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Table des matières



CMP (Nominations)

Dépôt de rapports

Questions prioritaires de constitutionnalité

Débat d'orientation sur les finances publiques

Loi de règlement 2013 (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales

M. Aymeri de Montesquiou

M. Thierry Foucaud

M. François Fortassin

M. Jean-Vincent Placé

Mme Fabienne Keller

Mme Michèle André

M. Vincent Delahaye

Mme Nicole Bricq

M. Serge Dassault

M. Jean-Yves Leconte

M. Philippe Marini, président de la commission des finances

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales

M. Michel Sapin, ministre

Discussion des articles de la loi de règlement

ARTICLE PREMIER

ARTICLE ADDITIONNEL

Candidatures à une éventuelle CMP

Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014

Discussion générale

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis de la commission des finances

M. Dominique Watrin

M. Gilbert Barbier

Nominations à une éventuelle CMP

Hommage à un soldat décédé au Mali

Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 (Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Jean Desessard

M. Jean-Noël Cardoux

M. Gérard Roche

Mme Christiane Demontès

M. Ronan Kerdraon

Mme Aline Archimbaud

M. Georges Labazée

Mme Marisol Touraine, ministre

Question préalable

Mme Isabelle Pasquet

Mme Jacqueline Alquier

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales

Mme Marisol Touraine, ministre

Ordre du jour du mercredi 16 juillet 2014

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 15 juillet 2014

9e séance de la session extraordinaire 2013-2014

présidence de M. Jean-Léonce Dupont, vice-président

Secrétaires : Mme Odette Herviaux, M. Jean-François Humbert.

La séance est ouverte à 14 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site Internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.

CMP (Nominations)

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme ferroviaire et de la proposition de loi organique relative à la nomination des dirigeants de la SNCF.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du jeudi 10 juillet prennent effet.

Dépôt de rapports

M. le président.  - M. le président a reçu de M. le Premier ministre le rapport de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, sur la situation de cet établissement en 2013. Acte est donné du dépôt de ce rapport, qui a été transmis à la commission des finances.

M. le président du Sénat a reçu le rapport 2013 de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer. Acte est donné du dépôt de ce rapport, qui a été transmis à la commission des finances, ainsi que, pour information, à la délégation sénatoriale à l'outre-mer.

Questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président.  - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 11 juillet 2014, deux décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur : l'article 721 du code de procédure pénale ; l'article L. 443-15 du code de la construction et de l'habitation est conforme à la Constitution.

Débat d'orientation sur les finances publiques

Loi de règlement 2013 (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'orientation des finances publiques et la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2013.

La Conférence des présidents a décidé de joindre la discussion générale de ce projet de loi au débat sur l'orientation des finances publiques.

Discussion générale

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics .  - La politique du Gouvernement est une politique de redressement économique, budgétaire et social. La crise financière de 2008 puis la crise de l'euro de 2011 ont laissé des traces, des blessures profondes. La France a connu près de six ans de stagnation et une forte augmentation du chômage. Entre 2007 et 2012, la dette publique a augmenté de 26,2 %, le déficit a atteint 5,2 % du PIB en 2011, soit plus de 100 milliards d'euros. En 2012, il aurait encore dépassé 5 % si nous n'avions pris d'indispensables mesures de redressement, avec pour objectif de sortir le pays de la crise et d'assainir les finances publiques dont la dégradation est sans précédent en temps de paix.

En 2013, la dépense publique a été tenue. La dépense de l'État a été sous-exécutée à hauteur de 144 millions d'euros ; l'Ondam, de 1,4 milliard d'euros.

La progression de la dépense publique (de 2 % en valeur) a été la plus faible depuis 1998.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - C'est exceptionnel !

M. Michel Sapin, ministre.  - En 2013, la croissance a été positive, mais reste trop faible. Le Gouvernement a fait le choix de ne pas compenser les effets de cette moindre croissance, d'où des recettes moindres. Le déficit public, prévu à 3 % du PIB, a été exécuté à 4,3 % : l'écart est pour moitié dû à ces moindres recettes.

Cette exécution 2013 est un rappel à l'humilité. L'État peut tenir la dépense publique, mais les recettes sont soumises à l'aléa conjoncturel. Les efforts demandés aux ménages les plus aisés ont eu globalement le rendement escompté. Mais, en parallèle, les évolutions économiques n'ont pas été bonnes : le bénéfice fiscal des sociétés financières a chuté, ce qui a réduit le produit de l'impôt sur les sociétés ; le bâtiment a souffert, ce qui a fait chuter le produit de la TVA.

Globalement, l'exécution de 2013 est satisfaisante - la faiblesse des recettes est l'effet de la mauvaise conjoncture économique, due aux stabilisations automatiques.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Tout va bien !

M. Michel Sapin, ministre.  - Pour 2015, nous redonnerons des moyens à l'économie. C'est l'objet du pacte de responsabilité et de solidarité, qui sera financé par les 50 milliards d'économies prévues d'ici 2017. La part de la dépense publique est passée de 35 % du PIB en 1960 à 57 % en 2013. Il faut rompre avec l'idée qu'un bon budget est forcément un budget en hausse, avec l'idée qu'il faudrait toujours plus de moyens.

M. Aymeri de Montesquiou.  - On a déjà entendu cela...

M. Michel Sapin, ministre.  - Vous connaissez la répartition de ces 50 milliards d'économies. Tous les ministères, tous les opérateurs y participeront. Les ministères prioritaires - éducation nationale, justice, sécurité - bénéficieront toutefois de moyens supplémentaires et de créations d'emplois, car nous donnons la priorité à la jeunesse, au programme d'investissements d'avenir qui sera poursuivi, à la justice, à la police et la gendarmerie, lesquelles bénéficient de 1 400 emplois supplémentaires sur trois ans, quand la justice en aura 1 800. Les crédits de la mission culture augmenteront légèrement, notamment pour le patrimoine et l'enseignement supérieur, grâce aux efforts accomplis sur l'audiovisuel public, en cohérence avec les contrats d'objectifs et de moyens. Les minima sociaux financés par l'État - allocation adulte handicapé, Revenu de solidarité active (RSA), allocation logement - seront préservés.

Nos orientations sont claires et cohérentes. Elles poursuivent et amplifient l'action menée depuis 2012. L'emploi est une priorité : le CICE est un nouveau levier pour alléger le coût du travail, à hauteur de 30 milliards d'euros. L'assainissement des finances publiques sera poursuivi par des économies en dépenses, tout en privilégiant la croissance. Nous commençons à réduire la pression fiscale sur les ménages. Notre modèle social ne peut être indéfiniment financé à crédit : il s'agit de le pérenniser. Nous le ferons, en demeurant fidèles à nos valeurs d'équité et de justice. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances .  - Ce débat marque une étape importante avant le nouveau projet de loi de programmation des finances publiques que nous examinerons à l'automne. Il précisera les règles de gouvernance et redéfinira notre trajectoire des finances publiques, en arrêtant les hypothèses de PIB et de croissance pour les années à venir.

Le Gouvernement a-t-il opéré les bons arbitrages pour redresser nos finances publiques ? La trajectoire correspond-elle à une logique d'équilibre, de préservation de l'emploi et de bonne répartition de l'effort ? Comment aborde-t-on l'avenir sous l'angle de l'investissement public et de la redistribution ?

Certes, le déficit structurel des administrations publiques s'est établi à 3,1 % du PIB en 2013, contre un objectif de 1,6 % dans la loi de programmation des finances publiques. Cet écart, qui a déclenché la procédure voulue par le Haut Conseil des finances publiques, provient largement des exercices antérieurs ; il s'explique pour un tiers par la faible élasticité des prélèvements obligatoires et par un produit plus faible qu'attendu des mesures en recettes. Bref, il provient d'un environnement économique dégradé ; l'effort structurel, lui, a été qualifié de « considérable » par la Cour des comptes.

En juin 2013, le retour aux fameux 3 % de déficit public a été reporté à 2015, en raison de la conjoncture, pour éviter d'avoir à engager une politique budgétaire restrictive et procyclique.

Le déficit de l'État a été amélioré de 12,3 milliards d'euros ; il a toutefois excédé de 12,6 milliards d'euros les prévisions, en raison de recettes fiscales moindres que prévu. Elles ont augmenté de 15,6 milliards d'euros par rapport à 2012, mais ont été inférieures de 14,6 milliards d'euros à ce qui était prévu.

M. Philippe Dallier.  - Trop d'impôt tue l'impôt !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Les dépenses ont été pleinement maîtrisées : -3,5 milliards sur la norme « zéro volume ». La faible inflation a réduit le coût de la charge de la dette et celle des pensions.

Pour 2015, les engagements pris dans le pacte de responsabilité sont confirmés : diminution des prélèvements obligatoires et plan d'économies de 50 milliards d'euros pour l'ensemble des administrations publiques pour la période 2015-2017.

Des choix exigeants ont été faits pour préserver nos priorités, à commencer par la jeunesse. Cet effort doit être l'occasion de moderniser nos services publics et nos procédures. Il faut simplifier et rationaliser les normes, par exemple dans le secteur de la construction.

Les 11 milliards d'euros de réduction des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales appelleront des réorganisations au niveau local...

M. Philippe Dallier.  - Comme c'est bien dit !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - ... via des fusions et mutualisations. Cela ne sera pas facile. (MM. Philippe Dallier et Jean-François Husson s'exclament) Il ne s'agit pas pour l'État d'améliorer sa situation budgétaire au détriment des collectivités territoriales...

M. Vincent Delahaye.  - Il suffit de regarder le tableau !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - ... mais d'assainir la situation globale. Nous nous engageons sur une trajectoire crédible, qui donne de la visibilité des prélèvements obligatoires.

M. Jean-François Husson.  - Expliquez-le aux Français !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Personne ne peut douter de la crédibilité de notre politique !

M. Jean-François Husson.  - Étonnamment, si ! (Sourires)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - L'exercice est difficile. Dans les pays les plus en difficulté de la zone euro, les ajustements ont parfois été trop brutaux ; l'investissement public a fortement diminué, de 20 % depuis 2009.

Mme Nicole Bricq.  - Absolument.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Même l'Allemagne est touchée et se situe à cet égard en dessous de la moyenne de la zone euro : l'équilibre budgétaire est atteint au détriment de l'investissement.

L'ensemble des pays de la zone euro doivent veiller à préserver l'investissement et à ce que des initiatives soient prises au niveau européen, via la Banque européenne d'investissement ou les programmes de financement par l'épargne privée. La France connaît un niveau d'investissement public stable et élevé, il faut s'en réjouir. Attention à ne pas en faire une variable d'ajustement, pour l'État ou les collectivités territoriales.

Mme Nicole Bricq.  - Absolument !

M. Philippe Dallier.  - Ce sera le cas.

M. Vincent Delahaye.  - Pour l'État, c'est déjà fait.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Les collectivités territoriales représentent la plus grosse part de l'investissement public en France.

M. Jean-François Husson.  - Cela va changer.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Il conviendra de définir des mécanismes, pour préserver ces dépenses d'investissement, afin d'inciter les collectivités à économiser plutôt sur leurs dépenses de fonctionnement.

Il faut mettre fin au creusement des inégalités. Cela passe d'abord par la lutte contre le chômage, avec le CICE, et le pacte de responsabilité. Le président de la République a rappelé hier son engagement total en faveur de l'emploi.

M. Vincent Delahaye.  - Ah bon ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Les allègements de cotisations sociales pour 2015 vont dans le bon sens.

M. Jean-François Husson.  - Cela fait deux ans que vous nous le dites.

M. Philippe Dallier.  - Mais non, ils ont changé d'avis entre-temps.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Il faut maintenir la péréquation, tant horizontale que verticale, et repenser globalement la dotation globale de fonctionnement.

M. Philippe Dallier.  - Chiche !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Enfin, la révision des valeurs locatives doit se poursuivre.

Je vous invite à adopter le projet de loi de règlement, en ayant à l'esprit la volonté du Gouvernement de promouvoir une stratégie équilibrée. Des réformes ambitieuses sont annoncées, sur la santé, la dépendance ou encore la transition énergétique. Autant d'éléments qui doivent nous redonner confiance malgré les récifs et la mer tempétueuse qui vient battre les côtes de la vieille Europe. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Dallier.  - C'est joliment dit.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales .  - Notre commission s'en remet à l'analyse de la commission des finances pour ce qui concerne le cadrage macroéconomique.

Cette année, le Gouvernement a annoncé le dépôt d'une loi de programmation des finances publiques. Un projet de loi de finances rectificative et un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale sont en cours d'examen au Parlement. L'information du Parlement sur l'évolution des finances publiques est donc dans un entre-deux... Les finances sociales sont un enjeu majeur au sein des finances publiques : leur volume global et leur part dans les prélèvements obligatoires en font un élément stratégique. C'est 563 milliards d'euros de dépenses, 53 % des prélèvements obligatoires. La dette sociale est une dette insupportable, une traite tirée sur nos enfants, dont il s'agit au contraire de préparer l'avenir.

Les comptes sociaux sont convalescents ; leur état s'améliore moins vite que ce que nous espérions. En 2013, le solde des administrations de sécurité sociale s'établit à 0,6 % du PIB ; hors Cades, le besoin de financement est proche de 25 milliards. Le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) s'est élevé à 15,4 milliards, plus que prévu. L'Ondam a été tenu mais les recettes ont stagné, malgré 5 milliards de mesures nouvelles. En cause, une croissance atone et un chômage élevé. Nous ne renouerons pas avec l'équilibre en 2014. Les prévisions de recettes se dégradent : - 400 millions par rapport aux prévisions de la loi de financement initiale.

La branche accidents du travail-maladies professionnelles, qui a renoué avec l'équilibre, est le principal contributeur à la réduction du déficit. La branche vieillesse améliore son solde, mais le déficit de la branche famille se creuse ; la branche maladie stabilise son solde toujours négatif. Nous portons le poids d'un déficit structurel accumulé année après année. Conséquence, la dette sociale atteint 10,3 % du PIB en 2013.

Face à ce constat, que faire ? Prendre acte, poursuivre les efforts, agir sur la croissance pour desserrer l'étau du chômage. Les mesures proposées dans le cadre du pacte de solidarité vont dans ce sens. Les efforts demandés sont une garantie de pérennité de notre système : ils se font en épargnant les plus fragiles et en renforçant la solidarité. L'augmentation des dépenses n'est pas une fin en soi : ce qu'il faut viser, c'est la juste dépense.

Le pacte de solidarité prévoit 21 milliards sur trois ans : c'est 1 % des 550 milliards d'euros de dépenses annuelles des administrations de sécurité sociale. Il faut d'abord agir sur la qualité de la dépense. Rationaliser la gestion de la sécurité sociale permettra de réduire la dépense, à hauteur de 1,2 milliard.

La politique familiale sera sollicitée à hauteur de 0,8 milliard d'euros, pour mieux redistribuer vers les plus fragiles. L'effort de redressement sur les retraites porte sur 1,5 milliard. Quelque 10 milliards d'euros d'économies sont attendus sur les trois prochaines années pour l'assurance maladie, avec des mesures plus structurelles. La stratégie nationale de santé vise notamment à renforcer le parcours de soins.

Je ne reviens pas sur les allégements de charges sociales à destination des entreprises. Il ne s'agit nullement d'un cadeau fait au patronat : ce sont les entreprises qui créent des emplois ; or elles ont besoin de soutien dans la période actuelle. L'objectif est que les allégements aillent de pair avec la reprise de la croissance et donc avec les recettes fiscales. « Tout est sur la table, rien ne sera changé. C'est à vous maintenant, aux entreprises, de montrer leur confiance » a dit le président de la République hier.

Le retour de la croissance ne suffira pas à rétablir les comptes de la sécurité sociale. L'État doit compenser davantage, alors qu'on anticipe une baisse des recettes de 9 milliards d'euros et qu'un point de croissance ne fait rentrer que deux milliards de cotisations dans les caisses.

Le pilotage et la programmation des finances sociales sont un enjeu déterminant ; une loi de programmation des finances sociales serait bienvenue. Cette proposition de notre commission est plus que jamais d'actualité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Aymeri de Montesquiou .  - 2015, année internationale de la lumière décidée par l'Unesco. Le sera-t-elle pour la France ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Oui !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Notre débat doit être un moment de vérité, pas une liturgie où les fidèles des différentes sectes politiques psalmodient dans l'indifférence... (M. Philippe Dallier s'exclame) Le PS français a été le dernier à réaliser son Bad Godesberg. Paraphrasant Churchill à propos des Américains, je dirai que l'on peut toujours compter sur les socialistes pour faire le bon choix après avoir essayé tous les autres. Que de temps perdu ! Enfin, vous vous rendez compte que la baisse de la dépense est moins récessive que la hausse des impôts.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Il y a eu dix ans, avant.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Le groupe UDI-UC a toujours soutenu une politique volontariste d'assainissement des comptes publics libérant l'investissement et la compétitivité.

Vous annoncez 50 milliards d'euros d'économies en cinquante ans. Qu'en sera la réalité ? Nous ne parlons plus la même langue : vous prônez la « maitrise » de la dépense publique, nous en voulons une « réduction ». Consacrer 57 % du PIB à la dépense publique, c'est effarant ! Les 43 % concédés au secteur privé n'ont pas la force d'entraînement suffisante pour générer la croissance indispensable.

La part la plus importante des dépenses de fonctionnement de l'État étant constituée par les salaires, il faut baisser la masse salariale. D'autres pays l'ont fait !

Le chômage, la compétitivité nous obsèdent. Mais comment gagner la compétition internationale quand notre déficit commercial provient à 60 % de nos partenaires européens ?

Comment la France peut-elle être compétitive en travaillant moins ? Les salariés européens dans toute leur carrière travaillent en moyenne 2 000 heures de plus que nous ! Nous tirerions 12 milliards d'économies de l'alignement du public sur le privé. Faisons sauter le verrou des 35 heures ! Nous versons 22 milliards d'euros pour les compenser sans baisse de salaire. Comment l'État peut-il ainsi payer pour que les Français travaillent moins ?

La compétitivité, c'est aussi la formation. Vous avez supprimé de façon incompréhensible, 500 millions consacrés à l'apprentissage, desquels vous n'avez rétabli que 200 millions. La loi Alur a entraîné des conséquences dramatiques sur le secteur du bâtiment.

L'emploi est la résultante de l'investissement. Pour qu'il y ait investissement, il faut qu'il y ait confiance. Pourquoi vouloir prouver que vous avez raison d'avoir tort ? Restaurez la confiance !

L'investissement est réduit à une variable d'ajustement en raison du coût de fonctionnement de l'État et des charges des entreprises.

L'ISF est un impôt ringard : tous les pays développés y ont renoncé. Et la taxe confiscatoire des 75 %, qui a eu un effet répulsif ! Moins 77 % d'investissement étranger, exil des jeunes diplômés, des cadres, des entrepreneurs : l'impôt ne doit pas sanctionner le travail et le talent !

Nous avons dépassé le sommet du tout fiscal. Notre stratégie fiscale est devenue caduque, alors que les Français veulent justement savoir comment sont optimisés les prélèvements qu'ils subissent. « La gestion de l'économie n'est ni de droite ni de gauche ; ce qui compte, c'est ce qui marche » disait Tony Blair. (Mme Nicole Bricq s'exclame)

M. Valls a eu le courage, lors des primaires socialistes, de revenir sur les dogmes socialistes des 35 heures et de l'ISF et de se prononcer pour la règle d'or.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Caricature !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Cet esprit volontariste et lucide doit l'emporter sur le pessimisme et le masochisme. Insufflons à nos finances publiques audace et courage pour rendre à notre pays la place qu'il avait gagnée par ses vertus. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Thierry Foucaud .  - M. Guillaume, à propos de la loi de finances rectificative, appelait à la cohérence, à une juste répartition des efforts, en évoquant ceux qui mettent les mains dans le cambouis pour redresser la France dans la justice. Occasion nous est donnée aujourd'hui de vérifier si chacun est bien sollicité en fonction de ses capacités comme le prévoit la Constitution. La loi de règlement est de récapitulation comptable. Le déficit baisse en 2013, à cause d'une insuffisance de recettes et non d'une augmentation des prélèvements. Et d'aucuns d'en appeler au fameux théorème de Laffer : « Trop d'impôt tue l'impôt ».

Le groupe CRC ne votera pas la loi de règlement, n'en déplaise à ceux qui répandent les éléments de langage du Gouvernement. Certes il va y avoir une baisse de la dépense publique mais surtout des transferts de charges sur les collectivités locales dont l'avenir est suspendu à une réforme territoriale qui n'est ni faite ni à faire. Voyez les résultats remarquables en Grèce, au Portugal, en Italie ! Les communes, premier échelon de la démocratie, seront soumises à la double domination du président du conseil régional et de l'État.

Si le président de la République et le Gouvernement en attendent beaucoup, le seul résultat de cette réforme sera de réduire la qualité du service public rendu aux habitants, au nom d'une logique purement financière.

Étrange conception de la justice, en effet, qui prétend nous priver d'une sécurité sociale de haut niveau, chère à Ambroise Croizat, lequel, dès le début, avait vu le danger de la financer à partir du budget de l'État.

Michelle Demessine, qui tenait ce midi une conférence de presse, a levé le voile sur les exonérations de cotisations sociales : 210 milliards d'exonérations décidées depuis 1993, année où l'on dénombrait 3 millions de chômeurs ! Pour quel résultat ?

M. Thierry Foucaud.  - Nous avons atteint la barre des 5,6 millions en 2014.

M. Éric Bocquet.  - Eh oui !

M. Thierry Foucaud.  - Les taux de cotisations des entreprises pour la maladie et la vieillesse ont été considérablement réduits depuis 1993, pour les ramener au niveau des années 1970 : on organise l'insuffisance des recettes dont la sécurité sociale a tant besoin ; le tout est encouragé par une politique de l'emploi devenue inepte.

L'emploi précaire, l'intérim ont été favorisés. Le nombre de salariés en CDD et à temps partiel a explosé. Il y a encore de belles âmes pour vilipender le code du travail, qu'il faudrait rendre plus flexible, plus souple...

M. Vincent Delahaye.  - C'est évident !

M. Thierry Foucaud.  - Les politiques publiques maintiennent dans la précarité des millions de salariés et de familles. Le budget de la sécurité sociale n'a pas pour vocation de prendre à sa seule charge l'ensemble des désastres économiques et sociaux provoqués par l'économie libérale.

Le rapport de François Marc sur le collectif budgétaire...

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Excellente référence !

M. Thierry Foucaud.  - ... retrace l'ensemble des mesures du pacte de responsabilité et de solidarité (PRS). Les allégements de cotisations sociales atteindront près de 7 milliards d'euros fin 2016 pour les salaires les plus bas. L'intégration dans le régime général des indépendants coûtera 2 milliards d'euros. La disparition de la surtaxe de l'impôt sur les sociétés coûtera 5,2 milliards d'euros. Pour 24,5 milliards d'allégements sociaux, on compte 12,4 milliards d'allégements fiscaux, soit 34,9 milliards au total.

Puis on veut baisser le taux de l'impôt sur les sociétés... jusqu'à 28 %. Autant d'efforts en plus pour tout le monde, sauf les entreprises qui, pendant qu'on rationne les collectivités territoriales, se partagent quelque 40 milliards d'euros d'allégements fiscaux et sociaux !

Tous ces allégements creusent davantage le déficit de la sécurité sociale, sans aucun effet sur les salaires : cadeau empoisonné aux travailleurs. Pourquoi ne pas augmenter le smic, dégeler le point d'indice de la fonction publique si l'on veut augmenter le pouvoir d'achat ?

Voyez les résultats des urnes ! Je ne vois qu'une seule solution : abandonnez les illusions libérales pour mener, enfin, de véritables politiques de gauche ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. François Fortassin .  - La consommation et l'investissement sont les deux moteurs de la croissance. Ils ne peuvent pas démarrer sans la confiance.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Eh oui, c'est le starter !

M. François Fortassin.  - Favorisons donc son retour, sachant qu'elle ne se décrète pas. Plus de moyens pour les entreprises, c'est plus d'investissements, plus d'emplois créés. La BPI encourage l'innovation, les champions de l'économie de demain.

Pour les classes moyennes, la pression fiscale devra être allégée. Les récentes déclarations de M. Montebourg contre les professions réglementées nous interpellent : d'où proviennent les 6 milliards d'euros qu'il prétend redistribuer aux Français ? Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas publier le rapport de l'IGF qui l'a inspiré ?

Les exemples cités jusqu'à présent ne paraissent pas les plus pertinents. Ils laissent rêveurs.

Il existe dans notre pays des monopoles qui entravent le pouvoir d'achat de nos concitoyens les plus vulnérables. Ainsi le groupe RDSE défend depuis plusieurs années la libération du marché des pièces détachées d'automobiles, qui bénéficierait en particulier aux foyers les plus modestes.

Dans le domaine de l'énergie, il convient d'encourager les investissements, dans les barrages, pour produire davantage. Nous regrettons que ce débat ne démontre pas la volonté du Gouvernement de relancer les investissements.

Pour préparer l'avenir, la compétitivité et la croissance de demain, les collectivités territoriales ont un rôle important à jouer.

Elles réalisent 70 % des investissements publics de notre pays. Monsieur le ministre, intervenez fermement auprès de l'administration qui tire son pouvoir de son pouvoir d'empêcher, alors qu'elle pourrait faciliter les investissements.

Mon département des Hautes-Pyrénées a subi des crues massives. Avec le président du conseil général, nous avons considéré que la loi sur l'eau et les règles des marchés publics devaient être transgressées en période de difficultés : nous avons fait tous les travaux, contrairement au département voisin, plus riche, qui a suivi toutes les règles...

M. Michel Sapin, ministre.  - Qui vote les lois ?

M. François Fortassin.  - Il ne s'agit pas tant de transgresser les lois, que de faciliter la relance de l'investissement.

M. Charles Revet.  - Eh oui !

M. François Fortassin.  - Rembourser les dettes serait moralement juste, mais économiquement stupide, selon un ministre...

M. Michel Sapin, ministre.  - Pas moi !

M. François Fortassin.  - Suivons l'exemple de Matteo Renzi, pour ne pas entraver les investissements qui préparent l'avenir, ni les réformes qui encouragent la croissance.

M. François Fortassin.  - Vous n'êtes pas d'accord ?

M. Jean-Vincent Placé.  - Si, au contraire ! C'est une idée qui progresse.

M. François Fortassin.  - La méthode des petits pas a échoué à réformer le marché du travail, celui des biens et services, à moderniser l'école, les universités ; la réforme territoriale n'est qu'un leurre, les économies sont surestimées.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est bien vrai !

M. Charles Revet.  - Eh oui.

M. François Fortassin.  - Qu'on nous les démontre ! Je conclus sur la justice fiscale, menacée par la multiplication des niches fiscales.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Ah ! Les niches...

M. François Fortassin.  - Il faudrait arrêter avec les galimatias financiers qu'on nous assène jusqu'à plus soif.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Absolument !

M. François Fortassin.  - Monsieur le président de la commission des finances, vous êtes en première ligne pour faire passer ce message.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Je m'y efforce, mais c'est difficile.

M. François Fortassin.  - Revenons aux principes de Joseph Caillaux, auteur de la réforme majeure que fut la création de l'impôt sur le revenu, il y a cent ans : la justice fiscale, indispensable au rétablissement de la confiance dans l'action publique. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

M. Jean-Vincent Placé .  - C'est le troisième débat d'orientation des finances publiques de cette mandature ; le calendrier législatif, particulièrement intense, y joint la discussion du projet de loi de règlement du budget.

Le déficit public pour 2013 s'établit à 4,3 % du PIB, au-delà des prévisions, ce qui s'explique d'abord par une mauvaise hypothèse de croissance. Le Haut Conseil des finances publiques aura-t-il un effet bénéfique sur la fixation de ces hypothèses ? La faiblesse des recettes fiscales l'explique aussi. Le Gouvernement n'apporte pas d'explication probante : c'est la réaction d'une économie en tension à un traitement de choc qu'elle n'est pas en mesure de supporter. Ces erreurs de prévisions relativisent la méticulosité du mécanisme du TSCG, alors que la France doit déclencher le mécanisme de correction automatique, lequel va conduire à encore plus de réductions de dépenses publiques : pas moins de 21 milliards d'économies supplémentaires pour le projet de loi de finances 2015, un effort inédit. Comment ce qui n'a pas marché hier fonctionnera-t-il aujourd'hui ?

Mme Fabienne Keller.  - Très juste.

M. Jean-Vincent Placé.  - Merci. J'ajoute une aide aux entreprises inconditionnelle, j'y insiste, hasardeuse et inefficace. Quelles contreparties ? Combien d'emplois ? Aucune sélection des entreprises qui ont vraiment besoin d'aides, qui servent une vision écologique de l'économie. Votre politique repose sur une double impasse : productiviste, assurément - c'est l'attente d'un retour hypothétique d'une croissance supposément salutaire, mais de moins en moins corrélée à l'emploi, et nuisible pour l'environnement, la santé et l'économie en général ; libérale, excessivement à l'échelon européen, alors qu'il faut refuser la pensée unique et je salue les tentatives de M. Montebourg.

Lançons la mutation écologique de l'économie, la révolution verte qui mettra à notre portée les objectifs, non seulement du mieux-vivre, mais aussi, oui, des économies.

Les écologistes en proposent aussi ! Sur le diesel, les pesticides par exemple. La pollution alimentaire, atmosphérique, aquatique coûte cher : de 20 à 30 milliards d'euros par an, pour les conséquences sanitaires de la pollution de l'air. Un modèle de production et de consommation plus vertueux servirait l'investissement et l'emploi. Les modes de production écologiques plus intensifs en emplois, liés aux territoires, concourraient au rééquilibrage de notre déficit commercial.

Ce nouveau modèle n'est pas tourné contre les entreprises qui sont des acteurs essentiels de l'avenir de notre pays. Ce que nous constatons, dans le CICE, c'est l'absence de sélectivité, de contrepartie. Le rapport Gallois recommandait avec raison le fléchage des aides.

Changer les comportements n'est pas punitif pour les ménages, les consommateurs ; ainsi de la réduction de la TVA dans les transports publics, que nous avons fait voter mais on a vu quel cas est fait du Parlement.

Compensons la concentration des richesses induites par la faible croissance, mise en lumière par Thomas Piketty, par une fiscalité encore plus progressive. Orientons notre politique industrielle dans un sens écologique et mettons l'accent sur le rôle de l'Agence européenne de l'énergie. Lors de l'adoption du TSCG nous avions demandé que l'investissement productif soit retiré du calcul du déficit. Ce qui nous incite un peu à l'optimisme, c'est qu'une prise de conscience semble avoir lieu. Le FMI a reconnu que le TSCG pourrait inhiber l'investissement public. M. Renzi a invité les États à utiliser au mieux la flexibilité autorisée par le TSCG.

L'an dernier, le Gouvernement avait vu ses vacances réduites par le président de la République qui voulait maintenir un gouvernement de combat pendant l'été. Qu'il en prenne cette année, comme Mme Merkel qui prend trois semaines, et qu'il les mette à profit pour réfléchir, après deux ans au pouvoir, aux réformes dont le pays a besoin, et dont certaines sont en cours, mais aussi sur l'inflexion sociale et écologique qui s'impose aujourd'hui, pour le bien de notre beau pays.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Belle conclusion !

Mme Fabienne Keller .  - Ce débat porte sur les grands défis de nos comptes publics. Nous sommes très inquiets, monsieur le ministre, face au risque de décrochage de notre économie. L'année 2015 apparaît comme celle de tous les dangers. Nous ne dramatisons pas la situation, nous faisons référence à plusieurs rapports convergents. Le bilan de la Commission européenne, les trois avis du Haut Conseil des finances publiques, le rapport de la Cour des comptes, celui du FMI, qui revoient à la baisse les projections macroéconomiques de notre pays. Tous estiment que notre croissance pour 2015 et les années suivantes sera moindre que celle envisagée par le Gouvernement.

Certes, la conjoncture économique s'améliore en Europe, mais la France présente une dette élevée et ne participe pas pleinement à la reprise, fragile. Par rapport à l'Allemagne, je souligne, avec la Cour des comptes que c'est bien la baisse de la dépense qui différencie nos deux pays. Le Gouvernement met en avant la faiblesse des recettes fiscales : cercle infernal où l'augmentation des taux entraîne l'effritement de la base fiscale. L'année 2015 ne commence pas sur une page blanche car elle sera contaminée par le dérapage des comptes publics de 2014 : la Cour des comptes projette dès à présent 4 % de déficit. C'est préoccupant ! Faute de croissance, la résorption des déficits publics sera rendue encore plus difficile.

Il faut construire un nouveau modèle de croissance. 50 milliards de baisse de dépenses en trois ans : sera-ce suffisant ? Non. Vous annoncez de nouvelles dépenses (réductions d'impôt notamment) qui devront être financées.

Sur la méthode, des pans entiers d'économies ne sont pas précisés. Faire jouer la réserve de précaution, le gel, c'est pratiquer le rabot, qui a trouvé ses limites à missions constantes pour l'État. Geler le point d'indice des fonctionnaires n'est guère motivant pour eux, alors qu'il faut réformer le périmètre et les modes d'intervention de l'État.

La baisse de 11 milliards de dotations de l'État aux collectivités territoriales est claire sur le papier, mais son résultat est aléatoire, alors que les charges augmentent, par la réforme des rythmes scolaires...

M. Gérard Longuet.  - Exact.

Mme Fabienne Keller.  - ... et les mesures qui s'imposent à toutes. Elles devront, en conséquence, limiter leurs investissements, qui représentent 70 % des investissements publics. Songez aux conséquences sur les passations de marché, donc l'emploi, les impôts, les cotisations qui rentreront moins.

Vous avez un problème de calendrier... Votre plan d'économies devrait rapidement entrer en vigueur ; or il manque un outil de pilotage global et vous annoncez un renforcement de la gouvernance pour l'automne seulement. Vous attendez une croissance à 2,25 % en 2016 et 2017. Elle ne viendra pas seule, sans réformes structurelles, sans politique de l'offre centrée sur les entreprises, le marché du travail.

Comment, autrement, rétablir la confiance des acteurs économiques ? Comment respecter vos engagements européens, je pense aux 3 % de 2015 auxquels vous semblez renoncer implicitement ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Oui.

Mme Fabienne Keller.  - Pouvez-vous être plus explicite, monsieur le ministre ? Vous devez bien ça à la représentation nationale... Les hausses massives d'impôts décidées, en 2012, à contre-courant de nos partenaires, ont eu un effet récessif. Vous ne vous attaquez à la réduction des dépenses que maintenant. La MAP, bien tardivement, a succédé à la RGPP - changer de nom change tout ?

Vous affirmez sur tous les tons respecter le pacte de stabilité. C'est oublier que le pacte est intrinsèquement souple et que la France a déjà bénéficier de cette souplesse -  qui porte à la fois sur les critères et le calendrier. Dans ses analyses, l'Europe tient compte des réformes structurelles ayant une influence vérifiable sur la trajectoire à moyen terme. Le débat austérité contre croissance est un faux débat, la priorité doit être de sortir de la spirale de l'endettement. Mais ne nous leurrons pas : nous bénéficions de taux d'intérêt historiquement bas, qui peuvent augmenter.

Nul fétichisme budgétaire pour nous, mais une question de souveraineté, de compétitivité, de cohésion sociale, de crédibilité sur les marchés. Parce que la France représente 20 % du PIB de la zone euro, elle doit respecter la trajectoire sur laquelle elle s'est engagée. Le groupe UMP, qui émet les plus vives réserves sur la faisabilité du programme économique du Gouvernement pour 2015, ne pourra pas voter le projet de loi de règlement. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Très bien !

Mme Michèle André .  - Ce débat d'orientation budgétaire, prévu par la Lolf, est l'occasion, pour la majorité, de dresser un bilan et de dire ce qu'elle compte faire dans les trois années à venir. Il est le prélude à la future loi de programmation des finances publiques, dont nous connaissons déjà l'architecture générale : c'est celle du programme de stabilité transmis par le Gouvernement à la Commission européenne. Je veux d'abord souligner la cohérence et la constance de l'action du Gouvernement en matière de finances publiques. Après avoir suivi pendant deux ans une double logique, efficacité économique et justice sociale, le Gouvernement a décidé dès 2013 de soutenir le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes, et encore en 2014. Les mesures de solidarité du pacte de responsabilité et de solidarité représentent d'ici 2017 5 milliards d'euros - 1,4milliard dès 2014 - et bénéficieront à 3,7 millions de ménages.

En parallèle, il est prévu 50 milliards d'euros d'économies sur la période 2015-2017, dont 18 milliards d'euros pour l'État et, cela a été beaucoup commenté, 11 milliards pour les collectivités territoriales. Les organismes de sécurité sociale contribueront, eux, à hauteur de 10 milliards, tandis que les efforts sur les charges de fonctionnement et les prestations de la sphère sociale atteindront 11 milliards. Ces économies serviront à financer en 2015 une première baisse des prélèvements obligatoires.

Les objectifs de baisse de la dépense posés dans la loi de programmation des finances publiques ont été tenus : stabilisation en volume mais aussi, hors charge de la dette et pensions, en valeur. C'est une première.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Très bien !

Mme Michèle André.  - Nous le devons à une politique vigoureuse de baisse du train de vie de l'État, à la maîtrise des dépenses de fonctionnement et des opérations d'investissement ainsi qu'aux résultats très positifs de la lutte contre la fraude fiscale. Idem pour les opérateurs de l'État : leurs plafonds de recettes affectées ont été diminués, comme leurs subventions. Les interventions des agences seront rationalisées. En matière d'emploi, les objectifs seront tenus et nos priorités respectées : création de 60 000 postes dans l'éducation nationale, et de 5 000 dans la sécurité et la justice. Au total, l'emploi dans la fonction publique d'État n'augmente pas.

S'ajoutent les mesures en faveur de l'emploi et des capacités d'investissement productif des entreprises. L'allégement du coût du travail est accéléré grâce à la montée en charge du CICE et des mesures du pacte de responsabilité et de solidarité. D'ici 2017, le coût du travail aura baissé de 30 milliards et la fiscalité des entreprises de 10 milliards. Quelque 40 milliards d'euros du programme des investissements d'avenir viendront encore irriguer notre économie.

Tous ces résultats incitent le groupe socialiste du Sénat à voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Vincent Delahaye .  - Tout ça pour ça... Autant d'efforts pour si peu de réconfort... Les gouvernements successifs ont usé et abusé de l'arme fiscale : plus 69 milliards d'euros en trois ans. La Cour des comptes a bien fait de souligner les limites de cette stratégie et noté que les efforts de 2013 ont eu peu d'effet sur le déficit.

Cette loi de règlement montre d'abord un problème de prévision. Pour la croissance, j'ai depuis longtemps proposé de retenir l'hypothèse du consensus des économistes, moins 0,5 point. C'est plus prudent au regard du risque de moindres recettes d'impôt... De fait, 0,8 % moins 0,5 %, cela donne 0,3 % - la croissance de 2013... Les moins-values de recettes ont représenté 14,6 milliards l'an dernier, sans explication convaincante. Certes, il y a eu trois ministres de l'économie en deux ans et M. Sapin n'est pas responsable de tout. Mais il y a beaucoup de têtes bien faites à Bercy...

Un problème de communication, ensuite. On communique beaucoup sur le budget, qui n'est qu'une déclaration d'intentions, et peu sur la loi de règlement, qui dit la réalité des chiffres. Notre déficit atteint 75 milliards d'euros, soit 12 milliards de plus que les prévisions et 4,3 % du PIB. C'est davantage que le produit annuel de l'impôt sur les sociétés - 67 milliards ; davantage que le budget cumulé des cinq missions régaliennes de l'État - sécurité, justice, défense, action extérieure de l'État, administration générale.

Mme Nicole Bricq.  - L'économie n'est pas une science exacte, pas plus que la médecine !

M. Vincent Delahaye.  - Il est temps de réagir. Et il serait bon que nous pussions disposer d'une présentation de la loi de règlement par missions... Plutôt que de parler de « maîtrise » de la dépense, osons sa réduction. (M. Aymeri de Montesquiou approuve) À y regarder de plus près, les économies 2013 résultent pour 6 milliards d'euros de la réserve de précaution et de la réduction du service de la dette et des pensions, grâce à des taux d'intérêt faibles et à une inflation moindre qu'anticipée. Encore une fois, l'effort pèse sur les mêmes : les collectivités territoriales, dont beaucoup vont se retrouver en situation délicate, et la défense. Il faut demander davantage aux services de l'État, ce serait plus équitable.

Tirons des conclusions pour l'avenir : le matraquage fiscal est une impasse, des dispositions enfin efficaces doivent être prises pour améliorer la compétitivité des entreprises et la dette - sept années de recettes - n'est plus supportable. Si nous n'agissons pas fortement, nous ne pourrons repartir dans de bonnes conditions. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Nicole Bricq .  - La loi de règlement fait figure de parent pauvre du débat budgétaire, c'est pourtant le moment de dresser un bilan. Faut-il la renommer loi de résultat, comme l'a suggéré le président de la Cour des comptes ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Bilan de gestion ?

Mme Nicole Bricq.  - Le taux de couverture des dépenses par les recettes s'améliore sans être toutefois revenu au niveau de 2007. Le solde primaire s'est amélioré, passant de 40,8 à 30 milliards ; on ne peut pas dire que la France pratique l'austérité... Le mot vaut pour l'Espagne ou le Portugal, non pour nous.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Voilà un propos honnête !

Mme Nicole Bricq.  - Je m'efforce toujours de l'être, vous le savez. Un satisfecit au Gouvernement : la France a anticipé l'enclenchement du mécanisme de correction des écarts ; nous aurons un rendez-vous très important à l'automne quand nous débattrons de la nouvelle trajectoire. Le rapporteur général, dans son rapport sur le programme de stabilité, soulignait déjà quelques aléas, la majoration du prélèvement européen, la faible inflation et la faible élasticité des recettes.

À propos de l'élasticité de l'impôt sur le revenu, qui fait beaucoup parler alors que nous fêtons le 100e anniversaire de sa création, un rapport de l'OCDE éclaire l'effet redistributif de notre système fiscal : sur trente ans, l'écart entre les 20 % les plus pauvres et les 20 % les plus riches a été réduit de 7 avant impôt à 4 après impôt. Notre système est progressif, même la CSG l'est avec ses taux minorés et majorés. Pas besoin donc de révolution, il y a les grands soirs mais aussi les petits matins...

La dépense est maîtrisée, il est vrai grâce à des taux d'intérêt bas mais n'oublions pas la bonne gestion de l'administration du Trésor : les émissions sont faites au bon moment et sur la bonne durée.

En revanche, je regrette que les dépenses d'investissement de l'État demeurent une variable d'ajustement : moins 1,4 milliard d'euros... Alors que nous avons retenu pour les investissements d'avenir un effet de levier de un pour trois - quand l'État met un euro, on peut en attendre deux autres.

Les dépenses fiscales sont stabilisées, le nombre de niches a peu baissé. Elles peuvent être utiles à condition d'être évaluées régulièrement, tous les trois ans. Le CICE et le crédit d'impôt recherche seront désormais considérés comme des dépenses et non comme de moindres recettes ; c'est une bonne chose.

Enfin, le rapatriement des bases fiscales a été nettement engagé depuis la crise et le G20 de 2009. Nous débattrons la semaine prochaine de la loi Fatca, dont la droite sénatoriale ne voulait naguère pas entendre parler. Durant le dernier conseil Ecofin, monsieur le ministre, il a été annoncé un durcissement de la lutte contre l'optimisation fiscale, une évolution de la directive mère-filiale ; la Commission européenne a engagé une enquête sur trois pays : l'Irlande, les Pays-Bas et le Luxembourg.

M. Michel Sapin, ministre.  - Absolument.

Mme Nicole Bricq.  - Quand 48 % des 500 plus grandes entreprises américaines sont installées aux Pays-Bas, il y a un problème ! (M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances, renchérit) Nous devons harmoniser l'assiette de l'impôt sur les sociétés au niveau européen.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Cela suppose l'unanimité !

Mme Nicole Bricq.  - Des coopérations renforcées sont possibles, vous le savez bien ! Nous ne pouvons pas continuer de nous faire la guerre entre Européens, au lieu d'engager un rapport de force avec les Américains. Et je veux bien sûr parler, entre autres, du principe d'extraterritorialité. Il reste beaucoup à faire. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Serge Dassault .  - La situation est grave. Le Gouvernement n'arrivera jamais aux 3 % en 2015 et la croissance restera à un niveau très bas. Je vous ferai des propositions plutôt que des critiques. Si nous n'atteignons pas les 3 %, nous perdrons la confiance des investisseurs et la France sera en cessation de paiement. Nous les avons déjà fait fuir, cela a commencé en 1982 avec François Mitterrand. Or la croissance, se sont eux qui la font. Ils sont tous partis ou presque, à Bruxelles, à Londres ou au Canada.

Quant aux syndicats, il serait temps qu'ils comprennent que c'est la flexibilité qui crée de l'emploi, la flexisécurité... (Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, s'exclame) Elle se pratique couramment aux États-Unis et ailleurs, et elle a sauvé beaucoup d'entreprises et d'emplois. Il faudrait réduire massivement le coût du travail et surtout revenir aux 39 heures...

M. Gérard Longuet.  - Évidemment !

M. Dominique Bailly.  - Pourquoi pas 50 heures payées 35 ?

M. Serge Dassault.  - Sans suppression de l'ISF et des 35 heures, inutile de croire au Père Noël... Vous ne faites pas mieux que M. Sarkozy qui n'a pas réussi à faire redémarrer notre économie ni supprimé les 35 heures et l'ISF.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Votez Fillon !

M. Serge Dassault.  - Faisons comme les Chinois : après trente ans de communisme, Deng Xiaoping leur a dit : enrichissez-vous ! Et cela fonctionne : la Chine est au travail, elle investit, elle gagne...

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Karl Marx avait raison.

M. Serge Dassault.  - Je vous propose un joker, la flat tax. L'impôt progressif disparaîtrait, elle serait retenue à la source et rapporterait plus que la CSG et l'impôt sur le revenu cumulés, les niches fiscales personnelles pourraient être supprimées - ce qui rapporterait 20 milliards. J'espère que cette piste sera sérieusement étudiée, elle nous évitera la faillite. La Russie, un ancien pays communiste, l'applique à un taux de 13 % ; 24 autres pays l'ont mise en pratique.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Les Russes achètent-ils des avions ?

M. Serge Dassault.  - La France est mal en point. Créons une mission parlementaire sur la flat tax ; il faut l'appliquer le plus tôt possible pour éviter la faillite de notre beau pays. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Yves Leconte .  - Pour l'année 2013, nous faisons mieux que jamais, mais la vigilance s'impose. Le déficit a atteint 74,9 milliards - il était de 149 milliards en 2010... La croissance de la dette publique a été seulement de 2 %, soit le plus bas niveau depuis 1998. Et ce malgré les dépenses exceptionnelles qu'ont été la contribution au mécanisme européen de stabilité et à la BEI. Mais l'objectif de 3,1 % du PIB n'est pas atteint ; le déficit représente 33 % des dépenses de l'État.

Il faut noter un dérapage du CIR, le fait que la dette dépasse les 90 % du PIB. Comment expliquer le moindre produit de l'impôt sur les sociétés de 12 millions ? Pas par la seule faiblesse de la croissance. Dans une entreprise, on dirait que le business model est à bout de souffle... Le service de la dette a coûté 1,4 milliard de moins que prévu, mais attention à l'effet d'une remontée des taux d'intérêt ; si cela se produit quand la croissance reviendra, il faudra avancer avec des semelles de plomb... La priorité doit être de stabiliser la dette.

La Cour des comptes a émis deux réserves de moins qu'en 2012. Au niveau européen, la France est crédible ; mais le TSCG, le semestre européen, l'union bancaire doivent être complétés par une harmonisation de la fiscalité au sein de l'Union, Mme Bricq l'a bien dit.

Nous avons besoin de réformes de structure pour enclencher le cercle vertueux de la confiance. On parle beaucoup des « expatriotes » mais nous pouvons mobiliser nos compatriotes de l'étranger. La réforme territoriale, le CICE la réforme de l'État, tout cela va dans le bon sens.

Ne reprenons pas les vieilles recettes : la RGPP, en supprimant des fonctionnaires, a conduit à externaliser certaines missions pour un coût plus élevé. La Cour des comptes déplore le manque d'un système d'information financier intégré, mais les expériences en la matière ont été coûteuses et peu concluantes... Arrêtons de modifier les organigrammes à chaque changement de gouvernement, on ne s'y retrouve pas. Penchons-nous aussi sur les opérateurs de l'État, qui ne devraient pas être limités dans leur croissance s'ils disposent de ressources propres, sauf motif d'intérêt général.

L'investissement reste un problème, celui de l'État, celui des collectivités territoriales. Nous avons besoin d'accompagner l'économie par des fonds de cohésion spécifiques, par la mobilisation du logement, par une fiscalité incitatrice, par la réorientation de l'épargne des Français vers le financement du risque, l'innovation et la création de richesses.

Le groupe socialiste votera cette loi de règlement avec ces quelques questions. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Avec enthousiasme !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances .  - Selon la loi organique de décembre 2012, les écarts de trajectoires entre prévisions et recettes sont constatés en loi de règlement, et les mesures correctrices évoquées dans le débat sur l'orientation des finances publiques. Il n'est donc pas illogique que les deux soient liés.

Toutefois, seule la loi de règlement - qui se limite à un tableau de bilan de gestion - est sanctionnée par un vote. Dans ces conditions, il n'est pas incohérent que l'opposition émette un vote consolidé...

La commission des finances a joué le jeu, les rapporteurs spéciaux ont fait un travail important. Le rapport du rapporteur général est comme toujours riche d'enseignement. Nous avons auditionné quatre ministres dépensiers.

En 2013, le déficit est supérieur de 13 milliards d'euros à la prévision ; les dépenses, mieux tenues, mais augmentent en valeur absolue. Quant aux dépenses de personnel, vous devez avant tout leur réduction à l'« horrible » et ancienne majorité...

L'an 2013 devrait être celui du retour sous la barre des 3 % du déficit. Le Haut Conseil des finances publiques, installé dans ses nouvelles fonctions, a constaté un écart de 1,5 point par rapport à la trajectoire de solde structurel ; en pareil cas, le Gouvernement doit présenter des mesures de correction lors du débat d'orientation des finances publiques. Or le Gouvernement ne présente aucune mesure nouvelle. Celles qui sont déjà annoncées ne représentent que 0,3 point. Question de méthode : peut-on se contenter de corriger partiellement un écart important au sens de la loi organique et de la gouvernance européenne ? Le 2 juin, en commission des finances, votre secrétaire d'État, Christian Eckert, m'a fait une réponse aussi ingénieuse que difficile à interpréter. Est-ce à dire que le Gouvernement proposera à l'automne une nouvelle trajectoire fondée sur une nouvelle estimation du PIB tendanciel ? Il remettrait ainsi les compteurs à zéro pour deux ans sans être inquiété par la Commission européenne et le Haut Conseil des finances publiques.

Ce serait une sorte de manipulation comme la tentative des députés de corriger le déficit structurel.

Mme Fabienne Keller.  - Absolument !

Mme Nicole Bricq.  - Vous ne vous êtes pas gênés, vous ! Vous avez la mémoire courte.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Oh oui !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Tournons-nous donc vers l'avenir : 2015.

Cette cible ne fait l'objet d'aucun commentaire... À l'Assemblée nationale, aucun des deux ministres n'a cité l'objectif de 3 %. Au lendemain même de ce débat, le très médiatique, l'omniprésent ministre de l'économie a qualifié les partisans de la réduction du déficit - donc vous, monsieur le ministre ! - de « comptables moralistes » (marques d'indignation à droite) et rappelé que l'exigence de stabilisation des comptes publics ne devait pas casser la croissance. On invoque des chiffres magiques : 50 milliards d'euros d'économies, 25 milliards d'euros de réduction des prélèvements obligatoires - sans que nous sachions quelles seront les conséquences sur la trajectoire. On concède les baisses d'impôt plus tôt, et on fera les économies au fur et à mesure... C'est inquiétant ! Le Gouvernement soutient-il le camp de la prudence ou bien va-t-il tenir ses engagements vis-à-vis de l'Union européenne et de notre environnement financier ? Pouvez-vous nous expliciter les propos de votre collègue de l'économie ? Les programmes de stabilité européenne n'engagent-ils plus la France ?

Le Trésor fait tout son possible pour alléger le fardeau de la dette. Vous avez eu raison, madame Bricq, de souligner son extrême professionnalisme. Cette technicité ne suffira peut-être pas indéfiniment à maintenir notre indépendance... Le groupe UMP ne pourra voter ce projet de loi de règlement. (Vifs applaudissements à droite ; Mme Nicole Bricq le déplore)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales .  - Un débat d'orientation est censé porter sur des perspectives, avant que les choix ne soient faits.

M. Michel Sapin, ministre.  - Je crains que votre conclusion ne soit la même que celle de l'orateur précédent.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Or les décisions ont déjà été prises, et sont en train d'être votées par le Parlement en ce moment même, alors qu'il n'y avait pas urgence... Curieuse façon de procéder !

Ces choix du Gouvernement confirment la priorité donnée depuis 2012 à la réduction à court terme des déficits publics. En découle un freinage sans précédent des dépenses publiques, et surtout des dépenses sociales. Or les résultats ne sont pas au rendez-vous. L'Insee ne prévoit que 0,7 % de croissance pour 2014, alors que le Gouvernement tablait sur 1 %, ce qui empêche les entreprises d'investir comme il le faudrait. L'Unedic envisage une hausse continue du chômage en 2014 et 2015. Le Trésor évalue les effets récessifs du plan de responsabilité à 200 000 emplois supprimés ; peut-on vraiment se contenter de qualifier ces prévisions de « calculs en chambre » ?

Je ne conteste pas la nécessité du retour à l'équilibre de nos dépenses sociales. Leur déficit chronique pèse sur les générations futures et menace la pérennité de notre système. Quel financement pour notre protection sociale ? Le déficit de la branche famille résulte des décisions du précédent gouvernement ; la branche AT-MP est aussi déficitaire alors qu'elle est censée s'équilibrer elle-même. Et vous supprimez encore des cotisations sociales patronales, sans un mot sur la compensation...

Malgré une augmentation des prélèvements, les comptes sociaux subissent les effets du chômage massif et de la stagnation des salaires. L'austérité enrayerait-elle cette spirale dépressive ? La baisse des charges, sans contrepartie, est coûteuse et ne garantit aucune création d'emplois. Comment des ressources équivalentes seront-elles assurées à la sécurité sociale ?

Va-t-on recréer la TVA sociale ? Un nouveau pas est franchi dans le désengagement des entreprises du financement de la branche famille. Qu'en sera-t-il demain pour la branche AT-MP ?

Le plan d'économies de 50 milliards ne sera pas sans effet sur le chômage et sur le pouvoir d'achat. Après avoir reporté la revalorisation des pensions, voilà qu'on la supprime au-delà de 1 200 euros mensuels. La réorganisation des soins, censée dégager 10 milliards d'euros d'économies, risque surtout de nuire à la qualité des soins. Enfin, difficile de justifier la diminution de 15 % en trois ans du budget du ministère du travail et de l'emploi. Je redoute les conséquences des options choisies par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Michel Sapin, ministre .  - Vous avez à examiner, en l'espace de quelques jours, un texte sur le constat pour 2013, des textes sur les décisions pour 2014 et le débat d'orientation budgétaire qui évoque 2015 et au-delà.

Les débats sur les budgets à venir nécessitent beaucoup de modestie. En matière de prévision, tout le monde s'est trompé, vous comme nous.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Errare humanum est, perseverare diabolicum.

M. Michel Sapin, ministre.  - Même sous le gouvernement de M. Jospin : les résultats étaient alors meilleurs que prévus !

M. Alain Néri.  - La cagnotte !

M. Michel Sapin, ministre.  - Oui. Nous aurions d'ailleurs mieux fait de ne pas reprendre ce concept.

Dans une période de grave crise économique, d'une ampleur inédite depuis la guerre, de sortie trop timide de la crise, comment voulez-vous que les prévisions soient intégralement réalisées ? C'est impossible ! Pour autant, aucun gouvernement ne peut agir sans se fixer des objectifs, fondés sur des hypothèses. Ensuite, il se confronte à la réalité et opère les rectifications nécessaires.

Je ne suis pas pour une application notariale de toutes les règles comptables, je suis pour un pragmatisme efficace. Les décisions se traduisent dès 2014, avec la loi de finances rectificative et la loi de financement rectificative de la sécurité sociale : 4 milliards d'économies supplémentaires dès 2014, sachant que le gros des économies en dépenses interviendra en 2015.

Qu'on soit au Gouvernement ou au Parlement, qu'on soutienne le Gouvernement ou qu'on le critique, il faut regarder ce qu'il est possible de faire. D'abord, agir sur les recettes : ce fut fait en 2010 un peu, beaucoup en 2011 ; on a eu une double couche en 2012, puis en 2013 avec le projet de loi de finances que vous avez voté fin 2011, puis la loi de finances rectificative que vous avez rejetée en juillet 2012. Au total, une soixantaine de milliards d'impôt supplémentaires, avec des effets sur les entreprises et sur les ménages et pas seulement les plus aisés, même si nous avons veillé à une répartition plus équitable que précédemment. Ces efforts ont permis de diminuer le déficit. Indéniablement, il a baissé.

Mme Fabienne Keller.  - Un tout petit peu.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Pas assez !

M. Michel Sapin, ministre.  - Sans doute mais, pendant des années, il n'avait cessé d'augmenter.

M. Alain Néri.  - Plus de 800 milliards d'euros en cinq ans !

M. Michel Sapin, ministre.  - Supprimer des dépenses. Lesquelles ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Toutes ! Il faut raboter toutes les dépenses.

M. Michel Sapin, ministre.  - Les impôts ont augmenté plusieurs années de suite. C'est terminé. Dès cette année, l'impôt sur le revenu baisse pour les ménages les plus modestes.

M. Alain Néri.  - Et c'est très bien.

Mme Fabienne Keller.  - Trop tard !

M. Michel Sapin, ministre.  - Nous luttons contre la fraude et l'optimisation fiscale, avec succès. Aujourd'hui, chaque contribuable français a intérêt à déclarer son patrimoine à l'étranger, même dans un pays connu pour ses belles montagnes.

Les 50 milliards d'euros d'économies, chiffre miracle, monsieur Marini ? Il n'est pas issu du cerveau d'un quelconque polytechnicien, d'un quelconque énarque, voire d'un normalien littéraire. (Sourires)

En Espagne, au Portugal, en Irlande, en Grèce, on a imposé une diminution en valeur absolue de la dépense publique, qui a baissé de 100 hier à 90 aujourd'hui. Cela, c'est l'austérité, avec parfois la récession. Nous, nous prônons la maîtrise des dépenses : là où il y avait 100 hier, il y aura toujours 100 demain, c'est un effort inédit, cela n'a jamais été fait !

M. Vincent Delahaye.  - Malheureusement !

M. Michel Sapin, ministre.  - La répartition est-elle équitable ? Nous demanderions plus aux collectivités territoriales qu'à l'État, ai-je entendu. C'est faux ! Les dépenses de la sécurité sociale ne baisseront pas, ne serait-ce que pour des raisons démographiques. L'effort demandé aux collectivités territoriales est comparable à ce qu'elles représentent dans la dépense publique : il n'y a pas de baisse du pouvoir d'achat.

Mme Fabienne Keller et M. Vincent Delahaye.  - C'est faux !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Il y a bien baisse des dotations !

M. Michel Sapin, ministre.  - J'ai été conseiller général, président de région, maire ; je sais comment fonctionne le budget d'une collectivité territoriale. Il est fondé sur l'habitude de voir des recettes en constante augmentation. C'est là-dessus que portera l'effort que nous demandons. (Protestations à droite) L'État fournira l'effort principal.

M. Alain Gournac.  - Qui va payer la réforme des rythmes scolaires ? (Exclamations à gauche)

M. Michel Sapin, ministre.  - Au-delà des polémiques, regardez les choses en face : vous verrez que l'effort est justement réparti.

M. René-Paul Savary.  - C'est faux.

M. Michel Sapin, ministre.  - Nous le faisons, en respectant nos grandes priorités : la jeunesse avec l'éducation nationale, la sécurité avec la justice, la police et la gendarmerie. Nous nous soucions aussi de la capacité d'engagement de nos armées. Tout cela fait que nous demandons plus d'efforts à certains ministères qu'à d'autres. C'est cela aussi, gouverner. (Applaudissements sur les bancs socialistes et certains bancs du RDSE)

M. Alain Néri.  - Très bien.

La discussion générale est close.

présidence de M. Charles Guené, vice-président

Discussion des articles de la loi de règlement

L'article liminaire est adopté.

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Delahaye.

Rédiger ainsi cet article :

I. - Le résultat budgétaire de l'État en 2013, hors opérations avec le Fonds monétaire international, est arrêté à la somme de -77 067 967 950,14 €.

II - Le montant définitif des recettes et des dépenses du budget de l'année 2013 est arrêté aux sommes mentionnées dans le tableau ci-après :

 

(En euros)

 

Dépenses

Recettes

Soldes

Budget général

Recettes

Recettes fiscales brutes

370 220 024 415,29

À déduire : Remboursements et dégrèvements d'impôts

86 214 808 056,90

Recettes fiscales nettes (a)

284 005 216 358,39

Recettes non fiscales (b)

11 512 881 533,50

Montant net des recettes, hors fonds de concours (c) = (a) + (b)

295 518 097 891,89

À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l'Union européenne (d)

78 020 598 663,74

Total net des recettes, hors prélèvements sur recettes (e) = (c) - (d)

217 497 499 228,15

Fonds de concours (f)

3 521 630 095,83

Montant net des recettes, y compris fonds de concours (g) = (e) + (f)

221 019 129 323,98

Dépenses

Dépenses brutes, hors fonds de concours

381 341 233 767,49

À déduire : Remboursements et dégrèvements d'impôts

86 214 808 056,90

Montant net des dépenses (h)

295 126 425 710,59

Fonds de concours (i)

3 521 630 095,83

Montant net des dépenses, y compris fonds de concours (j) = (h) + (i)

298 648 055 806,42

Total du budget général, y compris fonds de concours

298 648 055 806,42

221 019 129 323,98

-77 628 926 482,44

Budgets annexes

Contrôle et exploitation aériens

2 076 040 809,86

3, 276 040 809,86

Publications officielles et information administrative

201 643 917,34

201 643 917,34

Montant des budgets annexes, hors fonds de concours

2 277 684 727,20

2 277 684 727,20

Fonds de concours

18 635 234,40

18 635 234,40

Total des budgets annexes, y compris fonds de concours

2 296 319 961,60

3 496 319 961,60

Comptes spéciaux

Comptes d'affectation spéciale

70 887 034 311,59

71 471 303 808,23

584 269 496,64

Comptes de concours financiers

110 942 192 987,04

109 52 737 402,42

-210 655 584,62

Comptes de commerce (solde)

-136 845 982,00

136 845 982,00

Comptes d'opérations monétaires, hors opérations avec le Fonds monétaire international (solde)

-49 298 638,28

49 298 638,28

Total des comptes spéciaux, hors opérations avec le Fonds monétaire international

181 643 082 678,35

181 004 041 210,65

562 158 532,30

Résultat budgétaire de l'État, hors opérations avec le Fonds monétaire international

-77 067 967 950,14

M. Vincent Delahaye.  - M. le ministre a dit que les collectivités locales qui ont 100 aujourd'hui auront 100 en 2017. Le tableau dit : 56 milliards d'euros aujourd'hui et 45 milliards d'euros en 2017, soit -11 milliards. C'est un effort considérable. Rétablissons la vérité des chiffres ! Je ne veux pas que les collectivités territoriales soient les dindons de la farce. Je ne dis pas qu'elles ne doivent pas fournir d'effort, mais que l'État doit faire un effort au moins équivalent.

Monsieur le ministre, la fraude et l'optimisation ne sont pas la même chose. La fraude est condamnable. L'optimisation est dans l'ordre des choses avec une fiscalité aussi complexe. Si l'on veut réduire l'optimisation, il faut simplifier la fiscalité !

Cet amendement déduit des recettes non fiscales de l'État les 2,2 milliards d'euros tirés du contentieux fiscal de la société Orange. En effet, la société ayant fait appel, il n'est pas prudent de considérer cette recette comme définitive au titre de l'exercice 2013. Une entreprise l'aurait comptabilisée en provisions et non en recettes.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Cet amendement est en contradiction totale avec les règles de la comptabilité budgétaire : ces recettes fiscales ont bien été encaissées, elles doivent donc être retracées dans la loi de règlement.

M. Michel Sapin, ministre.  - M. Delahaye se met en infraction avec les règles de la comptabilité publique ; l'adoption de son amendement rendrait ce projet de loi inconstitutionnel ! Dès lors, avis défavorable, à moins que vous ne le retiriez ?

M. Vincent Delahaye.  - Il aurait été plus juste de présenter une provision plutôt qu'une réduction de la recette. Reste que sur le fond, il y a un risque sur cette recette. Je retire l'amendement, mais il faut réfléchir au cas de ces contentieux fiscaux en cours, qui devraient être provisionnés.

L'amendement n°1 est retiré.

L'article premier est adopté, ainsi que les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Delahaye.

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er octobre 2014 un rapport faisant état des avances du Trésor au profit des budgets annexes, de l'état du remboursement de ces avances et des possibilités de les limiter à l'avenir.

M. Vincent Delahaye.  - Cet amendement a pour objet de susciter le débat sur le financement de certains budgets annexes par des avances du Trésor. Le budget annexe, « contrôle et exploitation aériens » disposerait d'un encours d'avances consolidées de près de 1,2 milliard d'euros qui ne sont pas couvertes par des recettes à venir. Or il reste, en face, des dépenses à assumer. Cette pratique s'assimile à des avances sur des prêts à long terme, ce qui est interdit au Trésor.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - La question est intéressante. Il est légitime de s'interroger sur le mode de financement du budget annexe « contrôle et exploitation aériens », qui ne cesse de déraper. Une nouvelle taxe pèserait sur la compétitivité de nos aéroports ; une alternative plus réaliste consisterait à réintégrer cette politique dans le budget général de l'État. Cela ne mettrait pas fin pour autant au déséquilibre.

En tout état de cause, les informations souhaitables sont disponibles ; un rapport ne s'impose donc pas. Retrait ?

M. Michel Sapin, ministre.  - Même avis. Le budget annexe peut recourir à l'emprunt pour financer des investissements : il bénéficie ainsi des conditions de financement de l'État sur le marché. Cette situation n'est pas nouvelle mais le déséquilibre entre recettes et dépenses s'est aggravé avec la crise du secteur aérien depuis 2008. Une trajectoire de désendettement est engagée, afin de rembourser progressivement ces avances. Vous me permettrez de rappeler, non sans ironie, que ce mécanisme de financement a été mis en oeuvre, à partir de 2006, à la suite des recommandations d'un rapport d'information du Sénat, intitulé Pour une gestion consolidée des dettes de l'État.

L'amendement n°2 est retiré.

L'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n° 223 :

Nombre de votants 323
Nombre de suffrages exprimés 320
Pour l'adoption 155
Contre 165

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Michel Sapin, ministre.  - Vous aviez pourtant adopté chacun des articles !

Candidatures à une éventuelle CMP

M. le président.  - La commission des finances a désigné les candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2013, actuellement en cours d'examen.

Cette liste a été publiée conformément à l'article 12, alinéa 4 du Règlement et sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.

Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

Discussion générale

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Depuis qu'il existe un projet de loi de financement de la sécurité sociale, c'est la deuxième fois seulement qu'est présenté un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Je salue donc encore plus que d'habitude le travail accompli par la commission des affaires sociales du Sénat, dans un calendrier chargé. Ce projet de loi est important malgré sa brièveté : 16 articles à l'origine, 21 à l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale.

Avec le projet de loi de finances rectificative, il met en oeuvre le pacte de responsabilité et de solidarité, qui traduit la priorité à l'emploi confirmée par le président de la République le 14 janvier dernier, via des allègements de cotisations sociales pour les employeurs et les indépendants, ainsi que pour les salariés eux-mêmes. Ces derniers verront leur pouvoir d'achat amélioré de 500 euros dès 2015. Ce texte constitue aussi un premier pas vers la suppression de la CSG employeurs.

Ce projet de loi ne porte que sur les allègements de cotisations entreprises pour 2015. Nous franchirons l'année prochaine une nouvelle étape pour renforcer leur compétitivité. Le président de la République y a insisté lors de la dernière conférence sociale, la trajectoire est inscrite pour trois ans, ce qui garantit aux entreprises françaises et aux investisseurs étrangers toute lisibilité nécessaire. Aux entreprises de se saisir désormais de l'atout que constitue le pacte de responsabilité et de solidarité.

Les mesures proposées génèreront des pertes de recettes pour la sécurité sociale, qui seront compensées dans leur intégralité dans les lois financières pour 2015 : la Lolf ne permet pas de faire autrement.

Quant au régime social des indépendants, j'indique que son équilibre sera bien assuré de manière pérenne, selon le dispositif de solidarité financière qui prévaut pour les salariés et pour les exploitants agricoles. Aussi, ni la gestion autonome ni le niveau des prestations ne sont remis en cause.

Ce texte comporte des mesures d'économies. Il propose de ne pas revaloriser les retraites pendant un an. Les plus petites retraites ne seront pas concernées, soit près de la moitié des retraités. Cela dit, je ne sous-estime pas l'effort que cela représente pour les retraités concernés - dont la pension globale excède 1 200 euros - limité toutefois par la très faible inflation.

Le Gouvernement a pris des mesures fortes en faveur des retraités modestes, avec la double revalorisation du minimum vieillesse en 2014, la revalorisation de 50 euros de la complémentaire santé des plus de 60 ans, et la revalorisation des retraites agricoles. Les députés socialistes ont supprimé le gel de l'allocation de logement familiale, le Gouvernement l'a accepté.

Le projet de loi tire les conséquences de la sous-exécution de l'Ondam 2013 en réévaluant l'Ondam 2014 à 178,3 milliards d'euros.

Le taux de progression de l'Ondam 2014 de 2,4 % n'est pas remis en cause.

La prescription de spécialités - coûteuses, mais ayant autant d'efficacité, comme pour la Dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), entraînera aussi des économies. Nous proposons un nouveau dispositif, en raison de contraintes juridiques.

Nous réalisons des économies par des réformes structurelles, tout en garantissant l'accès aux soins de nos concitoyens, lequel est au centre de la stratégie nationale de santé. Un amendement adopté à l'Assemblée nationale valorise le dispositif de maîtrise des dépassements d'honoraires lorsque ceux-ci sont mesurés, prescrits par des médecins engagés par des contrats de modération.

Les efforts demandés, réels, sont mis au service d'un objectif qui doit nous rassembler : la pérennité de notre modèle social et le financement des droits.

En 2013, pour la première fois, la Cour des comptes a certifié l'intégralité des comptes des branches du régime général. Entre 2011 et 2013, le déficit a diminué de plus de 30 %.

En 2010, il atteignait 28 milliards d'euros. En 2013, alors que la croissance est beaucoup plus faible, nous l'avons réduit de plus de 2 milliards d'euros, résultat des réformes structurelles que nous avons menées.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Il s'agit de garantir dans le temps les droits de nos concitoyens.

La politique du Gouvernement vise à redresser les comptes sociaux sans diminuer la qualité de la couverture sociale, en renforçant même les droits, pour les femmes avec le droit à l'IVG, pour les familles avec la revalorisation de l'ARS, du complément familial et de l'allocation de soutien familial, pour ceux qui ont commencé à travailler tôt avec la possibilité de partir plus tôt en retraite, avant même la mise en place du compte pénibilité, et enfin avec l'extension du champ de l'aide à la complémentaire santé.

Ce texte est important : il marque la mobilisation, rappelée par le président de la République hier, de l'ensemble du Gouvernement, pour l'emploi, la croissance, pour une politique de gauche. Le rétablissement des comptes n'est jamais opposé à la progression des droits. C'est au nom de celle-ci que nous sommes tenaces et têtus, et être têtu a parfois du bon pour améliorer la solidarité. (« Très bien » et applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales .  - Le Parlement examine pour la deuxième fois un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Celui-ci traduit un programme d'action complet au service du redressement de l'économie, de l'emploi, de la cohésion sociale.

Après son passage à l'Assemblée nationale, le projet de loi comporte 5 articles additionnels, soit 21 au total.

Ce texte ne saurait être considéré isolément, les dépenses de sécurité sociale représentant 44 % des dépenses publiques. Il fait partie intégrante d'une stratégie globale, alors que la croissance est atone, le chômage dramatiquement élevé et les comptes publics structurellement déficitaires. Ce texte traduit les engagements du président de la République dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. Il s'agit de conjuguer les efforts de l'État, des entreprises et des ménages pour redonner un nouvel élan à notre économie et à notre société, gagnées par le fatalisme. Nous avons pourtant des atouts à faire valoir.

Le soutien aux ménages, c'est l'engagement de ne pas augmenter les prélèvements sur les classes moyennes, de soutenir le pouvoir d'achat des plus modestes et d'accroître la solidarité envers les plus fragiles. Les minima sociaux ne sont pas concernés par le gel. Le RSA, comme en 2013, sera revalorisé de 2 % au 1er septembre prochain, avec l'objectif de l'augmenter de 10 % en cinq ans.

Dans une situation difficile, l'effort envers les plus fragiles est accru.

L'article premier du projet de loi introduit une progressivité des prélèvements salariaux, afin de redonner du salaire net aux salariés et aux fonctionnaires dont le salaire est proche du smic.

Le pacte de responsabilité et de solidarité soutient aussi les investissements des entreprises au moment où nous attendons la reprise de la croissance, portée par la demande mondiale. L'objectif est d'atteindre le niveau de « zéro charge » sur le smic au 1er janvier 2015. À partir de 2016, l'extension du taux réduit de cotisations familiales concernera tous les salaires inférieurs à 3,5 smic.

Au total, les articles 2 et 3 du projet de loi représenteront un effort de 6,5 milliards d'euros en 2015. L'Assemblée nationale a adopté des amendements afin d'inclure dans la négociation annuelle de branche un suivi spécifique de l'ensemble des avantages fiscaux et sociaux dont bénéficient les entreprises. Elle a réaffirmé le principe de l'autonomie de gestion du RSI. Elle a souhaité sortir dès 2015 l'ensemble des coopératives agricoles du champ de la C3S.

À l'initiative de sa commission des finances, elle a demandé un rapport sur les conséquences pour le RSI de la suppression de la C3S que votre commission des affaires sociales vous suggère de renforcer. Elle a réaffirmé le principe de compensation financière des pertes de recettes induites par ce projet de loi. Garantie par le code de sécurité sociale, cette compensation pèsera sur le budget de l'État.

Le pacte prévoit 50 milliards d'économies. Il ne s'agit pas de réaliser 50 milliards d'économies par rapport à ce que nous dépensons actuellement, mais de dépenser 50 milliards de moins que ce que seraient nos dépenses si nous poursuivions sur la tendance actuelle, soit 70 milliards au lieu de 120. Notre système de protection sociale doit en prendre sa part, soit 21 milliards. L'augmentation de la dépense n'est pas un objectif en soi, non plus qu'une garantie de qualité du service rendu.

Il n'est ni juste ni solidaire de reporter sur les générations à venir le coût de nos remboursements, de nos séjours hospitaliers ou de nos indemnités journalières.

D'après la loi de programmation en cours, le retour à l'équilibre des comptes sociaux était prévu pour 2014. Les objectifs de dépenses ont été tenus, notamment l'Ondam pour la quatrième année consécutive. En revanche, les recettes n'ont pas été au rendez-vous : 12,5 milliards de moins que prévu.

Le solde du régime général passe sous la barre symbolique des 10 milliards d'euros. Les dépenses des régimes obligatoires de base progressent néanmoins de 7,8 milliards entre 2013 et 2014. Il n'y a pas de baisse des dépenses, mais une progression moins dynamique que prévu.

Le texte contient des mesures destinées à corriger l'équilibre des comptes sociaux, telles que la rectification du montant de l'Ondam. L'Assemblée nationale a supprimé le gel de l'allocation de logement familiale. Elle a, en revanche, adopté le gel des pensions de base supérieures à 1 200 euros bruts par mois. Le montant des économies réalisées représenterait en année pleine près d'un milliard d'euros. Près de la moitié des retraités ne seront pas concernés par ce gel. C'était la moins mauvaise des solutions. Les 935 millions d'euros de gel des pensions en 2015 sont à comparer avec les 2,5 milliards de pouvoir d'achat rendus aux actifs les plus modestes.

Parmi les articles additionnels adoptés à l'Assemblée nationale, l'article 9 bis élargit le champ de la recommandation temporaire d'utilisation (RTU). Les articles 9 ter à 9 sexies comportent diverses mesures relatives aux complémentaires santé.

Pour l'essentiel, les mesures inscrites dans ce texte sont bien connues et discutées depuis plus de six mois. Le temps est venu de les concrétiser et de les traduire dans le droit.

La commission des affaires sociales les a complétées à l'article 2 par un amendement relatif aux cotisations sociales des particuliers employeurs. J'y reviendrai dans la discussion. La commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - Ce texte, particulièrement important, participe à la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité annoncé par le président de la République le 14 janvier dernier et détaillé par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale. Il forme un tout cohérent avec le projet de loi de finances rectificative, que le Sénat a examiné la semaine dernière.

Ces deux textes répondent au défi de la réduction de notre déficit, de notre dette et de la pérennité de notre modèle social ; à celui de la compétitivité de nos entreprises, sans laquelle il n'y aura ni croissance ni emploi durable ; à celui du soutien au pouvoir d'achat des ménages, tout particulièrement de nos concitoyens les plus défavorisés.

Le plan de 50 milliards d'économies, étalé sur trois ans, a pour objectif de compenser les baisses de prélèvement et de réduire les déficits. On pourra contester telle ou telle mesure, mais pas la cohérence de ce plan, tendu vers la création d'emplois dont notre pays a tant besoin.

Pour 2014, ce texte contribue à ramener le déficit public effectif de 4,3 % du PIB à 3,8 %, par la diminution de 800 millions d'euros de l'Ondam, notamment. Seuls les retraités dont la pension globale est supérieure à 1 200 euros seront concernés par la non-revalorisation, soit la moitié d'entre eux seulement.

Au-delà de 2014, la trajectoire de redressement des comptes sociaux engagée par le Gouvernement est confirmée. Le déficit diminue, c'est incontestable. Pour 2015, ce projet de loi de finances rectificative prend cinq mesures dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, dont nous discuterons lors de l'examen des articles. Les prélèvements sociaux diminuent de près de 9 milliards d'euros en 2015 : 2,5 milliards pour les salariés, 1 milliard pour les travailleurs indépendants, 5,5 milliards pour les entreprises.

L'ensemble de ces mesures sont ciblées sur l'emploi. Ce sont environ 45 000 nouveaux emplois supplémentaires qui sont attendus dès 2015. Aucun type d'entreprise n'est négligé.

L'abattement de C3S bénéficiera en priorité aux PME.

Comment ces baisses de prélèvements sociaux seront-elles financées ? Il faut distinguer juridiquement entre les dispositions permanentes et celles qui ne le sont pas. Nous connaissons les grandes lignes du plan de 50 milliards d'euros d'économies annoncé par le Premier ministre. Sur 21 milliards d'économies dans la sphère sociale, 2,9 milliards résultent de la réforme des retraites, 10 milliards du champ de l'Ondam, 2 milliards du report de la revalorisation de certaines prestations, 800 millions de la poursuite de la réforme de la politique familiale, 1,2 milliard du fonctionnement des organismes de protection sociale. Les régimes complémentaires contribuent à cet effort à hauteur de 4 milliards d'euros. Il est donc faux de prétendre que les baisses de charges ne seraient pas financées. Les modalités précises seront connues lors des débats budgétaires de l'automne.

Ce double pacte de responsabilité et de solidarité est de nature à restaurer la confiance nécessaire à la croissance. Il répond à la seule question qui vaille : comment diminuer le chômage dans notre pays ? D'où l'avis favorable de la majorité de la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre)

M. Dominique Watrin .  - L'examen de ce projet de loi se déroule peu après la troisième conférence sociale qui n'a pas satisfait les organisations syndicales, même ceux qui la soutiennent encore du bout des lèvres ont protesté contre les cadeaux faits au Medef. Les administrateurs de la Cnaf, CFTC, CFDT, CGC compris, se sont tous prononcés contre ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014. Pour eux, c'est « une mauvaise décision en termes économiques et sociaux ». Vous préférez écouter le Medef et les institutions européennes comme le Conseil de l'Europe qui considère que seule la moitié du chemin de la réduction du coût du travail est accomplie avec le CICE. Il s'ensuit de lourdes conséquences sur nos comptes publics, sans impact réel sur l'emploi : les allégements de charges sur les bas salaires ont tendance à détruire plus d'emplois qu'ils n'en créent. Le rapport sur le projet de loi de finances rectificative de l'Assemblée nationale reconnaissait que ces mesures, ainsi que celles du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale vont supprimer 250 000 emplois et ralentir la croissance. Le solde est donc négatif ! Tout prête à penser que le pacte de responsabilité et de solidarité accroîtra le déficit de la sécurité sociale.

L'effet « trappe à bas salaires » des exonérations sociales est tout aussi indéniable, comme l'a montré le rapport Cotis.

Depuis trente ans, les dividendes extorqués au travail ont progressé de 200 %, les salaires de 20 % seulement ! Nos concitoyens ne supportent plus cette politique qui demande de plus en plus de sacrifices aux ouvriers, employés, travailleurs des couches modestes de notre société. Ce que vous donnez d'une main aux salariés, vous le reprenez de l'autre, par exemple aux retraités.

Plutôt que de renforcer leur pouvoir d'achat, en augmentant les salaires, vous choisissez de réduire les cotisations sociales, ce qui conduira tôt ou tard à augmenter les impôts et taxes pour compenser des réductions de prestations d'ores et déjà effectives.

On n'appartient pas à la classe moyenne quand on touche une pension brute de 1 200 euros par mois, contrairement à ce que l'on entend dire ! Pour eux, le gel des pensions s'ajoute au gel des retraites complémentaires sans parler de la contribution pour l'autonomie.

Ne peut-on rapprocher la baisse des subventions par les CAF aux crèches publiques de la baisse des cotisations employeurs à la branche famille ? Jusqu'où irez-vous dans les reculs sociaux, pour qui, avec quels résultats ? Malgré vingt ans de politique de réduction du coût du travail, la compétitivité des entreprises a continué à fléchir, preuve que ce coût est moindre que celui de l'énergie ou du capital. C'est là qu'il faudrait agir pour réorienter l'argent vers l'économie réelle et, finalement, augmenter les recettes de la sécurité sociale. Par dogmatisme vous amplifiez une politique qui échoue imperturbablement depuis vingt ans.

Le Medef, non content de ce qu'il avait déjà obtenu, a gagné la suppression progressive de la C3S. Elle représentait une forme de solidarité, entre les grandes entreprises du commerce notamment, et les petits artisans et commerçants. Sa suppression, sera supportée, une fois de plus, par les salariés avec l'adossement du RSI au régime général, qui constitue une forme de reprise de la dette.

Oui, madame la ministre, votre projet de loi est cohérent : politique d'austérité, réduction des dépenses publiques et sociales, perte du pouvoir d'achat à cause du gel des pensions et des traitements des fonctionnaires.

Au groupe CRC, nous avons l'ambition de réformer notre assiette de cotisation sociale : plus les entreprises sont vertueuses, plus elles favorisent l'emploi, moins leur cotisation est élevée ; moins elles le font, plus elles doivent cotiser. M. Sapin est devenu « l'ami » de la « bonne finance ». Devenez, madame la ministre, l'amie du bon financement de la sécurité sociale, d'un service public juste et solidaire. Oui, il existe une autre voie, qui nous permettrait de développer massivement le service public, d'améliorer la qualité de l'organisation et de l'offre de soins, de mener la politique de gauche pour laquelle vous avez été élus et non celle pour laquelle vous serez inévitablement sanctionnés. Au nom de ce changement de cap, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC ; Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, applaudit aussi)

M. Gilbert Barbier .  - Ce projet de loi fut annoncé par le président de la République à l'occasion de ses voeux aux Français. Nous ne pouvons que souscrire à ses objectifs. Il était temps de tenir compte de la situation économique et sociale de la France, qui ne cesse de s'aggraver, alors que s'éloigne l'horizon du retournement du nombre de chômeurs, qui frôle, toutes catégories confondues, le seuil de 5 millions. Un triste record !

Le Premier ministre a déclaré à l'Assemblée nationale que la hausse de la fiscalité de ces dernières années est devenue insupportable et le président de la République l'a lui-même implicitement reconnu.

Pourquoi attendre 2015, alors que la crise nous impose d'agir vite ? Ce texte repose sur une hypothèse de croissance de 1 % alors que l'Insee table sur 0,7 %. Devant la commission des affaires sociales vous avez estimé que cet objectif de 1 % était atteignable. Cela relève de la foi du charbonnier, alors qu'aucune amélioration n'apparaît au deuxième semestre, après une croissance nulle au premier semestre de cette année.

Nous devons engager une réforme pérenne. Comme l'a indiqué le rapporteur général de la commission des affaires sociales, il ne s'agit pas de 50 milliards d'économies sur nos dépenses actuelles, mais de 50 milliards de dépenses en moins par rapport à notre trajectoire actuelle, c'est-à-dire en fait, « que » 70 milliards supplémentaires, au lieu de 120 milliards prévus au rythme actuel, moyennant quoi les déficits continueront de déraper.

Si je n'approuve pas les conclusions de la mission commune d'information sur les exonérations de charges, je retire de ce travail une conclusion : nous ne pouvons pas continuer de demander au monde du travail le financement de la protection sociale. Quant à l'accès aux soins, disons-le sans détour, proximité ne rime plus avec qualité.

Madame la ministre, quand vous attaquerez-vous au chantier des hôpitaux publics, qui sont en souffrance ? Un chantier difficile mais urgent.

Si la forme du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale est exceptionnelle, le contenu du projet de loi l'est moins : des allègements de charges ! Pourquoi une différence de traitement entre fonctionnaires et salariés du privé ? Surtout, comment ces mesures, comme la suppression de la C3S, seront-elles compensées ? Le rapporteur général avoue l'ignorer. Sans doute par une tuyauterie complexe entre le budget de l'État et celui de la sécurité sociale, ajoute-t-il. Vous n'en avez rien dit dans votre discours...

Le gel des retraites épargne les plus modestes mais frappe les classes moyennes après un premier report de six mois : ce gel de dix-huit mois n'est pas supportable pour nos concitoyens ; supprimer, comme l'ont fait les députés, celui de l'allocation de logement familiale était le moins que l'on puisse faire.

L'élargissement des RTU entraînera des économies importantes, ainsi en utilisant l'Avastin plutôt que le Lucentis, pour le traitement de la DMLA : excellente initiative, qui en appelle d'autres. Je soutiens aussi la proposition du rapporteur général à propos du remboursement forfaitaire pour les particuliers employeurs. J'espère que vous vous y tiendrez même si la Cour des comptes juge qu'il s'agit d'une niche fiscale coûteuse. La suppression du forfait a fait perdre 7,5 % d'heures travaillées et 3,1 % d'employeurs !

Si la Cour des comptes a certifié les comptes sociaux en 2013, elle a dénoncé la sous-estimation des prestations injustifiées versées par l'Assurance maladie : il s'agirait de 900 millions au lieu de 430.Il faudrait vérifier.

Lors de l'examen de la loi du 30 mai 2013, le groupe RDSE avait alerté le Gouvernement sur les effets néfastes de la réforme de la biologie médicale. Les laboratoires indépendants sont soumis aux oukases des grands groupes, il est temps d'y revenir pour préserver un tissu sanitaire de qualité, notamment en milieu rural. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et à droite)

Nominations à une éventuelle CMP

M. le président.  - Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2013, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.

La liste des candidats a été publiée ; je n'ai reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 12 du Règlement. En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire, en tant que titulaires : MM. Philippe Marini, Jean Germain, François Marc, Mmes Michèle André, Marie-France Beaufils, MM. Francis Delattre et Vincent Delahaye ; en tant que suppléants, MM. Michel Berson, Yannick Botrel, Philippe Dallier, Éric Doligé, François Fortassin, Roger Karoutchi et Richard Yung.

Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.

La séance est suspendue à 19 h 40.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont, vice-président

La séance reprend à 21 h 45.

Hommage à un soldat décédé au Mali

M. le président.  - C'est avec une grande émotion que nous avons appris la mort, survenue hier dans le nord du Mali, de l'adjudant-chef Dejvid Nikolic, sous-officier du 1er régiment étranger de Génie de Landun-l'Ardoise dans le Gard.

Ce décès, intervenu dans le cadre d'une mission de reconnaissance, nous rappelle à la fois l'exemplarité de l'engagement et du courage de nos forces armées dans la lutte contre les groupes terroristes qui sévissent au Mali et plus généralement au Sahel, et le prix très lourd qu'elles ont à payer pour assurer la sécurité de nos concitoyens.

Comme le président Jean-Pierre Bel l'a exprimé cet après-midi et au nom du Sénat tout entier, je voudrais faire part de notre profonde sympathie à sa famille et à ses compagnons d'armes.

À sa demande, je vous propose de respecter un moment de recueillement en observant une minute de silence. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la ministre Marisol Touraine se lèvent et observent une minute de silence)

Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

Discussion générale (Suite)

M. Jean Desessard .  - Le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale traduit le pacte de responsabilité et de solidarité, lequel définit l'objectif du Gouvernement : alléger le coût du travail pour relancer l'activité. L'intention est louable... On espère, avec la manne financière de 41 milliards d'euros, CICE compris, accordée aux entreprises, créer 190 000 emplois.

La confiance se construit, elle ne se décrète pas. L'expérience l'a prouvé, les allègements de charges profitent toujours au capital plus qu?au travail. Entre 1993 et 2013, la part de la valeur ajoutée allouée aux salaires est restée stable tandis que celle allouée aux dividendes est passée de 6 % à 14 %... L'impact en termes d'emplois des allègements est peu évident...

Ces allègements seront financés par une réduction des dépenses publiques de 50 milliards d'euros. Là est le paradoxe : comment reconnaître les besoins en matière de santé, de justice, d'action sociale, de dépendance tout en annonçant un plan d'économies sans précédent ?

Les écologistes ne sont pas les seuls à faire cette analyse. Les 50 milliards d'économies, selon la direction du Trésor, devraient entraîner la suppression de 250 000 emplois et coûter 1,4 point de PIB cumulé d'ici 2017, là où le pacte créera 190 000 emplois et produira un gain de croissance de 0,6 point.

Ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale prévoit aussi le gel de certaines prestations. Nous nous félicitons de ce que le rapporteur à l'Assemblée nationale ait supprimé celui des aides au logement. Subsiste toutefois celui des pensions de retraites supérieures à 1 200 euros.

Nous ne cautionnons pas une politique de l'offre indifférenciée qui s'accompagne d'une fragilisation des retraités. Les écologistes prônent un autre modèle, la transition énergétique, des incitations ciblées pour favoriser le comportement vertueux des entreprises, une CSG progressive. Il n'y a aucune certitude que les allègements de charges sur les bas salaires créent de l'emploi.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Absolument !

M. Jean Desessard.  - Nous proposons la conditionnalité des allègements de charges, une baisse des cotisations sociales de 500 euros par mois et par apprenti, l'ouverture des emplois d'avenir aux chômeurs de longue durée, une exonération de C3S pour les entreprises qui communiquent sur leur politique de salaire, de dividende et d'optimisation fiscale, la suppression du gel des retraites.

Ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale accorde des cadeaux aux entreprises, sans contrôle ni contreparties et affaiblit notre protection sociale. Il ne correspond pas, en l'état, aux attentes des écologistes. (Applaudissements sur les bancs écologistes et CRC)

M. Jean-Noël Cardoux .  - Mon intervention diffère radicalement de celle de M. Desessard. Enfin, après un an de valses-hésitations sur le pacte de responsabilité et de solidarité annoncé par le président de la République, une ébauche de mesures nous est présentée, mais à quel prix ? Ce texte parce qu'il ménage la chèvre et le chou, le Medef et l'aile gauche de la majorité, ne peut contenter personne.

Les exonérations de charges sur les bas salaires complètent modestement le dispositif Fillon ; vous ne posez pas le problème d'une véritable réforme de la politique familiale...

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis.  - Que ne l'avez-vous fait auparavant !

Vous supprimez la C3S en vous bornant à un transfert vers le régime général après avoir déplafonné il y a deux ans les cotisations retraite et maladie des travailleurs indépendants. Vous voulez rendre du pouvoir d'achat aux salariés les plus modestes, tout en oubliant que vous avez fiscalisé les heures supplémentaires et alourdi leurs impôts. Tout cela seulement à partir de 2015, alors que notre économie est exsangue, et sans donner aucune indication sur le financement de ces mesures - le rapporteur général lui-même le dit. Soyez tranquilles, nous a dit madame la ministre, on trouvera la solution en 2015 ; il y a un plan, ajoute le rapporteur de la commission des finances. Peu d'éléments concrets, en somme...

Pourquoi ce projet de loi maintenant ? On n'a vu pareille présentation que deux fois en vingt ans ! Pardonnez-moi l'expression, mais il fait pschitt ! On aurait pu en faire l'économie et attendre le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'automne. Les seules données financières dont nous disposons ne sont pas des économies mais un ralentissement de la dépense. Vous gelez certaines prestations sociales et, en particulier, les retraites des classes moyennes, ce que nous n'acceptons pas. Vous supprimez 160 millions du Fonds de modernisation des hôpitaux - cela ne s'imposait pas. Reste devant nous le fameux plan pour la dépendance - comment sera-t-il financé ?

Nous sommes loin du choc de compétitivité, si nécessaire à la France. Sur les services à la personne, les emplois à domicile, M. Eckert a annoncé qu'il envisageait par décret une modulation de l'abattement. Notre rapporteur général propose un abattement de 1,5 euro, nous voudrions aller plus loin, au moins 2 euros, voire rétablir en partie le calcul au forfait.

Il faudrait aussi favoriser les entreprises innovantes, pénalisées dans la compétition mondiale, en étendant les allègements à trois, voire quatre fois le smic ; réviser le CICE afin qu'il soit accessible aux start-up et non pas seulement à la grande distribution ou à La Poste. La TVA anti-délocalisation que vous avez supprimée, fait son chemin dans les esprits... Il faudrait au moins étudier des augmentations de TVA ciblées et importantes par exemple sur les produits importés. La TVA pourrait aussi favoriser les produits écologiques. Tout le monde sait que c'est la solution, même les ministres des finances de la zone euro qui recommandent un allègement de la fiscalité pesant sur le travail compensé par une augmentation des taxes sur la consommation...

L'autodestruction est une sorte d'autopunition, en réponse à un échec personnel, souvent motivé par un besoin d'attention...

M. Jacky Le Menn.  - De quoi parlez-vous ? De vous-même ?

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - M. Cardoux donne dans la psychologie !

M. Jean-Noël Cardoux.  - Après avoir détricoté tout ce qu'avait fait le précédent gouvernement, vous détricotez votre propre ouvrage.

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis.  - C'est une obsession...

M. Jean-Noël Cardoux.  - Les emplois d'avenir, le temps partiel, la pénibilité, pomme de discorde avec les partenaires sociaux et usine à gaz que nous avions dénoncée, la loi Alur qui freine la construction de logements, et bientôt, le président de la République l'a lui-même annoncé, les mesures néfastes à l'apprentissage que vous avez votées. Nous avions pourtant tiré la sonnette d'alarme, vous ne nous avez pas écoutés.

Vous réagissez aujourd'hui. C'est bien, mais pas assez vite et pas assez fort. Le groupe UMP s'abstiendra sur la partie recettes, malgré les insuffisances de ce texte. Nous souhaitons que la discussion aille à son terme, mais je crains que nous nous opposions au texte final. (Applaudissements à droite)

M. Gérard Roche .  - Pourquoi une loi rectificative en 2014 qui ne s'appliquera qu'en 2015 ?

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis.  - Les retraités !

M. Gérard Roche.  - Ce texte consiste en un double chèque en blanc ; du Parlement au Gouvernement, du Gouvernement aux entreprises.

Le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale dépense sans compenser. Il met en oeuvre l'essentiel des mesures de relance du pacte de responsabilité et de solidarité sans financer les pertes de recettes pour la protection sociale. Comment voter ce dispositif sans vision d'ensemble ? Nous sommes censés accepter 7,7 milliards de dépenses sans savoir comment elles seront financées. Madame le ministre, nous ne doutons pas que le budget de l'État les compensera. C'est reculer pour mieux sauter. Comment ces dépenses seront-elles compensées ? Par des économies ou des recettes nouvelles ?

Nous ne pouvons qu'approuver des allégements que nous appelons de nos voeux depuis longtemps. Il faut décharger le travail, ce que font les deux premiers articles du projet de loi. Mais c'est encore insuffisant. À terme, c'est la totalité des cotisations famille qui ont vocation à disparaître.

Quelles économies structurelles ? La suppression des conseils généraux ? Ils ne coûtent pas cher ! Où sera le gain budgétaire ? Et il paraît qu'un sous-préfet est plus important qu'un président de conseil général... (M. René-Paul Savary applaudit vigoureusement ; exclamations sur les bancs socialistes) Mais je m'égare... (Sourires)

Le groupe UDI-UC soutient aussi la suppression de la C3S. Cette grande réforme fiscale, allez-vous la mener à bien ? Il faut le dire !

Malheureusement, madame le ministre, vous n'avez pas renoncé au gel des pensions de retraite. Je vous connais un peu : vous ne pouvez nous dire qu'une famille peut vivre décemment avec 1 200 euros bruts par mois...

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Enfin !

M. Gérard Roche.  - Il faut prendre des mesures fiscales courageuses et de bon sens. La CSG est un impôt à faible taux et assiette large. La TVA taxe les importations, qui représentent 30 % du PIB. Elle est moins injuste que ce que l'on dit, parce que les produits de première nécessité sont assujettis au taux réduit.

M. Jean Desessard.  - Absolument !

M. Gérard Roche.  - Les baisses de charges seront-elles conditionnées à l'évolution des effectifs ? Sera-t-il possible de distinguer les effets d'aubaine des vraies embauches ?

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis.  - Faut-il ne rien faire ?

M. Gérard Roche.  - Ce qu'il faut, c'est restaurer les marges des entreprises pour qu'elles créent des emplois. Les gains dus aux allègements doivent aller au facteur travail, à la masse salariale, à l'embauche, à l'investissement, pas à la rémunération du capital, sauf cas spécifiques d'ouverture du capital en vue d'investir.

Nous pourrions supprimer les allègements ou imposer des amendes aux entreprises qui ne joueraient pas le jeu, celles qui utilisent les allègements de charges pour rémunérer les actionnaires. Qu'en pensez-vous ?

La TVA sociale est le complément indissociable des allègements de charges. Madame le ministre, je n'espère pas vous convaincre, mais le vote du groupe UDI-UC en dépend. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Christiane Demontès .  - Le ton va changer ! Le groupe socialiste soutiendra ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. (Marques d'approbation sur les bancs socialistes) Ce texte s'inscrit dans la logique du redressement dans la justice à l'oeuvre depuis 2012. Il s'agit de trouver de nouveaux moyens dédiés à l'emploi, l'investissement, la croissance. Ce texte rationnel prend le possible en considération. Il marque la première étape de mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité, un pacte qui repose sur trois piliers : compétitivité, responsabilité, solidarité.

Sur la forme, vous l'avez dit, madame la ministre, la Cour des comptes a certifié la sincérité et l'exactitude des comptes de chacune des branches de la sécurité sociale, de chacune des caisses nationales. C'est sans précédent. La politique menée depuis 2012 a entraîné la baisse des déficits sociaux, qui sont passés de 17,4 milliards en 2011 à 12,5 milliards en 2013. En 2010, le déficit des comptes sociaux se creusait de 4,5 milliards d'euros avec une croissance de 1,6 % ; en 2013, avec une croissance atteignant à peine 0,1 %, il reculait de 2 milliards d'euros...

M. Jean Desessard.  - M. Cardoux n'en a pas parlé !

Mme Christiane Demontès.  - Le sérieux budgétaire s'est accompagné d'un souci de justice : aucun déremboursement, aucun nouveau forfait depuis 2012. En 2010, la dette de la Cades était étalée et l'autorisation de découvert de l'Acoss portée de 70 à 130 milliards...

Notre système de retraites a été pérennisé, avec des avancées notables : les carrières longues - prendre sa retraite à 60 ans quand on a commencé à travailler plus tôt, c'est normal (applaudissements sur les bancs socialistes) -, la reconnaissance de la pénibilité, la prise en compte de la durée de maternité. D'autres progrès ont été enregistrés, l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, l'extension de la CMU-C, l'aide à la complémentaire santé. (M. Jacky Le Menn approuve) Ce sérieux budgétaire donne naissance à une véritable politique de santé publique.

Pour la compétitivité des entreprises et l'emploi, une série de mesures sont prises au-delà du CICE. L'article 2 bénéficiera avant tout aux PME. Le zéro cotisation patronale Urssaf sera effectif dès le 1er janvier 2015. La première étape de suppression de la C3S est actée, de même que la baisse du taux des cotisations familiales de 5 % à 2,25 %, en faveur des travailleurs indépendants.

Ce texte conforte la justice sociale et le pouvoir d'achat. Je suis surprise d'entendre certains vouloir aujourd'hui aller plus loin ; ils n'ont rien fait lorsqu'ils étaient au pouvoir. L'article premier concerne 5,2 millions de salariés du privé, qui verront leur pouvoir d'achat augmenté de 500 euros par an ; 2,2 millions de fonctionnaires civils et militaires seront eux aussi concernés. Ces dispositions complètent les baisses d'impôt décidées en loi de finances rectificative. Dans cette même logique de soutien du pouvoir d'achat, l'allocation de logement familiale est revalorisée, de même que les retraites inférieures à 1 200 euros - cela touchera 50 % des retraités de notre pays.

Les économies reflètent les efforts réalisés par nos administrations, qui sont progressifs. Les ménages modestes, ni la moitié des retraités, ne sont concernés.

Je sais, madame la ministre, que vous partagez mes craintes quant à l'évolution du FSV, dont le volume progresse, ce qui doit mobiliser notre vigilance. Autre crainte, que la baisse des cotisations sur les bas salaires ne crée une trappe ; il est heureux que l'alinéa 48 de l'article 2 mette en place une évaluation spécifique.

Nous considérons que ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale est responsable économiquement, socialement et politiquement. Il apporte des réponses appropriées à la question centrale de l'emploi. Le groupe socialiste le votera avec fierté. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - Très bien !

M. Ronan Kerdraon .  - Ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale met en oeuvre la première étape du pacte de responsabilité et de solidarité voulu par François Hollande et confirmé par le Premier ministre. Je salue les premiers résultats de la politique de réduction des déficits sociaux menée depuis deux ans, laquelle ne doit nullement nous conduire à revoir à la baisse notre protection sociale ni à renoncer à une politique solidaire, plus que jamais nécessaire.

L'emploi est la priorité des Français ; les articles 2 et 3 du projet de loi y sont consacrés.

Les allègements de cotisation doivent inciter à la création d'emplois, mais être accompagnés de garanties. L'autre volet du texte est relatif au plan d'économies de 50 milliards. Le logement pèse lourd dans les budgets des ménages - je me félicite que les députés aient supprimé le gel des aides au logement. Les Français consentent depuis des années de lourds efforts. François Mitterrand le disait : « L'égalité n'est jamais acquise, c'est toujours un combat ». Nous savons que vous le menez, madame la ministre.

Ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale et le projet de loi de finances rectificative doivent être examinés conjointement, comme l'a très bien dit Jean-Pierre Caffet. D'où mon amendement sur l'exonération du versement transport des associations et fondations reconnues entreprises solidaires d'utilité sociale, que je présente à nouveau dans le cadre du présent projet de loi. L'impact financier de la mesure décidée dans le projet de loi de finances rectificative est très aléatoire. Les cliniques privées entreraient dans son champ d'application, ce qui représenterait une distorsion de concurrence à l'encontre des hôpitaux publics. Pour le territoire de Saint-Brieuc dont je suis l'élu, cela représenterait une perte de 1,4 million d'euros, 10 % du produit du versement transport. Il faut assurer la cohérence des conditions d'application de ces règles pour éviter tout contentieux entre les associations et les autorités organisatrices de transport ; je propose d'exonérer les associations et fondations bénéficiant de l'agrément ESS, ainsi que les instituts de lutte contre le cancer.

Ce projet de loi marque le point de départ du pacte de responsabilité et de solidarité. Nous le soutenons. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Aline Archimbaud .  - Madame la ministre, nous partageons votre volonté de diminuer la dette de la sécurité sociale, pour assurer la pérennité de notre système de solidarité nationale, mais pas votre manière de faire, dont nous croyons qu'elle hypothèque l'avenir de la sécurité sociale. En cela, nous relayons l'inquiétude des professionnels de la santé publique et des travailleurs sociaux, qui se demandent où les coupes auront lieu : plus de 9 milliards d'euros de diminutions pérennes de recettes de la sécurité sociale, sans moyens pérennes en face !

Je crains que les mesures proposées ne mettent en péril l'équilibre financier de notre système de solidarité. Une autre vision de notre système de santé, conduisant à dépenser autrement, en augmentant les dépenses d'investissements, entraînerait des économies durables. Ainsi la pollution de l'air coûte chaque année entre 30 milliards et 50 milliards d'euros à la sécurité sociale ; je ne comprends pas qu'on tarde à prendre des mesures pour la réduire. Nous voulons aussi rendre l'attribution de la CMU complémentaire automatique pour les bénéficiaires du RSA, simplifier l'accès aux soins pour les plus démunis. On peut en attendre des économies très importantes. Pourquoi ne prenez-vous pas des mesures de santé environnementale ?

Les refus de soins coûtent cher, éloignent du système de santé les plus précaires qu'on retrouve plus tard, leur état aggravé, dans les services d'urgence et dont la prise en charge coûte alors beaucoup plus cher...

Pourquoi ne pas décréter un moratoire sur le vaccin Gardasil ?

Au lieu de cela, vous nous demandez de signer un chèque en blanc aux entreprises, sans aucune garantie de création d'emplois.

Les écologistes présenteront des amendements à ce texte qu'en l'état, nous ne pouvons pas voter. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Georges Labazée .  - Souvenez-vous, lors de l'examen de la loi relative à l'économie sociale et solidaire, nous avions préservé l'exonération de versement transport pour les associations et fondations dont elles bénéficiaient depuis cinquante ans. Elle a été supprimée dans le projet de loi de finances rectificative, ce qui est lourd de conséquences pour le secteur médico-social. Plusieurs dizaines de millions d'euros sont en jeu et ces associations et fondations, qui sont déjà exclues du bénéfice du CICE, pourraient devoir se séparer d'un millier d'emplois. Madame la ministre, en cette année 2014 où l'engagement associatif a été déclaré grande cause nationale, je vous demande d'accepter l'amendement de M. Kerdraon que j'ai cosigné, pour continuer d'exonérer du versement transport les associations et fondations agréées entreprises solidaires d'utilité publique. Ce serait sinon dramatique pour elles comme pour les personnes souvent vulnérables qu'elles accompagnent au quotidien. Ce texte n'est peut-être pas le bon véhicule mais réfléchissez-y d'ici l'automne ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marisol Touraine, ministre .  - Merci pour vos interventions de qualité, vous avez été nombreux à souligner l'importance de ce texte. Réduction de la dette et des déficits, restauration de la compétitivité des entreprises, soutien du pouvoir d'achat, voilà nos trois objectifs, que l'on pense souvent contradictoires. Or ils forment un tout cohérent, comme M. Caffet et Mme Demontès l'ont bien montré.

Des droits nouveaux ont été acquis depuis deux ans, notamment pour les femmes ; c'est une réalité, non pas une pétition de principe. Monsieur Watrin, le Medef ne dicte pas la politique du Gouvernement ; ce qui me préoccupe, ce n'est pas ce que pense ou dit le Medef, c'est de donner de nouveaux droits aux Français, à commencer par le droit au travail. Pour cela, nous avons besoin des entreprises qui, seules, peuvent créer des emplois : sans elles, tous ces droits ne seront que mirage. (Marques d'approbation à droite)

De grâce, monsieur Roche, nous nous connaissons bien, nous travaillons ensemble ; concédez-moi un Mme « la » ministre... Pourquoi attendre ? avez-vous demandé, monsieur Cardoux. Pour les entreprises, le plus important est la lisibilité, des perspectives, des mesures sanctionnées par un vote clair du Parlement. D'où l'importance de l'adoption de ce texte.

M. Desessard, vous avez évoqué des garanties. Dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, la Fédération de la chimie s'est engagée à créer 47 000 emplois dans les années qui viennent. Vous le voyez, contreparties il y a. Que la négociation collective se saisisse de ces questions pour évaluation.

Cette exigence de compétitivité s'accompagne d'un souci de justice. M. le rapporteur général l'a souligné et je l'en remercie car je ne l'avais pas assez fait ; nous maintenons le plan pauvreté et les Français modestes ne sont pas mis à contribution. Quand effort il est nécessaire de consentir, nous devons faire appel à toute la communauté nationale. Pour l'emploi des jeunes, que les retraités contribuent me semble fondé. La solidarité intergénérationnelle n'est pas seulement un slogan.

Madame Archimbaud, je défendrai les perspectives de long terme lors de l'examen du projet de loi de santé publique ; les réformes de longue haleine ne produisent pas d'effet immédiat. Si je partage vos propos sur l'accès aux droits et la lutte contre les refus de soins, je ne partage pas votre défiance à l'égard de la vaccination. Les études sont probantes : les vaccins sont efficaces. (Applaudissements sur les bancs socialistes, du RDSE, à droite et au centre)

Mmes Catherine Deroche et Catherine Procaccia.  - Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Mais trop de Français y renoncent encore et mettent en danger leur santé et celle des autres.

Messieurs Kerdraon et Labazée, je suis attentive à la question du versement transport dans le secteur médico-social non lucratif.

Adopter ce texte de mobilisation, c'est offrir des perspectives, en particulier à notre jeunesse. J'en appelle à votre responsabilité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°66, présentée par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 (n° 689, 2013-2014).

Mme Isabelle Pasquet .  - Pour la deuxième fois depuis la loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale, le Parlement doit examiner un projet de loi rectificative. Celui-ci est pour le moins singulier : il ne modifie pas les tableaux d'équilibre, il acte un renversement de doctrine. Le pacte de responsabilité et de solidarité, personne ne peut le contester, ne correspond pas aux engagements de campagne du président de la République. Il reflète les idées libérales du Medef : Pierre Gattaz l'appelle le pacte de confiance. Le Premier ministre, à Berlin qui plus est, a repris ce terme. Tout en feignant ne pas vouloir que le mot soit répété, le patron des patrons a déclaré à la presse avoir apporté ce pacte au Gouvernement sur un plateau. Quelle curieuse conception du dialogue social !

Cette méthode n'est pas la seule raison de notre opposition à ce texte. Celui-ci porte un nouveau coup à notre protection sociale en temps de crise sociale. Car la crise n'est pas seulement économique, elle est aussi sociale, même si les journalistes, les économistes et le Gouvernement ne parlent que de la crise économique, oubliant que celle-ci frappe durement les plus modestes, les précaires, les retraités, les jeunes et les malades. Selon l'Observatoire de la pauvreté, l'écart entre les Français les plus pauvres et les plus riches s'est accru considérablement : en 2000, le revenu moyen des 20 % de Français les plus riches équivalait à 4,1 fois celui des 20 % les plus pauvres ; on est passé à 4,6 en 2011.

En dix ans, l'écart s'est creusé de 12 %. C'est la conséquence des mesures prises en faveur des plus riches par Nicolas Sarkozy et du refus de François Hollande de prendre les décisions courageuses contre le capital et la finance que nous réclamions ensemble lorsque le Sénat était majoritairement à gauche et l'Assemblée nationale encore à droite.

Les aspirations de nos concitoyens n'ont pas changé, conduisant à l'élection de François Hollande. Hélas, plutôt que de sécuriser l'emploi en interdisant les licenciements boursiers, vous avez transposé l'ANI qui autorise les employeurs à licencier pour motifs économiques, même en l'absence de difficultés économiques. Vous avez permis aux grandes entreprises de réduire leur part de financement de la formation professionnelle et supprimé une partie de la mutualisation du financement qui profitait aux salariés des petites entreprises. Plutôt que d'instaurer une plus grande progressivité de l'impôt sur le revenu, vous avez maintenu durant un an le gel du barème. Vous avez imposé une taxe aux retraités ; vous avez augmenté la TVA et soumis à l'impôt sur le revenu des salariés la participation des employeurs au financement des contrats d'assurance santé complémentaire.

Chacun de ces renoncements a pesé sur les familles. Vous voudriez amplifier ce mouvement avec ce texte qui nous vient tout droit du baron Seillière, de Laurence Parisot et des Gattaz père et fils, qui ont fait tant de mal à la France. L'histoire se répète : comme en 1980, les allégements de charge se traduiront par des destructions d'emplois. Contrairement à ce qu'affirme le Medef, le poids des cotisations sociales n'a cessé de baisser, sans parler des exonérations, du CIR, du CICE. Et tout cela pour quoi ? Un chômage massif. Tous les observateurs sérieux, dont la Cour des comptes, le disent : cette politique est condamnée. La sérieuse rapporteure générale de l'Assemblée nationale démontre que le pacte de responsabilité et de solidarité aura un impact récessif qui se traduira par la suppression de 60 000 emplois. Autant de futurs chômeurs à indemniser !

Les Économistes atterrés ont publié un rapport sur les allégements Fillon qui ont inspiré le pacte de responsabilité et de solidarité ; il est éclairant : 75 000 euros par emploi ! Quant au CICE, il est censé favoriser la création de 150 000 emplois pour un coût de... 20 milliards.

Pour le groupe CRC, il n'est pas question de fragiliser notre protection sociale, le dernier amortisseur qu'il nous reste. Le Medef a toujours rêvé de la suppression de la branche famille, première étape d'une explosion du système. Les gouvernements Ayrault et Valls y ont contribué, avec la loi sur les retraites puis le présent collectif. Le patronat émet l'idée que les prestations de la branche famille sont sans lien avec le travail, et M. Sapin en est d'accord ! Quand il était ministre du travail, il a dit qu'il n'y avait pas de lien entre le fait d'avoir un enfant et celui d'exercer un travail. Pourtant, la taxe sur les salaires représente aujourd'hui 30 % du financement de cette branche qui devrait être assuré par les employeurs. À notre pacte social, on substitue un pacte d'irresponsabilité.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRC invite le Sénat à voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Jacqueline Alquier .  - Je le dis d'emblée, le groupe socialiste votera contre cette question préalable. Ce projet de loi est un texte de responsabilité : préparer l'avenir dans une situation que tout le monde sait difficile. La stratégie courageuse du Gouvernement consiste à revenir sur la logique du creusement des déficits. Baisse des impôts, justice, réduction du coût du travail pour relancer la croissance, cette démarche marque une rupture avec la politique du précédent gouvernement.

Discutons ce texte, en particulier l'amendement sur les cotisations des particuliers employeurs.

En ces temps difficiles, soyons tenaces et têtus, comme nous y a invités la ministre ; notre jeunesse l'espère ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et certains bancs du RDSE)

M. Jacky Le Menn.  - Très bien !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales .  - Avis défavorable, bien entendu, puisque la commission des affaires sociales a approuvé mon rapport.

Mme Marisol Touraine, ministre .  - Le Gouvernement n'oppose pas progrès social et compétitivité de notre économie. Face à un choix majeur pour notre pays, j'invite le Sénat à repousser cette motion.

Le scrutin public est de droit.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°224 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 208
Pour l'adoption 21
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Prochaine séance demain, mercredi 16 juillet 2014, à 14 h 30.

La séance est levée à 23 h 25.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mercredi 16 juillet 2014

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

Présidence : M. Jean-Pierre Raffarin, vice-président M. Charles Guené, vice-président

Secrétaires : M. Jean Boyer - M. Jean Desessard

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 (n° 689, 2013-2014)

Rapport de M. Yves Daudigny, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 703, 2013-2014)

Avis de M. Jean-Pierre Caffet, fait au nom de la commission des finances (n° 701, 2013-2014)

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 223 sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2013

Résultat du scrutin

Nombre de votants :323

Suffrages exprimés :320

Pour :155

Contre :165

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (130)

Contre : 130

Groupe socialiste (128)

Pour : 128

Groupe UDI-UC (31)

Contre : 30

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Pierre Jarlier

Groupe CRC (21)

N'ont pas pris part au vote : 21

Groupe du RDSE (19)

Pour : 17

Abstention : 2 - MM. Gilbert Barbier, Robert Hue

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 5

Abstention : 1 - M. Philippe Adnot

Scrutin n° 224 sur la motion n°66, présentée par Mme Isabelle Pasquet et les membres du groupe CRC, tendant à opposer la question préalable au projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014

Résultat du scrutin

Nombre de votants :345

Suffrages exprimés :208

Pour : 21

Contre :187

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (130)

Abstentions : 130

Groupe socialiste (128)

Contre : 128

Groupe UDI-UC (31)

Contre : 31

Groupe CRC (21)

Pour : 21

Groupe du RDSE (19)

Contre : 18

Abstention : 1 - M. Gilbert Barbier

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Abstentions : 6