Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Je rappelle que le temps de parole est limité à deux minutes trente par orateur.

Conflit au Proche-Orient (I)

M. Didier Guillaume .  - Le Proche-Orient est à nouveau embrasé. Conflit en Syrie, percée islamiste en Irak, nouvelle crise dans la bande de Gaza. La période est à la radicalisation. Une trêve de cinq heures a été annoncée, mais c'est un cessez-le-feu total qui s'impose ; les annonces faites ces dernières heures par les deux parties vont dans le bon sens.

La situation appelle des réponses diplomatiques, mais aussi des réponses internes, car certains tirent prétexte de la crise pour embrigader des jeunes qui doutent, dévoyer l'islam en islamisme et attiser la haine antisémite. Rien ne justifie que l'on s'en prenne à des synagogues. À l'autre bout de la chaîne de l'extrême, le racisme antimusulman sévit. Remettons à l'honneur la République et ses valeurs, le pacte républicain au coeur de nos orientations politiques. Toutes les religions doivent pouvoir être pratiquées dans la sérénité et le respect du vivre ensemble, toutes sont estimables, aucune ne justifie que l'on tue ou que l'on meurt.

M. René Garrec.  - Ce n'est pas une question...

M. Didier Guillaume.  - La communauté juive de France craint pour sa sécurité, la communauté musulmane craint les amalgames stigmatisants, qui sont insupportables. Il faut trouver les mots et les gestes pour rassembler le peuple de France. Monsieur le Premier ministre, nous connaissons votre attachement aux valeurs de la République ; comment comptez-vous remédier à cette situation et faire triompher ces valeurs ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Monsieur Bel, permettez-moi de vous saluer pour cette dernière séance de questions au Gouvernement sous votre présidence. (Applaudissements)

Depuis trois semaines, nous assistons à un enchaînement fatal de violences entre Israël et les territoires palestiniens. L'urgence est d'y mettre fin immédiatement, une trêve à Gaza est un impératif. À défaut, nous risquons une escalade incontrôlée. Des initiatives sont en cours ; à la demande des Nations unies, une brève trêve humanitaire a été acceptée de part et d'autre pour soulager les populations ; l'Égypte a proposé un cessez-le-feu durable auquel il faut donner toutes ses chances.

Nous avons pris bonne note de la position du Gouvernement israélien ; et il faut que le Hamas accepte la trêve sans condition, dans l'intérêt de toutes les populations. La position de la France n'a pas varié et ne variera pas : la paix, toujours la paix. François Hollande et Laurent Fabius ont multiplié les contacts ces derniers jours. Cette nouvelle escalade confirme ce que nous disons depuis des années, la nécessité d'un accord durable fondé sur la coexistence pacifique de deux États vivant en sécurité, la garantie pour Israël de vivre en sécurité dans des frontières sûres et reconnues, pour les Palestiniens la possibilité de vivre dans un État viable.

Les violences de dimanche aux abords de deux synagogues parisiennes sont des faits qu'il ne s'agit pas nier ou de dissimuler. Elles sont inacceptables. Nous les avons fermement condamnées. À chaque fois qu'un lieu de culte est attaqué, c'est la République qui est en danger. À chaque fois que quelqu'un est attaqué en raison de son origine ou de ses croyances, c'est le pacte républicain qui est en cause.

Nous devons comprendre le sentiment éprouvé par nos compatriotes juifs. Je condamne fermement le passage insupportable de la condamnation de la politique d'Israël à l'antisionisme, porte ouverte à l'antisémitisme. Aucun des slogans que nous avons entendus ces derniers jours ne peut être accepté. Nous devons aussi veiller à ce que nos compatriotes musulmans ne soient pas stigmatisés.

La réponse des autorités sera toujours extrêmement ferme. S'il le faut, nous interdirons les manifestations pour trouble à l'ordre public. J'ai donné des consignes claires aux préfets ce matin.

Le président de la République a été très clair le 14 juillet, la France ne tolérera jamais qu'on essaye d'importer sur son sol le conflit israélo-palestinien. La République est notre bien le plus cher, j'appelle chacune et chacun, au-delà de ses opinions et sensibilités, à se rassembler autour de nos valeurs, contre toutes les formes d'intégrisme et de violence. Quand une synagogue est attaquée, c'est la communauté nationale tout entière - et non une seule communauté - qui est menacée. (Applaudissements)

Migrants de Calais

Mme Marie-Christine Blandin .  - Monsieur le ministre de l'intérieur, quelles sont vos intentions humanitaires, sécuritaires, médiatiques, nationales et européennes pour les étrangers qui transitent par Calais ? En décembre 2002, sous le ministère Sarkozy, mais à la demande convergente du député socialiste de Boulogne et du maire communiste de Calais, le camp de Sangatte a été démantelé. Les migrants se sont éparpillés dans ce qu'on a appelé la « jungle », où les accidents se sont multipliés comme les tentatives désespérées sous les boogies et les caténaires ou dans les camions frigorifiques. En 2009, la « jungle » a été rasée; puis la zone portuaire a été évacuée au prétexte d'une épidémie de gale dont les sédentaires nantis ne peuvent se débarrasser en une seule douche... Bien pauvre alibi...

Début 2012, 600 migrants ont été expulsés malgré les demandes de la Cour européenne des droits de l'homme. Les migrants ne résument pas la misère du monde car les plus miséreux sont restés dans les zones de famine et de conflits. Il y a dans leurs yeux la même lassitude inquiète que dans les yeux de nos grands-parents pendant l'évacuation ; il y a dans leurs corps la même énergie que dans les corps de ceux qui franchissaient les Alpes pour mettre leur famille à l'abri de la terreur mussolinienne ; dans leur tête, le même espoir que celui de Bertolt Brecht, de Max Ernst ou de Thomas Mann lorsqu'ils se sont tournés vers le monde libre.

Le Gouvernement a-t-il une autre stratégie que le harcèlement ? Que compte-t-il faire pour accueillir dignement ces migrants et tirer vers le haut l'opinion, de sorte que nous soyons tous fiers de notre République ? (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - La présence continue de migrants à Calais n'est pas nouvelle. Les démantèlements de filières d'immigrants clandestins et les mesures d'éloignement se poursuivent. Un soutien humanitaire existe, avec douches et distribution de repas.

La situation s'est récemment aggravée, à la suite de l'arrivée de migrants venus de la Corne de l'Afrique. Avec l'accord des autorités locales, les campements ont été évacués en exécution des décisions de justice. Des solutions d'hébergement ont été proposées à tous ; les mineurs et les personnes fragiles ont été systématiquement hébergés.

La question est difficile, car beaucoup de migrants refusent les solutions proposées par les autorités françaises. Le pire serait de ne rien faire, au risque d'un appel d'air pour les filières d'immigration clandestine. Nous continuerons à lutter sans relâche contre les filières, à répondre à l'urgence sanitaire et humanitaire, à sécuriser Calais et son port pour éviter des drames, à respecter les décisions de justice tout en recherchant des solutions d'hébergement et d'asile pour les migrants. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

(Dans les tribunes, quatre jeunes femmes du mouvement des Femen manifestent selon leur mode d'action habituel, scandant : « Êtes-vous macs ou sénateurs ? ». Elles sont évacuées par les huissiers)

Conflit au Proche-Orient (II)

Mme Annie David .  - Ma question s'adresse au ministre des affaires étrangères. Depuis dix jours, la population de Gaza est soumise à des bombardements de l'armée israélienne en représailles à des tirs de roquettes du Hamas et d'autres groupes armés. Cette nouvelle exacerbation du conflit a déjà fait plus de 230 morts côté palestinien, dont un quart sont des enfants, et 1 700 blessés.

Je me fais ici l'écho d'un appel de cinéastes israéliens au gouvernement de leur pays, pour qui les enfants de Gaza sont les partenaires de la paix de demain. Un cessez-le-feu est urgent, préalable à toute reprise des négociations de paix. Il faut sortir de cette impasse suicidaire.

En attendant, la courte trêve humanitaire de cinq heures et la proposition de M. Fabius d'une mission européenne aux points de passage ne sont pas à la hauteur des souffrances subies par la population de Gaza, territoire de seulement 362 km2 où vivent 1,8 million de personnes. Il faut rendre possible une solution à deux États selon les frontières de 1967, reconnus par la communauté internationale, ce qui implique de mettre fin à la colonisation des territoires occupés. Le Hamas et le gouvernement israélien sont malheureusement d'accord pour la repousser. Cette solution doit rester la position constante de la France.

Quelles actions concrètes sont menées aujourd'hui par notre diplomatie ? (Applaudissements sur les bancs CRC et quelques bancs socialistes)

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - L'urgence, c'est de mettre fin à l'escalade, que la trêve soit respectée et durable pour reprendre le chemin de la paix. La trêve qui vient d'être décidée est encourageante, mais fragile.

La position de la France est constante : appeler à lever les restrictions d'accès, poursuivre l'aide humanitaire dans les meilleures conditions tout en tenant compte des préoccupations sécuritaires légitimes d'Israël, rappeler à ce pays que les conditions de détention des palestiniens doivent être conformes au droit international. Elle appelle toutes les parties à faire converger sans délai tous les efforts pour une paix durable, conciliant la sécurité d'Israël avec les droits humanitaires et au développement économique des Palestiniens. Elle appelle à la fin de la colonisation qui mine les efforts de paix et à la mise en oeuvre d'une solution à deux États. C'est le discours qu'a tenu le président de la République devant la Knesset. C'est le sens de tous les efforts de la France et de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs socialistes et CRC)

Ruralité

M. Jacques Mézard .  - Les territoires ruraux sont de plus en plus déshabillés... (Rires et applaudissements à droite) Le 13 décembre 2012, le Sénat a adopté une résolution pour le développement par l'État d'une politique d'égalité des territoires visant à lutter contre la fracture territoriale. Les membres du groupe du RDSE, majoritairement issus de départements ruraux, fiers d'exercer encore des fonctions exécutives locales (sourires) et proches du terrain, sont très attachés à cette France de la ruralité. Une France dont la substance est aspirée par les métropoles, où le sentiment d'abandon est de plus en plus présent, où les services publics ont disparu. Elle ne craint pas le changement, elle y aspire même si ce changement s'appelle désenclavement, accès facilité à la santé, à l'éducation, à l'emploi. Après les États généraux de la démocratie territoriale, les Assises de la ruralité ? Ce dont nous avons besoin, c'est de résultats concrets, de décisions. Le Gouvernement a engagé une réforme territoriale ; quelles sont ses véritables intentions ? Entend-il en corriger les effets négatifs et soutenir l'amendement du groupe RDSE adopté par le Sénat à la quasi-unanimité, qui prévoit de garantir cinq représentants à chaque département ? Accepter un droit d'option pour les départements ? Garantir l'existence d'un échelon de proximité, qu'on l'appelle conseil général ou non ? (Applaudissements sur les bancs du RDSE, au centre et à droite)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Je vous redis ma conviction : la réforme territoriale ne se fera pas contre les territoires ruraux. Oui, l'échelon départemental est très important. Nous devons imaginer ensemble ce que sera le département de demain. La réforme territoriale, examinée à l'Assemblée nationale et qui doit revenir au Sénat en deuxième lecture, repose sur des régions plus fortes, de grandes agglomérations et les intercommunalités. Pour accepter votre amendement, monsieur Mézard, encore faut-il que le Sénat adopte un texte... (Exclamations au centre et à droite) Je l'ai dit aux préfets que j'ai réunis place Beauvau : le département est essentiel pour le renforcement de la présence de l'État...

M. Philippe Marini.  - Et de la démocratie ?

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Vous êtes déjà en campagne, monsieur Marini ! (Rires à gauche)

La réforme territoriale est une ambition nouvelle pour la ruralité ; les contrats de plan seront au service de cette ambition, pour mettre fin aussi à l'opposition stérile entre France des métropoles et France rurale... La ruralité, voire l'hyper-ruralité dans leur diversité, voilà ce que sera l'objet des Assises de la ruralité. Nous y élaborerons, ensemble, une nouvelle feuille de route, qui répondra aux attentes des élus et de nos concitoyens. L'État y prendra sa part, parce qu'il doit affirmer sa présence dans tous les territoires - ici l'échelon départemental est le plus pertinent.

Je souhaite que le Parlement soit très étroitement associé à ce moment important pour les territoires ruraux et, tout simplement, pour notre pays. Nous tiendrons compte de toutes les spécificités, y compris pour l'évolution des conseils généraux. Vous pouvez compter sur ma détermination, nos territoires ruraux sont l'identité de la France. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Répartition de sièges dans les intercommunalités

M. Patrice Gélard .  - Le Conseil constitutionnel a validé la réforme territoriale de 2010, mais vient de supprimer une disposition de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales. Certaines communes doivent procéder à un nouveau scrutin et modifier le fléchage de leurs conseillers communautaires. Comment accepter qu'anciens et nouveaux élus coexistent, alors que les règles ne sont plus les mêmes pour tous ? Des délais stricts s'imposent, en outre, pour les élections partielles.

Pour la première fois, le Conseil constitutionnel est revenu par une question prioritaire de constitutionnalité sur un texte initialement validé, ce qui a des conséquences juridiques imprévues. (Applaudissements à droite ; M. Jean-Pierre Sueur et Mme Bariza Khiari applaudissent également)

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Le Gouvernement a adressé aux préfets des instructions sur la procédure à suivre selon les différents cas de figure.

Les nouveaux tableaux avaient créé des déséquilibres entre communes. Le Gouvernement n'est pas opposé à ce que le Parlement réfléchisse à cette question (« Ah ! » à droite) dans le cadre de la réforme territoriale, sachant qu'il faut éviter tout risque juridique. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Oui, il faut une loi.

Écoutes judiciaires

Mme Nathalie Goulet .  - La plateforme nationale des interceptions judiciaires fait craindre un naufrage pour la qualité des enquêtes, les finances publiques et la sécurité des données personnelles. J'avais proposé une commission d'enquête, sans succès ; n'étant pas une femme de renoncement, je reviens sur le sujet pour redire mon incompréhension et mon inquiétude.

Le processus de mise en place de cette plateforme est bien mal engagé : appel d'offres restreint et contesté, explosion des coûts... Qui, du ministère de la justice ou de celui de l'intérieur, en prendra en charge le fonctionnement ?

Évitons de répéter les erreurs d'Ecomouv ou de Louvois. Où en est, madame la garde des sceaux, la mise en place de cette plateforme ? Quels sont les surcoûts exacts ? Comment sera assurée la sécurité et le stockage des données personnelles ? (Applaudissements sur quelques bancs écologistes et au centre)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - La mise en activité de la plateforme était prévue à l'automne 2013 ; elle entrera en activité en janvier 2015. Nous avons dû revoir la procédure de passation de marché, des charges ayant été négligées. Le coût est passé de 42 millions prévus en 2010 à 48 millions en 2012. Le retard est également dû aux décrets nécessaires et à la Cnil qui a eu besoin d'un délai supplémentaire.

Le recours à ces interceptions monte en charge, ainsi que leur coût. Elles sont nécessaires pour les enquêtes, mais doivent être encadrées par un cadre juridique stable.

Le Gouvernement est soucieux des libertés ; la Cnil, le Conseil d'État ont été saisis. J'ai voulu un comité de contrôle composé de magistrats honoraires de la Cour de cassation, de parlementaires et de personnalités qualifiées. Il devra présenter un rapport annuel au garde des sceaux et à la Cnil et aura un accès permanent à tous les lieux de la plateforme. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Apprentissage

Mme Patricia Bordas .  - Dans Les Misérables, Victor Hugo écrit « La jeunesse est le sourire de l'avenir  [...] Il lui est naturel d'être heureuse. Il semble que sa respiration soit faite d'espérance ».

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très beau !

Mme Patricia Bordas.  - L'espérance, c'est justement ce que le Gouvernement tente de rendre à la jeunesse par une politique volontariste. (Exclamations amusées à droite) Il n'y a plus une jeunesse, mais des jeunesses. Loin de tout fatalisme stérile, le président de la République en a fait sa priorité. (Marques d'ironie à droite)

Pour les 200 000 jeunes en décrochage, exposés à la précarité, l'apprentissage par l'alternance représente une voie d'excellence. Malheureusement, le nombre de contrats a chuté. Que fait le Gouvernement pour favoriser l'embauche d'apprentis ?

M. Christian Cambon.  - Et que font les présidents socialistes des régions ?

MM. Pierre Charon et Philippe Dallier.  - Parlons-en, de l'apprentissage !

Mme Patricia Bordas.  - L'État consacre 265 millions en faveur de l'apprentissage. Vice-présidente de la région Limousin, j'ai été confrontée à la difficulté du financement.

M. Roger Karoutchi.  - Ah bon ?

Mme Patricia Bordas.  - Que compte faire le Gouvernement pour aider à l'implantation de l'apprentissage dans les TPE et PME ? Comptez-vous étendre la taxe d'apprentissage à l'ensemble du secteur public et l'affecter en majeure partie aux régions ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports .  - M. Rebsamen, retenu par un conseil des ministres européens du travail à Milan, est très attaché à l'apprentissage.

M. Roger Karoutchi.  - Il a fort à faire !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - L'objectif est d'atteindre 500 000 contrats d'ici 2017.

M. Éric Doligé.  - 2020 !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Le président de la République s'est saisi du dossier.

M. Christian Cambon.  - Enfin !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Il réunira tous les acteurs concernés autour de lui à la rentrée. Chacun doit prendre ses responsabilités : les entreprises, mais aussi la fonction publique qui doit compter 10 000 contrats à terme au lieu de 700 aujourd'hui. (Murmures ironiques à droite) Dans mon ministère, je doublerai les contrats. Enfin, le nerf de la guerre : le financement. Une enveloppe de 100 millions d'euros sur deux ans provenant des fonds européens ira à l'apprentissage dans les régions où le chômage des jeunes est supérieur à 25 % ; 80 millions du programme des investissements d'avenir financeront les nouvelles formations en alternance ; enfin, 200 millions d'euros supplémentaires ont été votés en loi de finances rectificative pour l'apprentissage.

M. le président.  - Merci.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Le Gouvernement est mobilisé. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; protestations à droite)

Colonies de vacances

Mme Sophie Primas .  - Après le drame survenu la semaine dernière dans une colonie de vacances de l'Ariège, mes pensées vont à la famille du jeune enfant tragiquement décédé. Une classe de ma commune a été rapatriée. Sans préjuger des responsabilités, la procédure d'agrément des lieux d'accueil doit être revue : comment des enfants ont-ils pu être accueillis dans une structure dépourvue, même provisoirement, d'eau potable ? Les parents attendent des réponses, comme les élus qui s'engagent moralement sans avoir des moyens de contrôles.

Les craintes des parents, majoritairement injustifiées, sont une des causes de la désaffection pour les colonies de vacances, qui n'accueillent plus que 7,5 % des jeunes Français contre 15 % il y a une dizaine d'années. Un agrément d'État n'irait pas dans le sens de la simplification, d'autant que la majorité des colonies sont irréprochables. Vous avez annoncé un label qualité assorti d'une charte : quels seront les éléments permettant de sélectionner les colonies de vacances ?(Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports .  - Nous partageons tous la peine des proches du jeune Abdelrazak. L'enquête ouverte pour faire toute la lumière sur ce drame se poursuit. Je salue la mobilisation des services de l'État dans le département ; sous la conduite de la préfète, elle a été totale.

Il faut marteler que les colonies de vacances sont encadrées et rigoureusement contrôlées. Elles accueillent chaque année 1,8 million de mineurs. Une autorisation préalable est requise pour l'accueil des enfants de moins de 6 ans, et nos services vérifient que les établissements sont aux normes et qu'un projet éducatif existe. Près de 10 000 contrôles sont conduits chaque année ; ils conduisent parfois à des fermetures, mais de tels faits sont extrêmement rares, il faut le souligner. Nous voulons relancer les colonies de vacances, occasion de s'ouvrir aux autres et d'apprendre. Nous ferons signer à la rentrée la Charte « Colonies nouvelle génération ». (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Logement

Mme Delphine Bataille .  - Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a rappelé que le logement pour tous constitue une priorité de l'action gouvernementale.

M. Philippe Dallier.  - C'est bien parti !

Mme Delphine Bataille.  - Il faut construire davantage, à des prix adaptés au budget des Français.

M. Christian Cambon.  - Parlez-en à Mme Duflot !

Mme Delphine Bataille.  - Le Gouvernement a pris les choses en main, (marques d'ironie à droite) en mobilisant le foncier public, en fluidifiant le marché locatif, en baissant le taux de TVA pour accélérer les chantiers de construction et de rénovation. L'encadrement des loyers et d'autres mesures prises par le Gouvernement, qui auront un impact immédiat sur le pouvoir d'achat, attendent leurs décrets d'application.

D'autres mesures ont été annoncées pour faciliter l'accession sociale à la propriété et mobiliser le foncier public et les acteurs socio-économiques. Madame la ministre, comment ces mesures vont-elles s'articuler ? Pouvez-vous nous éclairer sur leur calendrier ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires .  - Vous avez rappelé justement que l'accès au logement est une priorité de ce gouvernement. Nous avons annoncé des mesures concrètes, rapides, destinées à relancer la construction, qui seront mises en oeuvre d'ici à la fin de l'année, pour répondre aux besoins de nos concitoyens : faciliter l'accession sociale à la propriété, en ciblant mieux le PTZ, dispositif ouvert à l'ancien dans les zones rurales ; mesures de simplification technique pour faire baisser les coûts de construction sans nuire à la qualité de la production de logements ; aménagement et libération du foncier public - M. Repentin présidera la commission ad hoc. Nous devons prêter une attention particulière aux programmes de logements sociaux retardés dans les territoires : l'État sera vigilant pour développer l'offre adaptée aux besoins des classes moyennes. Enfin, nous voulons stimuler l'investissement locatif pour répondre aux besoins du marché, notamment à Lille, Lyon et Marseille.

Réforme territoriale

M. Jackie Pierre .  - (Applaudissements à droite) Ma question s'adressait au Premier ministre.

M. Roger Karoutchi.  - Trop tard !

M. Christian Cambon.  - Il est parti !

M. Jackie Pierre.  - Quatre cartes territoriales en six semaines et ce n'est pas fini ! Le big bang territorial, les élus n'en veulent pas, d'autant qu'ils n'ont pas été consultés. Si la réforme est nécessaire, ce texte est mal préparé ; pour beaucoup d'entre nous, les tergiversations auxquelles nous assistons reflètent un certain mépris à l'égard de la ruralité. L'intérêt électoral semble primer sur les intérêts économiques et sociaux des territoires. Vous avez promis une nouvelle carte intercommunale d'ici à quatre ans. La clause de compétence générale, à peine rétablie, serait finalement supprimée. Cette avalanche de réformes et de contre-réformes prive les collectivités de toute visibilité ; quant au gel des dotations, il achève de paralyser les investissements publics, qui reposent aux trois quart sur les collectivités territoriales. Les premières victimes en sont les entreprises du BTP.

Ainsi empêchés d'agir, elles ne peuvent plus investir, sans parler de l'impact de la loi Alur sur la construction.

Après ces improvisations, ces atermoiements et ces retournements aux graves conséquences, quand comptez-vous nous présenter une réforme lisible et efficace ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - L'investissement public ? Le Gouvernement est conscient que les collectivités territoriales représentent 70 % de l'investissement public ; il n'est donc pas question de réduire les dotations à l'investissement local. Et la nouvelle banque des collectivités territoriales facilite l'accès à l'emprunt.

La réforme territoriale ? Depuis vingt ans, les structures se superposent et les compétences s'enchevêtrent ; leur clarification est une exigence démocratique. Dans la compétition économique mondialisée, la France a besoin de régions plus grandes et plus attractives ; nos concitoyens veulent des services proches et efficaces : il convient de renforcer le bon niveau d'intervention, l'intercommunalité.

Le Gouvernement a conscience des difficultés des collectivités locales, c'est pourquoi le Premier ministre a décidé d'accompagner la réforme territoriale par un renforcement de la présence de l'État dans les territoires. Nous en reparlerons lors des Assises de la ruralité à l'automne.

Conflit au Proche-Orient (III)

M. Pierre Bernard-Reymond .  - Le Moyen-Orient est à feu et à sang. Après l'assassinat de trois jeunes Israéliens, puis d'un jeune Palestinien, les armes parlent de nouveau dans ce conflit vieux de 70 ans. La diplomatie internationale semble hésitante, voire résignée, tandis que les victimes se multiplient. Chaque conflit est spécifique, chaque conflit porte en lui le poids de son histoire. Pourquoi les nations intervenues en Afghanistan, en Iran, en Irak, au Mali, en Centrafrique ou en Libye considèrent-elles comme inimaginable l'envoi, sous l'égide de l'ONU, d'une force d'interposition, préalable à une solution définitive, offrant la paix et la sécurité à ces deux peuples ? (Applaudissements)

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - La situation est en effet désastreuse au Moyen-Orient. Le meurtre odieux de trois Israéliens puis d'un Palestinien a provoqué une escalade de la violence qu'il faut stopper. La trêve humanitaire décidée aujourd'hui doit être étendue : il faut que le massacre cesse !

La priorité absolue est le cessez-le-feu. Nous soutenons la proposition égyptienne, endossée par la Ligue arabe, d'un cessez-le-feu immédiat, suivi de discussions pour une trêve durable. C'est ce qu'ont demandé le Conseil européen et le président de la République. Le cabinet israélien a donné son accord, et le Hamas doit mettre fin aux tirs de roquette.

La France, avec l'Europe, peut contribuer à la mise en place d'une trêve durable. Mais au-delà de cette nouvelle tragédie, il est urgent de trouver une solution définitive au conflit.

Très souvent, dans les conflits internationaux, la difficulté est de trouver la bonne solution. Ici, elle est connue : deux États vivant côte à côte en paix et en sécurité, avec Jérusalem comme capitale. Le problème, c'est l'application de cette solution. L'absence d'horizon politique fait le jeu des extrémismes. Nous ne pouvons pas être résignés et nous ne le sommes pas !

L'urgence, c'est le cessez-le-feu, la trêve durable, l'arrêt des violences et des bombardements : c'est le sens de tous les efforts de la diplomatie française et européenne.

Je saisis l'occasion de votre dernière séance de questions au gouvernement pour vous redire, monsieur le président Bel, nos remerciements pour votre rôle, votre travail et votre engagement au service du Sénat et de la République. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La séance, suspendue à 16 h 15, est reprise à 16 h 30.

présidence de M. Charles Guené,vice-président