règles sociales communes. Cela est indispensable. Quelle est la stratégie du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - L'espace européen ne saurait être un espace de régression sociale. L'exploitation des salariés est intolérable, ses conséquences sur nos entreprises et nos emplois le sont tout autant.

Nous luttons contre les abus liés aux travailleurs détachés, ce qui n'entame en rien notre souci d'assurer le respect de la libre circulation des hommes au sein de l'Union. Après des années, nous avons obtenu le 9 décembre un accord. Chaque pays pourra dorénavant conduire des contrôles, les règles différant selon les États ; une « responsabilité solidaire » liera donneurs d'ordre et sous-traitants.

Au niveau national, une proposition de loi vous sera bientôt soumise pour transposer cet accord. J'ai demandé à mes services, en coordination avec ceux de l'Urssaf et du ministère de l'intérieur, de renforcer les contrôles sur le terrain.

L'Europe sociale a été relancée, grâce au moteur franco-allemand. La création d'un smic en Allemagne est un progrès pour les travailleurs allemands comme pour nous-mêmes. Il faut aller plus loin : une belle bataille est devant nous.

M. André Reichardt.  - Outre les transports, les contrôles doivent aussi concerner les secteurs du bâtiment et des légumes, où les difficultés sont grandes. La directive devra être modifiée pour que les règles sociales du pays d'accueil s'appliquent elles aussi au travailleur détaché.

Dumping social (II)

M. Roland Courteau .  - De plus en plus d'entreprises établies dans un autre État membre de l'Union européenne exercent des activités en France, en dehors du cadre réglementaire français et en pratiquant des prix que les entreprises établies en France ne peuvent pas soutenir.

Sans remettre en cause la libre prestation de services dans le cadre du marché unique européen, reconnaissons que les entreprises à bas coûts, qui mettent à profit les fossés sociaux et fiscaux existant entre les pays membres, contournent la règlementation sur les salariés détachés, jusqu'à constituer de véritables filières de mise à disposition de personnel.

On propose maintenant par courriers des services de recrutement d'ouvriers polonais en contrat de détachement : le taux horaire du détachement d'un salarié est présenté comme se situant entre 14,50 euros et 17,50 euros, salaire, charges sociales et congés payés compris. Le taux horaire moyen en France est de l'ordre de 34 euros.

Des garde-fous sont indispensables. Vous avez arraché un accord le 9 décembre pour lutter contre les dérives, monsieur le ministre. Je m'en félicite car le Languedoc Roussillon a déjà perdu 4 700 emplois dans le bâtiment. Mettons un terme à ces pratiques.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Dans le bâtiment, les dérives sont manifestes et massives. Elles s'appuient sur des mécanismes extrêmement sophistiqués, comme la multiplication des sous-traitants, tous de nationalité différente. D'où l'importance de la décision du 9 décembre, qui instaure une responsabilité solidaire du donneur d'ordre. Certains pays n'en voulaient pas, les Britanniques campaient sur une position dogmatique qui privilégie toujours le laisser-faire sur la réglementation.

Vous débattrez bientôt de la création de cette responsabilité solidaire dans tous les secteurs.

Le constat que vous faites pour le Languedoc Roussillon pourrait être étendu à d'autres régions, pas seulement celles qui sont proches d'une frontière. Que chacun prenne ses responsabilités : certaines entreprises françaises acceptent ces dérives et en profitent. Je sais les sénateurs unanimes sur cette question. Soyons, tous, droit dans nos bottes.

M. Roland Courteau.  - Merci de votre action monsieur le ministre. Nous ne pouvons accepter cette nouvelle figure de l'esclavage qu'est le travailleur détaché, et ses conséquences pour nos emplois. Les Européens attendent de l'Europe une croissance solidaire.

La séance est suspendue à midi dix.

présidence de M. Thierry Foucaud,vice-président

La séance reprend à 14 h 30.