Dialogue social et emploi (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au dialogue social et à l'emploi.

Discussion générale

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Je suis heureux de vous présenter le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi. Ma collègue, Mme Touraine, présentera la prime d'activité créée par le titre IV.

Ce texte répond à une double exigence, démocratique et économique. Il introduit de vrais progrès sociaux, pour les salariés comme pour les employeurs. Premier progrès social : nous revivifions le dialogue social. Le préambule de la Constitution de 1946 indique que tout travailleur participe « à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ». Participer aux décisions concernant l'emploi, les conditions de travail et la formation est un principe de justice sociale. Les études montrent du reste qu'un dialogue social performant améliore la qualité de vie des salariés. Il améliore aussi l'efficacité économique : coopération, engagement, travail en équipe, renforcement des compétences fondent la compétitivité d'une entreprise.

J'ai donc proposé en juillet dernier aux partenaires sociaux de discuter de l'efficacité du dialogue social dans l'entreprise. Il n'y a pas eu d'accord mais de nombreux points de consensus sont apparus. Le Gouvernement a légitimement repris la main. À l'issue de nombreuses consultations, je vous présente un projet de loi d'équilibre, respectant l'acquis des discussions.

J'ai d'abord souhaité la représentation universelle des salariés, une grande avancée, car 4,6 millions de salariés des TPE demeurent exclus du dialogue social.

Les commissions régionales paritaires constitueront des lieux de dialogue, de conseil, de médiation, des instances d'échanges utiles aux TPE. L'expérience qui en est faite depuis de nombreuses années dans l'artisanat le démontre. La représentation du personnel dans les entreprises jusqu'à 300 salariés sera de plus améliorée à travers la délégation unique du personnel (DUP). Au-delà de 300 salariés, il sera possible par accord majoritaire, signé par les syndicats ayant recueilli plus de 50 % des voix, de regrouper les instances représentatives du personnel (IRP).

L'engagement syndical est également encouragé. Comment susciter des vocations ? En valorisant ceux qui s'engagent au service de leurs collègues. Ceux qui exercent un mandat lourd bénéficieront d'une garantie de maintien de salaire, d'un entretien de fin de mandat et de la valorisation des compétences acquises. L'égalité entre femmes et hommes est une priorité du Gouvernement depuis 2012. Le texte introduit une représentation équilibrée, voire la parité, au sein des conseils d'administration et des instances représentatives du personnel.

Un dialogue social vivant passe par l'allégement du formalisme des discussions. Les 17 obligations de consultation et d'information annuelles sont réduites à 3, les 12 négociations obligatoires annuelles à 3 blocs de négociations cohérentes.

Le fonctionnement concret sera simplifié avec des réunions communes à plusieurs instances et un recours à la vidéoconférence. Les discussions seront recentrées sur les enjeux clés.

Les questions de santé seront mieux prises en compte. L'Accord national interprofessionnel (ANI) de 2013 affirme l'importance de la santé au travail, et je veux saluer l'implication des partenaires sociaux dans la préparation du plan « santé au travail » III, comme dans le dynamisme des débats au sein des CHSCT -qui sont généralisés dans les entreprises de plus de 50 salariés.

Le compte pénibilité est un nouveau droit pour les salariés -un droit à la formation- mais il incite également à améliorer les processus de production afin de réduire les causes de la pénibilité. Un droit effectif est un droit simple dans sa mise en oeuvre, compréhensible. Le syndrome d'épuisement professionnel ou burn out fait l'objet de dispositions qui ont été introduites dans la loi à la faveur du travail parlementaire. Je veux saluer l'accueil favorable que les partenaires sociaux ont fait au guide des bonnes pratiques de prévention que nous avons lancé. Plusieurs dispositions renforcent la médecine du travail conformément aux préconisations du député Issindou.

Troisième grande avancée : sécuriser les parcours professionnels et la création d'emplois. Depuis 2012, le compte personnel de formation, le compte personnel de prévention de la pénibilité ou C3P, la généralisation de la complémentaire santé, le portage de la prévoyance ont été des avancées fortes.

Ce texte va plus loin, avec le compte personnel d'activité, qui concentrera tous les droits individuels -C3P, CET et autres. Tous les droits seront portables, quelle que soit la situation du titulaire. Le rôle de l'Afpa est renforcé ; depuis l'après-guerre, elle est un acteur majeur de la formation et de l'insertion professionnelle, à la fois organisme de formation dans le champ contractuel et opérateur de service public. Avec les partenaires sociaux, les régions et le ministère des finances, nous travaillons à des solutions durables pour moderniser ses missions et son statut, dans le respect des règles européennes de la concurrence.

Le projet de loi crée de nouveaux outils d'accompagnement des chômeurs de longue durée. C'est un combat important. Un amendement du Gouvernement facilitera la création d'emplois dans les TPE : deux des dix-huit mesures du plan « Tout pour l'emploi » ont été insérées par amendement dans le texte, l'une relative à la durée avant rupture unilatérale des contrats d'apprentissage, l'autre au renouvellement des CDD et contrats d'intérim. Aujourd'hui ceux-ci ne sont renouvelés qu'une fois ; ils pourront l'être deux fois désormais, la durée cumulée n'étant cependant pas modifiée.

Enfin, le texte clarifie le régime des intermittents du spectacle, conçu pour prendre en compte la discontinuité de leur activité. Les annexes 8 et 10 sont remises en cause à chaque négociation : il en résulte une insécurité permanente pour les professionnels. L'existence des règles spécifiques d'indemnisation sera inscrite explicitement dans le code du travail. La méthode de négociation sera également améliorée, dans un cadre spécifique défini au niveau interprofessionnel -toutes avancées permises par le rapport Gille-Archambault-Combrexelle.

Certains amendements parlementaires ont néanmoins déséquilibré les dispositions que je propose...

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Ça commence mal !

M. François Rebsamen, ministre.  - Je déposerai donc des amendements destinés à rétablir l'équilibre du texte initial. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes .  - Avant d'aborder la prime d'activité, un mot sur l'esprit de ce texte. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors du 70e anniversaire de la sécurité sociale, mais je rappelle combien les Français sont attachés à la sécurité sociale, laquelle n'est pas une vieille dame alerte, mais un outil toujours en phase avec les défis de notre société et les besoins de nos concitoyens. Elle a su s'adapter à l'évolution des risques.

Les moteurs de l'économie redémarrent. Nous avons été touchés par le terrorisme, mais notre société a refusé de céder aux sirènes de la division. La France se remet en mouvement. La sécurité sociale reste l'incarnation quotidienne de nos valeurs de solidarité.

La prime d'activité répond aux préoccupations de nos concitoyens en valorisant le travail. Je le dis d'emblée : n'opposons pas les Français entre eux ; n'entonnons pas la vieille rengaine de l'assistanat. Les Français veulent travailler ! Reprendre un travail assure des revenus bien sûr, mais engendre des coûts : frais de déplacement, garde d'enfants, équipement. La reprise d'activité donne dès lors parfois le sentiment que le travail ne rapporte pas autant qu'il le devrait.

La prime d'activité garantira que le travail demeure valorisé. Certes, il existe le RSA-activité et la prime pour l'emploi (PPE) mais ils fonctionnent mal. La PPE est versée un an après le changement de situation professionnelle. Le RSA-activité n'est demandé que par un tiers des bénéficiaires potentiels et ses objectifs restent imprécis. La prime d'activité remplacera ces deux mécanismes.

Elle s'adresse à ceux qui ont le sentiment de ne « pas cocher les bonnes cases », qui gagnent trop d'argent pour percevoir des aides sociales mais ne sont pas pour autant imposables, et ne sont donc pas concernés par l'allègement d'impôt sur le revenu. Ceux qui gagnent entre 900 et 1 300 euros par mois tireront le gain de pouvoir d'achat le plus important de la prime d'activité.

J'y insiste, celle-ci n'est pas un outil de lutte contre la pauvreté -but que nous avons poursuivi en revalorisant de 25 à 50 % les allocations familiales, et de 10% le RSA-socle. Il s'agit bien, ici, de revaloriser le temps travaillé. Cette prime est individuelle, mais tient compte de la situation familiale -procéder autrement aurait pénalisé les familles monoparentales : une mère seule avec un enfant à charge travaillant à temps plein, au Smic, touchera 290 euros par mois, une personne seule sans enfant 130 euros.

Traduction de la priorité donnée par ce Gouvernement à la jeunesse, les jeunes bénéficieront de cette prime quand 5 000 seulement perçoivent le RSA-activité. Un million de jeunes sont potentiellement concernés, dont de nombreux apprentis ou étudiants qui sont davantage des actifs étudiants que des étudiants ayant une activité.

Certains ne manqueront pas de prétendre que la protection sociale flirte avec l'assistanat. Je réfute à nouveau cette critique : il s'agit de nous adapter aux changements de notre environnement économique.

Le compte personnel de prévention de la pénibilité représente une avancée considérable, qui autorise le départ anticipé à la retraite de ceux qui exercent un emploi pénible. Il existe déjà, contrairement à ce que certains croient. Fin 2015, un million de salariés seront couverts ; trois millions l'année prochaine lorsque tous les facteurs de pénibilité auront été identifiés.

Je me réjouis des améliorations contenues dans ce texte.

Pour conclure, la prime d'activité représente une avancée majeure pour ceux qui gagnent moins d'1,3 Smic. Le dispositif rassemble largement les partenaires sociaux. Montrons que tous les Français désireux de travailler peuvent compter sur la solidarité collective. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Catherine Procaccia, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Alors que notre pays est frappé par un chômage de masse et la stagnation de l'activité, ce texte rompt avec les principes fondamentaux. Les réformes, dans le domaine qui nous occupe, ont jusqu'à présent toujours été fondées sur une base incontournable, un accord entre partenaires sociaux. Cette fois, l'échec des négociations illustre les limites du modèle français de dialogue social, et le ministre se voit contraint de nous proposer des mesures... limitées.

Les six volets de ce projet de loi ne sont pas marqués par une grande cohérence, et les ajouts de l'Assemblée nationale n'ont rien arrangé... Comment qualifier ce patchwork ? « Confus » me semble un terme bien faible !

D'autant que la commission spéciale se réunit en ce moment-même pour examiner le projet de loi Macron en nouvelle lecture, texte qui contient de nombreuses dispositions touchant le droit social ; et que dans un mois, nous examinerons le projet de loi sur la santé, modifié au dernier moment au Palais Bourbon. Tout donne le sentiment que le Gouvernement n'a pas de cap et multiplie les effets d'annonce dans différents textes...

À l'article 1er, nous avons cherché un équilibre sur le fondement de la loi de 2010. Comment peut-on ouvrir un projet de loi sur le dialogue par une disposition, la commission paritaire régionale, sur laquelle les négociations ont échoué ? C'est pour le moins provocateur.

M. Jean Desessard.  - Comment faire autrement ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur.  - Nous avons corrigé les fragilités juridiques et facteurs de complexité, dus notamment à certaines rédactions de nos collègues députés.

Ancienne salariée d'entreprise, je me bats depuis quarante ans pour l'égalité des femmes et des hommes mais il y a des limites à ce que peut imposer le législateur sur la représentation paritaire dans les entreprises. Revenons à la lettre de l'accord de 2013, chers collègues : le ministre nous en sera reconnaissant.

Le regroupement des obligations et des négociations et la simplification des instances représentatives du personnel font largement consensus. En revanche, vous n'avez pas voulu modifier des seuils. M. Macron avait pourtant promis que le problème serait traité dans ce texte... Nous proposons un mécanisme de lissage sur trois ans pour les entreprises qui franchissent des seuils. Notre commission a simplifié les règles de calcul pour la mise en place ou la suppression du comité d'entreprise, traduisant dès maintenant dans la loi la mesure annoncée par le Premier ministre le 9 juin dernier.

J'en viens à la pénibilité. Nous nous félicitons des mesures de simplification et de sécurisation du C3P. Pour autant, toutes les craintes ne sont pas dissipées. Les référentiels de branches validés par l'administration ne devront pas porter préjudice à l'équilibre du fonds chargé de gérer les droits... Des précisions sont attendues sur ce point, et j'attire votre attention sur la remise tardive des rapports censés nous éclairer.

L'article 20 porte sur les intermittents du spectacle. Il permettait initialement aux partenaires sociaux du secteur de négocier eux-mêmes les règles d'indemnisation : il a de ce fait été critiqué de toutes parts. La commission l'a remplacé par un mécanisme de concertation renforcée avant l'ouverture et avant les conclusions de la négociation sur l'assurance-chômage.

Le ministère du travail devra fixer la liste des partenaires sociaux qui seront consultés. Nous avons confié au comité d'expertise le suivi statistique de la mise en oeuvre des annexes 8 et 10.

Si le principe de la prime d'activité peut être partagé par tous, ses modalités doivent être examinées avec précaution. Je n'y vois qu'une version simplifiée du RSA-activité... Reste aussi à engager des efforts substantiels pour l'information des bénéficiaires et la simplification de leurs démarches.

J'attends des explications sur la manière dont l'administration fiscale et les CAF vont travailler ensemble, ainsi que sur les modalités de calcul de la prime. Un amendement du rapporteur général des finances vise à affiner le suivi du coût de la prime. Nous ne sommes pas revenus sur l'extension de la prime aux apprentis : elle peut être un soutien à leur pouvoir d'achat. En revanche, je crains les effets d'aubaine chez les étudiants de masters un et deux, qui sont de faux apprentis.

Ce texte contient d'autres dispositions, que je qualifierais de cavalier, si j'avais mauvais esprit...

J'aborde ce texte sans idéologie (M. Jean Desessard s'amuse) Ce projet de loi n'est ni la réforme structurelle tant attendue, ni un texte de simplification. Il ne règle pas le coeur du problème français : l'absence de représentativité des partenaires sociaux.

La commission des affaires sociales n'a pas fait preuve d'esprit partisan...

Mme Nicole Bricq.  - Un peu quand même !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur - ...Je vous invite à vous rallier à l'esprit d'équilibre qu'elle a entendu faire prévaloir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Alain Dufaut, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - La commission de la culture s'est saisie du titre II qui réforme le régime d'allocations chômage des intermittents du spectacle. Depuis la grande crise de 2003 et l'annulation du festival d'Avignon -ville dont j'étais adjoint au maire- nous y travaillons. Le dernier rapport d'information, celui de Mme Blondin, date de 2013.

La réalité est éloignée de ce qu'en disent les médias, mais une réforme, certes difficile à mettre en oeuvre, était nécessaire. Le déficit du régime est considérable : 1,2 milliard de dépenses pour 200 millions de recettes, soit un quart du déficit de l'Unedic. Les annexes 8 et 10 sont devenues plus qu'un régime, un statut. L'Unedic est devenu le premier mécène de notre pays et son poids sur la solidarité nationale pèse trop lourd ; cela ne peut durer. Rétablir la confiance, c'est ce qu'a su faire la mission Gille-Archambault-Combrexelle. L'État et l'Unedic ont pris leur part du travail de concertation. C'est parce que leurs propositions font avancer les choses dans le bon sens que la commission de la culture s'est prononcée par un accord de principe.

La reconnaissance de la spécificité des intermittents du spectacle constitue un geste d'apaisement. Le régime sera clairement inscrit dans la solidarité interprofessionnelle.

S'agit--il d'une sanctuarisation ? D'une brèche dans laquelle d'autres métiers chercheraient à s'engouffrer ? Relisez le texte, il ne fait que reconnaître l'existence de règles spécifiques. Voilà ce qu'est l'article 20. Le principe, c'est la négociation périodique des règles. Nous avons, en accord avec la commission des affaires sociales, remplacé le mécanisme de délégation de l'accord par une concertation avec l'interprofession. C'est plus stable, plus crédible et juridiquement plus sûr.

M. François Rebsamen, ministre.  - Pas certain...

M. Alain Dufaut, rapporteur pour avis.  - Nous avons également renforcé le rôle du comité d'expertise et les droits des matermittentes. Enfin, les conditions de recours aux contrats à durée déterminée d'usage (CDDU) pourront évoluer, ce qui est une bonne chose.

Après des décennies de crise, ce texte, modifié par nos soins, apportera de la sérénité. J'invite le Sénat à l'adopter. (Applaudissements sur les bancs de la commission et à droite)

M. Francis Delattre, en remplacement de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis de la commission des finances .  - La commission des finances va troubler, je le crois, cette belle unanimité. L'enjeu financier n'est pas mince : la prime d'activité, entièrement financée par l'État, coûtera 4,1 milliards d'euros. Elle remplacera la PPE, dont la suppression a été votée dans la seconde loi de finances rectificative pour 2014, et le RSA-activité.

Ce mécanisme encouragera-t-il l'emploi ? On peut en douter en ces temps de chômage de masse et de temps partiel subi. Mieux vaudrait une autre politique pour lutter contre le chômage et la précarité...

Le dispositif législatif reste très vague, quasiment illisible ; de nombreux éléments majeurs sont renvoyés au règlement, quand la formule de calcul de la prime, elle, est très complexe.

La simplification est toute relative : une prime individuelle mais à la fois familialisée et individualisée, avec des bonus. Comment le bénéficiaire pourra-t-il en anticiper le montant sans l'appui d'un ordinateur ? La base des ressources prises en compte n'est plus celle du RSA-activité. L'exclusion de certaines aides, par ailleurs prises en compte pour le calcul d'autres prestations sociales, n'arrange pas les choses... Il y aura certainement un impact pour les conseils départementaux. Sans parler des vérifications auxquelles les CAF devront procéder, puisque le système est déclaratif.

Au lieu de replâtrer le RSA, le Gouvernement aurait mieux fait de prévoir un mécanisme automatique de soutien financier aux travailleurs modestes lié à l'imposition des revenus. Tout cela parait bien étonnant quand, de l'autre côté, il veut simplifier l'impôt sur le revenu avec le prélèvement à la source...

Enfin, les jeunes. Comment peut-on vouloir encourager l'emploi et ouvrir la prime d'activité aux étudiants et apprentis ? Bel exemple de contradiction pour un impact limité, 100 millions d'euros, car les critères sont très restrictifs. Notre commission des finances représentera son amendement visant à restreindre le bénéfice de la prime aux seuls apprentis répondant aux conditions.

D'un point de vue financier, l'enveloppe prévue est de 4,1 milliards d'euros, soit 300 millions de plus que le coût total du RSA et de le PPE. Cette estimation est construite à partir d'hypothèses qui pourraient ne pas se vérifier. Le coût pourrait atteindre 6 milliards si toutes les personnes éligibles demandent la prime. Il faudra être vigilant. Raison pour laquelle la commission des finances a proposé de compléter le rapport d'évaluation prévu à l'article 28. Ce n'est pas inutile : nous avons tous connu les déboires du RMI.

En regrettant que l'onde du choc de simplification n'ait pas touché ce texte, la commission des finances invite à adopter ses amendements et le texte remanié par la commission des affaires sociales. (Applaudissements à droite)

Mme Françoise Laborde .  - Un dialogue social apaisé est gage d'efficacité économique et sociale. Le président de la République a eu raison de le dire : « Le temps de la négociation n'est pas un temps perdu, c'est un temps gagné sur les malentendus, l'immobilisme et les conflits. » Les trois conférences nationales et les cinq accords nationaux interprofessionnels depuis 2012 le prouvent. Il faut faire confiance aux partenaires sociaux.

Cependant, le dialogue social doit être modernisé. Son cadre date des lois Auroux adoptées il y a plus de trente ans pour que « les usines ne soient plus le lieu où résonnent le bruit des machines et le silence des hommes ».

Commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour permettre la représentation des TPE, délégation unique du personnel, création de la prime d'activité, contrat « nouvelle chance », simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité, tout cela va dans le bon sens.

Je souscris également pleinement à l'article 20 du texte. Nous connaissons bien, à la commission de la culture, les difficultés du régime des intermittents. Le texte marque une avancée sociale pour des centaines de milliers de salariés du spectacle vivant, qui participent au rayonnement de la culture française.

Il faudra également rénover le dialogue social au sein de nos assemblées parlementaires -je pense au statut de nos collaborateurs. Le groupe RDSE se déterminera selon l'évolution de nos débats. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Marc Gabouty .  - Malgré sa portée limitée, ce texte n'en compte pas moins quelques dispositions importantes. Le texte initial aurait pu être une bonne base de discussion mais les députés l'ont rigidifié et complexifié. D'où les simplifications et souplesses que notre commission des affaires sociales a apportées.

Nous souscrivons à la prime pour l'activité s'il est fait référence au revenu réel et si l'enveloppe financière est stabilisée à 4,1 milliards d'euros. La simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité est heureuse, comme celle des institutions représentatives. Je suis plus réservé sur les dispositions concernant le 1 % logement. La centralisation de sa gestion n'est pas adaptée aux besoins de nos territoires. Je vous renvoie à l'expérience de la Foncière logement...

Dans le même ordre d'idée, pourquoi imposer la création de commissions paritaires régionales ? Une énième coquille vide quand le dialogue social dans les entreprises de moins de onze salariés se fait au jour le jour. Et ce dialogue sera moins organisé dans les entreprises de onze à cinquante salariés... Certains membres du groupe UDI-UC ont déposé un amendement de suppression de l'article premier.

Enfin nous ne comprenons pas, dans la situation de l'emploi que nous connaissons, qu'on autorise certains à continuer à travailler jusqu'à soixante-dix ans alors qu'ils ont déjà acquis leurs droits à une retraite à taux plein.

Il est encore possible de profiter de ce texte pour engager le choc de compétitivité attendu ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Patricia Schillinger .  - Mondialisation et libéralisme, comme je le notais dans un récent rapport, ont bouleversé le pacte social dans les entreprises. Les inégalités salariales se creusent, les emplois atypiques se développent et les plus hautes rémunérations s'envolent. Dans le même temps, trop peu de salariés sont représentés par les syndicats...

Face à ce constat, le Gouvernement a oeuvré depuis 2012 : loi de sécurisation de l'emploi, réforme de la formation professionnelle, des prudhommes et de l'inspection du travail, pacte de responsabilité et de solidarité. Ce projet de loi s'inscrit dans cette ligne : valoriser le travail en donnant de nouveaux droits aux salariés. Nous nous en félicitons.

Avancée fondamentale, la représentation des 4,6 millions de salariés des TPE au sein des nouvelles commissions partenaires régionales interprofessionnelles. Celles-ci doivent être obligatoires dans les nouvelles treize grandes régions, nous déposerons un amendement en ce sens. Certains craignent une sorte de droit d'ingérence pour les membres de ces commissions ; pourtant, le texte est formel : l'employeur devra donner son autorisation.

Ce texte, pour moderniser le dialogue social, valorise l'engagement syndical. Notre taux de syndicalisation est faible. Moins de 8 % seulement -soit à peine mieux que l'Estonie- contre plus de 50 % en Belgique et dans les pays du nord, 37 % en Italie et 18 % en Allemagne. La valorisation du parcours des élus et délégués est bienvenue et permettra de lutter contre la crise des vocations.

Je me félicite que la parité femmes-hommes soit renforcée, comme la présence des salariés dans les conseils d'administration -nous proposerons de revenir au seuil de 1 000 salariés voté à l'Assemblée nationale. Le dialogue social sera rendu plus efficace avec le regroupement des obligations d'information et de consultation, l'adaptation des règles de représentation, la DUP -qui est regroupement et non fusion, le CHSCT conservant la personnalité morale. Nous proposerons de rétablir la reconnaissance du burn out, ou syndrome d'épuisement professionnel.

Nous saluons aussi la simplification du compte pénibilité, la création de la prime d'activité, le compte personnel d'activité, la reconnaissance du caractère exceptionnel de l'intermittence, le contrat « nouvelle chance » pour aider les chômeurs à retrouver un travail. Je veux aussi insister sur l'importance de la formation des managers.

Mettons du dialogue social là où il n'y en a pas, y compris dans nos assemblées. Aucune convention collective ne s'applique aux collaborateurs parlementaires. Monsieur le ministre, vous connaissez le sujet. Il faudra bien un jour avancer.

Le dialogue social ne constitue ni un frein à la compétitivité et à la croissance ni un recul des droits sociaux. Comme nous le voyons dans les pays du Nord, ce n'est pas une contrainte mais une plus-value. La commission européenne, après la crise, veut justement l'approfondir.

Si ce texte a suscité des inquiétudes, il marque un véritable progrès social. Jamais un Gouvernement ne s'était autant engagé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Aline Archimbaud .  - En ces temps difficiles, la qualité de vie au travail et la bonne santé pour tous concerne tous les salariés. Nous saluons la création des commissions paritaires régionales pour les 4,6 millions de salariés des TPE et, de manière générale, tous les articles qui améliorent la démocratie sociale.

En revanche, nous sommes plus réservés sur la délégation unique du personnel qui fusionnera les instances existantes.

M. François Rebsamen, ministre.  - Non, il les regroupera !

Mme Aline Archimbaud.  - D'abord parce qu'il sera créé à la seule initiative de l'employeur ; dans un tel texte, il devrait faire l'objet d'un accord. Ensuite à cause de la dilution des capacités d'action des CHSCT. Ces comités jouent le rôle de lanceurs d'alerte et font progresser le mieux être au travail. Ils ne doivent pas être les parents pauvres de la nouvelle instance.

Sous ces réserves, le groupe écologiste soutient le texte. (Applaudissements sur les bancs écologistes).

M. Dominique Watrin .  - Ce texte, dans la suite des lois de sécurisation de l'emploi et Macron, entérine un nouveau recul des droits des salariés. Le Gouvernement exonère toujours plus les employeurs de leurs responsabilités. Après l'augmentation de 500 millions du versement transport, le gel pendant trois ans du franchissement du seuil de onze salariés, vous affaiblissez le CHSCT, la représentation des salariés avec la délégation unique du personnel étendue où les mêmes devront tout faire. Quant aux nouvelles commissions paritaires régionales pour les salariés des TPE, vous oubliez de dire qu'elles seront très éloignées du terrain et auront peu de pouvoirs. Nous déposerons des amendements afin de garantir le même nombre d'heures de délégation aux représentants en cas de délégation unique du personnel et de conserver un CHSCT autonome.

Sous couvert de simplifier les procédures d'information et de négociation, vous avez fait disparaître toute discussion sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et même le rapport de situation comparée. En dépit de la mobilisation des associations et de quelques fortes personnalités, vous persistez...

La prime pour l'activité, dont l'enveloppe reste équivalente au RSA et à la PPE alors que le public visé est plus large, aura une trajectoire très aléatoire et ne s'attaque pas à la réalité du problème : la pauvreté dans le salariat. Mieux aurait valu revaloriser les salaires, dont le Smic, et inciter à la reconnaissance des diplômes et compétences.

Quant au régime des intermittents du spectacle, la commission a supprimé le dispositif d'élaboration des annexes 8 et 10... Ce qui ne correspond pas à l'accord qui a été trouvé.

Le Gouvernement parait bien proche de la droite sénatoriale. Question d'idéologie... Avec nos 85 amendements, nous continuerons, nous, de porter les valeurs de la gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, républicain et citoyen)

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ce texte a un titre un peu réducteur et un peu pompeux. En réalité, il agrège diverses mesures sociales. Des formules chocs souvent sans mesures concrètes... Il aurait pu être musclé par les annonces du 9 juin, qui seront vraisemblablement intégrées dans le projet de loi Macron. Attention, dans ce climat de défiance, au retour de manivelle si les actes ne suivent pas les paroles... Les Français attendent beaucoup de nous.

Depuis 2012, le nombre de chômeurs a augmenté de 615 000, soit 1 000 Florange... Les outsiders, pardon pour l'anglicisme, ont de plus en plus de mal à retrouver un emploi, tandis que les insiders sont toujours mieux protégés...

M. Jean Desessard.  - Tout est relatif !

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Cela aurait dû inciter les partenaires sociaux à négocier sur le dialogue social. Ils ont acté leur échec : situation hallucinante ! C'est comme si un garagiste refusait de réparer une voiture... Le regretté Edgar Faure disait de nos discussions budgétaires : litanie, liturgie, léthargie... Nous devons réagir, moderniser le dialogue social, qui ne se mène pas au bon niveau.

Alors que faire ? Comme disait Vladimir Ilitch... Le temps de la décision verticale est révolue, priorité à la base et au terrain. On compte 36 000 accords d'entreprise, tirons les leçons de l'échec du 22 janvier : mieux vaut un bon accord local qu'un mauvais accord national. Il faut appliquer la subsidiarité à la démocratie sociale. Pierre-Joseph Proudhon disait de bonnes choses sur le fédéralisme... Pour lui, le socialisme ne pouvait être que dans l'autogestion.

M. François Rebsamen, ministre.  - Je l'ai cru un temps...

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Conservons les principes fondamentaux du code du travail et laissons de la souplesse aux entreprises, comme l'a d'ailleurs proposé Robert Badinter dans son livre coécrit avec Antoine Lyon-Caen. Si, écrivent-ils, nous ne parvenons pas à dissiper la défiance actuelle et si nous continuons à penser que c'est à coup de lois successives qu'on réduira le chômage, nous continuerons sur la voie où nous sommes, qui mène hélas vers un avenir politique et social menaçant.

Au vu de ce renversement de paradigme, de cette perspective révolutionnaire, votre projet de loi parait bien conservateur. En dépit de votre ambition de lever les seuils, le texte est bien timide.

Certes la délégation unique de personnel (DUP) est rendue possible pour les entreprises de 200 à 300 personnes. Mais cela ne peut concerner que 3.000 entreprises et 600.000 salariés. Certes, un organe sui generis pourra voir le jour pour les entreprises de plus de 300 personnes. Mais rien sur les entreprises de 50 à 300 salariés. Et les entreprises de moins de 10 salariés subissent la mise en place de commissions qu'elles perçoivent comme un chiffon rouge. Bref, la souplesse introduite sur les plus de 200 a pour contrepartie la création de norme sur les moins de 200. Avec le passage à 11 salariés, se déclenchent 60 nouvelles obligations.

Les chefs d'entreprise sont déjà très attachés au dialogue social, gage de bien-être des salariés et donc d'efficacité. Ils sont inquiets sur les prérogatives et le pouvoir d'enquête des commissions paritaires régionales interprofessionnelles, que l'Assemblée nationale a encore élargis, à la demande de certains syndicats. Quand une centrale syndicale croit devoir exposer ses arguments au parlementaire que je suis en lui adressant un courrier recommandé avec accusé de réception, j'imagine la manière dont les syndicats s'adressent aux chefs d'entreprises !

Nous proposerons de supprimer l'article premier. Le compte personnel d'activité est un objet législatif non identifié, dont l'annonce coïncide avec la préparation d'un certain congrès...

M. Didier Guillaume.  - Chacun prépare ses congrès comme il peut. (Sourires)

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Au reste, qui va payer la portabilité des droits ? Un économiste qui n'est pas connu pour être de droite a qualifié ce texte de « pas de fourmi ». Nous déposerons des amendements pour lui faire faire, sinon des pas de géant, du moins des pas un peu plus grands. (Applaudissements à droite)

M. Olivier Cadic .  - Monsieur le ministre, il y a un an vous aviez demandé aux partenaires sociaux d'ouvrir une nouvelle négociation pour faciliter le dialogue social et améliorer la compétitivité des entreprises. Cinq mois plus tard, les négociations ont échoué et vous déposez ce projet de loi. Voilà qui est révélateur de l'échec du dialogue social dans notre pays.

À la fin, le Gouvernement décide ; le jacobinisme apparait toujours préférable au dialogue décentralisé. Faut-il se réjouir que 30 000 accords d'entreprises aient été signés en 2013 ? (On répond par l'affirmative à gauche) Non, car c'est le résultat de contraintes législatives. Robert Badinter, après tant d'autres....

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Saint Badinter ! (Sourires)

M. Olivier Cadic.  - ....vient de dénoncer la sclérose du code du travail. Autre cas de jacobinisme : le texte est passé de vingt-sept à cinquante-sept articles à l'Assemblée nationale ; et a été politisé : régime des intermittents du spectacle, créations de prime d'activité, DUP.

Le C3P, lui, est le véritable sparadrap législatif du Capitaine Haddock...

Mme Nicole Bricq.  - C'est Fillon !

M. Olivier Cadic.  - L'article premier est catastrophique. Mais alors que les entreprises sont déjà étouffées par la réglementation, le texte crée un nouveau machin : les CPRI. Une commission créant une autre commission, c'est digne des Shadoks.

Dans les TPE, le dialogue social doit avoir lieu directement entre les patrons et les employés. Les branches peuvent déjà les créer. Pourquoi les rendre obligatoires ? Pour faire plaisir aux syndicats ? Ils ne représentent que 5 % des salariés.

M. Didier Guillaume.  - .  - C'est la démocratie qui veut cela.

M. Olivier Cadic.  - Je ne voterai pas ce texte qui alourdit intentionnellement les procédures. (Applaudissements à droite)

M. Serge Dassault .  - Pouvez-vous croire que ce texte réduira le chômage qui n'a cessé de croitre depuis 2012 ? Les entreprises n'embauchent pas tant que leurs carnets de commandes sont vides.

Vous ne savez sans doute pas que les entreprises demandent avant tout qu'on les laisse travailler et gérer leur personnel comme elles l'entendent. C'est-à-dire embaucher quand elles en ont besoin et licencier quand le travail diminue. Aux États-Unis, les contrats de travail ne mentionnent aucune durée, c'est ce que l'on appelle la flexibilité du travail, dont les syndicats ne veulent pas et vous non plus, croyant qu'en limitant les licenciements, le chômage diminuera. Or c'est le contraire qui se produit car plus vous augmentez les contraintes sur les licenciements, moins les entreprises embaucheront.

Le Gouvernement gouverne avec le syndicats et non avec les entreprises et encore moins avec les salariés. Les syndicats refusent tout ce qui pourrait favoriser les embauches. Ils refusent de relever les seuils sociaux, ils refusent la flexibilité de l'emploi et préfèrent des contrats aidés, qui coutent des milliards et ne servent à rien.

Pour diminuer le chômage, encore faut-il qu'il y ait des entreprises qui créent des emplois. Le dialogue social ne doit pas répondre seulement aux revendications des syndicats, hostiles à tout assouplissement du droit de licenciement. Ce sont les salariés et les entreprises qui sont au coeur.

Les salariés ont un besoin de savoir : être informés sur la situation exacte de l'entreprise, sur ses résultats. Je m'y attachais quand je présidais Dassault électronique. Pour mieux appréhender les décisions liées au fonctionnement et à la gestion de l'entreprise, les salariés qui le souhaitent doivent bénéficier d'une véritable formation économique. Les salariés ont aussi un besoin de pouvoir, à satisfaire par la répartition des responsabilités. Chaque salarié aime pouvoir jouer un rôle dans l'entreprise. Il faut aussi satisfaire leur besoin de considération ; ils aiment que l'on s'intéresse à eux, qu'on les consulte, qu'on leur dise bonjour, qu'on installe leur environnement et leurs outils de travail à leur convenance. Bien sûr, ils ont aussi besoin d'avoir. C'est le problème le plus important mais qui ne peut se résoudre qu'avec les trois autres besoins. Il est de bon sens que les augmentations de salaires soient réalisées en fonction de la situation économique de l'entreprise, mais aussi par la participation. Celle-ci devrait être beaucoup plus importante que la formule obligatoire, datant de 1967 et accordant une part beaucoup trop faible des bénéfices.

M. Jean Desessard.  - Vous le reconnaissez !

M. Serge Dassault.  - Les salariés de Dassault bénéficient de primes et de participation, en plus du treizième mois. Augmenter le forfait social comme le propose le Gouvernement réduira encore la part des salariés. (Applaudissements à droite)

Mme Maryvonne Blondin .  - Enfin une loi conforte le régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle.

Que de temps a-t-il fallu ! Les intermittents sont les garants de notre diversité culturelle. La culture participe au bien-être social, à la vitalité de nos territoires. Que deviendrait-elle sans eux ?

Pourtant leurs droits sont mal pris en compte. Le président de la République a annoncé sa volonté de stabiliser leur régime. L'article 20 inscrit dans la loi la particularité des annexes 8 et 10 et sanctuarise le régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle, s'inscrivant par-là dans le prolongement des travaux engagés depuis 2007, notamment le rapport que j'ai co-écrit avec Marie-Christine Blandin. Nous nous réjouissons que le texte reprenne certaines de nos douze propositions. Le comité des experts a permis des avancées.

Je salue les progrès sur les matermittentes, dans la lignée de l'amendement que j'avais fait adopter l'an dernier par le Sénat et que l'Assemblée nationale avait repoussé.

Les CDDU, adaptés à la spécificité du monde du spectacle, restent l'objet d'abus. Pourquoi ne pas moduler le taux de cotisation des employeurs en fonction du taux de recours à ces contrats ? Ou alors pourquoi ne pas instaurer des CDII, dans le prolongement d'un précédent accord national interprofessionnel ?

Également quel parcours kafkaïen pour les intermittents du spectacle qui souhaitent faire valoir leurs droits sociaux. Je salue l'engagement du Gouvernement et ce texte, étape importante pour la sanctuarisation des droits des intermittents du spectacle. (Applaudissements sur les bancs écologistes, du groupe socialiste et républicain, ainsi que du RDSE)

M. Jean Desessard .  - La prime d'activité et le compte de pénibilité sont des avancées. Les écologistes ont toujours défendu le regroupement et le caractère universel des droits.

Plutôt que du saupoudrage, nous plaidons pour un revenu minimal, inconditionnel versé à tous les citoyens.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Un impôt négatif en somme.

M. Jean Desessard.  - Nous l'appelons revenu universel et y voyons un moyen d'éviter la lutte entre les classes...

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Michel Foucault et Milton Friedman réunis !

M. Jean Desessard.  - Le groupe écologiste salue la fusion du RSA-activité et de la PPE, ainsi que la fusion du compte personnel de formation et le compte épargne-temps -nous appelions cela, dans le temps, passeport social...

De même les mesures en faveur des intermittents du spectacle sont une avancée. Mais Marie-Christine Blandin et Corinne Bouchoux déposeront un amendement pour réaffirmer la place de la négociation interprofessionnelle.

Nous sommes enfin favorables à la reconnaissance du burn out comme maladie professionnelle, symptomatique qu'il est de la pression que le marché impose aux salariés.

Nous sommes favorables au texte qui nous vient de l'Assemblée nationale mais notre vote final dépendra de l'équilibre du texte à l'issue de nos travaux. (Applaudissements sur les bancs écologistes, du groupe socialiste et républicain, ainsi que du RDSE)

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Je suis tenté de vous applaudir...

Mme Anne Emery-Dumas .  - Ce texte s'inscrit dans la continuité de la loi de sécurisation de l'emploi et de la loi Macron. L'échec des négociations en janvier a contraint le Gouvernement à légiférer. Le dialogue social est l'allié et non l'ennemi de l'efficacité économique.

Je reviendrai sur un point : l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Après la loi du 4 août 2014, cette loi assure la représentation des femmes au sein des organisations professionnelles et des instances représentatives du personnel. Les organisations réfractaires perdront des sièges, à l'initiative du juge.

Le groupe socialiste et républicain déposera un amendement pour étendre la parité aux prud'hommes. Les articles 13 et 14 ont fait débat. L'accord national interprofessionnel avait préconisé un rapport de situation comparée. Celui-ci fera l'objet d'une rubrique spéciale dans le document de base des négociations annuelles.

Les informations transmises au comité d'entreprise devront intégrer toutes les mesures sur l'égalité entre les hommes et les femmes. La nouvelle négociation sur la qualité de vie ainsi que la mise à jour triennale sur les métiers en tienne compte. Nous voterons ce texte sans réserve. (Applaudissements sur les bancs écologistes, du groupe socialiste et républicain ainsi que du RDSE)

M. François Rebsamen, ministre.  - Je me félicite, madame la rapporteure, de votre soutien à certaines mesures de ce texte. Le dialogue social est la marque de fabrique de ce quinquennat. Pourtant, vous évoquez un manque de cohérence, à cause des seuils sociaux : nous tenons à respecter le préambule de la Constitution de 1946 et à assurer la représentation de tous. Le compte pénibilité a été simplifié. C'est essentiel car les droits ne sont efficacement exercés que s'ils sont lisibles.

Madame Laborde, merci de votre soutien. Comme vous, je crois que le dialogue social n'est pas l'ennemi de l'efficacité.

Monsieur Gabouty, c'est justement parce que les commissions paritaires fonctionnent dans le monde des artisans que nous les appliquons aux TPE. Le patronat y était d'ailleurs favorable. Les CPRI ne seront pas des comités Théodule mais des lieux de médiation utiles.

Oui, madame Schillinger, renouveler le dialogue social c'est donner de nouveaux droits aux salariés. Les CPRI sont une avancée, l'idée est d'ailleurs envisagée depuis longtemps. J'espère comme vous que nous changerons les mentalités : dans les pays du Nord, le dialogue social est valorisé.

Monsieur Watrin, je ne partage pas votre avis : les droits des salariés ne reculent nullement avec ce texte. Ce n'est certes pas une révolution ; je préfère les évolutions aux révolutions. Quant aux CHSCT, ils ne disparaissent pas. Être de gauche, n'est pas être figé dans l'existant, ni fétichiste d'organisations dépassées. (Mme Laurence Cohen proteste)

Le CHSCT sera partie intégrante de la DUP, madame Archimbaud, et la qualité de vie au travail sera un des trois volets de négociation obligatoire.

Monsieur Cadic, l'échec des négociations n'est pas l'échec du dialogue social. Il est légitime parfois que le Gouvernement reprenne la main. Votre défiance à l'égard des syndicats est excessive.

Monsieur Lemoyne, je note que vous êtes désormais partisan de la révolution. (Sourires) Certes 36 000 accords sont signés chaque année, mais il faut la loi pour fixer un cadre et pour rassurer. Les CPRI sont adaptées aux spécificités des TPE. Mises en oeuvre à titre expérimental en PACA, elles ont bien fonctionné. Les chefs d'entreprise n'ont pas de craintes à avoir sur leurs prérogatives. Non, ce texte n'a rien à voir avec le congrès du parti socialiste, il s'agit d'aller ensemble vers un droit universel tout au long de la vie professionnelle.

Je partage l'intérêt de M. Dassault pour l'intéressement et la participation des salariés.

Le Gouvernement est aussi, madame Blondin, attaché à la culture.

Monsieur Desessard, notre volonté de simplification est conforme à la vôtre. Ce texte aboutit à un équilibre, fragile mais réel.

Madame Emery-Dumas a eu raison de rappeler que l'accord national interprofessionnel avait intégré le rapport de situation comparée dans la base unique de données économiques et sociales. Toutes les dispositions seront maintenues.

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°186, présentée par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

En application de l'article 44 alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, relatif au dialogue social et emploi (n° 502, 2014-2015).

Mme Laurence Cohen .  - La situation économique et sociale est telle qu'un seul texte ne peut tout résoudre. Il est à mettre à l'actif du gouvernement que vous suivez une politique très cohérente même si la succession des dispositifs peut donner une impression d'improvisation, de tâtonnements, de fébrilité. En effet, toutes ces mesures ne simplifieront en rien la vie des salariés mais réduiront, à coup sûr, leurs droits. Je pourrais citer pêle-mêle, I'ANI sur la sécurisation des parcours professionnels, le fameux CICE présumé stimuler l'emploi, la loi sur l'égalité entre les femmes et les hommes, la loi Macron. Toutes ces mesures apparemment disparates nivellent par le bas les droits des salariés, sans parvenir à endiguer la hausse du chômage qui atteint un chiffre record. Certes, le contrat nouvelle chance ou les contrats aidés pour les seniors sont des avancées. Mais pour créer des emplois, il faut des carnets de commandes remplis. La première mesure à prendre serait donc de stopper l'hémorragie des dotations aux collectivités locales.

L'AMF a également calculé que la chute de l'investissement public local se traduisait par une perte sèche de 4,3 milliards d'euros pour le tissu économique local. De même, les entreprises préfèrent verser des dividendes plutôt que d'embaucher, à l'image de Total, en dépit de ses 22 milliards de liquidités.

Une seule lecture par chambre, et si peu de temps de discussion générale, c'est inacceptable. Notre motion est motivée non parce que la discussion est nulle et non avenue, mais parce que vous imposez une procédure accélérée peu démocratique et irrespectueuse du travail parlementaire, et sur le fond, parce que le projet de loi intervient alors que les discussions entre partenaires sociaux ont abouti à une impasse. Il n'y a pas si longtemps, on nous a demandé d'entériner sans changement un ANI parce qu'il convenait au Medef. Aujourd'hui, le Gouvernement transcrit dans la loi ce qui aurait dû figurer dans un accord. Drôle de conception du débat démocratique. Ce texte est tout sauf une amélioration du dialogue social.

La DUP réduit les lieux de dialogue, alors que les droits du personnel sont sans cesse attaqués par un patronat arrogant. Attaques contre le code du travail, affaiblissement de l'inspection et de la médecine du travail... cela ne nous rassure guère. La menace du chômage est une cruelle réalité. Les salariés ont le sentiment de n'être pas entendus : il a fallu beaucoup de protestations aux salariés hospitaliers de l'AP-HP, par exemple, avant qu'un semblant de dialogue soit envisagé ! De même il a fallu que bien des féministes se manifestent pour que le Gouvernement annonce qu'il conservait les acquis de la loi Roudy... Nous verrons.

Le dialogue social conditionne le climat social et la productivité : nous nous rejoignons sur ce point, monsieur le ministre. Mais avec les commissions paritaires régionales, dans de grandes régions, vous réduisez le temps de discussion à six secondes par salarié... Est-ce raisonnable ? Les décisions prises produisent les effets inverses à ceux recherchés. Le Larousse définit le dialogue comme un échange permettant d'arriver à un accord ; la visioconférence ne le favoriserait pas. Imagine-t-on un débat parlementaire par visioconférence ? La moindre périodicité des réunions n'est pas non plus un progrès.

Le Préambule de la Constitution de 1946 indique que tout travailleur participe à la détermination collective des conditions de travail et à la gestion de l'entreprise. Appliquez-le ! D'où cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Catherine Procaccia, rapporteur.  - Ne pas débattre de ce texte serait renier le rôle du Sénat. Avis défavorable.

M. François Rebsamen, ministre ,  - Je ne peux laisser passer autant d'inexactitudes. Un projet « néfaste », de « graves dangers pour les droits syndicaux », dit l'objet de votre motion : mais où sont les grandes manifestations devant l'entrée du Sénat, si tel est le cas ? Il s'agit au contraire de rendre les mandats syndicaux plus attrayants : avec 7,5 % de syndicalisation parmi les salariés, il est grand temps. Prise en compte des mandats lourds, valorisation des compétences, utilisation des heures de délégation, ce n'est pas rien.

Vous parlez aussi d'instances qui auront des attributions différentes : mais c'est déjà le cas ! Toutes les organisations syndicales ne sont pas favorables à ce texte, mais aucune ne juge que ce texte « dégrade » la situation. Je n'ai à aucun moment entendu de tels termes. Enfin, il est des pays où l'on pratique le contrat zéro heure. Ce n'est pas le cas de la France, que je sache...

Mme Patricia Schillinger.  - Le groupe socialiste et républicain est défavorable à cette motion, pour les raisons précédemment exposées et celles avancées par le ministre.

M. René-Paul Savary.  - Nous voterons également contre la motion. Faire coexister des instances de représentation aux attributions différentes n'est pas une mauvaise chose. Ce projet de loi contient des dispositions qui je l'espère apporteront tout de même un gain -la DUP par exemple.

M. Olivier Cadic.  - Même vote. La délégation du Sénat aux entreprises s'est déplacée à Londres et a rencontré nombre d'entreprises sur place. Notre rapport comportera des développements sur les contrats zéro heure ; ils n'impliquent pas que le salarié travaille effectivement zéro heure...

À la demande du groupe communiste, citoyen et républicain, la motion est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°210 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 19
Contre 324

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - La commission des affaires sociales souhaite disjoindre de la discussion des amendements l'examen de l'amendement n°159 à l'article 8, pour la clarté des débats.

M. le président.  - Il n'y a pas d'opposition ? Il en est ainsi décidé.