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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Dépôt du rapport d'une commission d'enquête

Usage contrôlé du cannabis (Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Françoise Gatel

M. Jean-Pierre Godefroy

Mme Brigitte Micouleau

M. Michel Forissier

M. Jean Desessard

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

ARTICLE 3

M. Olivier Cadic

M. Éric Bocquet

Nouveaux indicateurs de richesse

Discussion générale

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

M. Antoine Lefèvre, rapporteur de la commission des finances

M. Jean-Claude Requier

M. David Rachline

M. Claude Kern

M. Maurice Vincent

M. André Gattolin

M. Éric Bocquet

M. Francis Delattre

M. Franck Montaugé

Discussion des articles

ARTICLE UNIQUE

M. Éric Bocquet

Guide de pilotage statistique pour l'emploi

M. Jean Desessard, auteur de la proposition de résolution

M. Claude Kern

Mme Colette Mélot

M. Maurice Vincent

M. Dominique Watrin

M. Jean Desessard

M. François Rebsamen, ministre

Débat sur la préparation de la révision de la loi de programmation militaire

M. Dominique de Legge, au nom du groupe UMP

M. Joël Guerriau

M. Jacques Gautier

M. Daniel Reiner

Mme Leila Aïchi

Mme Michelle Demessine

M. Philippe Esnol

M. David Rachline

M. Jean-Pierre Raffarin

M. Gilbert Roger

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Modernisation du secteur de la presse (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Mme Colette Mélot

M. David Assouline

M. Claude Kern

M. Michel Billout

M. Robert Hue

M. André Gattolin

Discussion du texte élaboré par la CMP

Ordre du jour du mardi 7 avril 2015

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du jeudi 2 avril 2015

84e séance de la session ordinaire 2014-2015

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

Secrétaire : M. Philippe Nachbar.

La séance est ouverte à 9 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt du rapport d'une commission d'enquête

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu hier un rapport de M. Jean-Pierre Sueur au nom de la commission d'enquête sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, créée le 9 octobre 2014 à l'initiative du groupe UDI-UC, en application de l'article 6 bis du Règlement. Ce dépôt a été publié au Journal officiel, édition « Lois et décrets », de ce jour. Cette publication a constitué, conformément au paragraphe III du chapitre V de l'Instruction générale du Bureau, le point de départ du délai de six jours nets pendant lequel la demande de constitution du Sénat en comité secret peut être formulée.

Ce rapport sera publié sous le n°388, le mercredi 8 avril 2015, sauf si le Sénat, constitué en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie de ce rapport.

Usage contrôlé du cannabis (Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative à l'usage contrôlé du cannabis, commencée le 4 février 2015.

Discussion générale (Suite)

Mme Françoise Gatel .  - Ce débat est pertinent sur un sujet complexe qui touche à la santé publique, à l'économie souterraine, à la prévention comme à la répression et à la sécurité publique. La réponse proposée l'est-elle ? L'usage régulier du cannabis peut aggraver des troubles psychiatriques, altérer les capacités de mémorisation et d'apprentissage, provoquer des troubles de la coordination ; en 2011, la consommation de cannabis aurait provoqué 455 accidents de la route mortels et ses effets sont démultipliés si elle est couplée à celle de l'alcool. Sans parler de l'absorption de gaz carbonique : fumer du cannabis serait vingt fois plus dangereux à dose égale que fumer du tabac. Les effets sont particulièrement dramatiques chez les jeunes, alors que 42 % des adolescents de 17 ans en ont consommé au moins une fois.

Comment imaginer que l'État, garant de la santé publique, puisse autoriser l'usage et la production d'un produit dangereux, brouillant le message sur sa nocivité ? On sait aussi que le cannabis a un effet sur l'assiduité, les résultats et le décrochage scolaires... Et l'autoriser pour les adultes, ce serait ignorer que les adolescents recherchent la transgression. L'interdiction des lieux de vente à proximité des établissements scolaires n'a pas empêché le développement du binge drinking... La consommation d'alcool et de drogues n'est pas sans rapport avec le mal-être de la société, qui favorise la recherche de paradis artificiels.

Mon groupe regrette la faiblesse de la proposition de loi en matière de prévention. Aujourd'hui, l'information reste trop cloisonnée entre la police, les associations, la communauté éducative...

Le rapporteur souligne ce qu'il appelle la faillite du système de répression. Mais il ne peut y avoir de société sans règles, donc sans répression. Les auteurs de cette proposition de loi considèrent en outre que la légalisation du cannabis assécherait les trafics, mais elle ne vaudrait que pour les adultes ; les jeunes continueront à faire appel à l'économie souterraine. Un jour se posera le problème de la légalisation de l'ecstasy ou de l'héroïne. Et comment fixer le prix d'un cannabis légalisé ? S'il est trop élevé, aucun effet n'est à attendre sur l'économie souterraine ; s'il est trop faible, la consommation augmentera.

On avance aussi que l'État comblerait son déficit par une taxe sur les produits dangereux. Mais quand il existe un risque sanitaire sur un produit alimentaire, l'État diligente à juste titre une enquête et peut aller jusqu'à faire fermer une ligne de production... Et l'argent récolté servirait à couvrir les frais de santé publique dus à la hausse de la consommation.

Ce texte a le mérite de soulever un vrai problème de santé publique. L'usage thérapeutique du cannabis est désormais autorisé : ses effets ont été démontrés sur les patients souffrant de sclérose en plaque, de la maladie de Parkinson, du sida, de dépression. Il faudrait dresser le bilan de cette autorisation.

Le groupe UDI-UC reconnaît l'intérêt de ce texte mais considère qu'il apporte une réponse trop simple à une question complexe. Penser que la légalisation règle la question, c'est cacher la poussière sous le tapis. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Godefroy .  - Plusieurs rapports parlementaires ont été publiés sur ce sujet. Dans leur rapport de 2011, Gilbert Barbier et Françoise Branget ont rejeté la légalisation. Dans celui de la mission d'information de l'Assemblée nationale de novembre 2014, les rapporteurs, s'ils s'accordent sur l'échec de la politique de prohibition, divergent sur les solutions, l'un plaidant pour une contravention pour usage, l'autre pour la légalisation dans l'espace privé.

Le plan de lutte contre les drogues, lancé par le Gouvernement, est intéressant mais insuffisant. Alors que la France dispose de la législation la plus répressive, les Français sont parmi les plus gros consommateurs de cannabis.

Sur le plan sanitaire, les dangers du cannabis sont démontrés, notamment chez les jeunes. À court terme, la baisse des performances intellectuelles, les troubles cognitifs, un développement de l'anxiété... À long terme, un risque de cancer accru, l'isolement social, l'aggravation ou la survenue de certains troubles psychotiques graves, comme la schizophrénie. Et je ne parle ni de la concentration de THC, qui a très fortement augmenté, ni des produits naturellement toxiques utilisés pour améliorer la présentation du cannabis : colles, huiles de vidange, sables, talc, plomb...

Sur le plan de l'ordre public, l'usage de cannabis expose aujourd'hui à une amende de 3 750 euros et un an d'emprisonnement, mais un Français sur cinq en a déjà fumé et on compte 1,2 million de fumeurs réguliers... Quelle contradiction ! Les peines prévues, parmi les plus sévères en Europe, ne sont pas dissuasives. L'action publique, souvent, n'est pas engagée. Quant aux petits revendeurs, les envoyer en prison, c'est risquer de fragiliser encore ces personnes en mal d'insertion.

L'Uruguay expérimente depuis 2013 la régulation de la production et de la vente du cannabis ; les personnes majeures peuvent même en faire pousser six plants chez elles. Il faut encore attendre pour en mesurer les résultats. Au Colorado, le produit des taxes perçues sur le cannabis est tellement élevé que l'État doit en reverser une partie à l'État fédéral et aux contribuables... Mais qu'en est-il de la santé publique ?

La légalisation pose des questions délicates, modalités de mise oeuvre, canaux de production et de distribution, tarifs... Ce sont les individus qu'il faut informer des dangers du cannabis, dès le collège. Cette proposition de loi, inaboutie, doit cependant être saluée parce qu'elle ouvre un débat nécessaire. Le groupe socialiste ne la votera pas.

Mme Brigitte Micouleau .  - Je regrette que le débat ait été interrompu en février. L'exposé des motifs de cette proposition de loi soulève des questions essentielles, concernant l'inefficacité de nos politiques de prévention et de lutte contre le cannabis et les effets de celui-ci sur la santé.

Malgré une législation très répressive, la France compte 700 000 consommateurs réguliers et quotidiens, contre 500 000 il y a quatre ans, et dans tous les milieux ; 41,7 % des jeunes de 17 ans déclarent en avoir fumé au cours de leur vie, un sur cinq au cours du dernier mois.

Or, la consommation régulière de cannabis peut entraîner une dépendance psychique et des problèmes relationnels, scolaires, professionnels. Elle altère la mémoire, les capacités de concentration et de raisonnement, les facultés motrices. Elle potentialise les effets de l'alcool. Le nombre de conducteurs arrêtés sous l'emprise de cannabis est en constante augmentation alors que la consommation de cette substance est à l'origine de nombreux accidents. Le cannabis représente 90 % des interpellations pour usage de stupéfiants : 15 300 en 2010, en hausse de 70 % depuis 2000...

La dépénalisation serait un moyen de mettre fin aux trafics, dites-vous. Pourtant, selon Stéphane Quéré, criminologue spécialiste de la question, elle n'a pas endigué le crime organisé dans d'autres pays : aux Pays-Bas, les trafiquants ont pris pied dans les Coffee shops, la légalité du tabac en France n'empêche pas les trafics de cigarettes, je l'observe à Toulouse...

En cas de légalisation, on peut craindre de voir se développer un marché parallèle, pour du cannabis plus puissant et plus dangereux. Enfin, quel signal enverrions-nous à la société ?

Cette proposition de loi apporte de fausses solutions. Le groupe UMP votera contre. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Forissier .  - Le sujet n'est pas nouveau et fait souvent l'objet de débats passionnels. Légaliser le cannabis, c'est lui donner un cadre juridique qui pourrait prendre les formes les plus strictes ou les plus libérales.

En autorisant le cannabis, l'État veut-il se charger de contrôler sa production, sa distribution ? Ce serait envoyer un mauvais signal, repousser les limites d'une société déjà ébranlée, en manque de repères. Ce serait aussi prendre le risque d'augmenter le nombre de consommateurs d'un produit dont on connaît les effets sur la santé.

Selon les experts, la consommation des drogues licites est huit fois supérieure à celle des drogues illicites. Il n'existe d'ailleurs aucun lien automatique entre la fin de la prohibition et celle des trafics. Si la prohibition de la consommation est une utopie, sa légalisation est tout aussi irréaliste.

Cette proposition de loi comporte cependant des aspects intéressants. C'est sous l'angle de la prévention qu'il faut aborder le problème, en donnant aux adolescents de bonnes raisons de ne pas prendre de drogues, en évitant qu'ils ne se retrouvent en situation dangereuse et en leur donnant l'exemple.

La société française a besoin d'affirmer les limites qui sont les siennes, conformes à ses valeurs. L'interdiction de l'usage du cannabis est, selon moi, un principe essentiel. (Mme Françoise Gatel applaudit)

M. Jean Desessard .  - Merci aux intervenants de leurs propos mesurés.

Mme Micouleau l'a dit : la France est un pays de forte répression, et aussi de forte consommation. C'est qu'il y a un problème ! Oui, la prévention fait aujourd'hui défaut. Chez les jeunes, c'est vrai, même une faible consommation peut entraver leur développement cérébral.

En revanche, Madame Gatel, la dépendance au cannabis n'est pas plus élevée que la dépendance à l'alcool.

Mme Françoise Gatel.  - Il n'en demeure pas moins qu'elle existe !

M. Jean Desessard.  - M. Godefroy appelle à attendre le bilan des expérimentations menées en Uruguay et au Colorado. Il y aurait trop de recettes ? Je comprends mal l'argument...

Une question de santé publique ? Elle se pose aujourd'hui ! Et le coût du déploiement des forces de police, des frais de justice doit aussi être mis en débat.

Aux Pays-Bas, les mafias se sont déplacées ailleurs, dit Mme Micouleau. C'est que les Néerlandais ont légalisé la distribution, non la production : cela reste un secteur gris.

Merci à M. Forissier d'avoir mentionné l'usage récréatif du cannabis. Pour les adultes, comme pour l'alcool, c'est l'abus qui est dangereux. Si on a consommé de l'alcool et qu'on est contrôlé trois heures plus tard, on est positif. Dans le cas du cannabis, on peut être positif si on en a fumé trois jours plus tôt ! Il faut revoir ces tests.

Le climat général n'est pas à l'adoption du texte, je le constate. (Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État, s'amuse) Mais le débat, j'en suis sûr, n'est pas clos.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par M. Desessard, au nom de la commission.

I. - Alinéa 6

Remplacer les mots :

par les dispositions du

par le mot :

au

II. - Alinéa 8

Après les mots :

plantes et

insérer le mot :

des

III. - Alinéa 14

Après les mots :

plantes et

insérer le mot :

des

IV. - Alinéa 15, première phrase

Après les mots :

plantes et

insérer les mots :

de ces

V. - Alinéa 17

Remplacer les mots :

, fixée par décret en Conseil d'État, dont la détention est autorisée

par les mots :

dont la détention est autorisée par décret en Conseil d'État

VI. - Alinéa 19

Après les mots :

plantes et

insérer le mot :

des

VII. - Alinéa 20

Remplacer les mots :

doivent être

par le mot :

sont

VIII. - Alinéa 21

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Est interdite toute opération de parrainage qui, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une marque ou de tout autre signe distinctif, rappelle les plantes et les produits mentionnés à l'article L. 3431-1.

IX. - Alinéa 22

1° Après les mots :

plantes et

insérer le mot :

les

2° Remplacer le mot :

définis

par le mot :

mentionnés

X. - Alinéa 31

1° Après les mots :

céder ou d'offrir des plantes ou

insérer le mot :

des

2° Remplacer les mots :

revendre ou d'offrir des plantes ou

par les mots :

revendre ou d'offrir ces plantes ou ces

XI. - Alinéa 32

1° Après les mots :

les plantes ou

insérer le mot :

les

2° Après les mots :

ces plantes ou

insérer les mots :

de ces

XII. - Alinéa 33, première phrase

Après les mots :

les plantes et

insérer le mot :

les

XIII. - Alinéa 35

Après les mots :

plantes ou

insérer le mot :

des

XIV. - Alinéa 36

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 3432-4.  -  Le fait de contrevenir aux dispositions de l'article L. 3431-6 est puni d'une amende de 100 000 €. »

M. Jean Desessard.  - Amendement rédactionnel.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes.  - Avis favorable, même si le Gouvernement est défavorable au texte.

L'amendement n°1 est adopté.

Mme Esther Benbassa.  - Merci à tous les sénateurs présents aujourd'hui malgré l'élection des présidents de conseils départementaux, pour leurs interventions. Le débat est lancé, je m'en réjouis. J'en suis certaine, dans quelques années, nous légaliserons à notre tour l'usage contrôlé du cannabis, qui a fait ses preuves. Nous ne pourrons ignorer une réalité sociale en expansion : les derniers chiffres de l'office français de lutte contre les toxicomanies sont édifiants. Nous avons le devoir de répondre aux enjeux sanitaires et sécuritaires, le devoir d'élaborer une véritable politique de santé publique, pragmatique, notamment à l'égard des adolescents et jeunes adultes.

L'objectif premier de cette proposition de loi a été atteint : sensibiliser chacun à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

À la demande des groupes UMP et écologiste, l'article premier, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°117 :

Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 302
Pour l'adoption 13
Contre 289

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 2 n'est pas adopté.

ARTICLE 3

Mme la présidente.  - Si l'article 3 n'est pas adopté, il n'y aura pas lieu de voter sur l'ensemble.

M. Olivier Cadic .  - Comme beaucoup, je réprouve sans réserve la consommation de cannabis, dont les dangers sont démontrés. Cela dit, la politique de répression est en échec absolu. La réponse de la société ne fonctionne pas. Faut-il être plus répressif ? Face à un échec, nous avons la tentation de toujours faire la même chose... Je pense, comme M. Desessard, qu'il faut faire autrement.

Fumer du cannabis est un vice ; l'État doit encadrer les vices, comme il l'a fait pour les jeux en ligne, le tabac et l'alcool. Aux États-Unis, la prohibition du cannabis n'a pas plus de succès que, jadis, celle de l'alcool : le pays a dépensé 1 000 milliards depuis 1971 pour lutter contre les drogues. En vain. En 2001, le Portugal a décriminalisé l'usage personnel de toutes les drogues et substitué les soins à la prison ; cinq ans plus tard, leur usage a régressé chez les adolescents et le nombre de morts liées aux drogues a été réduit de moitié... Les jeunes cherchent toujours à transgresser les interdictions - interdictions qui font la fortune des réseaux mafieux. Interdire n'empêche pas les gens de fumer, seulement de respecter la loi.

C'est pourquoi j'ai voté pour l'article premier. (Applaudissements sur plusieurs bancs au centre)

M. Éric Bocquet .  - La législation actuelle, qui date de 1970, considère le consommateur de drogue comme une personne dangereuse, qu'il faut enfermer. On chasse le consommateur au lieu de lutter contre les trafiquants. Ce débat est donc bienvenu.

Le groupe CRC est favorable à la dépénalisation plus qu'à la légalisation de la consommation de cannabis, ce qui permettrait de concentrer les forces de l'ordre sur l'essentiel. Il faut surtout renforcer la prévention, faire un travail en profondeur auprès de la population, développer la formation alors qu'il n'existe aujourd'hui aucune chaire de médecine préventive. Le sujet mérite mieux qu'un débat partiel. D'où notre abstention.

L'article 3 n'est pas adopté.

En conséquence, il n'y a plus de texte ;

la proposition de loi n'est pas adoptée.

Nouveaux indicateurs de richesse

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse.

Discussion générale

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Ce texte, voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, vise à mieux mesurer le quotidien des Français afin de mieux orienter les politiques publiques. On critique le PIB, devenu l'étalon de la vie économique ; il serait toutefois vain de prétendre le remplacer par un nouvel indice synthétique. En revanche, comme le propose cette proposition de loi, il est utile de le compléter pour éclairer tel ou tel aspect de la vie sociale. Un exemple : la création d'un indicateur sur les jeunes qui ne sont ni en formation, ni en emploi. La garantie jeune a été mise en place en France à la suite de ces mesures.

Encore faut-il donner suffisant de poids à ces indicateurs. En débattre une fois par an au Parlement me semble raisonnable. Prenons le temps de la concertation pour être à la fois complet et concis dans le choix des mesures à mettre en avant, pour leur donner du sens.

Deuxième objectif du texte : remettre le long terme au coeur des politiques publiques, pour retrouver une croissance solide et durable. C'est ce que fait le Gouvernement : il travaille pour le présent et pour l'avenir, en misant sur l'éducation et la formation, en créant 60 000 postes dans l'Éducation nationale, en instaurant le compte personnel de formation, en portant la loi de transition énergétique, en oeuvrant pour la réussite de la conférence sur le climat, en réduisant les déficits à un rythme compatible avec la croissance.

Le Gouvernement s'associe donc pleinement à la démarche représentée par ce texte. J'espère que nous saurons nous rassembler autour de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Antoine Lefèvre, rapporteur de la commission des finances .  - Cette proposition de loi, adoptée à l'Assemblée nationale le 29 janvier, fait suite à une proposition de loi écologiste, retirée in fine.

Cette proposition de loi prévoit la remise d'un rapport annuel sur les nouveaux indicateurs de richesse, qui peut être suivie d'un débat. Si le PIB est un indicateur utile, il ne permet pas d'appréhender la qualité de la croissance ou sa soutenabilité. Il ne prend pas en compte l'effet des activités sur le bien-être : ainsi, le trafic de stupéfiants est comptabilisé comme toute autre activité commerciale dans le PIB... (M. Roger Karoutchi souligne cette incongruité)

Les limites du PIB ont été perçues dès l'origine, par Simon Kuznets, par exemple, considéré comme le père de la comptabilité nationale. Plusieurs économistes ont élaboré d'autres indicateurs dans la seconde moitié du XXe siècle : l'indice de développement humain au début des années 1990 ; la mesure du bien-être économique, conçue par William Mordhans et James Tobin, au cours des années 1970, l'indicateur de santé sociale ou encore l'empreinte écologique. Ils n'ont pas connu un grand succès.

Mais la crise a relancé la réflexion sur la qualité de la croissance. L'OCDE organisait, en juin 2007, un forum mondial aboutissant à la déclaration d'Istanbul sur la nécessité d'élaborer une mesure du progrès social. Nicolas Sarkozy a confié à Joseph Stiglitz la réflexion sur le thème « Vivre mieux ». En 2009, la Commission européenne a également publié une communication intitulée « Le PIB et au-delà - Mesurer le progrès dans un monde en mutation ».

À ces initiatives internationales s'ajoutent des mesures nationales. Le Royaume-Uni a lancé un programme de mesure du bien-être national début 2010. En France, de nombreux travaux ont été menés sur ces sujets par le Conseil national de l'information statistiques (Cnis) ou par le Cese (Conseil économique, social et environnemental), avec un avis rendu en 2009. Ajoutons le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi, commandé par Nicolas Sarkozy, dans le cadre de la commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social qu'il a mise en place, et les travaux de l'Association des régions de France sur la déclinaison régional de l'indice de développement humain, l'indicateur de santé sociale et l'empreinte écologique.

En outre, dans un rapport de juin 2014, intitulé Quelle France dans dix ans ?, France Stratégie a proposé sept indicateurs « de la qualité de la croissance pouvant faire l'objet d'un suivi annuel », susceptibles d'accompagner le PIB. Des travaux sont en cours sous l'égide du Cese pour développer un tableau de bord d'indicateurs.

Les nouveaux indicateurs de richesse ne manquent donc pas, mais manquent de visibilité. D'où l'intérêt de cette proposition de loi, qui vise à renforcer la pertinence et à prévoir leur actualisation et leur suivi.

Je vous invite à voter ce texte sans modification, comme l'a fait la commission des finances, sur ma recommandation, afin d'obtenir son adoption rapide. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Jean-Claude Requier .  - Depuis des décennies, le PIB est le principal repère du pilotage de nos politiques publiques. C'est sur cette base que sont calculés, entre autres, le déficit et la dette. La crise interroge toutefois l'indicateur, qui n'a pas permis d'alerter sur les dangers sociaux et écologiques... Le développement d'une société ne peut plus se résumer au seul développement économique.

Le PIB ne permet pas de mesurer les inégalités ou les externalités négatives des activités économiques. Il comptabilise même positivement les catastrophes naturelles - au titre des travaux de réparation qu'elles entraînent...

L'indice de développement humain est le plus connu des indicateurs alternatifs ; la commission Stiglitz, mise en place par Nicolas Sarkozy, conforte cette approche. L'indice de santé sociale et l'empreinte écologique vont dans le même sens - mais restent trop confidentiels.

C'est pourquoi le groupe RDSE soutient cette proposition de loi...

M. Jean-Vincent Placé.  - Très bien !

M. Jean-Claude Requier.  - ...qui prévoit la remise d'un rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse - malgré notre réserve sur la multiplication des rapports. Il est urgent d'appréhender nos politiques publiques au regard de véritables objectifs qualitatifs, pour améliorer l'action publique.

Poursuivons la démarche lancée par la Lolf (loi organique relative aux lois de finances) : ces indicateurs doivent témoigner de notre capacité collective à passer de la société du « beaucoup d'avoirs pour quelques-uns » à une société du « bien vivre pour tous, ensemble, dans un environnement préservé et partagé ».

Ne cédons pas pour autant aux sirènes de la décroissance : sans croissance, c'est le déclin assuré.

Initialement, je craignais que la proposition rajoute au PIB des indicateurs de croissance inspirés par la philosophie bobo et les petits oiseaux... (M. Roger Karoutchi apprécie) Néanmoins, la lecture du rapport de la commission des finances nous a convaincus...

MM. Jean Desessard et André Gattolin.  - Tout de même !

M. Roger Karoutchi.  - À tort !

M. Jean-Claude Requier.  - Le groupe RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. David Rachline .  - Face à la financiarisation croissante de notre économie, cette proposition de loi est bienvenue. On privilégie le jetable sur le durable, au mépris de l'écologie. (Marques de surprise sur les bancs écologistes) Se doter de nouveaux indicateurs économiques, comme l'ont fait les régions en 2012, est de bon aloi. Une vision purement quantitative de l'économie est incapable de mesurer les inégalités, comptabilise positivement ces catastrophes naturelles, ne tient pas compte de la qualité de la richesse produite, de l'environnement, de l'économie informelle. Je pense au bénévolat et au travail des mères au foyer.

Attention toutefois à ce que les nouveaux indicateurs ne soient pas biaisés. Il faudrait des indicateurs d'inflation différents par tranche de revenus pour montrer que les petits revenus sont plus affectés que les plus aisés. Cela permettrait de faire la lumière sur les politiques catastrophiques menées par les différents gouvernements, à commencer par le parti socialiste, pourtant censé se soucier des plus fragiles...

M. Claude Kern .  - Le PIB exerce une forme d'hégémonie parmi nos indicateurs économiques : du carré magique, c'est le seul à permettre de construire des prévisions budgétées. Nous connaissons pourtant ses limites : il repose sur des éléments de production périlleux pour le bien-être de la population à long terme.

Un exemple : les récents pics de pollution dans les grandes villes peuvent se traduire par de lourdes dépenses de santé à long terme. À court terme, toutefois, ils traduisent une consommation de carburant, et donc une activité.

La vision purement comptable de la dépense publique ignore les externalités positives -comme l'effet positif de l'éducation.

Même imparfait, le PIB reste pourtant la donnée la plus partagée par l'ensemble de la communauté économique et des gouvernements. Nicolas Sarkozy, alors président de la République, avait institué une commission présidée par le prix Nobel Joseph Stiglitz afin de réfléchir aux nouveaux indicateurs économiques. Cette proposition de loi s'inscrit dans cette filiation. Elle a le mérite de trancher entre une réforme du PIB que nous serions les seuls à mener et une vision plus globale à trouver un faisceau d'indicateur.

Fallait-il pour autant passer par la voie législative pour demander un rapport ?

Le Gouvernement présente déjà de nombreux rapports annexés au projet de loi de finances.

Enfin, quelle sera l'utilité de ce tableau de bord ? Observer d'éventuelles corrélations entre les indicateurs suffirait-il à faire évoluer les politiques publiques définies par le projet de loi de finances ? Sans doute pas. Pourquoi ne pas plutôt réformer les modalités de calcul du PIB afin de l'enrichir ? L'Insee pourrait s'en charger, sans qu'il soit besoin d'un texte de loi...

Je doute de la portée réelle du dispositif proposé par le groupe écologiste, qui est bien loin d'épuiser le sujet. C'est pourquoi le groupe UDI-UC s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)

M. Maurice Vincent .  - L'élaboration de nouveaux indicateurs de richesse suscite parfois des sourires ironiques : elle serait le fait de rêveurs, de soixante-huitards attardés qui voudraient remplacer le PIB par un indicateur de bonheur national brut, voire confier à l'État le soin de définir de manière autoritaire le bonheur des individus...

M. Roger Karoutchi.  - Eh oui !

M. Maurice Vincent.  - La caricature, si elle a le mérite de faire sourire, ne doit pas éclipser le débat économique et politique. Je tiens à saluer, à ce propos, la mémoire de Bernard Maris qui, rejoignant à vélo les locaux de France Inter et de Charlie Hebdo pour y présenter ses chroniques, rappelait qu'à ce titre, il ne contribuait pas au PIB comme les automobilistes, consommateurs de carburant coincés dans les bouchons, mais ne produisait pas de pollution...

Les universitaires français ont légitimement abordé la question des indicateurs de richesse : citons Dominique Méda, Jean Gabrey ou Jean-Paul Fitoussi...

Combien d'indicateurs et lesquels retenir ? Le projet de loi opère un premier tri louable ; il faudra limiter à une dizaine le nombre de ces indicateurs et les actualiser régulièrement. Le débat démocratique ne peut être conduit sans organisation : France Stratégie comme le Cese devront y veiller. La liste des indicateurs doit en outre être confiée au Parlement et non à je ne sais quel organisme de démocratie participative.

Quant au calendrier, la date de remise du rapport en octobre est adaptée au temps parlementaire : le débat budgétaire et les études d'impact pourront utilement s'en inspirer.

M. André Gattolin.  - Très bien !

M. Maurice Vincent.  - Sur le fond, la proposition de loi a le mérite d'aborder un problème fondamental : on ne pourra plus, à l'avenir, élaborer des politiques publiques sans tenir compte de leur soutenabilité à long terme. C'est pourquoi je vous invite à voter cette proposition de loi conforme. (Applaudissements sur les bancs écologistes et socialistes)

M. André Gattolin .  - Oui, cette proposition de loi consiste en une demande de rapport. Cela peut faire sourire et sembler bien anecdotique mais, en réalité, ce sont les moyens des parlementaires qui le sont (M. Roger Karoutchi s'amuse) et qui ne nous permettent pas d'être plus normatifs.

Pris seul, le PIB est un bien mauvais indicateur de la croissance, qui est aussi sociale, environnementale et sanitaire. L'écrasante omniprésence du PIB dans les discours économiques ne permet pas de penser un monde où la croissance semble, notamment dans nos sociétés les plus développées, atteindre des limites structurelles.

L'indicateur n'est pas qu'un outil : il oriente les analyses et préfigure les décisions. Quand vous ne disposez que d'un marteau, vous vous apercevez vite que votre seul problème, c'est le clou !

D'autres indicateurs de richesse existent, abondent même, jusque dans les annexes du projet de loi de finances, mais sont peu exploités dans les analyses économiques et inaudibles dans le débat public. Lors de la discussion du budget, combien d'interventions évoquant, par exemple, les inégalités territoriales ou l'empreinte carbone ? Depuis le rapport Stern, même les économistes les plus orthodoxes admettent que le changement climatique se traduira par un coût social et économique d'autant plus considérable qu'il sera différé et que l'action pour en limiter les effets sera tardive.

Plusieurs travaux récents montrent une corrélation entre, d'une part, le vote Front national et, d'autre part, la montée des inégalités et de la précarité dans certains territoires.

Pour agir, il faut dépasser la seule notion de PIB. C'est l'intérêt de la proposition de loi de notre collègue députée Eva Sas, présente dans nos tribunes, que je salue. Il ne s'agit pas, n'en déplaise à certains, de mettre la France à l'avant-garde « hippie », guidée par la quête du bonheur national brut, cher au royaume du Bhoutan (M. Roger Karoutchi s'exclame), mais simplement d'emboîter le pas au Royaume-Uni et à la Belgique.

Monsieur le ministre, même si ce texte a connu, du temps de vos prédécesseurs, quelques péripéties inattendues à l'Assemblée nationale, je me réjouis que vous nous apportiez aujourd'hui le soutien très clair du Gouvernement et je ne doute pas que les auteurs pourront compter sur vous, si le texte était adopté, pour accompagner son ambition dans la durée.

Merci aussi au rapporteur Antoine Lefèvre d'avoir examiné ce texte sans esprit partisan. À mon tour de vous inviter à le soutenir. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Éric Bocquet .  - La richesse d'un pays se mesure-t-elle à l'usage plus ou moins dispendieux qu'il fait de ses propres ressources ? Depuis le fameux rapport du club de Rome, de 1972, Les limites de la croissance, les travaux sur le sujet sont nombreux. Le débat n'est pas pour ou contre la décroissance. On ne peut réduire l'évaluation de la richesse à la seule qualité de l'appareil statistique -excellent en France- qui n'appréhende que le marchand.

Après des décennies de déclin de la dépense directe et de creusement des inégalités sociales et, singulièrement, patrimoniales, cette proposition de loi nous invite à mener la réflexion. France Stratégie, qui a remplacé l'ancien commissariat général au plan, y a contribué, sous l'égide de Jean Pisani-Ferri, en élaborant de nouveaux indicateurs. La dimension incorporelle y est importante -avec la mesure notamment de la qualité de la main-d'oeuvre. Les paramètres retenus ne font pas le compte : il y manque bien des éléments clé. Que voulons-nous pour notre pays et son peuple ? Pour lancer un tel débat, qui atténuera les discours déclinistes en vogue, je vous invite à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC, écologistes et socialistes)

M. Francis Delattre .  - Les nouveaux indicateurs sont une question récurrente, mais qui cache des enjeux majeurs : il s'agit de tenir compte de la qualité de vie, et surtout des inégalités. Celles-ci se creusent : regardez nos écoles, nos territoires... L'égalité des chances devient un slogan sans contenu. Difficile pour nos jeunes d'accéder au logement - la faute, nous le savons, aux aides à la pierre, qui font monter les prix.

Inégalité aussi en matière de sécurité : il y a aujourd'hui plus d'agents de sécurité privés que de policiers dans nos commissariats. Certaines résidences sont gardiennées 24 heures sur 24, quand les habitants de certaines cités HLM doivent attendre des heures l'intervention de la BAC après avoir subi des incidents graves... Inégalités entre les territoires : voyez en région parisienne, celles entre la métropole et les départements de grande couronne.

M. Roger Karoutchi.  - La faute au Gouvernement !

M. Francis Delattre.  - Dans le Val-d'Oise, pas une seule classe préparatoire aux grandes écoles... Il faut pouvoir louer une chambre à Paris pour y étudier...

Ces questions ne peuvent être balayées d'un revers de main. Un rapport, vu l'objectif, c'est bien insuffisant.

Le PIB apparaît, en effet, déconnecté des réalités : il a continué de croître alors que les Français voient leur pouvoir d'achat baisser... D'où un décalage entre le discours politique et la réalité ressentie.

Disposer d'autres indicateurs, axés sur le logement, la santé, l'emploi, la formation, serait donc bienvenu, alors que beaucoup de Français ruraux ou rurbains se sentent abandonnés.

En région parisienne, le critère du logement est essentiel : les Parisiens consacrent 50 % de plus à se loger que les Allemands... Or l'impact sur la croissance est faible.

Ce texte nous amène à réfléchir mais le dispositif proposé est bien modeste. Que dire des inégalités en matière de transport, qui devraient avoir un effet sur la péréquation ? En région parisienne, nous sommes dépendants des transports...

La commission Stiglitz a travaillé sur la mesure de la performance collective dès 2008 -sur la proposition de Nicolas Sarkozy. Composée de cinq prix Nobel d'économie, dont M. Stiglitz et le professeur d'Harvard, M. Sen, de grands économistes français comme Jean-Paul Fitoussi... Le Cese s'est aussi penché sur la question des nouveaux indicateurs de richesse. Tout le monde y travaille -mais sans grande visibilité...

En Allemagne, une commission transpartisane est à l'oeuvre. Qu'attendons-nous ?

La proposition de loi est intéressante mais limitée. Il convient en effet de mesurer l'impact de ces indicateurs sur les lois de finances ; une discussion au moment de la loi de règlement ou de la transmission de notre trajectoire budgétaire à Bruxelles serait un moment plus approprié.

Une mise à jour de ces indicateurs permettrait peut-être de lever bien des injustices en matière de péréquation horizontale...

Bref, le groupe UMP n'est pas hostile à ce texte, mais plus qu'un énième rapport, nous attendons de l'action ! Nous nous abstiendrons donc. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Franck Montaugé .  - Cette proposition de loi amène à réfléchir à la quantification du politique. Une représentation chiffrée, aussi sophistiquée soit-elle, mesure d'un côté la performance, de l'autre la démocratie. C'est entre ces deux approches que se situe la façon dont les gouvernements utilisent le système du chiffre, sous l'emprise du principe d'efficacité.

La question de la performance des politiques est centrale et doit faire l'objet d'un débat démocratique. La performance, mal orientée et mal choisie, peut desservir la démocratie et l'intérêt général. Le PIB ne dit rien du développement des inégalités, ce qui explique le décalage entre ce que mesurent les experts et ce que perçoivent les citoyens. Cela explique également les résultats des dernières élections. Comment re-intéresser les Français à la chose publique, au Politique ?

Je souscris au discours de Jean-Paul Fitoussi : les inégalités nourrissent l'exclusion et les violences sociales, sapant la confiance et la démocratie qui constituent aussi les fondements de notre développement. Il faut mieux associer les Français à la décision politique. Dans L'Humanitude au pouvoir - Comment les citoyens peuvent décider du bien commun ?, le professeur Jacques Testard expose l'étonnante capacité des citoyens à comprendre les enjeux, à réfléchir, à délibérer et à prendre des décisions au nom de l'intérêt commun. À preuve les jurys citoyens, constitués pour traiter des controverses socio-techniques.

Je propose donc de créer des conférences citoyennes du bien commun chargées de proposer des indicateurs qui fassent le lien entre la politique et le quotidien des Français.

Cette proposition de loi constitue un premier pas sur ce chemin démocratique et républicain, je la voterai et continuerai à formuler de nouvelles propositions (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

Discussion des articles

ARTICLE UNIQUE

M. Éric Bocquet .  - L'économie n'est pas seulement affaire de chiffres, elle est aussi affaire de ressenti.

À notre sens, nous pourrions tout aussi bien mesurer les inégalités de patrimoine ou celles devant l'allongement de la durée de vie. Il faut revoir nos indicateurs de mesure quand la crise se traduit par un désengagement citoyen, un désinvestissement lors des élections.

Dans le même ordre d'idées, le service public, la protection sociale, les actifs nets publics méritent une évaluation. Sans eux, que serait devenue la France ? Le débat est ouvert et doit se poursuivre sans masquer les forts antagonismes qu'il sous-tend.

Mme la présidente.  - L'adoption de l'article unique vaudra celle de la proposition de loi.

L'article unique est adopté.

Mme la présidente.  - En conséquence, la proposition de loi est adoptée définitivement. (Applaudissements sur les bancs écologistes ; quelques sénateurs socialistes et M. Antoine Lefèvre, rapporteur, applaudissent aussi)

Guide de pilotage statistique pour l'emploi

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution relative au guide de pilotage statistique pour l'emploi. La parole est à M. Desessard

M. Francis Delattre.  - Encore ? Si l'on continue ainsi, c'est lui qui ira bientôt au Gouvernement ! (Sourires)

M. Jean Desessard, auteur de la proposition de résolution .  - Eh oui, il y a un mercato !

Lors d'un débat récent sur la formation des chômeurs, j'abordais la question des emplois non pourvus. D'après le Conseil d'orientation pour l'emploi, ils seraient au nombre de 820 000 en France.

Fin 2013, j'interrogeai de nouveau le ministre. Invité au ministère, je m'y rendis le dossier sous le bras. Et là, je me suis trouvé face à une « techno » qui m'a tétanisé et assommé de chiffres. Et patati, et patata. C'est comme quand, dans nos circonscriptions, un chômeur nous interroge sur sa situation personnelle et que nous répondons à coup de mesures qui et que, et patati, et patata.

Tout de même, 820 000 emplois non pourvus ! Pour un peu moins de la moitié, ce serait le temps incompressible pour trouver un remplaçant à un salarié parti ou pour occuper un poste créé. Admettons. Restent 420 000 emplois vacants. Autant de tentatives de recrutement seraient abandonnées, faute de candidat adapté. On pourrait offrir 420 000 emplois à des chômeurs, rendez-vous compte. Monsieur le ministre, je vous les offre !

Un tiers des PME et des TPE auraient abandonné un projet de recrutement en 2013. À vérifier.

L'attractivité de l'emploi serait en cause : attractivité objective, liée au salaire et aux conditions de travail, ou subjective, liée à l'image du métier. On manque de maçons, dit-on partout. Pourtant, lorsque je vais sur le site de Pôle emploi, je vois plus d'offres que de demandes. À vérifier... L'image de la restauration, elle, s'est beaucoup améliorée avec toutes les émissions du genre de Masterchef.

Quand considère-t-on qu'un poste est vacant ? Un emploi de quinze jours à mi-temps, est-ce un véritable emploi ? Tel poste vacant dans la boucherie ne correspond-il pas plutôt à une évolution du secteur, les bouchers préférant peut-être aujourd'hui travailler au supermarché en tant que salariés ? À vérifier, à affiner.

Les vacances dans le secteur médical ? On peut agir : là, c'est le numerus clausus qui est en cause. L'inadaptation de la formation professionnelle, évidemment, est une autre raison. Il faut une évaluation de toutes les offres.

Bref, on pourrait faire bien des choses si l'on disposait d'un guide de pilotage statistique, bref d'un GPS, qui nous conduise à destination. On le mettrait en place et hop ! On saurait si les conditions de travail sont en cause, ou le travail, etc...

J'ai consulté le site de Pôle emploi. On m'a dit : on manque de maçons. Je suis allé voir en Côte-d'Or : 17 offres, 80 offres proches, pour 2 716 curriculum vitae. On m'a dit : on manque de frigoristes. À Paris, 50 offres pour 2 158 curriculum vitae. Les ascensoristes ? En Seine-Saint-Denis où, dit-on, les ascenseurs tombent souvent en panne, une offre pour 729 curriculum vitae ! Autre exemple : 12 056 curriculum vitae pour 4 offres d'aides comptables et 146 proches dans l'Ain.

Que fait Pôle emploi ? Si l'on y regarde de près, Pôle emploi publie la même offre de maçon sous différentes bannières. Une start up propose des applications pour rapprocher l'offre de la demande. Quand je l'ai interrogée sur les postes non pourvus, elle m'a resservi le même discours que la technocrate du ministère. En somme, c'est l'histoire de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu un emploi non pourvu.

J'arrête là : tout le monde a compris. Il faut un GPS pour comprendre les causes de ces emplois non pourvus. Le ministre me dira : vous avez raison mais il n'y a pas d'argent. Il y en a ! Lisez Le Canard enchaîné de cette semaine et la manière dont Burger King fait travailler des salariés gratuitement sous couvert de formation payée par Pôle emploi.

Il faut y voir clair sur ces emplois non pourvus et arrêter de présenter tous les chômeurs comme autant de fainéants qui ne veulent pas se salir les mains ! (Applaudissements sur les bancs écologistes, socialistes, centristes et sur certains bancs de l'UMP)

M. Claude Kern .  - Le groupe écologiste a eu raison de soulever ce débat : notre classe politique, dans son ensemble, fait croire que notre pays est assis sur un gisement d'emplois non pourvus. Celui-ci n'a jamais été évalué. D'où une bataille de chiffres qui alimente un discours stigmatisant à l'endroit des chômeurs et justifie des mesures à leur encontre. Clarifions cette nébuleuse ; nous avons effectivement besoin d'un guide de pilotage statistique.

D'abord, ne confondons pas, comme font les médias, emplois vacants et emplois non pourvus. Au sens européen, la notion d'emploi vacant est bien plus large car elle ne comporte aucune indication sur la durée de la vacance. Quant aux emplois non pourvus, sur lesquels nous ne disposons d'aucune source statistique précise, il peut s'agir aussi bien d'offres non encore pourvues que d'offres annulées.

Le règlement du 23 avril 2008 d'Eurostat impose aux États membres de transmettre leurs données sur les postes vacants. Les données françaises sont incomplètes : les secteurs apicole, sylvicole et piscicole ainsi que l'administration ne sont pas pris en compte. Dans ces conditions, comment effectuer des comparaisons fiables ?

Revenons sur le chiffre de 820 000 postes vacants. Il repose sur une extrapolation de Pôle emploi qui, pour les emplois de plus d'un mois, est aujourd'hui devancé par les recruteurs du web. Avec la révolution du numérique, beaucoup d'emplois ne sont plus pourvus par l'agence. En conclusion, le groupe UDI-UC soutient l'élaboration d'un outil statistique qui favorisera l'emploi et créera des postes. (Applaudissements sur les bancs écologistes, au centre et sur quelques bancs à droite)

Mme Colette Mélot .  - Dans un pays où le taux de chômage atteint 10 %, il y a de quoi s'inquiéter du nombre de postes vacants, estimé à 820 000. Entre un quart et un tiers des entreprises rencontreraient des difficultés pour recruter et quelque 400 000 offres d'emplois seraient abandonnées chaque année. Le fonctionnement des entreprises s'en trouve ralenti, l'image des chômeurs dégradée.

Certes, il existe des études sur le sujet, comme l'enquête Besoin de main-d'oeuvre de Pôle emploi, l'observatoire Tendance, emploi, compétences du Medef, l'enquête Ofer de 2005, ou l'enquête annuelle mondiale sur les pénuries de talents de Manpower. Elles ne sont pas suffisantes et utilisent des critères souvent différents.

Les causes globales de la vacance massive d'emplois sont connues mais le poids de chacune est difficile à estimer car elles varient selon les régions et les corps de métier. Les emplois peuvent rester non pourvus du fait de problèmes structurels, d'un manque de fluidité du marché du travail, de conditions particulières de mobilité, d'une saisonnalité.

Je partage le diagnostic et les recommandations du Conseil dans son rapport de 2013. Un guide de pilotage sera utile à condition, et je le dis en tant que membre de la commission des affaires européennes, de l'élargir au niveau européen. Comme membre de la commission de la culture, cette fois-ci, je souligne que ce guide ne sera pas efficace si l'on n'adapte pas les formations aux besoins.

Le groupe UMP soutiendra ce texte.

M. Maurice Vincent .  - Les chiffres varient de 300 000 à 800 000 emplois non pourvus en France. Leur taux serait de 0,3 à 0,5 % d'après Eurostat, mais l'on sait combien sont fragiles les bases de son calcul.

Contrairement aux idées reçues, la France affiche un taux relativement faible d'emplois vacants. Mais c'est qu'elle offre peu d'emplois. Non, notre pays n'abrite pas une armée de chômeurs fainéants ! Le Portugal, l'Italie, l'Espagne sont dans la même situation que nous. L'Allemagne a un très grand nombre d'emplois vacants, ce qui l'amène à favoriser l'immigration professionnelle. Il est clair qu'il faut à la fois une meilleure croissance et une plus grande fluidité du marché du travail.

Les postes non pourvus sont plus nombreux dans l'agro-alimentaire et l'hôtellerie-restauration, à cause de la faiblesse des salaires. Et je ne suis pas sûr que ce n'est pas aussi une question d'image. : plus qu'aux Masterchefs, celle de la restauration est associée aux fast food et à la précarité. Offres d'emploi non satisfaites dans les métiers de bouche, la santé, les transports, et aussi dans l'informatique. Les causes sont très différentes : images, conditions de travail, faiblesse des salaires. Pour l'informatique, il y a une vraie pénurie de candidats qualifiés.

L'État et les régions ont pris des mesures. Deux plans successifs de 30 000 puis de 100 000 formations prioritaires sur les métiers en tension ont été mis en oeuvre et ont dépassé leurs objectifs. Le programme « Compétences clé » en informatique et en langues a du succès : 50 000 formations annuelles. S'y ajoute la préparation opérationnelle à l'emploi, en progression de 9 % en 2014.

Cela dit, l'offre de formation reste trop foisonnante et trop complexe. Les 32 milliards d'euros de dépenses annuelles pour la formation professionnelle pourraient être employés plus efficacement.

Prolongeons donc cette dynamique avec un outil de pilotage statistique. Le groupe socialiste soutient cette proposition et demande au Gouvernement de rappeler ce qu'il fait pour améliorer nos politiques de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Dominique Watrin .  - L'exposé des motifs met à juste titre le doigt sur les difficultés des PME. Le phénomène des emplois non pourvus a d'abord des causes économiques : des prévisions d'embauche peuvent être remises en question pour cause de manque de trésorerie. Pour lutter contre la précarité de trésorerie qui frappe surtout les PME, le groupe CRC demande depuis longtemps une aide spécifique afin de faciliter le financement de leurs projets, y compris à des taux négatifs.

Deuxième cause : l'attractivité du poste. Il est trop facile de culpabiliser les demandeurs d'emploi lorsque les causes réelles et objectives du manque d'attractivité d'un poste sont liées au contenu du travail et à sa rémunération.

Troisièmement, l'inadéquation entre les compétences du candidat et les besoins de l'employeur. C'est d'abord une question d'information : le candidat est-il en capacité de s'informer sur un poste vacant correspondant à ses compétences ? Et réciproquement, les entreprises savent-elles communiquer de manière efficace pour informer de l'existence d'un poste ?

Second point, la mobilité : les centres d'emploi sont souvent rassemblés autour des grandes agglomérations, mais les besoins sont partout. Il peut en résulter des barrières à la mobilité si les questions du transport, du logement ne sont pas posées.

Améliorer l'information des chômeurs, faciliter leur mobilité pour se rendre dans les agences de Pôle emploi souvent ancrées dans les grandes villes, créer un GPS emploi, tout cela est bon. Cependant, c'est frapper à côté de l'essentiel. La France compte 5 millions de laissés-pour-compte de l'emploi ! Des outils statistiques existent déjà, les régions sont à l'oeuvre, ne retirons pas un argent qui est versé à Pôle emploi.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRC votera contre cette proposition. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Claude Requier.  - Un Galileo pour l'emploi ? Espérons que cela fonctionne. (Sourires)

On l'a dit, les chiffres varient énormément sur les emplois non pourvus : 350 000 selon le Gouvernement, 400 000 selon le Medef... Quoi qu'il en soit, l'appariement entre offre et demande est complexe en cette période de fort chômage. Les employeurs peinent à trouver des candidats au profil adéquat dans des secteurs tels que les transports, l'hôtellerie ou le bâtiment. Si certains emplois ne trouvent pas preneurs, c'est sans doute à cause des salaires faibles, des horaires atypiques, des conditions de travail qui concourent à la mauvaise image de certains métiers. C'est aussi parce que les formations ne sont pas adaptées : trop d'étudiants sont encore orientés vers des filières saturées comme la sociologie ou la psychologie. Comme l'a récemment souligné Mme Laborde à cette tribune, le développement des compétences est un outil majeur pour l'accès à l'emploi et la compétitivité des entreprises.

Face à cela, le Gouvernement a lancé le plan formation prioritaire pour l'emploi avec un objectif de 30 000 formations pour les emplois non pourvus fin 2013. Il a rencontré le succès : les deux tiers des chômeurs concernés ont trouvé un emploi, le plus souvent durable, dans les six mois.

Pour 2014, le cap était de 100 000 formations supplémentaires, 57 000 inscriptions étant déjà enregistrées en juillet. Ce plan est une réussite, je vous en félicite, monsieur le ministre.

La mesure des intentions de recrutement des employeurs, grâce à l'enquête des besoins en main-d?oeuvre de Pôle emploi -1,6 million d'établissements questionnés- est également précieuse.

Nous voterons cette proposition de résolution intéressante. C'est la deuxième fois en une matinée que nous votons avec les écologistes ! (Applaudissements et sourires sur les bancs écologistes)

M. Jean Desessard .  - Je me réjouis de la large convergence sur ce texte. Certes, chers collègues communistes, un GPS ne suffit pas pour circuler, il faut aussi un véhicule... Sans prétendre résoudre le problème, nous voulons vous aider, monsieur le ministre, à résorber le chômage, problème numéro un dans nos territoires.

Avec cet outil, on saura si le problème tient, dans tel cas, à la formation -et l'on pourra organiser une formation adaptée. Si cela tient à l'attractivité du poste, on pourra en discuter avec les employeurs. Il faut aussi anticiper les évolutions à venir, le développement de la robotique... Mais nous n'en sommes pas là. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.  - Peut-on quantifier précisément les emplois non pourvus et, grâce à cela, avancer ? Les méthodes d'analyse diffèrent et les choses changent vite.

Vous raisonnez comme si toutes les offres étaient déposées à Pôle emploi, alors que 40 % seulement le sont. Rien n'oblige les employeurs à déposer une offre. D'où la mise en place d'un emploi store pour en regrouper à Pôle emploi un maximum ; les nouveaux outils informatiques seront mis à contribution. C'est vrai aussi qu'il y a des abandons en cours de recrutement, qui concernent un tiers des PME. Nous voulons agir au plus près du terrain : organiser des formations avec les régions, Pôle emploi, les branches professionnelles, pour répondre aux demandes des entreprises. Et ça marche. Ont été mises en place 30 000, puis 100 000 formations prioritaires l'an dernier pour des emplois non pourvus. Pôle emploi, c'est la fusion de deux cultures devenues complémentaires ; 4 000 emplois y ont été créés en deux ans, monsieur Watrin.

Les méthodes statistiques diffèrent. Selon l'Union européenne et le BIT, il y aurait 2,9 millions de chômeurs en France ; selon nos propres statistiques, 3,6 millions inscrits à Pôle emploi en catégorie A -écart d'autant plus surprenant qu'il n'existait pas il y a quatre ans.

J'ai reçu M. Desessard au ministère -mieux, je l'ai réinvité après un premier rendez-vous oublié ! (sourires)-, signe de l'intérêt que j'attache à la question. Il est évidemment inacceptable que tant d'emplois restent non pourvus.

Qu'il y ait des emplois vacants, c'est une caractéristique structurelle du marché du travail, où des emplois sont sans cesse créés ou détruits. La notion d'emploi non pourvu recouvre des réalités différentes : délai normal de recrutement, offre retirée parce que le besoin a disparu, annulation du recrutement faute de candidats.

C'est le dernier cas qui révèle les difficultés de recrutement des entreprises. Selon la Dares, qui produit des enquêtes statistiques de grande qualité, monsieur Desessard, les échecs de recrutement se montent à 300 000 par an - 1,5% des recrutements annuels hors intérim. Les employeurs avancent plusieurs raisons : manque de candidats, compétences inadaptées ou non disponibles... Cela arrive surtout dans de petites entreprises qui recrutent rarement. Moins on recrute, plus on a de difficulté à recruter... Ces échecs ont trois causes : la difficulté à monter un projet de recrutement, l'inexpérience du recruteur et l'appariement complexe entre l'offre et la demande. Il faut agir sur ces trois fronts.

Avec l'outil statistique proposé par M. Desessard -GPS, je reconnais votre sens de la communication-, il s'agirait de recenser tous les emplois non pourvus, bassin d'emploi par bassin d'emploi et secteur par secteur, et d'en identifier à chaque fois la raison. Tâche longue, immensément complexe et coûteuse, pardon de vous le dire. Les travaux existants sont nombreux, il faut les mobiliser.

Pour comparer, il faut harmoniser les méthodes de calcul. Le marché de l'emploi est devenu un marché pour nombre de start up, qui vont faciliter la mise en relation des employeurs et des candidats. Bientôt, on trouvera une offre d'emploi dans les deux kilomètres autour de soi en agitant son IPhone... C'est aussi le sens de « l'emploi store »

Les situations varient grandement selon les secteurs et les territoires. Au niveau national, plusieurs outils existent : l'enquête de besoin de main-d'oeuvre de Pôle emploi, les indicateurs de tension du marché par familles professionnelles de la Dares, mais aussi les travaux des branches et ceux des comités de filière. Le Comité d'orientation pour l'emploi croise toutes les données disponibles. France stratégie a déjà identifié les besoins qui se feront sentir en 2022 ; nous devons nous y préparer grâce à la formation.

Des formations courtes peuvent suffire, même sans certification : vous avez évoqué le cas de Burger King, qui va créer 3 500 emplois -peut-être pas ceux dont on rêve mais un emploi est un emploi, chaque embauche est une chance ! Ce sont les partenaires sociaux qui valident les formations, 20 000 l'ont été ces deux derniers mois, de toute durée ; 1,2 million de comptes personnels de formation ont été ouverts depuis le 1er janvier.

Les données existent donc. Comment les exploiter concrètement pour aider les entreprises à mieux communiquer sur leurs offres, ou pour créer de nouvelles formations ? Nous agissons selon trois axes principaux : la diffusion des offres, d'abord, ce que Pôle emploi appelle la « transparence du marché du travail », en partenariat avec les acteurs de l'emploi en ligne ; l'accompagnement des recruteurs, ensuite, conformément à la convention tripartite de décembre 2014 ; enfin, l'aide à la mobilité des demandeurs d'emploi. J'ai présenté, à Bruxelles, un plan contre le chômage de longue durée et je souhaite que l'Union européenne agisse aussi pour faciliter la mobilité des chômeurs les plus éloignés de l'emploi. Les Direccte se mobilisent.

Identifier les métiers et les territoires où les besoins sont les plus grands est essentiel. Une enquête de la Dares « Offres d'emploi et recrutement » est en préparation ; les embauches de la rentrée 2015 y seront détaillées.

M. Jean Desessard.  - Mettez-la en ligne !

M. François Rebsamen, ministre .  - Créer des outils plus globaux serait long, si l'on veut que la méthodologie soit fiable, et coûteux. D'ailleurs, tant que l'on n'obligera pas les employeurs à déposer leurs offres à Pôle emploi, on ne disposera pas d'un instrument statistique parfait. Nous préférons apporter des réponses rapides, immédiates, grâce à la formation. M. Requier l'a rappelé : en 2014, 466 000 formations ont été suivies sur le territoire.

Je m'en remets, sur cette proposition de résolution, à la sagesse proverbiale du Sénat. (Applaudissements)

Mme la présidente.  - La conférence des présidents a décidé que les interventions au cours de la discussion générale valaient explications de vote.

La proposition de résolution est adoptée.

(Applaudissements sur les bancs écologistes)

La séance est suspendue à midi et demi.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.

Débat sur la préparation de la révision de la loi de programmation militaire

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur la préparation de la révision de la loi de programmation militaire.

M. Dominique de Legge, au nom du groupe UMP - L'UMP a souhaité ce débat pour deux raisons : d'une part, la loi de programmation militaire dispose, en son article 6, qu'elle doit être actualisée avant la fin 2015 ; d'autre part, les annonces faites par le président de la République en janvier, à la suite des événements terroristes, qui doivent trouver une traduction budgétaire dès cette année, sont susceptibles de modifier le contenu de la loi de programmation militaire.

Mon groupe a toujours soutenu la politique de défense, quel que soit le Gouvernement. Mais une chose est de s'accorder sur les objectifs, autre chose est de s'en donner les moyens.

Ma première question, à cet égard, porte sur l'engagement de nos forces. Si le retrait d'Afghanistan et l'engagement au Mali étaient pris en compte, notre intervention en Centrafrique et en Irak n'était pas prévue lors du vote de la loi. L'opération Barkhane est déployée dans trois pays : Mali, Tchad et Niger. La mobilisation de nos effectifs sur le territoire national n'était pas activée. Envisagez-vous de revoir la trajectoire budgétaire en conséquence ? Les 31,4 milliards d'euros pour la période 2014-2016 sont-ils toujours d'actualité ? Passer à 32,5 milliards, de 2017 à 2019, suffira-t-il ?

Le président de la République a annoncé la mise en place du plan Sentinelle en janvier et annoncé l'infléchissement de la déflation des effectifs. Nous venons de prendre connaissance du décret d'avance. Pouvez-vous nous en dire plus ?

La déflation devait être de 24 000 postes entre 2014 et 2019 ; elle serait limitée à 16 500 postes. La LPM précisait qu'elle devait servir à financer les équipements. Or plus d'hommes, c'est plus d'équipements. Qu'en est-il réellement ? Quel impact budgétaire ? S'agit-il d'une donnée nouvelle, au-delà de la LPM, ou d'une modification ponctuelle du texte ?

Les Opex coûteront 450 millions d'euros en 2015, soit autant que les années précédentes. Peut-on continuer à sous-estimer ces dépenses, estimées, si elles avoisinent celles des années précédentes, à quelque 1,2 milliards d'euros ? Je sais bien qu'elles sont censées être financées par la réserve interministérielle. Je conteste d'ailleurs cette notion qui fait contribuer tous les ministères en fonction de leur poids dans le total. Peut-on ignorer que le ministère de la défense lui-même contribue d'autant plus, paradoxalement, que ses ressources baissent ? Peut-on continuer à inscrire des dépenses pour un tiers de leur valeur réelle ? De 2013 à 2015, c'est ainsi un milliard d'euros qui a manqué à la LPM...

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, rapporteur - Non !

M. Dominique de Legge, au nom du groupe UMP  - En tout cas, je ne crois pas que l'on puisse parler de sanctuarisation !

La présence de nombreux chefs d'État et de Gouvernement à Paris le 11 janvier nous a fait chaud au coeur. Mais nous aimerions une solidarité plus tangible. Le terrorisme est l'affaire de l'Europe entière, pas seulement de la France. Le Premier ministre a eu raison de rappeler à la Commission européenne que c'est la France qui, pour l'essentiel, assure la sécurité de l'Europe. Il n'est évidemment pas question de se soustraire à la règle comptable des 3 %, mais d'espérer un peu plus de solidarité.

J'en viens aux conséquences de la vente à l'Égypte d'une frégate construite pour nos armées : affecte-t-elle les autres livraisons, en volume et en délai ?

M. André Trillard.  - Très bonne question.

M. Dominique de Legge, au nom du groupe UMP.  - Le produit sera-t-il reversé au budget militaire ? Que deviendra l'équipage ? Quelles sont, de même, les conséquences de la vente des Rafale ?

Les recettes exceptionnelles, qui ne sont certes pas nouvelles, sont un autre motif d'inquiétude. J'accuse Bercy de financer nos armées par de la monnaie virtuelle, alors que les menaces qui pèsent sur nous sont, elles, bien réelles : Bercy sait depuis des mois que les ventes de fréquences ne se réaliseront pas, il ne peut ignorer le rapport récent de l'inspection générale des finances, du contrôle général des armées et de la délégation générale de l'armement qui l'a confirmé.

En réponse à un courrier commun des présidents Larcher et Raffarin, lors du vote du budget, le président de la République a feint de croire que des recettes exceptionnelles seraient au rendez-vous. Le 17 mars, le Premier ministre a fait la même réponse à une lettre du président Raffarin, quand vous-même, monsieur le ministre, concédiez devant la commission chargée d'examiner le projet de loi sur la croissance et l'activité que la création des sociétés de projet était destinée à compenser le retard de la vente des fréquences.

MM. Charles Revet et Christian Cambon.  - Incroyable !

M. Dominique de Legge, au nom de groupe UMP.  - Je condamne ce détour par un projet de loi qui n'a rien à voir avec les affaires régaliennes de défense. Notre amendement de suppression de l'article 50 ne préjugera pas de notre position sur les sociétés de projets, mais nous réclamons un débat et un arbitrage clairs.

Jamais nous n'avons vécu dans un monde aussi complexe, menacé de manière aussi diffuse. Nous avons besoin de clarté. Or les sociétés de projets restent floues. Monsieur le ministre, contrairement à ce qu'écrit M. le Premier ministre, dans sa lettre au président Raffarin l'invitant à se rapprocher des ministères concernés, au motif qu'il lui serait difficile « d'apporter les éléments techniques de réponse » (exclamations à droite), ces sujets ne sont pas techniques mais politiques : un Premier ministre est là pour arbitrer !

J'espère que vous pourrez apporter des réponses à nos questions. Le président de la République, chef des armées, doit enfin arbitrer. Il le doit à la représentation nationale qui vote la loi et représente l'unité nationale. (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC)

M. Joël Guerriau .  - La LPM nous permet de faire face aux nouvelles menaces dans un contexte contraint. Elle est toutefois devenue incompatible avec les réalités : généreusement, l'article 6 prévoit son actualisation.

Premier défi : notre crédibilité budgétaire. Les 31,4 milliards d'euros de dépenses annuelles étaient censés être financés par la cession de fréquences hertziennes. Or celles-ci sont compromises. De plus, les Opex se sont multipliées. Résultat : le compte n'y étant pas, le Sénat a dû rejeter, en décembre, les crédits de la mission Défense.

Des sociétés de projets étaient censées être mises en place en quelques semaines. N'est-ce pas trop tard ? Avec quelles incidences juridiques ? Quelles conditions de mise à disposition du matériel ? Faute d'informations, la commission a dû supprimer l'article 50 A.

Bref, comment allons-nous financer nos opérations extérieures en définitive ?

Nous sommes engagés en Irak, en République centrafricaine et au Mali, pour la sécurité de tous, mais seuls. L'opération Sentinelle, depuis janvier, mobilise plus de 10 000 personnes.

Bref, nous avons besoin d'hommes, de matériel, de financement. Nous devons soit trouver de nouvelles ressources, soit nous désengager.

L'action au coup par coup n'est plus possible. Prenons le temps de décider, faute de quoi, nous fragilisons le monde combattant. Celui-ci a déjà été fragilisé par les problèmes du logiciel Louvois et par la déflation des effectifs. Les prévisions de la LPM se réaliseront-elles avec des Opex en hausse ?

Il nous faudra trancher entre une dépense recentrée sur notre sol et une dépense plus ambitieuse, mais alors soutenue par l'Europe. Son soutien financier fait aujourd'hui cruellement défaut.

Pour que nos interventions portent, il faut être capables de les mener jusqu'au bout. Rappelons-nous que le président Chirac s'est opposé à ce qu'on accompagne les Américains en Irak.

M. Jeanny Lorgeoux.  - Alors il ne fallait pas aller au Mali ? En République Centrafricaine ?

M. le Président.  - Veuillez conclure.

M. Joël Guerriau.  - L'argent est le nerf de la guerre. La détermination seule ne suffit pas. Le groupe UDI soutiendra toute action en faveur de l'armée française. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jacques Gautier .  - La France est présente sur de nombreux théâtres extérieurs et, depuis début janvier, ses militaires sont aussi déployés sur le territoire national. 10 000 hommes sont ainsi postés aux points sensibles de notre pays. La menace terroriste est en effet présente, au sud de l'Europe et au coeur même de notre société.

Mais, en additionnant Opex, forces de dissuasion et de présence, en opération Sentinelle, la LPM ne tiendra pas dans la durée. La réduction de la déflation a un prix ! Et le budget de la France a été calibré au plus juste !

Bercy ne devra pas recourir à un nouveau stratagème comptable.

MM. Christian Cambon et Alain Gournac.  - Très bien !

M. Jacques Gautier.  - Il n'y aura pas de reprise économique, d'avancées sociales, de développement durable, sans un engagement militaire. La France doit contribuer à la lutte contre la pieuvre terroriste.

Monsieur le ministre, vous avancez cinq pistes de révision de la loi de programmation militaire : revoir la trajectoire de réduction des effectifs et intégrer le nouveau modèle de l'armée de terre, défini par le général Bosser, dit « au contact » - cela nécessitera des crédits.

Vous voulez afficher de nouvelles priorités : forces spéciales, moyens informatiques. Soit. Mais, comme nous l'avons souligné dans notre rapport avec le président Larcher et Daniel Reiner, il faudra non seulement accroître les effectifs du COS (commandement des opérations spéciales) de 3 000 à 4 000 hommes, mais aussi consacrer un budget dédié aux équipements, individuels et collectifs, dont doivent être dotés les forces spéciales.

Il faudra également alléger les procédures d'homologation de ces équipements. Pourquoi ne pas simplifier le code des marchés financiers et abonder tout de suite d'une dizaine de millions d'euros les moyens ridicules dont dispose le COS pour ses préparations et équipements d'urgence.

Des crédits manquent à la Recherche et Développement, les industriels les attendent. Prêtons une plus grande attention, en particulier, au drone Reaper et à celui qui sera lancé, au niveau européen, avec l'Allemagne et l'Italie.

Je salue votre engagement pour l'exportation de nos matériels militaires, monsieur le ministre, mais nous pouvons faire davantage pour nos industriels.

Les ressources exceptionnelles ne seront pas au rendez-vous. Bercy va encore nous faire le coup de la baisse du prix du carburant, de la réduction de l'inflation, etc. Ce n'est plus acceptable ! Assez de subterfuges : le remplacement de nos équipements ne peut plus attendre. Il nous faudra au moins 3 milliards d'euros supplémentaires.

Je n'ai pas le temps d'aborder la coopération des États membres de l'Union européenne. Enfoncez le clou à Riga, monsieur le ministre ! Le coût des Opex et les interventions pour la défense devraient être exclus du calcul des dépenses maastrichtiennes.

Le président de la République, chef de nos armées, devra faire preuve d'un engagement total. (Applaudissements sur tous les bancs sauf sur les bancs CRC)

M. Daniel Reiner .  - Du 11 septembre 2001 à Sanaa, en passant par le Mali, le terrorisme frappe et fait fi des frontières. Nous l'avons vu, cruellement, en janvier. Des mesures ont immédiatement été prises.

Certes, les Livres blancs de 2010 et 2013 avaient anticipé la menace. Mais nous devons anticiper l'anticipation ! C'est à cette fin que le groupe UMP a demandé ce débat.

Le Livre blanc de 2013 préconisait un renforcement des forces terrestres à hauteur de 10 000 hommes. C'est le chiffre retenu par l'opération Sentinelle, qui s'ajoute aux Opex...

Nous devons continuer à lutter contre le terrorisme à l'extérieur car c'est là que naissent les menaces sur notre territoire. Le président de la République a pris la mesure de la tension sur les effectifs en annulant la déflation à hauteur de 7 500 postes.

Le Livre blanc de 2008 prévoyait une baisse de 54 000 postes, celui de 2013, de 24 000. Ce sera finalement beaucoup moins, compte tenu du contexte. Cet effort est nécessaire pour la sécurité des Français. Il faudra alors faire sauter le verrou budgétaire et éviter les errements passés.

Premier motif de satisfaction : la fourniture d'équipements majeurs à l'Égypte. La vente de 24 Rafales à ce pays permettra de maintenir l'activité des chaînes de montage au niveau de l'engagement ancien de l'État vis-à-vis de l'entreprise.

Le débat actuel porte sur les sociétés de projets. Je rappelle que le budget de la défense a été sanctuarisé depuis 2012 à hauteur de 31,4 milliards d'euros, ce qui n'était pas facile. La trajectoire de la loi de programmation militaire a, pour l'heure, été tenue et je conteste le fait qu'il ait manqué un milliard d'euros, mais elle repose, en 2015, sur 2 milliards d'euros de recettes exceptionnelles. Les sociétés de projets se heurtent encore à des obstacles juridiques, qui seront levés par le projet de loi pour l'activité. La décision d'y recourir a été prise au plus haut niveau et ces sociétés de projets peuvent même se révéler utiles à long terme, répondant à la demande des industriels et de pays importateurs. Cette recette substitutive est conforme à l'article 3 de la loi de programmation militaire.

Cela dit, je vais vous livrer le fond de ma pensée. (On s'en félicite à droite)

Alors que chacun s'accorde à reconnaître la gravité des menaces et l'impérieuse nécessité d'assurer la protection des Français, le caractère aléatoire des recettes exceptionnelles contraste avec ce constat. Nous le savons : la cession de fréquences hertziennes a peu de chances de se réaliser. Cette année, et nous serons confrontés au même aléa l'an prochain, voire en 2016, le simple bon sens exige que la défense soit financée exclusivement par des crédits budgétaires. Nous avons besoin de crédits sûrs ! (M. Jacques Gautier applaudit)

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Daniel Reiner.  - Cessons de nous perdre dans de longs débats : cela nuit à la sécurité budgétaire de notre politique de défense. (Applaudissements des bancs socialistes aux bancs UMP)

Mme Leila Aïchi .  - Je veux d'abord saluer l'engagement hors normes de nos soldats ces derniers mois, qui ont largement contribué, sur notre territoire comme à l'étranger, à renforcer la cohésion nationale.

Il y a urgence à réfléchir sur les priorités diplomatiques. Pouvons-nous agir en Afrique et au Moyen-Orient simultanément ? Les moyens alloués à la formation et à l'équipement pâtissent de la multiplication des Opex.

L'humain doit primer, alors que les tensions sont accrues du fait de la déflation des effectifs. Nous défendons une vision écologiste de la défense, alors que les conflits liés au climat se multiplient. Dans ce contexte, la logique globale de déflation des effectifs doit être revue.

La révision de la loi de programmation militaire doit s'inscrire dans un cadre européen. Les écologistes s'interrogent sur l'opportunité d'une privatisation du matériel opérationnel.

Nous ne pouvons plus non plus nous contenter d'une approche franco-française. La sécurité du cyberespace français passe par la coopération européenne ; l'utilisation efficace de drones dépend de l'adoption d'une doctrine d'emploi commune.

Un mot enfin sur le lien armée-nation. Le programme « Unis pour faire face », lancé par le chef d'État-Major de l'armée de l'air, permet à des aviateurs en formation de parrainer des jeunes en difficulté scolaire et de leur transmettre le goût pour l'aéronautique. Il s'agit d'une réelle chance pour ces jeunes qui, au travers de quelques heures par semaine en parallèle de leurs cours, ont la possibilité de découvrir et d'apprendre en dehors de leur cadre habituel, mais aussi d'améliorer leurs résultats scolaires. Multiplions ces initiatives, qui renforcent au quotidien le lien entre l'armée et les citoyens. (Applaudissements à gauche ; M. Yves Pozzo di Borgo applaudit aussi)

Mme Michelle Demessine .  - Deux mois après les attentats à Paris, tout le monde a pris conscience que le terrorisme était une menace majeure et durable.

Vous avez décidé d'avancer la présentation de la révision de la LPM au Parlement, monsieur le ministre, et nous vous en remercions.

La réduction de 26 000 postes d'ici 2019 et les 3 milliards d'euros manquants au budget de la défense sont les deux points cruciaux du débat.

La réduction inconsidérée des effectifs était une erreur, dictée par une vision purement comptable des choses.

Avec les interventions en Irak et dans la bande sahélo-saharienne, c'est la première fois que notre pays a autant d'hommes engagés à l'intérieur et à l'extérieur. Avec l'opération Sentinelle, 10 500 hommes sont déployés depuis plus de deux mois : les trois armées sont engagées au maximum de leurs capacités. Cela ne pourra durer car nos armées sont amenées à réduire leurs capacités futures à combattre.

Le Premier ministre a donc décidé d'infléchir de 30 % la déflation des effectifs. Comment ferez-vous concrètement ? Comment comptez-vous lever les incertitudes relatives aux ressources exceptionnelles ?

Il y a certes urgence, mais insérer un article sur les sociétés de projets dans une loi fourre-tout n'était pas la meilleure méthode. Sans parler de cavalerie budgétaire, cela traduit l'absence de vision à long terme. Ces sociétés ne sont pas sans risque pour l'État du point de vue financier. L'expérience britannique du leasing n'a pas été concluante. J'espère que vous tiendrez compte de nos inquiétudes, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs CRC ; M. Gilbert Roger applaudit aussi)

M. Philippe Esnol .  - Le 3 décembre dernier, je présentais les crédits de la mission Défense et tentais d'évaluer leur adéquation aux objectifs fixés. J'ai conclu positivement, hors quelques réserves. Depuis, les attentats de Paris, Copenhague et Tunis ont eu lieu. La menace a changé ; les craintes exprimées lors de la rédaction du Livre blanc se sont concrétisées.

La révision de la LPM est devenue nécessaire. Elle exigeait des armées des efforts considérables, en hommes et en équipement. Or, outre les opérations extérieures, 10 000 militaires ont dû être déployés en trois jours sur notre territoire à la suite des attentats de janvier, dans le cadre de l'opération Sentinelle, ce qui restreint les marges de manoeuvre en cas de nouvelle menace sécuritaire. Cette opération pèse lourdement sur nos soldats. La préparation opérationnelle a été réduite, les permissions supprimées.

En portant le nombre de réservistes de 28 000 à 40 000, vous avez pris, monsieur le ministre, une bonne décision. Nous devons réfléchir à un nouveau modèle d'armée de terre.

Nous approuvons la définition de nouvelles priorités ; les multiples cyberattaques dont nous avons récemment fait l'objet incitent à renforcer notre cyberdéfense. 3 milliards de ressources sont devenues incertaines. Les sociétés de projets sont une solution rien moins qu'incertaine. Un pas vers leur création a été franchi avec l'adoption d'un amendement dans la loi Macron mais la commission spéciale du Sénat l'a supprimé... Quel est le plan B ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense.  - Il n'y en aura pas !

M. Philippe Esnol.  - On attend 750 millions d'euros de dépenses supplémentaires par rapport aux prévisions ; l'opération Sentinelle coûterait 250 millions.

Tous les ministères, via la réserve, seront mis à contribution. Est-ce soutenable à long terme ? L'équipement de nos forces ne doit pas être une variable d'ajustement. Nous ne doutons en rien de votre détermination, mais la France est seule.

Seule l'Europe désarme, sous l'effet de la crise, tandis que le reste du monde réarme. Je n'appelle pas de mes voeux une force commune européenne mais une mutualisation des financements s'impose. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre. (Applaudissements à gauche)

M. David Rachline .  - Cessons de nous voiler la face, la loi de programmation militaire obéit à la seule logique budgétaire et ne répond pas à la menace. Entre deux missions de plusieurs mois, des services n'ont qu'une semaine de permission. La disponibilité de certains équipements n'est que de 10 %... Que dire de la fermeture du Val-de-Grâce, vitrine de notre service de santé des armés ?

M. Jeanny Lorgeoux.  - De Grâce !

M. David Rachline.  - La menace est fluctuante et évolutive. Sur les 160 pages du Livre blanc, l'Irak n'est cité qu'une fois, le mot islamisme n'apparaît pas. On sait pourtant quel risque représentent Daech et Boko Haram. Le maréchal Foch érigeait en principe le maintien de la liberté d'action qui passe par des capacités supérieures.

Vous augmentez les effectifs de l'armée de terre de 11 000 hommes ? Ce n'est qu'une diminution de la diminution... La défense a subi, en 2012, 60 % de l'effort de réduction des effectifs de l'État. En outre, le budget 2015 n'est pas sincère. Les sociétés de projets restent un artifice. Nous nous soumettons, hélas, aux injonctions budgétaires européennes.

Nous connaissons votre passion pour la défense nationale, monsieur le ministre, mais elle n'est partagée ni par certains de vos collègues ni par les technocrates de Bruxelles, qui font la pluie et le beau temps sur notre défense. Opérons donc un prélèvement sur la contribution française au budget européen, ils comprendront ! L'Allemagne, elle, participe peu aux Opex mais dépense pour ses armées, et elle est en train de nous dépasser. Un effort de 2 % du PIB par an, c'est le minimum pour la sécurité des Français et pour nos soldats qui l'assurent, parfois au prix de leur sang.

M. Jean-Pierre Raffarin .  - Les Français aiment leur armée et ce n'est pas un hasard : c'est lié à la qualité des chefs et de tout le personnel. Nos Opex récentes ont suscité une fierté légitime. Toujours apparaissent de nouvelles menaces. On peut être satisfait de ce qui se passe aujourd'hui à Lausanne mais quelles seront demain les conséquences pour la région ?

Il faut discuter des questions budgétaires, d'où ce débat. Nous ne voulons pas être mis devant le fait accompli en juillet. Il faut poser les problèmes pour trouver les solutions : 2,2 milliards de recettes exceptionelles à trouver et des besoins nouveaux liés à la multiplication des opérations.

Les chefs se sont engagés devant leurs troupes. Nous sommes tous collectivement engagés. Le chef de l'État le dit : les 31,4 milliards seront sanctuarisés, et sa parole n'est pas légère. Mais un ministère situé au bord de la Seine fait sa propre loi de programmation militaire, à 2 milliards de moins.

Mme Nicole Bricq.  - Facile !

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Nous n'acceptons pas ces hésitations. Personnellement, je ne suis pas choqué par les sociétés de projets. En tant que Premier ministre, j'ai eu recours aux partenariats public-privé ; il faut balancer le coût et l'intérêt. En revanche, il est désagréable d'entendre des responsables critiquer une solution qui sera finalement retenue.

Monsieur le ministre, vous n'avez jamais été ambigu. Au fond, c'est l'existence même de la programmation que l'on reproche aux armées. Bercy veut disposer du couperet budgétaire année après année. On a du mal, dans notre démocratie, contrairement à certains régimes autoritaires, à s'engager sur le moyen et long terme... (Applaudissements à droite)

L'engagement du président de la République à préserver la dissuasion nucléaire va dans le bon sens : cela dépasse les clivages politiques. Quant à la loi sur le renseignement, placer le bon curseur entre sécurité et libertés est évidemment très difficile, mais je pense que le texte gouvernemental a trouvé un équilibre. Quand la France compte des centaines de djihadistes et qu'elle a aussi deux millions de jeunes désoeuvrés qui peuvent être tentés par la radicalisation, le renseignement est plus que jamais indispensable.

Sur l'article 50 de la loi Macron, nous ne voulons pas que le Parlement bloque une solution pour nos armées. Nous sommes prêts à vous soutenir, monsieur le ministre, mais nous nous défions de certains de vos collègues de la rive droite, au bord de la Seine.

La sécurité est au fondement de l'unité nationale. La politique de défense est devenue centrale, elle touche à tous les enjeux nationaux, y compris à l'innovation, au développement industriel.

Quand les Français rêvent d'un retour du service national, ils pensent sans doute moins revenir à sa forme passée, devenue inadaptée, qu'exprimer une demande d'autorité : c'est bien l'image que donne notre Défense.

Ceux qui sont en charge de la défense doivent pouvoir dire aux Français : n'ayez pas peur ! (Vifs applaudissements au centre et à droite)

M. Christian Cambon.  - Excellent !

M. Gilbert Roger .  - Pourquoi ce débat, voulu par l'UMP, alors que la LPM doit être actualisée fin juin ? Personne n'est dupe de cette manoeuvre politicienne. (Exclamations sur les bancs UMP) Je rappelle qu'en décembre 2013, les sénateurs UMP avaient voté contre la loi de programmation, à l'exception de huit d'entre eux, membres de notre commission, dont je salue le courage.

En sanctuarisant le budget militaire, le président de la République a choisi de maintenir notre rang international. Peu de pays sont dotés d'une armée capable à la fois d'assurer la sécurité du territoire national, la dissuasion nucléaire et des interventions extérieures. Les évolutions récentes, l'émergence de la menace terroriste la plus grave depuis des décennies exigent de revoir notre stratégie.

Le gouvernement Fillon avait amorcé le reformatage de notre défense, avec 48 500 suppressions d'emplois. La LPM de 2012 en prévoyait 23 000. Mais lors du dernier Conseil de défense, le président de la République a décidé de réduire de 7 500 cette déflation d'effectifs, dont 1 500 en 2015, sachant que 250 postes seront créés dans le renseignement.

Le Parlement en débattra en juin. Les difficultés financières ne doivent pas être dissimulées. Nous pouvons nous féliciter de la livraison de 24 Rafale et d'une frégate à l'Égypte, pour 5,2 milliards d'euros. Nicolas Sarkozy, malgré ses annonces, n'avait jamais réussi à vendre un seul Rafale.

Reste la question des ressources exceptionnelles. La LPM de 2009 prévoyait, elle aussi, des ressources exceptionnelles issues de la cession de biens immobiliers et de bandes de fréquences, or il manque finalement 2,9 milliards d'euros... Je ne reviendrai pas sur la débâcle administrative et financière qu'a représentée le système de paie Louvois, que M. Le Drian a heureusement décidé de supprimer.

Je veux rappeler le rôle de notre commissions dans l'élaboration de la LPM, et notamment les contributions de Jean-Louis Carrère, Jacques Gautier et Daniel Reiner, qui ont fait ajouter à la LPM des clauses de sauvegarde financière, une clause de revoyure et une clause de retour à meilleure fortune.

Soyons pragmatiques. Tout doit être fait pour réussir la constitution des sociétés de projets.

Vous pouvez compter sur nous, monsieur le ministre, pour vous aider à maintenir le rang de la France sur la scène internationale. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense .  - Je me réjouis d'obtenir l'éclairage du Sénat sur un sujet qui occupe beaucoup mon ministère ces jours-ci. Le projet d'actualisation de la loi de programmation militaire sera examiné par le Conseil de défense à la fin du mois, pour une présentation au Parlement en juin. Tous les arbitrages ne sont pas encore rendus. Nous avons décidé d'en accélérer la révision, en raison des risques nouveaux.

Avec la crise russo-ukrainienne, les frontières des pays européens ont été modifiées pour la première fois depuis 1945. La stabilité internationale est en jeu. Nous remplirons notre devoir de solidarité et participerons bientôt à des exercices de réassurance en Pologne.

Quant à la menace djihadiste, elle a pris, depuis 2013, une dimension globale. La menace a franchi un seuil avec la progression militaire et politique de Daech. La jonction entre Daech et les extrémistes sahélo-sahariens, que j'annonçais naguère, est désormais accomplie. Boko Haram s'est rallié à Daech ; demain, des djihadistes français iront s'entraîner en Libye. Les attentats de janvier ont montré que la menace extérieure pouvait frapper chez nous. Jamais menaces extérieures et intérieures n'ont été aussi imbriquées.

Je rends hommage à nos forces armées, qui montrent toute leur valeur en cette période de forte mobilisation. Les événements de janvier sont déjà un peu loin dans les esprits mais je peux vous dire que la menace est permanente.

Il ne s'agit pas de récrire mais d'actualiser la loi de programmation militaire. Une première inflexion concerne les effectifs car le niveau d'engagement actuel dépasse le contrat opérationnel. Fallait-il renoncer à nos interventions au Mali, en Centrafrique, au Levant ? Je pense que non. Mais il est nécessaire de rehausser l'effectif de la force opérationnelle terrestre, aujourd'hui de 66 000 hommes. Le président de la République a décidé d'une réduction de la déflation de 7 500, dont 1 500 postes en 2015 ; cette politique sera poursuivie en fonction du nouveau contrat opérationnel. Ce sera une petite révolution culturelle car nous intégrerons la possibilité d'un déploiement massif et durable sur le territoire national.

Il faut une armée unique, chargée de missions à l'extérieur comme à l'intérieur : les soldats ne jouent pas à l'intérieur un rôle supplétif, c'est bien d'une mission militaire qu'il s'agit. Le chiffre finalement retenu sera supérieur à 7 500 hommes. La place des réserves sera renforcée ; je souhaite que 1 000 réservistes potentiels puissent être mobilisés sur le territoire ; c'est le meilleur moyen de renforcer le lien entre l'armée et la Nation.

Des priorités fixées en 2013 seront confirmées. Ainsi sur les forces spéciales, la cyberdéfense, le renseignement. Outre le projet de loi relatif au renseignement, il faut nous doter des équipements nécessaires. J'ai conclu, tout récemment, avec mon homologue allemand de construire ensemble la nouvelle constellation de satellites d'observations et le drone de nouvelle génération. Dans un domaine régalien, c'est une nouveauté majeure.

L'armée européenne est une belle idée, mais il y a encore du chemin. En revanche, nous souhaitons que les groupements tactiques soient opérationnels dès le prochain conseil, que le projet Athéna soit accéléré et que l'Union européenne contribue financièrement à des projets d'équipement militaire.

Depuis 2012, nos exportations d'équipements militaires ont doublé, signe de l'aggravation des menaces comme de la qualité des produits français. La cible de 225 avions de chasse et de 15 frégates de premier rang, fixée par la LPM, n'est pas modifiée. L'équipage prévu pour la Normandie, monsieur de Legge, sera réaffecté à la Provence.

Nous manquons d'hélicoptères de manoeuvre et légers. Je vous ferai des propositions sur ce sujet important. Nous acquérons aussi, en 2015, un troisième drone longue endurance

Enfin, les financements. Sur les sociétés de projet, je me suis expliqué très longuement devant la commission spéciale. Le président de la République, à plusieurs reprises, a annoncé la sanctuarisation du budget de la défense à 31,4 milliards. Je m'inscris en faux contre les propos faisant état d'un manque de 1 milliard d'euros. Le contrat a été respecté à la lettre en 2013 et en 2014. En 2015, le budget prévoit 2,2 milliards sur ressources exceptionnelles. Ils ne sont pas encore au rendez-vous mais les ressources exceptionnelles ne sont pas une nouveauté. La LPM prévoit la manière dont ces ressources peuvent être mobilisées : programme d'investissements d'avenir, cessions de biens immobiliers, de fréquences ou d'actifs.

Ce n'est pas de la cavalerie financière : l'État cède chaque jour des actifs. Mais la Lolf impose que ce soit pour des dépenses en capital, donc pas pour acquérir une frégate. C'est pourquoi le ministère de la défense ne peut mobiliser ce levier qu'en recourant à des sociétés de projets. L'article 50 de la loi Macron lève les quelques obstacles juridiques qui demeurent. Je reviendrai vous dire à quoi cet argent aura été employé.

Nos efforts supplémentaires en matière de renseignement, de cyberdéfense n'entrent peut-être pas dans l'enveloppe des 31,4 milliards. Nous y reviendrons.

Je vous remercie de vos propos et de vos éclairages. La sécurité est essentielle à la cohésion de la Nation, ce débat y a contribué. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 16 h 25.

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

La séance reprend à 16 h 30.

Modernisation du secteur de la presse (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission paritaire sur la proposition de loi portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse.

Discussion générale

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - La majorité sénatoriale a la volonté de légiférer de manière qualitative, dans une démarche constructive avec le Gouvernement et sa majorité. L'adoption à l'unanimité de ce texte en CMP l'illustre : ce texte, bienvenu, s'il ne révolutionne pas le monde de la presse, a fait consensus.

Le système coopératif de distribution de la presse écrite se voit offrir de nouvelles perspectives économiques, la gouvernance de l'AFP est considérablement améliorée, la presse d'information politique et générale bénéficiera de nouvelles sources de financement au travers de dispositifs fiscaux.

Le 25 mars, l'Assemblée nationale s'est prononcée en faveur du texte de la CMP, modifié à la marge par sept amendements du Gouvernement, qui a accepté de lever le gage sur un des instruments fiscaux innovant que le Sénat avait introduits. La commission de la culture est favorable à ces amendements.

Le Sénat a recherché le meilleur équilibre entre l'autorité de régulation et les acteurs du secteur de la presse écrite.

Sur la gouvernance de l'AFP, la CMP, même si elle n'a pas repris notre idée d'un conseil de surveillance, a retenu l'essentiel des propositions du Sénat. Le conseil supérieur aura tout moyen de se prononcer sur la stratégie de l'agence et veillera à la pérennité de celle-ci. L'AFP est une très belle maison, une grande agence mondiale, mais sa situation financière tendue, son endettement important -et un crédit-bail sur son siège- font qu'elle n'a pas droit à l'erreur, d'autant qu'elle n'a pas de capital et que l'État ne peut plus lui apporter de garanties. Il est indispensable que le plan d'investissement soit un succès et suivi de très près. Soulignons le consensus entre nos deux assemblées sur ce sujet. On pourrait s'en inspirer pour d'autres institutions de l'audiovisuel public...

Merci à la présidente de la commission, à tous nos collègues, que j'invite à adopter les conclusions de la CMP, amendées par le Gouvernement. (Applaudissements)

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication .  - En démocratie, les idées, les mots s'opposent ; les partis s'affrontent dans l'arène électorale. Aujourd'hui nous faisons la démonstration que notre attachement aux libertés publiques, au bien commun est plus fort que nos différences. Cette proposition de loi a fait consensus sur la presse, son avenir, son pluralisme, sa qualité. Loin des affrontements, majorité et opposition parlementaires ont su enrichir ce texte. J'en remercie tout particulièrement le rapporteur, M. Bonnecarrère, et salue les contributions inventives de M. Assouline ou M. Laurent.

« Nous sommes Charlie » n'est pas une formule, une posture, c'est une exigence républicaine de rassemblement. L'Assemblée nationale a été unanime, la CMP l'a été aussi. L'équilibre que vous avez trouvé est complété, et non modifié, par quelques amendements rédactionnels, adoptés par l'Assemblée nationale.

La première partie du texte réforme la régulation de la distribution de la presse au numéro. Le principe du renforcement du rôle de l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) n'a pas débat fait. L'ARDP devient une véritable autorité administrative indépendante, dotée de son propre budget. Elle peut réformer les principales décisions du Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) ; surtout, elle approuvera les barèmes des messageries de presse, après avis du président du CSMP, ce qui préserve le secret des affaires, conserve le rôle précieux d'expertise du président et de la commission économique du CSMP et affirme le rôle de régulation de l'ARDP.

La proposition de loi modernise également le statut de l'AFP dans le respect de sa singularité et de son indépendance. L'apport du Sénat a été décisif. La mission déontologique et d'orientation du conseil supérieur de l'AFP est clarifiée, sa composition intègre désormais un parlementaire de chaque assemblée ; la composition du conseil d'administration est élargie à cinq personnalités qualifiées et indépendantes, dont trois au moins devront posséder une expérience significative au niveau européen ou international ; le nombre de représentants des personnels passe de deux à trois. La parité devra être respectée au sein des deux organes. Enfin, les pouvoirs de supervision comptable et budgétaire de la commission financière, entièrement composée de magistrats de la Cour des comptes en activité, sont consolidés.

En outre, l'article 12 de la proposition de loi transcrit en droit interne les mesures utiles proposées par la Commission européenne pour respecter le droit européen de la concurrence, en sécurisant le financement public de l'AFP.

La troisième partie du texte comporte des dispositions importantes pour accompagner le développement de la presse. La création du statut d'entreprise solidaire de presse d'information permettra à des investisseurs de fonder ou soutenir des projets éditoriaux d'information politique et générale en s'engageant à maintenir le capital et les dividendes dans la société assez longtemps pour consolider le projet et fidéliser les lecteurs. C'est une belle opportunité pour les projets innovants et les repreneurs d'entreprises en difficulté.

Deux mesures fiscales sont prévues, dont la déductibilité de l'impôt sur le revenu des dons aux associations agissant pour le pluralisme de la presse : c'est l'amendement « Charb ». Je suis fière, comme ministre, et heureuse, comme citoyenne, des conditions dans lesquelles ce texte a été débattu. Merci. (Applaudissements)

Mme Colette Mélot .  - Ce texte est consensuel. Régulation de la distribution, gouvernance de l'AFP, il traite de sujets importants mais on est loin d'une réforme globale du secteur de la presse -on peut douter que pareille réforme intervienne pendant le quinquennat. Il fallait avant tout rendre conforme au droit européen le statut de l'AFP en matière d'aide d'État. M. Françaix a proposé une réforme de sa gouvernance. M. Legendre, alors président de la commission de la culture, avait déjà déposé une proposition semblable en 2011, qui est en partie reprise aujourd'hui. La composition du conseil d'administration de l'AFP est rééquilibrée ; le Sénat a proposé d'y intégrer trois personnalités extérieures indiscutables et pourvues d'une expérience internationale -la CMP l'a suivi.

Au lieu de créer un conseil de surveillance, comme l'avait proposé le Sénat, elle a opté pour un renforcement de chacun des trois organes de gouvernance ; c'est le compromis trouvé par le rapporteur, que je félicite.

L'empreinte du Sénat a également été remarquable concernant le soutien financier à la presse, avec une réduction d'impôt pour les particuliers investissant dans le capital d'une entreprise de presse d'information et, à l'initiative du groupe UMP et de plusieurs membres du groupe UMP, avec la défiscalisation des dons à la presse par l''intermédiaire d'associations d'intérêt général. La CMP a sécurisé le dispositif en exigeant de l'organisme bénéficiaire qu'il soit d'intérêt général et l'absence de lien entre le donateur et l'entreprise de presse.

Notre groupe se réjouit de ces avancées qui concourent au pluralisme de la presse.

Les dispositions sur la distribution de la presse écrite s'inscrivent dans la suite de la loi du 30 janvier 2011, déjà consensuelle. Confier l'homologation des barèmes à l'ARDP est une bonne chose ; la confidentialité des tarifs sera garantie et toute suspicion de conflit d'intérêt écartée.

Les conclusions de la CMP ont fait l'unanimité à l'Assemblée nationale. Je souhaite qu'il en soit ainsi ici et que le travail se poursuive pour protéger l'avenir d'une presse indépendante et diverse. (Applaudissements)

M. David Assouline .  - Texte consensuel, qui conforte la liberté de la presse. Texte d'urgence, qui vient débloquer certaines situations et permettre à l'AFP de conserver son rang. La discussion a été de qualité et pragmatique. La loi sur l'indépendance de l'audiovisuel a permis de conforter la liberté de la presse et l'indépendance dans les nominations, rappelons-le. C'est d'actualité...

L'apport du Sénat est à souligner. Il s'agit d'abord de moderniser le statut de la presse, non de mener une réforme d'ensemble -nombre de sujets restent en suspens, qu'il faudra traiter rapidement. Le titre premier s'attache à moderniser le système de distribution, en crise structurelle ; la fixation par l'ARDP des barèmes interviendra désormais après avis du président du CSMP. L'indépendance de l'ARDP est renforcée.

Le titre II concerne l'AFP ; le Sénat avait proposé la création d'une commission de surveillance. La CMP a choisi de confier au conseil supérieur les caractéristiques que nous lui attribuions ; le conseil d'administration a lui-même été consolidé à l'Assemblée nationale. Il était impensable qu'il fût présidé par un parlementaire...

La composition du conseil d'administration a été élargie. L'ensemble du dispositif a été sécurisé au regard du droit européen. Enfin, l'accès des journalistes aux lieux de privation de liberté, et notamment aux centres de rétention, a été rétabli, je m'en réjouis. Cela permettra de dépasser les tabous et de couper court aux fausses informations.

Enfin, je me félicite de l'adoption de l'amendement « Charb », après les attentats de janvier contre la liberté d'expression et le massacre de Charlie hebdo.

Le groupe socialiste votera avec enthousiasme le texte ainsi que les amendements déposés par le Gouvernement. (Applaudissements)

M. Claude Kern .  - La CMP s'est déroulée dans un esprit de sérieux, d'écoute et de consensus -comme la première lecture. Elle a très largement conservé les apports du Sénat, je m'en félicite. La CMP n'a pas apporté de modification notable au dispositif de régulation de la distribution de la presse. Le texte renforce les pouvoirs de l'ARDP, qui se voit confier l'homologation des barèmes après avis du président du CSMP, ce qui est plus conforme aux règles de concurrence. L'article 7 ouvre la voie à la mutualisation des réseaux de distribution en donnant une base légale à la distribution des quotidiens nationaux par la PQR.

Les débats de la CMP se sont concentrés sur la gouvernance de l'AFP. Elle a suivi le Sénat sur la composition du conseil d'administration, où trois des cinq personnalités qualifiées devront justifier d'une expérience internationale, mais est revenue sur la fusion du conseil supérieur et de la commission financière en commission de surveillance, qui aurait contrôlé le conseil d'administration et discuté de sa stratégie. Cette fusion avait l'approbation des dirigeants actuels de l'AFP. Nous ne nous opposons toutefois pas au texte de la CMP, qui a musclé les prérogatives du conseil supérieur. Elle a précisé que le conseil supérieur donnerait son avis sur le projet de COM et non plus sur le COM finalisé.

Reste le volet fiscal : nous saluons le maintien de l'article 15 bis et surtout de l'amendement « Charb » sur la défiscalisation des dons de particuliers aux associations exerçant des actions en faveur du pluralisme de la presse. Certes, ce texte n'est pas le grand soir de la presse mais il apporte des avancées notables : le groupe UDI-UC le votera. (Applaudissements)

M. Michel Billout .  - La presse connaît une grave crise. Ce texte aborde des thèmes assez larges, de la distribution de la presse à l'amendement « Charb », que notre groupe soutenait déjà lors de la loi de finances pour 2015. C'est un beau symbole, face aux menaces qui pèsent sur la liberté d'expression. La défiscalisation, rendue possible aujourd'hui par un simple rescrit fiscal, trouve une base légale ; c'est heureux. Nous nous étions toutefois abstenus sur ce texte, en raison des mesures beaucoup plus contestables relatives à l'AFP.

La loi réaffirme le principe de solidarité entre les sociétés de messagerie de presse. C'est bien, mais nous continuons de prôner leur fusion en une structure unique.

S'agissant de l'AFP, la CMP est revenue sur des dispositions que nous contestions mais a malheureusement maintenu l'article 12, qui distingue les comptes de l'AFP, remet en cause le montant des aides de l'État et, partant, le statut unique de l'AFP. Nous craignons que cela mène à une privatisation partielle de l'agence. L'activité d'une agence de presse française de rayonnement international constitue, à nos yeux, l'accomplissement d'une mission d'intérêt général et devrait être exclue du droit de la concurrence. Il faut savoir résister au dogmatisme de la Commission européenne. C'est pourquoi nous nous abstiendrons - avec regret.

M. Robert Hue .  - La presse se modernise et affirme son ambition d'être à la hauteur des enjeux actuels. Chienne de garde de la démocratie, elle souffre depuis des années de difficultés multiples. « La presse est la base de toutes les autres libertés, c'est par là que l'on s'éclaire mutuellement », disait Voltaire. Il lui faut trouver les ressources nécessaires pour se réinventer. Nous participons aujourd'hui à cette entreprise ardue mais précieuse. Proposer de nouveaux canaux d'information est indispensable pour que la presse renaisse de ses cendres.

L'histoire de l'AFP est aussi celle du récit des événements. Digne héritière de Havas, avec 2 000 journalistes et techniciens et l'un des réseaux les mieux maillés au monde, avec un chiffre d'affaires de 208 millions d'euros en 2013, dont 40 % proviennent de l'État, l'AFP avait grand besoin que sa gouvernance soit adaptée. Dans les textes qui la régissent, on parle encore de l'Union française... La composition du conseil d'administration est modernisée, la parité garantie et la représentation du personnel renforcée.

Confier l'homologation des barèmes à l'ARDP autorisera un plus grand respect des principes de transparence et de péréquation des coûts de distribution.

Soulignons enfin l'unanimité sur le titre III, et notamment l'amendement « Charb ». Les associations bénéficiaires devront être d'intérêt général, il ne devra y avoir aucun lien financier direct ou indirect entre le donateur et le bénéficiaire. Ces mesures vont dans le bon sens. Nous nous félicitons de l'esprit de compromis constructif qui a prévalu au cours de nos débats. Le groupe RDSE votera ce texte. (Applaudissements)

M. André Gattolin .  - Je salue la qualité du travail de la CMP et de notre rapporteur. Il fallait donner de nouveaux moyens à la presse écrite pour qu'elle puisse non pas seulement survivre mais se développer. Certes, ce texte n'est pas le big bang que certains appellent de leurs voeux, non plus qu'une réforme d'ampleur, il s'attache à quelques problèmes partiels. Il précise la gouvernance de l'AFP et celle des messageries de presse. Les acteurs de la distribution peuvent être rassurés. Mais par un terrible hasard cette proposition de loi a pris une toute autre dimension après les tragiques événements de janvier. L'amendement dit « Charb » a été adopté à l'unanimité par le Sénat, concrétisation parmi les plus marquantes de l'esprit du 11 janvier. La CMP a fait sien cet amendement, le Gouvernement acceptant de lever le gage. Merci, madame la ministre.

Cela ne doit pas occulter le fait que notre système d'aide à la presse doit être profondément repensé. Nos critères, nos mécanismes d'aide sont devenus obsolètes, voire contreproductifs : plus tard on les remettra à plat, plus on s'approchera du point de non-retour... Le taux de mortalité de nos titres de presse, écrite ou numérique, est bien supérieur à leur taux de natalité... Il faut inverser la tendance ! Lors de la célébration du soixante-dixième anniversaire de l'AFP, le président de la République a dit vouloir ouvrir le chantier et vous en a confié la réalisation. Nous savons qu'en réajustant nos priorités, nous pouvons faire mieux avec les mêmes moyens. Nous avons besoin d'un plan à trois ou cinq ans.

Lors de l'examen du texte le 5 février, j'avais proposé un amendement demandant un rapport du Gouvernement au Parlement pour une meilleure affectation des aides directes à la presse écrite, pour renforcer le pluralisme et la diversité des sources d'information. Il lui a manqué une misérable voix, c'est bien dommage car le commerce tout court ne doit pas l'emporter sur le commerce des idées... Je vous rappelle vos engagements, madame la ministre !

Le groupe écologiste votera le texte issu de la CMP. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - Le Sénat examinant les conclusions de la CMP après l'Assemblée nationale, il se prononce par un seul vote en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4, première phrase

Remplacer les mots :

qu'il

par les mots :

que le conseil

Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 5

Remplacer les mots :

avis publics

par les mots :

observations publiques

Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 10, première phrase

Supprimer les mots :

ou élus

Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 24

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

d ter) À la dernière phrase du neuvième alinéa, les mots : « le président du conseil ou » sont supprimés ;

Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 43

Après la référence :

insérer la référence :

, 4°

Amendement n°6, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

Après le mot :

sens

insérer les mots :

du 1

Amendement n°7, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Les amendements du Gouvernement sont rédactionnels ou de coordination, à l'exception de l'amendement n°7, qui lève le gage sur l'article 17.

M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur.  - Avis favorable ; merci à Mme la ministre de lever le gage.

La proposition de loi est définitivement adoptée.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission des affaires culturelles.  - Au terme de ce travail législatif important, je remercie les groupes et notre rapporteur, qui a fait preuve de finesse et d'énergie. Le Sénat aura beaucoup apporté à la gouvernance de l'AFP. Ce n'est pas le grand soir, on l'a dit, mais ce texte va substantiellement améliorer les choses.

Trois mois, jour pour jour après l'attentat contre Charlie Hebdo, je suis heureuse que nous ayons pu manifester notre attachement à la presse et au pluralisme, et évoquer le beau métier de journaliste, qui mérite notre soutien. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour que ce texte entre rapidement en vigueur. (Applaudissements)

Prochaine séance mardi 7 avril 2015 à 9 h 30.

La séance est levée à 17 h 30.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mardi 7 avril 2015

Séance publique

À 9 heures 30

Présidence : Mme Isabelle Debré, vice-présidente

Secrétaires : MM. Jean Desessard et Philippe Nachbar

1. Questions orales

À 15 heures

Présidence :

M. Gérard Larcher, président

M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Mme Françoise Cartron, vice-présidente

Réception solennelle, dans la salle des séances, de Son Excellence M. Béji Caïd Essebsi, président de la République tunisienne.

À 16 heures, le soir et la nuit

2. Projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (texte de la commission, n°371, 2014-2015)

Analyse des scrutins publics

Scrutin117 sur l'article premier de la proposition de loi autorisant l'usage contrôlé du cannabis.

Résultat du scrutin

Nombre de votants : 326

Suffrages exprimés : 301

Pour :13

Contre :288

Le Sénat n'a pas adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (144)

Contre : 143

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, président du Sénat

Groupe socialiste (110)

Contre : 109

N'a pas pris part au vote : 1  - Mme Françoise Cartron, présidente de séance

Groupe UDI-UC (41)

Pour : 3 - M. Olivier Cadic, Mme Nathalie Goulet, M. Joël Guerriau

Contre : 21

Abstentions : 6 - MM. Olivier Cigolotti, Yves Détraigne, Jean-Marc Gabouty, Jean-Jacques Lasserre, Mme Valérie Létard, M. Gérard Roche

N'ont pas pris part au vote : 11 - M. Vincent Delahaye, Mmes Françoise Gatel, Jacqueline Gourault, Sylvie Goy-Chavent, MM. Loïc Hervé, Pierre Jarlier, Mme Sophie Joissains, MM. Michel Mercier, Aymeri de Montesquiou, Christian Namy, Yves Pozzo di Borgo

Groupe CRC (19)

Abstentions : 19

Groupe du RDSE (13)

Contre :13

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non-inscrits (9)

Contre : 2 - MM. David Rachline, Stéphane Ravier

N'ont pas pris part au vote : 7