Accord France-Chine

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République populaire de Chine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu.

Discussion générale

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Cette nouvelle convention fiscale signée le 26 novembre 2013 est un élément important de nos relations avec la Chine. De manière symbolique, elle a été signée lors de la première réunion de dialogue économique et financier à Pékin. Elle s'inscrit pleinement dans les priorités de notre coopération fiscale internationale.

Pourquoi une nouvelle convention ? La dernière date du 30 mai 1984, soit plus de trente ans. Depuis, nos relations bilatérales se sont intensifiées. Avec Hong Kong, par exemple, nous avons une convention plus moderne datant de 2010.

Ce nouveau texte est en ligne avec les nouveaux standards internationaux ; il comporte une clause anti-abus, entre autres. Ces avancées sont parfaitement en phase avec les travaux du G 20, dont la Chine est membre, sur l'érosion de la base fiscale et les transferts de profits. En outre, nous entrons dans l'ère des échanges automatiques de renseignements fiscaux, conformément aux décisions du G 20.La Chine, signataire de l'accord de Berlin la semaine dernière, s'est engagée à le mettre en oeuvre en 2018.

De plus, cette convention sera plus favorable à nos entreprises installées en Chine : certains impôts à la source seront réduits ; le mécanisme de crédit d'impôt forfaitaire est supprimé et remplacé, après une période transitoire, par une méthode d'élimination classique. Des problèmes particuliers sont réglés : prêts Coface, rémunération des professeurs du lycée français de Pékin, statut des volontaires en entreprises.

Cette convention, déjà ratifiée par la Chine, doit l'être désormais par la France.

M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances .  - Le Sénat est saisi en premier lieu de cet accord signé le 26 novembre 2013, qui a vocation à se substituer à la convention de 1984. Ce texte, attendu avec impatience par les milieux économiques, facilitera nos échanges commerciaux.

La Chine de 1984 n'est plus celle d'aujourd'hui. Elle représentait alors 1 % du PIB mondial et s'ouvrait à peine avec les premières zones économiques spéciales. En 2014, son PIB est de 13,4 milliards de dollars, soit 15,4 % du PIB mondial. Elle est devenue la deuxième puissance économique du monde. La France profite peu de cet essor : elle est le deuxième fournisseur européen de la Chine, avec 1,3 % de part de marché, loin derrière l'Allemagne et ses 5,3 % de parts de marché. Notre balance commerciale était déficitaire de 26 milliards d'euros en 2013 avec la Chine.

Les investissements français en Chine sont supérieurs aux investissements chinois en France. Ce texte encouragera donc les investissements sur notre territoire. Notons que la retenue à la source sur les dividendes est réduite de 10 % à 5 %. La définition de l'établissement stable est assouplie. Un crédit d'impôt remplacera l'imposition forfaitaire, moyennant une période transitoire.

Toutefois, la convention permet aux parties d'imposer davantage les activités sur leur territoire, ce qui profitera plus à la Chine : retenue à la source de 10 % sur les intérêts et redevances, taxation des plus-values de cession dès lors que sont détenus 25 % du capital, exonération -en revanche- au bénéfice des fonds souverains -gageons que notre Fonds de réserve pour les retraites n'en bénéficiera guère...

Enfin, la convention améliore la prévention de la fraude et de l'optimisation fiscale abusive avec l'introduction de quatre clauses anti-abus spécifiques et d'une clause anti-abus générale. Les échanges d'informations fiscales au cas par cas seront améliorés.

Une remarque : cette convention ne couvre pas la « région administrative spéciale » de Hong Kong, moins enthousiaste en matière de coopération fiscale, avec laquelle toutefois nous avons signé, le 21 octobre 2010, une convention correspondant aux standards les plus élevés.

Les critiques que certains adressent à la Chine sur le manque de transparence dans certaines opérations commerciales relèvent des compétences relatives à la politique commerciale de la Commission européenne.

Cette convention pourrait être bientôt améliorée : l'échange automatique d'informations fiscales, prévu par l'accord signé le 29 octobre dernier à Berlin, devrait devenir la norme.

Je vous invite à adopter cette convention sans modification.

M. Thierry Foucaud .  - L'Empire du milieu représente plus de 25 milliards d'euros de déficit de notre balance commerciale. Il serait temps que la France prenne enfin sa place sur l'immense marché chinois.

Cette convention sécurise nos échanges avec ce pays et vise à éviter les doubles impositions. Au 31 décembre 2013, 31 000 Français vivaient en Chine ; ce texte intéresse surtout nos entreprises. D'aucuns espèrent, avec cet accord, valoriser nos relations avec Wuhan, une ville de 10 millions d'habitants dans une région qui en compte 60 millions et où nos grandes entreprises sont déjà implantées. Nous avons donc beaucoup à attendre de cette convention. Cependant, celle-ci ne couvre ni Macao ni Hong Kong, qui demeurent des paradis fiscaux à l'ancienne. La définition de l'établissement stable assortie d'un délai de douze mois n'est pas satisfaisante : elle rend possible l'intervention d'entreprises éphémères effectuant de la sous-traitance.

Toute notre vigilance est requise ; d'où l'abstention attentive et patiente du groupe CRC. L'éviction de nos propres productions industrielles par les importations en provenance de Chine est due avant tout à l'investissement insuffisant de nos entreprises dans la recherche, certaines se contentant de leur rente de situation, quand elles n'ont pas délocalisé leur production en Chine. Nombre de produits importés s'ornent des trois couleurs de notre drapeau...

En conclusion, je souhaite une évaluation régulière de la coopération fiscale internationale. Plusieurs dizaines de milliards d'euros d'impôts, de taxes et de cotisations sociales sont en jeu, ce qui manque pour redresser les comptes de notre pays et repenser notre système de prélèvements obligatoires.

M. Yvon Collin .  - L'année 2014 a été marquée par le cinquantième anniversaire de l'établissement des relations franco-chinoises. Si notre pays a été parmi les premiers à reconnaître la Chine communiste, cela ne s'est pas traduit par des relations économiques privilégiées. Nous accusons, avec la Chine, le premier déficit commercial bilatéral de notre pays. Depuis la convention de 1984, la Chine a fait son grand bond en avant économique avec un taux de croissance qui laisse rêveur : 7,1 % en 2015 quand nous en sommes à 0,4 %. Il importe donc de réviser notre accord fiscal avec ce pays afin de faciliter l'entrée de nos entreprises sur le marché chinois, formidable réservoir d'opportunités économiques.

La nouvelle convention améliore l'implantation mais aussi l'exercice d'activités économiques françaises en Chine avec la définition d'entreprises stable. Cependant, des freins et des obstacles subsisteront ; on se souvient des avaries du groupe Danone avec son partenaire chinois Wahaha. Et les dispositions sur les fonds souverains sont clairement favorables à la partie chinoise.

La convention contient des dispositifs de lutte contre la fraude et l'optimisation fiscale abusive, sans prévoir l'échange automatique de données. Il faudra attendre la mise en oeuvre du dispositif BEPS de l'OCDE.

Malgré ces réserves, l'ensemble du groupe RDSE votera ce texte.

Mme Nathalie Goulet .  - Ce type de conventions échappe d'habitude au débat dans l'hémicycle ; on tente de pallier la longueur des délais de ratification par le recours à la procédure simplifiée. Merci au groupe CRC d'avoir permis cette discussion : on connaît les travaux brillants de M. Bocquet sur l'évasion fiscale. Le sujet n'est pas clos ! Puisque le président du Sénat ne veut pas d'une délégation, il faudra sans doute une troisième commission spéciale.

Cette convention ne révolutionne pas l'état du droit, elle ne concerne pas le dumping par exemple. Elle actualise simplement la convention de 1984. J'indique en passant qu'il faudrait renégocier celle qui a été conclue avec le Qatar et qui fait pour ce pays de la France un paradis fiscal...

Nous l'avons dit en juillet, l'échange d'informations fiscales au cas par cas est moins efficace que l'échange automatique ; c'est ce second modèle qui doit devenir la norme. De même, ce texte paraît assez peu opérationnel en matière de lutte contre la fraude compte tenu des mécanismes nouveaux : prix de transferts, sociétés écrans de Hong Kong ou encore fraude sociale.

Vous l'aurez compris, le groupe UDI-UC votera cette convention en « yin et yang » tout en demandant une progression de la lutte contre l'évasion et l'optimisation fiscales. Le chemin est long, y compris dans le cadre franco-français. Je compte sur la présidente de la commission des finances pour éviter la procédure simplifiée afin que tous les sénateurs disposent d'une information complète.

Discussion de l'article unique

L'article unique est adopté.